La Common law : définition, origine et histoire

Définition et origine de la common law

Le droit anglais est limité, dans son domaine d’application, à l’Angleterre et au Pays de Galles. Il n’est ni le droit du Royaume Uni, ni même celui de la Grande-Bretagne puisque l’Irlande du Nord, l’Ecosse qui conserve son droit national en vertu du traité d’ Union de 1707, les îles anglo-normandes et l’île de Man ne sont pas soumises au droit anglais. Et pourtant, c’est bien à partir de ce droit anglais que la common law s’est répandue dans le monde, bien sûr dans les pays de langue anglaise. C’est dire si l’Histoire est indispensable pour la compréhension de cette famille de droits.

Les termes COMMON LAW ont plusieurs sens :

  • 1°) dans un sens large, ils désignent le droit non écrit par opposition à la loi écrite ;
  • 2°) ils désignent aussi le droit commun à l’ensemble du royaume britannique par opposition aux droits spécifiques à un groupe particulier;
  • 3°) ils désignent encore cette partie du droit qui n’est, ni la législation du Parlement, ni l’EQUITY;
  • 4°) ils désignent enfin le droit anglo-saxon et normand par opposition au droit d’origine romaine.

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1 . Définition de la common law

Le terme common law est polysémique selon qu’on le définit par rapport à l’EQUITY ou au regard des sources principales du droit anglais.

 

Il désigne d’abord l’un des grands systèmes de droit du monde occidental, dont l’origine remonte à la conquête de l’Angleterre, en 1066, par Guillaume, duc de Normandie, et qui s’est propagé dans le reste des Îles britanniques (sauf l’Écosse) et sur l’ensemble des colonies britanniques. Dans ce sens large, la common law se distingue notamment de la tradition juridique romano-germanique ou civiliste, qui a inspiré en particulier les droits européens et coloniaux codifiés suivant le modèle français ou allemand (le Québec et la Louisiane sont principalement de tradition civiliste, malgré une influence marquée de la common law). On trouve souvent l’expression droit anglais employée dans ce sens, mais il y a alors risque de confusion avec le droit propre à l’Angleterre contemporaine.

 

La common law (ou commune ley, comme on disait à l’époque où elle était pratiquée en français) se distinguait, à l’origine et durant tout le Moyen Âge, des diverses coutumes régionales ou seigneuriales administrées par des tribunaux distincts des tribunaux royaux dont la juridiction, elle, était « commune » à tout le royaume. À partir de la Renaissance, elle se distingue plutôt du régime de droit découlant des décisions des tribunaux d’equity.

 

 

André TUNC enseignait que la common law s’appuyait sur trois principes fondamentaux: le respect du précédent judiciaire, le recours au jury pour statuer sur les points de fait du litige, la suprématie du droit qui s’impose à toutes les personnes physiques ou morales de droit public ou de droit privé. Les juristes anglais définissent la common law comme « le bon sens de la communauté, regroupé et formulé par nos ancêtres » ( THE COMMON SENSE OF THE COMMUNITY, CRYSTALLISED AND FORMULATED BY OUR FOREFATHERS ). Ajoutons que le système de common law est accusatoire et donne aux parties une plus grande facilité pour « diriger» le procès et établir les preuves; la procédure de DISCOVERY ( découverte de la preuve ) semble plus efficace que celle de la preuve pré-constituée qui prévaut dans le S.R-G.

 

Le droit de common law ( jadis fréquemment appelé droit judiciaire ) est enraciné depuis des siècles. Il est le produit de règles non écrites élaborées par les tribunaux anglais qui ont fait œuvre créatrice. Ce droit a été repris et remodelé par d’autres pays dont l’Irlande, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, pour ne citer que les principaux. Le droit de common law, d’essence jurisprudentielle et donc plus flexible, s’oppose, au moins en apparence, au S.R-G. fondé, comme on l’a vu, sur la loi plus rigide. Cette opposition subsiste-t-elle aujourd’hui ? La mondialisation n’est pas seulement l’ouverture des marchés ; elle est aussi la mise en concurrence des systèmes de droit. La prépondérance du capitalisme anglo-saxon dans les échanges internationaux se traduit par l’invasion de la common law aux dépens du S.R-G. L’usage de la common law dans les contrats internationaux est devenu la règle, comme l’anglais est devenu la langue dominante. En matière contractuelle, les différences entre S.R-G. et common law sont considérables. Dans le S.R-G. les parties contractantes font confiance à la loi, aux codes, pour résoudre les problèmes que peut soulever l’exécution du contrat, alors que dans la common law il faut que le contrat prévoie toutes les difficultés qui peuvent surgir. Selon Michel GUENAIRE ( Le Débat 2001, n° 115, p.52 ), la common law est le droit du capitalisme individualiste, du rapport de force, parfois inégalitaire, en partie improvisé ; la common law construit un droit fragmenté. A l’inverse, le S.R-G. est le droit du capitalisme communautaire, familial, égalitaire, hiérarchisé et structuré dans des codes aux valeurs intangibles. Ce juriste voit, dans l’opposition entre les deux systèmes juridiques, les clés d’une authentique alternative de civilisation, et dénonce la dangereuse domination de la common law. Pour M.GUENAIRE, celle-ci aboutit à une absence de politique générale du droit, à un droit fragmenté, hermétique, soumis à l’exégèse des spécialistes. La protection des citoyens en est affaiblie ; le droit n’établit plus le lien social, mais seulement le calcul des acteurs les mieux informés. ( Lire aussi: L’américanisation du Droit, Archives de philosophie du Droit, tome 45, Dalloz, 2001, 400 pages ). Pour ^tre juste, il convient de remarquer que le droit romano-germanique influence la Common Law. A.GARAPON en donne 3 exemples:

  • – la création d’une sorte de Conseil supérieur de la magistrature en Angleterre;
  • – l’adoption en Angleterre, en matière de procédure d’expertise unique, du « Case Management », imitation de notre procédure de mise en état;
  • – le recrutement des juges au mérite aux Etats-Unis.

 

Malgré la règle du précédent, la common law a su innover: de nombreux principes, raisonnements, procédures, concepts ( ex: la CONSIDERATION, c’est-à-dire la contrepartie en matière de contrat, l’ESTOPPEL c’est-à-dire l’objection péremptoire qui s’oppose à ce qu’une partie à un procès puisse contredire une position qu’elle a prise antérieurement et dans laquelle les tiers avaient placé leur légitime confiance ) demeurent inconnus du S.R-G. La common law n’ignore pas la loi; celle-ci y occupe même une place de plus en plus importante, mais n’atteint ni l’idolâtrie, ni l’inflation qu’elle connaît chez nous. Il est impossible d’aborder tous les droits de la common law. Nous nous bornerons à envisager, dans leurs très grandes lignes, le droit anglais et le droit américain. Auparavant, il faut prendre garde que la connaissance de la Common Law n’est pas tant de comprendre ce dont il s’agit, que de pouvoir le traduire en français. Très souvent il n’y a pas de mots , car ceux-ci devraient répondre à des institutions correspondantes qui n’existent pas

 

2 . HISTOIRE DU DROIT ANGLAIS : la naissance de la common law (période médiévale 1066 – 1485)

De l’Angleterre tout est grand, même ce qui n’est pas bon. V.HUGO

Le droit anglais ne peut pas être compris, dans son opposition aux différents droits du S.R-G., si l’on ne prend pas en considération la manière différente dont les deux systèmes juridiques se sont formés et développés au cours des siècles. L’histoire du droit anglais commence en 1066 lorsque Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, devient roi d’Angleterre. Avant la conquête normande, l’Angleterre est régie par un droit primaire que les anglais qualifient d’anglo-saxon. Ce sont les normands et leurs descendants qui vont peu à peu imposer un droit commun à tout le royaume.

L’Angleterre est une colonie française qui a mal tourné. V.HUGO

La common law ( ou comune ley dans le jargon normand du Moyen-Age ) est, par opposition aux coutumes locales, le droit qui est commun à toute l’Angleterre. Les coutumes locales sont appliquées par des juridictions populaires, peu à peu remplacées par les juridictions seigneuriales qui appliquent le droit féodal. Ces juridictions populaires et seigneuriales s’ajoutent aux juridictions ecclésiastiques qui appliquent le droit canonique. C’est donc contre ces juridictions que va s’élaborer la comune ley, droit anglais des cours royales de justice, celles-ci appelées communément du nom du lieu où elles vont siéger à partir du XIIIème siècle, cours de Westminster.

 

Au début du Moyen-Age, le roi n’exerce que la « haute justice » par le biais de la CURIA REGIS dans laquelle siègent ses serviteurs les plus proches et les grands du royaume. La Curia Regis est la cour des grands personnages et des grandes causes ; ce n’est pas une juridiction ordinaire ouverte à tous les justiciables. Au sein de la Curia Regis, certaines formations vont, au XIIIème siècle, acquérir leur autonomie; c’est le cas du Parlement, c’est aussi le cas de différentes commissions à compétence juridictionnelle qui, cessant d’accompagner le roi dans ses déplacements, fixent leur siège à Westminster : Cour de l’Echiquier ( compétente pour les finances royales ), Cour des Plaids ( compétente pour la propriété foncière et la possession des immeubles ), Cour du Banc du Roi ( compétente pour les affaires criminelles graves ). Le roi confia à des juges itinérants le soin de dire le droit et de trancher certains litiges très importants, et ainsi d’assurer la paix royale sur tout le territoire de son royaume. Ces cours royales ont accru peu à peu leur compétence, d’autant qu’elles étaient de plus en plus sollicitées par les particuliers auxquels la justice royale apparaissait comme très supérieure à celle des autres juridictions. Seules les cours royales avaient les moyens d’assurer la comparution des témoins et de faire exécuter les jugements. Le système de preuve y était aussi plus moderne: on pouvait y prêter serment, à l’inverse des juridictions populaires et seigneuriales. C’est ainsi qu’une jurisprudence ( CASE LAW ) s’est élaborée, et fut appliquée uniformément à l’Angleterre et au Pays de Galles. Les cours cherchaient elles-mêmes, souvent par profit, à accroître leurs compétences. La common law qui, à l’origine, était du droit public ( les affaires de la couronne ), devint un système général comportant des règles pour toutes les situations, qu’elles fussent de droit public ou de droit privé.

 

Ce droit jurisprudentiel ( JUDGE-MADE LAW ), où sont inextricablement mêlées règles de procédure et règles de fond, est rédigé dans les YEAR BOOKS de 1290 à 1536. A la fin du Moyen-Age, les cours royales sont les seules à administrer la justice, mais jusqu’en 1875 elles demeureront, au moins en théorie, des juridictions d’exception. Ce n’est qu’à cette date qu’une grande réforme les transformera en juridictions de droit commun. En effet, jusqu’en 1875, saisir une cour royale n’est pas un droit, mais un privilège qu’on sollicite de l’autorité royale, et que celle-ci n’accorde qu’à bon escient. En principe, le justiciable s’adresse à un grand officier de la couronne et lui demande la délivrance d’un WRIT ( assignation ou bref ), par l’effet duquel les juridictions royales vont pouvoir être saisies, moyennant le paiement de droits à la chancellerie. Aujourd’hui obtenir un WRIT est une simple formalité réduite à un formulaire type, alors qu’en 1227 il n’y avait que 56 cas permettant d’obtenir un WRIT. A chaque WRIT correspondait une procédure différente et fort complexe, car en vertu d’un adage célèbre en Angleterre, « REMEDIES PRECEDE RIGHTS », qu’on pourrait traduire de manière triviale « la procédure d’abord », c’est-à-dire l’inverse de notre adage « Pas d’intérêt, pas d’action »; pour les anglais c’était plutôt pas d’action, pas d’intérêt. Dans telle procédure il fallait employer tels mots, dans une autre on avait recours à un jury, dans une troisième des témoins étaient indispensables. Dans telle procédure le défendeur pouvait être jugé par défaut, mais pas dans telle autre etc. Bref, la procédure était très rigide et très contraignante; la plus légère faute de procédure entraînait le rejet de l’affaire ou un non-lieu: NO WRIT, NO RIGHT.On pouvait aussi saisir une cour royale par voie de plainte ou pétition. Mais il fallait toujours convaincre la cour qu’elle était compétente; c’est encore le cas aujourd’hui.

 

Les circonstances dans lesquelles s’est formée la common law n’ont pas qu’un intérêt historique. Elles ont marqué le droit anglais durablement de quatre façons:

  • elles ont amené les juristes anglais à concentrer leur intérêt sur la procédure. La common law ne se présente pas comme un système visant à protéger des droits, mais essentiellement comme des règles de procédure jugées propres à assurer la solution des litiges conformément à la justice;
  • elles ont déterminé nombre de catégories et servi à forger beaucoup de concepts du droit anglais, en matière de contrat notamment;
  • elles ont conduit à rejeter la distinction droit public-droit privé. Les juridictions royales ont accru leurs compétences en développant l’idée originaire que l’intérêt de la couronne justifiait leur intervention. D’autres juridictions devaient normalement être saisies si l’intérêt des particuliers était en jeu. Ces autres juridictions s’étant étiolées, l’idée de droit privé a disparu. Tous les litiges soumis aux cours royales apparaissent comme des contestations de droit public. La technique du WRIT est d’ailleurs une technique de droit public;
  • elles ont fait obstacle à une réception en Angleterre des catégories et concepts du droit romain. En effet les cours royales n’étaient que des juridictions d’exception, et les juristes ne recevaient pas une formation universitaire théorique, mais seulement une formation pratique.

 

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