Quels sont les délais de prescription (article 2219)

La Prescription (article 2219 du code civil):

La prescription est un événement, qui marque la fin d’un délai, durant lequel un créancier peut invoquer son droit. Autrement-dit, il fait perdre au créancier son droit après l’écoulement d’un certain délai. Ce type de prescription est appelé “acquisitif ou libératoire”.

A. Éléments introductifs :

La prescription est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps (article 2219). Au bout d’un certain délai, le créancier qui n’agit pas en paiement contre son débiteur perd sa créance. Le fait d’effacer les droits d’un créancier qui reste inactif doit être considéré comme une spoliation mais c’est nécessaire à l’ordre social car elle est source de sécurité juridique. De plus, elle permet de dispenser de preuve les débiteurs ou ses héritiers. Ex : factures, quittances…

Depuis la réforme du droit de la prescription (loi du 17 juin 2008), le délai de droit commun de la prescription est passé de 30 ans à 5 ans.

1. Prescription et forclusion :

A coté des délais de prescription il existe des délais de forclusion, aussi appelés délais préfixes. Ils sont conçus pour agir le plus vite possible ce qui débouche sur une impossibilité de poursuite dans le cas contraire. Les délais de forclusion peuvent être conventionnels mais ils sont aussi légaux.

Ils ne sont pas régis par les règles concernant la prescription (article 2220). La Cour de cassation a jugé que la clause qui fixe un terme au droit d’agir du créancier contre une caution institue un délai de forclusion et pas un délai de prescription.

Ex : un créancier a déclaré sa créance dans la procédure collective du débiteur. Un certain délai avait été fixé dans le contrat et prévoyait qu’au bout d’un certain terme, il était impossible pour le créancier de poursuivre la caution. La CC a estimé que le délai qui était imparti au créancier pour agir contre la caution est un délai de forclusion et non pas un délai de prescription donc ce délai n’a pas pu être interrompu par la déclaration de créance. Ce même délai ne peut pas rester interrompu jusqu’à la clôture de la procédure collective.

La difficulté est qu’il n’existe actuellement aucun critère qui permet de distinguer les délais de forclusion et les délais de prescription.

C’est donc in concreto que la jurisprudence se prononce. En général les délais de forclusion sont très courts :

1 an pour l’action en révocation d’une donation pour cause d’ingratitude (article 957).

Délai de 2 ans pour l’action en rescision pour lésion (article 2276).

Article L218-2 conso prévoit un délai de 2 ans pour les actions en paiement diligentées par les professionnels à l’encontre des consommateurs

3 ans pour l’action en revendication d’un meuble perdu ou volé

En matière de garantie décennale, un délai de 10 ans est prévu à compter de la réception des travaux (article 1792 du code civil).

Quel que soit le délai de forclusion, une clause de forclusion stipulée par les parties prévoit des effets identiques à une clause de réduction de délai de prescription. Mais contrairement à cette clause, le délai de forclusion peut être inférieur à 1 an alors que c’est interdit en matière de prescription (article 2254). La justification de cette disparité vient du fait que l’article 2220 prévoit que les délais deforclusion ne sont pas en principe soumis aux règles du code civil qui régissent les délais de prescription.

La Cour de cassation le rappelle périodiquement : la clause qui fixe un terme au droit d’agir du créancier institue un délai de forclusion et non pas de prescription.

Ex : le LCL s’était porté caution d’un bail, le cautionnement prévoyait que l’engagement devra caduc et ne pourra plus être mis en jeu pour quelle que cause que ce soit à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la date de prise d’effet d’une résiliation anticipée du contrat de bail. Le bailleur avait résilié le bail pour non-paiement des loyers mais il a attendu 4 mois donc la caution lui a opposé la forclusion de son action. La CA a dit que le délai était trop bref car la loi prévoit que la réduction du délai de prescription ne peut pas être inférieur à 1 an → cassation car on est en présence d’un délai de forclusion (Com. 15 octobre 2013). La CA de Paris le 20 septembre 2018 a rendu un arrêt dans le même sens.

2. Prescription et exception de nullité :

La prescription qui est appliquée à la nullité des contrats donne lieu à une règle particulière à savoir que l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution (article 1185). L’exception de nullité est perpétuelle : même si l’action en nullité est prescrite et qu’il n’est plus possible de demander la nullité par voie d’action principale, il est toujours possible d’invoquer la nullité par voie d’exception pour refuser d’exécuter le contrat. C’est une défense au fond. Les droits sont temporaires par voie d’action mais perpétuels par voie d’exception.

Exemple : un assureur laisse passer le délai de prescription (2 ans) après s’être aperçu qu’il y avait une fausse déclaration de son cocontractant. Mais l’autre assureur va pouvoir agir si l’assuré agit pour demander le versement d’une indemnité. Il pourra alors agir pour invoquer une exclusion de garantie liée à la fausse déclaration car elle est opposée par voie d’exception.

Limite à cette règle : Le contractant ne peut pas opposer une exception de nullité si le contrat a été exécuté. Il importe peu que l’exécution émane de celui qui invoque l’exception ou de son cocontractant. Il importe peu aussi que l’exécution soit partielle ou totale. Donc l’emprunteur qui a commencé à rembourser son crédit ne peut plus invoquer l’exception de nullité perpétuelle. Une société civile immobilière qui s’est portée caution hypothécaire pour garantir un prêt ne pourra plus invoquer l’exception à partir du moment où l’hypothèque a été inscrite par le créancier (3ème civ. 9 mars 2017).

Quand on parle de caution hypothécaire, c’est une personne qui s’engage à payer la dette d’autrui mais elle offre en garantie un immeuble.

Autre limite : la jurisprudence décide que l’exception de nullité perpétuelle ne peut être accueillie que si l’action en exécution de l’obligation litigieuse est introduite après l’expiration du délai de prescription. On ne peut pas invoquer cette exception de nullité tant que le contrat est en cours (com. 26 mai 2010).

Certains auteurs estiment qu’en réalité il faut distinguer l’exception de nullité perpétuelle et l’exception de nullité ordinaire. La première ne peut être opposée qu’çà compter de l’expiration du délai de prescription à condition qu’il n’y ait pas eu commencement d’exécution. La seconde peut être opposée avant l’expiration du délai de prescription, peu important que le contrat ait reçu un commencement d’exécution.

B. Le délai de prescription :

Le délai de prescription est en principe fixé par la loi mais depuis la réforme de 2008, des aménagements conventionnels sont possibles.

1. Les délais légaux :

La prescription trentenaire était autrefois le délai de droit commun mais cela a pris fin avec la loi du 17 juin 2008. La longueur de ce délai a été jugée excessive → aujourd’hui, 5 ans. Cela vaut pour lesactions personnelles et mobilières (article 2224).

Le délai de 30 ans n’a pas complétement disparu : il demeure le délai de principe pour les actions réelles immobilières (article 2227), actions en nullité absolue du mariage (ex : mariage incestueux, polygamique, simulé…), actions en réparation des dommages causés à l’environnement.

La prescription décennale, avant la réforme, avait un champ d’application important car ce délai s’appliquait aux relations commerciales, aux actions en responsabilité délictuelle et aux actions en responsabilité diligentées contre les établissements et les professionnels de santé (depuis la loi Kouchner de 2002). Les choses n’ont pas changé sur ce dernier point, le délai de 10 ans a été maintenu après 2008.

Mais le champ d’application de cette prescription s’est réduit et concerne principalement aujourd’hui les actions en réparation d’un dommage corporel, peu importe que l’action soit contractuelle ou délictuelle (article 2226 alinéa 1er). Dommage matériel → 5 ans.

Ce délai de 10 ans concerne aussi les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants (articles 1792-4-1 et 1792-4-3).

La prescription quinquennale : avant la réforme, cette prescription de 5 ans s’appliquait à des créances périodiques (salariales, loyers, intérêts d’emprunt, pension alimentaire, arrérages d’une rente…). Désormais, le délai de 5 ans est la prescription de droit commun des actions personnelles et mobilières, y compris en matière commerciale.

Cette prescription s’applique notamment aux actions en nullité des contrats, à l’action en résolution ou exécution forcée, aux actions en responsabilité or dommages corporels et aux actions en restitution.

Délai inférieur à 5 ans : les courtes prescriptions n’ont pas été supprimées, elles sont prévues par des textes spéciaux :

4 ans pour les créances publiques et fiscales

3 ans pour les actions en réparation des dommages causés par les produits défectueux

3 ans pour les actions en paiement des salaires

2 ans pour les actions découlant des contrats d’assurance (article L114-1 C. ass.)

2 ans pour les actions qui intéressent les rapports entre consommateurs et professionnels (article L218-2 C. conso.)

1 an pour les actions fondées sur le transport de marchandise (article L133-6 C. com.).

2. Les aménagements conventionnels :

Depuis la loi de 2008, les parties ont la possibilité d’une part d’allonger ou de réduire la durée de la prescription d’un commun accord. D’autre part, elles peuvent prévoir des causes de suspension et d’interruption de la prescription autre que celles prévues par la loi (article 2254). Ex : les textes ne prévoient pas que l’on puisse interrompre la prescription par l’envoi d’une LRAR mais les parties peuvent le prévoir. De plus, le fait d’engager des pourparlers ne suspend pas la prescription mais on peut le prévoir dans le contrat.

Limite à ce principe de liberté : elles concernent l’étendue de la liberté des parties mais aussi certains cas d’exclusion prévus par la loi.

En ce qui concerne l’étendue de la liberté des parties à propos de la durée de la prescription, les clauses sont encadrées. En cas de réduction, la durée effective de la prescription doit être d’au moins un an. En cas d’allongement, le maximum est fixé à dix ans. Certaines questions restent posées comme celle de savoir si on peut supprimer une cause de suspension de la prescription ou une cause d’interruption prévue par la loi. Ex : est-ce qu’on peut prévoir que l’assignation n’interrompt pas la prescription ? Est-ce que les parties peuvent aménager le point de départ du délai de prescription ?

Pour l’instant, sur la suppression d’une cause de suspension ou d’interruption, les auteurs estiment que ce n’est pas possible car on ne peut pas défaire ce que la loi a prévu. Sur l’aménagement du point de départ de la prescription, la loi est silencieuse mais la doctrine dit qu’on pourra juste repousser le point de départ mais pas le rapprocher.

Cas d’exclusion de tout aménagement :

L’article 2254 exclue tout aménagement de la prescription pour les créances périodiques car on veutprotéger le débiteur. Les parties ne peuvent pas aménager la prescription des actions en paiement ou des actions en répétition des salaires, des arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, intérêts des sommes prêtées… De manière général, les parties ne peuvent pas aménager les actions en paiement de tout ce qui est payable par année, ou ce qui est payable à des termes périodiques plus courts que l’année.

Des textes spéciaux excluent aussi tout aménagement de la prescription entre les contrats concluent entre pro et consommateurs (article L218-1 code de la consommation). Idem pour les contrats d’assurance (article L114-3 du code des assurances) et pour les contrats de travail.

Il existe une omission : le délai de prescription en matière de dommages corporels n’est pas visé par l’exclusion. Mais le juge peut en décider autrement.

C. Le déroulement du délai :

1. Computation du délai :

a. Le point de départ du délai :

L’art. 2224 article fixe le point de départ de la prescription au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer. C’est donc la date de la connaissance réelle ou supposée des faits permettant d’agir en justice qui fait courir le délai de prescription. On est en présence d’un point de départ subjectif ou point de départ glissant car appréciation in concreto de la connaissance.

La solution repose sur l’idée que la prescription ne peut pas courir contre celui qui ne peut pas agir.

En droit des obligations, ce point de départ subjectif n’a pas une réelle utilité car souvent c’est la date d’exigibilité de l’obligation qui va faire courir la prescription : délai objectif. La jurisprudence décide que la prescription commence à courir au jour où l’obligation est exigible. Mais la connaissance d’un fait par le créancier peut être prise en compte pour faire courir le point de départ du délai. Ex : dans un contrat d’assurance, l’assuré ne pourra déclarer le sinistre à son assureur qu’à partir du moment où il a eu connaissance du sinistre.

Idem en matière d’assurance vie : les droits du bénéficiaire naissent dans son patrimoine dès le décès du souscripteur mais il faut informer le bénéficiaire du décès et parfois, le bénéficiaire n’est pas au courant qu’il est bénéficiaire de l’assurance vie. Donc le délai ne commence à courir qu’à compter de la connaissance du décès ou de la connaissance de son droit au K.

Points de départ subjectifs prévus par des textes spéciaux :

Quand un contractant est victime d’un vice du consentement, le code civil (article 1144) prévoit que la prescription ne court qu’à compter du jour où le vice du consentement a été découvert.

En cas de vice caché, le délai de prescription de 2 ans ne court qu’à compter du jour de la découverte du vice (article 1648 alinéa 1er).

En cas de sinistre, le délai ne court qu’à compter du jour où l’assuré a eu connaissance du sinistre (article L1114-1 code des assurances).

Points de départ objectifs prévus par des textes spéciaux : le délai court à compter de la consolidation du dommage en cas de dommage corporel (article 2226), pour les actions en responsabilité diligentées contre les professionnels ou les établissements de santé.

b. Comment calculer le délai :

Il a toujours été admis que la prescription se compte jour par jour et non pas heure par heure (article 2228). Les fractions de journée ne comptent pas. Le jour où la prescription a commencé à courir (dies a quo) n’est pas compris dans le délai. Inversement, le dernier jour du délai (dies ad quem) est compris dans le délai, lequel expire ce jour à 24 :00 (article 2259).

On ne tient pas compte du nombre de jours variables entre les mois et les années. Le délai expire le jour portant le même quantième que le dies a quo.

Exemple : le 31 décembre 2017, MX reçoit à 15 :00 livraison de sa commande mais elle est incomplète. Il avait commandé plusieurs caisses de champagne et il en manquait une. Il va exercer une action contre le transporteur pour être dédommagé. Le 31/12 doit être considéré comme le dies a quo, il n’est pas compté donc le délai commence à courir le lendemain à 00 :00. Le dies ad quem est le 31 décembre 2018 (transport → 1 an).

La jurisprudence refuse d’appliquer à la computation du délai de prescription les règles du code de procédure civile (articles 641 et 642) qui a pour effet de proroger les délais de procédure qui viennent à expiration les samedi, dimanche, jour chômé ou jour férié. Un délai supplémentaire sera accordé.

Exemple : en droit des assurances, en principe, le délai minimal légal pour déclarer un sinistre est de 5 jours mais 5 jours ouvrés (ne sont pas compris les samedi, dimanche, jour chômé ou jour férié) mais on ne va pas appliquer la prorogation de ce délai car il ne s’agit pas d’un délai de procédure.

Le refus de la jurisprudence d’appliquer les règles du CPC est justifié par l’article 2229 du code civil selon lequel la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

Exemple : une caisse d’épargne avait une créance qui arrivait à expiration un samedi, elle avait délivré le lundi suivant à l’emprunteur et à sa caution un commandement de payer valant saisie immobilière. Les juges ont estimé que l’action de la caisse était frappée de prescription et par conséquent son action contre l’emprunteur était irrecevable. Pour se défendre, elle soutenait que lorsqu’un délai de prescription expire un samedi, il faut considérer que le terme est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable. Le pourvoi qui a été formé par la caisse a été rejeté : 2ème civ. 7 avril 2016 : « les règles de computation des délais de prescription doivent être distingués de celles régissant les délais de procédure. Il résulte de l’article 2229 que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. »

2. Suspension et interruption :

Des causes peuvent allonger le délai de prescription au profit du créancier mais la suspension et l’interruption ont des effets très différents.

La première suspend le délai car il y a un empêchement du créancier. L’autre interrompt la prescription parce que le créancier a fait un acte qui révèle son intention de ne pas abandonner sa créance ou que le débiteur a reconnu sa dette envers le créancier.