La dégradation civique en droit marocain

Dégradation civique et autres peines privatives de droit au Maroc

 

En droit marocain, les peines privatives de droit peuvent être, par exemple, :

  • priver la personne condamnée de certains droits civiques et politiques, tels que le droit de vote ou le droit d’être élu. Cette peine peut être prononcée pour les infractions commises en lien avec les élections ou les partis politiques.
  • la dégradation civique : La dégradation civique en droit marocain est une peine infamante qui consiste en la privation des droits civiques et politiques ainsi que du droit de porter toute décoration. Elle peut être prononcée à l’encontre des condamnés pour certaines infractions pénales graves [1].

Cette peine est considérée comme particulièrement sévère, car elle entraîne une perte définitive de certains droits. En effet, la dégradation civique peut entraîner la destitution et l’exclusion des condamnés de toutes fonctions publiques et de tous emplois ou offices publics. Elle peut également priver les condamnés du droit d’être électeur ou éligible et de tous les droits civiques et politiques.

En cas d’impossibilité de prononcer la dégradation civique, notamment si le condamné est déjà privé de ses droits civiques ou s’il s’agit d’un étranger, la peine applicable est la réclusion de cinq ans au moins [2].

&1 – LES PEINES PRINCIPALES PRIVATIVES DE DROIT : la dégradation civique

Il s’agit de la seule dégradation civique qui est une peine criminelle principale d’une part (article 16-5° du Code pénal marocain), d’autre une peine accessoire à une peine criminelle principale (article 36-2° du Code pénal marocain).

A. DÉFINITION DE LA DÉGRADATION CIVIQUE

C’est une incapacité de jouissance consistant dans l’interdiction d’exercer les prérogatives liées ordinairement à la citoyenneté et se traduisant par des droits civiques, civils et de famille.

1. Destitution et exclusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offices publics (article 26-1° du Code pénal marocain). Interdiction de « servir dans l’armée » (article 26-5° du Code pénal marocain). Interdiction « d’enseigner, de diriger une école ou d’être employé dans un établissement d’enseignement à titre de professeur, maître ou surveillant » (article 26-5° du Code pénal marocain).

2. Privation du droit d’être électeur ou éligible et « en général de tous les droits civiques et politiques » (article 26-2° du Code pénal marocain).

3. Incapacité d’être expert, de servir de témoins dans tous actes et de déposer en justice autrement que pour y donner de simples renseignements (article 26-3° du Code pénal marocain).

4. Incapacité d’être tuteur ou subrogé tuteur, si ce n’est de ses propres enfants (article 26-4° du Code pénal marocain).

5. Privation du droit de port d’armes (article 26-5° du Code pénal marocain) et donc du droit de chasser.

6. Interdiction de porter des décorations (article 26-2° du Code pénal marocain).

B. DURÉE DE LA PEINE

Deux à dix ans « sauf dispositions spéciale contraire » (article 26 dernier alinéa du Code pénal marocain).

C. POSSIBILITÉ D’Y ADJOINDRE UNE PEINE DÉLICTUELLE

Emprisonnement de cinq ans maximum (article 27 alinéa 1 du Code pénal marocain).

D. CRIMES PASSIBLES DE LA DÉGRADATION CIVIQUE

Abus d’autorité commis par les fonctionnaires contre les particuliers (articles 225, 227, 229 du Code pénal marocain).

1. Coalition de fonctionnaires (article 236 du Code pénal marocain).

2. Empiètement des autorités administratives et judiciaires (articles 237 et 238 du Code pénal marocain).

E. PEINE DE REMPLACEMENT

Peine de remplacement en cas d’inapplicabilité de la peine (marocain ayant déjà perdu ses droits civiques ou étranger) : Réclusion de cinq à dix ans (article 27 alinéa 2 du Code pénal marocain).

 

&2 – LES AUTRES PEINES PRIVATIVES DE DROIT (peines accessoires)

L’article 14 du Code pénal marocain distingue les peines principales et accessoires : «Les peines sont principales ou accessoires. Elles sont principales lorsqu’elles peuvent être prononcées sans être adjointes à aucune autre peine. Elles sont accessoires quand elles ne peuvent être infligées séparément ou qu’elles sont les conséquences d’une peine principale. »

Parmi les peines privatives de droit, on distingue : l’interdiction légale, la dégradation civique, la suspension de certains droits civiques ou civils…

A. L’INTERDICTION LÉGALE

Liée aux seules peines criminelles, elle consiste en la privation de l’exercice et de la jouissance des droits patrimoniaux qui sont confiés à l’administration d’un tuteur, pendant la durée d’exécution de la peine principale.

1. INFRACTIONS PASSIBLES DE LA SANCTION

L’interdiction légale ne s’attache qu’aux peines criminelles. Elles n’a pas à être prononcée. Elle s’applique de plein droit (article 37 du Code pénal marocain).

Elle est donc exclue lorsqu’un crime a été sanctionné par une peine délictuelle à la suite d’une excuse ou de circonstances atténuantes.

2. PRIVATION DE L’EXERCICE DES DROITS PATRIMONIAUX

Selon l’article 38 du Code pénal marocain, l’interdit ne peut effectuer aucun acte d’aliénation de ses biens, ne peut consentir un bail ou un prêt, ne peut signer un chèque ou une lettre de change…etc. il peut seulement procéder à des actes intéressant son patrimoine, lorsque l’effet de ces actes est reporté à la fin de la peine. Il peut par exemple tester.

3. INTERDICTION DE JOUISSANCE

Pendant la durée de la peine, il ne peut percevoir aucune somme d’argent provenant de ses revenus, sauf si ce n’est pour cause d’aliments et dans les limites autorisées par l’administration pénitentiaire (article 39 alinéa 2 du Code pénal marocain).

4. GESTION DES BIENS DE L’INTERDIT

L’article 38 du Code pénal marocain, confère à l’interdit le droit de choisir un mandataire pour le représenter dans l’exercice de ses droits sous le contrôle et la responsabilité d’un tuteur dont la désignation obéit aux « formes prévues pour les interdits judiciaires » (article 39 alinéa 1 du Code pénal marocain). Si aucun mandataire n’est choisi, il appartient au tuteur d’administrer directement le patrimoine de l’interdit. Ce n’est qu’à l’expiration de la peine qu’il lui remettra ses biens et lui rendra compte de son administration.

5. DURÉE DE LA SANCTION

Débutant le jour où la condamnation principal est devenue irrévocable, l’interdiction légale dure autant que la peine principale dont elle est l’accessoire. Elle est donc perpétuelle si la peine principale est perpétuelle (article 38 du Code pénal marocain).

B. LA DÉGRADATION CIVIQUE EN TANT QUE PEINE ACCESSOIRE EN DROIT MAROCAIN

Cette sanction d’une part est une peine criminelle principale, d’autre part est une peine accessoire à une peine criminelle principal (articles 15-5° et 36-2° du Code pénal marocain).

1. INFRACTIONS PASSIBLES DE LA SANCTION

Elle s’attache de plein droit à toutes les peines criminelles principales autre qu’elle-même et, de ce fait, n’a pas à être prononcée (article 37 du Code pénal marocain). En revanche, elle ne peut être associée aux peines délictuelles prononcées pour crime (article 40 du Code pénal marocain).

2. DURÉE DE LA SANCTION

Elle s’applique de plein droit le jour où la condamnation principale est devenue irrévocable. Elle est perpétuelle, le législateur ayant refusé d’en limiter la durée.

C. LA SUSPENSION DE CERTAINS DROITS CIVIQUES, CIVILS ET DE FAMILLE EN DROIT MAROCAIN

Il s’agit de la suspension d’une ou plusieurs des prérogatives liées à la citoyenneté et dont la dégradation civique entraîne globalement la suspension de façon temporaire lorsqu’elle intervient en tant que peine principale, et perpétuelle lorsqu’elle intervient en tant que peine accessoire. L’interdiction d’exercice de certains des droits visées à l’article 26 du Code pénal marocain est une faculté laissée aux tribunaux lorsqu’ils prononcent certains peines délictuelles, c’est donc une sanction facultative.

1. INFRACTIONS PASSIBLES DE LA SANCTION

Celle-ci est liée à certaines peines délictuelles « dans les cas déterminés par la loi », en sorte que lorsqu’un crime a été puni d’une peine délictuelle par suite d’une atténuation de la peine, non seulement l’article 37 du Code pénal marocain relatif à la dégradation civile est inapplicable mais également l’article 40 du Code pénal marocain, car seules en fait des peines sanctionnant des délits se voient associés par le code cette peine accessoire.

2. DURÉE DE LA SANCTION

La sanction est appliquée le jour où la condamnation est devenue irrévocable, même lorsqu’il s’agit d’une condamnation avec sursis, car le sursis accordé au principal ne s’étend pas à l’accessoire (article 57 alinéa 1 du Code pénal marocain).

La durée de la sanction est de un à dix ans (article 40 du Code pénal marocain), mais ce principe est assorti de deux exceptions : les articles 180 (délits contre le Roi, la famille royale et la forme du gouvernement) et l’article 197 du Code pénal marocain (délits contre la sûreté intérieure de l’État) portent à cinq ans le minimum de la sanction et à vingt ans son maximum.

D. LA DISSOLUTION D’UNE PERSONNE JURIDIQUE EN DROIT MAROCAIN

La dissolution d’une personne juridique c’est l’interdiction de continuer l’activité sociale, même sous un autre nom et avec d’autres directeurs, administrateurs ou gérants.

Pour qu’une telle peine accessoire puisse être prononcée, il faut admettre que les membres ou les dirigeants de la personne juridique aient préalablement fait l’objet d’une condamnation à une peine principale.

Cette dissolution peut dès lors s’analyser comme la privation du droit d’association dans le cadre de l’activité sociale initialement réprimée, que les fins de cette activité soient purement économiques, politiques ou syndicales.

1. INFRACTIONS PASSIBLES DE LA SANCTION

Elles sont prévues par le dahir du 15 novembre 1958 relatif au droit d’association, tel qu’il a été modifié et complété par la suite et notamment par la nouvelle loi n° 75-00. trois cas sont prévus par ce texte.

a. Si la personne juridique est « fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs ou qui a pour but de porter atteinte à la religion islamique, à l’intégrité du territoire national, au régime monarchique ou de faire appel à la discrimination » (article 3 de la loi n° 75-00).

b. « S’il apparaît que l’activité de l’association est de nature à troubler l’ordre public » (article 7 alinéa 1 de la loi n° 75-00).

c. « En cas d’infraction aux dispositions de l’article 5 », c’est-à-dire aux formalités de constitution de la personne juridique.

L’article 27 de la loi 75-00 étend aux associations étrangères les mêmes règles.

2. EXÉCUTION DE LA SANCTION

La dissolution ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi et en vertu d’une disposition expresse de la décision de condamnation (article 47 alinéa 2 du Code pénal marocain). Dans ce cas, la dissolution entraîne la liquidation des biens de la personne juridique.