Qu’est-ce que le droit de la consommation ?
Quelles sont les définition, l’histoire et les sources du droit de la consommation? Pourquoi est-il nécessaire de protéger le consommateur?
I) Quel est le sens du mot « consommer » ?
Ce terme vient du mot « consumer » qui lui même vient du latin : cum = avec et summa = la somme.
- Cours de droit de la consommation
- Les institutions ou organismes de protection du consommateur
- La protection du consommateur lors de la formation du contrat
- Définition, histoire et sources du droit de la consommation
- Les personnes, biens et services protégés par le droit de la consommation
- La protection du consommateur par l’information et la réflexion
- Les pratiques commerciales trompeuses ou agressives
Consommer veut dire mener à son achèvement dans un premier temps. Puis ces termes ont évolué et on a considéré que cela signifiait disparaître par l’usage. De ces définitions originaires est venue l’idée qu’il y a un lien entre l’usage d’une chose et les besoins d’un individu. A partir du XIXème on a considéré que l’on pouvait consommer du superflu, et que par conséquent, si on additionne besoin et superflu, consommer a un impact fort sur l’économie.
Une autre idée s’est greffée sur cette évolution du terme c’est le fait que le consommateur est une personne à protéger, donc ce qu’on pourrait qualifier de personne vulnérable. En effet la consommation concerne ses besoins, de plus il est en rapport avec un professionnel ayant un pouvoir économique.
On s’est demandé comment définir le droit de la consommation, et à l’heure actuelle il est défini comme un ensemble de lois spéciales destinées à assurer la protection du consommateur, soit avant qu’il ne s’engage, soit lors de l’exécution du contrat.
-Pourquoi un droit spécial ?
Certains pays étrangers n’ont pas de droit spécial, et se servent uniquement du droit des contrats. On a jugé en France que le droit commun des contrats n’était pas suffisant parce que la question de l’équilibre contractuel se pose dans un contexte particulier. Ce contexte spécifique c’est le fait que la consommation est liée aux besoins, donc à la nécessité, et très souvent à l’urgence. Lorsque l’on combine la nécessité et l’urgence il y a une forme de paralysie de la réflexion, donc un consentement qui manque d’intégrité. Ex : il y a des études qui ont été faites sur le comportement des gens qui sont privés de leur ordinateur ou de leur téléphone : on se rend compte que beaucoup seraient prêt à faire n’importe quoi pour récupérer l’outil en question. Dans un certain nombre de cas on s’est demandé si ces outils étaient des biens indispensables qui donc devenaient insaisissables.
Le consommateur pourrait parfaitement être en état de domination, parce qu’il a le pouvoir de faire jouer la concurrence, mais en réalité il perd cette force, parce qu’il peut y avoir des ententes entre les professionnels, et il y a également les sollicitations dont on assaille le consommateur en le persuadant qu’il faut qu’il achète telle ou telle chose. Cela fausse son jugement. Il y a aussi des mécanismes qui multiplient les désirs du consommateur : la mode, la publicité, mais aussi les nouvelles nécessités de la vie (chercher un emploi sans téléphone est devenu difficile). Il y a également des mécanismes qui facilitent la réalisation des désirs : crédits par exemple. Il y a aussi des pathologies du consommateur, des addictions.
De plus, le professionnel c’est un interlocuteur qui détient le pouvoir : le pouvoir de l’argent, le pouvoir de la communication, et le pouvoir de la technique.
On peut facilement manipuler un consommateur : par exemple, les prix qui se terminent par 9. Autre exemple : proposition de boisson, on la présentait de deux manières différentes. Il y en a une ou la boisson était simplement proposée dans un verre, et dans l’autre il y avait une table et une bouteille. 80% des personnes ont accepté de prendre la boisson qui était dans un verre, parce que le caractère facile des choses fait qu’on achète plus facilement. Le phénomène de répétition incite également le consommateur à acheter, plus on est sollicité, plus on s’habitue au produit et on se dirigera vers cette marque pour acheter. Si à côté du produit on fait figurer une carte de crédit sur le produit, ce dernier sera plus acheté. Il y a également l’effet de rareté, si on laisse penser qu’un produit est rare, il sera plus acheté. Des études ont également été faites sur l’effet de la musique dans les magasins : si la musique est lente, on est déstressé, et on prend notre temps dans le magasin et on achète plus de choses, or si la musique est rapide, on se dépêche de faire nos courses.
Les couleurs, la lumière ont également un effet sur le consommateur.
En France le comportement des consommateurs a changé. Les consommateurs français sont les plus pessimistes. Concernant l’achat sur un coup de tête : il est au plus bas en ce moment et n’avait jamais été si bas en 20ans. Les consommateurs mettent plus de temps à se décider, par exemple pour l’achat d’un lave linge ils mettent 6 à 14 jours. Les gens cherchent le meilleur prix, par rapport à la meilleure qualité, ils veulent que le produit dure. Les sites comparatifs sont de plus en plus consultés, toutes les caractéristiques du produit sont regardées, par exemple en achetant une voiture l’acheteur va demander quel est le prix d’un pneu, d’une courroie de distribution sur le véhicule …
II) Historique du droit de la consommation
On peut quasiment faire remonter le droit de la consommation à 1700 avant J-C. Dans le code d’Hammurabi il y a des dispositions concernant la falsification des produits. Il est également écrit que lorsqu’on ne peut pas prouver qu’on a prêté de l’argent à quelqu’un, on ne peut pas le récupérer, dispositions concernant le droit de la preuve, la question de la validité, et de l’opposabilité. En droit romain, 450 avant J-C, on trouve une sorte de garantie des vices cachés, dans la loi des 12 tables. Au Moyen-Age, on trouve des textes sur la nécessité d’exécuter des contrats de bonne foi, et sur la prohibition de l’usure (prêt à un taux excessif). Pendant la période pré révolutionnaire, il y a une protection du consommateur organisée par les corporations, notamment concernant les tromperies et les falsifications. L’étape suivante est la révolution, les choses vont changer, au nom de la liberté on va supprimer toutes les contraintes, on constate une grande indulgence à l’égard des fraudes. Très vite, après la Révolution, il y a le code civil de 1804 qui n’accorde aucune protection particulière aux consommateurs, c’est un co-contractant comme un autre, et on va donc lui appliquer le droit des contrats et le droit pénal (pour l’escroquerie par exemple).
Au début du XXème siècle : influence des Etats-Unis. En 1936 va être fondée la « consumer union ». Figure emblématique : Ralph Nader, avocat d’origine libanaise qui a fait plier la firme General motors qui a été contrainte de retirer du marché un modèle de véhicule jugé dangereux. John Kennedy, 1962 « Leurs dépenses (celles des consommateurs) représentent les 2/3 des dépenses économiques totales, ils constituent pourtant le seul groupe qui ne soit pas réellement organisé, et dont les avis, le plus souvent, ne sont pas entendus ».
Seconde période : En France, à partir des années 1970 apparaît le droit du marché, càd un droit économique. Mais très vite on se rend compte que c’est un droit très vaste qui a des aspects complexes, et surtout tous les problèmes de ce droit ne se situent pas sur le même plan. Il faut donc opérer des distinctions entre trois éléments : – le droit de la concurrence : il repose sur la liberté du commerce et de l’industrie (principe posé en 1791). cette liberté est elle même limitée parce qu’elle doit respecter deux catégories de personnes qui sont les concurrents (sont prohibés les procédés contraires aux usages loyaux pratiqués dans le commerce), et les usagers (appelés plus tard consommateurs). – le droit de la distribution : il règlemente l’écoulement des produits, de la production jusqu’à la consommation. C’est un droit qui va traiter des contrats spéciaux liés à la commercialisation et à la revente. – le droit de la consommation : il vise directement le consommateur, qui est présumé faible et qui doit donc être protégé soit de manière préventive, soit de manière curative. Ce droit de la consommation a pris de l’ampleur à partir des années 1972, càd à partir du moment où l’on a réalisé qu’il ne s’agissait pas seulement de protéger des individus faibles, mais qui avaient peut être le tort de ne pas s’être responsabilisés. La nouvelle idée apparue était le fait que le droit de la consommation protégeait la société, parce que la société d’abondance qui multipliait les consommateurs risquait de produire des effets irréversibles dans certains domaines, comme par exemple la raréfaction des ressources naturelles, la pollution, les changements climatiques …
Il y a un certain nombre de structures qui se sont mises en place, par exemple le club de Rome, groupe de réflexion, qui réunit des scientifiques, des juristes, des politiques pour faire des propositions. En 1992 il y a eu pour la première fois le sommet de la Terre à Rio, et c’est dans ce cadre que l’on a formalisée la notion de développement durable, qui a pour objectif de protéger les générations futures avec des recommandations, comme par exemple lutter contre le gaspillage, comment doit-on choisir ses produits … Il y a également eu des organismes prônant le commerce équitable, avec deux processus : soit des filières labellisées de produits, dans des magasins particuliers (artisans du monde par ex), soit des filières labellisées proposant des produits dans des grandes surfaces.
Ces trois disciplines ont deux points communs : la recherche d’un équilibre, ainsi qu’une approche concrète et pragmatique des problèmes.
Les études juridiques, les projets de nouvelles lois, sont alimentés par d’autres disciplines juridiques comme le droit des contrats, le droit du crédit, mais également par des disciplines non juridiques (études économiques, scientifiques…).
A l’heure actuelle un rapport a été fait sur la nature et la culture de la consommation dans les sociétés de consommation. Eux points ont été dégagés : on distingue 5 fonctions psychosociales dans la consommation : -la consommation ostentatoire (on consomme pour le montrer), -la consommation qui enrichie les connaissances, -la consommation expression de l’identité, -la consommation comme moyen de s’échapper (procure du rêve, un changement d’idée), et -la consommation de compensation (lorsque l’on se sent en manque, frustré, pas bien).
De plus, la consommation est de plus en plus précoce. Dès 1912, des boites de Crackers contenaient des jouets pour les enfants, et les études démontrent que les enfants sont exposés à entre 200 et 300 publicités par jours. Il y a également des cartes juniors de fidélité, des minis caddies … IKEA prend même en charge les enfants qui vont jouer, et qui se souviendront de la marque lorsqu’ils seront plus grand et demanderont à leurs parents de retourner chez IKEA.
Le regard porté sur le consommateur a changé, avant il était plutôt négatif, or maintenant, c’est certes une personne qui peut être vulnérable mais c’est aussi une personne à satisfaire. Par conséquent on considère que le droit de la consommation, pour les professionnels, c’est un « paramètre à gérer ». Cela peut être une véritable collaboration entre consommateur et professionnel, on a abandonné l’idée que le consommateur est un incapable.
III) Les textes (sources juridiques du droit de la consommation)
A) Le droit interne
Le premier texte de droit de la consommation on peut dire que c’est une loi de 1905 relative aux fraudes et aux falsifications. Les choses vont se précipiter après 1970, le premier texte est sur l’enseignement à distance, en 1971. En 1972, sur le démarchage à domicile. En 1973, sur la publicité, notamment trompeuse. En 1978, sur le crédit à la consommation. Autour des années 1980, il y a eu plusieurs lois sur la sécurité financière et physique des consommateurs. En 1989, loi sur le surendettement. 1992, loi sur la publicité comparative, et loi sur les ventes de voyages et de séjours. 2003 : protection des consommateurs utilisant le commerce électronique. 2008, loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (loi Chatel, qui permet de changer d’opérateur téléphonique plus facilement). Aout 2008 : loi de modernisation de l’économie, qui va établir une liste des pratiques trompeuses et agressives. 2009 : décret établissant une liste des clauses abusives, avec les clauses noires et les clauses grises. 2010 : crédit à la consommation, engagement pour l’environnement, … 2011/2012 : textes sur les denrées alimentaires, les produits de santé etc.
Concernant les projets : réforme du droit de la consommation sur de nombreux points qui est déjà passée à l’AN et qui est en cours au sénat (Sept 2013). Elle concerne le fond et la forme. Sur le fond, il y a enfin une définition du consommateur, l’action de groupe, l’information des consommateurs, l’alourdissement des sanctions, la possibilité de résilier plus facilement les contrats d’assurance, non plus à des dates précises.
Sur la forme : la réforme a un objectif, la refonte du droit de la consommation. Dans cette réforme le gouvernement va être habilité à refaire le code de consommation par ordonnance.
Ces réformes se sont organisées sur un bilan du droit de la consommation entre 1970 et aujourd’hui. Il y a deux points essentiels dans ce bilan : -Le droit de la consommation a deux sources : le droit interne, qui lui affecte une mission principalement sociale, et le droit européen, qui a davantage un objectif d’efficacité économique. Le problème c’est qu’il faut concilier ces deux droits. -Se sont généralisées un certain nombre de règles qui ont même été consacrées en dehors du droit de la consommation : notion de clause abusive, notion de déséquilibre significatif, le droit à l’information. Cette constatation impose que l’on mette à part ces constantes, le plan du code de la consommation devrait idéalement changer. Ce code de la consommation date de 1993 pour les textes législatifs, et de 1997 pour les textes règlementaires.
Depuis 30 ans le code s’est étoffé, et on constate qu’il est d’une grande complexité et manque de cohérence.
Ce code est une compilation avec un plan, dans le livre 1 il y a l’information des consommateurs et la formation des contrats. Dans le livre 2 on trouve les textes relatifs à la conformité et à la sécurité des produits et services. Dans le livre 3, il s’agit de l’endettement, avec le crédit, le surendettement et le cautionnement. Dans le livre 4 on a les associations de consommateurs, et dans le livre 5 les institutions. L’existence d’un code on ne la retrouve pas dans tous les pays qui sont sensibles au droit de la consommation, par exemple il n’y en n’a pas en Espagne ni en Allemagne. Au Luxembourg il y a un code et il semblerait que l’existence de ce code a permis une meilleure connaissance par les consommateurs des textes qui leur sont offerts, cependant il ne parle pas du surendettement.
La question qui se pose à l’heure actuelle est celle de la réforme de notre code de la consommation. Il y a plusieurs solutions, soit on va réinsérer les nouveaux textes, soit on va faire une refonte plus profonde, càd refaire le plan en intégrant tout ce qui à trait aux nouvelles technologies, et mettre en évidence des définitions ainsi que les grands principes du droit de la consommation (information, règles de prescription, proportionnalité, équilibre des contrats de consommation …).
B) Les aspects internationaux
Au stade des Nations Unies : Elles ont adopté une résolution en 1995 qui fixe les grandes lignes de la protection des consommateurs. Il s’agit du droit à la santé, à la sécurité, à l’information, et à des recours efficaces. Mais ces textes ont été qualifiés de soft law, parce qu’ils ne forment qu’un cadre.
La protection du consommateur rejoint toujours, sur le plan international, avec la protection de l’environnement et du développement durable.on est confronté à un problème : tous les pays concernés n’ont pas le même niveau de développement et de richesse. Il y a également le problème de la déforestation de l’Amazonie, un certain nombre de pays se posent la question de l’exploitation du pétrole qui se situe sous les arbres.
L’OMC : elle a élaboré des principes non contraignants. Il y a quand même une contrainte indirecte qui est que les pays qui veulent continuer à appartenir à l’OMC doivent respecter ces principes, y compris en matière de consommation.
Droit européen : il y a un certain nombre de textes. Dans le traité de Rome de 1857 la consommation est présente de manière extrêmement marginale, a propo de la politique agricole commune dont l’un des objectifs est d’ « assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ». En 1975, il y a eu une résolution qui concerne un programme de protection et d’information des consommateurs. Avec le traité de Maastricht en 1992, un titre 11 est consacré à la protection des consommateurs : « La communauté européenne contribue à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs ». En 2006, un commissaire est chargé de la protection des consommateurs. En 2007, publication d’un livre vert, de plus le traité de Lisbonne va poser comme principe que la concurrence peut être utilisée comme un outil au service des consommateurs.
A l’heure actuelle la réflexion porte sur l’existence d’un code européen du droit de la consommation. Les opinions sont très partagées, parce que certains pays n’ont pas de code, et puis il y a des obstacles de fond : Quelle sera la compétence laissée aux Etats membres ? Quelle sera l’articulation entre le droit communautaire et les droits nationaux ? Arrivera t-on à une unité d’interprétation des textes entre les différents pays ?
L’UE, en matière de droit de la consommation, agit de deux façons : d’abord elle prend des mesures pour rapprocher les législations, et elle prend des mesures pour protéger les consommateurs. Le mouvement s’est fait progressivement, dans un premier temps l’UE a opté pour l’harmonisation minimale, et à l’heure actuelle on a de l’harmonisation maximale. Les textes nationaux sont remplacés par des directives. Le droit communautaire est cependant moins protecteur du consommateur que le droit français.
Question particulière de la consommation transfrontalière qui pose la question de la loi applicable. Il y a des règlements communautaires sur la question, notamment le règlement Rome 1qui concerne les opérations contractuelles. Ces règlements vont distinguer deux types de consommateurs : il y a d’abord le consommateur passif, qui a été contacté dans son pays par un professionnel établi à l’étranger. Il pourra revendiquer l’application des textes par les tribunaux de son pays d’origine. A l’opposé il y a le consommateur actif, a qui on applique les règles générales, puisqu’il a lui même pris le risque de conclure un contrat à l’étranger.