Après Robespierre : du Directoire au coup d’État de Bonaparte

DE LA REACTION THERMIDORIENNE AU COUP D’ÉTAT DE BONAPARTE (1794 – 1799)

—> La révolution, qui a fini par s’identifier aux jacobins montagnards, prend fin à la chute de Robespierre et on assiste alors à un mouvement de réaction au nom de la révolution c’est à dire qu’on cherche la consolidation de certains acquis de celle-ci, tentative qui va échouer à cause des rebondissements politiques futurs. Les lendemains de la chute de Robespierre st marqués par un démantèlement du Gouvernement révolutionnaire et de la Terreur, les organes révolutionnaires subsistants sont reformés et à la place on tente d’instaurer des institutions modérées mais cette tentative va échouer pour entraîner une transformation du régime puis la prise du pouvoir par Bonaparte.

A) Les forces politiques

Les thermidoriens

—> Ce sont des révolutionnaires qui font revivre l’état d’esprit de 1789 de manière un peu + libérale et qui cherchent à fortifier la propriété. Les propriétés de l’Eglise sont nationalisées puis revendues notamment aux paysans ou aux bourgeois et le maintien des biens nationaux dans la propriété de leurs acquéreurs est recherché avant tout. Ils en viennent alors à considérer que le véritable citoyen c’est le citoyen propriétaire : Nous devons être gouvernés par les meilleurs, ceux qui sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois et ce sont les propriétaires.

=>Idée thermidorienne conservatrice et anti-cléricale car ils pensent que le clergé est l’allié des royalistes.

—> L’opposition vise plus radicalement le christianisme et on n’instaure donc pas une véritable liberté des cultes puis les thermidoriens finissent par proclamer la séparation des Eglises et de l’Etat par une loi du 18 septembre 1795, loi qui sera par la suite abolie par Napoléon. Leur position politique va être combattue sur leur gauche par la renaissance du jacobinisme et sur leur droite par la renaissance du royalisme.

Le courant jacobin

—> Les jacobins sont les hommes restés attachés aux montagnards en particulier à la démocratie (suffrage universel) et à l’égalitarisme social. Ce mouvement, provisoirement écarté avec la chute de Robespierre, réapparaît vers la fin de 1794 et invente le mot de réaction étant entendue comme les forces politiques hostiles au mouvement. Les dirigeants déclarent dès décembre 1794 la fermeture du club des jacobins. Il y a aussi le retour du mouvement populaire et au printemps 1795 lance 2 manifestations révolutionnaires en adoptant pour slogan «du pain et la Constitution de l’an I». Ces mouvements insurrectionnels sont réprimés par le gouvernement et on peut dire que c’est temporairement la fin de la participation du petit peuple de Paris à la vie politique qui ne se manifestera plus avant 1830.

—> Enfin, au début du directoire (fin 1795) une amnistie politique permet provisoirement la réapparition d’un courant néo jacobins ms ce courant apparaît très vite dangereux pour les hommes en place qui st des révolutionnaires modérés. La crainte des thermidoriens est surtout avivée par les projets de l’homme qui représente le mieux le courant jacobin, Babeuf, qui prône une théorie communiste. Ne pouvant espérer réaliser son programme par la voie légale c’est à dire par des élections il organise un coup d’Etat, avec ses partisans, connu sous le nom de conjuration des égaux, complot qui échoue et Babeuf est exécuté. Les disciples de Babeuf seront en partie à l’origine du courant socialiste au 19e siècle.

Le courant royaliste

—> A la droite des thermidoriens il existe un mouvement non royaliste qui fait la chasse aux jacobins, mouvement issu de la petite bourgeoisie, la jeunesse dorée, connue pour ses tenues extravagantes. Ce courant est connu sous le nom de muscadin. Le principal courant d’opposition de droite est cependant constitué par les royalistes qui constituent une force politique importante qui renaît après avoir pratiquement disparu à l’époque de la convention.

—> Il y a 2 branches parmi les royalistes, d’abord un courant de monarchiste constitutionnel c’est à dire des hommes favorables au retour à la Constitution de 1791et qui voudrait porter au pouvoir un cousin de Louis XVI qui n’est autre que Louis Philippe qui arrivera au pouvoir en 1830. D’autre part il y a les royalistes partisans du retour à l’Ancien Régime et à leur tête ils ont un frère cadet de Louis XVI qui à la mort de son neveu Louis XVII prend le nom de Louis XVIII. c’est un courant réactionnaire. Certains royalistes du 2e courant manifestent de façon violente leur hostilité à la révolution et compte entreprendre une sorte de chasse aux jacobins. Ceci est particulièrement net dans le Sud-est de la France et ces manifestations violentes se caractérisent par de nombreux meurtres. c’est la Terreur Blanche, expression hist injustifiée car contrairement à la Terreur montagnard elle n’a rien d’officiel et a fait beaucoup moins de victimes.

—> Cependant, la plupart des royalistes, au lieu d’envisager le heurt frontal avec les thermidoriens, vont préférer rapidement entrer dans le jeu politique c’est à dire pratiquement participer aux élections.

B) La Constitution de 1795 et le nouveau suffrage

—> Après le 9 thermidor donc la chute de Robespierre, il a été question de mettre en œuvre la Constitution de l’an I qui avait été mise entre parenthèse par ses auteurs eux-mêmes mais peu à peu les tentatives d’insurrection populaire faites au nom de la Constitution de l’an I ont poussé les thermidoriens a refusé.

—> Les thermidoriens vont donc mettre en place la Constitution de l’an III connue sous le nom de Constitution du directoire et cette nouvelle constitution est inspirée par une double méfiance, d’abord à l’égard du mouvement populaire (sans-culottes) et c’est la raison pour laquelle on écarte l’idée de démocratie et de suffrage universel puis la méfiance à l’égard des organes constitutionnels eux-mêmes c’est à dire à l’égard d’un retour éventuel au système de la Convention montagnarde. Il convient en effet aux thermidoriens de limiter les pouvoirs des organes constitutionnels pour éviter le retour à la dérive despotique connue sous la Convention montagnarde, il faudra donc prendre des dispositions à cet égard (séparation des pouvoirs).

  • Un suffrage restreint

—> La nouvelle Constitution attribue la souveraineté à ce qu’on appelle l’universalité des citoyens mais cette expression a un sens particulier car en effet ce qu’on appelle citoyen à l’époque ce n’est rien d’autre que l’électeur. Cela veut dire que les non électeurs ne sont pas considérés comme des citoyens. Dans ces conditions le suffrage mis en place est restreint, il s’agit d’une part de réduire le nombre des électeurs et d’autre part de revenir au système des élections à 2 degrés.

—> Pour être électeur au 1er degré, il faut être majeur (21 ans) et il faut également être inscrit sur le rôle des impôts directs c’est à dire payer des impôts directs mais dans la pratique c’est à ce niveau c’est le suffrage universel va s’appliquer. Une disposition de la constitution prévoyait que au bout de quelques années, seuls les gens sachant lire et écrire pourraient être électeurs autrement dit on concevait le corps électoral comme une sorte d’élite culturelle, disposition qui n’est jamais entrée en vigueur. Le retour au système des élections à 2 degrés, or, la sélection des électeurs pour le 2e degré est extrêmement rigoureuse en ce sens qu’on leur impose un cens très élevé (égal à 200 journées de travail) de telle sorte que le nombre des électeurs au 2e degré ne devait pas dépassé 30 000 électeurs (sur 30 millions d’habitants), les députés devant être choisis parmi eux.

  • Un pouvoir morcelé

—> On revient au principe de la séparation des pouvoirs qui était à la base de la constitution de 1791 abandonnée dans la période suivante. On distingue donc le pouvoir législatif et exécutif.

a) Le pouvoir législatif

—> Il est réparti entre 2 assemblées (= 2 conseils) et en ce sens il est important de relever que la constitution de 1795 introduit donc le bicamérisme en France qui restera dominant dans la suite de l’histoire constitutionnelle jusqu’à notre époque actuelle. L’objectif visé en créant 2 assemblées c’est d’empêcher qu’une unique assemblée n’exerce trop de pouvoir et donc le diviser. On voit de ce fait comment la notion de représentation nationale subie une grave entorse. Les 2 assemblées n’ont pas les mêmes fonctions: La 1ère chambre porte le nom de Conseil des 500 et pour y être élu il faut avoir au moins 30 ans mais on peut être élu sans conditions particulière de cens. Elle a seul l’initiative des lois, délibère sur les projets de loi et les vote. La 2e chambre porte le nom de Conseil des Anciens, elle est composée par 250 membres qui doivent avoir au moins 40 ans et ce Conseil n’a pas de droit d’initiative ni d’amendement mais qu’un pouvoir qui est de voter les projets déjà votés par le 1er.

=>On peut donc dire que le Conseil des Anciens exerce une sorte de veto sur les projets de loi

—> Les 2 chambres ne sont pas élus séparément, les électeurs vont élire en même temps 750 représentants et pour former le Conseil des Anciens dans un 2e temps on tire au sort 250 noms sur les élus de plus de 40 ans et tous les autres élus vont former le Conseil des 500 (procédure utilisée qu’une seule fois car par la suite les assemblées sont renouvelées par tiers chaque année). Pour assurer la séparation des pouvoirs, on prévoit d’un côté que ces conseils ne pourront être dissous par le pouvoir exécutif, disposition qui va s’avérer fâcheuse en raison des conflits aigus entre le législatif et l’exécutif et d’un autre côté on interdit aux conseils de s’immiscer dans l’exécutif, empêcher donc les empiètements de l’assemblée sur le pouvoir du roi.

b) Le pouvoir exécutif

—> Lors de l’établissement de l’exécutif, il y a 2 soucis : tout d’abord, il faut empêcher la dictature d’un homme et c’est la raison pour laquelle le pouvoir exécutif sera collégial c’est à dire composé de plusieurs membres. Le 2e souci est d’empêcher la domination de l’exécutif sur le législatif, des dispositions étant prises pour les séparer mais nous verrons que cette séparation n’est pas aussi totale qu’on peut le penser.

—> L’exécutif est confié au Directoire composé de 5 membres et ces directeurs qui auraient pu être élus par les électeurs, sont élus par le législatif au + précisément élus par les Anciens sur une liste établie par les 500 et chaque année l’un des directeurs est écarté par tirage au sort puis remplacé par un nouveau directeur de telle sorte que le renouvellement total se fait au bout de 5 ans. Ces directeurs apparaissent dans une certaine dépendance par rapport au conseil mais ils disposent cependant d’une forte autonomie en raison de la stabilité de leur mandat puisque durant les 5 ans ils ne peuvent pas être écartés par les conseils. Le Directoire définit la politique du pays et en particulier sa politique extérieure. Par ailleurs sur le plan intérieur il dirige l’administration et dans la Constitution de 1795 réapparaissent les ministres mais ne sont rien d’autres que des chefs de services administratifs.

—> La Constitution de 1795 sera ratifiée par référendum populaire, référendum d’ailleurs marqué par de fortes abstentions qui resteront un trait permanent des élections par la suite. Enfin cette constitution comprend une nouvelle déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen, philosophie reprise à la déclaration de 1789 (propriété, l’égalité juridique…) mais on écarte l’égalitarisme cher aux jacobins. Elle comporte également l’énoncé de devoirs comme l’obligation de respecter les agents publics, c’est un point fondamental de la philosophie du droit administratif qui va se former. Cet énoncé marque une inflexion importante puisque en quelques sorte on abandonne le pur individualisme de 1789, l’individualisme ne connaissant que des droits et non pas des devoirs. En ce sens on peut dire que cette déclaration anticipe la philo de l’époque de Napoléon durant laquelle le citoyen sera en quelques sorte soumis à l’Etat.

=>Un certain nombre de déclaration de droit moderne comporte également l’énoncé de devoirs (≠ France).

C) L’échec du Directoire

—> Les thermidoriens, en prenant le pouvoir, ont eu pour objectif de mettre un terme à la rév à la fois en consolidant les acquis de 1789 (notamment à travers la DDHC) et en établissant un régime politique viable et stable. Or, en raison de la gravité des conflits politiques et de la situation internationale, le Directoire va échouer dans ses objectifs.

  • Le coup d’Etat du 18 fructidor de l’an V (= 4 septembre 1797)

—> Avant de se séparer, les membres de la Convention ont voulu empêcher l’élection d’une majorité royaliste dans les Conseils du Directoire c’est à dire du nouveau régime et pour cela ils ont par un décret connu sous le nom de «décret des 2 tiers», décidé que les 2 tiers des membres du nouveau législatif devraient être d’anciens membres de la Convention c’est à dire être pris parmi eux qui allaient abandonner le pouvoir. Cette règle devait s’appliquer aux 1èrse élections et il était prévu que si les électeurs ne choisissaient pas 2/3 des membres de l’ancienne Convention on comblerait la différence par cooptation. Quoiqu’il en soit le nveau législatif est un législatif dominé par les modérés ac cependant une poussée à droite c’est à dire l’entrée de monarchistes aux assemblées.

—> Le 1er renouvellement d’un tiers doit avoir lieu en 1797 et ces nouvelles élections, qui ne concernent donc qu’un tiers des membres des assemblées, voient le succès des monarchistes et de ce fait le législatif est maintenant dominé par une majorité royaliste. Cela alarme les partisans de la République et parmi les principaux intéressés cela alarme spécialement 3 des directeurs qui, pour écarter le danger, ont l’idée d’un coup d’Etat à l’intérieur du régime constitutionnel, cela signifiant une violation de la C°. L’objectif des directeurs républicains est donc de se défaire des élus royalistes et pour cela ils organisent un coup d’Etat en faisant appel à l’armée, de fait des troupes viennent à Paris pour procéder à l’arrestation des dirigeants royalistes. De plus, pour écarter les élus royalistes, ils décident d’annuler les élections dans une cinquantaine de département.

  • Le coup d’Etat du 22 floréal de l’an VI (= 11 mai 1798)

—> Cette fois ci on est dans le cas de figure inverse, le danger est sur la gauche car pour écarter le danger royalistes, les directeurs ont fait alliance en quelques sorte avec les jacobins, alliance risquée puisque ça a eu pour effet de ramener les jacobins dans l’actualité politique et de ce fait pour les élections suivantes qui ont lieu en 1798, les directeurs craignaient un succès des jacobins c’est à dire le retour à l’époque de la Terreur. Ils vont donc procéder à une opération de coup d’Etat qui consiste simplement en le vote d’une loi qui va avoir pour effet de truquer en quelques sorte les élections afin d’écarter le succès possibles des jacobins.

—> 1 centaine d’élus jacobins sont écartés des chambres et pour cela on a utilisé plusieurs procédés dont:

Le système dit des scissions au sein des assemblées électorales: dans le cas où une assemblée élirait en majorité un jacobin, on accorde à la minorité (donc hostile aux jacobins) le droit de scission c’est à dire qu’elle peut de son côté élire un député et en fin de compte l’élu de la majorité, le jacobin, est écarté car on dit qu’il ne respecterait pas la Constitution, à sa place est introduit l’élu de la minorité.

  • Le coup d’Etat du 18 brumaire de l’an VIII (= 9 novembre 1799)

—> Ce coup d’Etat est celui qui permet l’arrivée de Bonaparte au pouvoir et donc le changement radical de régime politique. Ce n’est pas une initiative de Bonaparte lui-même ms d’un groupe de députés modérés (conservateurs) qui se rendent compte qu’à l’usage la Constitution fonctionne très mal, l’égalité et l’autonomie des 2 pouvoirs entraînent immanquablement leur conflit. Il faut donc soit renforcer le législatif soit renforcer l’exécutif.

=>Les néo jacobins sont favorables au renforcement du législatif et les députés modérés au renforcement de l’exécutif, idée défendue en particulier par Sieyès (élu directeur récemment).

—> Il apparaît qu’étant donné la composition des chambres, on ne pourra pas procéder à une simple révision constitutionnelle et donc paradoxalement les députés veulent réaliser un coup d’Etat pour obtenir cette transformation de la constitution, jugeant nécessaire d’y associer l’armée. Le problème se pose alors de savoir avec quel chef militaire on va traiter, un général se détache c’est Bonaparte qui en effet a un prestige particulier à l’époque qui lui vient de ses succès en Italie et précisément plus récemment Bonaparte vient de rentrer d’une nouvelle expédition, la célèbre expédition d’Egypte dont il se prévaut (en réalité ce fut un échec). Le coup d’Etat associe donc Sieyès et ses partisans à Bonaparte.

—> L’idée aurait été d’exercer une pression sur les députés pour les amener à réviser la Constitution ms ce plan échoue en raison d’une maladresse de l’autoritarisme de Bonaparte car manifeste ouvertement son hostilité au législatif entraînant un conflit avec beaucoup de députés, la riposte de Bonaparte étant d’expulser ces députés par la force. Au bout du compte, les députés partisans de Sieyès prennent 2 décisions d’ordre constit, la 1ère étant de remplacer le Directoire par un nouvel exécutif composé de 3 consuls (Bonaparte, Sieyès et Roger-Ducos) et la 2e étant de nommer des comités de députés pour élaborer une nouvelle constitution avec la participation des 3 consuls. c’est cette constitution nouvelle, portant le nom de constitution de l’an VIII, qui introduit un nouveau régime qu’est le régime du Consulat.