Définition, élaboration et révision de la Constitution

La Constitution

Le fonctionnement des institutions politiques repose sur un cadre juridique structuré, qui garantit à la fois la dévolution (transmission) et l’exercice du pouvoir. Ce cadre est assuré par la Constitution, qui occupe une place centrale dans l’organisation des systèmes politiques et juridiques.

La Constitution est la norme suprême au sein de la hiérarchie des normes juridiques. Elle se distingue par son rôle essentiel dans l’élaboration, la validation et la mise en œuvre des autres règles du système juridique.

La Constitution structure et régit l’ensemble des règles applicables dans un État. Elle repose sur plusieurs principes clés :

  • Organisation du pouvoir : La Constitution établit les règles qui définissent le fonctionnement des institutions publiques (législatives, exécutives, judiciaires) et les rapports entre elles.
  • Garanties des droits fondamentaux : Elle consacre les libertés et droits des citoyens, souvent par le biais de déclarations ou de préambules.
  • Hiérarchie des normes : La Constitution se situe au sommet de l’ordre juridique, ce qui signifie que toutes les normes inférieures (lois, décrets, règlements) doivent être conformes à ses dispositions.
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Le respect de la Constitution est assuré par des mécanismes de contrôle et des sanctions en cas de violation :

  • Contrôle de constitutionnalité : Ce mécanisme permet de vérifier qu’une loi ou une norme respecte les dispositions constitutionnelles.
    • En France, ce contrôle est exercé par le Conseil constitutionnel.
  • Sanction des violations : Les normes contraires à la Constitution sont déclarées inconstitutionnelles et deviennent inapplicables.

 

A) Notion de constitution

La constitution est un concept juridique fondamental, défini comme la norme suprême régissant l’organisation des pouvoirs publics et les relations entre les institutions et les citoyens. Si elle est souvent associée à des événements historiques comme l’indépendance américaine au XVIIIe siècle, elle trouve ses origines dans des réflexions bien antérieures.

1) Définition de la constitution

La notion de constitution peut être abordée sous deux angles complémentaires : matériel et formel.

a) Définition au sens matériel

Au sens matériel, la constitution englobe l’ensemble des règles essentielles, qu’elles soient écrites ou issues de la coutume, qui déterminent :

  • La forme de l’État (unitaire, fédéral, etc.),
  • Les modalités de dévolution et d’exercice du pouvoir politique,
  • Les rapports entre les pouvoirs publics.

Dans ce sens, tout État a une constitution, même si elle n’est pas toujours codifiée dans un document unique.

b) Définition au sens formel

Au sens formel, la constitution désigne un texte juridique spécifique, adopté et révisé selon des procédures distinctes de celles des lois ordinaires. Elle est considérée comme rigide lorsqu’elle impose des conditions particulières pour sa modification (ex. : France, États-Unis).

2) Les significations de la constitution

La constitution joue trois rôles principaux :

  • Organisation des pouvoirs publics,
  • Fondement du pouvoir politique,
  • Expression d’une philosophie politique et d’un projet de société.
a) Organisation des pouvoirs publics

La constitution fixe les principes d’organisation des institutions et des autorités publiques (exécutif, législatif, judiciaire) et détermine leurs relations et compétences respectives. Ce rôle est détaillé dans la définition matérielle évoquée ci-dessus.

b) Fondement du pouvoir politique

La constitution confère une légitimité aux gouvernants en démocratie, car elle établit les règles selon lesquelles le pouvoir est acquis et exercé. Cette légitimité repose sur deux principes :

  • Légalité : Les autorités politiques doivent agir conformément aux règles constitutionnelles.
  • Consentement populaire : Les citoyens obéissent aux lois et aux gouvernants parce qu’ils les perçoivent comme légitimes.

Exemple en France :Même en cas de changement de majorité parlementaire défavorable, le président de la République conserve sa légitimité constitutionnelle et reste en fonction jusqu’à la fin de son mandat.

c) Expression d’une philosophie politique et de l’état de droit

La constitution ne se limite pas à des règles techniques : elle incarne aussi des valeurs et un projet de société. Ce rôle s’exprime souvent par des déclarations de droits intégrées au texte constitutionnel.

Exemple historique :

  • Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : Reflète une philosophie libérale et individualiste issue de la Révolution française.
  • Préambule de la Constitution de 1946 : Ajoute des droits économiques et sociaux pour protéger les citoyens des abus et renforcer leur participation économique.

En France : Le préambule de la Constitution de 1958 se réfère à ces deux textes, affirmant ainsi un équilibre entre droits individuels et droits sociaux. Ces droits, autrefois perçus comme des déclarations d’intention, ont acquis une véritable valeur juridique grâce au contrôle de constitutionnalité, qui impose au législateur de respecter ces principes.

 

B) L’élaboration de la constitution

L’adoption d’une constitution repose sur l’intervention du pouvoir constituant, c’est-à-dire l’autorité ou les organes chargés d’élaborer ou de réviser la norme fondamentale d’un État. Ce processus varie en fonction des contextes politiques et des régimes en place, et il implique des distinctions entre différents types de pouvoirs constituants et de modalités d’élaboration.

a) La notion de pouvoir constituant

Le pouvoir constituant se divise en deux catégories principales : le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.

1. Le pouvoir constituant originaire

Le pouvoir constituant est dit originaire lorsqu’il intervient pour proposer ou établir une nouvelle constitution dans un contexte où aucune constitution n’est en vigueur ou où l’ordre juridique précédent a été renversé. Ce pouvoir :

  • Est exercé dans des situations exceptionnelles :
    • Création d’un nouvel État (ex. : indépendance d’une colonie).
    • Phase révolutionnaire entraînant la suppression de l’ancienne constitution.
  • Fonctionne comme un pouvoir de fait, non soumis à des règles préétablies.
  • Est qualifié d’inconditionné, car il ne répond à aucune limite juridique existante.

Exemple : La Révolution française de 1789 illustre un cas de pouvoir constituant originaire, avec l’élaboration d’une nouvelle constitution pour remplacer l’ancien régime.

2. Le pouvoir constituant dérivé

Une fois la constitution adoptée, le pouvoir constituant originaire laisse place au pouvoir constituant dérivé, aussi appelé institué. Ce pouvoir, prévu par la constitution en vigueur, est chargé de :

  • Modifier ou réviser la constitution selon des règles spécifiques.
  • Respecter les limites de fond et de procédure fixées par le texte constitutionnel lui-même.

Exemple : La Constitution française de 1958 prévoit à l’article 89 une procédure précise pour sa révision, nécessitant l’intervention du parlement et parfois du peuple par référendum.

b) Le mode démocratique d’élaboration des constitutions

Dans les régimes démocratiques, l’adoption d’une constitution implique la participation populaire, soit directement, soit par le biais de représentants élus. Toutefois, ce processus diffère des régimes autoritaires, où l’élaboration des constitutions est souvent le fait d’un chef unique ou d’un pouvoir centralisé.

1. Élaboration dans les régimes autoritaires

Dans les régimes autoritaires, les constitutions peuvent être imposées par une autorité exécutive, souvent légitimée par un plébiscite populaire. Ce procédé repose sur :

  • L’intervention exclusive du chef de l’exécutif : celui-ci élabore un projet qu’il soumet au peuple pour approbation.
  • Une dimension symbolique du plébiscite : le vote populaire sert souvent à confirmer une décision déjà prise par le pouvoir.

Exemple

  • Les constitutions des premiers et seconds empires français (Napoléon Ier et Napoléon III) ont été adoptées par ce procédé.
  • La Constitution française de 1958 a été élaborée sous l’impulsion de Charles de Gaulle et ratifiée par référendum.

2. Élaboration dans les régimes démocratiques

Dans les régimes démocratiques, le pouvoir constituant appartient au peuple souverain, qui intervient de deux manières principales :

  • Par l’intermédiaire de représentants : Une assemblée élue, appelée convention, est chargée d’élaborer la constitution.
  • Par référendum : Le texte constitutionnel est soumis directement à l’approbation du peuple.
a) Par des représentants élus (convention)

Le peuple élit une assemblée spécialement mandatée pour rédiger une nouvelle constitution. Cette méthode associe la souveraineté populaire à une élaboration technique et concertée.

  • Exemples en France :
    • 1791 : Élaboration de la première constitution révolutionnaire.
    • 1848 : Proclamation de la Deuxième République.
    • 1875 : Instauration des lois constitutionnelles de la Troisième République.
b) Par référendum

Dans cette procédure, le peuple exerce directement le pouvoir constituant en approuvant ou rejetant la constitution proposée par une assemblée ou un gouvernement. Le référendum donne une légitimité populaire forte au texte.

  • Exemple en France : 1946 : La Constitution de la Quatrième République a été adoptée par référendum, après un rejet d’un premier projet.

 

C) La révision de la constitution

La révision d’une constitution est un processus complexe qui permet de modifier le texte fondamental encadrant le fonctionnement d’un État. Ce processus varie selon la nature de la constitution et le régime politique en vigueur. Il est également limité par des contraintes de temps et de contenu, qui visent à préserver la stabilité institutionnelle et les principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel.

A) Des modalités de révision variables

1. Modalités selon la nature de la constitution

a) Les constitutions souples

Une constitution est dite souple lorsqu’elle peut être modifiée par une simple loi ordinaire, sans procédure particulière.

  • Exemple : La constitution britannique, un ensemble de coutumes et de lois ordinaires, est modifiable sans mécanisme spécifique.
b) Les constitutions rigides

Les constitutions rigides nécessitent une procédure spéciale et souvent plus contraignante pour être révisées, car elles se situent au sommet de la hiérarchie des normes. Ces procédures reflètent la suprématie de la constitution sur les lois ordinaires.

  • Exemple : En France, la révision est encadrée par l’article 89 de la Constitution de 1958, qui impose des étapes spécifiques, notamment l’accord du Parlement réuni en Congrès ou l’approbation par référendum.
c) Le cas particulier des États fédéraux

Dans les États fédéraux, la procédure de révision est souvent encore plus complexe :

  • Elle implique non seulement le parlement fédéral, mais aussi les entités fédérées, qui doivent donner leur accord.
  • Cette exigence vise à préserver l’équilibre entre les pouvoirs fédéraux et locaux.
d) La révision par la coutume

Une question controversée concerne la possibilité de modifier une constitution par coutume (pratique ayant valeur de règle juridique) :

  • Dans les systèmes de constitution coutumière, comme au Royaume-Uni, ce procédé est naturel.
  • Dans les systèmes de constitution écrite, cette méthode est souvent rejetée. Exemple : En France, l’utilisation par le général de Gaulle de l’article 11 de la Constitution (prévu pour les référendums législatifs) pour réviser la Constitution a suscité un débat juridique intense. Beaucoup de juristes estiment que la coutume ne devrait pas être une source de révision.

2. Modalités selon la nature du régime politique

a) Dans les régimes autoritaires

La révision est généralement contrôlée par le chef de l’exécutif, qui dispose d’un pouvoir quasi absolu. Les textes sont souvent adoptés par plébiscite, une forme de consultation populaire visant à valider des décisions déjà prises par le pouvoir.

b) Dans les régimes démocratiques

Les procédures sont plus diversifiées et incluent plusieurs acteurs :

  • Initiative de la révision :
    • Elle peut revenir à l’exécutif (ex. : États-Unis),
    • Être partagée entre l’exécutif et le législatif (ex. : France),
    • Ou inclure une participation populaire.
  • Adoption de la révision :
    • Elle peut être votée par le parlement, parfois avec une majorité qualifiée (ex. : 3/5 des membres en Congrès en France).
    • Elle peut aussi être soumise au peuple par référendum.

Dans certains cas, une assemblée constituante ou une convention spéciale peut être convoquée pour examiner les révisions constitutionnelles.

B) Les limitations du pouvoir de révision

Les limitations visent à encadrer la révision pour éviter les dérives et préserver les principes fondamentaux.

1. Limitations temporelles : le moment de la révision

Certaines constitutions interdisent la révision dans des contextes exceptionnels :

  • Périodes de crise : En France, la Constitution de 1958 interdit toute révision en cas de vacance de la présidence ou d’occupation du territoire national.
  • Délai post-adoption : Certaines constitutions prévoient une période d’intangibilité après leur adoption pour assurer leur stabilité initiale.

2. Limitations matérielles : le contenu de la révision

a) Protection des principes fondamentaux

Certaines constitutions interdisent la révision de dispositions fondamentales, comme la forme du régime politique :

  • Exemple en France : Les Constitutions de 1946 et de 1958 stipulent que la forme républicaine du gouvernement ne peut être modifiée.
b) Transformation de la nature du régime

La révision ne doit pas modifier la nature même du régime instauré par la constitution. Exemple historique : La loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 a permis à Philippe Pétain d’instaurer un régime autoritaire, transformant radicalement la République en régime de Vichy. Cet acte est souvent considéré comme une fraude constitutionnelle.

c) Règles supra-constitutionnelles

Certains juristes soutiennent l’existence de principes supérieurs à la constitution (droits fondamentaux, valeurs universelles) qui échapperaient à la révision. Cependant :

  • Cette opinion reste minoritaire.
  • En France, le Conseil constitutionnel considère que le pouvoir constituant est souverain, à condition de respecter les procédures prévues par la Constitution.

Conclusion : La révision de la constitution est un acte juridique délicat, encadré par des procédures variées selon les régimes politiques et les types de constitution. Elle permet de garantir l’adaptabilité des institutions tout en protégeant les fondements de l’ordre constitutionnel. Cependant, des débats subsistent, notamment autour des limites matérielles de la révision et du rôle des coutumes dans les systèmes de constitution écrite.

 

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