L’action en reprise de l’administration fiscale
Pour rectifier les erreurs, l’administration va mettre en œuvre son pouvoir de reprise qui va conduire à la notification des rectifications qui seront ensuite mise en recouvrement (dont on réclamera le paiement). Elle dispose d’un certain délai pour vous réclamer un supplément d’impôt (appelé délai de prescription ou délai de reprise). Passé ce délai, elle ne peut plus vous réclamer ces impôts.L’administration fiscale dispose d’un délai qui prend fin à la 3e année suivant celle où l’imposition est due.
Attention : exceptionnellement, pour l’impôt 2019 sur les revenus de 2018, ce délai prendra fin à la fin de la 4e année. L’administration pourra donc vous réclamer un supplément d’impôt jusqu’au 31 décembre 2022.
Les délais octroyés par la loi à l’administration pour exercer son pouvoir de reprise
&1 – La présentation du délai de reprise
Délai de reprise = délai de répétition = prescription d’assiette
! Ne pas confondre avec la prescription de l’action en recouvrement
- Cours de Procédures Fiscales
- Les procédures fiscales en France
- Le rôle des commissions en cas de redressement fiscal
- Compensation et substitution de base légale en contentieux fiscal
- Le rescrit fiscal (article L80 B du LPF)
- Garantie contre les changements de position de l’administration fiscale
- Le droit de reprise ou la prescription fiscale
Le délai de reprise est important à connaître parce qu’il octroie au contribuable une protection importante. En principe, lorsque le délai de reprise est écoulé, l’administration ne peut plus tirer les conséquences des contrôles opérés et ne peut plus corriger les irrégularités dont elle a pu avoir connaissance. Il consacre un droit à l’oubli au profit des contribuables.
Ce délai de reprise en revanche ne met pas fin au pouvoir de contrôle de l’administration (pouvoir de mener des investigations pour vérifier la sincérité des déclarations ; objectifs : mener à l’exercice de ce pouvoir de reprise). L’administration pourra procéder à des contrôles sur des périodes en principe prescrites. Ces contrôles seront efficaces parce que l’administration ne pourra pas en tirer conséquences en principe. Mais dans certains cas, ils vont pouvoir conduire à notifier des rectifications sur des périodes non prescrites. Ex. type concerne l’IS et les déficits reportés (illimités en avant). L’administration pourra procéder à des contrôles sur des déficits des exercices prescrits. Elle tira les conséquences sur un exercice non prescrit.
Ce délai de reprise est une garantie importante pour le contribuable qui doit cependant être très vigilant sur le respect par l’administration de ces délais de prescription. Le juge considère que le moyen tiré de la prescription n’est pas d’ordre public.
§2 – Les différentes prescriptions d’assiette
L’article 186 du Livre des procédures fiscales prévoit par principe un délai de prescription par six ans. Le droit de reprise de l’administration peut s’exercer jusqu’à l’expiration du 31 décembre de la 6e année qui suit le fait générateur de l’impôt. Ce délai de droit commun a été raccourci en 2007. Il passe de 10 à 6 ans.
Ce délai de droit commun s’applique rarement. La loi fixe des délais de prescription qui sont en général abrégés.
A) Les délais de prescription courants
Les délais de prescription annuels : pour les impôts directs locaux perçus au profit des collectivités territoriales à l’exception des la taxe professionnelle et la CVAE.
Pour la taxe d’habitation et la taxe foncière, ainsi que la taxe foncière des entreprise, le droit de reprise va s’exerce jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit celle au cours de laquelle l’impôt est du. Le délai de prescription est d’un an. Dans certains cas le délai peut être de 3 ans (31 décembre de l’année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due) lorsque l’imposition en question porte sur les éléments qui déterminent l’IR. Concernant la taxe professionnelle et CVAE, le délai est aligné sur celui applicable pour les impôts professionnels.
Les prescriptions triennales concernent d’abord la CVAE, l’IR et l’IS. Pour ces impôts l’administration va pouvoir rectifier les erreurs jusqu’à 31.12 de la 3e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. ex. IR sur les revenus de 2010, à payer en 2011, pouvoir de rectification jusqu’au 31 décembre 2013
Le délai ne court pas de date à date. Les actes interruptifs doivent être notifiés avant le 31 décembre.
Concernant la TVA, le droit de reprise de l’administration va s’exercer en principe jusqu’à la fin de la 3e année qui suit celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. Point de départ : exigibilité de la taxe (dépend si c’est une prestation de service ou livraison de biens). L 176 du Livre des procédures fiscales prévoit que lorsque l’administration contrôle en même temps, lors de la même opération, la TVA et l’IS ou l’IR, le point de départ de délai de prescription en matière de TVA, sera aligné sur le point de départ applicable en matière de l’IS ou l’IR. Le délai de reprise de l’administration peut de ce fait être augmenté pour la TVA.
L’administration ne peut contrôler que si le délai de déclaration est expiré au moment du contrôle.
En matière de l’IR, de l’IS et de la TVA, pour les entreprises individuelles uniquement qui relèvent des catégories professionnelles (BIC, BNC, BA) qui sont en plus adhérents d’un centre de gestion agréé, le délai triennal est réduit à deux ans (31 décembre de l’année qui suit). Cette réduction du délai de reprise ne s’applique pas lorsque l’administration prétend appliquer autre chose que l’intérêt du retard notamment, lorsqu’il n’y a pas eu dépôt de déclaration ou lorsqu’il y a des irrégularités volontaires. Pour toute erreur involontaire, le délai sera réduit à deux ans. Contestations possibles sur le caractère volontaire ou non de l’erreur.
S’agissant des droits d’enregistrement et les impositions assimilées (ISF par ex.) le délai de reprise s’exerce normalement jusqu’au 31 décembre de la 3e année qui suit celle de l’enregistrement de l’acte ou la déclaration. Lorsque l’exigibilité des droits n’a pas été suffisamment révélée par l’acte d’enregistrement ou la déclaration, la prescription est de 6 ans (31 décembre de la 6e année qui suit le ait générateur de l’impôt).
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- Soit l’acte a été enregistré et/ ou déclaration déposée et l’administration remet en cause la valeur d’un bien qui a été mentionné dans l’acte déclaré par ex. on applique la prescription triennale,
- soit la déclaration n’a pas été déposée ou dans la déclaration un bien a été omis, la prescription est une prescription par six ans.
Ex. une succession : décès le 21 septembre 2013. La déclaration déposée par les héritiers dans un délai de 6 mois (20 mars 2014). Deux situations :
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- dans cette déclaration y avait un immeuble, les héritiers volontairement ont sous estimé la valeur de l’immeuble pour échapper à l’ISF ou pour échapper à des rectifications : l’administration aura jusqu’à 31 décembre 2017
- les contribuables oublient de déclarer un certain nombre de tableaux de maitre qui leur ont été transmis lors de la succession : 31 décembre 2019
Il existe des cas particuliers.
En cas d’instance ou de réclamation contentieuse, L 188 Code du Livre des procédures fiscales prévoit que quelque soit l’impôt concerné, et même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances révélées soit par l’instance devant les tribunaux soit une réclamation contentieuses, peuvent être réparées par l’administration jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clôt l’instance ou au cours de laquelle une décision a été rendue sur la réclamation et, au plus tard, jusqu’à la fin de la 10e année qui suit celle au cours de laquelle l’imposition est due.
Deux situations :
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- PDG d’une SA fait l’objet d’une condamnation pour faux par le TGI de Toulouse en février 2010. L’autorité judiciaire dans le cadre du droit de la communication transmet à l’administration. Le 20 avril 2011, le PGD reçoit des rectifications à l’IS à destination de la SA dont il est PGD. Ces rectifications vont réintégrer dans le bénéfice les exercices 2001 et 2002 les sommes déduites avec les fausses factures. = Acte anormal de gestion. Pour les exercices 2000 à 2002, les délais de prescription sont dépassés en 2010/2011. Dans le cadre de cette situation, l’administration peut rectifier les notifications avant le 31 décembre 2011. A condition que les périodes rectifiées datent de moins de 10 ans. Elle peut rectifier pour 2001 et 2002 et non pas pour 2000.
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- Cet art. L 188 C prévoit aussi que cette possibilité s’applique lorsque les émissions ou insuffisances n’ont pas été découvertes en cours d’une instance, mais au cours d’une instruction demandée dans une réclamation du contribuable lui-même. Pour répondre à cette réclamation et pour évaluer les arguments du contribuable, l’administration va reprendre le dossier du contribuable. A cette occasion, il est fort possible qu’elle puisse découvrir que ce contribuable a commis des irrégularités qui n’ont pas été découvertes par l’administration dans le délai de reprise. L’administration peut notifier des régularisations dans les mêmes conditions qui si ces irrégularités étaient découvertes en cours d’instance. Le contribuable doit être prudent parce qu’il peut déposer une réclamation avec des moyens fondés et espérer une décharge de l’administration. Mais parallèlement il ouvre le délai de reprise et prend le risque de se voir notifier les rectifications pour lesquelles en l’absence de réclamation, l’administration n’est plus dans le délai de reprise. le juge exige une condition pour réouverture du délai. Les irrégularités que l’administration prétend de rectifier hors délai, n’ait pas été découverte par l’administration avant l’examen de la réclamation. L’administration ne doit pas s’être abstenue de tirer les conséquences dans le délai de reprise d’informations dont elle avait déjà connaissance.
L 187 du Livre de procédure fiscales prévoit une appréciation particulière de délais de reprise en cas de fraude fiscale. L’administration prétend que les irrégularités peuvent être qualifiées de fraude fiscale et peuvent recevoir une qualification pénale. L187 prévoit que si au cours d’un contrôle qui porte sur une période non prescrite, elle découvre des irrégularités pour lesquelles elle dépose plainte, elle va pouvoir dans cette situation procéder à des rehaussements au titre des deux années qui précèdent la période non prescrite. Ex. l’administration contrôle une pharmacie en matière de l’IS pour les exercices de 2007 à 2009. Au cours de ces contrôles, elle découvre que cette officine utilise un logiciel comptable (permissif) qui lui permet de ne pas comptabiliser un certain nombre de ventes et prélever du cash sans que ces prélèvements en numéraires ne se perçoivent. Elle rectifie les résultats et notifie une proposition de rectification sur les exercices 2007, 2008, 2009 en septembre 2010, juste avant que le délai de reprise pour l’exercice 2007 n’expire. Comme elle considère que l’utilisation d’un tel logiciel peut être qualifiée de fraude fiscale, elle va porter plainte. Elle va devoir être déposée en application de l’article 230 avant la fin de la 3e année qui suit l’année au titre de laquelle l’infraction a été commise. Elle va pouvoir dès quelle aura déposé cette plainte, procéder au contrôle de deux années qui précèdent, 2005 et 2006 qui sont prescrits normalement en 2010. Si elle découvre des irrégularités, elle va pouvoir notifier des rectifications hors délais. Ces rectifications ne seront pas mises en recouvrement (il n’y aura pas de paiement exigé). On va attendre la fin de l’instance pénale. Si le juge conclut à la fraude pénale, le recouvrement sera mis en œuvre sur ces deux années. Si le juge conclut au non lieu ou à la relaxe, l’administration ne pourra pas mettre en avant les rectifications sur les deux années hors délais.
En cas d’activité occulte, il est prévu que le délai de reprise expire au 31 décembre de la 10e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. Une activité occulte est une activité qui d’une part, n’a pas donné lieu au dépôt d’aucune déclaration fiscale. En plus il faut que le professionnel n’ait pas déclaré son activité au centre des formalités compétent. Les deux conditions doivent être remplies. Certaines décisions jurisprudentielles concernaient les activités occultes mais aussi illégales. L’administration prétendait d’utiliser ce délai de 10 ans au motif qu’il s’agissait d’une activité occulte. Le juge a considéré que pour ce type d’activité, il n’y avait pas d’obligation de déclaration auprès du centre des formalités compétent et donc qu’il n’y avait pas d’activité occulte. Le législateur est intervenu. La loi prévoit de manière explicite que ces activités illicites relèvent du délai de 10 ans.
Ce délai de 10 se retrouve de manière de plus en plus fréquente, notamment lorsqu’il n’y a pas déclaration de comptes à l’étranger ou lorsque le contribuable fraude par création des structures établies sur les territoires des Etats dits « non coopératifs ».
Le délai de reprise est laissé à l’administration pour rectifier les déclarations et mettre en recouvrement les impositions supplémentaires. Le délai de 3 ans + moyens pour interrompre le délai pour préserver le pouvoir de reprise d l’administration et pour différer la mise en recouvrement des impositions. Lorsque le délai de reprise en interrompu, un nouveau délai de reprise va courir à compter de l’acte interruptif pour un temps identique au délai de reprise interrompu.
L 189 du Livre des procédures fiscale prévoit ces causes.
La proposition de rectification (ou la notification de redressement) est la cause classique. Mais d’autres causes existent.
A) La proposition de rectification ou la notification de redressementLorsqu’un vérificateur a procédé à un contrôle et qu’il veut tirer les conséquences de ce contrôle, il va proposer une proposition de rectification (lorsque l’impôt concerné a donné lieu à déclaration) soit une notification de redressement (lorsque l’impôt n’a pas été déclaré).
Ces documents ouvrent une nouvelle étape : une procédure de rectification ou de redressement. Ces documents interrompent la prescription d’assiette (les délais de reprise). Pour que cet effet interruptif soit obtenu, il faut qu’un certain nombre de conditions soit rempli.
Il faut que la proposition ou la notification selon les cas, ait été parvenue au contribuable dans le délai initial de reprise. Elle doit être parvenue (le contribuable doit en avoir eu la connaissance) dans les délais de reprise, (avant le 31 décembre de la 3e année qui suit l’année au titre de laquelle l’imposition est due dans la plupart des cas). Toute proposition ou notification reçue en dehors des délais, la prescription sera acquise.
Il faut que l’acte qui est notifié soit régulier en la forme. Il doit comporter toutes les mentions requises pour ce type d’acte. Une proposition ou une notification parvenue dans le délai initial mais irrégulière, n’interrompt pas la prescription. Les irrégularités de la proposition de rectification peuvent résulter de plusieurs facteurs. Elles peuvent résulter d’irrégularités intrinsèques à l’acte. L’administration ne peut re-notifier. Les irrégularités peuvent résulter d’irrégularités commises en amont, au cours de la procédure de contrôle qui va ensuite donner lieu à la proposition de notification ex. en cours de la vérification de comptabilité. L’irrégularité de la procédure va rendre la proposition irrégulière. Mais on peut soulever le vice avant l’expiration du délai, parce que l’administration ne peut recommencer la vérification de comptabilité sauf certaines situations particulières. Après la proposition de rectification le contribuable va avoir droit à un certain nombre de garanties procédurales comme par ex. recours à une commission. Cette phase ultérieure peut aussi comporter des irrégularités. Ces irrégularités pour le CE (le juge des impôts directs) n’entachent pas la proposition de rectification et ne remettent pas en cause son caractère interruptif. Le juge judiciaire de l’impôt en matière d’ISF et de droits d’enregistrement et de succession, considère que les irrégularités ultérieures entachent la proposition de rectification ou la notification de redressement.
La proposition de rectification pour être interruptive, doit être régulière au plan formel. Elle comporte en plus la motivation des redressements qui seront demandés au contribuable. Le juge considère que si formellement la motivation de redressements est requise, au fond cette motivation peut être inappropriée ce qui ne l’empêche pas d’être interruptive. La motivation doit être présente matériellement. Si elle n’est pas présente, il y a une irrégularité formelle et fait tomber la proposition. Si l’administration par ex. se trompe de fondement légal dans la motivation, et que la motivation soit erronée, la proposition de rectification reste interruptive. Le vérificateur pourra pour mettre en recouvrement ces impositions dans ce délai ouvert par la rectification, procéder à une nouvelle proposition de rectification pour fonder les impositions mises en recouvrement sur le fondement légal opportun (la substitution de base légale).
Les effets de l’interruption : la proposition n’interrompt la prescription qu’à l’égard des impôts visés. La prescription n’est interrompue qu’à l’égard des seuls contribuables visés. La proposition de rectification n’interrompt la prescription que dans les limites des redressements qu’y sont notifiés mais en base. La proposition de rectification interrompt la prescription pour les pénalités adjointes aux droits : toutes les amendes ou majorations que l’administration sera fondée à appliquer. Dans le délai reouvert par la proposition de rectification, l’administration ne peut faire que deux choses :
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- Substitution de base légale
- Soit mettre en recouvrement les impositions
En revanche, il n’est pas possible pour l’administration de renotifier les mêmes redressements pour les mêmes impôts avec les mêmes fondements avant la mise en recouvrement.
B) D’autres causes d’interruption
La reconnaissance par le contribuable lui-même de sa dette d’impôt :
En matière de TVA, il se peut que la société ou l’entreprise individuelle porte au passif de son entreprise une somme correspondant de sa dette envers le Trésor public. Cette inscription au passif sera considérée comme une reconnaissance de la dette fiscale et va interrompre la prescription.