Le droit comparé des 4 traditions juridiques

Le droit comparé.

L’étude des grands systèmes est une étude de droit comparé. Le lien entre les grands systèmes et le droit comparé est tellement important, que ce cours s’appelle aussi « droit comparé ».

A. Le droit comparé : sa fonction

C’est étudier différents droit puis les comparer.

La méthode comparative implique la mise à profit de la connaissance de plusieurs droits étrangers afin de mieux comprendre ou critiquer son propre droit.

En pratique, la distinction n’est pas toujours faite. On a tendance à désigner sous le terme de droit comparé aussi bien l’étude de droits étrangers que le fait de comparer différents droits pour en apprécier les valeurs ou en dégager les concepts généraux.

3 fonctions du droit comparé :

  • · Fonction scientifique de connaissance par les juristes du ou des droits d’autres pays.
  • · Fonction critique, le droit comparé est un outil qui aide à prendre conscience des qualités et des insuffisances de son propre droit en le confrontant aux autres.
  • · Fonction théorique, le droit comparer va permettre d’identifier des concepts communs à plusieurs droits. Ici il sera possible de construire un méta langage juridique (au-dessus de …) qui permet de dégager les concepts communs.

Ces 3 fonctions sont souvent confondues et ce traitement terminologique reflète l’incertitude qui entoure l’idée même de droit comparé (on devrait plutôt parler « des droits comparés » au lieu de « droit comparé »). On ne sait pas bien si le droit comparé est une branche du droit ou une simple méthode comparative qui n’est pas propre au seul domaine juridique. Ce débat n’a jamais vraiment été tranché.

Qu’on étudie un ou plusieurs droits étrangers ou qu’on s’applique à confronter différents ordres juridique de façon ponctuelle, on fait dans les 2 cas du droit comparé.

Droit comparé - Jurisguide

B. Les intérêts du droit comparé.

Satisfaire la curiosité intellectuelle tout d’abord.

C’est aussi de permettre l’harmonisation du droit. On associe souvent droit comparé et harmonisation du droit. L’intérêt serait donc de tendre vers d’avantage d’homogénéité entre les différents droits. Mais cela doit être relativisé. Si le droit comparé permet d’identifier les meilleures solutions (critique), et de forger des concepts communs aux différents droits (théorie), mais l’harmonisation du droit ne passe pas toujours par le droit comparé, car souvent, les auteurs de règles harmonisées négligent de mener des études de droit comparé. En outre, l’harmonisation des droits peut encore se passer de droit comparé si la solution la plus satisfaisante ne réside pas dans la solution qui est majoritairement adoptées dans les différents ordres juridiques qu’on se propose d’harmoniser.

On distingue 2 méthodes :

  • · La méthode descendante, imposée du haut au bas, (on se passe de droit comparé)
  • · La méthode ascendante (bottom up) fondée sur le droit comparé.

Réciproquement, l’étude du droit comparé n’implique pas toujours l’harmonisation des droits.

A l’origine le droit comparé était certes porteur de visions universalistes. Lors du 1er congrès de droit comparé en 1900, ce droit était présenté comme devant permettre d’harmoniser les droits. Ce congrès est considéré comme l’acte fondateur de cette nouvelle discipline. Les organisateurs (Raymond Saleilles et Edouard Lambert) de ce congrès décrivaient le droit comparé comme le moyen de forger un droit commun de l’humanité.

Les contemporains ne le conçoivent plus comme ayant pour fonction de mener à l’harmonisation du droit. Certains rejettent même cette fonction, car les authentiques comparatistes sont au quotidien plongés dans la diversité des solutions juridiques, qu’ils finissent par apprécier et ont ainsi tendance à accueillir avec réticence l’idée de réduire cette diversité.

Cette connaissance des diversités fait aussi prendre conscience de la difficulté de l’harmonisation elle-même et donc du caractère illusoire de l’idée de droit commun de l’humanité. Le droit est une structure sociale intimement liée à l’identité culturelle des peuples, il reflète leurs valeurs et leurs façons de penser. Ainsi les droits européens sont des droits rationalistes et humanistes au sein desquels on distingue les droit de Common Law et les droit de tradition romano-germanique. Le Common Law traduit la mentalité empiriste des anglo-saxon, quant aux droit de traditions romano-germaniques, ils traduisent le gout de l’abstraction.

L’étude de la diversité des droit conduit donc à envisager les processus d’harmonisation avec prudence. Si l’harmonisation peut être bonne elle ne doit pas être une fin en soi, car sinon le risque serait d’appauvrir les différents droits et de désorganiser le système des ordres juridiques.

En dépit de cela, le droit comparé peut faciliter l’harmonisation institutionnalisée des droits (par le biais de conventions internationales, ou par le biais d’intégration d’états).

Il peut aussi conduire à une harmonisation spontanée des droits (les états vont être amenés à transplanter des mécanismes juridiques étrangers dans leur propre ordre juridique, comme par exemple de transplant : la SARL nous vient d’Allemagne, le crédit-bail nous vient des USA, le Trust nous vient d’Angleterre).

Existe-t-il d’autres intérêts à étudier les systèmes juridiques étrangers ?

Oui celui de faciliter le dialogue entre différents ordres juridique. Le droit comparé permet d’établir plus facilement le dialogue entre différents ordres juridiques. Notamment lorsque des états souhaitent coopérer sur le règlement d’un problème particulier (exemple trafic animalier mondial).

Cette connaissance est aussi utile aux personnes privées. Notamment pour des entreprises qui vont négocier des clauses d’un contrat international.

Il permet également de mieux comprendre son propre droit (on sort de soi et se regarde avec d’autres yeux). Ainsi la notion de cause du contrat est très française, l’étude du droit étranger permet de mieux comprendre ce particularisme, tout comme la notion de service public à la française.

Ce droit est souvent utilisé par ceux qui s’intéresse à l’histoire, à la philosophie ou encore à la théorie du droit. La connaissance de l’origine historique des classifications, la prise de conscience du caractère relatif de nos concept, tout cela ne se révèle avec netteté que si on se place en dehors de notre système de droit. Par exemple que valent nos distinction entre droit public et droit privé, entre la loi et le règlement, entre les droits réels et les droits personnels, entre les meubles et les immeubles, entre les choses et les personnes ?

Sans étude comparées tout ceci apparaîtrait naturel et nécessaire, hors ces distinctions ne sont pas opérées partout, ou ailleurs sont en déclin voire abandonnées. On s’interroge ainsi sur le bienfondé de nos concepts (au Pérou la « pacha Mama » est une personne morale juridique).

En conclusion, même si les droits qu’on étudiera ne seront, par nous, jamais pratiqués, il est utile d’en avoir une certaine idée à l’heure de la mondialisation, sans oublier l’intégration européenne.

Les spécificités du cours.

Ce cours aura une nature essentiellement descriptive et non comparative.

Il porte sur l’étude de systèmes de droit. Pour comprendre un système de droit il faut définir le mot système.

Un système est un ensemble de propositions, de principes et de conclusions qui forment une construction théorique cohérente et capable de rendre compte d’un vaste ensemble de phénomènes. Etudier des systèmes implique de s’intéresser non pas tant aux règles substantielles retenues, mais implique plus d’étudier les grands principes qui structurent les ordres juridiques. Nous étudieront donc les systèmes de sources et d’organisations des droits.

Quels sont les avantages d’une approche systématique ?

Quelles sont les critiques qu’on peut adresser à cette expression de système, en fait nous étudieront les différentes traditions.

1. Les avantages de l’approche en termes de systèmes.

Il réside dans son caractère synthétique et dans les recoupements qu’il permet d’opérer entre différents droits. Si les ordres juridiques peuvent apporter des réponses infiniment varié en matière de droit substantiel, l’approche globale regroupée en systèmes est plus intéressante.

On peut regrouper certains droits qui englobent la même structure au sein de systèmes. L’objet du cours sera les droits de Common Law, les droits Romano-Germanique, les droits Islamiques.

Cette approche va parfois conduire à regrouper ensemble des droits dont les règles matérielles sont néanmoins différentes. Ainsi le droit irlandais se rapproche du droit anglais, alors que pourtant il pourrait se rapprocher du droit portugais.

Il s’avère préférable de s’intéresser à la diversité des droits au niveau macro juridique plus que micro juridique pour 3 raisons :

  • Il serait dangereux de se lancer directement dans la comparaison matérielle de différents droits sans avoir aucune idée du contexte dans lequel ces règles s’inscrivent, on commettrait sinon de graves contresens. Le juriste français au niveau patrimonial pourrait être tenté, du fait que le système anglais favorise les régimes séparatistes, de penser que le droit anglais protège mal le conjoint survivant, alors qu’en réalité il commettrait une erreur. En droit anglais cette absence de protection du conjoint survivant est compensée au niveau d’un autre droit, celui des successions. La vision globale des « mentalités juridiques » est donc nécessaire.
  • Sur un plan plus théorique, s’intéresser au niveau micro juridique ne serait pas intéressant, car les règles substantielles changent très vite, alors que les structures sont relativement stables.
  • D’un point de vue pratique il serait lourd et fastidieux d’étudier par exemple le droit civil, puis pénal et etc. de chaque état.

2. Les critiques de l’expression employée de la notion de système.

Le terme de système peut être critiquable.

La notion de système est en effet étroitement lié à une idéologie rationaliste propre aux pays occidentaux et surtout de l’Europe Continentale. Cette notion s’applique donc très bien aux systèmes romano-germanique et bien moins aux systèmes de Common-Law.

Dès lors que l’on se penche vers les droits non occidentaux le terme de système est dès lors inadapté. Un auteur canadien préfère ainsi substituer à la notion de système, celle de tradition juridique (Patrick Glenn).

Cette notion de tradition juridique a des avantages :

  • Il s’agit de mettre l’accent sur le rôle des facteurs historiques, culturels et sociologiques dans la fondation de ce qu’on nomme usuellement système.
  • A la différence du terme système propre à un seul type de droit (romano-germanique ou encore civiliste), le terme de tradition permet de rendre compte de l’ensemble des types de droits. A propos des droits religieux ou orientaux cela semble encore mieux approprié ; ces droits sont ainsi nommé souvent « droits traditionnels ».
  • S’agissant des droits de Common Law, le terme de tradition est là aussi assez bien choisi. Dans ces droits, il est une règle importante, la règle du précédent, qui conduit ces droits à se présenter eux-mêmes comme des produits de l’expérience passée (le juge est obligé de se référer aux décisions passées) ; ainsi la traditions les caractérise.
  • On pourrait en revanche douter que les droits romano-germanique reposent sur la tradition, puisqu’ils se revendiquent comme des droits fondés sur la raison en rupture avec le passé, la tradition. En réalité, de plus près, le rationalisme exalté ici, constitue également une tradition idéologique tout autant que les traditions religieuses par exemple. Cette idéologie revendiquée par les droits romano-germanique sont bien un héritage de l’époque des lumières et aussi dans une certaine mesure de l’antiquité grecque. Aujourd’hui ce rationalisme apparait comme une habitude de pensée transmise sur plus de 3 siècles et qui mérite tout autant la qualificatif de tradition que les autres droits.

On trouve dans les manuels un autre vocable, celui de « famille juridique ». Que penser de cette expression ?

Elle est sans doute plus appropriée aussi que la notion de système, les critiques qui lui sont adressées n’étant pas transposable à la notion de famille.

Cependant cette notion connote la proximité génétique et le vécu commun au sein de la famille, hors s’agissant des droits il s’agit plus d’habitude de pensée ou de pratique similaire. Elle ne met pas non plus en évidence la notion de développement historique contrairement à la notion de tradition, qui semble donc mieux appropriée.

Avec la notion de tradition on met l’accent sur l’histoire dans le développement du droit. Ceci nous conduit à mieux comprendre d’où l’on vient et où l’on va.

Le terme de « Grande » renvoie à ce qui est partagé par un grand nombre, hors dans ce cours on s’intéresse aussi à des minorités, des petits droits, qui apparaissent aujourd’hui très riches pour répondre à des problèmes écologiques.

Le plan du cours ne peut ici être binaire ou bien la seule présentation pertinente serait alors la comparaison, l’opposition, entre droits continentaux et orientaux/africain. Cette dichotomie ne tient pas la route.

On retiendra 4 grandes traditions juridiques :

  • · Les traditions occidentales fondées sur un idéalisme, mais un idéalisme rationaliste plutôt que mystique.
  • · Les traditions religieuses qui reposent aussi sur une conception idéaliste du droit, mais d’un droit qui émanerait d’une source divine mystique.
  • · Les traditions orientales, qui sont, elles, fondées au contraire des deux autres non plus sur une idéalisation du droit, mais sur un rejet ou tout au moins une méfiance à l’égard du phénomène juridique.
  • · Les traditions autochtones, ou pré juridiques, aujourd’hui reconsidérées par les juristes préoccupés par les questions environnementales.

Les traditions juridiques occidentales.

Il ne s’agit pas tant des traditions juridiques qui s’appliquent aujourd’hui dans les pays occidentaux (Europe et USA), mais plus exactement des traditions juridiques qui sont nées dans les pays occidentaux et plus précisément en Europe ; il s’agit de la tradition romano-germanique ou civiliste et de la tradition de Common-Law qui est née en Angleterre.

Ces traditions juridiques occidentales, sont aujourd’hui si dominantes que la plupart des états du monde peuvent être rattachés à l’une de ces traditions. Elles ne sont donc plus seulement applicables ou appliquées aux seuls pays occidentaux. L’Inde est un pays de Common Law, le Japon est un pays civiliste.

Pourquoi regrouper ensemble ces 2 traditions au sein des traditions juridiques occidentales ?

C’est parce qu’elles partagent un certain nombre de points communs, outre leur proximité géographique de naissance.

Les points communs entre pays de Common Law et pays Civilistes.

A l’instar des droits religieux, les droits occidentaux sont des droits idéalistes en ce sens qu’ils considèrent le droit comme un bien, comme un idéal à suivre, lui accordant une place importante dans la société. Cet idéalisme est aussi un idéalisme rationaliste ; le droit n’est pas le produit de la volonté divine, mais de la raison humaine. Cela emporte des conséquences.

  • Une conception positiviste du droit : on considère que le droit est créé par les hommes et donc qu’il peut être modifié par eux. Cela vient nuancer cet idéalisme des droits occidentaux, on rejette ainsi souvent le concept de droit naturel. Le concept de droit naturel renvoie à l’idée selon laquelle il existerait des droits (des êtres humains) universels et intangibles, qui n’auraient pas besoin d’être édictés par une autorité normative terrestre pour exister. Ces droits occidentaux ont tendance à considérer que toute norme juridique dispose d’un choix entre différentes alternatives ; ce choix peut varier dans l’espace et dans le temps, les règles de droit pouvant donc changer. Mais ils ne sont pas totalement exempts de la notion jus naturalis, ni de prétentions universalistes, comme par exemple les Droits de l’Homme. De même dans les droits de tradition civiliste, la codification exprime aussi des tendances jus naturalistes, car nos codes proclament souvent des principes abstraits qui se veulent universels (544 du code civil qui définit la propriété de façon abstraite et universelle).
  • Une conception substantielle laïque : D’un point de vue substantiel, les droits occidentaux vont se distinguer des droits religieux par le fait que leurs valeurs fondatrices sont laïques. Ici la valeur suprême est l’être humain. Ainsi on met en avant des notions telles que l’humanisme, l’individualisme et le libéralisme.
  • Des sources laïques : Les sources de ces droits sont elles aussi laïques. Leur légitimité se fonde sur des critères rationnels. Les sources sont ainsi le Parlement (légitimité démocratique) ou le Juge (légitimité technocratique, car technicien du droit).