Le droit américain et la Common Law

La diversité des droits de Common Law : le droit des Etats-Unis d’Amérique

Dans une certaine mesure la Common law est un droit commun à double titre ; il est un droit commun à toute l’Angleterre, mais aussi en ce sens qu’il est commun à l’ensemble des pays de langue anglaise, car à l’heure actuelle cette tradition est partagée par de nombreux pays hors Grande-Bretagne (anciennes colonies anglaises). Cette proximité varie bien sûr selon les pays (très forte au Canada, Australie et Nouvelle Zélande, sauf en droit public car ces états ont une structure fédérale).

Les pays de Common Law non occidentaux sont les plus éloignés de par leur culture du droit de Common Law du Royaume Uni. Cependant les conditions économiques qui règnent dans ces pays fait que l’adhésion à l’économie libérale y est moins forte (Inde).

Dans le cas des USA, les différences sont plus étonnantes. Bien que très proche de l’Angleterre, le droit américain est différent du droit anglais.

La médiation nord-américaine : un cadre d'entente en évolution constante - UP' Magazine

A. L’histoire du droit américain.

1. Au 17ème siècle

La colonisation occidentale des USA a commencée au début du 17ème, elle fut Anglaise, Hollandaise, Suédoise, Française. 3 colonies différentes sont établies au 17ème. Au départ elles sont soumises au droit anglais. Les sujets de la couronne anglaise transportent avec eux le droit anglais lorsqu’ils s’installent sur les terres qui ne sont pas soumises à un droit dit « civilisé ». En 1608, lors du Calvin Case, les juges décidèrent que c’était le droit anglais qui avait vocation à s’installer, dans le cas où les règles de la Common Law se trouvent appropriés aux conditions qui régnaient dans ces colonies.

Cependant le droit anglais s’avère très peu approprié aux nouvelles colonies, car les raffinements procéduraux supposent la présence de juridictions et de juristes expérimentés, qui font alors défaut dans ces colonies. De plus les problèmes abordés sont entièrement neufs. La Common Law n’est pas non plus appréciée par les colons qui fuient l’Angleterre. Pour ces raisons le droit qui sera suivi aux USA sera bien différent de celui d’Angleterre et rudimentaire. En réaction au pouvoir des juges dont on dénoncera alors l’arbitraire, on adoptera des codes en 1634 au Massachusetts et en 1682 en Pennsylvanie. Ces codes n’ont rien à voir avec nos futurs codes civilistes, ils expriment l’attachement des gens à la loi comme alternative à la jurisprudence.

2. Aux 18ème et 19ème siècle

Au 18ème la Common Law va acquérir une meilleure image, car elle conçu à l’époque comme un héritage commun aux peuples de langue anglaise, ceci étant valorisé par la volonté de lutter contre l’influence française grandissante. En outre les conditions de vie s’améliorent et le besoin d’un droit moins rudimentaire et plus complexe va se faire ressentir.

En 1776 c’est l’indépendance américaine qui va faire à nouveau évoluer les choses. On veut s’émanciper contre la couronne Anglaise et les Français ne sont plus une menace. Ainsi, le droit français va alors être envisagé de manière favorable. Le Canada est annexé par l’Angleterre en 1763 et la Louisiane est rachetée à la France en 1803. De plus les français ont aidé les américains. La codification va redevenir populaire. Le 4/07/1776, la déclaration d’indépendance s’accompagne d’une déclaration de droit qui rappellera la future DDH française. Dès 1787 les USA se dotent d’une constitution et en 1808 la Louisiane se dote d’un code civil inspiré du notre.

La première moitié du 19ème sera donc une période de flottement entre codification et Common Law. Quelques états se doteront d’un code pénal et de codes de procédure pénale et criminelle. Pour autant ces états ne tomberont pas dans la tradition civiliste car beaucoup d’état hispanique comme le Texas et la Californie se rallieront à la Common Law. Cependant le droit américain restera marqué par la tentation civiliste.

B. Les singularités du droit américain.

Elles ne tiennent pas seulement à l’influence civiliste aux USA.

Ce pays est plus vaste et moins dépendant de ses voisins que l’Angleterre. La population y est aussi plus diverse et plus attachée à la modernité. C’est aussi un état fédéral.

Ce dernier aspect a contribué à construire l’originalité de ce droit.

1. Spécificités d’un état fédéral.

On distingue le droit fédéral des divers droits étatiques. Quand on tranche un litige on se demande alors de quelle compétence il relève, celle de l’état fédéral ou des états fédérés.

Il est difficile d’y répondre car la jurisprudence domine la loi.

Répartition des compétences vis à vis de la loi :

Pour les compétences relatives à la seule loi, la répartition des compétences ne présente pas de grande difficulté, car la constitution donne au congrès des compétences claires et le pouvoir de légiférer. Les états auront ainsi compétence pour traiter des autres questions. La compétence fédérale apparaît ainsi comme étant l’exception, celle des fédérations (le congrès) étant la règle. Les états disposent dans la plupart des matières d’une compétence résiduelle qui leur permet de compléter le droit fédéral.

Répartition des compétences vis à vis de la jurisprudence :

S’agissant de la répartition des compétences vis à vis de la jurisprudence, les choses sont plus complexes. En effet, si l’on conçoit une distinction entre le droit législatif fédéral et le droit législatif californien ou autre ? Va-t-on distinguer le droit jurisprudentiel fédéral du droit jurisprudentiel étatique ? Il arrive que des Cours étatiques soient amenées à traiter de question de droit qui relèvent de la compétence fédérale et ceci s’explique par la compétence étatique résiduelle. Lorsque les autorités fédérales ne sont pas intervenues dans une question de leur compétence, alors les législateurs et les juges étatiques peuvent intervenir. Par conséquent il peut arriver que des juges étatiques connaissent des questions des juges fédéraux. Réciproquement il peut arriver que des juridictions fédérales soient amenées à traiter des questions de droit qui relèvent de la compétence des états. En bref, il peut donc y avoir une jurisprudence étatique sur des questions de droit fédéral et une jurisprudence fédérale sur des questions de droit étatiques. On se trouve confronté à de véritables difficultés.

Une loi fédérale de 1789, paraissait prendre le parti de l’interdiction du développement d’une Common Law fédérale. Cette loi, disait en effet qu’en dehors des matières ouvertes par une loi fédérale, les juridictions fédérales doivent appliquer les lois (The Laws) dans l’état déterminé. A priori, cela interdit de développer une jurisprudence fédérale autonome, mais aussi oblige l’application étatique désignée par les règles de conflits de cet état. L’expression « the laws » renvoyait elle aux lois dans leur ensemble ou aux lois + la jurisprudence.

Dans ce dernier cas, le développement d’une CASE LAW fédérale autonome, demeurait impossible. A l’inverse si on considère que cette loi renvoie juste à la législation alors là le développement d’une CASE LAW autonome demeure possible.

La première position adoptée c’est celle de l’arrêt Swift vs Tysen en 1842, la Cour suprême admet qu’il peut se développer une « général Common Law » sur les questions non soumises à l’autorité d’une loi étatique, la voie est ouverte au développement d’une jurisprudence autonome. Ceci va être critiqué, et un revirement de jurisprudence va intervenir , avec l’arrêt Erie de 1938 , la solution apportée est très différente , il est prévu qu’en dehors des matières régies par la Constitution fédérale , ou par les lois du Congrès , le droit applicable en toutes espèce est celui d’un état déterminé , de source législative ou jurisprudentielle , il n y a donc pas de « général CL » de source fédérale.

Donc ce qui résulte c’est que le droit américain est d’abord de source étatique, avant d’être un droit de source fédérale. Donc il va exister des divergences entre les droits des divers états américains, et ces différences existent non seulement au niveau de l’organisation administrative et juridictionnelle mais aussi pour des questions de droit substantiel (divorce, peine de mort …).

Cela étant, il existe une relative unité du droit des USA. En dépit de la relative faiblesse du pouvoir centralisateur, il existe une harmonie entre les droits des USA. Les statuts américains sont assez proches les uns des autres car on a le réflexe de faire ce que fait l’état voisin, et de ce fait les divergences sont moindres. Les gros états américains ont de l’influence sur les plus petits. Et cela est également vrai pour la CASE LAW, car on ne trouve pas forcément un précédent qui corresponde parfaitement au cas soumis. Donc on va se tourner vers la CASE LAW (jurisprudence) de l’état voisin où on a un précédent adéquat.

Il en résulte que la jurisprudence américaine est relativement uniforme, et lorsqu’il existe des divergences, et cela est regrettable pour les juristes, on va aller vers l’unité de la CASE LAW. Aussi le droit américain est-il enseigné dans les écoles de droit comme un ensemble.

On enseigne le droit comme un ensemble, on se fonde sur les décisions de justice rendues par les états, mais on en rend compte comme d’un seul et même droit.

De plus si la source de principe est la jurisprudence, alors la loi a néanmoins une place plus importante aux USA qu’en UK.

2. Une place relativement importante accordée à la loi.

Ici la loi a une place plus importante et cela se traduit par l’existence d’une constitution, de Codes et d’un grand nombre de lois.

a) Existence d’une constitution

Une constitution ancienne et stable. Elle a une valeur symbolique extrêmement forte notamment dans ses 10 premiers amendements, adoptés dès 1789, qui constituent la déclaration des droits fondamentaux des américains. Elle a en outre sanctionné judiciairement dès 1803, dans l’arrêt Marbury vs Madison, qui a posé les jalons du contrôle de constitutionnalité des lois aux USA. C’est d’autant plus important que la Cour suprême américaine a interprété de façon large la constitution américaine. La Cour Suprême a en effet en fait un outil de promotion de l’Etat de droit. Et c’est en l’interprétant de manière libérale, l’un des amendements de la constitution des USA, que la Cour Suprême a déclaré inconstitutionnelles les pratiques ségrégationnistes fréquentes dans les années 50 aux USA (décision Brown de 1954). Cela aura une incidence sur la vision de la loi aux USA. Il existe ainsi au moins une loi qui a une grande importance pour les américains

b) Existence de Codes

Aux USA, quelques états ont des Codes civils (Californie, Louisiane, Géorgie …), 25 états ont des Codes de Procédure civile et des états se sont aussi dotés de Codes de Procédure pénale voir de Codes pénal. De plus il y a des compilations officielles ou privés de l’ensemble des lois en vigueur soit pour un état donné soit pour l’ensemble de l’état fédéral. Ces compilations sont baptisés « code ». Ces codes sont de simples consolidations des lois en vigueur. On n’y retrouve pas les soucis méthodiques de présentation du droit comme chez les civilistes. L’interprétation des Codes, mais aussi l’usage fait de ces codes, sont bien différents de ce qui en est fait dans les pays de tradition civiliste. En effet les juridictions vont rarement se référer exclusivement aux Codes et vont compléter systématiquement la référence aux Codes par des références jurisprudentielles qui sont souvent nombreuses.

Outre les Codes, le statut particulier de la loi et son intérêt se manifeste par l’inflation législative.

c) Inflation législative

La loi est une source du droit d’autant plus importante aux USA, qu’on assiste à une inflation législative. Comme la législation est étatique, elle risque de diverger d’un état à un autre. Pour éviter ce phénomène de divergence, diverses techniques sont employées par les juristes :

Les lois uniformes : lois modèles proposées à l’adoption des différents états américains. Les états sont libres d’adopter ou non cette loi modèle. L’adopter tel quel ou dans une version (amendée) un peu différente. Mais l’idée est que les états adoptent la loi modèle elle-même (on les y incite). Elles sont proposées soit par des organes officiels (conférence nationale des commissaires pour des lois d’état uniformes) , c’est le cas du Code commercial uniforme (UCC) , qui comporte plus de 400 articles et cette loi a été proposée en 1952 et adoptée par tous les états sauf la Louisiane et ce texte a été globalement peu amendé (sauf pour le droit des suretés), de plus une commission de révision a été mise en place pour proposer des réformes. Des organismes privés peuvent aussi proposer l’adoption de telles lois.

L’autre moyen employé est d’étendre les compétences du législateur fédéral. Depuis 1787 on note des évolutions constantes dans cette direction.

3. La règle du Précédent (RP) interprétée de manière plus souple.

Toutes les cours suprêmes étatiques et fédérales sont libres d’effectuer des revirements de jurisprudence, ce qui n’est pas rare. Ceci se fait pour des motifs politiques et afin d’assurer l’unité de la case Law américaine.

4. Une spécificité tenant à l’organisation judiciaire.

Les USA ont la particularité d’avoir 2 systèmes de cours complets. Un échelon fédéral et des jeux de cours aux échelons étatiques.

An Canada et en Australie il y a une seule juridiction fédérale au sommet de la hiérarchie judiciaire à l’opposé des USA.

La compétence des cours fédérales demeure l’exception. On recourt de préférence à 95% à des juridictions étatiques.

L’institution du jury constitue une spécificité du droit américain, elle est demeuré plus vivace qu’en UK. C’est le 7ème amendement de la constitution qui garantit cette institution. Le jury est un élément d’attractivité du système, car la perspective d’obtenir des dommages et intérêts important en dépend.

Ce système de Common Law aujourd’hui, n’est pas le système mondial dominant, mais il l’est pourtant d’un point de vue économique. Une fondation pour le droit continental a été créée pour y faire front.

Si la tradition juridique occidentale est dominante, il existe cependant bien d’autres traditions, comme certaines relevant de tradition