Comment distinguer responsabilité pénale et responsabilité civile?

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

Après avoir étudié longuement la loi pénale, sans doute la partie la plus abstraite de ce cours, nous allons maintenant en venir au titre II qui nous occupera pendant tout le reste de cette année, et que suivant le plan du code pénal, j’ai choisi d’appeler la responsabilité pénale.

Mais au-delà de cette justification formelle, il en est une autre de nature plus pédagogique. Il est essentiel en seconde année de licence, que vous preniez conscience qu’il existe une responsabilité pénale, distincte des responsabilités civiles et administratives que vous allez aussi découvrir dans d’autres cours. Il est fondamental que vous compreniez que ces diverses responsabilités ne se confondent pas, même si elles peuvent s’appliquer aux mêmes faits.

Leur cause, leur objet, leurs conditions de mise en œuvre vont en effet varier.

Pour en rester à la comparaison entre responsabilité civile et pénale, comment peut-on en première approche, présenter les choses ?

La responsabilité civile est encourue par l’auteur d’un dommage qui doit réparer le plus souvent par le paiement de dommages intérêts le préjudice qui en est résulté. Mais, il est possible, voire obligatoire, de s’assurer (assurance de responsabilité civile).

La cause ou le fait générateur, ici, c’est l’existence d’une faute civile ou, et de plus en plus, c’est le simple fait d’être à l’origine du dommage (responsabilité sans faute).

L’objet de cette responsabilité civile, c’est la réparation du dommage. Le responsable n’est pas toujours celui qui est personnellement la cause du dommage, il existe de nombreux cas de responsabilité civile du fait d’autrui.

La mise en œuvre n’en est pas nécessairement contentieuse et s’il y a contentieux, il se déroulera devant les juridictions civiles selon la procédure et le mode d’administration de la preuve correspondant, ou devant les juridictions pénales, c’est l’action civile, exercée donc par celle qu’on va appeler, la « partie civile ».

La responsabilité pénale, elle,Sa cause c’est une infraction, c’est-à-dire une violation de la loi pénale.

Son objet c’est la sanction de cette infraction, qui prendra la forme d’une déclaration de culpabilité relative à une infraction donnée (ou plusieurs) et le plus souvent d’une peine ou d’une « mesure », d’ une médiation, voire d’une dispense de peine.

Seul peut être déclaré pénalement responsable celui qui l’a personnellement commise.

Sa mise en œuvre passe par l’intervention de l’autorité publique, et le plus souvent par un procès devant une juridiction pénale, ou à tout le moins une alternative à ce procès pénal dont l’autorité publique, le parquet, a la maîtrise.

Juridiquement nos deux responsabilités sont donc tout à fait distinctes.

Au plan des faits, et ceci est très important, le même fait peut constituer une infraction et causer un dommage. RC et RP se superposent.

Il peut arriver en ce cas, que devant la juridiction pénale les deux responsabilités soient réglées. Mais ce n’est pas obligatoire. L’action civile peut être réglée de son coté, à l’amiable, ou devant juridiction la civile.

Il existe aussi, bien sûr, des faits qui constituent des infractions mais qui n’engagent pas la responsabilité civile de leur auteur. Il existe enfin des faits qui engagent la responsabilité civile de quelqu’un mais qui ne constituent pas une infraction.

De même avoir bien conscience de la différence en responsabilité morale et responsabilité pénale.

L’étude de la responsabilité pénale peut s’organise selon des plans et autour de notions bien différentes.

De manière très classique, par rapport à la doctrine française, M. Merle et Vitu, rappellent que

Si la doctrine allemande articule sa réflexion autour de cinq concepts qui sont l’action (le fait matériel accompli par l’agent), le type (description légale et abstraite de l’incrimination), « l’antijuridicité » (la conformité du fait avec le type) la culpabilité (la liaison entre l’action et l’attitude psychologique blâmable), la faute (intentionnelle ou non), et la sanction,

La doctrine française en revanche, fait plus simple (plus pauvre aussi ?) autour de quatre notions : l’infraction, la culpabilité, l’imputabilité, et la sanction.

Ainsi M. Merle et Vitu étudient-ils,

Sous la notion d’infraction, la structure juridique, c’est-à-dire l’élément légal de l’infraction, la classification des infractions et la qualification des faits et les faits justificatifs : les notions d’ordre de la loi, de légitime défense, d’état de nécessité.

  • la structure matérielle, l’élément matériel de l’infraction, et la notion de tentative.

Sous la notion de culpabilité, ils placent

  • l’étude des notions d’auteur,

  • de la responsabilité dite du fait d’autrui,

  • de la notion de complicité

  • et d’élément moral.

Sous la notion d’imputabilité

  • la non imputabilité des infractions aux personnes physiques, à savoir la contrainte, le discernement inexistant (jeunes mineurs), le trouble mental ayant aboli le discernement ou le contrôle des actes.

Je cite ce plan parce qu’il est construit autour de ces trois notions fondamentales d’infraction, de culpabilité et d’imputabilité que nous retrouverons. Mais ces notions sont difficiles. Elles font l’objet de débats et de désaccords doctrinaux qui en affaiblissent la portée pédagogique.

La notion de culpabilité, très utilisée dans le vocabulaire commun et très liée au factuel et à la notion de coupable renvoie dans la conversation courante tout à la fois à l’élément matériel et moral voire légal de l’infraction : Cherchez le coupable, trouvez le coupable, châtiez le coupable, Est-ce bien le « vrai » coupable ? Se sentir très coupable, et la fameuse expression « responsable mais pas coupable ».

La notion d’imputabilité a exactement le défaut inverse : elle est peu usitée et sa différence avec la culpabilité devient, du coup, obscure au moins pour éclairer un plan.

De plus de par notre choix initial de suivre en première partie le plan du code et de traiter de la loi pénale, nous avons été amenés à traiter déjà du principe de légalité et de ses conséquences, de classification des infractions, et de la qualification des faits.

Nous allons donc préférer organiser les choses autour de trois sous-titres qui rejoignent aussi à peu près l’organisation proposée par J. Pradel, mais qui ne place pas tous ces développements sous la notion de responsabilité pénale mais sous celle d’infraction.

Nous allons partir de la notion de fait générateur de la responsabilité pénale et analyser l’élément matériel de l’infraction et son élément intellectuel (également appelé moral, la faute pénale). En revanche, nous n’examinerons pas là, la notion de fait justificatif qui peut faire obstacle à la responsabilité.

Nous nous porterons ensuite sur la question de la détermination de la personne qui peut être pénalement responsable (physique ou morale) et de savoir à quel titre elle peut l’être (auteur, complice, responsabilité dite du fait d’autrui).

Enfin, nous en terminerons par toutes les causes d’irresponsabilité pénale, à la fois celles qui jouent sur la culpabilité et l’imputabilité, c’est-à-dire les causes objectives (les faits justificatifs), et les causes subjectives (contrainte, troubles mentaux, minorité).