La détermination du l’actif du débiteur
La période d’observation a permis de cristalliser les relations juridiques du débiteur avec ses principaux partenaires commerciaux ou financiers. Il est alors possible d’approfondir en suivant, l’analyse de la situation économique et financière de l’entreprise en comptabilisant les éléments d’actif et de passif.
D’une part, la reconstitution de certaines opérations accomplie par le débiteur va permettre de déterminer avec précision, l’actif de ce même débiteur. D’autre part, la recherche du passif va quant à elle, permettre de clarifier le bilan en ne conservant dans le cadre de la procédure, que les créances certaines et déclarées.
En principe, l’entreprise connait son actif via son bilan, pourtant la détermination de l’actif est moins évidente qu’elle n’y parait. L’article L 622-6 du Code de commerce prévoit que dès l’ouverture de la procédure, il doit être dressé un inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grève. Cependant, le débiteur doit également mentionner les biens qu’il détient et qui sont susceptibles d’être revendiqués par un tiers. La reconstitution du patrimoine du débiteur va donc être confrontée aux droits des tiers.
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I – La reconstitution du patrimoine du débiteur confrontée aux droits des tiers
Il est fréquent qu’un débiteur soumis à une procédure collective se trouve, de par son activité, en possession de biens meubles qui ne lui appartiennent pas. Il va être un détenteur précaire de ces biens. En pratique, il s’agira de biens loués en crédit bail, de marchandise destinée à être vendue ou encore de biens vendus avec une clause de réserve de propriété.
Le débiteur ne sera donc qu’un détenteur précaire en vertu de contrat conclu avec les propriétaires. Le problème est que cette apparence est contraire aux intérêts du débiteur car elle contredit sa situation réelle, les créanciers pouvant croire à une solvabilité que le débiteur n’a pas. La loi oblige donc les propriétaires de meuble à faire reconnaitre leur droit de propriété dans le cadre de la procédure. A défaut d’effectuer ces revendications, les propriétaires perdent leur droit sur les biens et ne peuvent plus en obtenir la restitution.
L’article L 624-16 du Code de commerce énonce que peuvent être revendiqués à condition qu’ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l’usage ou la jouissance en qualité de constituant. Peuvent également être revendiqués, s’ils se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure, les biens vendus avec clause de réserve de propriété. La revendication peut, enfin s’exercer sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque la séparation de ces biens peut être effectuée sans qu’ils en subissent un dommage.
La chambre commerciale a apporté une précision (10 mai 2012), elle considère que le bien se retrouve en nature même sil n’est pas au jour de l’ouverture de la procédure, dans les locaux de l’entreprise mais qu’il se trouve dans ceux du dirigeant. Cette décision signifie que la détention du bien par une autre personne que le débiteur et dans un lieu autre que le siège de l’entreprise, n’est pas de nature à exclure l’action en revendication.
Ne sont pas concernés par la procédure de revendication, les immeubles, car la publicité attachée à la propriété ne peut jamais avoir pour conséquence de fausser la solvabilité du débiteur.
Plusieurs hypothèses doivent être distinguées :
A – Le propriétaire d’un meuble non titulaire d’un contrat publié
La revendication concerne les propriétaires de meuble qui n’ont pas publié leur contrat au greffe du tribunal. Sont concernés notamment : les titulaires d’un contrat de dépôt ou encore les titulaires d’un contrat de location.
La revendication et la reconnaissance du droit de propriété qu’elle induit est ici indispensable puisqu’aucune mesure de publicité du contrat ne lie le propriétaire du bien au débiteur. La demande de revendication est donc obligatoire pour rendre le droit de propriété opposable à la procédure. Conformément à l’article L 624-9, cette demande est enfermée dans un délai de 3 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. La demande se décompose en deux étapes :
1- La demande en acquiescement de revendication
Le propriétaire doit adresser une demande d’acquiescement de revendication soit à l’administrateur soit, à défaut, au débiteur, lequel ne pourra toutefois acquiescer qu’avec l’accord du mandataire judiciaire. L’organe compétent a alors un mois pour répondre à compter de la réception par lui d’une lettre recommandée avec accusé de réception.
La chambre commerciale (13 novembre 2012 et 19 juin 2012) a rappelé que le propriétaire doit fournir dans sa demande, des éléments permettant d’identifier les biens revendiqués. Trois situations peuvent alors se présenter :
- – l’organe compétent acquiesce et le propriétaire peut alors opposer son droit à la procédure Toutefois, l’article L 624-10-1 précise qu’il obtiendra restitution de son bien à l’arrivée du terme ou en cas de résiliation du contrat
- – l’organe compétent n’acquiesce pas
- – l’organe compétent ne répond pas dans le délai d’un mois et son silence équivaut alors à un refus d’acquiescement.
Dans ces deux dernières hypothèses, va alors s’ouvrir une seconde phase.
2- La requête en revendication
Lorsqu’il n’y a pas eu acquiescement de l’organe compétent soit explicitement soit implicitement par refus de réponse, le propriétaire du bien doit alors saisir le juge commissaire par requête dans le mois qui suit. Quelque soit la décision du juge commissaire, l’ordonnance qu’il rendra, pourra être frappée d’un recours devant le tribunal dans les 10 jours de la notification aux parties. Ces dernières sont le propriétaire, le débiteur qui exerce un droit propre.
3- La sanction de l’absence de revendication acceptée
Si la demande en revendication n’est pas présentée ou présentée hors délai, le droit de propriété devient alors inopposable à la procédure. Cette inopposabilité cesse toutefois en cas de sauvegarde à compter de l’adoption du plan.
B – Le propriétaire d’un bien titulaire d’un contrat publié
Il est dans une situation plus favorable que le précédent car il est dispensé de revendication mais il doit procéder à une démarche en restitution.
1- La dispense de revendication
L’article L 624-10 énonce que le propriétaire d’un bien est dispensé de faire connaitre son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien, a fait l’objet d’une publicité. Sont concernés les contrats de crédit bail qui doivent obligatoirement être publiés sous peine d’inopposabilité au tiers, ou encore, les contrats qui ont fait l’objet d’une publication facultative à l’initiative du propriétaire au greffe du tribunal.
Cette disposition a été consacrée par la loi du 10 juin 1994 à la demande des organismes de crédit bail qui avaient été contraint de se soumettre à la procédure de revendication.
2- La redemande en restitution
Cette demande émanant du propriétaire n’est quant à elle, enfermée dans aucun délai. La chambre commerciale a eu l’opportunité de rappeler ce principe dans une décision du 18 septembre 2012.
Cette demande ne peut toutefois, être présentée que si le contrat est résilié ou qu’il est arrivé à terme. Toutefois, le propriétaire peut former sa demande alors que le contrat est toujours en cours, la restitution intervenant au jour de la résiliation ou de l’arrivée du terme.
Comme pour la revendication, le propriétaire doit s’adresser à l’organe compétent (administrateur ou débiteur) après avis conforme du mandataire judiciaire.
Le propriétaire va lui demander s’il acquiesce ou non à sa demande de restitution. Si c’est le cas, le propriétaire voit son droit de restitution reconnu, dans le cas contraire, le propriétaire doit saisir le juge commissaire d’une requête en restitution. Aucun délai n’est prévu pour saisir le juge et les voies de recours sont les mêmes que celles prévues en matière de revendication.
C – Le vendeur de meubles non payés
L’article L 624-11 énonce que le privilège et le droit de revendication établis par l’article 2332 du Code civil, au profit du vendeur de meuble ainsi que l’action résolutoire ne peuvent être exercés que dans les limites des articles L 624-12 à L 624-18 du Code de commerce. Le principe est que le vendeur de meubles non payés au jour de l’ouverture de la procédure, ne peut reprendre possession des biens livrés car la vente est translative de propriété à partir du moment où le vendeur et le débiteur se sont mis d’accord sur la chose et sur le prix. Il n’aura d’autre possibilité que de déclarer sa créance à la procédure.
Des nuances peuvent être apportées :
– L’article L 624-12 alinéa 1 du Code de commerce autorise la revendication par le vendeur de marchandise dont la vente a été résolue avant le jugement d’ouverture. Cette résolution devra résulter du jeu d’une clause résolutoire acquise avant le jugement d’ouverture ou d’une décision de justice ayant acquis force de chose jugée avant le jugement d’ouverture. Il s’agit alors, bel et bien pour le vendeur, d’exercer une véritable action en revendication.
– L’article L 624- 12 alinéa 2 autorise la revendication de marchandise dont la vente a été résolue après le jugement à la condition que l’action en résolution ait été introduite par le vendeur avant le jugement et pour une cause autre que le défaut du paiement du prix.
Dans ces deux hypothèses, la revendication ne pourra être exercée que si les marchandises existent toujours en nature dans le patrimoine du débiteur au jour de l’ouverture de la procédure.
- L’article L 624-13 envisage la situation des marchandises en cours d’expédition au jour de l’ouverture de la procédure. Cet article autorise alors la revendication des marchandises expédiées par le vendeur tant que la tradition n’en a pas été effectuée dans les magasins. Concrètement, les marchandises doivent avoir quittées les magasins du vendeur et doivent être en cours de transport. La revendication ne sera toutefois possible que si les marchandises n’ont pas été revendues.
D – Le vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété
Cette clause a pendant longtemps été considérée comme un obstacle au redressement des entreprises. Elle a connu une consécration législative tardive avec une loi du 12 mai 1980. Suite à l’ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme des suretés, son régime a été organisé par les articles 2367 à 2372 du Code civil. Suite à cette réforme, les articles L 624-16 à L 624-18 ont été modifiés pour les rendre cohérents aux textes du Code civil.
L’article 2367 du Code civil énonce désormais que la propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantie le paiement. Autrement dit, par le jeu de la clause de réserve de propriété, le vendeur reste propriétaire des biens jusqu’à complet paiement par l’acquéreur.
Cette sureté nécessite pour sa validité, ou à tout le moins pour son opposabilité à la procédure, la rédaction d’un écrit établi au plus tard au moment de la livraison des biens. Par contre, la nature de l’écrit importe peu (bon de commande ou de livraison).
Il faut de plus, que la clause ait été acceptée par l’acheteur au plus tard au moment de la livraison. L’acceptation peut être expresse ou tacite. En pratique, il est fortement recommandé au créancier, de faire figurer la clause sur le bon de commande qui lui, doit être signé par l’acquéreur.
Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées :
– le vendeur n’a pas inséré de clause de réserve de propriété : s’il n’a pas été payé par le débiteur, il aura la qualité de créancier antérieur, il devra déclarer sa créance à la procédure et il subira l’arrêt des poursuites individuelles
– le vendeur a bien pris le soin d’insérer une clause de propriété : il va pouvoir obtenir la restitution des biens livrés au débiteur s’ils se retrouvent en nature au moment de la procédure.
Soit il s’agit de chose de genre et le vendeur ne pourra la revendiquer que s’il rapporte la preuve que le bien qu’il revendique est celui qu’il a livré.
En présence de chose fongible, qui sont donc interchangeables, la revendication sera possible dès lors que se trouvent dans les mains de l’acheteur, des biens de même espèce et de même qualité. Le vendeur n’a donc pas à prouver que les biens qu’il revendique sont ceux qu’il a livrés.
Pour finir, le vendeur doit également prouver que le bien qu’il revendique n’a pas subi de transformation telle, qu’il a changé de nature. Par contre, on considère que l’incorporation du bien meuble à un autre bien ne neutralisera pas la revendication du vendeur à la condition qu’il soit possible de récupérer le bien sans détérioration de celui ci ou qu’il soit possible de récupérer le bien sans détérioration du bien dans lequel il se trouve.
Si l’acquéreur a revendu les biens objets de la clause : le vendeur ne peut exercer sa revendication à l’encontre du sous acquéreur de bonne foi, qui ignorait lors de son acquisition, l’absence de qualité de propriétaire de son vendeur. La revendication du prix sera toutefois possible dans les conditions ordinaires de la revendication à la condition que le prix de revente n’ait pas été encaissé par le débiteur qui est l’acheteur intermédiaire.
Une question s’est posée en pratique : La revendication peut-elle s’exercer sur une somme d’argent? La jurisprudence a été, ces dernières années, hésitante et la chambre commerciale a (22 mai 2013) considéré que le créancier ne peut prétendre revendiquer des sommes d’argent, il doit seulement déclarer sa créance à la procédure.
II- La reconstitution du patrimoine du débiteur confronté aux droits du conjoint
Si le débiteur est marié, la reconstitution de son patrimoine va se heurter aux prérogatives patrimoniales de son conjoint. Ce dernier va devoir établir la consistance de ses biens personnels et ce conformément aux règles du droit des régimes matrimoniaux. Ce même conjoint perd le droit de se prévaloir des avantages matrimoniaux consentis en sa faveur.
A – La reprise de ses biens personnels par le conjoint in bonis
L’application cumulée du droit des procédures collectives et du droit des régimes matrimoniaux conduit à n’inclure dans l’actif de la procédure, que les biens sur lesquels le débiteur a un pouvoir d’administration. En régime de communauté légale, il s’agira du bien propre du débiteur et des biens communs. En régime de séparation de biens, il s’agira des biens propres du débiteur et de sa quote-part des biens indivis.
Le conjoint in bonis va devoir (article L 624-5) établir la consistance de ses biens personnels conformément au droit des régimes matrimoniaux, dans les conditions prévues par les articles L 624-9 et -10.
L’abrogation de l’article L 624-6 par la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2012 permet au conjoint in bonis, de conserver la propriété d’un bien, acquis à son nom mais financé par des deniers provenant du débiteur.
B – La perte des avantages matrimoniaux consentie dans le contrat de mariage ou pendant le mariage
L’article L 624-8 énonce que le conjoint du débiteur qui, lors de son mariage dans l’année de celui ci ou dans l’année suivante, était agriculteur ou exerçait une activité commerciale, artisanale, ou tout activité professionnelle indépendante, ne peut exercer dans la procédure de sauvegarde, aucune action à raison des avantages faits par l’un des époux à l’autre dans le contrat de mariage ou pendant le mariage. Le conjoint perd le droit de demander l’exécution des avantages matrimoniaux consentie dans le contrat de mariage.
A l’inverse, les créanciers du débiteur ne peuvent se prévaloir des avantages matrimoniaux que le conjoint in bonis aurait pu consentir au débiteur.