Doctrine administrative et jurisprudence, sources de droit fiscal

2 SOURCES DU DROIT FISCAL : DOCTRINE ADMINISTRATIVE ET JURISPRUDENCE

La doctrine administrative et la jurisprudence sont deux sources de droit fiscal en droit français.

  • La doctrine administrative est constituée par l’ensemble des instructions, circulaires, notes et commentaires émis par l’administration fiscale. Elle a pour but d’expliquer et de préciser les règles fiscales en vigueur. Les contributions de la doctrine administrative sont donc très utiles pour interpréter les textes fiscaux et pour connaître la position de l’administration sur un point de droit donné.
  • La jurisprudence, quant à elle, est constituée par l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux, notamment les tribunaux administratifs et la Cour administrative d’appel. Ces décisions ont une force obligatoire et constituent une source de droit à part entière. Les décisions les plus importantes sont souvent publiées dans les recueils de jurisprudence et peuvent être invoquées par les contribuables devant les tribunaux.
  1. La doctrine administrative : instructions et circulaires, rescrit

Législation fiscale marquée par une haute complexité, un foisonnement incessant, un état de réforme permanente =) Incertitude du citoyen =) Interprétation donnée par l’Administration.

Définition : ensemble des positions et pratiques de l’administration fiscale par écrit.

Comment ?

Instructions administratives = dans le Bulletin officiel des impôts. Voir site du Ministère de l’Eco. Et des finances.

Circulaires = à destination des agents de l’administration fiscale. Rôle considérable car indiquent aux agents comment interpréter et appliquer les textes.

Instructions et circulaires ont une portée générale.

A distinguer de

Notes et réponses ministérielles = réponses sur des points fiscaux particuliers. Font certes partie de la doctrine administrative.

Pb lorsque la loi telle qu’elle figure dans les textes diffère de la loi telle qu’elle est appliquée. Or, cette pratique déformante vient de l’Administration qui a le pouvoir d’application, par les différents moyens que l’on vient d’évoquer. En principe, comme le nom le suggère, doctrine administrative devrait être dépourvue de toute force obligatoire. Son efficacité juridique serait donc inversement proportionnelle à son importance pratique.

En réalité…pas si évident : étude de la portée de la doctrine adm.

Portée de la doctrine administrative.

Principe =) Conformité des instructions et circulaires à la loi et à la hiérarchie des normes. Norme inférieure.

Notamment, si l’instruction administrative est plus sévère que les dispositions de la loi fiscale

– Le contribuable peut exercer un recours pour excès de pouvoir et faire annuler l’instruction. Les instructions ne doivent pas être contraires à la hiérarchie des normes. Ex : ainsi annulation par le juge administratif des instructions impératives à caractère général entachées d’incompétence, contraires à la loi ou à une norme supérieure. (Plus de distinction entre circulaire interprétative et réglementaire = remplacée par la notion de circulaire impérative : CE 18 déc. 2002, Mme Duvignères)

Attention concernant le recours pour excès de pouvoir : d’un usage très résiduel en contentieux fiscal qui est un contentieux de pleine juridiction. En cas d’utilisation erronée du REP, le juge de l’impôt opposera l’exception de recours parallèle.

– Contrôle de la légalité de l’inscription. Possibilité également pour le contribuable de soulever l’illégalité de l’instruction.

=) Mais

Problématique est la suivante : =) Une doctrine administrative ne peut-elle être invoquée par le redevable, cad rendue opposable, quand bien même elle serait illégale ?

  • Que décider si l’instruction administrative est plus douce que la loi fiscale ? Peut-elle être rendue opposable malgré son illégalité, spécialement lorsque le citoyen aura eu connaissance de l’interprétation retenue par l’Administration ?
  • Que décider lorsque l’Administration a pris une position formelle sur l’application des textes à une situation de fait déterminée, en utilisant une procédure de rescrit = portée individuelle ? L’Administration peut-elle revenir sur cette interprétation et opérer un redressement ?

=) Il s’agit de la principale question qui a suscité contentieux : le contribuable peut-il opposer à l’administration fiscale sa propre doctrine ? Si on applique strictement les principes juridiques, le principe d’inopposabilité de la doctrine administrative devrait empêcher l’administré de se prévaloir de son respect de l’interprétation antérieure.

=) Pour limiter les effets désastreux d’une telle situation.

– Reconnaissance de l’opposabilité de la doctrine administrative/ circulaires. L. du 28 déc. 1959, devenue art. L. 80 A LPF;

– L. du 8 juill. 1987, devenue art. L. 80 B du même code, pour le rescrit fiscal = question individuelle posée à l’administration fiscale.

  1. Article L80 A =) concerne les instructions et circulaires

Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.

Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.

Analyse de l’article L80 A, LPF

Cet article permet en quelque sorte de sacraliser la doctrine administrative. = lorsque l’administré a appliqué une doctrine administrative de portée générale, circulaire ou instruction, publiée et en vigueur au moment du fait générateur, il ne peut être ultérieurement l’objet d’un redressement au soutien d’une interprétation différente.

Champ d’application du texte : l’assiette de l’impôt et non les procédures d’imposition et de recouvrement.

Condition : doit avoir fait l’objet d’une diffusion = S’agissant de « l’interprétation de l’administration » = prises de position explicites sur un texte fiscal. Par le biais des instructions, circulaires, réponses ministérielles…Il doit s’agir d’une interprétation formelle = il faut un écrit. On retient la doctrine en vigueur pendant la période d’imposition concernée.

  1. Art. 80 B, LPF =) concerne le rescrit.

=) Adm. Des impôts ne peut pas procéder à un rehaussement des impositions si elle a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait ou si elle n’a pas répondu dans un certain délai (3 ou 4 mois) à certaines questions posées par le contribuable. = immunité contre un changement de position de l’administration.

Remarque : pour sécurité juridique : une rubrique « Le rescrit : pour plus de sécurité juridique » est accessible sur le site internet www.impots. gouv.fr et une centaine de décisions de rescrit, classées par thèmes et sous-thèmes, sont mises en ligne.

=) arguments de nécessité pratique. Mais contestation récurrente : une telle opposabilité porterait atteinte au principe de légalité ? A vrai dire, un tel débat est généralement évacué au motif que l’illégalité doit céder face à des considérations supérieures. =) dogme de la bonne foi (de l’adm.) et celui plus moderne de la sécurité juridique qui justifient l’opposabilité d’une doctrine illégale.

+ Reste c’est la loi qui organise son propre effacement (Art. 80) et l’opposabilité n’est efficace que dans les champs ainsi déterminés =) elle n’affecte pas la légalité de la circulaire = peut toujours être contestée devant le juge administratif.

Le rescrit, quant à lui, répond à une logique différente : le comportement provoqué par cette interprétation est justifié par une erreur légitime et opposable de l’administré.

  1. La jurisprudence

Partage du contentieux entre les juridictions administratives = impôts directs, et les juridictions judiciaires = droits d’enregistrement et impôts indirects.

Mêmes choses que pour les autres branches du droit avec cette particularité que les lois fiscales étant relativement précises, la fonction d’interprétation du juge est ici réduite. Loi fiscale = loi d’ordre public donc caractère impératif impose une interprétation restrictive à la différence des lois civiles (souvent supplétives de volonté). =) impossibilité de raisonner par analogie, rarement recours aux travaux préparatoires.

Rôle créateur de la jurisprudence n’est pas pour autant nié.

Ex 1 : acte anormal de gestion est une création prétorienne. = actes qui ne sont pas accomplis dans l’intérêt de l’entreprise mais qui profitent à ses dirigeants ou à des tiers. Non déductible fiscalement. On en reparlera.

Ex 2 : distinction jurisprudentielle entre les erreurs comptables qui peuvent être corrigées si le contribuable est de bonne foi et les décisions de gestion qui manifestent liberté de gestion et sont opposables à l’adm. et au contribuable = rectification par adm. en cas d’irrégularité.

+ Jurisprudence a contribué au mouvement vers une mise en harmonie du droit fiscal et du droit privé. Fin XX : plus juste appréciation des rapports nécessaires du droit privé et du droit fiscal.

Ainsi la personnalité des sociétés, très imparfaitement reconnue par le droit fiscal, a triomphé en jurisprudence. Cass. com., 7 mars 1984, Dr. fisc. 1984, n° 26, comm. 1293 : abandon de l’ancienne doctrine relative aux cession massives de droits sociaux = le changement d’associé ne peut pas, en tant que tel, être considéré comme mettant fin à l’être social de telle sorte que la cession opérant ce changement ne peut jamais être considérée comme portant sur l’actif social.

Idem pour transformations de sociétés : Cass. com., 2 juill. 1984, n° 23/24, comm. 1182 : une transformation n’entraîne plus un changement de personne morale

Liens unissant fiscalité et comptabilité

Ce sont deux disciplines indépendantes même si la fiscalité utilise les données comptables. En matière d’IS/ BIC…, le résultat fiscal, on le verra, se détermine à partir du résultat comptable. + administration fiscale a un droit de regard sur la comptabilité.

Mais finalités différentes :

Comptabilité : fournir aux actionnaires, aux partenaires, une image économique fidèle, sincère de l’entreprise (individuelle ou pm)

=) d’où parfois des différences, on en verra. Notamment pas la même définition du patrimoine professionnel de l’exploitant. Autre ex : amortissements différés possible en droit fiscal, interdit en droit comptable.

Incidences de l’entrée en vigueur des normes IFRS (International Financial Reporting Standards) = nouvelles normes comptables internationales= accentue la différence entre fiscalité et comptabilité.

=) Mais pour faire du droit fiscal, notamment IS, il faut maîtriser la comptabilité ! et d’une manière générale pour les étudiants qui souhaitent faire du droit des affaires (au sens large). Ex. en droit du travail : comment justifier un licenciement économique si on ne comprend pas les états financiers d’une entreprise notamment les soldes intermédiaires de gestion ?