LES MARCHÉS PUBLICS
Un marché public est un contrat administratif conclus à titre onéreux entre un organisme public et un fournisseur ou un prestataire pour répondre aux besoins d’un organisme public en matière de travaux, de fournitures ou de services. Les marchés qui répondent a un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 25 000 € HT doivent être conclus par écrit. Définition de l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics – Article 4 (définition des marchés publics).
Introduction aux marchés publics
Ils sont particulièrement importants pour deux raisons essentielles. Le premier est leur poids économique (10% du PIB français, 15% du PIB de l’Union européenne). La seconde est leur caractère de référence en droit des contrats administratifs qui est lié à l’histoire progressive du droit des contrats administratifs car les premiers contrats administratifs sont des contrats. Aussi, au recueil Lebon, la rubrique concernant le droit des contrats administratifs s’appel « marchés et contrats administratifs ». Pour une délégation de service public, la gestion du service public suppose une justification particulière, aussi pour les contrats de partenariats public-privé. En droit de l’Union européenne, la seule différence est le mode de rémunération entre les deux contrats de ce droit.
En matière de droit des marchés publics, il existe un code des marchés public associés à une série de cahiers des charges qui déterminent les principales dispositions applicables aux grandes catégories de marchés publics. En droit français, la première codification de la réglementation des marchés publics date de 1964 et a eu pour objet de donner une réglementation cohérente qui au moins à l’origine est centré sur l’acteur public pour le protéger contre lui-même. C’est la grande idée que c’est un droit de la demande publique. Il s’agissait donc de préserver les intérêts de l’administration. En revanche, le droit de l’Union européenne est fondamentalement économique et centré sur les opérateurs économiques dans le but de maintenir un marché concurrentiel. C’est donc un droit de l’offre où l’aspect marchand l’emporte sur l’aspect public.
- Les contrats administratifs
- Histoire et actualité du droit des contrats administratifs
- Le droit européen et les contrats administratifs
- Les principes constitutionnels du droit des contrats administratifs
- Influence du droit civil et commercial sur le contrat administratif
- L’identification du contrat administratif
- Les critères du contrat administratif
Cela explique que le droit français a du faire un choix dans la transposition : reprendre simplement le droit de l’Union européenne ou le combiner avec le droit interne mais au prix de confusions. La seconde option a été choisie. Cela fait que le code des marchés publics est plus complet que la réglementation européenne car il vise la passation du contrat mais aussi l’exécution et le contrôle des marchés publics. Depuis 2001, le souhait a été de rapprocher de plus en plus. Il existe certaines souplesses. Les nouvelles directives de 2014 sur les marchés sont interprétées comme un rapprochement supplémentaire du droit de l’Union européenne avec le droit français. On a notamment une intention nouvelle de l’Union européenne sur les PME, volonté du gouvernement français.
Il y a une ambiguité sur le champ d’application car le code des marchés publics ne vise que certaines personnes alors que la définition européenne du pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice est plus large et générale. L’ordonnance du 6 juin 2005 régit les marchés passés par les personnes publiques ou privées qui ne sont pas soumises au code. La question en matière de contentieux est celle de sécurité juridique car les règles entre le code et l’ordonnance sont quasi semblables et donc on se demande si les règles du code s’appliquent aux cas de l’ordonnance.
La définition des marchés publics
En cas de discordance entre le droit de l’Union européenne et le droit interne, le droit interne est en sursit sauf si on est en dessous des seuils prévus par le droit de l’Union européenne. Ces seuils viennent d’être révisés en droit français : règlement européen du 13 décembre 2013 qui a fait l’objet d’une révision de l’article 26 du code des marchés publics par un décret du 26 décembre 2013 qui distingue trois hypothèses : les marchés publics en matière de travaux (5 186 000€ hors taxe), les marchés publics en matière de services et fournitures de l’Etat (134 000€ hors taxe) et les marchés publics en matière de fournitures des collectivités territoriales (207 000€ hors taxe). Malgré des seuils, le droit de l’Union européenne peut tout de même se saisir du contrat qu’il intéresse le marché commun.
P1- Le critère organique
C’est la même logique pour les marchés publics et les concessions en droit de l’Union européenne.
A- Le cocontractant
Le cocontractant concluant un marché avec l’administration est nécessairement un opérateur économique au sens fonctionnel du droit de l’Union européenne. C’est même désormais un élément de définition. Il a fallu attendre les directives de 1992-1993 pour qu’apparaissent les personnes publiques définies comme prestataires de service et donc soumises aux règles de passation. Auparavant, il y avait tendance à opposer le privé et le public. On considérait implicitement que le droit français des marchés publics insiste sur l’acheteur public et non pas sur l’opérateur économique et que donc ce n’est pas un opérateur économique comme les autres. Aujourd’hui, avec l’avis Jean Louis Bernard Consultants du 8 novembre 2000, le Conseil d’Etat admet qu’il n’existe aucun texte ou principe interdisant à une personne publique de se porter candidate à l’attribution d’un marché public à condition de préserver en toute hypothèse l’égalité entre les prestataires publics et privés. Depuis 2001, le code des marchés publics en son article 1er parle d’opérateurs publics et privés.
B- L’acheteur public
C’est celui qui passe commande est défini essentiellement en droit de l’Union par la notion de pouvoir adjudicateur et d’entité adjudicatrice.
1- Le pouvoir adjudicateur
Cette notion vise deux types d’acheteurs publics :
a- Les collectivités publiques (le pouvoir adjudicateur par nature)
En droit français, sont des personnes morales de droit public : l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et certaines personnes publics sui généris. Le code des marchés publics français s’applique d’une part à l’Etat et ses établissements publics administratifs et aussi les collectivités territoriales et tous leurs établissements publics locaux.
b- Les organismes de droit public
Ils ne relèvent pas de la catégorie de pouvoir adjudicateur par nature donc par leur statut mais au regard de l’influence publique qu’ils subissent. L’idée est que du fait de cette influence, ces organismes sont soupçonnés de ne pas acheter en respectant la rationalité économique. En cas d’influence publique, on considère ces organismes comme assimilables à des pouvoirs adjudicateurs pour éviter qu’ils ne méconnaissent la rationalité économique.
La directive générale a précisé les quatre éléments de définition d’organisme public : tout organisme doté de la personnalité juridique créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial et dont soit l’activité est financée majoritairement par une personne publique (Etat, collectivités territoriales ou autres organismes de droit public) soit la gestion est soumise à un contrôle de la personne publique soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par une personne publique.
Concernant le critère d’influence publique, c’est une dépendance étroite et le droit de l’Union utilise des indices prenant trois formes émis dans la définition. La satisfaction de besoins d’intérêt général autre qu’industriel et commercial est importante car on cherche ici la finalité de l’organisme et donc cette définition des besoins d’intérêt général est autonome. Il s’agit que les besoins soient satisfaits d’une manière autre que par l’offre de biens ou de services sur le marché.
L’appréciation est parfois délicate mais ce qui est certain c’est que le droit français raisonne d’un point de vue de l’activité alors que le droit européen réfléchie en terme de finalité, ce qui explique que la technique du faisceau d’indices est utilisée. La jurisprudence est très casuistique car elle examine les textes régissant l’organisme dont les statuts, la possibilité que l’administration apporte un soutien, peu importe que cette possibilité soit implicite ou s’il n’existe qu’un soupçon d’aide. Cour de justice des communautés européennes. 16 octobre 2003. Commission c/ Espagne : il était question d’une société immobilière de droit privé chargée de la construction d’établissements pénitentiaires dans une logique marchande. La Cour ne s’est pas contentée des apparences car si la société devait faire faillite l’administration viendrait à son soutien et reprendrait l’activité en question.
Dernier critère, l’entité doit être créé spécifiquement pour satisfaire ces besoins. L’organisme doit donc être dédié à la satisfaction de ces besoins. Là encore, le caractère dédié est apprécié de manière très large et fonctionnelle, notamment en s’attachant à la finalité même. L’entité peut donc avoir à satisfaire des besoins marchands et non marchands mais elle sera qualifié comme organisme de droit public pour le tout. La Cour admet que l’entité ne soit pas nécessairement d’origine ou d’initiative publique. On peut avoir un organisme de droit public alors qu’il s’agit d’une initiative privée qui sera reconnue ultérieurement par l’administration. L’essentiel est que l’entité satisfasse un intérêt général autre qu’industriel et commercial, que cette mission soit confiée pendant sa création ou ultérieurement.
Le droit dérivé de l’Union contient une annexe avec une liste d’organismes de droit public qui n’est pas exhaustive mais qui donne pour la France une large énumération : personnes publiques autres que les personnes publiques classiques, mais aussi des personnes morales de droit privé (société d’économie mixte locale,…).
2- L’entité adjudicatrice
Cela désigne l’équivalent du pouvoir adjudicateur dans 4 secteurs : transports, distribution d’énergie, eau, poste. Il s’agit des pouvoirs adjudicateurs au sens de la directive générale lorsqu’ils achètent pour revendre, des entreprises publiques dans ces différents secteurs en question (ordonnance du 7 juin 2004) mais aussi des entités privées détentrices de droits exclusifs ou spéciaux affectant substantiellement la capacité des autres entités. On rattache ces entités privées à la notion d’entité adjudicatrice car elle est dans une dépendance vis-à-vis de l’administration pour obtenir ces droits spéciaux exclusifs ou pour les préserver.
P2- Le critère matériel
Il s’agit ici de l’intérêt du marché : satisfaire des besoins publics par des prestations.
A- Satisfaire des besoins publics
Le pouvoir adjudicateur se donne les moyens nécessaires pour exercer son activité et pour cela il précise préalablement ses besoins. L’idée est la même en droit de l’Union et dans le code des marchés publics mais avec une discordance sur l’étendue de la notion de besoin.
En droit français, cela permet de distinguer les marchés publics avec les contrats voisins. Cela permet de distinguer avec la délégation de service public car la personne publique ne reçoit pas de prestation mais assure une mission d’intérêt général au profit de tiers usagers. Elle permet aussi de distinguer avec le contrat de subvention puisque dans celui-ci la collectivité publique n’espère aucune prestation directe de la part du bénéficiaire.
Du point de vue du droit de l’Union, le besoin n’a pas les mêmes conséquences car le marché public et la concession ont les mêmes parties, ils ont le même marché. La différence porte sur le mode de rémunération. On peut noter dans les nouvelles directives adoptées qu’elles étendent le champ d’application au delà de la finalité publique, ce qui marque davantage une indifférence du droit de l’Union à la notion de besoin.
B- Par des prestations
Il s’agit de l’objet du contrat : travaux, fournitures ou services. Chaque catégorie est largement entendue en droit de l’Union. La catégorisation selon le type de prestation est essentielle car elle gouverne la logique des seuils et la nature des règles de passation qui sont parfois différentes selon la nature des prestations.
1- Le marché de travaux
Il s’agit des prestations consistant en l’exécution de travaux. Il porte sur des biens immobiliers, ce qui exclue les travaux de rénovation ou de grands entretiens sachant qu’on distingue trois hypothèses :
- la simple exécution de travaux
- la conception et l’exécution de travaux (constructeur est associé au concepteur par le biais d’un contrat)
- la réalisation par quelque moyen que ce soit d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur (problème de concordance entre le droit français et le droit européen car la construction d’un ouvrage pour une personne publique se fait en principe avec une maitrise d’ouvrage du pouvoir adjudicateur en droit français)
La maitrise est définie par trois conditions :
- ·l’ouvrage est construit pour le compte de la personne publique et à son initiative
- ·la personne publique dirige les travaux
- ·la personne publique est propriétaire de l’ouvrage public dès son achèvement
Cependant, il peut y avoir des cas d’absence de maitrise de l’ouvrage avec notamment une hypothèse où un promoteur va louer un ouvrage sur le plan avec la prise en compte de l’intérêt de la personne publique future propriétaire. Le droit de l’Union européenne couvre toutes les hypothèses, peu importe que la maitrise d’ouvrage soit publique ou non. Il suffit donc d’avoir le critère de satisfaction des besoins du pouvoir adjudicateur pour être dans le champ d’application des directives. La directive vise la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Il suffit juste que le pouvoir adjudicateur prenne des mesures ou exercer une influence déterminante quant à la conception de l’ouvrage : Cour de justice de l’Union européenne. 25 mars 2010. Helmut Müller.
Par ailleurs, la loi MOP du 12 juillet 1985 impose des restrictions pour les marchés de travaux visant l’hypothèse de conception et exécution de travaux. Elle pose le principe selon lequel pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maitrise d’oeuvre est distincte de celle d’entrepreneur (article 7). Il y a donc la conception et la réalisation qui doivent être dissociées pour permettre une meilleure qualité des ouvrages. Ce n’est qu’à titre dérogatoire que les deux peuvent faire partir d’un même contrat appelé contrat complexe (article 18) et repris à l’article 37 du code des marchés publics. Il faut cependant justifier le recours à cette conception réalisation combinée par une condition qui est que l’association de l’entrepreneur à la conception doit être rendue nécessaire par un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique ou des motifs d’ordre techniques. Cette dissociation de principe n’est pas contraire en soi au droit de l’Union car les deux contrats sont soumis à la concurrence donc les procédures de passation. Cela montre la réticence ancienne française vis-à-vis des contrats globaux.
L’autre problème de la loi MOP est le fait que l’administration pour qui l’ouvrage réalisé ne peut pas se démettre de sa fonction de maitre d’ouvrage. Si on a un marché dont l’objet est de réaliser un ouvrage, par définition il répond à des besoins d’une personne publique, et donc le droit français associe la notion de marché public de travaux avec la notion de maitrise d’ouvrage nécessairement publique. Les contrats avec maitrise d’ouvrage privée seront exclus du champ d’application des marchés publics en droit français et donc les contrats de vente d’immeuble à construire par exemple ne peuvent pas être des marchés publics.
Il y a donc un certain nombre de contraintes dans la loi MOP ce qui explique l’apparition de contrats avec maitrise privée pour l’écarter lorsque les besoins satisfaits ne présentaient pas de grandes spécificités et enjeux. Conseil d’Etat. Région Midi Pyrénées. 8 février 1991 : il clarifie la distinction entre le marché public de travaux et le contrat privé de vente d’immeuble à construire. Pour avoir marché public, trois conditions cumulatives sont nécessaires selon lui : la construction doit se faire pour le compte de la personne publique, l’immeuble doit être entièrement destiné à devenir la propriété de la personne publique et l’immeuble doit être conçu en fonction des besoins propres de la personne publique. Si une des conditions fait défaut, ce ne sera pas un contrat de marché public. Si la personne publique n’acquiert pas immédiatement la propriété d’ouvrage mais par exemple le loue pendant plusieurs années, chose courante dans les contrats domaniaux, ce n’est pas un marché public car cela ne répond pas à la définition mais cela répond tout de même à la définition européenne.
Il existe un problème par rapport au financement de travaux parce que si on admet un préfinancement privé donc un paiement public de l’ouvrage n’intervenant pas à l’achèvement de l’ouvrage, le risque est que ce soit contraire au principe posé dans le code des marchés publics interdisant le paiement différé (article 96 du code des marchés publics). Le législateur est intervenu pour créer des contrats ayant cet objet mais ce ne sont pas des marchés publics et donc soustrait à l’interdiction du paiement différé. Les baux emphytéotiques administratifs et les partenariats public privé sont aussi des manières d’échapper à cette interdiction applicable aux marchés publics.
2- Le marché de fourniture
Il porte sur les marchés ayant pour objet l’achat, le crédit bail, la location avec ou sans option d’achat de produits. La notion de produit est entend largement car cela peut être un produit existant, en fabrication ou à venir.
3- Le marché de service
Il s’agit des marchés publics hors les marchés publics de travaux et les marchés publics de fourniture. Cette définition négative permet au droit de l’Union de s’assurer que rien ne lui échappe. Il peut s’agir de services courants. C’est une définition difficile politiquement. Initialement, le droit de l’Union distinguait deux types de services : le régime normal ou service des services prioritaires (annexe A de la directive 2004-18 transposée à l’article 29 du code des marchés publics) et concernant les services mis en concurrence & le régime allégé (annexe B et transposition à l’article 30 du code des marchés publics) pour des services plus spécifiques considérés comme peu exposés à la concurrence (services sociaux et culturels) pour lesquels deux obligations sont imposées au pouvoir adjudicateur, une définition de la prestation de service à partir de spécifications techniques conformes au droit de l’Union et une publicité de l’avis sur le marché passé. Ce sont donc des règles peu contraignantes.
L’idée pour ce régime allégé est que ces services ne présentaient pas à l’égard de leur nature d’intérêts transfrontaliers suffisants. Cela n’intéressait donc pas l’Union européenne même si la Cour admettait parfois qu’il existait par exception un tel intérêt. L’objet était de permettre à la Commission de surveiller les services.
Cette grande distinction a été repensée et amendée dans la directive 2014 car par principe tous les marchés publics relèvent du droit commun fixé par la directive. Par exceptions limitées, il y a un régime de passation restreint qui est prévu. Cela vise notamment les services sanitaires, les services sociaux, les services de sécurité sociale obligatoires bénéficiant d’une certaine vigilance du droit de l’Union, sauf si ces services sont organisés par les Etats membres comme des services d’un intérêt non économique.
La transposition de cette logique ternaire a été respectée en droit français avec une ambiguité tenant à l’existence du marché de service public visant à confier la gestion même d’un service public et donc pas à satisfaire des besoins ponctuels. Les marchés de service public répondent à deux critères :
- la gestion du service public doit faire l’objet d’un transfert exclusivement technique et matériel
- la gestion du service public doit être limité : Conseil d’Etat. Avis. 16 juin 1994
Conseil d’Etat. 15 avril 1996. Préfet des Bouches du Rhone c/ Commune de Labsec : il s’agissait d’un contrat qui confiait l’activité de collecte et d’évacuation des ordres ménagères et la gestion de la décharge communale mais le Conseil d’Etat a relevé que la rémunération du cocontractant était assurée par un prix payé par la commune et donc le critère de la rémunération l’a emporté. C’était donc un marché de service public où la rémunération est essentiellement forfaitaire et donc va varier qu’à la marge. Ce sont des activités sociales ou pour lesquelles l’évaluation de l’économie générale du contrat est à priori délicate.
L’objet du marché public est une prestation simple et courte (2-3 ans) et la nomenclature PCV donne une liste permettant de clarifier la prestation à laquelle le marché public fait référence. Mais tous les problèmes ne sont pas prévus. Par exemple, nettoyer les fenêtre est considéré comme un service alors que le nettoyage de l’extérieur des bâtiments est un objet travaux.
4- Les marchés publics à prestation mixte
Souvent se pose la question de savoir comment faire lorsque les prestations sont diverses. Le droit de l’Union a adopté un double raisonnement reprit par le code des marchés publics :
- le marché porte à la fois sur des travaux d’une part et des fournitures ou des services d’autre part et dans ce cas l’objet principal l’emporte et il est déterminé d’un point de vue qualitatif
- le marché porte sur des fournitures et des services et dans ce cas le droit positif impose de tenir compte de la valeur respective des prestations et donc le critère est ici quantitatif.
Ils ont posé le problème de l’allotissement. Le code des marchés publics prévoit que l’administration doit justifier le regroupement des prestations dans un même marché. Cela est favorable à l’allotissement des marchés publics, ce qui est une façon pour le droit français de favoriser le PME, le principe étant qu’il faut autant de marché que de prestations. Seules les grandes entreprises peuvent assurer des contrats mêlant différentes prestations. De ce point de vue, la décision de faire exception à ce principe de l’allotissement des marchés est soumis à un plein contrôle du juge administratif. La directive de 2014 reprend cette incitation à l’allotissement.
5- Les contrats ayant un double objet
Ce sont des contrats ayant un objet de marché public et un autre objet. Cela a donné lieu en droit français à un problème de qualification de contrat de mobilier urbain (abris de bus, cabines téléphoniques, panneau d’infirmation,…). Avis du 14 octobre 1980. Conseil d’Etat : par ces contrats, les entreprises s’engagent à installer gratuitement sur le domaine public des abris et obtiennent en contrepartie l’autorisation d’exploiter à titre exclusif ces supports à des fins publicitaires. Cela ne peut pas être une délégation de service public car il y a pas de redevance des usagers en contrepartie des prestations qui leur sont fournis. Le Conseil d’Etat en conclut que c’est une variété de marché public, un marché de prestation de service assorti d’occupations du domaine public.
Conseil d’Etat. Ass. 4 novembre 2005. Société Jean Claude Decaux (2 arrêts) : sont en cause deux contrats de 15 ans passés par deux communes distinctes par lesquels les communes avaient autorisé la société à installer sur le domaine public des arrêts de bus avec une obligation de construction et d’entretien des ouvrages et des droits exclusifs d’affichage avec une exonération de la redevance domaniale. La société avait la possibilité de louer à des annonceurs des espaces publicitaires, une partie seulement étant réservée à l’affichage communal. On se demandait si c’était un contrat d’occupation du domaine public, d’un achat et donc sur quoi. Pour le Conseil d’Etat, le contrat répond à des besoins de la commune qu’il appelle des besoins locaux d’intérêt général en matière d’information municipale, de propreté et de protection des usagers des transports publics contre les intempéries. Il y a donc satisfaction des besoins par des prestations de service et il considère qu’il n’y a pas lieu à rechercher si la fourniture de prestations de service est un élément accessoire ou principal de l’objet du contrat. Il suffit qu’il y ait satisfaction d’un besoin public pour que ce soit reconnu un marché public.
Pour le commissaire de gouvernement, si les contrats signés avaient pour objet de permettre à la société de mener son activité commerciale sur le domaine public, il estimait que ces contrats ne pouvaient en aucun cas être réduit à cette dimension des choses. L’aspect domanial du contrat couplé avec une exonération de la redevance pour la société était ce qui constituait la contre partie, donc la prestation de service. Le problème est qu’en l’espèce la société était rémunérée par la location des espaces publicitaires et donc la redevance était marginale. Il y avait donc une forte ressemblance avec la délégation de service public. Le Conseil d’Etat passe donc sous silence le critère de la rémunération pour faire prévaloir l’objet.
Cette jurisprudence pose donc la question de l’articulation entre la rémunération et l’objet, sachant que l’Union différencie que par la rémunération. La rémunération, dans la concession, est le droit d’exploiter le service ou le droit assorti d’un prix qui ne peut pas être majoritaire.
Par cette jurisprudence, le Conseil d’Etat refuse de créer un nouveau type de contrat mais il aurait été possible de préserver la partie intime du contrat de mobilier urbain avec l’idée de respecter les mesures de publicité et de mise en concurrence. Depuis des années, l’Autorité de la concurrence dit que les contrats domaniaux devraient être soumis à l’obligation de publicité et de mise en concurrence.
P3- Le critère de la rémunération
Il pose deux séries de problèmes différents : un problème général et principe de paiement non différé. La rémunération suppose un prix qui peut prendre des formes diverses.
A- Le prix et ses dérivés
L’un des critères du marché public est que le contrat doit être passé à titre onéreux. En cas de risque financier, c’est l’administration qui le supporte. La rémunération du cocontractant est en principe posée à la signature du contrat. En principe, le prix convenu ne peut être révisé que par des clauses de révision. Le risque du cocontractant est donc une mauvaise évaluation des coûts.
Il y a différentes hypothèses :
- Le prix est le versement d’une somme en argent.
- Le paiement en nature est possible comme la cession d’un terrain, de matériaux.
- L’abandon par l’administration d’une créance qu’elle détient sur son cocontractant est possible aussi. L’hypothèse la plus évidente est la renonciation de la perception d’une taxe par l’administration. Cour de justice des communautés européennes. Ordre des architectes de la province de Milan. 2 juillet 2001. De manière générale, la jurisprudence insiste sur le fait que le marché public impose une contrepartie de la prestation fournie et donc le pouvoir adjudicateur doit avoir un intérêt économique direct dans l’opération. Le pouvoir adjudicataire peut notamment devenir propriétaire au terme du contrat ou disposer d’un titre juridique lui assurant la disponibilité des ouvrages pour une affectation publique.
- Il y a l’abandon par l’administration de recettes tirées de l’exploitation. Dans ce cas, le cocontractant de l’administration prend lui même des risques alors que la notion de marché public suppose que le risque reste entre les mains de l’administration. Le versement du prix revient donc à transférer le risque au contractant. Le juge administratif a admis cette hypothèse dans le cas d’un marché de réalisation d’un bulletin d’information municipal où le cocontractant était rémunéré par les recettes des annonceurs publiés dans le bulletin. Cette hypothèse n’est pas la même chose que l’abandon à une taxe car la redevance domaniale n’est pas juridiquement une taxe parce que cette redevance est fixée à partir des recettes attendues de l’exploitation domaniale et plus largement en fonction des avantages de toute nature procurés par l’autorisation d’occupation domaniale. D’autre part, lorsque l’administration abandonne une taxe, il y a par définition une équivalence entre le cout de la prestation demandée et le montant exigé de la taxe. Dernier élément de distinction, la taxe aurait été perçue directement par l’administration et on a un contrat à titre onéreux car l’administration abandonne cette taxe et donc on a une relation bilatérale. Dans l’autre cas, la relation est tripartite car elle se joue entre l’administration, le gestionnaire du domaine et des tiers. En droit de l’Union, il est admis qu’existe un marché public alors même que le contrat ne se traduit pas par une charge pour l’administration : Cour de justice des communautés européennes. 15 juillet 2010. Commission c/ Allemagne : « il n’est pas indispensable que les pouvoirs adjudicateurs supportent en définitive eux-même le poids économique de la prestation ».
B- L’interdiction du paiement différé en droit français
Le principe en droit français des marchés publics est que le paiement doit être effectué après service fait. Chaque prestation doit avoir été payée à l’issue de son exécution. C’est une règle ancienne posée dans un souci de protection des deniers publics et de suivi par l’administration de ses engagements financiers réels. L’idée est d’interdire à l’administration de s’endetter auprès de personnes privées plutôt qu’auprès d’établissements financiers sachant que dans ce cas l’endettement est effectué dans des conditions plus favorables.
Pour les marchés publics de travaux, l’administration doit payer les travaux au plus tard au moment de la réception des travaux. Mais, cette obligation peut constituer un impératif lourd, surtout dans un contexte de crise économique et donc l’administration peut être tentée, et l’a été, de passer des marchés publics à prestation mixte c’est-à-dire portant à la fois sur des constructions mais aussi sur la gestion des ouvrages construits. L’intérêt de la prestation mixte est d’étaler le paiement du travaux sur la durée du contrat qui est ici plus long. L’administration peut attendre la perception des redevances de l’usager pour payer les travaux en décalé dans ce cas. C’est ce qu’on appelle le préfinancement privé car ce n’est pas l’administration qui paye dans un premier cas car la rémunération est assurée par l’exploitation. Ensuite, il y aura un paiement de la part de l’administration à la fin du contrat.
Les METP (marchés d’entreprises de travaux publics) sont des contrats de longue durée ayant pour objet la réalisation et l’exploitation d’ouvrages nécessitant des investissements importants dont l’amortissement doit être effectué pendant toute la durée de l’exploitation et comportant pour le cocontractant de l’administration des garanties analogues à celles accordées au concessionnaires de service public : Conseil d’Etat. 11 décembre 1963. Villes de Colombes.
Le problème est que l’administration n’a pas respecté cette logique initiale car cela permettait à l’administration des paiements différés par des contrats prévoyant la construction d’ouvrages accompagnés non pas de l’exploitation mais de l’entretien. Pour éviter d’avoir un paiement immédiat, l’administration mettait systématiquement une mission d’entretien dans le contrat et donc elle échappait à la règle d’interdiction du paiement différé. Elle faisait même cela lorsque c’était artificiel, notamment pour la rénovation des lycées et collèges. C’était une manière pour l’administration de contourner le code des marchés publics. Le Conseil d’Etat a fini par admettre ce contournement tardivement, ce qui a expliqué la jurisprudence dans laquelle il a tenté de resserrer la notion de METP aux notions strictes d’exploitation : Conseil d’Etat. Avis du 18 juin 1991. La question était de savoir ce qu’il se passait pour les vrais METP, s’ils pouvaient échapper au code des marchés publics. Ici, le Conseil d’Etat a entendu la logique de 1991 aux vrais METP en considérant que par leur objet ils sont des marchés publics : Conseil d’Etat. 8 février 1999. Préfet des Bouches du Rhône c/ Commune de la Ciotat.
L’interdiction du paiement différé est en lien avec le principe selon lequel les contrats globaux ne son admis qu’à titre dérogatoire dans le code des marchés publics et à condition de justifier un tel recours à ces contrats globaux. L’idée est donc d’éviter les METP. Les partenariats public-privé visent à répondre à un problème de l’administration : comment faire réaliser des travaux d’équipement public sans en verser le prix une fois l’ouvrage achevé ? C’est ce qui explique des réponses offertes au fur et à mesure dans le droit positif. Ce sont des montages complexes permettant à une personne publique de prendre des immeubles à bail et d’en devenir propriétaire qu’à la fin du contrat. Ce sont les hypothèses du bail emphytéotique administratif.