La loi : domaine, histoire, définition de la loi

La loi : domaine de la loi et définition

La loi est un texte normatif voté par le Parlement qui établit les règles régissant :

  • Les relations entre les citoyens.
  • Les relations entre les citoyens et l’État.

Elle joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre des politiques publiques du gouvernement et permet d’adapter le droit aux évolutions de la société. La loi peut également être utilisée pour réviser une norme existante qui serait incomplète ou obsolète.

Cependant, le rôle législatif du Parlement, organe traditionnellement chargé d’adopter les lois, est aujourd’hui réduit :

  • Sa fonction législative est encadrée par la Constitution de 1958.
  • Sa capacité de contrôle du gouvernement est souvent critiquée pour son inefficacité.
  • L’influence croissante des normes internationales et européennes limite son champ d’action, car ces normes s’imposent sans possibilité pour le Parlement de les modifier ou de les contester.

I) « Histoire » de la loi

Historiquement, la loi a été perçue comme la norme suprême, incarnant l’expression de la volonté générale telle que définie par Rousseau. Elle était sans limite jusqu’en 1958, et sa définition était organique : tout acte adopté par le Parlement était considéré comme une loi, quel qu’en soit le contenu.

Relativisation du rôle de la loi au XXᵉ siècle

Au cours du XXᵉ siècle, cette vision a été progressivement remise en question :

  • Transferts de compétences : Le Parlement a commencé à déléguer son pouvoir législatif au gouvernement. Cela s’est traduit par :
    • Le recours accru aux décrets-lois, permettant au gouvernement de légiférer temporairement dans des situations urgentes.
    • Les lois de pleins pouvoirs, confiant des prérogatives étendues à l’exécutif en période de crise.
    • La loi Mari (1935), qui autorisait le gouvernement à adopter des règlements dans certains domaines définis par le Parlement.

La rupture de 1958

La Constitution de 1958 a profondément modifié le statut de la loi :

  1. Introduction du règlement autonome : Pour la première fois, la Constitution distingue les domaines relevant de la loi et ceux relevant des règlements autonomes, qui sont de la compétence exclusive du gouvernement (article 37). Cette innovation limite la portée de la loi.

  2. Définition matérielle de la loi : La loi n’est plus définie uniquement par son auteur (le Parlement), mais par son contenu, en fonction des domaines énumérés par la Constitution (article 34). Ces domaines incluent des sujets majeurs tels que :

    • Les droits civiques et politiques.
    • L’organisation de la vie publique.
    • Les principes fondamentaux du droit (propriété, travail, sécurité sociale, etc.).

En conséquence, le Parlement perd sa compétence générale et devient soumis à un cadre strict.

Le contexte contemporain

Dans les dix dernières années, plusieurs évolutions mettent en évidence les limites du Parlement en matière législative :

  • Influence croissante des normes internationales et européennes : Par exemple, le RGPD (Règlement général sur la protection des données), adopté au niveau européen en 2016, s’applique directement en droit interne, réduisant la marge de manœuvre nationale.
  • Recours fréquent aux ordonnances : Le gouvernement légifère de plus en plus par ordonnances, comme cela a été le cas pour la réforme des retraites en 2023. Cette pratique limite encore davantage le rôle législatif du Parlement.

 

II) La définition matérielle de la loi

La loi, pour être valide, doit porter exclusivement sur les domaines définis à l’article 34 de la Constitution de 1958. Cet article distingue deux types d’intervention parlementaire :

  • Fixation des principes fondamentaux dans certains domaines comme l’éducation, la défense nationale ou les libertés publiques.
  • Établissement des règles détaillées dans d’autres, comme la fiscalité ou l’organisation des collectivités territoriales.

Cette distinction implique que certaines lois nécessitent des décrets d’application pour être mises en œuvre, tandis que d’autres contiennent directement les dispositions opérationnelles.

L’initiative législative : gouvernement ou Parlement

L’initiative des lois peut venir :

  • Du gouvernement : sous forme de projets de loi.
  • Des parlementaires : sous forme de propositions de loi.

Dans tous les cas, les textes doivent respecter les domaines réservés au législateur par la Constitution. L’exécutif est également tenu de respecter cette répartition normative.

Une compétence législative limitée et contrôlée

L’article 34 limite les compétences du Parlement, et le pouvoir réglementaire autonome (prévu à l’article 37) prend en charge toutes les matières qui ne relèvent pas explicitement de la loi. Cela marque une distinction claire :

  • Le pouvoir législatif, limité à des compétences d’attribution.
  • Le pouvoir réglementaire, de nature générale et autonome.

Cette répartition est protégée par des mécanismes constitutionnels :

  1. Irrecevabilité des amendements législatifs (article 41) : Si une proposition parlementaire empiète sur le domaine réglementaire, le gouvernement peut opposer son irrecevabilité. En cas de conflit, le Conseil constitutionnel tranche rapidement (28 jours).
  2. Annulation des actes réglementaires illégaux : Si le gouvernement empiète sur le domaine législatif, le Conseil d’État peut annuler ces actes, mais cette procédure est souvent longue (jusqu’à trois ans).

Rôle du Conseil constitutionnel

Créé par la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel est le gardien de la répartition normative et veille au respect de la Constitution. Il peut :

  • Annuler une loi adoptée par le Parlement si elle dépasse les compétences définies à l’article 34.
  • Garantir la protection du domaine réglementaire contre les incursions parlementaires.

Évolutions et enjeux récents

  • Renforcement du pouvoir réglementaire : L’usage fréquent des ordonnances, comme celles utilisées pour la réforme des retraites (2023), montre que le gouvernement privilégie les règlements pour contourner des débats parlementaires longs ou conflictuels.
  • Maintien de la tradition parlementaire : Malgré ces limitations, le Parlement conserve un rôle central dans des domaines symboliques, tels que les finances publiques et les libertés fondamentales.

Une frontière floue entre loi et règlement

En pratique, les frontières entre législation et réglementation sont parfois floues :

  • Solution pratique : Un décret empiétant sur l’article 34 peut être transformé en loi si le gouvernement dispose d’une majorité parlementaire.
  • Complexité juridique : Les distinctions perdent de leur pertinence, car elles reposent sur des majorités politiques souvent homogènes entre l’exécutif et le législatif.

Conclusion :La définition matérielle de la loi et la répartition des compétences législatives et réglementaires instaurées en 1958 témoignent d’une volonté de rationalisation du pouvoir législatif. Toutefois, en pratique, cette rationalisation est souvent contournée par des ajustements politiques ou juridiques.

 

III) La tradition parlementaire maintenue

La tradition parlementaire française est préservée grâce à un domaine législatif étendu et des mécanismes constitutionnels favorisant l’équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. Malgré les limites imposées par la Constitution, la complémentarité entre ces deux pouvoirs permet une gestion pragmatique des matières complexes, tout en maintenant la prééminence du Parlement dans des secteurs fondamentaux.

Un domaine de compétence étendu pour le Parlement

Le domaine législatif, défini par l’article 34 de la Constitution, reste large et englobe des secteurs fondamentaux de la vie politique, sociale et des libertés publiques. Les matières concernées, comme les finances publiques, les libertés individuelles ou les droits fondamentaux, témoignent de l’importance de l’action parlementaire dans les secteurs-clés de l’État.

La révision constitutionnelle de 2008 a élargi encore ces compétences, en incluant :

  • L’environnement, en lien avec la Charte de l’environnement de 2004.
  • Les médias, pour garantir leur liberté et leur régulation.
  • Les lois de programmation, qui fixent des orientations stratégiques dans des domaines comme la sécurité ou la défense.

Une compétence résiduelle pour le gouvernement

La compétence gouvernementale découle des matières non explicitement attribuées au législateur :

  • Par exemple, si l’article 34 attribue au Parlement la définition des crimes et délits, les contraventions relèvent de l’exécutif.
  • Ce principe confère au pouvoir réglementaire une compétence générale sur les domaines non couverts par la loi.

Complémentarité législatif-réglementaire

Même dans les domaines où le législateur fixe les règles ou les principes fondamentaux, les lois nécessitent souvent des règlements d’application. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a reconnu cette complémentarité, permettant au pouvoir réglementaire d’intervenir pour préciser ou appliquer les lois, même dans les secteurs relevant en principe exclusivement du législateur.

La position du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, dans une décision marquante de 1982, a jugé qu’une loi ne respectant pas strictement la répartition entre l’article 34 (domaine législatif) et l’article 37 (domaine réglementaire) n’est pas pour autant inconstitutionnelle. Cette décision reflète une volonté de valoriser l’action du Parlement, en renforçant son rôle même dans des cas où il aurait empiété sur le domaine réglementaire.

En pratique, la distinction stricte entre les domaines où le Parlement « fixe les règles » et ceux où il « établit les principes fondamentaux » tend à s’atténuer. Les lois restent souvent incomplètes et nécessitent l’intervention de règlements d’application. Cette complémentarité est renforcée par des majorités politiques homogènes entre l’exécutif et le législatif, favorisant une collaboration dans la mise en œuvre des politiques publiques.

Isa Germain

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