Les demandes d’éclaircissement et de justification (art. L16 du LPF)

Les demandes d’éclaircissement et de justification

L 16 du Livre des procédures fiscales : L’administration peut demander au contribuable des éclaircissements et des justifications quant aux modalités de détermination de son revenu imposable.

L’article L 16 est une prérogative très contraignante pour la personne sollicitée. A défaut de réponse, la personne pourra être taxée d’office. Elle est cependant entourée d’un certain nombre de garanties qui portent à la fois sur le domaine ou le champ d’application de cette prérogative, ainsi que sur l’utilisation de cette procédure par l’administration.

 

Article L16 du LPF :En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu en application des articles156 et 199 septiesdu code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d’avoirs à l’étranger.

L’administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu’ils sont définis aux articles28 à 33 quinquiesdu code général des impôts ainsi que des gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux tels qu’ils sont définis aux articles150-0 A à 150-0 Edu même code et des plus-values telles qu’elles sont définies aux articles150 U à 150 VH bisdu même code.

Elle peut également lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu’il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d’au moins 150 000 €.

A) Le champ d’application de la procédure

L 16 fait référence à deux types de demandes :

    1.  Eclaircissements
    2.  Justifications

Techniquement, l’administration quand elle prétend d’utiliser L 16 qu’il s’agisse de justifications ou d’éclaircissements, elle utilise le même formulaire (demande de justification et d’éclaircissements). Mais la jurisprudence distingue les deux prérogatives même si les procédures et les sanctions sont très proches.

1) Le champ d’application de la demande d’éclaircissement

L’administration ne peut la formuler qu’à propos des éléments figurant dans la déclaration souscrite par le contribuable. Elle ne peut pas être utilisée quand un contribuable n’a pas déposé de déclaration. Elle va pouvoir interroger le contribuable sur les discordances apparaissant dans la déclaration (différentes mentions ou entre les mentions de cette déclaration et la déclaration antérieure).

2) Le champ d’application de la demande de justification

Les cas sont plus précis. L 16 les énumère de manière exhaustive. Deux types de demandes :

    1.  Très cibles sur certains types de revenus et d’informations
    2.  Les demandes de justifications en cas d’enrichissement inexpliqué

a) Les demandes de justifications ciblées

L’administration peut demander les informations sur la situation et les charges de la famille (ex. les certificats de scolarité de moins de 25 ans qui le contribuable prétend d’avoir toujours à sa charge).

  • On peut avoir une demande de justification sur les charges qui sont retranchées des revenus déclarés ou encore ouvrent droit à une réduction d’impôt (ex. pension alimentaire).
  • On peut demander les justifications sur les revenus et avoirs à l’étranger.
  • On peut demander des justifications sur les éléments qui servent de base à la détermination des revenus fonciers ex. emprunts, travaux
  • On peut demander des justifications sur les plus values (immobilière et mobilière).

Ne sont pas prévues de demandes de justification qui porteraient sur les salaires et notamment sur les frais professionnels.

b) L’enrichissement inexpliqué

L’administration a la conviction qu’un contribuable à des revenus supérieurs à ceux qu’il a déclarés. Elle pourra demander au contribuable de justifier de la réalité de ces revenus et de leur caractère non imposable.

Pour éviter des abus, la jurisprudence a défini ce qu’il faut entendre par « enrichissement inexpliqué ». Le juge exige qu’il y ait véritablement un enrichissement inexpliqué. Pour établir qu’un contribuable a des revenus non déclarés, supérieurs à ceux déclarés, l’administration utilise deux méthodes principalement :

    1.  Balance de trésorerie : l’administration fait un tableau à deux colonnes, dans la première elle liste toutes les ressources connues du contribuable au titre de la période contrôlée qu’elles soient imposables ou non, qu’il s’agisse du liquide ou de crédits bancaires. Dans la seconde colonne, elle liste l’ensemble des dépenses connues du contribuable pour la période (CB, chèques, acquisitions des meubles/immeubles). L’administration n’a pas de trace des dépenses courantes. Elle les évalue de manière forfaitaire (les dépenses de train de vie). L’administration fait une comparaison par la suite. S’il apparaît qu’il y a plus de dépenses que de ressources, l’administration demandera de justifier cet écart.
    2.  La méthode de comparaison de crédits bancaires et des sommes déclarées : l’administration fait un tableau avec deux colonnes. Dans la première figurent les revenus déclarés par le contribuable. Dans la seconde, l’administration par le biais de son droit de communication, obtient une copie des comptes bancaires, elle liste l’ensemble de crédits portés sur le compte personnel du contribuable. Si après comparaison, il y a plus de revenus bancaires que ceux déclarés, il y a un enrichissement inexpliqué. Sur les comptes bancaires il y a des sommes qui passent qui peuvent ne pas être imposables. Pour rendre cette technique pertinente, pour qu’elle démontre réellement l’existence d’un enrichissement inexpliqué, le juge exige depuis une décision du CE 26 janvier 2000 que les crédits bancaires soient supérieurs à au moins deux fois les revenus déclarés. C’est une règle d’interprétation stricte. LF rectificative pour 2012 (décembre) reprend cette règle. Elle consacre la règle du double. Elle y apporte une petite amélioration. Il est prévu que pour les gros revenus, l’administration ait juste à établir que l’écart entre crédits bancaires et les revenus déclarés soient supérieurs à 200 000 euros.

Pour utiliser la demande de justification en matière d’enrichissement inexpliqué, il est exigé par la jurisprudence que l’administration ne puisse pas au moment où elle utilise cette prérogative, identifier la nature professionnelle des revenus en cause (BIC,BNC, BA). Si elle est en mesure d’identifier cette qualification pour contrôler ce type de revenus, elle est obligée d’utiliser des procédures spécifiques (vérifications de comptabilité), plus protectrices du contribuable. La jurisprudence admet que dans certains cas les contribuables qui exercent une activité professionnelle, sont présumés d’avoir une activité autre que leur activité professionnelle. Ainsi la présomption non qualification professionnelle va tomber, ils ne seront pas présumés d’être BIC par ex. et seront présumés constituer l’enrichissement inexpliqué.

B) La procédure des demandes d’éclaircissement et de justification
1) La présentation de la demande : les modalités

Les demandes sont faites par l’administration, par écrit, par courrier recommandé avec accusé de réception. La date d’envoi du courrier fait courir un certain nombre de délais.

En matière de notification, si l’adresse donnée par le contribuable est erronée, tous les documents envoyés par l’administration, seront considérés comme notifiés. Si le contribuable remplit ses obligations de notification de changement d’adresse, tous les courriers envoyés à une adresse erronée, seront considérés comme non reçus.

Ce document doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires :

    1.  L’administration doit indiquer explicitement sur quel revenu elle demande des explications.
    2.  La demande doit indiquer que le défaut de réponse conduit à des sanctions : la taxation d’office
    3.  Ce courrier doit indiquer le délai attribué au contribuable pour répondre. Ce délai est prévu comme ne pouvant être inférieur à 2 mois. Mais l’administration peut octroyer des délais plus longs. La plupart du temps, elle donne deux mois. Mais le contribuable peut demander dans ce délai de 2 mois de délais complémentaires. L’administration dans ce cas là peut les refuser ou les accepter (pouvoir discrétionnaire). Mais le juge contrôle les refus de demande de délais supplémentaires par rapport au nombre et à la nature des demandes d’informations demandées.

Le contribuable un fois la demande reçue, doit répondre

2) Les suites de la demande

Pour des raisons de preuve, le contribuable devrait répondre par écrit, par lettre recommandée avec avis de réception.

Le délai est plus court que celui laissé par la demande. La réponse doit avoir été reçue par l’administration dans le délai de 2 mois ou plus. En matière de déclaration, elle doit être envoyée dans les délais de déclaration même si elle est reçue après les délais. Tel n’est pas le cas de demande. La réponse à cette demande doit être reçue dans les délais.

La réponse doit être suffisante, de nature à justifier l’origine des revenus et leur caractère imposable ou non. En cas de réponse insuffisante dans le délai octroyé par l’administration, elle doit mettre en demeure le contribuable de compléter sa réponse dans un délai de 30 jours. Si au terme de ce délai de 30 jours la réponse est toujours la même ou s’il n’y a pas de réponse, l’administration sera habilitée de taxer d’office les sommes contestées. Il en est de même si dans le délais de 2 mois ou plus initial, le contribuable n’a pas répondu, sans avoir à envoyer une mise en demeure préalable.