LA DISTINCTION DROIT PUBLIC :/ DROIT PRIVE
La distinction entre droit public et droit privé est essentielle pour comprendre le fonctionnement des systèmes juridiques. Elle structure l’enseignement juridique, mais surtout l’organisation de l’ordre juridique en général. Elle repose sur la nature des personnes impliquées dans les rapports juridiques et sur les finalités poursuivies par ces rapports.
Définition de Droit public. Le droit public régit les relations :
-
Entre les différents organes de l’État (par exemple, les relations entre le pouvoir législatif et exécutif).
-
Entre les personnes publiques et les particuliers, notamment lorsque la personne publique exerce des prérogatives de puissance publique (édiction de règlements, décisions administratives).
Exemples :
- Législation sur les marchés publics.
- Droit constitutionnel et administratif.
- Relations entre un citoyen et l’administration fiscale.
Définition de Droit privé : Le droit privé régit les relations entre personnes juridiques privées ou lorsque l’État agit comme un particulier, sans utiliser ses prérogatives de puissance publique.
Exemples :
Liste des autres articles :
- Contrats de vente ou de bail entre particuliers.
- Litiges commerciaux entre entreprises.
- Responsabilité civile d’un individu.
I) Raison d’être : personnes publiques et personnes privées
1. La raison d’être de la distinction : personnes publiques et personnes privées
A. Définition d’une règle de droit
Le droit peut être défini comme l’ensemble des règles générales et impersonnelles qui régissent les conduites des personnes, sous peine de sanction organisée pouvant inclure la contrainte.
B. Notion de personne physique et de personne morale
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Personne physique :
- Individu soumis à des droits et obligations, en tant que sujet de droit.
- Exemple : Un citoyen, un employé, un commerçant.
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Personne morale :
- Entité juridique abstraite, créée pour regrouper des individus ou des biens autour d’un intérêt commun.
- Dotée d’une capacité propre (acquérir des biens, agir en justice, etc.) et soumise à des obligations (enregistrement, impôts, etc.).
- Exemples :
- Personnes morales de droit privé : entreprises, associations, syndicats.
- Personnes morales de droit public : État, collectivités territoriales, établissements publics.
C. Distinction entre personnes publiques et privées
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Personnes privées :
- But lucratif (entreprises).
- Défense des intérêts des membres (syndicats).
- Promotion de causes spécifiques (associations).
- Les personnes privées peuvent être physiques (individus) ou morales.
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Personnes publiques :
- Finalité d’intérêt général.
- Inclut l’État, les collectivités locales (communes, départements, régions) et certains établissements publics.
- Toujours des personnes morales.
D. Dédoublement fonctionnel et types de rapports juridiques
La distinction entre droit public et droit privé repose également sur les rapports juridiques entre les parties. Ces rapports peuvent être de trois types :
- Entre personnes privées : Relève du droit privé.
- Entre personnes publiques : Relève du droit public.
- Rapports mixtes (entre personnes privées et publiques) : Généralement soumis au droit public, en raison de la prééminence de l’intérêt général.
Règle générale : Lorsqu’une personne publique intervient, le droit public a vocation à s’appliquer, sauf exception.
2. Les critères de distinction et les cas particuliers
A. Critère organique : la nature des parties
La distinction repose sur l’identité des parties :
- Si une personne publique est impliquée, le droit public s’applique, sauf si cette dernière agit dans un cadre privé (par exemple, gestion d’un SPIC).
- Si seules des personnes privées sont concernées, le droit privé s’applique.
B. Critère fonctionnel : la finalité de l’action
Le critère fonctionnel analyse la nature de l’activité en cause :
- Si l’activité poursuit un but d’intérêt général et implique des prérogatives de puissance publique, le droit public s’applique.
- Si l’activité est purement privée ou commerciale, le droit privé s’applique.
Exemple :
- Activité publique : La construction d’une route par l’État, régie par le droit public.
- Activité privée : Une collectivité locale gérant un cinéma municipal (activité de SPIC), soumise au droit privé.
3. Exemples illustrant la distinction
A. Cas relevant du droit public
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Exercice de prérogatives de puissance publique :
- Un arrêté préfectoral interdisant une manifestation.
- La mise en place d’un plan local d’urbanisme par une commune.
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Relations entre organes de l’État : Contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel.
B. Cas relevant du droit privé
-
Litiges entre particuliers :
- Un différend commercial entre deux entreprises.
- Un litige relatif à un bail d’habitation.
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L’État agissant comme une personne privée :
- Vente d’un terrain public par l’État à un particulier, soumis au régime du droit privé.
4. Les implications pratiques de la distinction
A. Répartition des juridictions compétentes
- Droit public : Relève des juridictions administratives, avec le Conseil d’État au sommet.
- Droit privé : Relève des juridictions judiciaires, avec la Cour de cassation au sommet.
B. Enjeux pour les justiciables
Les justiciables doivent identifier correctement la nature juridique de leur litige pour saisir la juridiction compétente. Une erreur peut entraîner l’irrecevabilité de leur recours.
5. Évolutions contemporaines
Les distinctions entre droit public et droit privé tendent à s’estomper dans certains domaines, notamment :
- Partenariats public-privé (PPP) : Où des entreprises privées collaborent avec des personnes publiques pour réaliser des projets d’intérêt général.
- Services publics industriels et commerciaux (SPIC) : Où le droit privé s’applique parfois à des activités menées par des personnes publiques.
Exemple récent : L’affaire Parcoursup, où les décisions administratives prises par des algorithmes ont conduit à une réflexion sur la nature hybride du droit applicable.
II) Le contenu de la distinction et le problème du critère
La distinction entre droit public et droit privé est fondamentale dans les systèmes juridiques modernes. Elle repose sur des critères variés, mais aucun d’entre eux n’est totalement satisfaisant à lui seul. Cette différenciation a des conséquences majeures sur la structure juridictionnelle et l’organisation du contentieux.
A. Différences fondamentales
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Objectifs et finalités :
- Droit public : Organiser et régir les relations entre les pouvoirs publics et les administrés, dans l’objectif de préserver l’intérêt général.
- Droit privé : Régir les relations entre les particuliers ou entre personnes morales privées, dans une logique d’égalité entre les parties.
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Acteurs impliqués :
- En droit public, l’un des acteurs est une personne publique (État, collectivité territoriale, établissement public).
- En droit privé, les relations concernent essentiellement des personnes privées (individus, entreprises).
- Exception : Certaines entités hybrides, comme les SEM (Sociétés d’Économie Mixte), combinent des éléments de droit public et privé, rendant la qualification plus complexe.
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Méthodes et outils juridiques :
- Droit public : Recourt souvent aux actes unilatéraux (décrets, arrêtés), caractérisés par l’autorité de la puissance publique.
- Droit privé : Privilégie les contrats, basés sur un principe d’égalité entre les parties.
- Exceptions : Certains contrats de droit public (comme les marchés publics) relèvent du droit administratif.
B. Critères de distinction
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Critère matériel (ou objectif) :
- Si la règle ou l’action vise l’intérêt général, elle relève du droit public.
- Exemple : Une décision d’urbanisme visant à préserver une zone naturelle protégée.
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Critère organique (ou subjectif) :
- La participation d’une personne publique à un litige ou à une règle indique une appartenance au droit public.
- Limite : Une personne publique peut agir comme une personne privée, notamment dans le cadre des SPIC (services publics industriels et commerciaux).
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Critère formel :
- La nature de l’outil juridique utilisé (acte unilatéral ou contrat) peut indiquer l’appartenance à l’un ou l’autre domaine.
- Exemple : Un décret relève du droit public, alors qu’un contrat de vente entre particuliers est une affaire de droit privé.
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Critère fonctionnel :
- Le but poursuivi par la règle est déterminant : vise-t-elle l’intérêt général ou un intérêt particulier ?
C. Application : la méthode du faisceau d’indices
Aucun critère n’étant absolu, les juristes recourent à une analyse combinée, appelée méthode du faisceau d’indices, pour déterminer l’appartenance d’une situation au droit public ou privé.
- Exemple : Dans le cas d’une activité mixte, comme les services fournis par Engie, certaines activités commerciales relèvent du droit privé, tandis que les décisions stratégiques liées à la sécurité énergétique peuvent relever du droit public.
II. Conséquences pratiques : deux ordres de juridiction
A. Deux systèmes juridictionnels parallèles
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Droit privé : ordre judiciaire
- Juridictions de première instance :
- Tribunal de Grande Instance (TGI) (devenu Tribunal Judiciaire depuis 2020).
- Tribunaux d’instance (intégrés au Tribunal Judiciaire).
- Cour d’appel : Examine les décisions des tribunaux de première instance.
- Cour de cassation : Plus haute juridiction judiciaire, juge de droit mais pas des faits.
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Droit public : ordre administratif
- Juridictions de première instance :
- Tribunaux administratifs (36 en France).
- Cours administratives d’appel (8 en France).
- Conseil d’État : Juge de cassation, et parfois de premier et dernier ressort pour les litiges les plus importants.
B. Complexité pour les justiciables
Le système de double juridiction peut rendre difficile pour un justiciable de déterminer quel juge saisir.
- Exemple : Un litige sur la gestion d’un domaine public (comme un port) peut relever du juge administratif, mais les contrats de travail des salariés employés dans ce port relèvent du juge judiciaire.
C. Règlement des conflits de compétence
En cas de doute sur l’ordre juridictionnel compétent, le Tribunal des Conflits intervient pour trancher.
- Composition : 4 membres du Conseil d’État, 4 membres de la Cour de cassation. En cas d’égalité, le Garde des Sceaux préside et tranche.
III) Les limites de la distinction
A. Mélanges entre intérêt général et intérêt particulier
La distinction entre droit public et droit privé devient floue dans des situations où :
- L’État intervient dans l’économie :
- Les entreprises publiques comme EDF (Électricité de France) ou SNCF mènent des activités industrielles ou commerciales relevant du droit privé, tout en assurant des missions de service public.
- Les services publics industriels et commerciaux (SPIC) :
- Exemple : Les activités d’une régie de transports publics relèvent généralement du droit privé pour les contrats, mais les décisions administratives réglementaires peuvent relever du droit public.
B. Cas spécifiques et exceptions notables
- Participation de personnes publiques à des contrats privés :
- Une commune qui achète des fournitures pour ses bureaux agit dans un cadre de droit privé.
- Droit international public et libertés publiques :
- Certaines règles, comme les traités internationaux, relèvent du droit public, mais leurs effets sur les individus peuvent engager des notions de droit privé.
C. Conséquences sur l’organisation juridictionnelle
- Fusion des ordres dans certains cas :
- Certaines matières, comme les dommages causés par des véhicules administratifs, relèvent exclusivement du juge judiciaire, même si elles impliquent une personne publique.
- Complexité accrue pour les activités hybrides :
- Exemple : Les sociétés d’économie mixte (SEM), comme les entreprises de gestion de l’eau, sont soumises à des régimes juridiques variés en fonction de leur activité.
Le cours est divisé en plusieurs fiches :
- Les Théories sur l’origine de l’État La notion d’Etat Les éléments constitutifs de l’Etat : pouvoir, territoire, organisation, groupement humain Le pouvoir, moyen d’action d’Etat : origine, organisation et légitimité La résistance au pouvoir : contestation et opposition Les sources du Droit : règlement, coutume, loi, jurisprudence, doctrine La norme juridique, instrument du pouvoir Application et interprétation de la règle de droit