Définition de l’usufruit, caractères et constitution

l’usufruit : définition, caractères, constitution

Le code civil traite de l’usufruit dans les articles 578 à 624. L’article 578 le définit comme le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même mais à charge d’en conserver la substance. L’usufruit est la situation par laquelle une personne jouit d’un bien sans en avoir la propriété.

Selon « Lexique des termes juridiques » Dalloz, l’usufruit est un « droit réel principal, démembrement du droit de propriété, qui confère à son titulaire le droit d’utiliser la chose, et d’en percevoir les fruits, mais non celui d’en disposer, lequel appartient au nu-propriétaire.

Section I. Les caractères de l’usufruit.

Il ressort de l’article 578 du Code civil que l’usufruit confère à son titulaire le pouvoir d’user et de jouir de la chose de manière temporaire de telle sorte que l’usufruit constitue sans discussion un droit réel pouvant porter sur une chose mais également sur un droit.

Paragraphe I. L’usufruit confère l’usus et le fructus.

L’usufruitier a l’usage et la jouissance du bien sur lequel porte son droit. En revanche il ne détient pas du pouvoir d’en disposer.

L’abusus est une prérogative conservée par le propriétaire du bien.

L’usufruitiers et le nu-propriétaire (pas propriétaire car il est privé de deux prérogatives attachés au propriétaire) disposes chacun d’une partie des prérogatives du propriétaire.

Chacun d’eux exerce ses droits, sur le même bien, de manière indépendante. Sur un même bien les deux personnes exercent des droits concurrents.

Le code civil ne prévoit pas une collaboration entre l’usufruitier que l’on peut qualifier d’utilisateur actuel du bien et le nu-propriétaire qui peut être qualifié d’utilisateur futur du bien (un propriétaire qui a vocation à devenir un plein propriétaire).

L’avant-projet de réforme du Code civil élaboré par les experts prévoyait de mettre en place un intérêt commun qui traduirait une exigence de collaboration entre les deux parties au profit du bien commun. La notion d’intérêt commun aurait été une manière d’imposer cette collaboration qui n’existe pas dans le code civil.

Paragraphe II. L’usufruit est un droit temporaire.

Ne peut en aller autrement compte tenu de caractère exclusif attaché au droit de propriété.

Lorsque l’usufruit est conféré à une personne physique, il disparait avec elle. On dit que c’est un droit viager. Il est certes possible de prévoir une durée plus courte que la vie de l’usufruitier mais si l’usufruitier décède avant l’expiration de ce délai, l’usufruit s’étend car ne peut dépasser la vie de son titulaire.

Cette caractéristique explique également pourquoi l’usufruit ne peut être transmis à cause de mort. L’usufruit s’étend de plein droit au moment du décès de celui qui l’a cédé.

Si l’usufruit peut être cédé entre les vifs, il ne s’étendra pas moins à la mort du cédant.

Si le titulaire de l’usufruit est une personne morale, son droit est limité à 30 ans (art.619 du Code civil).

Paragraphe III. L’usufruit est un droit réel.

L’usufruit comme d’ailleurs la nue-propriété confère à son titulaire le droit réel c’est-à-dire un droit direct sur la chose.

Pour mettre en relief ce caractère, il faut faire une comparaison entre l’usufruit et le louage. Le louage est défini à l’article 1709 du Code civil : le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties, donc le bailleur, s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celui-ci, le preneur, s’oblige à lui payer.

L’usufruitier et le preneur ont une situation apparemment voisine. Ils usent tous deux d’une chose dont ils n’ont que la détention. Cependant leurs droits respectifs ont une nature différente.

L’usufruit est un droit réel alors que le bail ne confère au preneur qu’un droit personnel, autrement dit un droit de créance. En effet, le preneur et le bailleur sont liés par les obligations réciproques qui naissent du contrat. Le preneur s’oblige à payer le loyer et le bailleur s’oblige à lui faire jouir paisiblement de la chose.

On ne retrouve rien de tout cela à propos de l’usufruit. Les rapports entre l’usufruitier et le propriétaire ne sont pas de nature contractuelle.

Il reste que ces différences tendent aujourd’hui à s’estomper car le législateur a considérablement augmenté les droits des locataires d’immeubles.

Le rapprochement entre la situation entre le locateur et l’usufruitier s’explique également par le fait qu’une loi du 9 juillet 1975 a étendu la protection possessoire aux simples détenteurs.

La protection possessoire a disparu de notre droit. Visée par l’article 2278 du Code civil, qui vise la protection de la possession contre les troubles qui peut l’affecter ou la menacer, cette protection prenait (parce que la loi sur la modification et la simplification du droit du 16 février 2015 l’a modifié) la forme d’action dite possessoire qui permet au possesseur de se faire maintenir en possession quand il est troublé et de recouvrer la possession quand il l’a perdu.

Trois actions donc étaient prévues par l’article 2279 du Code civil : la complainte, la réintégrande (réintégration) et la dénonciation de nouvel œuvre.

Jusqu’en 1975 lorsqu’un tiers venait troubler (contester) l’exercice du droit du preneur, celui-ci devait s’adresser au bailleur qui lui seul avait, en tant que possesseur, qualité pour faire cesser le trouble. Désormais le détenteur troublé n’est plus obligé de s’adresser au propriétaire.

L’article 2279 du Code civil a été supprimé par la loi du 16 février 2015. Les actions possessoires ont donc disparues de notre droit mais pas la protection de la possession. Celle-ci peut s’obtenir plus facilement et rapidement en utilisant la procédure de référé.

Paragraphe IV. L’usufruit porte sur une chose ou sur un droit.

Aux termes de l’article 581 du Code civil l’usufruit peut être établi sur toute espèce de bien meuble ou immeuble.

Une définition générale de l’objet de l’usufruit permet donc d’inclure les choses corporelles meubles ou immeubles. Cette définition permet aussi de viser les choses incorporelles c’est-à-dire les droits tels que les créances, les droits d’auteur etc. L’usufruit peut également avoir pour objet un ou plusieurs biens déterminés mais également l’intégralité ou une fraction du patrimoine.

Parmi tous ses biens, la nature de certaines confère à l’usufruit quelques originalités. Il en est ainsi de trois biens particuliers : l’usufruit de chose consomptible, l’usufruit sur un fond de commerce, l’usufruit sur des droits.

A) L’usufruit des choses consomptibles.

  1. La notion de quasi-usufruit.

Cette notion apparait paradoxale puisqu’elle transforme l’usufruitier en propriétaire de la chose sur laquelle porte son droit alors qu’en principe il est privé du droit d’en disposer.

Il serait par conséquent logique d’interdire la constitution d’un usufruit des choses dont on ne peut se servir sans les consommer car l’usufruitier serait bien incapable de les rendre en fin d’usufruit comme il l’oblige l’article 578 du Code civil.

Pourtant l’article 587 du code civil consacre l’existence de l’usufruit des choses consomptibles en faisant de l’usufruitier un quasi-usufruitier c’est-à-dire un propriétaire avec charge de rendre à l’expiration du quasi-usufruit soit des choses de même qualité et en même quantité soit une somme d’argent correspondant à leur valeur.

  1. Le domaine de quasi-usufruit.

Parmi les choses dont on ne peut faire l’usage sans les consommer, l’article 587 du Code civil cite l’argent, les grains, les liqueurs.

Le quasi-usufruit peut être constitué dès l’origine, c’est par exemple le cas lorsqu’une personne lègue à une autre l’usufruit de l’intégralité de ses biens. Si ces biens sont des choses consomptibles, il s’agira alors d’un quasi-usufruit.

Le quasi-usufruit peut également apparaitre en cours d’usufruit. Il suffit pour cela que le bien sur lequel porte l’usufruit soit remplacé par une somme d’argent. Par exemple : le bien qui disparait lors d’un incendie est remplacé par une indemnité d’assurance.

  1. Le régime du quasi-usufruit.

L’originalité de cette institution réside dans le fait que le nu-propriétaire n’est plus qu’un simple créancier du quasi-usufruitier.

Le quasi-usufruitier en sa qualité de propriétaire des choses consomptibles peut donc en disposer en les consommant ou en les aliénant. En contrepartie il supporte les risques de perte de ces choses.

Le quasi-usufruit présente donc de sérieux danger pour le nu-propriétaire qui pourrait être confronté à l’insolvabilité de l’usufruitier en fin d’usufruit.

La situation du nu-propriétaire est d’autant moins confortable qu’ayant perdu la propriété de la chose, il ne pourrait pas la reprendre même si elle n’était pas encore consommée. En effet la chose en question est devenue le gage commun des créanciers de l’usufruitier.

B) L’usufruit d’un fond de commerce.

Le fond de commerce est une universalité de fait composée d’éléments corporels (ex. les marchandises, le mobilier, les matières premières) et d’éléments incorporels (ex. la clientèle). A l’égard des éléments tels que la clientèle ou même la clientèle il s’agit d’un véritable usufruit qui ne permet pas à l’usufruitier d’en disposer.

Au contraire, à l’égard des marchandises et matières premières qui sont destinées par nature à être vendues, il s’agit d’un quasi-usufruit. Par conséquent, le quasi-usufruitier a le droit voir l’obligation de disposer de ces biens.

A l’expiration de l’usufruit le propriétaire recoupera, par l’effet du mécanisme de la subrogation réelle (remplacement d’un bien par un autre), les marchandises et les matières premières qui auront remplacé celle dont l’usufruitier aura disposé.

C) L’usufruit de droit.

Il n’est pas facile d’expliquer comment l’usufruit, qui est un droit réel, peut porter sur des droits personnels tels que les créances ou encore des parts ou des actions de sociétés.

Cette question, qui n’a pas reçu de réponse satisfaisante, n’a pas pu empêcher ni la pratique ni le législateur d’appliquer le mécanisme de l’usufruit quel que soit la nature de droits qui en sont l’objet.

On trouve dans le code de commerce quelques dispositions consacrées à l’usufruit de parts et d’actions de société qui permettent de repartir les prérogatives attachées à la qualité d’associé entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.

La transposition du régime de l’usufruit, tel qu’il a été imaginé par les rédacteurs du code civil à des choses incorporelles, n’est pas évidente. Elle réclame les adaptations délicates d’autant plus que les textes n’ont pas évolué.

Section II. La constitution de l’usufruit.

L’usufruit peut prendre naissance de différentes façons mais son exercice doit respecter certaines conditions particulières.

Paragraphe I. Les modes de constitution.

Aux termes de l’article 579 du Code civil, l’usufruit peut trouver sa source soit dans la loi soit dans la volonté de l’homme.

A) L’usufruit légal.

La loi confère à certaines personnes l’usufruit soit sur certains biens soit sur l’universalité.

C’est ainsi que le code civil donne dans les nombreux cas un droit d’usufruit au conjoint survivant sur une fraction de succession du conjoint prédécédé. La condition est que le conjoint ne soit pas divorcé du conjoint prédécédé.

Les parents ont le droit de jouissance légale sur les biens de leurs enfants mineurs jusqu’à l’âge de 16 ans accompli.

Le droit réel d’usufruit est susceptible, comme les autres droits réels, d’être acquis instantanément par le possesseur de bonne foi lorsqu’il porte sur un meuble en vertu de l’article 2276 du Code civil.

B) L’usufruit volontaire.

L’usufruit peut naitre soit d’un contrat soit plus fréquemment d’un testament.

S’il est constitué par un contrat, l’usufruit peut résulter soit d’un acte à titre onéreux, soit d’un acte à titre gratuit.

Un contrat peut créer un usufruit de deux manières. Soit par voie de constitution directe et dans ce cas le propriétaire aliène l’usufruit d’une chose au profit d’une personne qui sera donc son cocontractant. Soit par voie de rétention et dans ce cas le propriétaire conserve l’usufruit de sa chose et en cède la nue-propriété. On parle alors de vente ou de donation avec réserve d’usufruit. Cette voie est plus avantageuse pour le vendeur parce que celui-ci conserve les mêmes revenus et garde la chose entre les mains, tout en recevant de l’acquéreur un capital représentant la valeur de la nue-propriété.

Ces démembrements de propriété sont fréquents dans le cadre de donation ou de contrat de mariage. En effet, les parents se réservent souvent l’usufruit des biens, les enfants n’en bénéficiant qu’au décès des donateurs. C’est au décès de dernier parent que le bien sera attribué aux enfants.

S’agissant des époux, l’usufruit est également concédé au dernier vivant.

L’usufruit constitué par testament est le plus utilisé car par ce moyen le testateur peut gratifier une personne sans faire échapper définitivement le bien à sa famille. En effet, au décès de l’usufruitier (celui qui a fait l’objet de gratification) les héritiers du testateur recouvrent la pleine propriété du bien.

Paragraphe II. L’entrée en jouissance.

Après avoir été mis en possession des biens sur lesquels porte son droit, l’usufruitier doit faire inventaire de ses biens et donner caution préalablement à son entrée en jouissance.

A) La mise en possession de l’usufruitier.

L’usufruitier doit être mis en possession des choses soumises à son usufruit pour pouvoir exercer son droit.

A cette fin, il dispose de plusieurs actions. Il peut exercer contre quiconque possède ses choses, il peut s’agir de constituant de l’usufruit ou des héritiers de constituant. Il peut aussi s’agir de tiers mais si l’objet en question est un meuble le tiers pourrait lui opposer la règle de l’article 2276 du Code civil.

L’usufruitier dispose d’action réelle qui découle du droit d’usufruit lui-même qui s’appelle l’action confessoire de l’usufruit. Il dispose également d’une action personnelle lorsque son droit né d’un contrat ou d’un testament. Il s’agit d’une action personnelle en délivrance contre le constituant ou ses héritiers. Cette mise en possession peut être judiciaire.

B) L’obligation de faire inventaire.

Aux termes de l’article 600 du Code civil l’usufruitier ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser un inventaire des meubles et immeubles. L’usufruitier doit être présent.

Il s’agit d’un acte dressé aux frais de l’usufruitier, soit à l’amiable par les intéressés s’ils sont majeurs et capables, soit par un notaire si l’un d’eux est mineur. Cet acte est important pour le nu-propriétaire qui saura exactement ce que l’usufruitier a reçu et ce qu’il devra restituer en fin d’usufruit.

Il y a les sanctions si l’usufruitier ne remplit pas cette obligation-là. Le nu-propriétaire peut refuser la délivrance tant que l’inventaire n’est pas fait. Le nu-propriétaire peut obliger l’inventaire. A cet effet le nu-propriétaire peut faire ordonner le séquestre des biens soumis à l’usufruit. Un séquestre c’est un sorte de dépôt, de confier en occurrence une somme d’argent ou un bien à un tiers. L’idée est que les biens peuvent faire l’objet d’un dépôt qui conservera un bien jusqu’au règlement du litige. Il y a des séquestres judiciaires ou conventionnels.

Cette obligation légale de faire inventaire n’est pas impérative. Le nu-propriétaire pourrait en dispenser l’usufruitier.

C) L’obligation de donner caution.

Pour garantir le nu-propriétaire contre risque d’insolvabilité d’usufruitier, l’article 601 lui impose de fournir une caution. C’est une caution personnelle, une personne va garantir au nu-propriétaire que l’usufruitier va remplir ses obligations. Le propriétaire pourra agir contre la caution si l’usufruitier est défaillant. Le cautionnement n’est cependant exigé que faute pour l’usufruitier de pouvoir donner une meilleure garantie.

L’article 601 du Code civil autorise la clause de dispense de fourniture de caution. C’est une clause de style du testament. Il accord de plein droit à certains usufruitiers tel que les pères et mères ayant usufruit légal sur les biens de leur enfant mineur, ainsi que le vendeur ou donateur avec réserve d’usufruit.