La détermination de la loi pénale applicable
Pour être appliquée, la loi suppose que le juge détermine celle qui va être applicable aux faits de l’espèce, et un certain nombre de difficultés vont pouvoir se poser dans la qualification des faits : on va pouvoir avoir des conflits de loi dans le temps ou entre différents textes applicables.
La détermination de la loi pénale applicable : C’est ce qu’on appelle la qualification pénale, qui doit respecter certaines règles strictes.
§1 : Les modalités de la qualification
En application des articles 176 et 215 du Code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a pour mission de qualifier les faits qui lui sont soumis. Ce Code prévoit également que la citation doit viser les articles de lois enfreints. Cette qualification présente un caractère temporaire : en effet, il peut s’avérer que cette qualification première doive par la suite être modifiée.
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Les juridictions de jugement sont saisies in rem, c’est-à-dire des faits et uniquement des faits, et non pas sur une qualification : on dit qu’elles sont maîtres de leur qualification.
Si une Cour d’assise a à connaître d’un homicide volontaire, mais se rend compte en cours de procédure qu’il est involontaire, la Cour d’assise pourra requalifier le crime en délit, mais contrairement à ce qu’il se passe en matière délictuelle, la Cour d’assise pourra quand même juger le délit. On ne doit cependant pas, sous prétexte de modifier la qualification, englober de nouveaux faits dont la juridiction n’avait pas été saisie.
La Cour de cassation va ensuite pouvoir contrôler la qualification des faits donnée par les juridictions inférieures, puisque la qualification est une question de droit. Ce contrôle peut se faire d’office : il n’est pas nécessaire que le demandeur au pourvoi le demande à la Cour.
L’erreur de qualification n’entraîne pas nécessairement la censure de l’arrêt examiné par la Cour de cassation : il n’y aura cassation que lorsque les droits de la défense où les intérêts du condamné ont été lésés. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation fait application de la théorie de la peine justifiée : on considère qu’on ne peut pas censurer dès lors que la peine encourue par le délinquant est la même que sous l’ancienne qualification.
Il n’existe qu’une seule hypothèse où la requalification est interdite : en matière d’infraction de presse, où le régime applicable diffère.
§2 : Le choix de la qualification en cas de conflit de textes
Il est assez fréquent qu’un même fait puisse tomber sous le coup de plusieurs qualifications pénales : on est alors en présence de ce qu’on appelle un « conflit de qualifications ». Dans ce cas, plusieurs hypothèses doivent être envisagées :
o Conflit de qualifications inconciliable
o Conflit de qualifications successif
o Conflit de qualifications simultané
A/ Le conflit de qualifications inconciliable
Lorsque l’infraction en cause est la conséquence logique d’une autre infraction. C’est l’hypothèse du vol et du recel : si le voleur est également receleur, la jurisprudence estime que le recel ne doit pas être caractérisé.
B/ Le conflit de qualifications successif
C’est l’hypothèse d’une personne poursuivie devant le Tribunal correctionnel pour homicide involontaire qui serait condamnée à six mois d’emprisonnement. Si des faits nouveaux permettent d’établir que l’homicide est en réalité volontaire, on s’est demandé si les poursuites pouvaient être renouvelées sur un nouveau fondement.
Pendant très longtemps les auteurs ont mis en avant l’autorité de la chose jugée, principe en vertu duquel les faits qui ont donné lieu à la décision pénale ne peuvent pas faire l’objet d’une condamnation devant une autre juridiction. La jurisprudence a transposé les exigences de la jurisprudence civile en établissant trois conditions qui justifient de ne pas réitérer les poursuites :
o Identité d’objet
o Identité de parties
o Identité de cause (identité du fait infractionnel qui va justifier les poursuites successives)
La jurisprudence estime au contraire que les poursuites sont possibles si les faits diffèrent : c’est ce que l’assemblée Plénière a décidé dans un arrêt du 3 juin 1994, en établissant que le renouvellement des poursuites est possible dès lors qu’on est en présence de faits nouveaux. Cela a également été consacré par le législateur.
La jurisprudence a donc élargi la possibilité de renouvellement des poursuites en s’appuyant sur l’élément moral de l’infraction : si on a admis que l’élément intentionnel pouvait être différent, l’élément matériel est le même (victime décédée).
Pour justifier cette prise de position, la Cour de cassation s’est référée à la théorie du cumul idéal, qui permet des poursuites simultanées lorsque les qualifications en présence protègent des valeurs sociales différentes.
Cette jurisprudence est néanmoins critiquée par la doctrine : il arrive qu’elle admette le renouvellement des poursuites alors que les infractions en cause sont assez proches. Par exemple, une personne a été relaxée de poursuites sur fondement d’abus de confiance, et la Cour de cassation a admis le renouvellement des poursuites sur le fondement d’abus de biens sociaux.
En matière criminelle, une personne qui a été acquittée ne peut plus être poursuivie sous une qualification différente pour un même fait infractionnel, quand bien même l’élément intentionnel serait différent. Certains auteurs estiment que cette règle de la non-possibilité de poursuivre devrait être entendue devant les juridictions correctionnelles : en réalité, la jurisprudence n’a pas été modifiée.
C/ Le conflit de qualifications simultané
Ce conflit va exister lorsque plusieurs infractions seront commises en même temps : par exemple, un piratage qui serait assorti d’une extorsion de fonds. Dans ce cas là, la jurisprudence considère que ce fait va pouvoir revêtir plusieurs qualifications pénales : on parle alors de « concours idéal » d’infractions, où un acte unique va méconnaître plusieurs dispositions légales.
Dans cette hypothèse, la jurisprudence estime qu’on est en présence d’un seul et même délit, dont il va falloir trouver la qualification. Pour cela, on va se demander quel était le but du délinquant, et quelle est l’infraction la plus grave qu’il ait commise.
Toute infraction qui fait l’objet d’une poursuite doit être envisagée sous la plus haute expression pénale dont elle est susceptible, ce qui signifie que lorsque le délinquant a accédé frauduleusement au système (piratage), ce n’était que dans le but d’extorquer des fonds : le délinquant sera donc poursuivi et condamné pour extorsion de fonds (sauf si l’accès frauduleux est plus lourdement puni, auquel cas c’est sur ce fondement qu’il sera condamné).