Dommage des enfants, responsabilité des parents

La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur :

 C’est un cas particulier de la responsabilité du fait d’autrui. Avant l’interprétation extensive de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil, cette responsabilité constituait selon la doctrine un des cas limitativement énumérés par la Code civil de responsabilité du fait d’autrui.

Selon les alinéas et 7 de l’article 1384 du Code civil : « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux » et que « la responsabilité ci-dessus à lieur, à moins que les père et mère et artisans prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».

Cette responsabilité est donc prévue dans le code dés 1804 mais la nature de son régime a fait l’objet d’une mutation progressive. Cela s’explique par plusieurs étapes par lesquels la jurisprudence dans un souci d’indemnisation des victimes a tendu vers un mouvement d’objectivation de la responsabilité générale tirée de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil.  

 C’est une responsabilité sévère car ses conditions sont faciles à mettre en jeu tandis que l’exonération est très délicate.

Section  1. La nature de la responsabilité :

Selon l’article 1384 al 7 : « Les parents sont responsables à moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ». Depuis 1804, doctrine et jurisprudence avaient déduit de cette disposition que la responsabilité des parents reposait sur une présomption de faute dans l’éducation et la surveillance de l’enfant. Le seul fait que l’enfant a causé un dommage faisait présumer que les parents ne l’avaient pas correctement éduqué ou surveillé. Il s’agissait d’un système de présomption simple de faute et les parents pouvaient donc s’exonérer en démontrant qu’ils n’avaient pas commis de faute ni de surveillance, ni d’éducation. Le système était simple pour la faute de surveillance, car les contours sont assez simple à tracer. La preuve de l’absence de faute d’éducation était plus délicate, car il y a avait des difficultés à définir la faute d’éducation.    Le système actuel est différent, puisque l’arrêt Bertrand rendu par la 2ème chambre civile le 19 février 1997, a modifié la nature de la responsabilité. Il ne s’agit plus d’une responsabilité pour présomption de faute mais d’une responsabilité de plein droit ou encore responsabilité objective ou encore présomption de responsabilité. Les mères et mères désormais ne peuvent plus s’exonérer par le preuve de leur absence de faute. Les seules causes d’exonérations sont la cause étrangère ou la faute de la victime. Il est plus compliqué pour les parents d’échapper à leur responsabilité. Cette évolution affecte les conditions mêmes de la responsabilité.   

 Section 2. Les conditions de la responsabilité des père et mère :

  • 1. Les conditions relatives à l’enfant :
  1. La minorité de l’enfant :

Il faut que l’enfant soit mineur au moment où il cause le dommage. Il ne doit pas non plus être émancipé. Face à un dommage causé par un majeur ou un mineur émancipé, les parents ne pourraient pas être inquiétés sur le fondement de l’article 1384 al 4, mais que sur l’article 1382 et 1383 Code Civil

  1. Le fait causal de l’enfant :

La responsabilité des parents a longtemps été dérivée. Pour qu’elle soit engagée, il fallait que par son fait ou par une chose dont il était gardien, l’enfant engage d’abord sa propre responsabilité. Clairement, un fait générateur de la responsabilité de l’enfant était nécessaire. Ce fait était soit une faute (article 1382 et 1383), soit le fait d’une chose dont il était gardien (article 1384 al 1 ou 1385 pour un animal). La victime pouvait n’agir que contre les père et mère mais à la condition d’avoir prouver la responsabilité de l’enfant. Elle pouvait agir contre les deux (parents et l’enfant) et ils étaient tenus « in solidum ». Enfin, elle pouvait n’agir que contre l’enfant, mais c’était rare car il était souvent insolvable. Il s’agissait d’un système d’addition de responsabilité et celle des parents garantissait l’insolvabilité de l’enfant, responsable primaire.

Aujourd’hui, c’est une responsabilité directe, encourue alors même que le fait dommageable n’engage pas la responsabilité de l’enfant. La jurisprudence actuelle se contente d’un fait causal de l’enfant, c-à-d d’un fait qui a causé directement le dommage. Cette solution avait déjà été posée par l’Ass plén, Fullenwarth, 9 mai 1984. Or, la portée de l’arrêt a été discutée car rendu en même temps que la solution sur le problème juridique de l’imputabilité morale. Pourtant, le principe était clair.

Le doute a été levé par Cour de cassation, 2e civ, Lever, 10 mai 2001 : un élève avait été blessé au rugby par un plaquage régulier. Les juges du fond disent qu’il n’y a pas manquement aux règles du jeu. Les juges du fond excluent donc la responsabilité de l’enfant et considèrent par conséquent qu’il n’y a pas lieu d’examiner la responsabilité des parents. Ils s’en tiennent à la conception classique de la responsabilité parentale : responsabilité dérivée. Cour de cassation casse l’arrêt de la CA : « La responsabilité des parents n’est pas subordonnée à une faute de l’enfant. » Cette solution a été reprise dans des arrêts postérieurs dont deux arrêts rendus le même jour par l’Ass plén, 13 janvier 2002 mais elle n’en est pas moins critiquable. Elle est certes inspirée par le souci louable d’indemnisation de la victime, mais elle est injuste et illogique voire même paradoxale car s’ils avaient été auteurs directs du dommage, ils n’auraient pas engagé leurs responsabilité alors que si c’est leur enfant qui a causé le dommage, bien que lui-même non fautif, les parents engagent leur responsabilité.

  • 2. La condition relative aux parents, l’autorité parentale :

Tout d’abord, la filiation doit être établie juridiquement.

Si les deux parents ont tout deux l’autorité parentale sur l’enfant, ils sont solidairement responsables du dommage causé par lui s’ils remplissent chacun la condition de cohabitation. Lorsque les deux parents ont établis tout deux leur filiation envers l’enfant, principe d’autorité exercée en commun : article 372 Code Civil La séparation des parents n’a ici aucune incidence : article 373 Code Civil

Si un seul des parents a l’autorité parentale, seul ce dernier est responsable sur le fondement de l’article 1384 al 4, sous réserve que les autres conditions soient remplies. Ex : décès d’un parent (article 373-1 Code civil), également il peut y avoir un retrait de l’autorité parentale à l’un des parents (article 378 et s Code civil), ou impossibilité pour l’un des parents de manifester sa volonté en raison de son absence ou de son incapacité. Un majeur protégé sous curatelle n’est pas privé de son autorité parentale : CA de Caen, 2 février 2006 : les juges ont considéré que l’incapacité de l’individu ne lui retire pas sont autorité parentale.

Les conditions de l’établissement de la filiation : il faut qu’elle ait été établie plus (moins ?) d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est établie à l’égard d’un autre parent. Si un seul des parents a la filiation, seul le parent ayant établi en 1er sa filiation reste investi de l’autorité parentale. Pour qu’il y ait une autorité conjointe, il faudra une déclaration conjointe des parents ou bien une décision judiciaire (article 372 al 3 Code civil).

L’incidence exceptionnelle de la séparation des parents : en principe, pas de conséquences mais par exception, le juge peut confier à l’un des parents seulement, l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant (article 372-3 Code civil). Pour tous ces cas, hormis le décès de l’autre parent, pour engager la responsabilité du parent non titulaire de l’autorité parentale sur l’enfant, la victime devrait prouver à son encontre une faute et elle devrait fonder son action sur les article 1382 et 1383 Code Civil Si aucun des parents n’a l’autorité parentale, personne ne sera responsable sur le fondement de l’article 1384 al 4 : jurisprudence refuse d’appliquer ce texte aux grands-parents ou au tuteur légal. Or, ceux-ci pourraient engager leur responsabilité sur le fondement de la responsabilité générale du fait d’autrui (article 1384 al 1).

  • 3. Condition de la cohabitation :

Elle ressort de l’al 4 de l’article et elle a changée dans sa notion. Ce changement est lié au changement net de la nature de la responsabilité. Tant que la responsabilité parentale était fondée sur une présomption de faute, la cohabitation était concrète : communauté de vie effective entre l’enfant et son/ses parent(s). La solution était logique car les parents ne pouvaient être présumés fautifs dans l’éducation ou la surveillance de leur enfant que s’ils avaient eu les moyens concrets d’exercer sur lui leur autorité. Dans le cadre de ce régime, la condition de cohabitation n’était plus remplie quand la communauté de vie avait cessé pour une période assez longue et pour une cause légitime. Ex : enfant envoyé en pension. En revanche, la fugue de l’enfant n’était pas de nature à faire cesser la cohabitation (défaut de cause légitime).

Depuis l’arrêt Bertrand de 1997, la responsabilité parentale est une responsabilité de plein droit détachée de toute idée de faute d’éducation, de surveillance. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire que les parents disposent des moyens d’exercer leur surveillance et leur éducation.  La cohabitation est donc une conception abstraite et purement juridique : fixation en droit du lieu de résidence de l’enfant sans avoir égard au le lieu d’habitation effectif du mineur au moment du dommage.

La cohabitation tend à se confondre avec l’attribution à l’un des parents de la résidence de l’enfant. Elle est apparue en jurisprudence : Civ 2ème, 19 février 1997, arrêt Samda.

Implication abstraite dans 2 situations concrètes :

–          la cohabitation cesse-t-elle lorsque l’enfant est confié à un tiers même pour une longue période ? L’enfant placé en internat ou en pension : il n’y a plus de cessation de cohabitation.

Un mineur âgé de 14 ans au jour du dommage et qui vivait depuis l’âge de 2 ans chez sa grand-mère. Juridiquement l’enfant cohabitait toujours avec sa mère même si l’enfant vit depuis 12 ans chez sa grand-mère. Cour de cassation, Crim, 8 février 2005.

–          En cas de séparation des parents, qui est responsable sur le fondement de l’article 1384 al4 Code civil ? On suppose que les 2 parents sont titulaires de l’autorité parentale. C’est uniquement le parent chez lequel a été juridiquement fixée la résidence de l’enfant. Cour de cassation, civ 2e, 20 janvier 2000 : parents divorcés qui exercent conjointement l’autorité parentale et la résidence de l’enfant a été fixée par le juge chez la mère. L’enfant cause un dommage au moment où le père exerce son droit de visite et d’hébergement et il a confié l’enfant à sa grand-mère paternelle. C’est la mère qui est responsable du dommage.

Cependant toutes les questions ne sont pas résolues face à des parents séparés :

–          Qui est responsable en cas de résidence de l’enfant fixée alternativement chez l’un et l’autre parent ? La question n’est pas tranchée, cependant il y a une partie de la doctrine qui propose la responsabilité solidaire des 2 parents.

–          Qui est responsable en cas de séparation de fait des parents lorsqu’il n’y a eu aucune fixation judiciaire de la résidence de l’enfant ? Question en suspend.

  

Section 3 : Exonération des parents :

 

Civ 2ème, 19 février 1997, arrêt Bertrand : les parents ne peuvent s’exonérer que par la force majeure ou la faute de la victime.

Remarque sur la formulation utilisée :

Référence à la force majeure, la Cour a voulu indiquer le moyen de s’exonérer totalement, la référence doit être comprise de façon large comme cause étrangère. => Exonération totale. Pour la faute de la victime, il faut comprendre une exonération partielle.

Remarque sur l’appréciation de la cause étrangère :

Faut-il apprécier l’existence d’une cause étrangère par rapport aux parents ou par rapport à l’enfant ou bien par rapport aux 2 ?

1ère conception possible : la cause étrangère s’apprécie par rapport à l’enfant. Ça veut dire que pour s’exonérer les parents doivent faire état d’un événement imprévisible et irrésistible pour l’enfant, il n’a pas pu surmonter cet événement. Cette conception est conforme à l’idée d’une responsabilité directe des parents puisque la responsabilité des parents prend directement sa source dans le fait causal de l’enfant donc il serait logique aux parents de contester cette causalité.

2ème conception possible : la cause étrangère s’apprécie par rapport aux parents. Ça veut dire que pour s’exonérer les parents doivent faire état d’un événement pour eux imprévisible et irrésistible.

Dans cette conception, le fait de l’enfant pourrait-il être cet événement imprévisible et irrésistible ? Il faut se placer par rapport à celui dont la responsabilité est recherchée, article 1384 al7 c civ : les parents n’ont pu empêcher le fait. Cette conception est admissible mais toutefois pourvu que le fait de l’enfant ne soit pas l’événement irrésistible et imprévisible. Responsabilité de plein droit des parents donc il apparaît incompatible de dire que les parents sont responsables du fait de l’enfant et qu’ils peuvent s’exonérer par le fait de leur enfant.

Quelque soit la conception retenue, la cause étrangère apparaît pour les parents introuvable car depuis l’arrêt Bertrand, aucun arrêt n’a retenu la cause étrangère.

 

Conclusion :

Il s’agit d’une responsabilité très lourde des parents puisqu’elle peut être facilement mise en jeu et le moyen de s’exonérer totalement semble pour le moment improbable. De nombreux auteurs souhaiteraient une réforme de cette responsabilité trop sévère ou du moins certains souhaiteraient que la prise en charge financière de cette responsabilité soit assurée par une assurance obligatoire qui couvrirait les parents des dommages causés par leur enfant.

Il faudrait repenser le fondement de cette responsabilité parentale. Ce n’est pas la garantie, ni la faute. Est-ce une garantie de solvabilité ? C’était le cas avant, mais aujourd’hui, il est difficile de penser ça du fait qu’il s’agit d’une responsabilité directe.

Fondement de l’autorité ? Ce serait la contrepartie de l’autorité qu’ils ont sur l’enfant. Dès lors qu’un comportement défectueux se manifeste dans leur sphère d’autorité, ils doivent en répondre même s’ils n’ont pas commis de faute.

Fondement du risque ? Il faudrait considérer que le risque est le fait même d’avoir des enfants.

 

 Avant projet de réforme :. Il y a un fondement général assigné à la responsabilité du fait d’autrui, c’est l’autorité. Il y a 2 types de responsabilité du fait d’autrui qui sont distingués :

–          On est responsable des dommages causés par ceux dont on règle le mode de vie.

–          On est responsable des dommages causés par ceux dont on organise, encadre ou contrôle l’activité dans son propre intérêt.

La responsabilité des dommages causés par un mineur appartient à la 1ère catégorie. On parle de la personne qui a causé le dommage. Responsabilité de plein droit avec les mêmes causes d’exonération.

Les conditions : la condition commune à toutes les responsabilités pour autrui est que l’auteur direct du dommage doit engager sa responsabilité, ne suffirait plus d’un simple fait causal, exigence d’un fait générateur de l’enfant. La condition de cohabitation est supprimée.

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