DÉFINITION, HISTOIRE ET CARACTÈRE DU DROIT ADMINISTRATIF
La pluralité de définitions montre la difficulté à circonscrire le champ du droit administratif. Chaque approche met en lumière des aspects différents, mais aucun ne parvient à intégrer toutes les nuances de cette branche juridique.
- Georges Vedel : Suggère de distinguer le droit administratif public (activités d’intérêt général exercées par des personnes publiques) et le droit administratif privé (missions d’intérêt général confiées à des entités privées).
- Cette distinction n’a cependant pas été reprise par la majorité des auteurs.
- Gaudemet : Prône une vision restreinte, limitant le droit administratif à son noyau dur : les règles dérogatoires au droit commun.
Le droit administratif, bien qu’il s’inscrive dans le cadre général du droit public, est une branche autonome qui se distingue nettement du droit privé. Cette autonomie, affirmée depuis l’arrêt Blanco (Tribunal des Conflits, 1873), repose sur des règles spécifiques adaptées à la mission première de l’administration : servir l’intérêt général. Cependant, cette autonomie n’est ni absolue ni hermétique, le droit administratif ayant historiquement évolué en lien avec le droit privé.
I. L’autonomie du droit administratif
1. L’arrêt Blanco : fondement de l’autonomie
- Fiches de droit public (L1) et de droit administratif
- Définition, condition d’existence et forme de l’État
- La forme, le contenu et l’élaboration de la Constitution
- Le contrôle de constitutionnalité
- La séparation des pouvoirs
- Les différents types de régimes politiques
- Définition, caractère et histoire du droit administratif
- Contexte : En 1873, le Tribunal des Conflits établit dans l’arrêt Blanco que les litiges engageant la responsabilité de l’administration relèvent de règles spécifiques, distinctes de celles du droit privé.
- Principes posés :
- Autonomie du droit administratif : Le droit administratif ne peut être régi par les normes du droit privé.
- Finalité spécifique : Ce droit est conçu pour répondre aux exigences de l’intérêt général, ce qui justifie des règles dérogatoires.
2. Un droit dérogatoire du droit commun
- Le droit administratif s’est historiquement construit à partir du droit privé, mais en s’en éloignant progressivement :
- Il adapte ou rejette les principes du droit privé pour répondre aux besoins spécifiques de l’administration.
- Par exemple, les notions de contrats ou de responsabilité civile sont reconfigurées pour s’adapter au fonctionnement administratif.
- Cependant, il n’existe pas de cloisonnement absolu entre droit administratif et droit privé.
- Exemple : Certaines activités de l’administration (comme la gestion de son domaine privé) relèvent du droit privé.
II. Un droit jurisprudentiel à l’origine
1. Une création par les juges
- Aux XIXᵉ et XXᵉ siècles, le droit administratif était essentiellement jurisprudentiel.
- Rôle créateur du juge administratif : Face à l’absence de textes, le juge (notamment le Conseil d’État) a élaboré des règles adaptées pour combler les lacunes.
- Cette jurisprudence a posé les principes fondamentaux du droit administratif.
- Exemple :
- L’arrêt Cadot (1889) consacre le Conseil d’État comme juge administratif exclusif, mettant fin au système du ministre-juge.
2. Multiplication et codification des textes
- Avec le temps, le droit administratif a vu une multiplication des textes législatifs et réglementaires, notamment pour encadrer des domaines spécifiques comme l’urbanisme, l’environnement ou les marchés publics.
- Confirmation par le législateur : Ces textes reprennent souvent des principes déjà dégagés par la jurisprudence.
- Codification : L’organisation de ces textes sous forme de codes (par exemple, le Code général des collectivités territoriales) a renforcé leur accessibilité et leur systématisation.
Chapitre 1. Définition du droit administratif.
À la fin du XIXᵉ siècle et au début du XXᵉ, deux courants majeurs de pensée ont marqué la doctrine du droit administratif. Ces écoles classiques, incarnées par Léon Duguit et Maurice Hauriou, restent d’actualité et continuent d’éclairer les fondements théoriques du droit administratif. Tandis que l’école de Duguit met en avant la finalité du service public, celle de Hauriou insiste sur les prérogatives de puissance publique.
Section 1. Les écoles classiques.
I. L’École du Service Public : Léon Duguit
1. Fondement de la pensée de Duguit
- Léon Duguit (1859-1928), doyen de la faculté de droit de Bordeaux, conçoit le droit administratif à partir de sa finalité, qui est la poursuite de l’intérêt général.
- Selon Duguit, le service public est au cœur du droit administratif.
- Il représente l’instrument par lequel l’administration réalise l’intérêt général.
- L’administration agit de manière désintéressée, sans rechercher un bénéfice, dans l’objectif de répondre aux besoins collectifs des citoyens.
2. Le rôle central du service public
Pour Duguit, la notion de service public permet de :
- Définir les missions de l’administration : gestion des écoles, des hôpitaux, des transports publics, etc.
- Légitimer les actions administratives : Toute intervention de l’administration doit se justifier par la satisfaction de l’intérêt général.
3. Limites de la pensée de Duguit
- Bien que la finalité du service public soit essentielle, cette vision peut paraître réductrice :
- L’administration exerce également des activités de gestion ou de régulation qui ne relèvent pas toujours directement du service public (par exemple, la gestion de son domaine privé).
II. L’École de la Puissance Publique : Maurice Hauriou
1. Fondement de la pensée de Hauriou
- Maurice Hauriou (1856-1928), doyen de la faculté de droit de Toulouse, propose une conception différente : il définit le droit administratif par les moyens dont dispose l’administration, en particulier les prérogatives de puissance publique.
- Ces prérogatives permettent à l’administration d’imposer l’intérêt général face à des résistances individuelles.
2. Les caractéristiques des prérogatives de puissance publique
- Les prérogatives de puissance publique confèrent à l’administration des pouvoirs exorbitants, inaccessibles aux particuliers :
- Pouvoir réglementaire : Édicter des règles obligatoires pour les citoyens.
- Pouvoir de contrainte : Forcer un particulier à faire ou à ne pas faire quelque chose.
- Pouvoir d’expropriation : Retirer à un particulier sa propriété contre une indemnisation, dans un but d’intérêt général.
- Ces moyens permettent à l’administration de surmonter les intérêts particuliers qui pourraient s’opposer à l’intérêt général.
3. La finalité des prérogatives
- Pour Hauriou, ces pouvoirs exceptionnels doivent être exercés dans une logique de service au public.
- Critique de l’absolutisme monarchique : Hauriou rappelle qu’auparavant, ces moyens servaient à renforcer l’autorité du roi.
- Service et non oppression : L’administration moderne doit utiliser ses moyens pour servir la population, non pour l’assujettir.
III. Une complémentarité entre les deux écoles
Bien que divergentes dans leur approche, les doctrines de Duguit et Hauriou se rejoignent sur plusieurs points :
Critères | Léon Duguit : Service Public | Maurice Hauriou : Puissance Publique |
---|---|---|
Fondement | La finalité de l’administration est l’intérêt général. | Les moyens de l’administration reposent sur des prérogatives exorbitantes. |
Focus | Missions désintéressées pour le bien commun. | Pouvoirs exceptionnels permettant d’imposer l’intérêt général. |
Finalité partagée | La poursuite de l’intérêt général comme objectif commun. | Les moyens de l’administration doivent servir le public. |
IV. Exemples concrets d’application des deux doctrines
1. Le service public comme justification des actions administratives
- Exemple : Les écoles publiques :
- La gestion des établissements scolaires illustre la notion de service public : offrir un accès équitable à l’éducation.
- Cette mission, désintéressée et centrée sur l’intérêt général, reflète la pensée de Duguit.
2. La puissance publique pour surmonter les résistances individuelles
- Exemple : L’expropriation :
- Lorsqu’un propriétaire refuse de céder son terrain pour la construction d’une route, l’administration utilise son pouvoir d’expropriation pour imposer l’intérêt général.
- Ce pouvoir exorbitant illustre la pensée de Hauriou, selon laquelle l’administration doit pouvoir contraindre pour servir le public.
Section 2. La doctrine moderne
Par ailleurs, la doctrine moderne essaye de donner une définition à partir de la notion d’administration en faisant une distinction entre l’approche organique et matérielle ou fonctionnelle.
A) L’approche organique. Définir l’administration par les personnes
1. Les personnes publiques comme point central
L’approche organique définit l’administration par ses acteurs : les personnes publiques chargées de missions de service public.
- L’État : Institution des institutions selon Maurice Hauriou, il est la personne publique par excellence.
- Les collectivités infra-étatiques :
- Communes, départements, régions.
- Chargées de missions locales, elles incarnent la décentralisation.
- Les établissements publics :
- Structures spécialisées dotées de missions spécifiques, comme les universités ou les hôpitaux publics.
2. Problème de l’approche organique
Cette définition pose des limites, car certaines personnes privées exercent des missions de service public ou d’intérêt général, par exemple :
- Sociétés d’autoroute : Concessionnaires chargés de l’entretien et de la gestion d’infrastructures publiques.
- Associations : Actives dans des domaines sociaux, comme l’insertion d’anciens détenus ou l’aide aux personnes handicapées.
Ces entités privées sont soumises partiellement au droit administratif pour leurs missions publiques, mais relèvent du droit privé pour leurs activités ordinaires. Cela crée une zone grise, difficile à intégrer dans une définition purement organique.
B) L’approche fonctionnelle. Définir l’administration par ses missions
1. Une vision axée sur l’activité
L’approche fonctionnelle, également appelée matérielle, considère l’administration comme une fonction :
- Critère central : L’administration est définie par son but d’intérêt général, indépendamment de la personne (publique ou privée) qui l’exerce.
- Selon cette approche, le droit administratif est le droit applicable à toute activité visant l’intérêt général, qu’elle soit réalisée par l’État, une collectivité territoriale, un établissement public ou une entité privée.
2. Contribution doctrinale
- Léon Duguit : Définit le droit administratif par sa finalité, en insistant sur le rôle central de l’intérêt général dans les activités administratives.
- Exemples :
- La construction et la gestion d’autoroutes, confiées à des sociétés privées.
- Les missions d’insertion sociale menées par des associations.
3. Limites de l’approche fonctionnelle
- Problème des activités privées de l’administration :
- Certaines activités administratives ne relèvent pas de l’intérêt général, comme la gestion du domaine privé de l’administration (appartements ou terrains loués).
- Ces activités, bien que réalisées par des personnes publiques, ne justifient pas l’application du droit administratif.
- Cette approche révèle une zone fluctuante :
- Un noyau dur : Activités exclusivement dédiées à l’intérêt général (gestion des services publics essentiels).
- Une zone périphérique : Activités administratives proches du secteur privé, soumises parfois au droit privé.
Chapitre 2. L’Histoire du droit administratif.
Le Droit Administratif actuel doit être replacé dans son contexte historique.
Section 1. L’ancien régime.
1. Une organisation rudimentaire
Sous l’Ancien Régime, l’administration publique est à un état embryonnaire, mais certains éléments préfigurent déjà les structures administratives modernes :
- Organisation centralisée et hiérarchisée :
- Tout le pouvoir administratif émane du roi, garantissant une administration unifiée et centralisée.
- Les principaux acteurs administratifs :
- Les conseillers du roi : Organes centraux, préfigurant le futur Conseil d’État.
- Les intendants : Agents locaux du roi, ancêtres des préfets, responsables de l’application des décisions royales dans les provinces.
- Corps spécialisés : Création de services dédiés à des secteurs particuliers comme les mines, les eaux et forêts, ou les ponts et chaussées, annonçant les ministères spécialisés.
2. Limites et contestations
- L’administration de l’Ancien Régime était inégalitaire, marquée par des privilèges locaux et des disparités dans la gestion territoriale.
- Les parlements, cours de justice régionales, s’opposaient fréquemment aux réformes royales, freinant l’efficacité administrative.
Section 2. La Révolution.
1. La table rase de l’Ancien Régime
La Révolution opère une rupture avec le passé en mettant en place une administration uniforme, égalitaire et centralisée :
- Principes révolutionnaires fondamentaux :
- Égalité : Abolition des privilèges, égalité des citoyens devant la loi et l’administration.
- Liberté : Garantie des libertés individuelles et économiques.
- Organisation territoriale :
- Création des départements, d’égale importance, et des communes, toutes dotées d’une administration identique, quel que soit leur taille.
2. La séparation des autorités administratives et judiciaires
- Motivations révolutionnaires :
- Empêcher toute immixtion du pouvoir judiciaire dans l’exécutif, conformément aux idées de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs.
- Réaction aux abus des parlements sous l’Ancien Régime, accusés de s’opposer aux réformes royales et de menacer la Révolution.
- Textes fondateurs :
- La loi des 16 et 24 août 1790 consacre la séparation des autorités administratives et judiciaires.
- Le décret du 16 fructidor an III (1795) interdit formellement au juge judiciaire de connaître des affaires administratives.
- Conséquences immédiates :
- L’administration est soustraite au contrôle des juges judiciaires.
- Les litiges administratifs ne trouvent cependant pas encore de juridiction spécifique, laissant à l’administration le soin de juger ses propres affaires.
Section 3. L’œuvre de l’an VIII.
1. Le système du ministre-juge
- En l’absence de juridictions administratives, l’administration était juge et partie dans les litiges.
- Ministre-juge : Chaque ministre tranchait les affaires relevant de son domaine.
- Limite majeure : Ce système manquait d’impartialité, l’administration se jugeant elle-même.
2. La création du Conseil d’État
- Origines : Créé sous l’an VIII (1799), il succède au Conseil du Roi, mais avec une vocation plus large.
- Rôle initial :
- Conseiller le gouvernement : Avis sur les projets de lois et règlements.
- Évolution progressive : Bien que consultatif à l’origine, le Conseil d’État posera les bases de la juridiction administrative, notamment en tranchant des litiges entre particuliers et administration.
- Importance historique : Le Conseil d’État est le précurseur de la justice administrative moderne.
3. Les Conseils de préfecture
- Créés au niveau départemental, ils exercent un rôle juridictionnel limité :
- Conseiller le préfet.
- Trancher certains litiges administratifs locaux.
4. L’organisation territoriale centralisée
- Napoléon reprend et affine l’organisation révolutionnaire, instaurant une administration uniforme :
- Départements : Dirigés par un préfet, représentant direct du pouvoir central, doté de larges pouvoirs.
- Arrondissements : Sous la responsabilité d’un sous-préfet.
- Communes : Administrées par un maire.
- Uniformité et centralisation : Tous les agents de l’administration étaient nommés par le pouvoir central.
5. Création de services administratifs spécialisés
- Napoléon organise des services administratifs spécialisés, centralisés et souvent inspirés du modèle militaire :
- Exemple : Les ingénieurs des ponts et chaussées, chargés des infrastructures nationales.
- Les agents portaient un uniforme, soulignant la discipline et l’autorité de ces services.
Section 4. L’évolution à compter de la fin du 19ème, début 20ème
L’histoire du droit administratif à partir de la fin du XIXᵉ siècle illustre une transformation progressive des fonctions de l’État et de l’administration, influencée par des changements sociaux, économiques, et politiques. Cette période marque l’affirmation de la juridiction administrative, la naissance de l’État providence, et l’adaptation à de nouveaux enjeux, tels que la décentralisation et la construction européenne.
I. L’affirmation du Conseil d’État comme juridiction administrative
1. L’arrêt Cadot (1889) : la fin de l’administration-juge
- Avant 1889, l’administration pouvait juger ses propres litiges, notamment par le biais des ministres.
- Avec l’arrêt Cadot, le Conseil d’État devient le juge exclusif des affaires administratives, mettant fin au système de l’administration-juge.
- Conséquences :
- L’administration perd toute fonction juridictionnelle.
- Le Conseil d’État s’affirme comme une juridiction indépendante et protectrice des citoyens face à l’arbitraire administratif.
2. La création du Tribunal des Conflits
- Afin de résoudre les problèmes de compétence entre les juridictions administrative et judiciaire, le Tribunal des Conflits est créé.
- Cette institution garantit une répartition claire entre le droit administratif et le droit privé.
3. L’émergence d’un droit protecteur des citoyens
- Le Conseil d’État rend des arrêts qui protègent les droits des administrés face à l’administration.
- Exemple clé : le recours pour excès de pouvoir (REP) : Permet aux citoyens de contester les actes administratifs qu’ils estiment illégaux.
- Extension aux agents publics : Les fonctionnaires peuvent également contester les décisions de leur hiérarchie.
- Le droit administratif se développe sous l’impulsion de la jurisprudence, devenant un outil de protection des libertés individuelles.
II. Les transformations sociétales et le rôle croissant de l’État
1. L’État gendarme à l’État providence
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Avant 1914 : l’État gendarme
- L’État se limite à ses fonctions régaliennes : sécurité, ordre public, justice.
- Les activités économiques sont essentiellement laissées au secteur privé, bien que l’État intervienne discrètement dans certains domaines stratégiques.
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Après la Première Guerre mondiale
- La guerre bouleverse l’économie, obligeant l’État à intervenir directement (gestion des chemins de fer, distribution alimentaire).
- Les citoyens s’habituent à cet interventionnisme, qui devient un outil pour répondre aux crises économiques et sociales.
-
Après la Seconde Guerre mondiale
- L’État providence s’affirme pleinement, prenant en charge des secteurs clés :
- Nationalisations : Renault, énergie, transports.
- Création de services publics : Distribution d’électricité, gaz, transports urbains, etc.
- Les collectivités locales participent également à cet effort, gérant des infrastructures essentielles au quotidien des citoyens.
- L’État providence s’affirme pleinement, prenant en charge des secteurs clés :
2. Les théoriciens du droit administratif
Des figures majeures contribuent à la systématisation du droit administratif :
- Maurice Hauriou : Défenseur de l’idée que le droit administratif repose sur les prérogatives de puissance publique.
- Léon Duguit : Fonde le droit administratif sur la notion de service public, essentiel pour répondre aux besoins d’intérêt général.
- Édouard Laferrière : Dégage les principes fondamentaux du contentieux administratif.
III. L’évolution moderne : de la centralisation à la décentralisation
1. La continuité du modèle centralisé
- L’organisation centralisée établie sous Napoléon se maintient avec :
- Les départements dirigés par des préfets.
- Une hiérarchie forte entre l’État central et les collectivités locales.
2. La décentralisation des années 1980
-
L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 introduit un processus de décentralisation.
- Création de collectivités territoriales autonomes, dotées de compétences élargies.
- Les communes, départements, et régions deviennent des acteurs majeurs dans la gestion des affaires locales.
-
Impact sur le droit administratif :
- Le droit s’adapte à la coexistence entre État central et collectivités décentralisées.
- Les compétences partagées entre ces entités nécessitent une clarification constante.
IV. L’impact de la construction européenne sur le droit administratif
1. La montée en puissance du droit de la concurrence
- Dès les années 1980, la construction européenne bouleverse les pratiques administratives :
- Avènement du marché unique : Suppression des frontières économiques.
- Droit de la concurrence : L’État doit se conformer aux règles européennes, interdisant les monopoles et favorisant la concurrence.
2. Privatisations et désengagement de l’État
- Face à la concurrence du secteur privé, l’État privatise certains services publics, comme les télécommunications ou les transports.
- Les collectivités territoriales prennent le relais dans certaines activités, renforçant leur autonomie.
3. Un nouveau rôle pour l’État
- L’État devient un régulateur de l’économie, garantissant un cadre légal pour la concurrence tout en préservant l’intérêt général.
- Le droit administratif s’adapte à ce rôle en intégrant des principes issus du droit européen.
Chapitre 3. Les caractères du droit administratif.
Le droit administratif se distingue des autres branches du droit par deux caractéristiques principales :
- Son origine jurisprudentielle, qui en fait un droit évolutif et largement façonné par les juges.
- Son déséquilibre structurel, où l’administration dispose de prérogatives particulières mais est tenue d’agir dans un cadre légal strict.
1. Un droit jurisprudentiel.
1. La construction jurisprudentielle du droit administratif
- Le droit administratif a été principalement créé et développé par le Conseil d’État et, dans une moindre mesure, par le Tribunal des conflits.
- À son origine, il ne comportait pas de normes écrites : les juges administratifs, confrontés à des litiges en l’absence de lois applicables, ont dû créer des règles de droit.
-
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Exemple clé : L’arrêt Blanco (1873), qui pose les bases de l’autonomie du droit administratif par rapport au droit privé.
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2. La fonction créatrice du juge administratif
- En droit privé, les juges ne peuvent qu’interpréter la loi.
- En droit administratif, il est admis que les juges soient créateurs de normes, notamment dans les cas où aucune loi n’encadre la situation litigieuse.
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Les décisions du Conseil d’État ont souvent une portée générale et créent des principes applicables au-delà du cas individuel.
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3. Rôle du rapporteur public
- Les décisions du juge administratif sont souvent courtes et obscures, nécessitant une interprétation approfondie.
- Le rapporteur public (anciennement commissaire du gouvernement) éclaire ces décisions en donnant son avis en toute indépendance. Ses conclusions permettent de comprendre les raisonnements juridiques sous-jacents.
4. Avantages et inconvénients d’un droit jurisprudentiel
- Avantages :
- Le droit administratif est d’une grande souplesse, car la jurisprudence peut évoluer avec les transformations de la société.
- Les juges adaptent les règles aux besoins actuels, assurant une application pragmatique et dynamique.
- Inconvénients :
- L’évolution constante du droit jurisprudentiel crée une insécurité juridique, car les règles peuvent changer au gré des nouvelles décisions.
- Les administrés doivent souvent attendre une clarification ou une confirmation par la loi ou d’autres décisions judiciaires.
5. Évolution vers un droit moins jurisprudentiel
- Le droit administratif a vu une augmentation des lois et des règlements qui encadrent les activités administratives.
- Cependant, ces textes s’inspirent souvent des principes dégagés par la jurisprudence, illustrant l’influence durable du juge administratif dans la construction de ce droit.
2. Un droit déséquilibré.
1. La supériorité de l’administration
Contrairement au droit privé, où les parties sont juridiquement égales, le droit administratif met en jeu des rapports déséquilibrés :
- L’administration est la partie forte :
- Elle dispose de prérogatives de puissance publique, lui permettant d’imposer ses décisions, parfois de manière coercitive.
- Exemples :
- Le pouvoir d’expropriation.
- La possibilité d’édicter des règlements obligatoires.
- Le particulier est la partie faible : Il subit les décisions administratives et peut seulement les contester a posteriori devant les juridictions compétentes.
2. Les limites au pouvoir de l’administration
Bien que puissante, l’administration n’est pas toute-puissante. Elle est soumise à plusieurs contraintes spécifiques :
- Obligation de respecter l’intérêt général :
- Toutes ses actions doivent viser l’amélioration du bien commun et non des intérêts particuliers.
- Elle ne peut pas agir de manière arbitraire ou détournée de cet objectif.
- Contrôle juridictionnel :
- Les particuliers peuvent contester les actes administratifs illégaux par un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.
- Exemples d’annulations : Un permis de construire illégal, une décision disciplinaire abusive.
- Encadrement par des textes : La multiplication des lois et règlements réduit la marge de manœuvre discrétionnaire de l’administration.