La délégation de service public

LA DÉLÉGATION DE SERVICE PUBLIC

La délégation de service public est un contrat par lequel une personne publique confie à une personne privée la gestion d’un service public, c’est-à-dire une activité qui relève normalement de la responsabilité de l’Etat ou des collectivités territoriales et qui est destinée à répondre à un besoin d’intérêt général.

Ce contrat définit les missions confiées, les obligations de la personne privée, les modalités de financement et de rémunération, ainsi que les modalités de contrôle de l’exécution du service public délégué.

La délégation de service public est un moyen pour l’Etat ou les collectivités territoriales de faire appel à l’expertise et aux moyens financiers de partenaires privés pour gérer des services publics, tout en conservant un certain contrôle sur leur fonctionnement et leur qualité. Les exemples de services publics délégués peuvent inclure les transports en commun, la gestion des déchets, la distribution d’eau potable, etc.

SECTION 1. DÉFINITION DE LA DELEGATION DE SERVICE PUBLIC

 La DSP est régie par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Elle est également régie par le TFUE. Les articles les plus importants sont l’article 90 paragraphe 2 qui précise qu’il est possible de justifier des droits spéciaux ou exclusifs dont on peut être titulaire une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général. Il est évident que ces droits peuvent aboutir à restreindre la concurrence. Les Etats membres en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment celles prévues aux articles 6 et 85 à 94 inclus. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économiques général ou présentant le caractère d’un monopôle fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment pour les règles de la concurrence dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été imparti. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la communauté. La commission veille à l’application des dispositions du présent article et adresse en tant que de besoin des directives aux Etats membres.

 Pour la France, c’est la loi de 1993 dite Sapin qui s’adresse à toutes les personnes de droit public. Elle a été codifiée et intégré au CGCT. Cette loi dispose que les offres sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui au terme de ses négociations choisi ses délégataires. La personne publique reste libre du choix de la personne avec laquelle elle va contracter.

 On constate que ce système est une exception au droit européen qi envisageait la soumission des personnes publiques au droit de la concurrence et voyait d’un mauvais oeil d’accorder des droits spéciaux pendant un tempos déterminé à des personnes publiques bénéficiant des délégations. Le dogme du droit européen est le marché et donc la concurrence doit toujours être mis en œuvre pour satisfaire les besoins du consommateurs qi se traduisent par une baisse des prix pour les services rendus. Or, ici, la DSP va accorder par contrat à une entreprise privée généralement la possibilité d’exercer de façon monopolistique une activité de service public pendant une durée déterminée et par le biais d’un tarif fixé unilatéralement et non par le libre jeu de l’offre de la demande.

 L’article L. 141-1 du CGCT nous définit ce qu’est un contrat de DSP. Une DSP est un contrat par lequel une personne morale de droit public confit la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. Le tronc commun à tous ces contrat concerne premièrement les règles de dévolution du contrat. C’est l’aspect le plus remarquable car il constitue la première atteinte à la règle de liberté de choix du cocontractant qui n’est plus totale.

 Les choses ont évolué car confier des DSP à des personnes privées implique une rémunération des actionnaires alors que les services menés en régie par les commune n’avait pas pour objectif de gagner de l’argent. Ainsi, les tarifs de l’eau se sont envolés, ce qui a pour conséquence une réaction des collectivités qui redemandent une gestion par régie pour la distribution de l’eau. L’idée est que l’entreprise privée a plus de moyens techniques et professionnels pour gérer le service mais cela n’est pas toujours vrai car il va faire en ré »alité appel à d’autres entreprises privées notamment pour gérer certaines infrastructures. Certaines concessions s’apparentent plus à des opérations financières réalisées par le concessionnaire qu’à de véritables prises en charge des problèmes techniques liés à l’infrastructure. Souvent, le concessionnaire bénéficie des infrastructures qui ont déjà été construites par la collectivité aux frais du contribuable. 

 Deuxièmement, concernant la durée de la convention, la loi entend limiter la durée initiale et les prolongations. Autrement, les prestations que le délégataire peut prendre en charge s’accompagnent des droits d’entrée. Quatrièmement, on a les tarifs qui s’appliquant aux usagers. Cinquièmement, on a les documents à produire par le délégataire pour permettre l’exercice du contrôle du déléguant. Sixièmement, on a le contrôle de l’égalité. Septièmement, on a la publicité des conventions de DSP.

 La convention de DSP porte sur une activité qui constitue un service public. On peut avoir un doute car la jurisprudence évolue. Il s’agit notamment des problèmes de théâtre, de festival de musique et de casinos. Cependant, de nombreuses activités sont des services publics : stade, plans d’eaux,… A l’inverse, d’autres n’ont pas cette nature : gestion du domaine privé des collectivités, entretien des églises, organisation d’une fête locale non traditionnelle, réalisation de logements en dehors de tout but social,… Dans certains cas, le Législateur a prit soin de qualifier l’activité comme étant un service public : service des pompes funèbres (loi de 1993), service de communication (loi de 1996),…

On relève que certains services publics ne peuvent pas faire l’objet d’une DSP, c’est le cas de l’activité de police : CE. 1er avril 1994. Commune de Menton.

 La convention de DSP fait que le délégataire se trouve investie de l’exécution du service pour son propre compte. Le concessionnaire est pour l’essentiel rémunéré par l’usager. Si ces conditions ne sont pas remplies, le cocontractant ne relève pas du régime juridique de la DSP mais des marchés publics. On peut voir en ce sens avis du CE. 18 juin 1991. Une jurisprudence est venue compléter cet avis. CE. Préfet des Bouches du Rhône. 1996 : la loi de 1993 n’a pas eu pour objet de faire échapper aux règles régissant les marchés publics toute ou partie des contrats dans lesquels la rémunération du cocontractant n’est pas substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation. La loi MURCEF de 2001 reprend cette définition nuancée du Conseil d’Etat et ajoute que le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages d’art ou acheter des biens pour l’exploitation du service.

 

Les DSP ne font pas l’objet d’une réglementation communautaire précise ais doivent respecter les termes des traités. On remarquera cependant une communication interprétative de la commission sur les concessions en droit communautaire. CJCE. 7 décembre 2000. Télaustria : le juge communautaire explique que les concessions peuvent être attribuées dans le respect des principes de non discrimination, de transparence, d’égalité de traitement, de reconnaissance mutuelle et de proportionnalité. Le choix du candidat doit être opéré sur la base de critères objectifs.

 

SECTION 2. LES CONTRATS CONCERNÉS PAR LA DELEGATION DE SERVICE PUBLIC

  •       La concession

 La définition classique du contrat de concession est donnée par le commissaire du Gouvernement Chardonné dans l’affaire CE. 1916. Gaz de Bordeaux. Selon li, c’est le contrat qui charge un particulier ou une société d’exécuter un ouvrage public ou d’assurer un service public à ses frais avec ou sans subventions, avec ou sans garanties d’intérêt et que l’on rémunère en lui confiant l’exploitation de l’ouvrage public ou d’exécution du service public avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qi bénéficient du service public.

 L’ordonnance de 2004 sur les contrats de partenariats public-privé peuvent être cités. Il s’agit de faire construire des infrastructures par des personnes privées qui sont ensuite locataires pour une durée indéterminée.

  •       L’affermage

 C’est une concession sans travaux. La collectivité confie au fermier un ouvrage déjà existant en lui demandant de l’exploiter à ses risques et périls moyennant une redevance perçue auprès des usagers. L’amortissement de l’ouvrage peut être financé par une surtaxe perçue auprès des usagers mais qui est destinée à la collectivité propriétaire.

 

  •       La régie intéressée

 Les travaux préparatoires de la loi Sapin révèlent la volonté du législateur de viser cette forme de contrat tombé en désuétude. Ce contrat qui se présente comme une gestion déléguée avec risque d’entreprise atténuée présente certains traits de ressemblance avec la concession et l’affermage. Mais il s’en distingue pourtant. En effet, l’intuitu persone est très présent dans ce contrat. Par contre, la gestion est réputée faite pour le compte de la collectivité qui reste maitre du service et de son organisation. Les contrats conclu par le régisseur produisent leurs effets dans le patrimoine de la collectivité. Le régisseur est considéré par le code des communes comme gérant de deniers communaux et non de deniers privés.

 Malgré ces particularités, le régisseur doit conserver une certaine indépendance de gestion, une certaine autonomie par rapport à la collectivité. La régie intéressée confier la gestion dub service public au régisseur et non une simple prestation de service. Ceci est la justification du fait que le régisseur à travers sa rémunération qui provient pourtant de la collectivité doit être intéressé aux résultats de l’exploitation que ce soit au regard des économies réalisées, des gains de productivité que de l’amélioration de la qualité du service. La rémunération d’un régisseur contient donc obligatoirement une part variable appelée prime de productivité.

 Les autres différences notables avec la concession sont les suivantes :

  • Pas de gestion aux risques et périls. Le régisseur n’engage pas son patrimoine, ce qi veut dire que le déficit est couvert par la collectivité.
  • Les opérations de gestion sont à inscrire dans le budget de la collectivité.
  • La collectivité établit les tarifs.
  • La rémunération pour sa part fixe est garantie au régisseur.
  • Les équipements propriétés de la collectivité sont mis gratuitement à la disposition du régisseur.
  • Le régisseur peut être responsable des désordres causés par sa gestion.

 

  •       La gérance

 Ce contrat est également visé par les travaux préparatoires de la loi SAPIN. C’est un contrat proche de la régie intéressée mais le gérant est rémunéré forfaitairement par la collectivité. On peut le définir come l’habilitation au terme de laquelle la collectivité organisatrice confie à un opérateur le soin de gérer le service public pour son comte sur son budget et selon ses directives moyennant une rémunération déterminée en fonction de ses compétences mais aussi de la nature de l’importance des services attendus par les usagers sans toutefois qu’il en assume les risques financiers.

 La différence avec le marché de prestation de service devient ici encore plus ténue.

 

  •       Le bail emphytéotique administratif

 La loi du 5 janvier 1988 autorise les collectivités territoriales à utiliser la forme du BEA pour l’accomplissement d’une mission de service public. Ce bail peut être utilisé sur le domaine privé et, c’est une des nouveautés de la loi, sur le domaine public or voirie.

 Pour que le BEA entre dans les DSP, il doit en plus porter de l’occupation domaniale sur l’exécution d’un service public. Cette mission peut figurer dans le bail ou une convention indissociables. L’ensemble contractuel forme alors une DSP.

 

 

  •      Les contrats innomés

 La liberté contractuelle des collectivités territoriales leur permet de ne pas s’en tenir au régime contractuel préétablit et de se forger des contrats sur mesure. La difficulté sera d’apprécier dans quelle mesure tel ou tel contrat pourra être requalifié en DSP ou en marché public.

 Pour distinguer une DSP d’un marché public, il faut étudier de près le mode de rémunération. La jurisprudence s’est toujours fondée sur le critère de la rémunération pour distinguer la concession et l’affermage. Si le cocontractant est rémunéré par un prix versé par l’administration, c’est un marché. Si sa rémunération provient des usagers des usagers, c’est une DSP : CE. 11décembre 1963. Ville de Colombes. La grande évolution jurisprudentielle est CE. 15 avril 1996. Préfet des Bouches du Rhône contre la commune de Lanbesque : le conseil municipal de la commune avait attribué en appliquant la procédure SAPIN un contrat concernant la collecte et le transport des ordures ménagères. Le contrat a été annulé sur la base du constat que la rémunération du cocontractant était assurée par un prix payé par la commune. C’est donc l’application du critère classique. Mais le Conseil d’Etat a inséré une nuance de principe selon laquelle les dispositions de la loi SAPIN n’ont pas eu pour objet et ne saurait être interprété comme ayant eu pour effet de faire échapper aux respect des règles régissant les marchés publics toute ou partie des contrats dans lesquels la rémunération du cocontractant de l’administration n’est pas substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation. Ce critère a été repris par la loi MURCEF. La notion « substantiellement » ne permet pas de savoir avec certitude si c’est un marché public ou une DSP. CE. 30 juin 1999. Syndicat mixte de traitement des ordres ménagères : une rémunération de 30% est substantielle.

 Le cadre juridique de la  DSP donne beaucoup de liberté aux collectivités et entreprises voulant contracter. Il s’agit de constituer un cahier de charge prévoyant les conditions auxquelles une seule entreprise pourra répondre en réalité. Souvent, l’objectif est de favoriser les entreprises locales. Si c’est une entreprise nationale, la collectivité va souvent lui demander de sous traiter des entreprises locales. L’intervention de l’Autorité de la Concurrence ne permet pas d’empêcher cela car tout le monde sait qu’elle fonctionne sur les écoutes téléphoniques, les courriels et les perquisitions.

 

SECTION 3. LA PROCÉDURE DE PASSATION

 Les DSP des personnes morales de droit public sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes dans des conditions prévues par décret. La collectivité publique dresse ainsi la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à leur assurer la continuité du service public et le respect du principe d’égalité du service public pour les usagers.

 La collectivité adresse à chacun des concurrents des documents définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives du service et le cas échant les conditions de tarification du service rendu à l’usager. Les offres ainsi présentes sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui ai terme de ses négociations choisit le délégataire.

 

Le délégataire est choisi grâce à des critères totalement subjectifs.

 En ce qui concerne les éventuels avenants au contrat, l’article 1411-6 du CGCT dit que tout projet d’avenant à une convention de DSP entrainant une augmentation du montant global supérieur à 5% est soumise à la commission visée à l’article 1411-5. L’assemblée délibérante qui statut sur le projet est préalablement informé de cet avis. Il faut cependant savoir qu’un projet d’avenant changeant considérablement le contrat doit faire l’objet d’une nouvelle procédure de passation. La durée des conventions doit être limitée dans le temps pour que la concurrence puisse régulièrement œuvrer. La durée de la convention doit cependant tenir compte des investissements que doit faire le délégataire. Une liberté certaine est laissée au cocontractant. L’article 75 de la loi du 2 février 1995 dispose que dans le domaine de l’eau potable, de l’assainissement, des ordures ménagères, les DSP ne peuvent avoir une dUrée supérieure à 20 ans. Une DSP ne peut être prolongée dans ce cas :

  • Motif d’intérêt général. La prolongation est d’un an. Dans ce cas ce qui pose souci est la continuité du service public.
  • Le délégataire doit faire de nouveaux investissements matériels et immatériels assez lourds pour assurer le développement du service. Il faut que l’économie générale du contrat soit bouleversée, ce qui entrainerait une augmentation excessive du prix.

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