DROIT DES BIENS PUBLICS
Le cours de droit administratif des biens appelés aussi cours de droit des biens public ou droit des biens de la personne publique est une discipline de plus en plus liée au droit des affaires, riche d’un passé foisonnant et d’importantes évolutions récentes où se manifestent conflits et conciliations entre droit public et droit privé.
Le cours de droit des biens publics s’articule autour de trois axes : le domaine public, l’expropriation, les travaux publics.
Les débats autour d’enjeux politiques, économiques et sociaux puissants – droit de la concurrence, protection et valorisation des biens publics, marchés et concessions de travaux publics, respect du droit de propriété et place croissante du droit communautaire – tiennent compte des évolutions de la jurisprudence et des textes : Code général de la propriété des personnes publiques, Code des marchés publics, réforme en cours de l’enquête publique.
Le droit administratif des biens est au droit administratif général ce que le droit civil des biens est au droit privé. Il en constitue une part essentielle, que structurent quelques principes forts qui ont largement contribué à la construction de l’Etat depuis le début du XIXe siècle, à l’unification du territoire national, à sa défense et à son aménagement, nécessaires à la cohésion sociale.
Partie I Les biens des personnes publiques.
1) Les biens.
Les biens sont régis par le droit civil (art. 516 et s. Code civil). Les biens sont des choses susceptibles d’une utilisation, qui ont une valeur. Mais dans le Code civil, la conception des biens englobe aussi des droits, ce rapport à la valeur que certains éléments des choses peuvent avoir.
Il faut distinguer les biens corporels des biens incorpores et les biens mobiliers des biens immobiliers. Les biens corporels sont des choses qui tombent sous le sens, qui sont susceptibles d’être touchées, d’être vues. Le mot « corps » est significatif. Les biens incorporés sont des droits. Ex: un fonds de commerce est constitué de plusieurs éléments. Ex: propriété intellectuelle, propriété littéraire et artistique, droit d’auteur. Pour ces biens incorpores, il faudra éventuellement entreprendre une analyse lorsqu’ils sont en rapport avec l’administration. Cette distinction doit se combiner avec la distinction des biens mobiliers et des immeubles.
Les immeubles par nature, ce sont les bâtiments, mais aussi les terrains nus, la plage,… Les immeubles par destination sont des meubles incorporés au fonds à perpétuelle demeure. Ex: un orgue. Il y a aussi les meubles affectés à l’exploitation d’un fonds, qui sont des immeubles par destination. Ex: les chevaux des haras nationaux. Les meubles sont les choses qui peuvent être bougées soit du fait de la pression qui est exercée sur eux, soit par la capacité qu’elles ont de se mouvoir par elles-mêmes. Il y a des meubles incorpores. Ce sont des meubles par détermination de la loi. Ex: valeurs mobilières. Lors des nationalisations, le transfert de propriété s’est fait au moyen des actions. Malgré la vague de privatisation, l’État reste tout de même un grand actionnaire.
2) Les personnes publiques.
La personne publique fondamentale est l’État, duquel d’autres personnes tirent leur aspect public. Elles sont des caractères de l’État, ne serait-ce que par leur personnalité publique. Ce sont les collectivités territoriales secondaires. La première collectivité territoriale est l’État, qui se définit d’abord par un territoire. D’usage, on parle de collectivité territoriale pour désigner les communes, les départements, les régions. Il y a en plus les établissements publics qui permettent d’assurer le regroupement des collectivités territoriales. Ex: syndicats de communes. Les communautés sont des regroupements de commune.
Il y a d’autres personnes publiques qui sont les personnes publiques spécialisées. Ce sont les établissements publics classiques spécialisés pour la réalisation d’un service public. Ex: universités, hôpitaux. Il y a aussi les EPIC. Ex: EDF, SNCF, RATP. À raison de cette spécificité de leur action et de leur objet, la question a pendant longtemps été posée de savoir s’ils pouvaient être propriétaires de biens et si ces biens dépendaient du domaine public. Actuellement, la solution est acquise mais la question a posé des problèmes au regard de leur statut.
Il y a également les personnes publiques sui generis. Un arrêt du Conseil d’État 22 mars 2000 Syndicat du personnel de la Banque de France a estimé que la Banque de France, telle que modifiée en 1993, est une personne publique, mais ne constitue pas un établissement public.
Ceci pose le problème quant aux biens de cette personne publique. On va d’abord considérer dans quelle mesure et dans quelles conditions ces biens font l’objet d’une propriété (propriété publique). Si ces personnes publiques sont propriétaires, les biens qui leur appartiennent, de quelle catégorie du domaine publique font-elles partie (domanialité publique).
Titre I – L’identification des biens des personnes publiques.
Chapitre I – Biens des personnes publiques et propriété publique.
La question de savoir si les personnes publiques peuvent être propriétaires n’a pas toujours eu une réponse évidente. Droit de propriété a d’abord été reconnu aux personnes privées contre l’État. L’art. 17 al. 2 de la DDHC proclame le droit de propriété au profit des personnes privées à l’encontre de l’État. La propriété, c’est d’abord la propriété des personnes privées. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute: les personnes publiques peuvent être propriétaires. Pour la commune, c’est une loi de 1937 leur permet de gérer des biens. Pour le département, c’est une loi de 1938.
Ceci appelle deux remarques. L’État peut être propriétaire. Le Conseil d’État va admettre lui aussi la propriété des personnes publiques. Jurisprudence du Conseil Constitutionnel reconnaît la propriété des personnes publiques et la défend contre la dilapidation. C’est à l’occasion d’opérations de privatisation que le droit de propriété des personnes publiques a été proclamé. Conseil Constitutionnel reconnaît considère que le droit de propriété des personnes publiques est fondé sur les articles 2 et 17 de la DDHC. C’est un renversement. Le gouvernement ne pouvait donc privatiser sans obtenir en contrepartie une juste et préalable indemnisation.
Pas de doute: les personnes publiques peuvent être propriétaires, mais il faut s’entendre sur les biens desquelles elles peuvent être propriétaires. Il faut distinguer la propriété publique d’autres éléments.
Section I La distinction de la propriété publique et d’autres éléments.
§ I Propriété publique et territoire.
Le territoire est la zone géographique dans laquelle une personne ou une chose se trouve.
A La composition du territoire des personnes publiques.
1) Territoire terrestre.
Le territoire, c’est d’abord la terre. Toute collectivité territoriale a d’abord un territoire terrestre: État, région, département, commune et territoire outre-mer. Le territoire des unes et des autres se recoupe. Il y a une coïncidence entre les territoires.
2) Le territoire maritime.
C’est beaucoup plus compliqué. On est à la rencontre du droit administratif et du droit international. Le statut des espaces maritimes est réglé dans la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982. À partir de la terre, comme pour le droit international, une décomposition de l’espace maritime se trouve réalisée. Les eaux intérieures font partie du territoire terrestre. La mer territoriale, qui a été délimitée par une loi de 1971, est de douze milles marins (≈ 22,5 km). La zone d’exploitation économique exclusive a fait l’objet de la loi du 16 juillet 1976 et fait 188 milles marins à partir de la limite de la mer territoriale. Telle est l’étendue des espaces maritimes de l’État. Mer territoriale fait partie du territoire de l’État avec une limitation de sa souveraineté qui est l’obligation de permettre le passage inoffensif.
3) Les espaces aériens.
Les espaces aériens sont les espaces surplombant les espaces terrestres et maritimes. La commune a un territoire aérien. Le maire a des pouvoirs de police. Ex: il peut réglementer la circulation des petits avions.
B La qualification du territoire.
Il ne faut pas confondre territoire et propriété publique. Ce n’est pas parce qu’une collectivité territoriale a un territoire que les biens faisant partie de ce territoire sont sa propriété. Le territoire n’est pas très loin.
« Le territoire est le patrimoine commun de la Nation ». En droit privé, le patrimoine est un ensemble d’actifs et de passifs. Au sens du droit civil, c’est une unité de valeurs positives et négatives, une universalité. Ce n’est pas le sens que le législateur a retenu. Le mot « patrimoine » a ici un sens approximatif. Il désigne seulement la valeur éminente d’un bien ou d’un ensemble de biens. De plus, la Nation n’est pas une entité juridique. Elle ne peut donc être propriétaire. Le territoire se différencie donc de la propriété publique, c’est-à-dire des biens appartenant aux personnes publiques. Les biens des personnes publiques ne sont pas nécessairement sur le territoire et inversement, les biens sur le territoire des personnes publiques n’appartiennent pas forcément à ces personnes publiques. Les collectivités publiques ont sur leur territoire des biens qui leur appartiennent en propre. Ex: le bâtiment de la mairie (le plus souvent). Le plus souvent, les biens que les personnes publiques ont se trouvent sur leur territoire, ils peuvent être hors de la zone géographique dans le cadre de laquelle elles exercent leurs compétences. Ex: commune propriétaire d’un chalet pour organiser des colonies de vacances, cimetières des grandes villes, certaines ambassades. Il n’y a donc pas de lien nécessaire entre propriété de la collectivité publique et territoire. Le territoire pour une collectivité publique est exclusivement la zone géographique sur laquelle elle exerce sa compétence.
II La propriété publique et les biens n’appartenant pas à des personnes publiques.
A Les biens qui n’appartiennent à personne.
2 types de biens n’appartenant à personne. Ce sont les res communis et les res nullius.
1) Les res communis
Les res communis sont des biens insusceptibles d’appropriation par quiconque. Il n’y a pas de propriété, privée ou publique, qui puisse s’exercer sur eux parce qu’ils ont une utilité commune. Qu’en est-il des res communis ? Le Code civil applique cette conception aux voies publiques, aux places, aux rues. Aujourd’hui, ces dernières sont objet de propriété publique. L’eau est susceptible d’appropriation en quantité mesurable. L’eau, dans sa masse, dans sa globalité, est insusceptible d’appropriation par quiconque. Ex: l’eau des fleuves, l’eau de la mer. C’est une chose commune. Cela à son importance quant à la qualification de l’eau. Le domaine public fluvial est constitué d’un certain nombre d’espaces d’eau, et alors, il n’y a pas domaine public.
L’air est approprié par tous à chaque instant. C’est une chose qui appartient à tous. L’espace aérien surplombe le territoire, mais ne fait pas partie du domaine public. Selon certains, l’espace hertzien aurait un lien avec l’espace aérien. Il n’y a pas d’espace hertzien, mais des espaces traversés par des ondes hertziennes. Ex: les sous-marins peuvent communiquer par des ondes hertziennes. Les fréquences hertziennes sont-elles des res communis ou des choses susceptibles d’appropriation ? Elles st objet d’appropriation. Si plusieurs personnes occupent la même fréquence hertzienne, ce st des règles de police qui doivent réglementer les encombrements, comme sur un fleuve.
2) Les res nullius.
Ces biens n’appartiennent à personne parce qu’aucun titre de propriété n’a été délivré, mais elles peuvent faire l’objet d’appropriation. Ex: le chasseur devient propriétaire du gibier par voie d’occupation.
Cela soulève des problèmes: lorsqu’une pollution maritime ou fluviale se produit, quelle propriétaire est victime de ce dommage ? L’État va pouvoir demander des indemnités au pollueur car on a bien le sentiment qu’il y a un dommage. Mais ce n’est pas un dommage qui atteint l’État ou les pêcheurs en tant que propriétaire. C’est une indemnité en tant que le préjudice porte atteinte à une situation patrimoniale (au sens large) résultant de richesses susceptibles de faire l’objet d’1 appropriation. C’est en fait la perte d’1 chance de s’approprier quelque chose.
C’est à distinguer des biens vacants et sans maître, qui sont des biens sur lesquels des personnes ont exercé un droit de propriété pendant un certain temps. Ex: le propriétaire d’un champ meurt sans héritier. État peut s’approprier ces biens abandonnés, suivant 1 certaine procédure afin de vérifier que ces biens st abandonnés.
B Les biens privés
Une personne autre que des personnes publiques.
1) Identification.
Ce sont des biens appartenant à des personnes privées, personnes physiques ou morales. Conseil Constitutionnel, 1986. Ex: France Télécom, Air France. Ce sont des personnes privées appartenant au secteur public, mais les biens qui leur appartiennent sont des biens privés et pour lesquels la qualification de dépendance du domaine public ne peut être admise. Dès lors qu’un bien appartient à une personne privée, ce sont des biens privés (loi du 26 juin 1996 loi n° 96-640 France Télécom). Il y a un déclassement de ces biens en cas de privatisation. Le domaine privé est constitué de biens qui appartiennent à des personnes publiques. Biens du domaine privé sont des biens publics, mais hors du domaine public. Par biens privés, on entend les biens qui appartiennent à des personnes privées.
Les biens du domaine privé sont des biens qui appartiennent à des personnes publiques, mais assimilables à des biens privés. Les collectivités publiques sont propriétaire d’un certain nombre de terrains dont elles assurent l’exploitation pour en tirer de ressources. Ex: les forêts domaniales sont des biens privés. Le domaine privé des personnes publiques leur appartient en propre mais n’est pas assimilable à des biens privés. Il peut y avoir des contestations sur la propriété privée. La juridiction compétente en matière de propriété est la juridiction judiciaire. La solution est constante. CE, 1960 Commune du Buc. Lorsque devant une juridiction administrative se pose une question de propriété, la juridiction administrative doit poser une question préjudicielle au juge judiciaire. Si un bien appartient à une personne privée, l’administration ne peut pas exercer une emprise sur lui sans respecter une certaine procédure (théorie de l’emprise et de la voie de fait). La voie de fait se caractérise par une atteinte à une liberté fondamentale, dont le droit de propriété. Il y a des moyens de transférer la propriété d’une chose dans le domaine public. Ex: expropriation, réquisition, préemption, nationalisation.
2) La combinaison des biens privés et des personnes publiques.
Cette combinaison peut apparaître à trois titres.
a) L’utilisation des biens privés par des personnes publiques.
Personnes publiques ne deviennent pas propriétaires. Il y a des procédures permettant à l’administration d’imposer l’utilisation d’un bien, de se servir d’un bien contre la volonté ou avec l’accord du propriétaire. Il y a également des procédures autoritaires de réquisition de l’usage d’un bien. Réquisition est une procédure qui peut se limiter à l’usage d’un bien, meuble ou immeuble, pour une période limitée. Ex: les taxis de la marne.
b) La combinaison de la propriété privée et de la propriété publique.
Ce n’est plus un bien appartenant à une personne privée qui est utilisé par une personne publique, c’est la copropriété publique, organisée par la loi du 12 décembre 2000. La copropriété permet de distinguer des parties privatives et des parties communes. La copropriété publique et la copropriété privée existent. Il peut y avoir une copropriété entre une personne privée et une personne publique. Cette possibilité exclut la domanialité publique.
c) La superposition de biens publics et de biens privés.
Chacun reste propriétaire, mais cela n’empêche pas une superposition, voire une imbrication de biens appartenant à des personnes publiques ou privées. Ex: une partie du métro passe sous des propriétés privées.
ØLes aménagements spéciaux.
Chacun reste propriétaire. En ce qui concerne le statut des mines, des textes spéciaux ont aménagé la propriété des richesses minières. Le propriétaire de la surface s’est vu dénier la propriété des richesses minières. Les mines sont considérées comme des richesses nationales. En 1955, le régime des mines est modifié. Il comporte désormais une dissociation entre les concessions d’hydrocarbures et les autres. Pour les hydrocarbures, la concession est temporaire, pour les autres, illimitée.
ØSolutions générales.
Selon l’art. 552 du Code civil, la propriété du sol entraîne la propriété du dessus et du dessous. Cette solution s’applique aux collectivités territoriales. Il peut y avoir une dissociation de la propriété en hauteur et en profondeur. Des propriétaires distincts peuvent avoir des tranches de terrain. Conseil d’État 18 mai 1970 Société Nobel Nozelle concernant un mur de soutènement d’une voie publique qui surplombait une propriété privée. La gare de Montparnasse et la dalle de La Défense sont des ouvrages complexes qui font l’objet d’un découpage. Au dessus de la dalle de la défense, il y a des immeubles. En dessous, il y a des garages et des voies routières. La complexité résulte de la superposition de biens privés qui n’appartiennent pas tous à la même personne publique. Pour les rapports dans les ouvrages complexes, la seule manière d’assurer la superposition, c’est de conclure une convention mais il faudra bien, pour assurer la cohérence, que les différents propriétaires concluent entre eux 1 convention permettant un entretien commun de l’ouvrage. Se distingue de la copropriété.
Section II La diversité de la propriété publique.
Car diversité des personnes publique, des objets de la propriété publique, des modalités de la propriété publique.
I La diversité des personnes publiques propriétaires.
A Les éléments de cette diversité.
Ce sont la diversité des personnes publiques (État, collectivités territoriales, départements, communes, régions, groupements d’intérêt public, Banque de France), la quantité de ces personnes publiques (36.000 communes, une centaine de départements, trente-deux régions, la Nouvelle Calédonie, plus tous les établissements publics). Ces personnes publiques se distinguent parce qu’elles ont la personnalité juridique.
B Les limites de cette diversité.
Si les personnes publiques sont multiples, elles sont liées par le caractère public de cette personnalité publique. Les autres personnes publiques que l’État sont des démembrements de l’État. Au delà de cette unité, les personnes publiques ne doivent pas oublier l’intérêt public qui dépasse les intérêts de chaque personne publique.
II La diversité des objets de la propriété publique.
A Considération générale de cette diversité.
La propriété publique peut concerner des biens meubles, immeubles, immeubles par destination ou le mobilier national. Les biens incorporels sont également concernés par la propriété publique: droits de propriété intellectuelle pour les activités de recherche donnant lieu à des brevets détenus par l’administration (CPI).
B Le problème de la propriété des entreprises.
La distinction tient au statut de l’entreprise publique. L’entreprise publique n’existe pas en tant que telle, mais il y a des sociétés publiques différentes. Ce sont essentiellement des SA dont le capital est divisé en actions. La collectivité publique est propriétaire des actions représentatives des actions dans l’entreprise. C’est au travers de la propriété de la majorité des actions que la collectivité publique est propriétaire des sociétés. Une société appartient au secteur public lorsque la majorité de son capital appartient à une ou à des personnes publiques.
III La diversité des modalités de la propriété publique.
Personnes publiques peuvent être propriétaires de leurs biens directement, sans qu’il y ait d’intermédiaire. Ex: mairie, forêt, terrains. C’est une situation identique à celle d’un propriétaire privé. Certaines modalités d’exercice du droit de propriété leur sont propres. Ce sont la mise à disposition, la dotation et la concession.
A Propriété publique et mise à disposition.
Mise à disposition permet à un service, voire à 1 personne, d’utiliser le bien appartenant à 1 personne publique.
1) La mise à disposition à un service distinct de la personne publique propriétaire
Ex: les départements ministériels n’ont pas de personnalité juridique mais personnalisent certaines fonctions. Ces services peuvent bénéficier d’une mise à disposition de biens de l’État. L’affectation est l’acte en vertu duquel un bien du domaine privé de l’État est remis à un département ministériel pour y remplir ces fonctions.
2) Mise à disposition à une personne publique autre que la personne publique propriétaire.
Cette dernière reste propriétaire, mais son bien est mis à la disposition d’une autre.
a) Mise à disposition d’un bien à une personne publique prolongeant la personne publique propriétaire.
Ex: État et établissement public (art. R 41 Code de l’État). Ex: mise à disposition d’un bien par l’État à une université.
b) Mise à disposition d’un bien à une personne autre que la personne publique propriétaire.
Il y a un exemple avec la décentralisation. La loi a procédé à une nouvelle répartition des compétences dans plusieurs domaines. La nouvelle répartition des compétences s’est accompagnée d’une nouvelle distribution des moyens. Le transfert de compétence s’est accompagné de la mise à disposition des biens. Ex: au niveau de la commune, les écoles, au niveau départemental les collèges et au niveau de la région les lycées. Intérêt de la mise à disposition de ces biens est que l’ensemble des charges du propriétaire accompagne le bien mis à disposition.
B Propriété publique et dotation.
Un bien appartenant à une personne publique est remis en dotation à une autre personne, comme un EPIC. Dans le cadre de l’ancienne SNCF, celle-ci était concessionnaire et les biens utiles pour le service public ferroviaire n’étaient pas la propriété de la SNCF, mais la propriété de l’État. Le texte dispose que les biens immobiliers sont apportés à la nouvelle SNCF. État, qui reste propriétaire, donne à la SNCF des droits et obligations qui ressemblent à ceux du propriétaire. Si État entend les reprendre à la SNCF, il doit l’indemniser pour la valeur de ces biens.
C Propriété publique et concession.
Concession est le contrat par lequel une collectivité publique charge une autre personne de l’exploitation d’un service public en assurant les investissements. Ex: les concessions d’autoroute, distribution d’eau, distribution d’électricité.
Il faut distinguer selon les biens objet de la concession.
1- Les biens propres du concessionnairesont les biens qui appartiennent en pleine propriété au cocontractant de la personne publique pour son usage personnel. Ex: les compagnies de la distribution d’eau ont une multiplicité de concessions. Leurs biens ne sont pas couverts par les concessions dont elles bénéficient. Ce sont ces biens privés.
2- Les biens de reprise font l’objet, dans le contrat de concession, d’une clause de reprise par la collectivité concédante.À la fin de la concession, la collectivité a une option: laisser ce bien dans la concession ou le reprendre. Le bien de reprise ne deviendra propriété de la collectivité que si l’option est levée. Le bien en cause est resté la propriété du concessionnaire. C’est seulement au moment de la levée de l’option que la collectivité concédante deviendra propriétaire.
3- Les biens de retour, en fin de concession, doivent revenir automatiquement à la collectivité concédante.Les biens de retour sont marqués par l’automaticité du retour. Le retour peut être gratuit ou non. Il peut être tenu compte des investissements faits par le concessionnaire. Tout dépend des clauses de la convention. Le retour est automatique parce que ce sont des biens indispensables au service public. Le concessionnaire est propriétaire des accessoires, mais c’est l’État qui est propriétaire de ces biens de retour. Tout de même, le concessionnaire a un droit sur les biens.
Chapitre II
Les biens des personnes publiques et le domaine public.
Les biens des personnes publiques ne font pas tous partie du domaine public. Il s’agit de déterminer dans quelles hypothèses les biens du domaine font partie du domaine public.
1) La distinction est relativement récente.
Pendant longtemps, des textes ont réglé les biens du domaine. L’Édit de Moulin de 1566 proclame l’inaliénabilité des biens du domaine de la couronne. L’inaliénabilité se retrouve à propos du domaine public. L’origine du principe de l’inaliénabilité se trouve dans cet édit.
L’expression va apparaître avec le Code civil. Les dispositions des articles 538 à 540 du Code civil utilisent l’expression « domaine public ». « Les chemins, routes et rues à la charge de l’État, les fleuves et rivières navigables ou flottables… qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine public » article 538.
Distinction du domaine public et du domaine privé remonte au premier tiers du XVIIIe siècle avec une contribution importante de la doctrine. Proudhon, en 1833, cherche à limiter l’utilisation de certains biens par la personne publique. Seuls les biens d’utilité publique méritent d’être inaliénables. Les autres doivent pouvoir être régis comme les biens privés, c’est-à-dire entrer dans le commerce.
2) Évolution quant à l’étendue du domaine public.
On a pu parler d’« hypertrophie du domaine public ». En même temps, le domaine privé fait de plus en plus l’objet de règles particulières, dérogatoires au droit commun. Pour vendre une parcelle d’une forêt domaniale, il faut une autorisation législative.
Section I Les critères du domaine public.
Aujourd’hui, on ne peut plus faire l’impasse sur des dispositions législatives déterminant le domaine public.
I Les critères législatifs du domaine public.
Certains textes législatifs qualifient expressément certains biens de biens du domaine public. On retrouve la res communis. D’autres expressions st significatives, comme celles de domaine public artificiel et naturel.
A Le domaine public naturel.
Le domaine public naturel est constitué de biens à l’état de nature sans aménagement par la main de l’H. Ces biens, dans l’état où la nature les a constitué, font partie du domaine public.
1) Le domaine public maritime.
Les rivages de la mer sont définis « l’ordonnance de Colbert ». Ordonnance de marine s’applique à tous les rivages de France.
a) Le sol et le sous-sol de la mer territoriale.
« Sera réputé bornes et rivages de la mer tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’au point où les plus grandes marées avancent durant la pleine lune du mois de mars en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ». Le domaine public, c’est ce que le flux et le reflux de la mer découvre. Le rivage va jusqu’au point extrême de l’avancée des eaux et du reflux des eaux. La bande de sable n’étant jamais recouverte par les flots fait partie du domaine public maritime artificiel. La loi de 1963 comporte aussi des dispositions sur les lais et relais de la mer. Les lais sont des terrains délaissés par la mer, ce que la mer abandonne à la suite de mouvements des terrains, à la différence des rivages qui sont couverts et découverts par la mer. Les relais sont constitués par ce que la mer apporte. Jusqu’à la loi du 28 novembre 1963, les lais et relais ne faisaient pas partie du domaine public, mais du domaine privé. Dans les deux cas, qu’il s’agisse des lais et relais constitués avant ou après la loi de 1963, ce sont des dépendances du domaine maritime par détermination de la loi.
b) Le domaine outre-mer.
La loi de 1996 sur la Polynésie française et la loi de 1999 sur la Nouvelle Calédonie ont transféré en pleine propriété le territoire de ces anciennes colonies.
2) Le domaine public fluvial.
Une loi de 1964 incorporée dans le Code fluvial permet d’identifier ce qui fait partie du domaine public fluvial. Il y a trois éléments.
1- Les cours d’eau flottables et navigables.Ce lien est présent avec les cours d’eau flottable, c’est-à-dire servant à l’acheminement de certains biens hors bateau. Pendant longtemps, domaine navigable constitué que de cours d’eau navigables.
2- Il y a également des voies qui n’ont jamais été navigables,mais qui sont classées dans le domaine public fluvial pour l’alimentation des cours d’eau principaux, l’alimentation de l’industrie, de l’agriculture.
3- Les zones lacustrespeuvent être classées elles aussi. Le domaine public s’étend jusqu’au plus haut flot au débordement, sauf circonstance météorologique exceptionnelle.
3) Les eaux dans les départements outre-mer.
Art. 90 du Code du domaine de l’État. Dans les départements outre-mer, compte tenu de la rareté de l’eau, le législateur l’a fait entrer l’eau dans le domaine public. Ce sont les cours d’eau et les eaux courantes et stagnantes, les eaux souterraines. Le législateur a voulu protéger ces eaux pour en assurer une utilisation économe.
B Le domaine public artificiel.
Il y a un double artifice : aménagement par la main de l’homme et volonté du législateur.
1) Le domaine public hertzien.
L’espace hertzien n’existe pas, mais il y a des espaces traversés par des ondes hertziennes. Il ne pourrait donc pas y avoir de domanialité. Au fur et à mesure que le législateur a réglementé en libéralisant l’activité de télécommunication, il a été amené à réglementer l’attribution des autorisations d’émission.
À l’occasion du contrôle de la loi du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a refusé de prendre parti et a réglé la question en biaisant: «sans qu’il soit besoin de déterminer si l’espace hertzien fait partie du domaine public ». Loi du 17 janvier 1989 dit: « L’utilisation par le titulaire d’autorisations des fréquences radioélectriques situées sur le territoire de la République constitue 1 mode privatif d’occupation du domaine public.
2) Le domaine public ferroviaire.
La loi de 1997 crée Réseaux ferrés de France. Cette loi dissocie les biens immobiliers de certains équipements ferroviaires, dont les voies. Le réseau ferré est apporté en pleine propriété à Réseaux ferrés de France. Le législateur dit que les biens immobiliers qui sont la propriété de RFF et qui sont spécialement aménagés pour le transport ferroviaire font partie du domaine public. Selon la jurisprudence, un bien ne fait partie du domaine public que s’il est affecté à un service public. Les gares font partie du domaine public, selon la jurisprudence. C’est la preuve que le transport ferroviaire peut être exécuté en dehors du service public.
3) Le domaine public routier.
C’est le domaine public par excellence. C’est lui que vise l’art. 538 du Code civil. Il y a un Code de la voirie routière. L’art. L 115 du Code de la voirie routière dit que le domaine public routier est constitué des dépendances du domaine public appartenant à des voies publiques du département affectées à la circulation terrestre à l’exception des voies ferroviaires. C’est une définition qui renvoie à la jurisprudence. Pour les voies communales, le législateur a fait une exception: les chemins ruraux ne font pas partie du domaine public.
II Les critères jurisprudentiels du domaine public.
La jurisprudence a déterminé un certain nombre de critères en vertu desquels elle reconnaît la qualité de domaine public. Peut-être peut-on se demander si un critère supplémentaire ne devrait pas être satisfait. C’est la question de savoir s’il peut y avoir un caractère mobilier ou immobilier. Un bien mobilier peut-il faire partie du domaine public ? Le domaine public est en principe immobilier. Faut-il en tirer la conclusion qu’il est exclusivement immobilier ? En jurisprudence, on trouve pourtant des solutions reconnaissant que certains biens mobiliers font partie du domaine public.
La jurisprudence pose 3 critères, qui sont la propriété publique, l’affectation à l’utilité publique et un aménagement spécial
A La propriété publique.
Cette condition peut être analysée avec deux propositions: seuls les biens appartenant à des personnes publiques sont du domaine public; toutes les personnes publiques peuvent avoir un domaine public.
1) Seuls les biens appartenant aux personnes publiques peuvent faire partie du domaine public.
La jurisprudence le dit dans des décisions courantes. Conseil d’État 6 mai 1966 Société Nobel Nozelle.
Conseil d’État 6 novembre 1970 Commune de la Cro dit que seuls les biens appartenant à une personne publique peuvent faire partie du domaine public. Si un bien appartient à une personne privée, il ne peut faire partie du domaine public. C’est à nuancer. Si un bien n’a pas de vrai titre de propriété, il peut faire partie du domaine public.
2) Toutes les personnes publiques peuvent avoir un domaine public.
Ça n’était pas évident au départ, mais il y a longtemps que la reconnaissance de la propriété pour les collectivités territoriales a été faite. Restent les établissements publics et les groupements d’intérêt public. Dans un avis de 1971, le Conseil d’Etat a admis que les établissements publics pouvaient être propriétaires. En 1978, au contentieux, le commissaire du Gouvernement avait proposé de reconnaître la propriété publique à l’établissement public. Conseil d’État 1978 Lecoq. En 1981, le Conseil d’État admet qu’un bien appartenant à un syndicat intercommunal fait partie du domaine public. C’est un établissement public territorial. Même un EPIC peut avoir un domaine public.
Conseil d’État Ass. 23 octobre 1998 EDF. CE a un considérant de principe: « Les établissements publics, même industriels et commerciaux, qui sont en principe propriétaires des biens affectés au service public de l’établissement et aménagés en vue de ce service public, font partie du domaine public ». Conseil d’État 4 décembre 1999 Acis. Les personnes publiques comme la Banque de France peuvent avoir un domaine public. Pour les groupements d’intérêt public, il n’y a pas de réponse. Il n’y a pas de raison pour s’y opposer, mais l’hypothèse est assez rare. Dès qu’1 pers a un statut de droit privé, elle ne peut pas avoir de domaine public.
B L’affectation.
On peut dire qu’il s’agit de l’« affectation à l’utilité générale ». La formule « affectation à l’utilité générale » est plus vague. Pour la préciser, il faut utiliser la notion de service public.
1) La notion d’affectation.
S’agissant des critères du domaine public, l’affectation, c’est la destination d’un bien à un certain usage: utilité général ou service public selon les arrêts. S’agissant du critère du domaine public, il faut prendre garde à la distinction entre l’affectation et la destination.
a) Cette définition doit être complétée par l’établissement de rapports avec plusieurs autres notions.
1- L’affectation(mode de la propriété publique: mise à disposition) est l’acte en vertu duquel un bien appartenant au domaine privé de l’État ou détenu par lui en jouissance est mis à la disposition d’un département ministériel ou d’un établissement public de l’État ». Acte: ici, il ne s’agit pas de considérer une mesure, mais une destination. Ce n’est pas l’acte qui compte, mais le résultat. Peut y avoir destination sans décision particulière.
2- Classement aura des liens avec le domaine public et pourra déterminer solutions relatives au domaine public.
Le classement se rencontre dans d’autres hypothèses que celle du domaine public. Le classement d’un bien ou d’un site comme monument historique en vertu de la loi de 1913 et de la loi de 1930 a pour objet de reconnaître la valeur éminente d’un bien ou d’un site. Ce classement entraîne un régime de protection des biens en cause ou oblige à obtenir une autorisation pour effectuer des travaux. Le classement d’un site historique peut porter sur un bien d’une personne privée. Classement peut porter sur dépendances du domaine public. Ex: palais, église.
b) Le classement destiné à faire entrer un bien dans le domaine public.
Le classement est l’acte (il y a là une décision) par lequel est décidée ou constatée l’appartenance d’un bien au domaine public. Il y a une manifestation d’autorité. On peut établir un lien entre affectation et classement. L’affectation est la destination d’un bien à un certain but ou à un certain objet. L’affectation est essentiellement constituée par un acte. Un bien peut faire partie du domaine public dès lors qu’il est affecté à l’utilité générale, même s’il n’y a pas classement. Même s’il n’y a pas classement, l’affectation est déterminante pour qu’il y ait domaine public. Il peut y avoir domaine public sans classement. La seule décision de classement ne suffit pas à faire entrer un bien dans le domaine public. Un classement sans affectation est illégal.
Le déclassement est la décision qui fait sortir un bien du domaine public. Une mesure de déclassement sans désaffectation est illégale. Il peut y avoir désaffectation sans déclassement. Un bien n’est plus utilisé par le public. Peut-il y avoir un parallélisme entre affectation et désaffectation ? Non. Ex: voie de chemin de fer dont les rails sont enlevés. Il n’y a pas d’affectation au service public, mais la voie reste dans le domaine public tant qu’il n’y a pas de mesure de déclassement.
2) L’objet de l’affectation.
Cet objet permet de reconnaître qu’un bien a une destination le faisant entrer dans le domaine public. L’arrêt Le Béton dit « objet d’utilité générale ». L’utilité générale peut apparaître à travers l’usage public ou le service public.
1- Affectation à l’usage public. Ex: parc public, promenade publique. CE, 22 avril 1960 Berthier.
2- Biens affectés à un service public.Cette affectation permet de reconnaître l’affectation à un service public.
C L’aménagement spécial.
Il doit s’ajouter à la propriété publique et à l’affectation. La jurisprudence est constante. Il n’est pas toujours suffisant. Même s’il est nécessaire, l’aménagement n’est pas toujours spécial.
1) L’aménagement spécial n’est pas toujours suffisant.
L’aménagement spécial n’est pas suffisant lorsqu’il n’y a pas de propriété publique et d’affectation. CE, 1975 Office national des forêts. La forêt de Bamaire a fait l’objet de certains aménagements et faisait partie du domaine public. Le Conseil d’État considère que la forêt ne fait pas partie du domaine public. Les aménagements spéciaux ne sont pas de nature à faire appartenir cette forêt au domaine public. Elles restent dans le domaine privé, dit la jurisprudence, par souci de ne pas étendre exagérément le domaine public.
2) L’aménagement nécessaire n’est pas toujours très spécial.
Il y a là encore une évidente relativité dans l’aménagement. En réalité, le Conseil d’État se sert de cette condition notamment pour faire varier l’étendue du domaine public.
Section II L’étendue du domaine public.
Lorsqu’il y a contestation au sujet de l’existence, de l’étendue du domaine public, on va trouver une solution parallèle à propos de l’existence de la propriété.. Seules les juridictions administratives sont compétentes pour statuer sur le domaine public. TC, 28 avril 1980 Résidence des Perriers: « il n’appartient qu’à la juridiction administrative de se prononcer sur l’existence, l’étendue et les limites du domaine public ». Si une juridiction judiciaire se trouve confrontée à une telle question, elle doit surseoir à statuer.
I L’incorporation d’un bien dans le domaine public.
On trouve la distinction entre domaine public naturel et domaine public artificiel.
A L’incorporation dans le domaine public naturel.
1) Domaine public maritime naturel.
L’avancée de la mer détermine l’incorporation d’un bien dans le domaine public maritime. Le mouvement de la nature suffit à incorporer les terrains dans le domaine public naturel. D’où l’importance des circonstances de fait.
Le rôle de la volonté de l’homme est aussi déterminant. Ex: ordonnance de Colbert, loi du 28 novembre 1963. C’est la loi qui a décidé que les lais et relais futurs feraient partie du domaine public maritime.
2) Le domaine public fluvial naturel.
Le rôle des faits est ici encore déterminant mais le rôle de la volonté n’est pas absent. Le caractère flottable ou navigable d’un cours d’eau suffit à entraîner son incorporation dans le domaine public, mais les fleuves peuvent changer de lit. Pendant longtemps, cette hypothèse s’est réalisée. Le seul déplacement de cours d’eau suffit à incorporer dans le domaine public fluvial les nouveaux terrains couverts. Là encore, il n’y a pas d’indemnisation parce que l’État n’y est pour rien. Le rôle de la nature n’est pas exclusif de la volonté de l’homme. De manière générale, c’est le législateur qui dit que les cours d’eau flottables et navigables font partie du domaine public.
B L’incorporation dans le domaine public artificiel.
La décision est déterminante mais elle doit s’accompagner également de circonstances de fait.
1) La prédominance de la manifestation de volonté.
La jurisprudence donne des illustrations récentes des actes pris par la puissance publique pour incorporer un bien dans le domaine public artificiel en se satisfaisant de la manifestation de volonté. Un bien est ou n’est pas dans le domaine public. S’il est soumis au régime du domaine public, alors il fait déjà partie du domaine public.
2) La diversité des décisions.
Tantôt la décision porte seulement sur l’affectation, tantôt elle en a l’effet.
Art. R 1 Code du domaine de l’État « L’incorporation d’un bien privé de l’État dans le domaine public est autorisée selon les cas par le préfet, le ministre ou le Premier ministre ». Dans d’autres cas, l’acte n’a pas pour objet principal l’incorporation dans le domaine public, mais il a l’effet de l’incorporation.
II Les compléments du domaine public.
Des compléments sont reconnus au domaine public comme des accessoires. Leur qualification d’accessoire vient de ce que ce sont des accessoires de biens du domaine public.
L’accession n’est pas l’accessoire. L’accession est régie par les dispositions du Code civil, notamment par l’art. 552 du Code civil. Cette accession n’est pas absolue. Il peut y avoir une division de la propriété en hauteur et en profondeur, compte tenu notamment des contrats conclus entre les intéressés.
A Les compléments indissociables au domaine public.
La théorie de l’accessoire va jouer pleinement parce que, les compléments étant indissociables du domaine public, ils vont faire partie eux-mêmes du domaine public.
1) Les compléments indispensables au domaine public.
Sans ces compléments, le domaine public ne peut pas répondre à ses fonctions, à ses finalités. Ex: le long des voies routières, doivent être aménagés des fossés, des murs de soutènement, qui sont indispensables pour que la route tienne. CE, 1969 Dames Février et Gatelay. Dans ces arrêts, l’accessoire peut jouer parce que le mur est la propriété publique.
2) Les compléments inséparables physiquement du domaine public.
Dans les cas précédents, c’était la fonction qui était déterminante. C’était l’utilité qui emportait la fonction. Maintenant, le caractère inséparable dépend du caractère physique, certains biens se trouvant incorporés dans un ensemble plus vaste qui est essentiellement une dépendance du domaine public. Conseil d’État 1967 Ranchon à propos de la mairie du IVe arrondissement de Paris. Dans ce bâtiment, on trouve des logements qui font partie de l’ensemble du bâtiment principal. Ils constituent des dépendances du domaine public.
B Les compléments utiles au domaine public.
Les compléments utiles peuvent être reconnus comme des dépendances du domaine public à condition que la condition d’utilité soit satisfaite. La jurisprudence a des appréciations qui pourraient être contestées. Ex: mobilier urbain (réverbères, kiosques,…). CE, 5 février 1965 Société lyonnaise de transports. Il s’agissait du garage de l’Hôtel terminus de la Gare de Lyon-Perrache sis dans la gare. En soi, l’Hôtel terminus n’est pas indispensable au service public de transports ferroviaires. Le garage d’une installation ferroviaire ou d’une installation portuaire sont des compléments utiles pouvant être considérés comme des éléments du domaine public. Ce qui a déterminé la solution, c’est la considération de l’unité de la gare au point de vue architectural.
III La délimitation du domaine public.
La question ne se pose que pour le domaine public mobilier.
A La délimitation du domaine public naturel.
Elle est nécessaire, aussi bien pour l’administration pour savoir jusqu’où s’étend ses droits qu’aux administrés pour éviter d’entreprendre sur le domaine public. Les riverains ont tendance à revendiquer une propriété sur le rivage. Ils commettent ainsi une contravention de grande voirie. La délimitation du domaine public naturel, par rapport aux propriétés naturelles, répondent à des règles de légalité externes et internes.
1) Les règles de légalité externe.
La délimitation peut être effectuée à l’initiative de l’administration. Elle peut être effectuée à la demande d’un administré, qui peut avoir un intérêt à savoir très exactement quelles sont les limites de sa propriété. Cette demande doit être satisfaite par l’administration. Tout riverain du domaine public naturel a un droit à la délimitation. Le refus est un acte entaché d’excès de pouvoir.
2) Les règles de légalité interne.
La délimitation du domaine public naturel se fait en fonction des règles qui lient l’étendue du domaine public naturel aux mouvements de la nature. C’est au regard des mouvements de la nature que l’acte de délimitation doit être adopté, ce qui a des conséquences sur la nature juridique de l’acte de délimitation. Il ne peut s’agir que d’un acte unilatéral car il ne peut y avoir de convention sur la délimitation du domaine public naturel. L’exception d’illégalité peut toutefois être invoquée parce qu’il y a des actes qui peuvent être pris en conséquence de l’acte de délimitation. L’illégalité de la décision de délimitation peut être invoquée sans condition de délai à l’occasion des contestations des mesures d’application. À tout moment, 1 nouvelle délimitation peut être demandée. Si la délimitation est exactement identique à la précédente, s’il n’y a pas de changement dans les faits, l’acte de délimitation est une solution juridique nouvelle, même si son contenu est identique à l’acte antérieur.
B La délimitation du domaine public artificiel.
Le domaine public artificiel est extrêmement diversifié. Alignement comprend 2 formes.
a) Le plan d’alignement.
Le plan d’alignement est un acte normatif. Il détermine de manière générale et impersonnelle les limites des propriétés riveraines. Il est déterminé à la suite d’une enquête publique qui ressemble à celle de délimitation du domaine publique naturel. La voie générale est une décision du Conseil municipal. Plan d’alignement ne peut porter que sur des voies d’existence actuelle. Ne peut être utilisé pour créer une voie nouvelle.
b) L’alignement individuel.
L’alignement individuel conduit à une décision déterminant les limites de la voie publique et de la propriété d’un particulier. C’est une mesure se rapportant à une propriété déterminée. L’alignement individuel est un acte à propos duquel on retrouve certains éléments communs avec l’acte de délimitation du domaine public naturel. L’alignement individuel est un acte de constatation. Qu’il y ait plan d’alignement ou non, l’alignement individuel ne crée pas de nouvelle situation, mais constate une situation résultant des règles régissant les relations entre la voirie routière et les particuliers.
Titre II
Le régime des biens des personnes publiques.
On pourrait distinguer les régimes du domaine public et les régimes du domaine privé, mais Delvolvé pense qu’il n’y a pas de rupture radicale entre le statut du domaine public et celui du domaine privé. Il n’y a pas de raison pour faire cette distinction.
Chapitre I
L’acquisition des biens par les personnes publiques.
Acquisition des biens par les personnes publiques peut se faire par des procédures qui mettent ou non en œuvre les prérogatives de puissance publique (ppp).
Introduction : L’acquisition des biens par les personnes publiques sans ppp
Même si pour acquérir des biens, les personnes publiques ont à leur disposition un certain nombre de pouvoirs, l’acquisition peut se faire selon des modes non contraignants, mais qui ne sont pas exclusifs de règles du droit public. On les constate aussi bien dans les acquisitions à titre que dans les acquisitions à titre onéreux.
A L’acquisition à titre gratuit.
Ce sont essentiellement les legs au profit de personnes publiques. Les legs sont courants.
1) Donation et legs.
Il y a des difficultés. Il faut s’assurer de l’authenticité du don. Des familles peuvent se voir priver d’un héritage et former des réclamations. Dons et legs sont le plus souvent assortis de charges. Peut donc y avoir quelques difficultés à accepter une donation ou un leg, soit parce qu’il peut y avoir des nuisances au bénéficiaire, soit parce qu’il y a des conditions trop lourdes. Le principe, c’est que le don doit être accepté. À cette acceptation par l’autorité compétente, une exigence supplémentaire peut s’ajouter, compte tenu de la nature de l’établissement bénéficiaire. Dans le cas d’un don ou d’un legs affectés d’une charge, la charge qui pèse sur le bénéficiaire, même si elle a été acceptée, peut être trop lourde ou inadaptée, avec le temps.
2) Usucapion.
Cette hypothèse n’est pas négligeable. Collectivité publique peut ainsi acquérir un bien par prescription acquisitive.
B L’acquisition à titre onéreux.
Il peut s’agir de l’acquisition de fournitures ou d’autres biens.
1) L’acquisition de fournitures.
L’administration peut acquérir des fournitures courantes, des fournitures industrielles, des fournitures de matériaux très spéciaux. Ce sont les marchés publics, c’est-à-dire des contrats par lesquels une personne publique confie à une entreprise l’exécution d’une prestation moyennant un prix. Un régime particulier (de droit public) doit être observé. Il faut un appel à la concurrence et un examen des candidatures suivant le principe de non-discrimination. Les marchés de fourniture ainsi conclus sont des contrats publics parce qu’il y a des clauses exorbitantes du droit commun (CE, 1912, Société des Granits porphyroïdes des Vosges).
2) L’acquisition d’autres biens.
Ce peuvent être des immeubles ou des meubles (autres que des fournitures).
Pour l’acquisition des immeubles, il y a des ppp, mais ce n’est pas nécessaire. Un immeuble peut être acquis de gré à gré. L’État peut acquérir un fonds, voire un immeuble en l’état futur d’achèvement. Il faut tout de même une autorisation pour acheter l’immeuble. Ce qui est à signaler, c’est le rôle prépondérant que joue le service des domaines (relevant du ministère de l’économie et de l’industrie). Ce service a une intervention obligatoire pour l’État qui n’acquiert un immeuble que par le service des domaines, et une intervention facultative pour les collectivités territoriales, ce qui constitue une garantie pour la collectivité territoriale et pour les élus locaux.
Pour l’acquisition de meubles, les meubles qui peuvent ne pas être des fournitures sont les valeurs mobilières. Si une ou plusieurs collectivités publiques acquièrent la majorité des actions d’une société commerciale, cette société devient une société du secteur public (« nationalisation silencieuse », « nationalisation rampante »). La loi est nécessaire pour autoriser la sortie d’un bien du domaine public, mais pas pour l’entrée d’un bien dans le secteur public. Un décret est nécessaire et suffisant pour que le ministre de l’économie et des finances puisse prendre part dans l’acquisition du capital d’une société.
Section I L’acquisition des biens par les personnes publiques en vertu de ppp du fait du propriétaire.
I L’acquisition sans initiative du propriétaire.
Le propriétaire ne fait rien. L’État va faire quelque chose. « Tous les biens vacants et sans maître, et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, appartiennent au domaine public » art. 539 Code civil. « Les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à l’État » art. 713 Code civil. L’art. L 25 du Code du domaine de l’État fait expressément référence aux articles 539 et 713 du Code civil comme déterminant l’acquisition par l’État des biens sans maître et sans héritier. Il y a soit abandon du propriétaire, soit disparition du propriétaire. Dans ces cas, il y a acquisition par l’État.
A L’acquisition de biens du fait de l’abandon du propriétaire.
Il n’y a plus de maître. Ce st des biens vacants. Il y a tout de même l’hypothèse des épaves maritimes. Procédure prévoit que ces épaves deviennent la propriété de l’État, la cargaison aussi en cas de naufrage. Il y a des hypothèses plus courantes de biens sans maître. Peut s’agir de valeurs mobilières ou d’immeubles. Dans le cas où les taxes foncières ne sont plus payées et qu’aucun propriétaire n’est identifié, un arrêté préfectoral, à la suite d’une enquête, va déterminer les biens et opérer le transfert de propriété. Le TC l’a reconnu dans un arrêt de 1993 Consorts Raphaëlle, considérant que c’est un acte administratif. Cet arrêté n’est légal que si le bien est effectivement vacant et sans maître. Les vrais propriétaires peuvent se révéler.
B Transfert de propriété par suite de la disparition du propriétaire en cas d’absence de succession.
L’art. 539 du Code civil évoque cette hypothèse. « À défaut d’héritier, la succession est acquise à l’État » art. 768. L’art. R 23 du Code du domaine de l’État (CDE) reprend cette solution: « Les successions en déshérence comportent toujours comme bénéficiaire l’État ». Il y a des mesures de publicité pour faire savoir qu’un bien est transmis à l’État. Cour de cassation 2e civ. 6 avril 1994. Dans un tel cas, l’État a-t-il la qualité d’héritier ? L’État, dans le cadre de ces procédures, n’a pas la qualité d’héritier, car il exerce un « droit souverain ».
II L’acquisition liée à une initiative du propriétaire.
A Les dations en paiement.
La dation diffère de la donation ou du don. C’est une dation en paiement de contributions fiscales, c’est-à-dire un paiement en nature qui va remplacer le montant des sommes normalement dues. C’est une modalité d’acquisition de biens liée à l’exercice de ppp. Ces dispositions ont été aménagées en 1868 et élargies en 1995. S’agit pour l’État d’acquérir des biens ayant 1 valeur culturelle, naturelle, archéologique ou historique importante. État admet que les droits de mutation puissent être réglés par dation en nature des biens en cause. Ex: Picasso.
B Le droit de préemption.
Entre le bailleur et le locataire de terrains agricoles, d’immeubles à usage d’habitation, la ppp n’existe pas. Ce qui fait que l’exercice du droit de préemption par les personnes publiques apparaît comme une ppp, ce sont deux éléments. C’est d’abord son exercice par une personne publique (mais elle peut être soumise au droit privé). L’argument déterminant, c’est la finalité d’intérêt général, la poursuite d’un but d’intérêt public (≠ service public). C’est le propriétaire qui décide de mettre le bien en vente, mais la puissance publique peut faire valoir son droit de préemption dans le cadre de l’urbanisme ou en dehors de ce cadre.
1) Le droit de préemption en dehors du droit de l’urbanisme.
a) Droit de préemption discrétionnaire des musées nationaux lors de la mise en vente publique de certains biens.
Ce sont des enchères qui permettent de déterminer l’acquéreur (Poussin théorie de l’erreur dans les contrats). Mise en œuvre du droit de préemption constitue une ppp. Dans son 1er arrêt, TC considère que la décision de préemption est un acte de ppp. La légalité de cet acte ne peut être appréciée que par les tribunaux administratifs.
b) Les biens agricoles.
Conseil d’État Société d’aménagement foncier et rural. Conseil d’État 1968 Capus a reconnu que la décision par laquelle la SAFER exerce son droit de préemption est une décision de caractère public (en application de la jurisprudence Montpeurt). TC, 1969 Époux Soyer. TC, 1969 Arcival renversent la solution du Conseil d’État, mais pour une raison qui tient à la volonté du législateur. Le Tribunal des conflits a considéré que la décision de l’acte de préemption appartient aux juridictions judiciaires en se fondant sur la volonté du législateur. Le Tribunal des conflits ne nie pas que cet acte constitue un acte de Puissance publique.
2) Le droit de préemption dans le cadre de l’urbanisme.
Pour pouvoir disposer des terrains nécessaires à des opérations d’urbanisme, le législateur a aménagé des dispositions permettant aux collectivités publiques de faire valoir un droit de préemption à l’occasion de la vente de biens immobiliers. La décision de préemption est donc un acte administratif, mais le contrat consécutif à la décision de ce droit de préemption est un contrat de droit privé. TC, 1996 Époux Duhamel c/ ville de Douai. La même solution vaut pour d’autres dispositions du Code de l’urbanisme au niveau du département.
Le droit de préemption peut être dans certains cas un droit de retrait. Tantôt, il s’exerce avant que la vente ne se soit réalisée, c’est alors un droit de préemption. Il n’y a pas encore d’accord entre le vendeur et un acquéreur sur la chose et sur le prix. Tantôt, droit de préemption doit être reconnu comme un droit de retrait. C’est le cas des enchères publiques. Le résultat, c’est que la collectivité publique se substitue à l’acheteur.
Section II L’acquisition de biens contre la volonté du propriétaire.
On va voir hypothèses nouvelles indépendantes de l’incorporation et du plan d’alignement.
§ I L’expropriation pour cause d’intérêt public.
L’expropriation est une procédure d’acquisition autoritaire de biens immobiliers. Pour l’essentiel, la procédure d’expropriation concerne la propriété immobilière, dont la protection est assurée en vertu de textes, grâce à l’intervention de juridictions. Ces textes sont la DDHC de 1789 (art. 2 et 17), l’art. 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (Marx 1979). Le droit de propriété reste un droit fondamental. Conseil Constitutionnel, 16 janvier 1982. Dans sa décision sur les nationalisations, le Conseil constitutionnel a reconnu que le droit de propriété subsiste au niveau constitutionnel et la défense de ce droit est garantie par la compétence des juridictions judiciaires. Cela ne veut pas dire que la juridiction administrative ne soit pas protectrice de la propriété privée. Il y a des hypothèses où le juge administratif est amené à considérer des décisions concernant la propriété privée. L’acte central de la procédure d’expropriation est la déclaration d’utilité publique (DUP), adoptée par une autorité administrative de l’État agissant au nom de l’État. La DUP est essentiellement un acte administratif dont le contentieux peut appartenir aux juridictions administratives.
A Les données de l’expropriation.
1) Les motifs de l’expropriation.
L’art. 17 de la DDHC dit que « nul ne peut en être privé que lorsque la nécessité publique l’impose évidemment ». De la nécessité publique, on passe à l’utilité publique. L’art. 545 du Code civil reprend le principe de la DDHC.
2) Les buts de l’expropriation.
Les buts de l’expropriation sont tantôt précisés par le législateur, tantôt par le juge.
– Les buts précisés par le législateur.
De manière générale, le législateur prévoit/permet l’expropriation dans un but d’utilité publique. Dans certaines expressions, il a proclamé le but d’utilité publique en cause.
– Les buts d’utilité publique contrôlés par le juge.
Il ne s’agit que du juge administratif, qui, seul, est compétent pour apprécier l’existence d’un but d’utilité publique. À l’occasion d’un REP. Ce contrôle se décompose en trois éléments.
1- Le contrôle de la nature du but poursuivi en lui-même.Ce contrôle comporte un aspect positif et un aspect négatif. L’aspect négatif concerne le détournement de pouvoirs. Si une autorité administrative utilise ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ils lui ont été conférés, il y aura détournement de pouvoirs. L’expression « but d’utilité publique » nous ramène au détournement de pouvoir: si le juge constate que la DUP est entreprise dans un but étranger à celui qui justifie la procédure d’expropriation, il y a détournement de pouvoirs. L’examen de la nature du but peut être un examen positif. Le juge examine si en soi, l’opération correspond à un but d’utilité publique. Ici, le juge n’exerce plus un contrôle des intentions, un contrôle subjectif, mais un contrôle objectif.
2- Le contrôle des moyens permettant de réaliser le but.En soi, le but poursuivi relève bien d’une utilité publique. Encore faut-il que l’administration ait besoin du terrain, des immeubles, qu’elle veut acquérir.
Il y a deux arrêts en la matière. CE, 1979 Malardel. CE, 1987 Métayer. Dans les deux cas, une procédure d’expropriation était engagée pour la réalisation d’une mairie. Dans les deux cas, les requérants invoquaient que la commune disposait de terrains suffisants pour procéder à la construction de la mairie. En 1979, CE considère que, même si la commune disposait de certains terrains, ils ne permettent pas la réalisation d’une mairie.
3- Le contrôle des conséquences de l’opération.CE, 1971 Ville nouvelle-Est. Le Conseil d’État se contente d’une constatation abstraite de l’utilité publique, mais le Conseil d’État utilise la théorie du bilan, c’est-à-dire la balance entre les avantages et les inconvénients de l’opération. « Une opération ne peut légalement être reconnue d’utilité publique que si les coûts financiers, les atteintes à la propriété et éventuellement les inconvénients d’ordre social ne sont pas excessifs par rapport à l’intérêt de l’opération ». D’où contrôle de la qualification juridique des faits.
3) Les biens en cause dans l’expropriation.
a) La nature des biens.
Les biens pouvant faire l’objet d’une procédure d’expropriation sont essentiellement des biens immobiliers. L’administration peut également poursuivre l’expropriation d’un terrain, soit en hauteur, soit en profondeur. Conseil d’État 8 août 1990 Ville de Paris, relatif aux terrains se trouvant au dessus d’une canalisation servant à l’alimentation en eau de Paris. Physiquement, l’expropriation peut être limitée à certaines parties des biens immobiliers. Juridiquement, l’expropriation peut ne porter que sur des droits réels immobiliers qui ne sont que des aspects de la propriété. Ex: servitudes, emphytéose, concession de mine.
b) Les caractères des biens.
Il s’agit de savoir si les biens publics aussi bien que les biens privés peuvent faire l’objet d’une expropriation. Pour les biens privés, il n’y a pas de difficulté. C’est pour les particuliers que la procédure d’expropriation a été faite. Le domaine public étant inaliénable, l’expropriation ne peut pas porter sur une dépendance du domaine public, à moins que cette dépendance ait été désaffectée et déclassée.
4) Les personnes en cause dans la procédure d’expropriation.
Il faut distinguer le titulaire du pouvoir d’expropriation, l’expropriant, le bénéficiaire de l’expropriation et la victime de l’expropriation.
a) Le titulaire du pouvoir d’expropriation.
C’est l’État exclusivement. Les autres personnes publiques vont jouer un rôle dans la procédure d’expropriation. Le pouvoir d’expropriation est un pouvoir régalien de l’État. La DUP est un acte adopté exclusivement par des autorités étatiques (préfet, ministre, premier ministre). Ouverture de l’enquête aboutissant à la DUP est décidée exclusivement par une autorité étatique (préfet). Transfert de propriété résulte de l’ordonnance du juge de l’expropriation, c’est-à-dire le juge judiciaire. Si dispo législative entend remettre le pouvoir d’expropriation à une autre autorité que l’État, elle serait censurée par le Conseil Constitutionnel.
b) L’expropriant.
L’expropriant est la personne qui engage la procédure d’expropriation. C’est elle qui a l’initiative de la procédure d’expropriation.
c) Les bénéficiaires de l’expropriation.
Ce sont les personnes qui, à l’issue de l’opération, deviennent propriétaires des biens immeubles. Ce sont le plus souvent des personnes publiques. Ce peuvent être toutes les personnes publiques
d) La victime de l’expropriation.
Il y a les propriétaires privés, personnes physiques ou morales, mais aussi des personnes publiques dans le cas d’expropriation du domaine privé. L’atteinte au droit de propriété des personnes publiques ou privées, à un droit fondamentale, ne peut être réalisée que dans des conditions permettant de garantir les intérêts en cause.
B Les modalités de l’expropriation.
Elles sont constituées par des procédures compliquées.
1) Les procédures de droit commun.
Ce pluriel se justifie par la distinction dans le droit commun d’une phase administrative et d’une phase judiciaire.
a) La phase administrative.
Dans cette phase, il y a une diversité de solutions qui peuvent être présentées en distinguant la phase conduisant à la DUP et la phase conduisant à l’arrêté de cessibilité (AC), qui identifie exactement les biens et les personnes atteints par l’expropriation. Il est possible de combiner les deux phases. La procédure aboutissant à la DUP peut être menées en même temps, mais chacune garde sa particularité.
1- La procédure conduisant à la DUP.
— Expropriant doit constituer un dossier donnant un certain nombre d’informations nécessaires à la compréhension du projetet à l’appréciation de l’utilité publique. Le dossier doit comporter une note explicative et un plan. Pour les grandes opérations, le dossier doit être plus complet. Ex: implantation d’un nouvel aéroport, voies ferrées,… Les textes exigent dans ce cas que figure dans le dossier un certain nombre de précisions et une évaluation financière de l’opération. Pour les grandes opérations, il faut l’étude d’impact qu’aura la réalisation du projet sur l’ensemble environnemental dans lequel s’insère le projet. CE annule des études insuffisantes.
— Préfet prend un arrêté d’ouverture de l’enquête.Cet arrêté préfectoral ouvre l’enquête, mais il n’affecte pas la situation des administrés. Ne fait pas grief et ne peut faire l’objet d’un REP. Refus du préfet de prendre un arrêté empêche la réalisation du projet.
— L’enquête publique.Le législateur a voulu en assurer l’effectivité. L’enquête publique est systématiquement organisée dans des conditions qui varient: condition ordinaire pour le projet ordinaire, conditions spéciales pour des projets plus importants.