Le droit chinois

Le droit chinois

Le droit chinois est un droit très ancien (plurimillénaire)​, de nature originale, marqué par l’influence de l’école confucéenne. Toutefois, le droit chinois est soumis à d’importantes modifications sous l’effet des changements politiques et économiques que connaît la Chine depuis une quarantaine d’années.

Introduction sur les traditions juridiques asiatiques.

Chine et Japon présentent des différences importantes, mais ces pays sont unis par un même rapport au droit.

En occident le droit est doté d’une valeur idéaliste. Pour les traditions religieuses cet idéal est difficile à atteindre. En occident, le droit apparaît comme un rempart contre l’arbitraire du pouvoir politique et judiciaire, comme le garant des libertés et des droits fondamentaux.

Au contraire en extrême orient, le droit est conçu comme un système de régulation sociale mineur. Il n’est pas bien vu d’y recourir.

En outre les solutions tranchées n’apparaissent pas satisfaisantes et ainsi on préfère recourir au compromis qu’au droit.

Des bouleversements ont cependant provoqué quelques changements.

Sur le plan du droit ces mutations se sont traduites par un mouvement de codification des droits de ces pays. Aujourd’hui le droit de ces pays semblent refléter un rattachement à la tradition civiliste, mais dans les faits la tradition de rejet du droit perdure.

Chine: "Droits de l'Homme" contre "droits humains"

La tradition juridique Chinoise.

La civilisation chinoise est l’une des plus anciennes du monde qui soit encore vivante. Elle serait vieille de 4 à 5 mille ans. Elle peut aussi apparaitre comme le plus vieil état du monde. On estime qu’il a été fondé en 221 avant JC par la dynastie des Qin. Elle est demeurée unifiée culturellement et politiquement.

Section 1. La conception traditionnelle du droit en Chine.

Il faut s’intéresser à la conception du monde pour les chinois.

Pour les chinois, il existerait un ordre cosmique résultant de l’interaction entre le ciel, la terre et les hommes. Tandis que le ciel et la terre obéiraient à des lois invariables, les hommes disposeraient du libre arbitre qui les rend maitres de leur comportement. La manière dont les hommes décident de se conduire va avoir une influence sur l’ordre ou le désordre du monde. L’homme doit ainsi respecter l’ordre de la nature pour préserver l’ordre du monde.

Pour éviter les épidémies, les séismes, les hommes doivent tenir compte de l’ordre des saisons, des astres, tant dans leur vie publique que privée et les dirigeants doivent aussi donner l’exemple en se comportant de façon vertueuse et morale.

Ceci implique que les hommes doivent vivre en harmonie tant avec la nature qu’entre eux. Dans les rapports sociaux il va donc falloir rechercher en permanence un consensus entre les individus, on tente de concilier les antagonismes qui émergent. Toute sanction contraignante et obligatoire doit donc être évitée. L’idée qu’une décision de la majorité puisse être imposée à la minorité, n’apparait pas non plus légitime.

Les différents doivent être dissous de manière consensuelle. Cela conduit à envisager de manière réticente le phénomène juridique.

L’idée de droits imposables à d’autres apparait dangereuse.

La rigidité et l’abstraction de nos solutions juridiques sont alors envisagées de façon dépréciée. Il ne faut pas que l’auteur d’un dommage se trouve tenu de payer des dommages intérêts, tels que lui et ses proches se trouveraient privés de leurs moyens de subsistance.

La loi constitue alors surtout un moyen d’aider les gens à se mettre d’accord, sans pour cela la suivre à la lettre. Le droit est réservé aux criminels les plus incorrigibles, aux étrangers mais les chinois doivent vivre en se passant le plus possible du droit.

L’éducation incite les individus à rechercher dans leur propre comportement l’origine des conflits et des litiges. Les hauts fonctionnaires allaient souvent jusqu’à se suicider du fait des troubles sociaux qui naissaient dans leurs provinces.

Cette méfiance est aussi renforcée par la mauvaise organisation de la justice. Ceux qui étaient amenés à rendre la justice n’étaient pas des juristes, de plus ils ignoraient beaucoup des coutumes des provinces dans lesquelles ils étaient nommés. Les adjoints de ces magistrats étaient aussi souvent corrompus et cherchaient à faire trainer les procès à leur profit, on disait souvent « procès gagné, argent perdu ».

Ce qui explique le plus fondamentalement la conception chinoise du droit, c’est la philosophie du confucianisme (respecter l’ordre de la nature pour préserver l’équilibre du monde – la mauvaise organisation de la justice et le confucianisme).

Le Confucianisme fut fondé par Confucius (551 à 479 avant JC). C’est l’étude des moyens à mettre en œuvre pour assurer des relations harmonieuses entre les hommes. Il prône l’obéissance, et ce respect de l’autorité n’est pas absolu, des remontrances peuvent être faites aux pères ou à l’empereur s’ils ne se comportent pas de façon équitable. Il met aussi l’accent sur l’étude et l’instruction, il prône aussi le respect des rites et des traditions. Cette philosophie conservatrice mais modérée est centrée sur l’idée de devoir. Il faut aussi respecter le rôle qui nous est dévolu dans la société.

Dans l’ensemble cette philosophie a dominé la pensée chinoise depuis 2000 ans. Ceci explique que les chinois aient cherché ailleurs que dans le droit les moyens de régler leurs rapports sociaux et de réaliser la justice. La loi ne joue ici qu’un rôle complémentaire.

Si certain codes ont été adoptés, ils traitent essentiellement de questions administratives et criminelles.

Dans l’époque moderne le choses ont évoluées.

Section 2. Les évolutions : La remise en cause de la conception traditionnelle du droit en Chine.

A partir de 1911, la révolution nationaliste parvient à renverser le pouvoir de l’empereur pour proclamer la République de Chine.

Dans la sphère économique surtout on cherchera à s’autonomiser par rapport aux puissances occidentales.

En 1930 sera adopté un code foncier et en 1932 un code de procédure civile. Formellement la Chine va se rattacher à la conception civiliste, mais dans les faits la tradition reste prégnante. Les codes ne seront appliqués que dans la mesure où ils correspondent à la conception que le peuple chinois se fait de l’équité et de la convenance.

Lorsque les parties à un litige décidaient de le soumettre à une juridiction, il arrivait même que les juges préfèrent s’en tenir aux préceptes confucéens.

Les juridictions pouvaient accorder des délais à un débiteur malheureux, à condition que son créditeur ne soit pas dans le besoin.

La multiplication des procès civils a été considérée comme un symptôme de décadence.

A partir de 1949, avec l’avènement du communisme (1er octobre proclamation de la république Populaire de Chine de Mao Tse Tong) les choses vont changer. Sera aboli l’ensemble des anciens tribunaux.

Le principe de légalité va être admis pour permettre une mise en place plus rapide des réformes communistes. Des juridictions sous l’égide d’une cour suprême populaire seront mises en place.

Des lois vont être adoptées et un grand chantier de codification sera aussi entrepris. La mise en place de ces institutions va cependant se heurter à la méfiance des communistes à l’encontre des juristes considérés comme conservateurs. On va alors recruter des juristes engagés fermement dans le communisme Le principe d’égalité sera jugé dangereux.

Un ensemble d’institutions cohérentes sera cependant mis en place en 1950 et une constitution sera adoptée en 1954.

A partir de 1957, un tournant marquera une rupture d’avec le communisme soviétique. Les communistes chinois souhaitent mettre en œuvre le programme marxiste dans toute son intégralité. Le Maoïsme va ainsi naitre comme nouvelle idéologie marxiste et se concrétiser dès 1960. Ils refusent de remplacer le capitalisme bourgeois par un capitalisme d’état, ils donneront la priorité aux réformes sociales face aux priorités économiques. On refuse aussi de mettre l’accent sur l’industrialisation. On rémunère les individus en fonction non pas de sa productivité mais en raison de son dévouement au travail commun. Le salaire est fixé par la collectivité après que le travailleur ait dit ce à quoi il devait avoir droit.

Les ouvrier vont participer à la gestion de l’entreprise et les cadres participeront à la production. C’est le rejet d’une élite.

On rejette aussi l’élite intellectuelle. En 1966 débute la révolution culturelle. On monte les étudiants contre les nouveaux capitalistes. Les étudiants deviennent les gardes rouges du régime. La bande des 4 vont rejeter les héritages culturels passés (des livres, des bâtiments sont détruits et les intellectuels sont pourchassés). Fin 1967 l’armée chinoise décidera finalement de réprimer ce mouvement, mais le pouvoir de Mao va s’en trouver renforcé. A son décès en 1976, s’ouvre une lutte pour sa succession qui se soldera par l’arrivée de dirigeants plus modérés.

1979, le régime va se transformer avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiao Ping. Il va décider d’entreprendre des réformes économiques. Il s’agit d’apporter une certaine prospérité au peuple sans abandonner le communisme. Les paysans vont être autorisés à vendre une partie de leur production sur les marchés. Quelques entreprises vont pouvoir se gérer de façon privative (les restaurants). On fera en sorte d’attirer les investissements étrangers. Les persécutions contre les intellectuels vont cesser, car on a besoin de développer la recherche.

En 1982 une nouvelle constitution marquera une plus grande ouverture vers l’étranger et reflètera des progrès démocratiques. On trouvera des lois en matière de droit civil, de procédure et de droit pénal. Aujourd’hui le droit chinois s’est rapproché de la tradition civiliste plus que par le passé.

La rupture avec le communisme est loin d’être totale, les textes réaffirment l’attachement aux principes marxistes.

Les libertés sont loin d’être parfaitement garanties et si le principe de légalité qui caractérise les droits civilistes, se trouve respecté en Chine, on ne peut cependant pas dire que les conditions relatives à un état de droit soient réunies.