Droit de la concurrence européenne

Le droit de la concurrence en Union Européenne

  • Cadre Européen de Régulation des Pratiques Commerciales :
    • Inclut des mesures comme l’encadrement des concentrations d’entreprises et l’interdiction des abus de position dominante.
    • Comprend des régulations spécifiques concernant l’action économique de l’État, telles que l’interdiction des aides d’État et les règles encadrant les services économiques d’intérêt général.
    • Inclut également des dispositions régulant les monopoles nationaux.

Titre 1 – Les règles de la concurrence applicables aux entreprises.

  • Trois Types Principaux de Réglementations :
      1. Interdiction des ententes entre entreprises.
      2. Interdiction de l’exploitation abusive de positions dominantes par les entreprises.
      3. Contrôle des concentrations d’entreprises par le droit dérivé de l’UE.
  • Évolution du Système de Régulation : Passage d’un système centralisé autour de la Commission Européenne à un partage des responsabilités entre les autorités européennes et nationales.
  • Distinction Cruciale : Il est essentiel de différencier le champ d’application du droit de la concurrence européen et celui du droit national de la concurrence.

 

Chapitre 1 – Le champ d’application du droit européen de la concurrence.

SECTION 1 : LA NOTION D’ENTREPRISE AU SENS DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

 

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a établi une définition extensive de l’entreprise dans le cadre du droit européen de la concurrence. Cette définition englobe toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement. L’essence même de l’entreprise repose sur l’exercice d’une activité économique, qui peut impliquer la production et la commercialisation de services.

  • Définition de l’entreprise selon la CJUE (23 avril 1991, affaire Hofner et Elser) : Une entreprise est définie comme une unité qui exerce une activité économique. Cette définition ne tient pas compte du statut juridique ou du mode de financement de l’entité.

Dans un cas particulier, un office fédéral allemand détenant un monopole dans le domaine de l’emploi a été confronté à la concurrence de sociétés privées. Ces dernières soutenaient que l’office abusait de sa position dominante, suscitant une interrogation sur l’applicabilité du droit de l’union, notamment l’article 102, à l’office.

  • Cas pratique : L’office fédéral allemand, bien qu’offrant un service gratuit, a été qualifié d’entreprise selon le droit communautaire de la concurrence, car son activité de placement constituait une activité économique.

Certaines entités sont exclues de la définition d’entreprise lorsqu’elles remplissent des missions d’intérêt général ou social. Néanmoins, une même entité peut être considérée comme entreprise pour certaines de ses activités et non pour d’autres.

  • Exemple : Les organismes sportifs sont considérés comme entreprises lorsqu’ils organisent des compétitions, une activité économique, mais pas lorsqu’ils fixent les règles de compétition, une activité non économique.

Enfin, il est important de noter qu’une entreprise peut être constituée tant par une personne morale que par une personne physique. Pour les personnes morales, il n’est pas nécessaire qu’elles possèdent la personnalité juridique pour être considérées comme entreprises au sens du droit communautaire de la concurrence

 

SECTION 2 : L’ARTICULATION ENTRE LE DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE ET LE DROIT NATIONAL DE LA CONCURRENCE

 

Le droit de l’Union s’applique s’il y a un élément d’extranéité. On pourra avoir une double affectation du droit national de la concurrence et européen. Il faudra savoir quel est le droit applicable et dans l’hypothèse où le droit communautaire s’applique, la détermination de l’autorité compétence, à savoir autorité européenne ou nationale.

Paragraphe 1 : Détermination des domaines d’application respectifs du droit communautaire et du droit de la concurrence.

La question qui se pose celle de la double barrière ou de la simple barrière : va-t-on appliquer un ou deux droits ?

Une entente peut être déclarée licite au niveau communautaire et illicite au niveau national et inversement.

A. Le système originaire

  • Principe de l’application du droit européen : Ce droit s’applique uniquement si le commerce entre les États membres est susceptible d’être affecté. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) adopte une interprétation large de cette notion d’affectation.

  • Exemple de la CJUE – Affaire BMW du 24 Octobre 1995 : La CJUE précise qu’une entente affecte le commerce entre États membres dès lors qu’elle peut avoir une incidence directe ou indirecte sur les échanges, contribuer au cloisonnement du marché commun, ou entraver l’interpénétration économique souhaitée par les traités.
  • Impact d’une entente établie dans un seul État membre : Même une entente conclue exclusivement entre entreprises d’un même État membre peut affecter le commerce entre les États membres. Par exemple, un accord entre entreprises françaises pour fixer des prix bas sur certains produits peut limiter les importations et favoriser le marché national.
  • Choix du droit applicable en cas d’effets sur les marchés national et communautaire : Si une entente a des répercussions tant au niveau national qu’au niveau communautaire, il s’agit de déterminer quel droit doit être appliqué. Initialement, une distinction était établie entre le régime applicable aux concentrations et celui applicable aux abus de position dominante.

 

1) Entente et abus de position dominante

Dans l’arrêt Walt Wilhelm du 13 février 1969, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a abordé la question de l’application cumulée du droit de l’Union et du droit national dans le contexte des ententes et des abus de position dominante.

  • Principe de la double barrière : La CJUE a soutenu le principe de la double barrière, c’est-à-dire l’application simultanée du droit de l’Union et du droit national. Ce principe permet une double évaluation des pratiques sous l’angle des deux systèmes juridiques.

  • Conditions d’application simultanée : La Cour admet qu’une même affaire peut être examinée à la fois par la Commission européenne et par les juridictions nationales. Toutefois, elle pose une condition importante : l’application du droit national ne doit pas entraver l’application uniforme du droit communautaire de la concurrence.
  • Limites posées par la CJUE : Bien que les autorités nationales puissent appliquer leur propre droit de la concurrence et conclure à l’illicéité d’une pratique selon leurs critères, l’arrêt interdit explicitement de juger licite au niveau national une pratique déjà déclarée illicite par la Commission européenne au regard du droit communautaire. Cette disposition assure la primauté et la cohérence de l’application du droit communautaire en matière de concurrence.

 

2) Les concentrations

Dans le domaine des concentrations d’entreprises, la détermination du droit applicable suit un principe distinct et clair :

  • Application du droit communautaire pour les concentrations de dimension communautaire : Lorsqu’une concentration a une portée ou un impact significatif au niveau de l’Union européenne, c’est le droit communautaire qui s’applique. Cette approche assure que les concentrations ayant un effet potentiel sur plusieurs États membres sont évaluées et régulées à un niveau supranational.
  • Application du droit national pour les concentrations sans dimension communautaire : Si la concentration ne présente pas de dimension communautaire, c’est-à-dire si son impact est limité à un seul État membre ou ne dépasse pas les seuils établis au niveau de l’UE, le droit national de cet État membre est applicable.
  • Principe d’application alternative : Cette approche traduit un principe d’application alternative, où le droit à appliquer dépend de la portée géographique et économique de la concentration. Ce principe vise à éviter les chevauchements et les conflits de juridiction entre le droit communautaire et le droit national, permettant ainsi une régulation efficace et cohérente des concentrations d’entreprises en Europe.

 

C)        Position actuelle

La réglementation actuelle en matière de concentrations et de pratiques anticoncurrentielles (ententes et abus de position dominante) dans l’Union Européenne est régie par deux règlements distincts, qui clarifient les principes d’application du droit communautaire et du droit national.

  1. Les concentrations
  • Règlement du 20 janvier 2004 : Ce règlement consacre le principe d’application alternative entre le droit national et le droit communautaire. Selon ce principe, le droit applicable à une concentration d’entreprises dépend de sa portée : si elle a une dimension communautaire, le droit de l’UE s’applique ; dans le cas contraire, le droit national est applicable.
  1. Les ententes et les abus de position dominante
  • Règlement 1-2003 : Ce règlement établit une distinction claire entre les ententes et les abus de position dominante.
    • Les ententes : Pour les ententes, le principe de la simple barrière est adopté. Si le commerce entre États membres est affecté, c’est le droit de l’UE qui s’applique. Dans ce cadre, l’application du droit national ne peut pas autoriser ce qui est interdit au niveau européen.
    • Les abus de position dominante : Concernant les abus de position dominante, le principe est légèrement différent. L’application de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui interdit les abus de position dominante, n’empêche pas l’application de dispositions nationales réprimant des comportements unilatéraux autres que les abus de position dominante. Ici aussi, on observe une simple barrière : le droit de l’Union européenne s’applique en cas d’atteinte aux échanges, mais le droit national peut être appliqué pour réprimer des comportements distincts de l’abus de position dominante.
  • Exemple spécifique : Le droit national, comme le code de commerce français, peut interdire des pratiques comme les abus de dépendance économique, qui sont distincts de l’abus de position dominante au sens du droit de l’UE. Une pratique peut donc ne pas être considérée comme un abus de position dominante selon le droit de l’UE, mais peut néanmoins être jugée non conforme au droit national de la concurrence, non pas en tant qu’abus de position dominante, mais en tant qu’abus de dépendance économique.

Paragraphe 2 : Détermination de l’autorité compétente pour appliquer le droit de la concurrence au sein de l’UE.

La pratique rend dans le champ d’application du droit de l’union, mais la question qui se pose est qui va appliquer ce droit de l’union ? Les autorités nationales ou communautaires ?

A) Le système antérieur

Le système de régulation de la concurrence dans l’Union Européenne, tel qu’il était conçu initialement, reposait sur une approche centralisée, avec des différences marquées dans le traitement des concentrations, des ententes et des abus de position dominante.

  • Système centralisé initial : À l’origine, l’application du droit communautaire de la concurrence était principalement du ressort de la Commission européenne, sous la supervision de la juridiction européenne. Ce système était conçu autour d’un mécanisme d’autorisation préalable par la Commission.
  • Traitement des concentrations :
    • Règlement de 1989 : Pour les concentrations, le cadre n’a pas beaucoup évolué depuis. Un règlement de 1989 stipulait que les concentrations de dimension communautaire devaient être notifiées à la Commission avant leur réalisation. Si une concentration n’avait pas cette dimension, elle relevait de la compétence des États membres.
    • Renvoi aux autorités nationales : Ce règlement offrait également la possibilité pour la Commission de transférer l’évaluation d’une concentration aux autorités nationales si un État membre le demandait, notamment si l’opération était susceptible d’affecter de manière significative la concurrence sur son marché intérieur.
  • Traitement des ententes et abus de position dominante :
    • Rôle des juridictions et autorités nationales : Initialement, les juridictions nationales et les autorités nationales de la concurrence avaient la compétence d’appliquer le droit communautaire en matière d’ententes et d’abus de position dominante, tant que la Commission n’avait pas engagé de procédure. Leur compétence était toutefois limitée concernant les ententes.
    • Exemptions sous l’article 101(3) : Pour les ententes, les autorités nationales ne pouvaient pas accorder des exemptions en vertu de l’article 101 paragraphe 3. Par conséquent, un accord entre entreprises cherchant à bénéficier de cette exemption devait impérativement être notifié à la Commission, qui disposait d’une compétence exclusive pour accorder ces exemptions.

Conséquences pratiques du système antérieur

Le système de régulation de la concurrence de l’Union Européenne, tel qu’il était initialement conçu, a eu des implications pratiques significatives, en particulier en ce qui concerne le rôle des autorités nationales et la charge de travail de la Commission européenne.

  • Rôle des autorités nationales : Les autorités nationales étaient habilitées à déterminer si un accord n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 101, ou à reconnaître l’incompatibilité de l’accord avec cet article. Cependant, elles ne disposaient pas de l’autorité pour accorder des exemptions en vertu de l’article 101(3).
  • Saisie de la Commission européenne en cas de doute : Lorsque les autorités nationales avaient des doutes quant à la possibilité d’accorder une exemption à un accord, elles devaient consulter la Commission européenne. C’était à la Commission de traiter la question et de décider de l’octroi ou non de l’exemption.
  • Surcharge de la Commission européenne : Cette approche a conduit à une surcharge significative de la Commission européenne. Les entreprises notifiaient systématiquement tous les accords à la Commission afin d’obtenir une décision sur la possibilité de bénéficier d’une exemption. Cette pratique a entraîné une accumulation de dossiers à examiner et une augmentation substantielle du volume de travail pour la Commission.
  • Réforme induite par le règlement 1-2003 : Face à cette surcharge et aux inefficacités du système, une réforme a été mise en place, principalement sous l’égide du règlement 1-2003. Ce règlement visait à alléger la charge de la Commission et à optimiser le processus de régulation de la concurrence au sein de l’Union Européenne.

 

B) Le système actuel

Le cadre réglementaire actuel pour les concentrations d’entreprises a connu des évolutions notables avec l’introduction du règlement 139-2004. Ce règlement maintient le rôle prépondérant de la Commission européenne dans le processus d’examen des concentrations. Selon ce régime, tout projet de concentration qui présente une dimension européenne significative doit impérativement être notifié à la Commission.

Points clés du règlement 139-2004 :

  • Rôle central de la Commission : Les projets de concentration avec une portée communautaire sont soumis à son examen.
  • Assouplissement des conditions de renvoi : Plus de flexibilité est accordée pour le renvoi des cas aux États membres.

En ce qui concerne les ententes et les abus de position dominante, le règlement 1-2003 introduit des changements importants dans la répartition des compétences, particulièrement pour les ententes.

Modifications apportées par le règlement 1-2003 :

  • Changement de compétence : Auparavant, seule la Commission européenne avait l’autorité pour déclarer des accords anticoncurrentiels non conformes. Les projets devaient être notifiés pour bénéficier d’une exemption d’entente.
  • Innovation du règlement : Il autorise désormais les autorités nationales de la concurrence, ainsi que les juridictions nationales, à appliquer l’article 101, paragraphe 3, du TFUE. Cela leur permet de déroger au principe d’interdiction des ententes sous certaines conditions.

Conséquences directes de ces innovations :

  1. Fin du monopole de la Commission : D’autres autorités peuvent maintenant accorder l’exemption d’entente.
  2. Abolition de la notification obligatoire : Les accords n’ont plus à être systématiquement notifiés à la Commission avant leur mise en œuvre.

 

Pour bien fonctionner, le système suppose une coopération entre autorités nationales et européennes de la concurrence et la mise en place d’une coopération entre les juridictions nationales et la commission.

1) Coopération entre les autorités de concurrence :

  • Cadre de collaboration : Le règlement 1-2003 établit un système européen de concurrence qui intègre la Commission européenne et les autorités nationales, comme la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes en France.
  • Communication et partage d’informations : Les autorités nationales doivent informer la Commission lorsqu’elles ouvrent une procédure ou prennent des décisions sur des infractions au droit de la concurrence. Inversement, la Commission est également tenue d’informer lorsqu’elle initie une procédure.

Gestion des ententes :

  • Critères de compétence : Le règlement 1-2003 définit les critères pour déterminer quelle autorité de concurrence gère une entente.
    • Une entente affectant substantiellement un seul État membre sera traitée par l’autorité de cet État.
    • Si plusieurs territoires sont impactés, deux ou trois autorités peuvent intervenir.
    • La Commission européenne prend le relais si l’intérêt de l’Union l’exige.

Rôle pivot de la Commission :

  • Consultation et intervention : Les autorités nationales peuvent consulter la Commission sur l’application du droit de l’UE. De plus, la Commission peut initier des procédures au niveau européen si nécessaire, en prenant le pas sur les autorités nationales.
  • Autorité décisionnelle : Les décisions de la Commission prévalent sur celles des autorités nationales, qui ne peuvent agir en contradiction avec ces dernières.

 

2) Coopération entre juridictions nationales et la Commission européenne

La réforme du système de régulation de la concurrence dans l’Union Européenne a conduit à une coopération accrue entre les juridictions nationales et la Commission européenne, avec une répartition plus équilibrée des responsabilités.

  • Élargissement des compétences des juridictions nationales : Les juridictions nationales sont désormais compétentes pour accorder des exemptions en vertu de l’article 101 paragraphe 3. Cela représente une extension significative de leur rôle dans l’application du droit de la concurrence.
  • Rôle prédominant de la Commission européenne :
    • Respect des décisions de la Commission : Lorsqu’une juridiction nationale statue sur un accord ayant déjà fait l’objet d’une décision de la Commission, elle ne peut contredire cette décision. En cas de doute sur la légalité d’une telle décision, la juridiction doit surseoir à statuer et poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Seule la CJUE a l’autorité pour invalider une décision de la Commission dans le domaine de la concurrence.
    • Procédures en cours devant la Commission : Si une juridiction nationale est saisie d’une affaire faisant déjà l’objet d’une procédure devant la Commission, elle doit décider si elle doit surseoir à statuer en attendant la décision de la Commission.
  • Intervention de la Commission dans les procédures nationales :
    • Participation de la Commission : La Commission européenne peut intervenir dans les procédures devant les juridictions nationales, en soumettant des observations écrites et, avec l’accord de la juridiction, des observations orales.
    • Échange d’informations : Les juridictions nationales doivent fournir à la Commission des copies de tous les jugements et documents nécessaires pour lui permettre de présenter ses observations. Inversement, la Commission doit fournir aux juridictions nationales, sur demande, les informations qu’elle détient sur une affaire spécifique.
    • Demande d’avis à la Commission : Les juridictions nationales peuvent solliciter l’avis de la Commission sur l’application des règles de concurrence, avec l’obligation pour la Commission de répondre dans un délai de quatre mois.

Cette coopération renforcée entre les juridictions nationales et la Commission européenne vise à optimiser la répartition des tâches et à éviter la surcharge au niveau européen,

 

Chapitre 2 : Le principe de prohibition des ententes restrictives de concurrence.

Le principe de prohibition des ententes restrictives de concurrence est un pilier du droit de la concurrence de l’Union européenne. Ce principe vise à assurer un marché intérieur compétitif en interdisant les accords et pratiques concertées entre entreprises qui ont pour objet ou effet de restreindre, fausser ou empêcher la concurrence. C’est l’article 101§& qui interdit toutes les ententes entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui pourraient affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.

 

SECTION 1 : L’INTERDICTION DES ENTENTES – ARTICLE 101 PARAGRAPHE 1 TFUE

L’article 101, paragraphe 1, du TFUE, définit les pratiques commerciales prohibées et les conditions sous lesquelles elles sont jugées contraires au droit de la concurrence de l’UE.

  • Contenu de l’Article 101 Paragraphe 1 du TFUE :
    • Clause d’Interdiction : Tout accord entre entreprises, décisions d’associations d’entreprises, et pratiques concertées sont interdits lorsqu’ils :
      • Sont susceptibles d’influencer le commerce entre États membres.
      • Ont pour but ou effet d’entraver, limiter ou fausser la concurrence au sein du marché intérieur.
  • Conditions d’Application de l’Article :
    • Pour qu’une pratique soit considérée comme relevant de cet article, elle doit remplir trois conditions essentielles :
      1. Concertation entre entreprises : La pratique doit impliquer une coordination ou une coopération entre différentes entreprises.
      2. Impact sur la concurrence : Cette coordination doit porter atteinte à la concurrence au sein du marché.
      3. Effet sur le commerce inter-États membres : La pratique concernée doit influencer le commerce entre les différents États membres de l’UE.

 

Paragraphe 1 : Une concertation entre entreprises

L’entente suppose un comportement bilatéral ou multilatéral. Le traité précise ce qu’il faut entendre par concertation. Il existe 3 hypothèses :

1) Accord entre entreprises

Pour constituer un accord, il faut l’existence d’une volonté concordante entre plusieurs entreprises concernées. Ce concours de volonté peut prendre des formes diverses : accord juridique obligatoire signé entre les entreprises, mais il peut être tacite et prendre la forme d’un arrangement informel qui révèle l’existence d’une volonté commune, orale, formulée lors de réunions.

Dans certains cas, la CJUE a admis que l’accord pouvait prendre la forme d’un comportement ou un acte unilatéral, lorsqu’il y a acquiescement des autres parties à l’accord à ce comportement ou à cet acte.

Exemple : Envoi d’une lettre d’un fabriquant à ses distributeurs qui dictent un comportement interdit, et les distributeurs exécutent ce qui est dit dans la lettre.

On fait une distinction entre :

  • Les accords horizontaux : ils impliquent l’existence d’un accord entre entreprises opérant au même niveau de marché, c’est à dire une opération entre concurrents
  • Les accords verticaux : ils opèrent à différents niveaux de la chaîne de distribution et de production.

 

2) Décisions d’association d’entreprises

Le traité ne vise pas en elle même l’association d’entreprises qui pet être conforme au droit de l’UE. Il vise la décision prise par cette association qui pourrait avoir un objet anticoncurrentiel.

Exemple : Décisions prises par un ordre professionnel…

 

3) Pratiques concertées

Les pratiques concertées et l’arrêt Suiker unie de la CJUE du 15 décembre 1975 :

  • Définition des Pratiques Concertées selon la CJUE :
    • Dans l’arrêt Suiker unie du 15 décembre 1975, la CJUE a précisé la notion de pratique concertée.
    • Une pratique concertée implique une forme de coordination entre entreprises qui :
      • Ne résulte pas de la formation d’une convention formelle.
      • Remplace délibérément le risque concurrentiel par une pratique commune.
      • Mène à des conditions de concurrence qui ne reflètent pas les conditions normales du marché, compte tenu de facteurs tels que la nature des produits, la taille et le nombre d’entreprises, ainsi que le volume et la nature du marché.
      • Crée une coopération qui solidifie des situations au détriment de la libre circulation des produits et du choix libre des consommateurs.
  • Importance de l’Acceptation Consciente :
    • Ce qui est crucial dans une pratique concertée est l’acceptation consciente et volontaire par les entreprises d’une perte d’autonomie sur le marché.
  • Difficulté de Distinction entre Pratique et Accord :
    • La distinction entre une pratique concertée et un accord n’est pas toujours évidente, particulièrement en raison de l’interprétation étendue de l’accord par la CJUE.

Paragraphe 2 : Une atteinte portée à la concurrence

L’article 101 paragraphe 1 interdit la concertation entre entreprises qui ont pour effet d’empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

La CJUE a posé les principes guidant cette atteinte : Il faut regarder l’objectif de la concertation et les effets sur le marché en cause.

La CJUE a transposé au droit de la concurrence son interprétation large de l’entrave. Elle a posé le principe selon lequel il fallait tenir compte des effets réels et potentiels sur la concurrence.

Pour qu’un accord soit considéré comme portant atteinte à la concurrence, il suffit qu’il soit susceptible d’avoir des effets anti concurrentiels.

Il doit être susceptible d’avoir des effets sur les prix, sur la production, sur la qualité ou la diversité des produits ou encore sur l’innovation.

L’article 101 donne des exemples de comportements anticoncurrentiels :

  1. Fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction,
  2. Limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,
  3. Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement,
  4. Appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
  5. Subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

Paragraphe 3 : Une affectation du commerce entre États membres

Selon l’article 101 du TFUE :

  • Affectation du Commerce entre États Membres selon l’Article 101 :
    • L’article 101 cible les comportements qui sont susceptibles d’impacter les échanges commerciaux entre les États membres de l’UE.
    • Pour être considéré sous l’article 101, l’impact sur le commerce doit être significatif, même s’il est seulement potentiel.
    • Dans certains cas, l’impact est manifeste, notamment lorsque l’accord est conclu entre des entreprises de différents États membres. Cependant, cela ne signifie pas automatiquement que l’accord est exclu du champ d’application de l’article 101.
  • Conditions de licéité de l’accord :
    • Si un accord remplit les trois conditions établies par l’article 101, il est considéré illicite de plein droit.
    • Une exception existe si l’accord peut bénéficier des exemptions prévues par l’article 101 paragraphe 3.

 

SECTION 2 : L’EXEMPTION – ARTICLE 101 PARAGRAPHE 3 Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne

Que dit l’Article 101 paragraphe 3 :  « Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables: »

  • à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises,
  • à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises et
  • à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:
    • a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,
    • b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.

 

Ce régime d’exemption s’explique par le fait que les règles communautaires de la concurrence permet d’accroître le bien être du consommateur et comme un moyen d’assurer une répartition efficace des ressources. Des accords qui restreignent la concurrence peuvent avoir des effets pro-concurrentiels car ils créent un surcroit de valeur en abaissant les coups de production ou améliorant la qualité du produit ou en permettant la création d’un nouveau produit avec l’idée que lorsque les effets pro-concurrentiels l’emportent sur les effets anticoncurrentiels, l’accord devient favorable à la concurrence et donc compatible avec les objectifs communautaires de la concurrence.

 

4 conditions cumulatives :

  • 1/ Les accords doivent contribuer à améliorer la distribution et la production des produits ou à promouvoir le progrès technique et économique

! L’amélioration doit dépasser l’avantage que les partenaires retirent de l’accord.

Exemple : Accord de spécialisation qui porterait sur la fabrication, sur la recherche et le développement du produit en cause et qui engendrerait des économies de coût ou favoriserait le progrès technique.

C’est aussi le cas d’accords qui ont pour objet de réaliser des économies d’énergie ou encore un accord de technologie entre plusieurs entreprises qui va permettre l’apparition d’un nouveau produit.

Il faut un lien de causalité direct entre l’objet de l’accord et le gain d’efficacité de l’amélioration invoquée.

  • 2/ Les utilisateurs doivent pouvoir obtenir une partie équitable du profit qui en résulte

! Le terme utilisateur doit être entendu dans un sens large, ce sont les consommateurs et les utilisateurs industriels et les revendeurs. Ce sont les clients des parties à l’accord et ceux des accords ultérieurs.

Il faut que les utilisateurs obtiennent une partie du profit qui résulte de l’accord. La notion de profit doit être entendue largement. Cela concerne aussi l’amélioration et la qualité du service rendu ou du produit.

Cela se traduit aussi par des meilleures garanties ou par un meilleur service après vente, un meilleur approvisionnement, cela concerne aussi l’accès à la nouvelle technologie.

L’accord peut aussi bénéficier aux utilisateurs quand il permet une meilleure préservation de la santé et de l’environnement (renforcement).

  • 3/ Les restrictions doivent être indispensables pour atteindre ces objectifs

! Est ce que l’accord est nécessaire pour réaliser le gan d’efficacité ? Est-ce que les restrictions de la concurrence qui en découlent apparaissent aussi raisonnablement nécessaires au gain recherché.

Y-a-il plus de gain avec l’accord ou sans l’accord ?

On retrouve le principe de proportionnalité. On admet des restrictions que si elles sont nécessaires et proportionnées au gain d’efficacité recherché.

Deux conséquences :

    • Les parties doivent démontrer qu’il n’y a pas de moyens économiquement plus acceptables pour atteindre le but d’efficacité allégué.
    • Elles doivent démontrer qu’en l’absence de chacune des restrictions imposées par l’accord, la réalisation du lien d’efficacité serait improbable.
  • 4/ L’accord ne doit pas donner aux entreprises la possibilité pour une partie substantielle des produits en cause d’éliminer la concurrence ;

! Il faut une dose minimale de concurrence. C’est l’entreprise qui veut bénéficier de l’exemption qui doit vérifier qu’elle remplie les 4 conditions.

 

Article 101§3 : Il y a deux types d’exemptions prévus par l’article 101, paragraphe 3, du TFUE, soulignant la distinction entre les exemptions individuelles, décidées au cas par cas, et les exemptions générales, qui s’appliquent à des catégories entières d’activités ou d’accords.

      1. Exemptions Individuelles :
        • Ces exemptions sont attribuées au cas par cas.
        • La décision est prise soit par les autorités nationales, soit par la Commission Européenne, en fonction de l’impact des actions concernées.
      2. Exemptions Générales (par catégorie) :
        • Il s’agit d’une forme d’exemption appliquée à des catégories entières d’activités ou d’accords.
        • Ces exemptions sont établies par un acte législatif de l’Union Européenne et relèvent exclusivement de la compétence des autorités de l’Union.
        • La Commission Européenne et le Conseil de l’UE partagent les compétences dans ce domaine, bien que le Conseil puisse déléguer certains pouvoirs à la Commission.

 

Chapitre 3 – L’abus de position dominante

Article 102 TFUE : « Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. »

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:

  1. imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,
  2. limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,
  3. appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
  4. subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.

L’article 102 interdit l’abus de position dominante et non les positions dominantes. Cet article a été présenté comme complémentaire de l’article 101 sur l’interdiction des ententes. Le point commun est l’élément d’extranéité, il faut que le comportement de l’entreprise soit susceptible d’affecter le commerce entre État membre. 

2 différences avec l’article 101 :

 l’article 102 du TFUE, mettant en évidence les différences clés avec l’article 101 et expliquant les implications de ces différences :

  • Comportement des entreprises :
    • Article 101 : Concerne un comportement multilatéral entre entreprises.
    • Article 102 : Cible spécifiquement le comportement unilatéral d’une entreprise en position dominante.
  • Régime d’exemption :
    • Article 102 : Aucune exemption n’est prévue, contrairement à l’article 101.
  • Application en cas de restriction de concurrence :
    • Si une entreprise en position dominante participe à un accord anticoncurrentiel, elle peut être sanctionnée soit :
      • Sous l’Article 101 : toutes les entreprises impliquées dans l’accord sont concernées.
      • Sous l’Article 102 : uniquement l’entreprise abusant de sa position dominante est ciblée.
  • Jurisprudence de la CJUE :
    • Principe établi : Même si une entreprise bénéficie d’une exemption individuelle sous l’article 101, elle peut être poursuivie sous l’article 102 si elle détient une position dominante et abuse de cette position pour tirer avantage de l’accord.

SECTION 1 : LA POSITION DOMINANTE

  • Définition de la position dominante :La position dominante se réfère à la situation dans laquelle une entreprise ou un groupe d’entreprises exerce un pouvoir économique significatif sur un marché donné, lui permettant d’agir indépendamment de ses concurrents, de ses clients, et finalement des consommateurs. L’article 102 du TFUE interdit l’abus de position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci, dans la mesure où cela pourrait affecter le commerce entre États membres.La position dominante est définie comme un état de fait plutôt qu’une action spécifique.
  • Précision de la CJUE du 14 Février 1998 :
    • La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a clarifié cette notion en indiquant qu’elle se réfère à une situation où une entreprise détient une puissance économique suffisante pour :
      • Obstruer la concurrence effective sur le marché concerné.
      • Permettre à l’entreprise de se comporter de manière indépendante face à ses concurrents, clients et consommateurs, dans une mesure significative.
  • Interprétation de la notion par la CJUE :
    • Pour être considéré en position dominante, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait éliminé toute concurrence. Il suffit qu’elle ait la capacité de restreindre significativement la concurrence.

 

SECTION 2 : L’ABUS DE POSITION DOMINANTE.

L’article 102 donne des exemples, ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:

  1. imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,
  2. limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,
  3. appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
  4. subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats

Définition jurisprudentielle : Arrêt 13 Février 1979 – Hoffmamn-la-Roche

« La notion d’exploitation abusive d’une position dominante est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché ou à la suite de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des services et des produits sur la base de prestation des opérateurs économiques au maintien du développement de la concurrence exercée sur le marché ou au développement de cette concurrence.

Communication de la commission 2008 : Elle retient les orientations qu’elle retient dans l’application de l’article 102. Elle vise 6 pratiques :

1/ Fixation de prix inéquitables sur le marché : fixation basse ou très haute

2/ Quand l’entreprise impose des redevances commerciales et discriminatoires au prestataire de service

3/ Quand l’entreprise impose à ses clients des liaisons entre les produits ou services du marché dominé ou d’autres produits dominés

4/ Lorsque l’entreprise impose au client des accords d’achats exclusifs pour une catégorie de produits ou de services

5/ En restreignant la concurrence des importations par exemple par des produits génériques moins chers. 6/ En pratiquant une politique de prix prédateurs consistant à vendre au dessous du prix de revient jusqu’à ce que le concurrent soit éliminé du marché.

Selon la CJUE, le renforcement d’une position dominante par des moyens concentrationnistes peut constituer un abus de position dominante et être sanctionnée au titre de l’article 102. Ce contrôle présentait des lacunes, la principale étant qu’il était a posteriori (problème de sécurité juridique pour les entreprises qui s’engageaient dans un processus de concentration car risque d’être condamnée mais après l’installation). Donc règlement 21/12/1989 qui est remplacé par un règlement du 20/01/2004 qui met en place un contrôle préalable des concentration de dimension communautaire.

La détermination de la position dominante implique une analyse approfondie du marché concerné. Les critères pris en compte incluent:

  1. La Part de Marché: Un indicateur clé, mais pas le seul. Une part de marché élevée est souvent un signe de position dominante, mais ce n’est pas automatique.
  2. La Puissance Économique et Financière: La capacité de l’entreprise à influencer le marché, par exemple, à travers des investissements importants ou des réserves financières considérables.
  3. L’Accès aux Fournitures ou aux Marchés: Si une entreprise contrôle l’accès à des ressources essentielles ou à des réseaux de distribution, cela peut indiquer une position dominante.
  4. Les Barrières à l’Entrée: Les obstacles que de nouvelles entreprises doivent surmonter pour entrer sur le marché jouent un rôle dans l’évaluation de la position dominante.
  5. La Technologie et l’Innovation: Les entreprises qui détiennent des technologies clés ou qui sont à la pointe de l’innovation peuvent occuper une position dominante.
  6. La Dépendance des Clients ou des Fournisseurs: Si les clients ou fournisseurs dépendent fortement d’une entreprise, cela peut indiquer une position dominante.

 

Chapitre 4 – Le contrôle préalable de concentration

Le contrôle des concentrations dans le cadre du droit de l’UE est essentiel pour plusieurs raisons, toutes visant à maintenir un marché intérieur sain et compétitif:

1. Prévention de la Création ou Renforcement de Positions Dominantes : Le contrôle empêche la formation de monopoles ou oligopoles qui pourraient réduire ou éliminer la concurrence. Ces positions dominantes peuvent entraîner des prix plus élevés, une qualité moindre, et moins d’innovation pour les consommateurs.

2. Protection des Consommateurs. En maintenant un niveau de concurrence élevé, le contrôle des concentrations vise à protéger les intérêts des consommateurs en termes de choix, de qualité et de prix. Il empêche les entreprises dominantes d’abuser de leur position, par exemple en imposant des prix injustement élevés ou en limitant l’accès au marché pour de nouveaux concurrents.

3. Maintien d’un Marché Intérieur Équitable : Le contrôle assure que toutes les entreprises, grandes ou petites, peuvent concourir sur un pied d’égalité, ce qui est crucial pour l’intégration et le fonctionnement efficace du marché intérieur de l’UE. Il aide à prévenir les distorsions du marché qui pourraient résulter de concentrations non réglementées.

4. Stimulation de l’Innovation :  La concurrence saine stimule l’innovation, car les entreprises cherchent à se démarquer et à améliorer leurs produits et services.

5. Impact sur l’Économie Globale :  Un marché concurrentiel favorise la croissance économique globale.

SECTION 1 : LE CHAMP D’APPLICATION : LES CONCENTRATIONS DE DIMENSION COMMUNAUTAIRE

La notion de concentration en droit de l’Union européenne (UE) est un élément central du droit de la concurrence, réglementée notamment par le Règlement (CE) n° 139/2004, connu sous le nom de Règlement sur les concentrations. Elle vise à contrôler les opérations qui peuvent modifier la structure du marché et affecter la concurrence au sein du marché intérieur.

Une concentration se produit lorsqu’une fusion de deux ou plusieurs entreprises indépendantes auparavant ou une acquisition de contrôle d’une ou plusieurs entreprises par une autre entreprise.

Paragraphe 1 : La notion de concentration.

La notion de Concentration selon le Droit de l’Union Européenne est encadrées principalement par le règlement de 2004 et par la communication de la Commission de 1998. Voici les principaux aspects de cette notion :

  1. Définition du Règlement de 2004 (Article 3) :
    • Changement durable de contrôle : Une concentration est considérée comme réalisée lorsqu’il y a un changement durable dans le contrôle d’une ou plusieurs entreprises. Ce changement peut résulter de plusieurs scénarios :
      • Fusion d’entreprises : La fusion de deux ou plusieurs entreprises ou parties d’entreprises précédemment indépendantes.
      • Acquisition de contrôle : L’acquisition, directe ou indirecte, du contrôle d’une ou plusieurs entreprises par une ou plusieurs personnes déjà en contrôle d’au moins une entreprise.
  2. Précisions de la Communication de la Commission (2 Mars 1998) :
    • Contrôle factuel ou juridique : La Commission souligne que le contrôle peut découler d’éléments de fait ou de droit permettant à une entreprise d’exercer une influence déterminante sur une autre.
      • Fusion entraînant la création d’une nouvelle entité : Cela se produit lorsqu’une fusion aboutit à la création d’une nouvelle entreprise, dissolvant les entités précédentes (contrôle juridique).
      • Fusion sans dissolution juridique : Lorsque la fusion se réalise de facto, sans dissolution juridique des entreprises impliquées, mais avec une gestion commune et permanente (contrôle factuel).
  3. Manifestations du Contrôle :
    • Influence déterminante : Le contrôle doit permettre d’exercer une influence déterminante sur les activités d’une autre entreprise.
    • Exemples de Contrôle :
      • Droits de propriété ou de jouissance : Cela peut se manifester par des droits sur les biens de l’entreprise ou une influence sur la composition et les décisions de ses organes délibérants.
      • Prise de participation majoritaire : L’acquisition d’une participation majoritaire dans le capital d’une entreprise peut également constituer une forme de contrôle.

La notion de concentration dans le droit de l’UE a définition large qui vise à assurer que toute forme de concentration qui pourrait avoir un impact significatif sur le marché intérieur soit soumise à un examen adéquat au titre des règles de concurrence de l’UE.

Paragraphe 2 : La notion de dimension communautaire

La notion de dimension communautaire est un élément important dans la détermination de l’autorité compétente pour examiner une concentration d’entreprises au sein de l’Union Européenne. Cette notion repose sur des seuils de chiffre d’affaires qui définissent si une concentration doit être examinée au niveau européen par la Commission Européenne ou au niveau national par les autorités de concurrence des États membres.

Les critères principaux pour établir la dimension communautaire sont les suivants :

  1. Seuil au Chiffre d’Affaires Mondial :
    • Le chiffre d’affaires total réalisé mondialement par l’ensemble des entreprises concernées par la concentration doit être supérieur à un certain montant, qui est un indicateur de la portée et de l’impact potentiel de la concentration.
  2. Seuil au Chiffre d’Affaires au Niveau Européen :
    • Le chiffre d’affaires total réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées dans l’Union Européenne doit être supérieur à un montant spécifique.

Conditions Spécifiques :

  1. Chiffre d’Affaires Cumulé :
    • Le chiffre d’affaires cumulé de toutes les entreprises impliquées dans la concentration doit être supérieur à 5 milliards d’euros.
  2. Chiffre d’Affaires Individuel dans l’UE :
    • Chacune de ces entreprises doit avoir un chiffre d’affaires individuel dans l’UE supérieur à 250 millions d’euros.
    • Exception : Si chaque entreprise réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total au sein d’un seul et même État membre de l’UE, la concentration peut être considérée comme de dimension nationale plutôt que communautaire.

Ces seuils et conditions sont conçus pour identifier les concentrations ayant un impact transfrontalier significatif au sein de l’UE, nécessitant ainsi une évaluation et un contrôle par la Commission Européenne pour assurer la conformité avec les règles de concurrence de l’UE et maintenir un marché intérieur équitable et efficace.

 

Le règlement de 2004 de l’Union Européenne établit des critères spécifiques pour déterminer la dimension communautaire d’une concentration, même lorsque les principaux seuils de chiffre d’affaires ne sont pas atteints. Ces critères supplémentaires servent à identifier les concentrations qui, bien que ne répondant pas aux seuils principaux, présentent néanmoins une importance significative pour le marché intérieur de l’UE. Les conditions sont les suivantes :

  1. Chiffre d’Affaires Mondial :
    • Le chiffre d’affaires total réalisé mondialement par l’ensemble des entreprises concernées doit être supérieur à 2,5 milliards d’euros.
  2. Chiffre d’Affaires dans Au Moins Trois États Membres :
    • Dans au moins trois États membres, le chiffre d’affaires total combiné de toutes les entreprises concernées doit dépasser 100 millions d’euros.
  3. Chiffre d’Affaires par Entreprise dans Ces États Membres :
    • Dans chacun de ces trois États membres (au moins), le chiffre d’affaires réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées doit excéder 25 millions d’euros.
  4. Chiffre d’Affaires dans l’UE :
    • Le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’UE par au moins deux des entreprises concernées doit être supérieur à 100 millions d’euros, à moins que chaque entreprise ne réalise plus de deux tiers de son chiffre d’affaires total dans l’UE au sein d’un seul et même État membre.

En plus de ces critères basés sur le chiffre d’affaires, le règlement inclut également un mécanisme connu sous le nom de « critère du type 3+ ». Ce mécanisme permet aux États membres d’initier une évaluation au niveau européen pour certaines concentrations :

  • Critère du Type 3+ :
    • Si au moins trois États membres demandent à la Commission de prendre en charge l’examen d’une concentration, la Commission peut exercer une compétence exclusive pour évaluer cette concentration, même si les seuils de chiffre d’affaires ne sont pas atteints.

Ce système permet de s’assurer que les concentrations ayant un impact potentiellement significatif sur le marché intérieur de l’UE, mais qui ne répondent pas nécessairement aux critères de chiffre d’affaires standards, puissent être évaluées de manière appropriée au niveau européen. Cela garantit une application cohérente des règles de concurrence au sein de l’Union.

 

SECTION 2 : L’APPRÉCIATION DE LA COMPATIBILITÉ DE LA CONCENTRATION AVEC LE DROIT DE L’UE

Le cadre réglementaire de l’UE prévoit un système de contrôle préalable des concentrations, basé sur le principe du guichet unique, avec des exceptions permettant certaines flexibilités :

  1. Concentration de Dimension Communautaire Examinée par une Autorité Nationale :
    • Si un État membre informe la Commission qu’une concentration, bien que de dimension communautaire, a un impact significatif sur un marché spécifique à l’intérieur de cet État, il peut demander le renvoi de l’examen au niveau national.
    • La Commission peut alors décider de transférer le contrôle de cette concentration à l’autorité nationale, considérant que cette dernière est mieux placée pour effectuer l’analyse compte tenu de l’impact local spécifique.
  2. Concentration Nationale Examinée par la Commission Européenne (Critère 3+) :
    • Dans les cas où trois États membres ou plus demandent à la Commission d’examiner une concentration qui, en principe, ne dépasse pas les seuils pour être considérée de dimension communautaire, la Commission peut prendre en charge l’examen.
    • Ce mécanisme, connu sous le nom de « critère 3+ », permet à la Commission d’évaluer des concentrations qui, bien que principalement nationales dans leur impact, présentent des implications transfrontalières significatives.

Ces dispositions assurent que les concentrations d’entreprises qui peuvent affecter la concurrence et le marché intérieur de l’UE sont examinées au niveau le plus approprié, que ce soit par la Commission Européenne ou par les autorités nationales de concurrence. 

OBJET DU CONTRÔLE :

  • Examen de la Conformité avec le Marché Intérieur : La Commission vérifie si la concentration crée ou renforce une position dominante qui entrave significativement la concurrence sur le marché de l’UE.
  • Contrôle Préalable : Ce contrôle est effectué avant la mise en œuvre de la concentration pour prévenir les effets anticoncurrentiels.

PROCÉDURE DE CONTRÔLE :

La procédure de contrôle des concentrations dans l’Union Européenne est structurée en plusieurs étapes clés, garantissant que les concentrations respectent les règles de concurrence de l’UE. Voici un résumé de cette procédure :

Étape 1 : Notification

  • Procédure Préalable Obligatoire : Les entreprises impliquées dans une concentration de dimension communautaire doivent notifier leur projet à la Commission Européenne avant sa mise en œuvre, mais après la conclusion de l’accord, de l’offre publique d’achat, ou de l’acquisition de parts sociales.
  • Notification Anticipée : Pour des raisons de sécurité juridique, les entreprises peuvent notifier à la Commission leur projet de concentration avant même la réalisation d’un accord formel.

Étape 2 : Analyse de Conformité

  • Détermination de la Juridiction : La Commission détermine si la concentration relève du règlement de 2004, c’est-à-dire si elle a une dimension communautaire ou nationale.
  • Types de Décisions :
    • Concentration Compatible : Si la Commission juge la concentration compatible avec le marché commun.
    • Examen Approfondi en cas de Doutes : Si la Commission a des doutes sérieux sur la compatibilité de la concentration, elle peut :
      • Demander des renseignements supplémentaires aux entreprises concernées.
      • Réaliser des inspections sur site. Les inspecteurs mandatés peuvent accéder aux locaux de l’entreprise, examiner et copier les documents, apposer des scellés, et interroger les représentants de l’entreprise.

Sanctions en Cas de Non-Conformité :

  • Si une entreprise ne se conforme pas aux demandes de la Commission ou s’oppose aux inspections, la Commission peut imposer des sanctions financières, telles que des amendes ou des astreintes. Les amendes peuvent être imposées pour la fourniture de renseignements inexactes ou la violation de scellés, et les astreintes peuvent être appliquées en cas de retard dans la fourniture des informations requises.

Le but de cette procédure de contrôle est de veiller à ce que les concentrations ne créent pas de positions dominantes susceptibles de nuire à la dynamique concurrentielle.

Dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations d’entreprises au sein de l’Union Européenne, la Commission Européenne dispose de pouvoirs de sanction significatifs pour garantir la conformité des entreprises aux règles de concurrence. Ces sanctions comprennent des amendes et des astreintes, calculées en pourcentage du chiffre d’affaires (CA) total de l’entreprise concernée :

Amendes :

  • Pour Fourniture d’Informations Inexactes ou Bris de Scellés :

    • La Commission peut infliger des amendes allant jusqu’à 1% du CA total de l’entreprise concernée en cas de fourniture délibérée ou par négligence de renseignements inexactes, ou en cas de bris de scellés imposés lors d’une inspection.
  • Pour Non-Notification d’une Concentration :
    • Si une entreprise omet de notifier une concentration de dimension communautaire ou si cette concentration est jugée non conforme au droit de l’UE, la Commission peut imposer une amende pouvant aller jusqu’à 10% du CA total de l’entreprise.

Astreintes :

  • Pour Retard dans la Fourniture de Documents :
    • La Commission est en droit d’imposer des astreintes allant jusqu’à 5% du CA total journalier moyen de l’entreprise pour chaque jour ouvrable de retard par rapport à la date fixée par la Commission pour la soumission de documents requis.

Ces mesures punitives sont conçues pour dissuader les comportements non conformes et encourager la transparence et la coopération des entreprises lors des procédures de contrôle des concentrations.

 

Titre 2 – Les règles de la concurrence applicables à l’action des États.

 Qui dit action de l’État dit forcément atteinte à la concurrence. Quelles sont les moyens de l’État pour intervenir ? Attribution de monopole, aides d’État, biais de la pression juridique ou factuelle que peut avoir l’État sur certaines entreprises.

Dès l’origine, les auteurs ont pris conscience des risques d’atteinte à la concurrence via l’action de l’État et plusieurs dispositions vont encadrer l’action de l’État.

  

Chapitre 1 – Le droit de la concurrence et les aides d’État

Interaction entre le Droit de la Concurrence et les Aides d’État dans l’Union Européenne selon les Articles 107 et 108 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) :

  • Principe de Base et Dérogations :
    • Interdiction de base : Les articles 107 et 108 TFUE établissent comme principe fondamental l’interdiction des aides d’État qui faussent ou menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre les États membres.
    • Possibilités de dérogation : Cependant, ces articles prévoient des exceptions, où certaines aides peuvent être autorisées sous conditions spécifiques, notamment pour des raisons de cohésion sociale, de développement régional, ou de gestion de crises.
  • Portée des Aides d’État :
    • Au-delà des aides d’État stricto sensu : Bien que le terme soit « aides d’État », il englobe en réalité toutes les aides octroyées par des entités publiques, incluant les collectivités territoriales.
    • Jurisprudence de la CJUE : La Cjue, dans l’arrêt du 14 octobre 1987 (RFA contre Commission), a clarifié que l’article 107 (anciennement article 92) s’applique également aux aides accordées par des entités régionales ou locales. Cet arrêt souligne que la notion d’aide d’État ne se limite pas aux actions directes des gouvernements centraux, mais s’étend aux mesures financières prises par toutes les autorités publiques au sein des États membres.
  • Contrôle des Aides d’État selon l’Article 108 TFUE :
    • Rôle central de la Commission Européenne : L’article 108 TFUE instaure un mécanisme de contrôle des aides d’État, attribuant à la Commission Européenne un rôle essentiel dans ce processus. La Commission examine les aides proposées par les États membres pour s’assurer qu’elles respectent les règles de concurrence de l’UE et ne faussent pas indûment le marché intérieur.
    • Procédure de notification et d’examen : Les États membres sont tenus de notifier à la Commission toute nouvelle aide ou tout changement dans une aide existante. La Commission évalue ensuite si ces aides sont compatibles avec le marché intérieur et peuvent bénéficier d’une dérogation en vertu de l’article 107 TFUE.

Les articles 107 et 108 TFUE structurent la régulation des aides d’État au sein de l’UE, visant à préserver une concurrence équitable tout en permettant certaines interventions économiques pour des motifs d’intérêt public.

 

 

SECTION 1 : LE PRINCIPE DE L’INCOMPATIBILITÉ DES AIDES D’ÉTAT AVEC LE MARCHE INTÉRIEUR

Ce principe découle de l’article 107 paragraphe 1 TFUE : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

 

Paragraphe 1 : la notion d’aide d’État.

Notion d’Aide d’État selon l’Article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) :

  • Définition et portée : Les aides d’État désignent les avantages octroyés par les États membres qui affectent les échanges entre eux. Ces avantages peuvent prendre plusieurs formes, telles que des subventions, des fournitures de biens et de services à conditions préférentielles, des exonérations fiscales, ou des garanties de prêt avantageuses.
  • Critères d’interdiction des aides d’État : La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a précisé que les aides sont interdites lorsqu’elles diminuent artificiellement les frais d’investissement ou les coûts de production d’une entreprise, ou lorsqu’elles permettent à l’État de prendre en charge les pertes de certaines entreprises.Exemple : L’octroi d’un tarif préférentiel pour la fourniture de gaz à une entreprise spécifique.
  • Condition d’avantage concurrentiel : Une aide d’État est caractérisée lorsque l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.
  • Prise de participation publique dans le capital d’une entreprise :
    • Usage fréquent : Cette pratique est souvent utilisée pour soutenir les entreprises en difficulté.
    • Critères de la CJUE : La Cour de Justice des Communautés Européennes  a établi que cette participation peut constituer une aide d’État. Pour ne pas être qualifiée comme telle, deux conditions doivent être remplies :
      • Plans de restructuration viables : L’entreprise doit présenter des plans de restructuration fiables, incluant des réductions de capacité et démontrant une volonté de retrouver une compétitivité durable.
      • Investissement viable pour un opérateur privé : L’État doit démontrer qu’un opérateur privé en quête de profit aurait pu réaliser un investissement similaire.

 La CJUE impose des critères stricts pour déterminer si un avantage constitue une aide d’État, en veillant particulièrement à ce que les mesures étatiques n’offrent pas d’avantages anticoncurrentiels à certaines entreprises au détriment du marché intérieur.

Paragraphe 2 : Le principe de l’incompatibilité des aides d’État.

Principe de l’Incompatibilité des Aides d’État selon l’Article 107 paragraphe 1 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne :

  • 1. Impact sur les échanges entre États membres :

    • Critère d’affectation des échanges : L’aide est jugée incompatible si elle affecte, même de manière minime, les échanges commerciaux entre les États membres.
  • 2. Distorsion ou menace de distorsion de la concurrence :
    • Interprétation étendue de la distorsion : La Commission européenne interprète largement cette condition. Toute aide résultant en une prise en charge par les pouvoirs publics d’une partie des coûts normalement supportés par l’entreprise bénéficiaire est considérée comme distorsive. Cela inclut les apports en capital facilitant la restructuration économique ou financière d’une entreprise qui, sans cette aide, n’aurait pas survécu.
    • Conséquence : Peu d’aides échappent à cette définition étendue. Cependant, l’UE reconnaît les risques de cette interprétation pour les collectivités territoriales et a donc introduit les règlements de minimis.
  • Règlements de Minimis :
    • Exemption des petites aides : Ces règlements exonèrent les aides de faible montant de l’application du droit de l’UE en matière d’aides d’État.
    • Seuils définis : Actuellement, les aides n’excédant pas 200 mille euros sur trois ans ne sont pas considérées comme des aides d’État. Pour les garanties de prêt, le seuil est fixé à 1,5 millions d’euros.
    • Règlement de 2012 pour les services économiques d’intérêt général : Ce règlement augmente le seuil à 500 mille euros sur trois ans pour les aides destinées à ces services.
  • 3. Favoritisme envers certaines entreprises ou productions :
    • Exclusion des mesures générales : Les mesures qui profitent à l’ensemble de l’économie, telles qu’une baisse générale des charges sociales, de la TVA, ou de l’Impôt sur les Sociétés (IS), ne sont pas considérées comme des aides d’État.
    • Spécificité requise : L’aide doit cibler des entreprises ou des productions spécifiques pour être qualifiée d’aide d’État.

Le principe d’incompatibilité des aides d’État vise à maintenir un équilibre entre la nécessité de soutenir certaines activités économiques et la préservation d’une concurrence saine et équitable au sein du marché unique européen.

SECTION 2 : LES DÉROGATIONS AU PRINCIPE DE L’INCOMPATIBILITÉ

Dérogations au Principe de l’Incompatibilité des Aides d’État selon les Articles 107 paragraphe 2 et 3 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne :

  • Dérogations de Plein Droit :
    • a) Aides à caractère social : Aides accordées directement aux consommateurs individuels, notamment pour des biens de première nécessité, à condition qu’elles soient non discriminatoires envers l’origine des produits.
    • b) Aides pour calamités naturelles ou événements extraordinaires : Aides destinées à pallier les dommages causés par des catastrophes naturelles ou des situations exceptionnelles.
    • c) Aides à certaines régions de l’Allemagne : Aides octroyées pour compenser les désavantages économiques résultant de la division historique de l’Allemagne. Ces aides restent pertinentes même après la réunification, en raison des disparités économiques persistantes entre les deux anciennes Allemagnes.

    Ces dérogations sont appliquées automatiquement sans pouvoir discrétionnaire de la Commission, mais sont rarement invoquées dans la pratique.

  • Dérogations Facultatives :
    • a) Développement économique de régions défavorisées : Aides pour les régions avec un niveau de vie bas ou un fort sous-emploi, y compris celles citées dans l’article 349, en tenant compte de leur contexte structurel, économique et social.
    • b) Projets d’intérêt européen ou remédiation de perturbations économiques : Aides pour soutenir des projets majeurs d’intérêt européen ou pour répondre à des perturbations graves de l’économie d’un État membre.
    • c) Développement d’activités ou régions économiques spécifiques : Aides pour favoriser le développement de certaines activités ou régions, à condition que cela n’affecte pas négativement les conditions de commerce à un niveau contraire à l’intérêt commun.
    • d) Promotion de la culture et conservation du patrimoine : Aides pour soutenir la culture et la conservation du patrimoine, à condition qu’elles n’affectent pas négativement le commerce et la concurrence au sein de l’UE.

    Ces dérogations facultatives sont fréquemment utilisées par les États membres. La Commission européenne dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour évaluer l’éligibilité des projets d’aide à ces dérogations.

  • Rôle d’orientation de la Commission : Pour aider les États membres, la Commission a rédigé des actes clarifiant son interprétation de ces dérogations.

Ces dérogations montrent la flexibilité du cadre réglementaire des aides d’État, permettant une certaine adaptation aux besoins sociaux, économiques et culturels spécifiques des États membres et de leurs régions, tout en préservant les principes du marché intérieur européen.

 

SECTION 3 : LE CONTRÔLE DES AIDES D’ÉTAT

Le contrôle est centralisé au niveau européen et il est concentré sur la commission.

Paragraphe 1 : Le contrôle exercé principalement par la commission européenne.

 A) le contrôle par la commission des aides existantes.

Le contrôle des aides existantes par la Commission européenne est un processus clé dans la gestion des aides d’État au sein de l’Union Européenne, en particulier pour les aides préexistantes à l’adhésion d’un État membre à l’UE. Ce contrôle se déroule en trois phases principales :

1. Phase de Dialogues Officieux :

  • Négociations Initiales : Avant d’entamer une procédure formelle, il y a une phase de dialogues officieux entre l’État membre concerné et la Commission. Ces négociations visent à adapter l’aide pour la rendre compatible avec les règles de l’UE.
  • Base Règlementaire : Bien que non prévue explicitement par le traité, cette phase est le résultat du règlement du 23 mars 1999.

2. Phase Administrative-Précontentieuse :

  • Procédure Formelle : Selon l’article 108, paragraphe 2, alinéa 1 du TFUE, si la Commission constate qu’une aide d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur ou est appliquée abusivement, elle demande à l’État concerné de supprimer ou modifier cette aide dans un délai fixé.
  • Négociations Multilatérales : Cette phase implique des négociations entre l’État membre dispensant l’aide, les autres États membres, les entreprises bénéficiant de l’aide, et les entreprises concurrentes.
  • Délai et Décisions : Cette phase ne doit pas excéder 18 mois. La Commission prend ensuite une décision sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide, avec la possibilité de demander des modifications. Les décisions de la Commission peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions de l’UE.

3. Phase de Recours en Manquement de Type Accéléré :

  • Non-conformité à la Décision : Si l’État ne se conforme pas à une décision d’incompatibilité dans le délai imparti, une phase de recours en manquement accéléré peut être initiée.
  • Article 108, paragraphe 2, alinéa 2 : Selon cet article, la Commission ou tout autre État membre peut saisir directement la Cour de justice de l’Union Européenne si l’État ne respecte pas la décision de la Commission.

Conclusion : Ce processus de contrôle des aides existantes par la Commission européenne est essentiel pour garantir que les aides d’État accordées par les États membres sont conformes aux règles du marché intérieur de l’UE et ne faussent pas la concurrence de manière injuste. Ce mécanisme rigoureux assure une application uniforme des règles de l’UE en matière d’aides d’État et contribue à préserver l’équité et l’intégrité du marché unique européen.

B) le contrôle par la commission des aides nouvelles.

  • Introduction des aides après adhésion à l’UE : Ces aides, introduites postérieurement à l’adhésion à l’Union Européenne, nécessitent un contrôle préalable par la Commission.
  • Article 108 paragraphe 3 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE : Il stipule que la Commission doit être informée en amont des projets d’aide, pour émettre ses observations. Si un projet est jugé incompatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 107, la Commission déclenche immédiatement la procédure d’examen. L’État membre concerné ne peut pas exécuter les mesures envisagées avant une décision finale de la Commission.
  • Principe de contrôle préalable : Les États ou autorités locales désirant instaurer une aide doivent notifier leur projet à la Commission, qui décidera de sa compatibilité ou incompatibilité avec le marché intérieur. L’État ne peut pas appliquer le régime d’aide sans l’approbation de la Commission.
  • Exemption des aides de minimis : Ces aides mineures sont dispensées de la procédure de notification.
  • Réticence des États à notifier et pouvoir d’injonction de la CJUE : Historiquement, les États étaient réticents à notifier leurs aides à la Commission. Face à cette situation, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) s’est octroyé le pouvoir d’ordonner aux États de fournir les documents nécessaires à la Commission.
  • Droit de recours de la Commission en cas de manquement : La Commission a la faculté d’intenter une action en cas de non-respect des règles par un État membre.
  • Conséquences d’une aide non notifiée et jugée non compatible : Si un État accorde une aide sans notification préalable et que celle-ci est déclarée incompatible, la CJUE et la Commission ont établi le principe de restitution intégrale de l’aide d’État.

Paragraphe 2 : les collectivités territoriales et les aides

Les Collectivités Territoriales et le Régime des Aides dans l’Union Européenne :

  • Rôle des régions depuis la loi de décentralisation de 1982 : Les régions jouent un rôle prédominant dans l’octroi des aides, coordonnant celles-ci sur leur territoire. Les communes et les départements interviennent exceptionnellement.
  • Opacité historique des aides locales françaises : Pendant longtemps, les aides locales françaises ont manqué de transparence, avec peu de connaissance officielle des aides accordées. En conséquence, ces aides n’étaient souvent pas notifiées à la Commission européenne, ne respectant pas les procédures requises.
  • Modification apportée par la loi de 2004 – Article L1511 du Code des collectivités territoriales : Cette loi exige que l’État notifie à la Commission européenne les projets d’aides ou les régimes mis en œuvre par les Collectivités Territoriales, sous réserve de leur compatibilité avec les stratégies de développement de l’État.

Spécificités et implications de cette disposition :

  • Notification par les États et non par les Collectivités Territoriales : Cette approche confirme la centralité de l’État dans les relations avec les institutions européennes.
  • Processus de notification : La Collectivité Territoriale transmet son projet d’aide à l’État, qui notifie à la Commission européenne seulement si le projet est conforme aux stratégies de développement national.

Responsabilisation des Collectivités Territoriales instaurée par la loi de 2004 :

  • Obligation de récupération des aides : Les Collectivités Territoriales doivent récupérer sans délai les aides accordées à une entreprise si une décision de la Commission européenne ou un arrêt de la CJUE l’exige.
  • Substitution par l’État : En cas de non-récupération par la Collectivité Territoriale, l’État peut intervenir d’office.
  • Conséquences financières : Les Collectivités Territoriales assument les conséquences financières des condamnations de l’État résultant de l’exécution tardive ou incomplète des décisions de récupération.

Traduction dans l’ordre interne des décisions de la CJUE : Les dispositions de la CJUE sont intégrées dans le droit interne français, impactant les pratiques des Collectivités Territoriales.

Pouvoir de substitution de l’État et conséquences pour les Collectivités Territoriales :

  • Recours en manquement : En cas de non-récupération de l’aide par une Collectivité Territoriale, l’État français peut être condamné.
  • Responsabilité financière des Collectivités Territoriales : Dans le cas d’une action en responsabilité, les Collectivités Territoriales doivent supporter les condamnations financières de l’État.

Cette réglementation illustre l’interaction complexe entre les Collectivités Territoriales et l’État français dans le cadre de la conformité aux réglementations des aides d’État au sein de l’Union Européenne.

Chapitre 2 – le Droit de la concurrence et le secteur public

Le secteur public se distingue du secteur privé par sa dépendance par rapport de la puissance publique. Les entreprises qui font partie du secteur public ne peuvent pas se comporter comme des entreprises ordinaires.

Dans le cadre du traité, on a deux dispositions qui peuvent avoir des conséquences sur le secteur public : – Article 345 TFUE : « Les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ».

 

! On a une liberté des États quant à la nécessité de privatiser ou nationaliser certaines entreprises.

Les États peuvent déterminer librement leur secteur public. Elle apparaît favorable mais laisse en réalité une marge réduite aux États. Les États privatisent car aujourd’hui, du fait de l’influence du droit de l’UE, le secteur public a moins d’avantages : les dispositions s’appliquent de manière identique aux entreprises publiques et privées en matière de libre circulation et de concurrence. L’intérêt de la nationalisation était d’accorder des dérogations.

 

Article 106 paragraphes 1 – 2 et 3 TFUE :

  • « 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus.
  • 2.  Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union  
  •   3. La Commission veille à l’application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres. ».

 

  • Le paragraphe 1 soumet les entreprises publiques et les interventions des États qui les concernent au respect des règles de concurrence et du principe de non discrimination en raison de la nationalité.
  • Le paragraphe 2 ébauche un statut spécifique plus souple pour des entreprises particulières avec lesquelles l’État a un rapport particulier : entreprises qui gèrent un service économique d’intérêt général.
  • Le paragraphe 3 explique que le contrôle repose sur la commission.

 

SECTION 1 : LES RÈGLES OPPOSABLES AUX ENTREPRISES PUBLIQUES ET AUX INTERVENTIONS ÉTATIQUES LES CONCERNANT

Paragraphe 1 : les entreprises concernées par l’article 106 paragraphe 1 TFUE

Les entreprises visées sont :

  • Les entreprises publiques
  • Les entreprises auxquelles les États accordent des droits spéciaux exclusifs

Ces deux types d’entreprises ont un point commun : ce sont des entreprises avec lesquelles l’État (entendu dans un sens large) a des liens spécifiques.

A) les entreprises publiques

La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a établi une définition autonome et élargie des entreprises publiques qui diffère des définitions nationales, y compris la définition française. Cette définition est fondée sur deux conditions principales :

1. Définition d’une Entreprise :

  • Interprétation Large par la CJUE : Selon l’arrêt Hofner du 23 avril 1991, la notion d’entreprise couvre toutes les entités exerçant une activité économique, indépendamment de leur statut juridique et de leur mode de financement.
  • Critère d’Activité Économique : Le critère déterminant est la nature de l’activité exercée par l’entité, qui doit être économique. La CJUE ne tient pas compte de la forme juridique ou du mode de financement de l’entité.
  • Implications pour le Secteur Public : Cette définition inclut dans le secteur public des entités comme les associations ou les services sans personnalité juridique propre au sein d’une personne publique, à condition qu’elles exercent une activité économique.
  • Contre-Exemple : Un organisme qui assure la surveillance de la pollution dans un port pétrolier n’est pas considéré comme une entreprise car son activité relève de la police, et non de l’économie.

2. Qualification d’Entreprise Publique :

  • Indépendance par rapport à l’Activité : Le fait qu’une entité soit une entreprise publique ne dépend pas de la nature de son activité, et il n’y a pas de corrélation directe entre entreprise publique et activité de service d’intérêt général.
  • Directive de 1980 sur la Transparence : Cette directive fournit des critères pour déterminer si une entité est une entreprise publique. Selon cette directive, une entreprise publique est définie comme toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer une influence dominante, que ce soit par la propriété, la participation financière, ou les règles qui la régissent.

Conclusion : La définition de la CJUE permet d’appliquer les règles du droit de l’UE de manière cohérente et équitable à un large éventail d’entités. Cette approche garantit que diverses formes d’organisations, y compris celles dans le secteur public, sont soumises aux mêmes principes de concurrence et de marché intérieur, tout en tenant compte de leurs particularités.

Le critère est celui de l’influence sur les pouvoirs publics qui peut prendre plusieurs formes :

  •   1) La détention de la majorité du capital
  •   2) Le fait que la personne publique dispose de la majorité des voix attachées aux parts de l’entreprise et
  •   3) Le 3ème critère, les règles d’organisation qui révèlent l’influence dominante

Les pouvoirs publics sont toutes les autorités publiques. L’influence peut être directe ou indirecte.

La définition européenne d’entreprise publique adoptée par la Commission et la CJUE se caractérise par sa largeur, s’étendant bien au-delà des conceptions traditionnelles en droit national, notamment en droit français. Cette approche élargie a des implications significatives pour l’application des règles du traité de l’UE.

Critères Élargis de la CJUE :

  • La CJUE a adopté les critères de la Commission, étendant la notion d’entreprise publique. Selon cette interprétation, une entité peut être considérée comme une entreprise publique même si elle n’a pas de personnalité juridique propre, dès lors que les pouvoirs publics exercent une influence dominante, directement ou indirectement, sur son activité économique.

Comparaison avec le Droit Français :

  1. Création d’Entreprises Publiques avec Personnalité Juridique : En France, une entreprise peut appartenir au secteur public principalement de deux manières : soit par la création d’une entreprise publique dotée de la personnalité juridique (comme un Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial – EPIC), par exemple la SNCF ou la RATP.
  2. Sociétés à Capital Majoritairement Public : La deuxième manière est la création d’une société avec un capital majoritairement détenu par des entités publiques.

Extensions Notables de la Notion Européenne :

  1. Inclusion de Sociétés Publiques Locales : Les entreprises considérées comme publiques dans le droit français, telles que les sociétés publiques locales, sont incluses.
  2. Influence des Pouvoirs Publics sur des Entreprises à Capital Non Majoritairement Public : Des entreprises dont le capital n’est pas majoritairement public, mais qui sont sous une grande influence des pouvoirs publics, sont également incluses.
  3. Activités Économiques Exploitées Directement par les Personnes Publiques : Cette catégorie, non prévue en droit interne français, est également intégrée dans le champ d’application européen.

Conséquences de cette Approche Large :

  • Extension du Champ d’Application des Règles du Traité : La définition élargie adoptée par la CJUE augmente le nombre d’entités soumises aux règles du traité, notamment en matière de concurrence et de marché intérieur.
  • Harmonisation avec les Objectifs du Marché Unique : Cette interprétation vise à assurer une application cohérente et équitable des règles de l’UE, indépendamment des variations dans les définitions nationales.

B) les entreprises dotées de droits exclusifs ou spéciaux.

 La directive du 26 Juillet 2000 dit que l’expression droits exclusifs désigne les droits accordés par un État membre à une entreprise aux moyens de tout instrument législatif, réglementaire ou administratif qui lui réservent le droit de fournir un service ou d’exercer une activité sur un territoire donné.

Il y a droits exclusifs quand est reconnu à une seule entreprise dans une zone géographiquement déterminée, le droit de fabriquer ou de vendre un produit ou d’offrir une prestation de services.

 Les droits spéciaux sont ceux attribués à un État membre à un nombre limité d’entreprises, aux moyens de n’importe quel instrument législatif, réglementaire ou administratif qui privilégient les entreprises intervenant sur le même secteur.

 

Paragraphe 2 : les obligations pesant sur l’État dans ses rapports avec de telles entreprises.

 On interdit aux États de prendre des « mesures » :

Cela englobe les mesures de portée générale (lois-règlements), les actes individuels, mais aussi les actes non contraignants comme les recommandations, instructions administratives, les comportements des pouvoirs publics au sein des conseils d’administration).

Les obligations pesant sur l’État sont larges :

  • Respect de toutes les obligations du traité
  • Respect des dispositions posant le principe de non discrimination en raison de la nationalité et de droit de la concurrence

A) respect de l’article 18 TFUE

Article 18 TFUE : « Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ».

Les États ne doivent pas pousser les entreprises à recruter Français et à acheter Français.

B) le respect des règles de la concurrence

Le respect des règles de la concurrence visent à préserver un marché équitable et compétitif.

1. Abus de Position Dominante :

  • Contexte général : Beaucoup d’entreprises gérant un service économique d’intérêt général se trouvent en situation de monopole de droit ou de fait.
  • Problématique de l’abus : La question clé n’est pas la position dominante en elle-même, mais plutôt l’abus de cette position. Cela peut inclure des pratiques telles que la fixation de prix injustes, la limitation de la production pour contrôler le marché, ou l’imposition de conditions déloyales.
  • Exemple de condamnation : Un cas notable concerne une collectivité territoriale française qui a accordé une concession exclusive à une entreprise de pompes funèbres. Cette exclusivité a mené à un abus de position dominante, l’entreprise étant contrainte d’imposer des prix inéquitables à sa clientèle.

2. Aides d’État :

  • Définition : Les aides d’État se réfèrent à tout avantage accordé par les pouvoirs publics qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions.
  • Régime spécifique : Bien que les règles générales de l’UE interdisent la plupart des aides d’État, il existe des exceptions et un régime spécifique pour certaines entreprises, notamment celles gérant un service d’intérêt économique général. Ces dérogations sont toutefois encadrées strictement pour s’assurer qu’elles ne faussent pas la concurrence de manière injuste au sein du marché unique.

SECTION 2 : LE RÉGIME PARTICULIER DES ENTREPRISES VISÉES A L’ARTICLE 106 PARAGRAPHE 2  DU TFUE

L’article 106, paragraphe 2, du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) établit un régime particulier pour certaines entreprises, particulièrement celles impliquées dans la gestion de services économiques d’intérêt général. Cette disposition joue un rôle clé dans la manière dont les règles du traité s’appliquent à ces entreprises.

1ère proposition de l’article 106 : Soumission au traité : La première partie de l’article 106 stipule que les entreprises concernées sont soumises aux règles du traité. Cela signifie qu’en principe, ces entreprises doivent respecter les mêmes règles que toute autre entreprise opérant dans l’Union Européenne, notamment en matière de concurrence et de marché intérieur.

2ème proposition de l’article 106 : Conditions de dérogation : La deuxième partie de l’article offre une possibilité de dérogation à ces règles. Cette dérogation est conditionnelle : elle est permise seulement si l’application des règles du traité empêcherait ces entreprises d’accomplir leur mission particulière, tant en droit qu’en fait. De plus, il est essentiel que cette dérogation n’affecte pas le développement des échanges de manière contraire aux intérêts de l’Union.

Interprétation par la CJUE :

  • Cas France vs Commission, 19 mars 1991 : Dans cet arrêt, la CJUE a clarifié le sens de cette disposition. La Cour a indiqué que l’article 106, paragraphe 2, cherche à équilibrer l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises (notamment publiques) comme instruments de politique économique ou fiscale, avec l’intérêt de la communauté en matière de respect de la concurrence et de préservation de l’unité du marché commun.

« En permettant, sous certaines conditions, des dérogations aux règles générales du traité, cette disposition vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public en tant qu’instrument de politique économique ou fiscale avec l’intérêt de la communauté au respect de la concurrence et à la préservation de l’unité du marché commun ».

Contexte historique :

  • L’introduction de cette disposition a été fortement influencée par la France, dans le but de préserver la spécificité des services publics à la française. La terminologie adoptée, celle de « service économique d’intérêt général », reflète cette influence.

L’article 106, paragraphe 2, du TFUE fournit un cadre juridique permettant aux entreprises chargées de missions de service économique d’intérêt général de déroger, sous certaines conditions, aux règles générales du traité. Cette disposition illustre la tentative de l’UE de concilier les impératifs nationaux spécifiques des États membres avec les principes fondamentaux du marché unique européen.

Paragraphe 1 : Les entreprises visées par l’article 106 paragraphe 2 TFUE

 A) les entreprises présentant le caractère d’un monopole fiscal

Le monopole fiscal est celui qui a pour objet même non exclusif de proposer des recettes à l’État par l’exploitation exclusive d’une activité déterminée. Exemple : le monopole du tabac en France et en Italie.

Le monopole fiscal découle d’une volonté étatique.

B) Les entreprises chargées de la gestion d’un service économique d’intérêt général

L’analyse des entreprises chargées de la gestion d’un service économique d’intérêt général (SIEG) dans le contexte de l’Union Européenne (UE) révèle des nuances importantes par rapport à la notion de service public en droit français.

Distinction avec le service public français :

  • Non-identité avec le service public français : Le concept de SIEG ne recouvre pas exactement la notion de service public telle qu’elle est comprise en droit français.
  • Référence limitée dans les traités de l’UE : Le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), notamment son article 93, ne mentionne la notion de service public que de manière limitée, se concentrant principalement sur les services de transport et les obligations inhérentes à la notion de service public.

Concordances et différenciations :

  • Concordances : Malgré ces différences, il existe des concordances entre les deux notions. La CJUE a souvent assimilé des services d’intérêt général à des SIEG, correspondant aux Services Publics Industriels et Commerciaux (SPIC) en droit français.
  • Distinction du « service universel » : Le concept de service universel, propre au droit de l’UE, cible les prestations de base, comme la téléphonie locale, offertes à des conditions avantageuses à toute la population.

Critères de qualification d’un SIEG :

  1. Entreprise : L’entité doit être une entreprise.
  2. Investiture par l’autorité publique : L’entreprise doit être investie d’une mission par l’autorité publique, soit par un acte unilatéral (loi ou décret), soit par une convention (délégations de service public).
  3. Mission de nature économique : La mission doit être de nature économique, impliquant la gestion d’activités industrielles et commerciales.
  4. Activité économique d’intérêt général : L’entreprise doit gérer une activité d’intérêt économique général, fournissant des prestations non motivées uniquement par la recherche de profit.

Évolution jurisprudentielle de la CJUE :

  • Approche initiale : Initialement, la CJUE se concentrait sur l’identification des missions d’intérêt économique général.
  • Changement d’approche : À partir de l’arrêt CJUE du 19 mai 1993 – Corbeau, la Cour a orienté son raisonnement vers les conditions d’exercice de l’activité, mettant l’accent sur les obligations de service public pesant sur les entreprises.

Nature des entreprises de SIEG :

  • Les entreprises gérant un SIEG peuvent être soit publiques soit privées.

Bien que partageant certaines similitudes, les SIEG dans le droit de l’UE se distinguent nettement de la notion de service public en droit français, avec des critères et implications spécifiques dictés par la jurisprudence de la CJUE et les règlements de l’UE.

Paragraphe 2 : le régime spécifique applicable aux entreprises.

Le premier principe posé est la soumission du service d’intérêt économique général aux règles prévues par le traité. L’article 106 affirme que de telles entreprises sont soumises aux règles du traité. L’exception ne joue que si certaines conditions sont remplies.

A) conditions pour déroger aux règles du traité

Les conditions pour déroger aux règles du traité de l’Union Européenne sont précisément définies et se fondent sur deux principaux critères évalués par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), anciennement nommée Cour de justice des Communautés européennes (CJCE).

  • 1. Condition de nécessité : Cette première condition exige que l’entité concernée démontre l’indispensabilité des dérogations pour l’accomplissement de sa mission spécifique, tant en droit qu’en fait. Initialement, la CJUE adoptait une interprétation stricte de cette condition, requérant que l’application des règles du traité rende absolument impossible l’exercice de la mission d’intérêt général, une exigence rarement satisfaite. Cependant, sous la pression des États membres, la Cour a assoupli son interprétation, reconnaissant la possibilité de dérogations même lorsque le respect des règles ne rend pas impossible l’exercice de la mission.

Cas Jurisprudentiels Pertinents :

  • CJCE, 19 mai 1993 – Corbeau
  • CJCE, 27 avril 1994 – Commune d’Almeno : La Cour a admis que les opérateurs gérant un Service d’économie d’intérêt général (SIEG) peuvent s’écarter des règles de concurrence du droit de l’Union, même si le respect de ces règles ne rend pas impossible leur mission.
  • CJCE, 25 octobre 2001 – Firma Ambulanz Glockner : La Cour a élargi la portée des dérogations aux activités liées indissociablement à la mission d’intérêt général, même si ces activités ne sont pas elles-mêmes de nature à constituer un intérêt général.

Justification : La CJUE motive ses décisions en soulignant l’injustice potentielle d’autoriser des entreprises sans mission d’intérêt général à concurrencer celles qui en ont une, en choisissant des secteurs économiquement plus rentables grâce à des obligations de service public moindres.

Exemple : La Poste française, chargée de la mission d’intérêt général d’acheminer le courrier sur tout le territoire dans des délais raisonnables, peut déroger aux règles de la concurrence pour des services comme les transferts rapides de courrier, qui sont étroitement liés à sa mission principale. Toutefois, pour des activités comme les services bancaires, qui ne sont pas directement liées à sa mission d’intérêt général, aucune dérogation n’est permise.

  • 2. Impact sur le développement des échanges : La deuxième condition exige la démonstration que la dérogation n’affecte pas négativement le développement des échanges au sein de l’UE, de manière contraire aux intérêts de l’Union.

Ces conditions illustrent le défi d’équilibrer les missions d’intérêt général avec les principes de libre concurrence au sein de l’UE, reflétant une évolution jurisprudentielle qui tente de concilier les besoins spécifiques des services publics et les objectifs du marché unique européen.

 

B) les règles auxquelles il peut être dérogé.

On va permettre à l’entreprise à déroger aux règles de la concurrence pour assumer correctement sa mission d’intérêt général. L’article 106 paragraphe 2 vise les règles du présent traité et notamment les règles de la concurrence.

Les dérogations concernent le plus souvent les aides d’État. Les entreprises ne fonctionnent souvent que parce qu’elles ont des subventions des personnes publiques. Souvent on a un double financement, par le biais de financement par les usagers par redevance et subvention de la personne publique.

Très vite, la CJCE et la Commission ont du répondre à la question de savoir si ces aides sont des aides au sens des articles 107 à 109 du TFUE et devaient par conséquent être notifiées préalablement à la commission.

La Commission penchait pour une non application des dispositions du traité sur les aides d’État et la CJUE penchait plutôt pour une qualification d’aide d’État et donc pour une obligation de notification préalable, avec la possibilité de bénéficier des dérogations des règles du traité.

La CJCE a opéré un revirement et s’est ralliée à la Commission :

1) CJCE 22 Novembre 2001 – Ferring

On avait une question préjudicielle posée par le TASS de Créteil. Dans cet arrêt, le TASS interrogé la Cour sur la compatibilité au droit de l’Union et notamment avec les aides d’État, d’une lois sur le financement de la sécu qui avait institué une taxe spécial sur les ventes directes de médicament.

À l’époque, en France, on avait deux systèmes de distribution : un système qui passait par des grossistes répartiteurs et un système de vente directe par les laboratoires pharmaceutiques.

Les autorités Françaises imposaient aux grossistes répartiteurs des obligations de service public et notamment une diffusion sur l’ensemble du territoire.

Pour rééquilibrer les conditions de concurrence entre les deux systèmes, la loi de financement de la sécu de 1998, prévoyait une taxe destinée à une Caisse d’assurance maladie, instituée uniquement sur les ventes directes des laboratoires pharmaceutiques.

Dans le cadre du litige au principal, la société Ferring avait du s’acquitter de cette taxe et elle vendait un médicament Allemand en France. Elle saisit le TASS de Créteil e estime que cette taxe est illégale en raison de l’exonération dont bénéficie les grossistes répartiteurs.

La CJCE refuse la qualification d’aide au sens de l’UE, selon elle, cette aide est la contrepartie des opérations de Services Publics qui pèsent sur les grossistes répartiteurs. Cela doit être la contrepartie exacte.

 

2) CJCE 24 Juillet 2003 – Altmark : Dans cet arrêt, la société Altmark avait bénéficié de l’octroi d’une licence pour l’exploitation d’un service régulier d’autobus. Un concurrent conteste l’octroi de cette licence en inventant l’existence de subventions.

La CJCE explique que la condition d’application de l’article 107 paragraphe 1 selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre les états membres, ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transports fournie ou de l’importance du domaine d’activité concerné.

Toutefois, des subventions publiques, visant à permettre l’exploitation de services réguliers de transports urbains, ne tombent pas sous le coup de cette disposition, dans la mesure où de telles subventions sont à considérer comme une compensation représentant la contrepartie dans prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour effectuer des obligations de service public.

La CJUE pose les conditions pour qu’une subvention exercée dans le cadre d’une mission d’intérêt général et économique puisse ne pas être qualifiée d’aide au sens du droit européen :

  • L’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée d’une mission de service public et ses obligations en ce sens doivent être clairement définies. Cela implique que, dans l’acte de délégation du SP, on doit trouver préciser la nature exacte de la mission confiée, la durée, et les coûts que ces entreprises devront supporter.
  • Les critères et paramètres permettant d’établir la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente.
  • Proportionnalité entre le montant de la subvention et les charges de SP. Cela implique que si l’on est face à une subvention qui excède la charge de SP, elle devra être notifiée à la commission pour qu’elle vérifie si elle peut bénéficier des dérogations prévues par le traité.
  • Lorsque l’attribution de la mission de SP, ne se fait pas de façon contractuelle, mais par le biais d’un acte unilatéral, le montant de compensation doit être calculé sur la base de la moyenne des coûts qu’une entreprise correctement gérée devrait supporter pour remplir une mission analogue.

Ces 4 critères sont cumulatifs.

Si ces 4 conditions sont remplies, l’aide n’a pas à être notifiée à la Commission et peut être directement mise en place.

Si une des conditions est manquante, l’aide constitue une aide interdite par l’article 107 paragraphe 1 du TFUE mais qui peut bénéficier des dérogations prévues par l’article 107 paragraphe 3. ce qui implique qu’elle doit être notifiée préalablement à sa mise en vigueur à la Commission.

La Commission a clarifié la jurisprudence Altmark : Premier ensemble d’actes adoptés en 2005 remplacé par un autre ensemble d’actes adoptés le 20 décembre 2011.

Pour l’application de l’article 106 paragraphe 2 relative aux aides d’État sous forme de compensation de Services Publics à des entreprises de Service Public d’intérêt général, une décision de la Commission (2011) reprend la jurisprudence Altmark.

Une communication en 2011, pour l’application des règles de l’UE, en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour un SEIG : la commission précise la jurisprudence de la Cour qui n’a pas de portée normative.

On a enfin un encadrement de l’UE, qui n’a pas non plus de portée normative, applicable aux aides d’État sous forme de compensation de Service Public. Il ne concerne que les subventions qui ne remplissent pas les conditions d’Altmak.

 

SECTION 3 : LES POUVOIRS DE LA COMMISSION

Dans le domaine de la concurrence, la Commission européenne joue un rôle central, conformément à l’Article 106, paragraphe 3, du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Cet article charge la Commission de la supervision de l’application des dispositions de l’article, lui permettant d’émettre des directives ou décisions nécessaires aux États membres.

Fonctions Principales de la Commission :

  1. Surveillance de l’Application de l’Article 106 : La Commission agit en tant que gardienne des traités, possédant le pouvoir d’intervenir en cas de manquements.
  2. Émission d’Actes Décisoires ou Consultatifs aux États Membres : Ce rôle dépasse la simple surveillance, autorisant la Commission à adopter des actes ayant un caractère contraignant, soit de portée générale soit individuelle.

En outre, la Commission est habilitée à adopter des directives basées sur l’article 106, comme l’illustre la directive du 22 juin 1998 concernant l’ouverture du marché des services postaux. Elle peut également émettre des actes non contraignants, tels que des communications et des cadres réglementaires.

Historiquement, la Commission avait le pouvoir exclusif de promulguer des directives en vertu de l’article 106(3), mais, suite à des critiques, elle utilise désormais des dispositions favorisant l’harmonisation des législations pour l’adoption de directives, se positionnant ainsi principalement en tant qu’initiatrice.

Spécificité des Services d’Intérêt Général :

L’article 106 reconnaît la particularité des activités de service d’intérêt général, principalement celles liées aux services industriels et commerciaux en France. Toutefois, cette reconnaissance est limitée : les services publics administratifs, ne constituant pas une activité économique, ne relèvent pas du champ d’application du traité.

Délégation de Service Public :

Quand une entité publique opte pour la délégation de Service Public à un tiers, des contraintes régissent la conclusion des contrats de délégation. L’arrêt « Telaustria » encadre spécifiquement cette passation de Service Public.

Quant à l’exécution de la mission de Service Public, le droit de l’UE ne remet pas systématiquement en question le régime juridique spécifique applicable, comme le démontre l’interprétation large de l’article 106 paragraphe 2 par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), mise en évidence dans la jurisprudence « Altmark ».

Chapitre 3 – Droit de la concurrence et monopoles nationaux à caractère commerciaux.

On vise notamment les monopoles comportant des droits exclusifs d’importation et d’exportation qui limitent nécessairement la LCM. Mais, cette disposition a des conséquences évidentes sur la concurrence des entreprises.

Que dit l’article 37 du TFUE ?

  1. Les États membres aménagent les monopoles nationaux présentant un caractère commercial, de telle façon que soit assurée, dans les conditions d’approvisionnement et de débouchés, l’exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des États membres.

Les dispositions du présent article s’appliquent à tout organisme par lequel un État membre, de jure ou de facto, contrôle, dirige ou influence sensiblement, directement ou indirectement, les importations ou les exportations entre les États membres. Ces dispositions s’appliquent également aux monopoles d’État délégués.

  1. Les États membres s’abstiennent de toute mesure nouvelle contraire aux principes énoncés au paragraphe 1 ou qui restreint la portée des articles relatifs à l’interdiction des droits de douane et des restrictions quantitatives entre les États membres.
  2. Dans le cas d’un monopole à caractère commercial comportant une réglementation destinée à faciliter l’écoulement ou la valorisation de produits agricoles, il convient d’assurer, dans l’application des règles du présent article, des garanties équivalentes pour l’emploi et le niveau de vie des producteurs intéressés.

La création de monopole est essentielle et est liée à la nécessité de préserver les intérêts supérieurs de l’État. Exemples : Monopole des poudres et explosifs

L’article 37 ne supprime pas les monopoles mais oblige les États membres à aménager les monopoles nationaux pour exclure toutes discriminations entre les états membres.

SECTION 1 : LE CHAMP D’APPLICATION DE L’ARTICLE 37 TFUE

L’article 37 du TFUE cible spécifiquement les monopoles nationaux de nature commerciale qui influencent les échanges de biens entre les États membres de l’UE.

Les critères essentiels sont :

  • Présence d’un monopole : Il est nécessaire que l’État contrôle, directement ou indirectement, les importations et/ou les exportations. Ce contrôle peut être exercé de manière indirecte, par le biais d’une influence étatique.
  • Caractère national du monopole : Le monopole doit être établi par une autorité publique ou une entité publique. Il s’agit d’un monopole de droit, où un acte unilatéral confère à une entité le droit exclusif de mener une activité commerciale. Un lien spécial doit exister entre l’entité et l’autorité publique, avec un pouvoir de contrôle effectif ou juridique.
  • Couverture territoriale : Le monopole doit normalement s’étendre sur tout le territoire d’un État membre, bien que la CJUE ait accepté des cas où il couvre seulement une partie du territoire.
  • Nature commerciale du monopole : Le monopole doit se concentrer sur le commerce de marchandises, excluant ainsi les monopoles dans le domaine des services.
  • Impact sur les échanges entre les États membres : L’effet du monopole doit se limiter aux échanges intracommunautaires, excluant les transactions avec des pays tiers.

 

SECTION 2 : LE CONTENU DE L’OBLIGATION D’AMENAGEMENT PRÉVUE PAR L’ARTICLE 37 du TFUE

L’article 37 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) encadre la manière dont les États membres doivent gérer leurs monopoles commerciaux, en visant à prévenir les discriminations entre ressortissants des différents États membres. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), précédemment connue sous le nom de Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), a établi des précédents significatifs dans l’interprétation de cet article.

  1. Interdiction de la Discrimination : L’article 37 TFUE vise à interdire toute discrimination résultant de l’influence ou de la direction d’un État membre sur les importations ou exportations entre les États membres. Cette interdiction a été soulignée dans l’affaire CJCE Manghara (3 février 1976), qui a statué sur l’incompatibilité des monopoles accordant des droits exclusifs d’importation avec l’article 37.
  2. Application à l’Exportation : Bien que la CJCE n’ait pas spécifiquement statué sur l’exportation, il est généralement admis, par parallélisme, que les principes s’appliquent également aux exportations, rendant toute restriction similaire contraire à l’article 37.
  3. Monopoles de Commercialisation : Ces monopoles ne sont pas intrinsèquement contraires à l’article 37. Un exemple notable est l’affaire CJCE Krister Anner (31 mai 2005), où la Cour a jugé qu’un monopole suédois sur la vente au détail de médicaments était admissible, à condition qu’il respecte les conditions de neutralité concurrentielle.
  4. Exclusion des Monopoles de Fabrication : Les monopoles de fabrication sont exclus du champ d’application de l’article 37, car ils n’influent pas directement sur les importations et exportations. Cela a conduit les États membres à réformer leurs monopoles existants, comme illustré par la réforme du monopole du tabac en France.
  5. Réforme des Droits Exclusifs : L’adaptation aux normes de l’Union Européenne a conduit à des changements significatifs, comme l’abolition des droits exclusifs pour l’importation et la commercialisation en gros des tabacs en France (loi de 1976). Toutefois, certains droits exclusifs à l’importation et monopoles de commercialisation pour les produits en provenance de pays tiers demeurent.