Droit constitutionnel

COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL

   Le droit constitutionnel est une branche du droit public, il rassemble les règles relatives à la forme de l’État, à la constitution du gouvernement et des pouvoirs publics et à la participation des citoyens à l’exercice de ces pouvoirs.

PARTIE I ÉLÉMENTS DE THÉORIE CONSTITUTIONNELLE 

Chapitre 1 : L’Etat, le Pouvoir, le Droit 

 

Problème central : l’Etat. 

Comment en est-on arrivé à cette forme générale d’organisation politique ? 

Quelle est la fonction essentielle de l’Etat ? 

 

Section 1 – L’Etat 

 

§I. Théories sur l’origine de l’État 

La forme d’organisation des sociétés humaines est passée par trois stades qui correspondent à une forme du pouvoir 

A. Les groupements 

Les groupements sont les premiers ensembles humains, ils peuvent être des clans, des tribus, qui vivent ensemble pour assurer la défense contre les autres (la nature, les autres groupements), apporter de la nourriture au groupe, assurer la procréation. 

=> Il n’y a pas de différenciation, et les liens de parentés entre les individus sont étroits. 

Il existe donc un pouvoir diffus, les décisions reposent sur l’accord du groupe et des croyances / coutumes. Ce pouvoir diffus est suffisant. 

B. Les sociétés 

Ces groupements s’élargissent, une certaine spécialisation apparaît. Il y a moins de liens familiaux et une séparation des individus. 

=> Contacts avec les voisins. 

Apparaissent des problèmes nouveaux, d’où la nécessité d’une prise de décision. Un homme ou un petit groupe reçoit la capacité de décider : le pouvoir. Il est choisi pour sa ou ses qualités propres. Par exemple, cela peut être le plus vieux, le plus fort, le plus courageux, le plus habile, etc. 

Il y a alors un risque de compétition, donc d’instabilité, menaçant la sécurité du groupe. Le pouvoir est individualisé : on sait qui commande sans être pour autant sûr que c’est le bon. Il n’y a pas de règles d’attribution du pouvoir, d’où des conflits possibles. 

C. L’Etat 

On veut créer un support stable, permanent, abstrait, sur lequel repose le pouvoir. Cf. la formule « Le roi est mort, vive le roi ». => Le pouvoir est institutionnalisé. La continuité est assurée. Le problème reste la définition des règles d’attribution du pouvoir. Ces règles une fois définies sont en quelques sortes les premières règles de Droit, car elles sont générales et impersonnelles. 

Le pouvoir, ou en tout cas son attribution, s’organise dans l’Etat. 

§II. Les théories sur l’origine de l’État 

Pour les philosophes du 17ème siècle, sans connaissance anthropologique ou historique, subsiste un mystère : pourquoi les hommes ont-ils créés cette institution qu’est l’Etat ? La réponse fut longtemps : « c’est la volonté divine ». Dès lors que l’on ne croit plus à l’origine divine, apparaissent des théories classables en trois groupes : 

      1. les théories du contrat 
      2. les théories du conflit 
      3. les théories de la fondation-adhésion 

A. Les théories du contrat 

Deux approches : 

1. La théorie du contrat politique 

Formulée par John Locke, dans son Essai sur le gouvernement civil, 1690. L’Etat naît d’un accord entre les puissants et des groupes déjà constitués qui maîtrisent un territoire. Ces territoires s’unissent et les puissants s’allient entre eux. 

=> Contrat entre puissants. 

Mais ces entités qui s’agrègent entre-elles ne sont elles pas déjà des Etats ? 

2. La théorie du contrat social 

Formulée par Hobbes dans le Léviathan en 1651, reprise et exposée par Rousseau dans le Contrat social en 1762. 

Pour Rousseau, l’homme vit dans un Etat de nature. Les hommes décident de se réunir pour former un Etat par un accord avec tous : un contrat social. => Ils cherchent quelle est la volonté de cet ensemble dans lequel ils entendent vivre. Ils abandonnent une part de liberté pour les céder à l’Etat. => Perte d’autonomie. 

Critique de la théorie : il n’existe aucune trace de tels accords. Cet acte de volonté ne s’est pas passé ainsi. Cette idée de contrat social est pourtant forte : l’idée que l’Etat est là pour assurer l’intérêt général et mettre en œuvre  la volonté générale. Ce mythe est celui sur lequel nous vivons. 

B. Les théories du conflit 

1. Conflit physique 

Idée qu’un groupe humain accroît sa domination sur un autre groupe par conquête et s’efforce de la maintenir. Ex : l’Angleterre conquiert la Normandie en 1066. 

Cependant, la décolonisation dans les années 1960 est le phénomène inverse (naissance d’Etat à partir de la perte de conquêtes coloniales). 

2. Conflit économique (Marx) 

Idée que dans une société humaine, la différenciation est économique et se fait en fonction du mode de production. L’Etat est donc pour Marx l’instrument qui maintient cette situation en place et permet à une classe de dominer l’autre. C’est vrai au 19ème siècle, mais discutable au 20ème siècle : la volonté de supprimer les classes et la mise en pratique de cette volonté ne s’est pas traduite par une diminution de l’autorité de l’Etat (par exemple, l’ex-URSS). 

C. La théorie de la fondation-adhésion 

Due à Maurice Hauriou dans les années 1920. 

C’est l’idée qu’un certain nombre de puissants décident de se réunir dans un Etat avec un consensus de la population autour de ce nouvel agrégat. Le pouvoir apparaît donc légitime, puisque accepté par tous. Cette théorie s’applique très bien aux Etats nouveaux nés de la décolonisation (1960’s). La chose est acceptée et elle est en charge de l’intérêt général. Dans la continuité, un pouvoir exercé par un groupe qui ne l’accepte pas fini tôt ou tard par disparaître. 

L’Etat est l’instrument qui contient les différences en les dépassant. 

§III. Signification contemporaine de la Notion d’Etat et fonctions 

Selon la théorie, on ne donne pas le même sens à l’Etat. La volonté de l’Etat est-elle acceptable car elle traduit la volonté générale ou inacceptable car elle traduit la volonté du plus fort ? 

Incontestablement, un Etat a des règles protectrices de l’intérêt général. Le meurtre ou l’inceste sont presque universellement interdits par exemple. 

Il a parfois des règles qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt général, avec par exemple le suffrage censitaire, la ségrégation raciale dans les états du sud des USA au milieu du 20ème siècle ou en Afrique du sud jusqu’à la fin des années 1980. 

=> Quel est le rôle et la fonction de l’Etat ? Procédons à une classification des fonctions par … 

A. Par l’étendue 

C’est s’intéresser au degré d’intervention des Etats dans la vie sociale. Trois manières : 

1. L’Etat arbitre 

Exemple : les libéraux du 19ème siècle. 

L’Etat limite son activité aux tâches essentielles ou dites « régaliennes », comme par exemple la Justice, la défense, les relations internationales, l’ordre intérieur. Tout le reste est confié au privé 

2. L’Etat interventionniste 

Idem que l’Etat arbitre, mais il règlement également les activités des individus dans certains domaines pour atteindre certaines fonctions sociales (par exemple, la santé, l’éducation). 

Il veut égaliser les conditions de vie. Il dépasse certaines fonctions régaliennes. Il oriente ou exerce ces fonctions => services publics. 

3. L’Etat totalitaire 

Il entend déterminer toutes les activités humaines, y comprit celles à fonction sociales mais aussi celles privées (dont l’intimité humaine, ou ce qui touche à la vie privée). 

=> Système rejeté. 

Le débat existe entre les deux autres. 

B. Par le contenu 

Classification mise en avant par les sociaux-démocrates du début du 20ème siècle (Karl Renner en Autriche). Elle distingue deux catégories de fonctions : 

1. Les fonctions répressives (politiques) 

Maintenir l’ordre, la justice, la police, etc. 

2. Les fonctions sociales 

Assurer la protection, l’assistance aux citoyens. Satisfaire les besoins (éducation, santé, culture, loisir, etc.) 

Pour RENNER, un bon Etat est donc celui qui multiplie les fonctions sociales et atténue les fonctions répressives. C’est la théorie de l’Etat providence (modèle suédois). 

 

Idée qui rejoint le mythe marxiste du dépérissement de l’Etat. Séduisant sur le papier, le schéma n’est pas irréprochable. Toutes les fonctions ont un caractère intégrateur, mais une fonction qui peut être protectrice pour les uns peut être perçue comme répressive pour les autres. 

C. Par la forme 

Comment l’Etat met-il en œuvre  ces fonctions ? Trois types : 

      1. Fonctions de réglementation de la vie sociale 
      2. Fonctions visant à appliquer la réglementation 
      3. Fonctions visant à juger les différends nés de l’application. 

  

Points qui correspondent respectivement aux pouvoirs législatif, exécutif, et judiciaire. 

D. Conclusion du §III. 

L’Etat a une mission générale d’organisation de la vie sociale, et de ce fait, n’est pas neutre. Il conduit le groupe humain vers l’avenir souhaité. Auguste Burdeau, publiciste et politologue français, parle de « l’ordre social désirable ». 

Les gouvernants doivent tendre à réaliser ce but, d’où un logique affrontement de plusieurs visions sociales désirables. C’est le pluralisme des démocraties. 

Le mot « Etat » recouvre trois sens différents (polysémie). 

      1. un ensemble, une collectivité organisée 
      2. l’échelon central, les pouvoirs publics, les gouvernants 
      3. un élément central, par opposition aux pouvoirs décentralisés 

§IV. Les éléments constitutifs de l’Etat 

Les quatre éléments constitutifs de l’Etat sont, dans l’ordre : 

      1. Un groupement humain 
      2. Un territoire 
      3. Une organisation sociale 
      4. Un pouvoir 

A. Le groupe humain et le problème de la nation 

La population est attachée à un avenir commun, elle partage ainsi des objectifs communs. 

Deux conceptions sont possibles : 

1. La conception allemande 

Conceptualisée par GOBINEAU dans L’Inégalité des races humaines en 1855. Elle possède une forte fonction idéologique et présente le groupe comme une structure très fermée. 

L’idée est que la Nation est organisée par ceux qui sont les descendants des premiers hommes de cette Nation. => Nation « par le sang ». 

2. La conception française 

La conception française, conceptualisée par Ernest RENAN dans les Histoires des origines du christianisme publiées de 1863 à 1881. 

C’est l’idée de la « Nation volonté » : le facteur de cohésion est la volonté de vivre ensemble, de réaliser son destin personnel dans ce groupe-là et pas dans un autre. 

La nation ainsi n’est pas un groupe fermé, on peut y adhérer et aussi en sortir pour se réaliser à l’intérieur d’un autre groupe. On veut adhérer à un certain nombre de valeurs pour réaliser ces fins supérieures communes. 

—      C’est le débat actuel sur la question de l’intégration ou de l’assimilation. 

       

Le débat porte moins sur la volonté de vivre ensemble que sur la manière de vivre ensemble. Quelles sont les différences acceptables ? Quelles sont celles non acceptables ? 

=> Débat sur le droit à la différence. 

Double élément de la Nation donc : 

      1. la possibilité d’adhérer à ses valeurs 
      2. la possibilité d’en sortir 

  

Une nation, pour se réaliser, a vocation à avoir un Etat. => L’Etat-nation. Il y a une sorte de rapport dialectique entre ces deux notions. La Nation est antérieure à l’Etat. => Principe des nationalités (19ème siècle). 

Sont apparus à la suite de la décolonisation des constitutions d’Etat sans que la Nation existe réellement. Le problème de ces nouveaux Etats était la création d’un sentiment national. On voulait à l’époque dépasser les antagonismes en créant un Etat. Problèmes : ex, Rwanda avec Hutu et Tutsi. 

Aujourd’hui, les deux notions ne s’emboîtent pas parfaitement. Il y a des Nations sans Etats (ex, les Kurdes) et des Etats avec plusieurs Nations. Il n’y a pas de correspondance absolue entre Nation et Etat. 

B. Le territoire 

C’est l’espace sur lequel vit le groupe, tous les groupes humains ou presque étant maintenant sédentaires. L’idée qu’un Etat a un territoire délimité est bien installée. Un territoire est une étendue de terre limitée par des frontières, naturelles ou non. 

Définition : le territoire est la circonscription d’action de l’Etat, il est le lieu exclusif de son pouvoir. 

De cette définition découle deux sens : 

      1. Le territoire est le seul lieu où l’Etat peut intervenir 
      2. Réciproquement, il est le seul à pouvoir exercer son pouvoir sur son territoire. 

  

En principe, il n’y a pas d’Etat sans territoire. Des cas particuliers existent dans le Droit International Public, comme les gouvernements en exil par exemple. 

Ex : l’OLP ou le gouvernement espagnol exilé au Mexique jusqu’en 1970. 

  

En revanche, la communauté internationale peut reconnaître des territoires sans Etats. 

Ex : l’Antarctique 

Ce territoire est réputé « insusceptible d’appropriation », au même titre que les fonds marins et les corps célestes (bien que la question puisse être étudiée dans l’avenir). 

Ces territoires ont été réputés « patrimoines communs de l’humanité ». 

C. L’Organisation sociale 

Sur son territoire, la Nation s’organise. Elle se donne un ordre provisoire, lequel provisoire est destiné à évoluer vers ce qui parait désirable. Il peut évoluer par : 

      • la réforme 
      • la révolution 

L’organisation est provisoire, mais elle est le cadre pour la réalisation du souhaitable. 

Ses fonctions : 

      1. assurer le maintien de la paix intérieure et extérieure 
      2. favoriser la création d’une mentalité et d’une culture commune autour d’un certain nombre de symboles (hymne, drapeau, langue, etc.) 
      3. déterminer le but commun à atteindre, qu’il soit national ou international. 

  

Cette organisation sociale repose sur la mise en place d’institutions, ou services publics, destinés à couvrir les besoins publics, qu’ils soient régaliens ou industriels/commerciaux. 

Elle cherche à maintenir un ordre juridique qui régit les rapports des individus avec l’Etat et entre eux par le moyen du pouvoir. 

D. Le pouvoir 

Il est un élément essentiel de l’Etat. Si l’Etat est défini comme le support du pouvoir, il lui faut exercer ce pouvoir. 

Ce pouvoir est la force utilisée pour conduire le groupe. Ce pouvoir est souverain, c’est-à-dire qu’il est supérieur à tout autre pouvoir. 

E. Conclusion du §IV. 

Ces 4 éléments réunis, l’Etat existe et joue comme support du pouvoir. 

Section 2 – Le pouvoir, moyen d’action de l’Etat 

Le pouvoir politique peut être regardé comme le moyen d’action essentiel de l’Etat. C’est comme ça qu’il se manifeste. 

Le pouvoir dans les sociétés humaines est un phénomène général. 

§I. Spécificité du pouvoir politique 

D’une manière générale, le pouvoir est : 

Définition : la capacité d’un individu à obtenir d’un autre un comportement donné qu’il n’aurait pas spontanément adopté (G. Burdeau). 

=> Tous les actes de la vie sociale sont concernés par cette définition. Ex : la famille, le sport, les loisirs, l’enseignement. 

Si l’on veut parler du pouvoir politique, il faut distinguer : 

      • l’influence 
      • le pouvoir au travers de sa force, c’est-à-dire un aspect normatif : une règle qui permet d’exiger un comportement. 

  

Il y a deux façons d’envisager la spécificité du pouvoir : 

A. Spécificité par sa globalité 

Dans le langage courant, on parle de plusieurs pouvoirs (militaire, politique, sportif, etc.) 

Définition : le pouvoir politique est celui qui s’exerce sur : 

      • l’ensemble de la collectivité 
      • l’ensemble du groupe humain 

… par opposition au pouvoir parcellaire des groupes humains. 

  

Puisque le pouvoir s’exerce sur l’ensemble du groupe, il est souverain. Il décide librement, il n’est pas limité par un autre. La souveraineté du pouvoir politique découle de celle de l’Etat. 

Le pouvoir politique, supérieur aux autres, est donc civil. Le pouvoir militaire lui est subordonné et n’a capacité d’action que dans des secteurs précis. Le pouvoir politique nomme les chefs de l’autorité militaire, il détermine ses objectifs et ses moyens. 

Le pouvoir politique est un pouvoir temporel : c’est le principe de séparation des pouvoirs de l’Eglise et de l’Etat. Ceci n’a pas été toujours le cas, les deux furent longtemps liés. Il reste des cas où l’influence religieuse a une importance considérable : les théocraties. 

Ex : l’Iran : nous ne sommes pas dans l’hypothèse du pouvoir temporel. 

  

Le pouvoir économique 

Dans la théorie classique, l’Etat ne s’occupe pas de l’économie, il joue au pire un rôle d’Arbitre. Il s’assure que l’activité économique respecte les principes fondamentaux, comme par exemple la libre concurrence des marchés. 

L’Etat fait de plus en plus souvent de l’Economie son activité principale. L’impact au moment des élections est fort, et les performances de l’Etat sur l’emploi, le développement et l’économie sont très regardées. 

Au-delà du simple arbitrage, il y a la manifestation d’un pouvoir en principe justifié par l’intérêt général. L’intérêt général ne cache-t-il pas des intérêts particuliers ? L’Etat à donc un rôle d’unification des intérêts. 

Il faut retenir l’idée d’indépendance et de supériorité du pouvoir politique. Une décision de l’Etat est impérative. En l’absence de respect, il y a possibilité de sanction. 

B. Spécificité par l’éventuel recourt à la force 

En cas de non-respect : sanctions. 

Cette règle ne fonctionne que si l’individu l’accepte. Un individu ne peut  pas sortir du groupe face (se soustraire) à un pouvoir politique, mais celui-ci seul peut exercer une contrainte sur les droits fondamentaux de l’individu (vie, liberté, biens, etc.). Exemple : 

      • la peine de mort 
      • les peines de prison 
      • les peines d’amende 

  

L’Etat dispose de possibilités de répression, de l’amende à la prison, voire la mort. Note : la peine de mort a été supprimée en France en 1981. 

Pour cela, l’Etat a la possibilité de faire appel à la force pour maintenir l’ordre public. Il peut exercer la coercition : force de police. 

L’Etat dispose d’un monopole, il est le « monopoleur de la contrainte ». Weber : « l’Etat a le monopole de l’usage légitime de la violence ». 

Légitimité : le caractère exorbitant de ce pouvoir sur la vie et la liberté est accepté. Pourquoi ? 

§II. Origine et légitimité du pouvoir 

Tout Etat connaît un pouvoir politique avec sa spécificité. Comment le groupe voit-il ce pouvoir ? 

A. Le problème de l’origine 

Deux grandes conceptions, très foisonnantes : 

1. L’origine divine 

Tout groupe a une idée de sa propre origine. Elle peut être un mythe qui lui permet de se glorifier par exemple. L’idée, donc, est que le pouvoir est rattaché à cet ancêtre mystique. Celui qui a le pouvoir est le représentant de Dieu sur terre et exerce l’autorité sur terre au nom de ce dernier. 

Longtemps la religion a été une sorte de pilier de la politique, et inversement. Chaque Etat a voulu contenir sa religion, d’où des schismes religieux. 

Cette conception a beaucoup régressé aujourd’hui. En France, la séparation s’est faite en 1905, alors que l’Eglise n’a reconnu la 3ème République qu’en 1892. 

Il existe des liens forts entre politique et religion, notamment dans les comportements électoraux. Même si le lien institutionnel entre politique et religion est tranché, il reste un lien instinctif. En fait, l’un et l’autre sont la représentation de deux futurs possibles. Ex : un avenir terrestre et un avenir supraterrestre. 

=> Tentation permanente d’associer l’un et l’autre et de justifier l’un par l’autre. 

2. L’origine populaire 

Apparaît en réaction au 18ème siècle par Rousseau. Elle consiste en l’abandon d’une partie de leur autonomie et le fait d’admettre que dans ces domaines-là, c’est l’Etat qui gèrera. L’origine du pouvoir est donc dans le peuple, par sa volonté. 

L’idée du pouvoir dans le peuple n’est plus discutée aujourd’hui. 

B. La notion de légitimité 

Etre légitime, est être considéré comme tel. C’est l’acceptation ou le consentement des gouvernés qui donne le pouvoir. L’acceptation rend normal ce pouvoir. C’est possible quelque soit l’origine du pouvoir (divine ou populaire). La légitimité est le fait de croire en cette origine du pouvoir. 

Il existe trois types de légitimité selon WEBER : 

      1. La légitimité traditionnelle : c’est l’idée du gouvernement du prince, du roi, fondée sur les traditions, l’hérédité, et l’origine divine. 
      2. La légitimité charismatique : le gouvernement d’un chef qualifié par son prestige, son pouvoir sera reconnu même en l’absence de règles. 
      3. La légitimité rationnelle : c’est la légitimité d’autorité investie par l’établissement de règles de droit choisies par tous. Elle se traduit par les élections. 

  

Ces distinctions sont canoniques et recevables, ce sont des « idéaux-types » (WEBER) qui en fait interfèrent entre eux. Exemples : 

      • De Gaulle, sa légitimité est charismatique et rationnelle 
      • Juan Carlos : sa légitimité est rationnelle (par Franco) et aussi traditionnelle (monarchie) 

  

Tout gouvernant rationnel tente de conforter les règles qui le soutiennent en choisissant un appui auprès des masses en suscitant une relation de type charismatique pour conforter leur légitimité rationnelle. Ex : importance des sondages de popularité. Par extension, le culte de la personnalité vient à l’appui de cette légitimité. 

Le consensus vient de l’adhésion massive de la Nation. S’il n’y a pas de consensus, cela provoque une rupture, qui peut se traduire par une révolution dans sa forme la plus extrême. Le problème du consentement au pouvoir est une question d’accord des forces collectives. L’accord des grandes forces entre elles accorde l’accord de l’opinion, qui fait qu’elle accepte le régime en place. Ces forces politiques s’intègrent pour critique ou approuver le pouvoir. 

§III. Le statut du pouvoir dans l’Etat 

Si le pouvoir n’est plus une prérogative personnelle exercée par la force mais distinct de la personne, il est donc institutionnalisé. Comment se fait cette institutionnalisation ? 

A. Souverain et gouvernants 

Il faut faire une distinction entre Etat et gouvernant. 

C’est-à-dire qu’il faut faire une distinction entre celui à la source du pouvoir et celui qui l’exerce, autrement dit ce sont des différences entre souverain et gouvernant. 

1. Le souverain 

Le souverain est à la source même du pouvoir. Le pouvoir est en lui. Il détermine l’ordre social désirable, c’est-à-dire le but à atteindre. Il est celui qui établi/approuve les règles qui déterminent le pouvoir dans l’Etat. Pendant la royauté, c’était « les lois fondamentales du royaume ». Depuis le 18ème siècle, il s’agit de la Constitution. On dit que le souverain détient le pouvoir constituant. 

Ce souverain peut être : 

      • un monarque (le roi, le prince souverain, etc.). Cf. « L’Etat, c’est moi » 
      • le peuple 

2. Les gouvernants 

Les gouvernants sont les individus désignés par le souverain chargés d’exercer le pouvoir, ce qui équivaut à gérer les affaires publiques. Ils mettent en œuvre  la puissance de l’Etat, ils sont les délégués du souverain, ils mettent en œuvre  sa volonté. Ils sont passagers, en cela qu’ils sont temporaires et en place pour une durée donnée. Ainsi ceci s’oppose à la permanence de l’Etat. L’exercice du pouvoir est confié aux gouvernants, mais non le pouvoir lui-même. 

Définition des gouvernants : 

Agents passagers de l’exercice du pouvoir, lequel leur est confié. Leur volonté, en tant que valeur personnelle, n’a pas d’existence juridique. Ce n’est que leur volonté d’agent de l’Etat qui compte. 

B. L’exercice du pouvoir 

La grande question de la répartition du pouvoir de l’Etat sera vue ultérieurement. Ici, il s’agit des notions de : 

      1. compétence 
      2. légalité 
      3. responsabilité 

1. La compétence 

Les gouvernants n’ont pas un pouvoir absolu en et sur les choses. Ils ont des compétences : il leur est reconnu des capacités d’agir. Hors de ce domaine, ils n’ont pas de possibilité d’agir. Ces compétences sont définies par la Constitution pour tous les agents du pouvoir ou par les lois qui l’accompagnent. 

Deux expressions latines caractérisent ces compétences. 

      1. rationae materiae : en raison de la matière 
      2. ratione loci : en raison du lieu 

Ces compétences sont limitées à une matière particulière (ex : l’éducation, l’économie, la défense, etc.) et le périmètre (ex : l’ensemble du territoire, la région, le département). L’agent est défini par la matière qui lui revient et en fonction de la circonscription d’action qui lui est reconnue. 

Il faut distinguer la compétence au sens juridique du terme et la compétence en tant que qualité intellectuelles. => La compétence est la délégation de l’Etat pour agir en son nom. 

2. La légalité 

Le pouvoir doit respecter lui-même la règle de droit qu’il a posée. L’Etat (les gouvernants) peuvent modifier les règles mais ne peuvent pas les transgresser. => L’action que l’Etat mène doit être conforme à la légalité. 

Les gouvernements doivent respecter l’ensemble des lois, que ce soit la loi elle-même ou d’autres sources de droit. Sans ça, il y a un recourt possible du citoyen pour faire annuler un texte de l’exécutif. Tous ces contrôles qui amènent les gouvernements à agir selon le droit deviennent l’expression d’ « Etat de droit ». 

La distinction avec les pouvoirs de fait ou bien autoritaires se fait d’elle-même. 

3. La responsabilité. 

Les gouvernants agissent au nom du souverain et doivent donc lui rendre des comptes. 

Article 15 de la DDHC : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». 

=> Les gouvernants sont responsables de ce qu’ils font devant celui qui les a nommé (= l’Etat). 

Les élections sont un des moyens d’avouer ou de désavouer. 

  

Il y a aussi une responsabilité générale au sens plus étroitement juridique du terme. Si un acte est à l’origine de dommage, son auteur (généralement l’Etat) est responsable de ce dommage et a l’obligation de le réparer (remettre en état ou indemniser). 

L’essentiel est la responsabilité politique, c’est-à-dire le contrôle de l’exercice du pouvoir par le peuple (élections) ou bien l’idée de la responsabilité devant le parlement. 

Dans le passé, le gouvernement était amené à justifier de son activité devant le parlement et pouvait être renversé par celui-ci. En anglais, on utilise le terme d’ « accountability », qui est « le fait de devoir rendre des comptes ». Intraduisible directement en français. 

L’exercice du pouvoir s’inscrit dans ces limites autour de ces notions de compétence. 

Ces limites sont faites pour que ce pouvoir reste acceptable. S’il est acceptable, il est donc accepté, et sa légitimité n’est plus remise en cause. 

§IV. La résistance au pouvoir 

En principe, il y a un pouvoir légitime et accepté. C’est le cas de nos démocraties dites « consolidées ». Souvent, cette acceptation du pouvoir n’est que partielle. 

La distinction entre gouvernants/gouvernés a créé une situation de distance, un sentiment d’inégalité, c’est-à-dire l’idée que les gouvernants ont des privilèges tout comme les catégories sociales desquelles ils sont issus. 

Tout cela créé un sentiment de critique, de revendication. HAURIOU parle de l’existence d’un couple « autorité / contestation ». 

La contestation permet d’éviter que le pouvoir ne se permette tout. 

A. La place de la contestation. 

Sauf dans une société totalitaire, il y a des désaccords qui s’expriment. L’idée est que la société est un ensemble de volontés particulières. Cela trouve place dans la volonté générale. Pendant longtemps, une seule méthode existait : ceux qui refusaient étaient écartés du pouvoir ou éliminés, etc. 

=> C’est le cas de l’absolutisme ou de l’autoritarisme. 

A partir du 18ème siècle, il y a une idée nouvelle : au lieu de réprimer, on laisse s’organiser ces divergences pour permettre de faire s’opposer les idées afin de trouver de nouvelles solutions. L’utilisation de ce pluralisme est l’énergie de la machine politique. Elle fait fonctionner ce système. 

La décision qui l’emporte est celle qui a le plus d’avis favorable après vote. 

B. L’opposition et ses niveaux. 

L’opposition, si elle existe et est accepté, peut être plus ou moins radicale (dans le sens qu’elle s’attaquerait aux racines du pouvoir). 

Elle peut s’opposer au principe même du pouvoir, ou être plus nuancée, c’est-à-dire qu’elle peut s’opposer au contenu. 

Il faut faire une distinction entre : 

      • une opposition AU régime 
      • une opposition DANS le régime 

  

Cette distinction rejoint le principe de la légitimité du pouvoir. Même les pays les plus ouverts ne peuvent accepter complètement une opposition dans le régime. 

Saint-Just s’interroge sur « quelle liberté laisser à ceux qui s’opposent à la liberté ». 

Ex. en Angleterre, l’opposition de sa majesté n’est pas l’opposition à sa majesté. On peut se référer à Robert DAHL, américain, dans L’avenir de l’opposition dans les démocraties. D’après ses travaux, on peut classer l’opposition dans un ordre croissant : 

      1. Obtenir un changement du personnel gouvernemental 
      2. Obtenir le changement d’un certain nombre de politiques spécifiques 
      3. Obtenir un changement de la structure politique 
      4. Obtenir un changement de la structure socio-économique 

  

Il s’en suit une graduation entre les niveaux de l’opposition : 

      1. L’opposition non structurelle 
      2. L’opposition semi structurelle 
      3. L’opposition structurelle 

  

Un phénomène d’opposition correspond à une distance entre des parties de l’opposition et le gouvernement. On se limite habituellement à des changements dans le régime ou de structure politique. Cela va rarement plus loin. 

C. La révolution comme rupture. 

Du point de vue juridique, si un gouvernement ne respecte pas les règles du groupe, il pourra faire l’objet de sanctions organisées, en ce sens que sa responsabilité peut être remise en cause comme devant le parlement par exemple. Si la légitimité même du gouvernement est remise en question : sanction inorganisée. La plus classique est la fameuse « résistance à l’oppression », qui correspond à une sorte de droit à la désobéissance. Elle dépend en fait du rapport de force. 

  

Question du tyrannicide : que faire quand le roi prend de mauvaises décisions ? Par nature, un roi est le représentant de Dieu sur terre, il est difficile de s’opposer à ses décisions. La solution consiste à le tuer. La révolution française est très imprégnée de ce débat sur le tyrannicide. 

Cf. Constitution de 1791 par exemple. Egalement l’Article 35 de la DDHC de 1793 (la première déclaration date de 1789) : « Quand le gouvernement viole les Droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des Droit et le plus indispensable des devoirs ». 

=> Mais qui juge de la violation des Droits du peuple ? 

A partir de cette violation, quand y a-t-il illégitimité du pouvoir ? Il y a illégitimité quand le peuple se soulève. 

Cette révolution, phénomène considérable, s’analyse du point de vue juridique comme la substitution d’un système à un autre, c’est-à-dire d’un ordre désirable à un autre, ou encore d’un souverain à un autre. 

Ceci explique la fréquence de nos révolutions au 19ème siècle (1830 et 1848). Quand les deux principes de légitimité s’affrontent (monarchie contre légitimité du peuple), cette incertitude sur le souverain fait la multiplicité des révolutions. Ceci sera réglé avec la 3ème République. 

Avec une révolution, basculent le souverain, le but, le régime, le gouvernement, etc. 

L’ordre ancien disparaît, sauf ce que le pouvoir nouveau décide d’en conserver. Par exemple, au 19ème siècle, on garde le Droit privé. 

En 1917 en Russie, c’est l’ordre économique qui change. 

Section 3 – Le droit, instrument du pouvoir 

Comment ce pouvoir se manifeste-t-il quotidiennement ? Il crée des normes/règles et des sanctions. Cet ensemble constitue le Droit. Il convient de montrer en quoi la norme juridique est différente des autres. 

§I. Spécificité de la norme juridique 

Le mot de Droit est d’un usage courant. Il fait aussi parti du vocabulaire enfantin : « tu n’as pas le droit de », etc. => Le comportement en question est comparé à une norme déjà intériorisée. 

Norme : conduite attendue par le groupe (définition des sociologues). 

La question est : comment distinguer la norme juridique de la norme sociale ? 

Ce n’est pas forcément la règle écrite, ni la sanction, ni le fait qu’elle soit élaborée par le parlement qui définit la norme juridique. 

La spécificité de la norme juridique se traduit par la façon dont elle est liée au gouvernement. Elle peut être liée : 

      1. par sa généralité 
      2. par sa sanction 

A. Par sa généralité. 

L’Etat mène le groupe dans sa totalité. Le droit s’applique donc à l’ensemble, sans aucune distinction. 

1. Opposition norme juridique / norme religieuse 

Aujourd’hui, il n’y a plus de liaison officielle entre la norme juridique et la norme qu’imposait tel ou tel texte divin, en tout cas en France. Il y a pourtant des oppositions entre la norme juridique et la norme religieuse, ex : divorce, contraception, avortement, etc. 

2. Opposition norme juridique / norme morale 

Qu’est ce qui est bien ou mal ? 

Le droit a parfois été présenté comme une codification de la morale, complété de sanctions. Mais la morale est le reflet d’une conception du monde. Elle a de grands interdits (inceste, meurtre) presque universellement reconnus. Mais le divorce, le droit à la propriété, sont-ils naturels ? 

 

Le droit traduit ou accompagne une morale dominante. 

=> Apparition de débats de sociétés, par exemple la contraception, la peine de mort (Robert BADINTER), l’avortement (Simone WEILL), etc. 

Comme le pouvoir, le Droit s’est laïcisé pour s’appliquer à tous. Du coup, au sein du groupe (Etat), il n’y a pas de place pour plusieurs systèmes juridiques. Le droit est un système exclusif. 

Il s’est affranchi de ses supports : religion et morale. Le droit n’est pas neutre (ex, le droit orienté communiste ou bien celui capitaliste). Il repose sur des valeurs. 

B. Par l’existence de sanctions 

Le pouvoir dispose de la contrainte (sanction). La sanction est elle caractéristique de la norme juridique ? 

Kelsen : « Les règles de droit sont des normes qui instituent des sanctions ». 

Il n’y a pas toujours une sanction associée à une règle de droit (ex : le droit de Vote) 

Il y a sanction quand il y a transgression des règles (ex : si on vote deux fois) 

  

Définition de la norme juridique par Duguit, chef de fil des positivistes : 

« La norme juridique est essentiellement et exclusivement une règle de conduite qui s’impose à l’homme vivant en société sous une sanction socialement organisée ». 

  

On peut proposer cette définition : 

« Le droit est l’ensemble des règles générales et impersonnelles qui régissent les conduites des personnes sous une sanction socialement organisée pouvant faire appel à la contrainte ». 

§II. Les sources du Droit. 

Plusieurs acceptions : 

      • sources politiques (tradition, idéologie, conception des fins supérieures communes auxquelles on rattache le droit par son contenu) 
      • sens technique : comment se forment les règles de droit. Plusieurs procédés : 

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        • la coutume 
        • la loi 
        • la jurisprudence 
        • la doctrine 

A. La coutume 

Elle est la source générale des normes sociales, c’est-à-dire les comportements généralement observés et généralement obligatoire. Elle n’est pas forcément sanctionnée. 

A l’origine, c’est une idée fréquente, comme au Moyen Age. Cette idée subsiste là où les possibilités de codification sont faibles ou inexistantes, car il n’y a pas d’organe chargé de le faire. Par exemple, en Droit International Public. 

  

Dans l’ordre interne et dans les temps modernes, c’est beaucoup plus rare. 

Il convient de savoir quand il y a une norme sociale ou une coutume juridique à proprement parler. 

Il y a coutume juridique si l’on trouve ces deux éléments : 

      1. un élément matériel : le comportement observé est fréquemment répété et généralisé 
      2. un élément psychologique : ce comportement est considéré par le groupe lui-même comme étant obligatoire. C’est l’opinio juris, c’est-à-dire le sentiment que c’est du Droit. 

  

Le problème : c’est une source à l’évidence délicate et incertaine. Ce caractère a amené sa disparition progressive au profit de l’écrit. En droit constitutionnel, c’est rare d’avoir recours à la coutume sauf au Royaume Uni : la Constitution est coutumière, même si elle se codifie petit à petit. 

  

La coutume est d’abord le risque d’imprécision de la norme et aussi un caractère profondément conservateur. D’où un Effort constant de codification. 

B. La loi et le règlement 

C’est 90 à 95% du droit existant. 

La loi est l’ensemble du droit posé à l’avance, écrit, rédigé officiellement par les autorités compétentes. On le désigne sous le nom de « loi » mais il y a plusieurs types de textes : 

      • la Constitution 
      • la loi elle-même, qui est le texte voté par le parlement 
      • le règlement (en France : les décrets). 

  

On distingue ces textes par leur nature. 

Si le Droit constitutionnel est le droit du pouvoir dans l’Etat, si le pouvoir s’exprime dans le Droit, alors la manière dont se fabrique ce droit est un élément essentiel. 

Depuis 1958, la distinction loi / règlement est devenue importante. 

Autres sources : la DDHC, etc. 

C. La jurisprudence. 

La jurisprudence est l’ensemble des décisions de Justice à l’occasion d’un litige sur lequel le juge doit se prononcer. La jurisprudence est un droit concret qui se manifeste dans une décision prise par un juge à l’occasion d’un conflit. La décision du (ou des) juges est raisonnée, motivée. On retrouve le raisonnement, le motif, et la norme qui en l’espèce est appliquée. 

=> C’est l’autorité relative de la chose jugée : l’interdiction est faite aux tribunaux (parlements) de fixer des règles pendant la Révolution française. 

Le jugement n’a pas de valeur erga omnes, c’est-à-dire « à l’encontre de tous ». 

  

La jurisprudence serait une source secondaire uniquement interprétative. En réalité, un phénomène d’autorité s’attache à ces décisions, en particulier le phénomène d’accumulation. Si on juge 999 fois telle affaire dans tel sens, la 1000ème affaire jugée le sera très probablement de la même façon. On juge par la qualité, c’est-à-dire l’autorité de la juridiction (première instance, appel, cassation). La décision prise par la juridiction au sommet de la pyramide doit être appliquée par les autres. 

Ex : la Cours de Cassation a jugé ainsi. Si je juge différemment, ça va être cassé, donc je juge comme la Cours de Cassation. 

La loi prévoit parfois que les décisions d’une juridiction soient normes. 

Exemple, Article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. ». 

Dans certains systèmes juridiques, la jurisprudence est très importante, surtout dans les systèmes anglo-saxons. La common law s’applique à tous. En France, la jurisprudence est importante en Droit Pénal et surtout en Droit Administratif. Raison historique simple : longtemps l’administration n’était pas responsable : « Le roi ne peut mal faire ». 

A la Révolution française, on instaure le principe d’égalité. L’administration doit agir selon le Droit => possibilités nouvelles de litiges. Depuis 1790 on admettait qu’elle jugerait elle-même. Dès 1872 on a fait des tribunaux administratifs. Mais quel droit allait appliquer les nouveaux juges ? En l’absence de textes applicables, les juges administratifs ont créé le Droit administratif => théorie du Service Public (à partir de 1873). Le droit administratif est largement un Droit de nature jurisprudentielle. 

La jurisprudence est une source continue, elle est l’aspect vivant d’un droit en évolution. C’est un droit complexe et mal aisé pour le justiciable. De fait, la jurisprudence est souvent suivie d’un mouvement de codification. 

D. La doctrine 

C’est une source de nature différente, elle est accessoire ou en fait indirecte. Elle est l’ensemble des travaux des auteurs, praticiens et autres. Ce n’est pas suffisant pour créer du Droit. Il faut bien voir que la doctrine peut avoir une influence, dont sur la jurisprudence qui s’inspire fortement d’elle. On trouve parfois des auteurs cités dans des décisions de Justice. 

Exemple : réforme des assurances il y a 20 ans avec le professeur Etienne et le ministre Badinter. 

L’école du service public défini le Droit administratif parallèlement aux décisions du Conseil d’Etat. 

E. Conclusion §2 

Le droit n’est pas figé, immuable, comme le serait un droit uniquement coutumier. 

§III. La vie des règles de Droit 

De part la différence de ses sources, le droit est une création sociale continue. 

A. L’application des règles de droit 

En principe il ne devrait pas y avoir là de difficulté. Si la sanction n’est pas appliquée, la règle tombe et disparaît. A quel temps s’applique une règle nouvelle ? 

      1. Aux actions futures, pour les interdire 
      2. Aux actions passées, pour réparer / pardonner. => c’est la rétroactivité de la loi. On a cependant une méfiance envers la rétroactivité de la loi. Elle peut être rétroactive si al transgression est tellement grande au nom de l’avis général (y compris en pénal). Par exemple, le crime contre l’humanité a été défini après. 

  

Un grand principe est la non rétroactivité de la loi. On ne peut pas reprocher après ce qui a été avant et qui était permis. En pénal, c’est non rétroactif pour l’essentiel : valeur presque absolue. Autre exemple : la loi fiscale est par nature rétroactive. 

Ce problème est complexe en Droit administratif 

B. Le problème de l’interprétation 

L’application du droit suppose parfois (souvent) son interprétation. Le juge va choisir ce qui est applicable au cas d’espèce, et l’adapter si nécessaire. Il y a donc un infléchissement de la règle par le juge. La question est : comment interpréter ? Deux façons : 

      1. de façon subjective : le juge va ramener le texte et les règles à ses propres valeurs (intérêts) et va juger selon ce qu’il croit lui être bien ou pas bien. Pour Carbonnier, c’est la notion de « bonnes moeurs ». 
      2. de façon objective (ce qui est préférable) : Elle consiste à :  
        1. en rester à l’énoncé de la règle : déduire les situations particulières qu’une règle générale peut décrire (exemple : la charrette sur le chemin au 19ème siècle devient la voiture au 20ème siècle, même si cela n’était pas prévu). 
        2. prendre en compte l’intention des auteurs 
        3. faire référence aux grands principes sur lesquels repose le système juridique global (dont la DDHC par exemple). 

  

Le juge peut être consciemment objectif mais inconsciemment subjectif. C’est tout le problème de l’intime conviction. 

      1. Une règle peut en abroger une autre 
      2. une règle peut tomber en désuétude 
      3. Si le droit agit sur la société, la société agit sur le droit. 

C. Le droit et la société 

Pour que le droit reste vivant, il doit être en symbiose avec une société qui elle-même évolue. Il y a donc un double rôle du droit par rapport à la société. 

La question : le droit précède-t-il le fait social ? 

      • Si le Droit est coutumier, la coutume suit le fait, et la jurisprudence aussi 
      • Par la loi : ambivalence. La loi devrait précéder le fait, fixer des comportements nouveaux qui ne sont pas encore considérés obligatoire par le groupe. Une partie du Droit va dans ce sens (ex Droit du travail, Droit de la sécurité sociale). 

  

Parfois, la loi suit le fait et ne le précède pas. Le comportement social s’organise à côté de la loi (en dehors). Exemple : le divorce, la contraception, l’avortement. La loi c’est là adaptée aux pratiques. 

D. Conclusion §3 

Conclusion : ce double aspect est naturel en raison de la fonction même du système juridique. Il est lié à la l’ordre social désirable : 

      • le présent : le Droit suit les faits 
      • l’avenir : le droit organise les faits 

§IV. La distinction droit public / droit privé 

Elle est essentielle dans l’enseignement. Si cette distinction est essentielle dans l’enseignement, elle l’est aussi dans l’ordre juridique et par rapport à l’Etat. Quelle est la raison d’être de cette distinction ? Ses conséquences ? Etc. 

A. Raison d’être : personnes publiques et personnes privées 

Repartons de la définition d’une règle de Droit : « Le droit est l’ensemble des règles générales et impersonnelles qui régissent les conduites des personnes sous une sanction socialement organisée pouvant faire appel à la contrainte ». 

Deux sens du mot « individu » : 

      • sens courant : un individu physique soumis à des droits et des obligations car il est sujet de droit 
      • sens juridique : les personnes morales. Elles sont une fiction, une création intellectuelle, des entités qui sont personnalisées. Elles sont réputées dotées d’une capacité propre et d’une volonté personnelle. La finalité de cette personne nouvelle est présumée distincte de celles qui animent cette personne. 

  

Cette personne morale elle aussi a des droits et des obligations. 

      • Ses droits : 

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        • posséder des biens 
        • agir en justice 
      • ses obligations : 

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        • s’enregistrer 
        • payer un impôt (société) etc. 

  

Différentes formes de ces personnes morales. 

      • Certains ont un intérêt particulier : 

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        • lucratif (entreprises) 
        • défendre ses membres (syndicats) 
        • promouvoir une cause (association) 
      • D’autres un intérêt général : 

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        • l’Etat : est réputé agir pour le bien commun 
        • une commune, un département 
        • etc. 

  

Les premières seront des personnes privées, les secondes des personnes publiques. Remarque : les personnes privées peuvent donc être physiques ou morales. Les personnes publiques sont toujours des personnes morales. 

Dédoublement fonctionnel : il faut faire la différence entre celui qui agit en tant que personne privé et celui qui agit au nom de la personne publique. De là, on peut considérer que les rapports juridiques peuvent être de trois types : 

      1. entre personnes privées 
      2. entre personnes publiques 
      3. entre personnes privée(s) et publiques(s) : rapport mixte. 

  

Règle de 1 : Droit privé 

Règle de 2 : Droit public 

Règle de 3 : le plus complexe. Retenons qu’il y a attraction du Droit public en règle générale. 

  

Pour qu’il y ait du droit public, il faut et il suffit qu’une des personnes impliquées dans le rapport soit publique. C’est L’Etat la plupart du temps. Les autres peuvent être des démembrements de l’Etat lié à lui de façon organique. 

Définitions 

      • Droit public : c’est l’ensemble des règles de droit qui régissent les rapports des différents organises de l’Etat entre eux ou avec des particuliers. 
      • Droit privé : le rapport entre personnes juridiques pourvu que l’une d’entre elle ne soit pas publique. 

B. Le contenu de la distinction et le problème du critère 

Quelles sont les différences entre Droit public et Droit privé ? 

Plusieurs distinctions : 

1. Distinction matérielle 

Qui sont les acteurs ? S’il y a intervention de l’Etat ou d’un organe lié, c’est très probablement du droit public. Ce critère n’est pas suffisant. Exemple : il y a des démembrements dont on ne sait s’ils se rattachent ou non à l’Etat, par exemple les SEM (Sociétés d’Economie Mixte), qui sont à la fois privées et publiques. 

Ce n’est pas toujours suffisant 

2. Distinction formelle 

Le critère est la technique juridique utilisée. L’intérêt général doit l’emporter sur l’intérêt particulier. => Emploi de décisions unilatérales (décrets ou arrêtés) par opposition au contrat, réputé égalité (en droit privé). Mais il y a aussi des contrats de droit public. 

3. Distinction fonctionnelle 

Quel est le but de la règle juridique qu’il s’agit en l’espère d’appliquer ? Vise-t-elle l’intérêt général ou l’intérêt particulier ? => Droit public ou droit privé ? 

  

Il n’y a pas de critère suffisant à lui seul. On utilise la méthode du « faisceau d’indices » (c’est-à-dire un combiné des trois méthodes), cette méthode est utilisée par les administrativistes. 

A partir de là, le problème des délimitations n’est pas toujours évident, notamment dans le Droit administratif. 

Ex GDF : une partie est de droit privée, l’autre de droit public. 

C. Conséquences de la distinction : deux ordres de juridiction 

En effet, deux domaines, mais plus que ça : deux droits différents. 

Droit public : imposer l’intérêt général 

Droit privé : égalité entre les deux parties 

  

On a prit le parti de créer deux ordres. Ils sont conçus l’un et l’autre de façon pyramidale. Il y a un double degré de juridiction (première instance, appel, la cassation n’étant pas un troisième degré). Ce double degré tend à disparaître, faute de moyens. 

En droit privé : 

      1. Tribunal d’instance ou Tribunal de Grande instance 
      2. Cours d’appel 
      3. Cours de cassation 

  

En droit public : 

      1. Tribunal administratif (36 au total) 
      2. Cours administrative d’appel (8 au total) 
      3. Le conseil d’Etat (juge de cassation) mais qui aussi peut être juge du fond en première instance sur des décisions les plus importantes 

  

Ce système de deux pyramides côte à côte est satisfaisant pour l’esprit, mais c’est compliqué pour le justiciable. Il faut savoir quel juge est compétent dans son affaire. 

En cas de litige sur la compétence : Tribunal des conflits. Il est composé à moitié de membres du Conseil d’Etat et de la Cours de Cassation. Si égalité, le garde des sceaux préside et fait pencher la balance. 

La distinction n’est en fait pas absolue. 

D. Les limites de la distinction 

Cette distinction résiste mal à la pratique. L’Etat peut aller en faveur d’un intérêt privé si celui-ci va dans l’intérêt général, etc. 

Question de l’organisation économique. Dans l’économie libérale, la plupart des activités sont faites par des acteurs privés, mais l’Etat est amené à intervenir : il peut soutenir voire gérer un secteur (services public). 

Il y avait les entreprises nationales, ex : EDF et GDF. 

Parfois, la distinction est, bien que fondamentale, difficile. 

Plusieurs droits publics : 

      1. Le droit public (Droit constitutionnel)  
        1. organisation générale de l’Etat 
        2. le pouvoir 
        3. la place du citoyen dans cet ensemble 
      2. L’organisation administrative de l’Etat 
      3. Les moyens financiers de l’Etat, les dépenses, le budget, la place du contribuable : Les Finances publiques 
      4. Le droit international public : on le met à part cependant 
      5. les libertés publiques (droits fondamentaux) 

Section 4 – Les principes de base du droit constitutionnel 

D’un Etat à l’autre : agencements différents. Y a-t-il cependant de grands traits communs ? Oui, si l’on s’en tient au droit constitutionnel classique : il est l’ensemble de règles situées dans le temps et dans l’espace (démocratie libérale ou démocratie pluraliste) tel qu’il s’est formé entre la fin du 18ème siècle et aujourd’hui. Il s’est formé en Europe et aux Etats-Unis. Il repose sur les mêmes valeurs philosophiques : fond commun à beaucoup de pays (par exemple l’Europe des 15, puis des 25, puis des 27). 

Hauriou montre que cette naissance et histoire commune du droit constitutionnel ont été rendus possibles par un contexte et un environnement qu’il faut rapprocher. Deux idées : la confiance et l’équilibre. 

§I. L’environnement socioculturel 

Au 17ème en Angleterre et au 18ème dans l’Europe/Amérique, on a une série de contextes identiques à quelques points prêts. 

A. D’ordre sociologique 

Forte homogénéité des nations : territoires précis, langue commune. Sentiment d’appartenance fort. Volonté affirmée de vivre ensemble. Consensus sur le but à atteindre et les idéaux de la révolution. Rôle des classes moyennes 

B. D’ordre culturel 

Haut niveau d’alphabétisation, d’instruction, d’information : conscience civique 

C. Un facteur religieux 

Même s’il y a séparation, ça reste dans la culture. Les pays dans lesquels est nés le droit constitutionnel sont chrétiens et, pour les plus civiques, protestants. Il y a peut être un lien. Weber a développé cette théorie. Volonté de liberté dans la religion protestante, soumission à l’autorité chez les catholiques. L’église catholique reconnaît la République en 1892. 

D. D’ordre économique 

Rapprochement entre l’idéologie politique libérale et l’idéologie économique libérale : marché électoral et marché économique. 

—      compétition, concurrence, pluralisme, dans ces deux domaines 

Pour les auteurs marxistes : liaison entre les modes de production et les institutions. Pour ceux de l’école libérale : liaison entre le niveau de production et les institutions. Liaison entre politique et économique : explique la naissance quasi-simultanée. Tous ces pays sont à peu près au même niveau de développement donc se dotent des mêmes institutions. 

E. Historique 

      • Passage du secteur primaire au secteur secondaire 
      • Amélioration du mode de vie avec les progrès techniques 
      • Moins d’inégalité 
      • Pas de famine en tant que phénomène de masse, le problème maintenant est « consommer ou ne pas consommer » 
      • Organisation du consensus : veut-on encore changer de société ? les partis révolutionnaires sont maintenant réformistes. La lutte politique est atténuée. Le débat politique est faible. Compétition entre social-démocratie et démocratie sociale. 

§II. Les présupposés du jeu politique 

Idéologie de la compétition : reconnaissance de la valeur de la lutte. Le pouvoir peut être discuté et disputé lors des élections. Cette compétition a d’abord existé entre des ordres (Révolution française) puis dans le peuple. Le suffrage s’étend et devient universel et considéré comme un droit. 

On a une opposition entre des grands courants d’idée et non des ordres, c’est-à-dire entre des classes. 

Opposition libéraux contre conservateurs : élargissement du suffrage par les libéraux, création des partis. Avant : 500 électeurs par circonscription, puis 30 000, puis 70 000 de nos jours. 

Ces partis se développement et se généralisent vite. S’ajoutent des partis ouvriers, des socialistes, des travaillistes anglais (1895), ou des socialistes comme Jaurès en 1905 (initie en Allemagne en 1875). 

Ces partis au départ révolutionnaire prennent conscience de leur force et de leur capacité à accéder au pouvoir par les élections. Ils s’intègrent dans le système. Idem pour le Parti Communiste. 

C’est l’acceptation générale d’un jeu politique qui comporte : 

      1. un code des valeurs essentielles, consécutives d’une charte politique. Liberté, nécessaire à la compétition politique, liberté d’association, d’expression. 
      2. le principe de la représentation et de la démocratie directe. Les représentants parlent au nom du peuple 
      3. l’exercice effectif du pouvoir sur une équipe politique. C’est un parti qui dirige seul (si majorité) ou en alliance (si pas de majorité) 
      4. la préparation du remplacement par d’autres équipes. Respecter l’opposition et sa valeur dans le jeu. Le vainqueur a un mandat limité, le vaincu peut revenir au pouvoir. 

  

Avant : correspondance entre les classes, les catégories sociales, et les partis politiques. 

Maintenant : ça a changé. Mais il reste quelques correspondances (moins en France, bien plus en Suède). Sans ces jeux, ces soubassements, échec : ex Allemagne au 19ème ou la décolonisation dans les années 1960. 

S’il y a cet environnement, ça marche, avec 2 éléments 

§III. Le parti prit de confiance 

Tout cela repose sur le pari que les individus veulent le bonheur et la liberté pour eux et pour tous. Il faut donc leur faire confiance (Rousseau). Confiance dans l’individu (liberté, suffrage universel, représentativité). 

      • Confiance à ceux qui votent et ceux qui sont élus. Le représentant représente toute la commune nationale. 
      • Confiance dans le dialogue des assemblées délibérantes dans lesquelles s’expriment des idées qui s’opposent. On essaye pourtant de trancher vers le bien commun, c’est la majorité qui le dit. D’où la volonté qu’il n’y est pas d’écran entre les représentants et le peuple. Interdiction pendant longtemps des groupes parlementaires. 
      • Confiance dans l’organisation rationnelle :  
        • La compétition 
        • La représentation 
        • Les procédures de discussions bicamérales 
        • La règle de majorité (et la minorité qui se rallie : sophisme de rousseau : je suis libre quand je me rallie à l’opinion que je n’avais pas). 
      • Confiance dans l’existence d’absolu. Idée qu’il y a une liberté, une vérité, une justice. Reflet du scientisme du 19ème siècle. 

  

Finalement, de la combinaison des trois éléments précédents découle le résultat : l’organisation rationnelle d’un dialogue sincère entre des individus bons permettra de trouver le bien commun, la vérité, la justice. 

On sait que dans la société il y a des oppositions, des conceptions différentes. Mais c’est vrai aussi que cette vision optimiste (dépasser ses propres intérêts) est bien présente. On retourne sur la question de l’Etat. Est-ce l’intérêt de tous ou l’instrument de domination d’une classe sur une autre ? 

Pour autant, ce parti prit de confiance n’est pas débarrassé de l’idée qu’il faut faire attention au fait que chacun ne se comporte pas idéalement. On met alors en place des mécanismes de contrôle pour limiter le pouvoir. 

  

Même s’il y a confiance, il y a tentation. Le droit constitutionnel repose dès le début sur cette idée d’équilibre. Il est voulu et cherché entre des contraintes de la société. L’idée est d’essayer de résoudre celle entre l’autorité et la liberté. On essaye de créer des équilibres institutionnels équilibrant le social, et par conséquent la politique. 

Equilibre autorité/liberté : 

La constitution est le statut du pouvoir dans l’Etat. La constitution est aussi la garantie qui contient les droits élémentaires. On attache une valeur importante à ces libertés. 

La constitution définie : 

      • Un domaine de liberté de l’individu 
      • Un domaine de liberté de l’Etat 

  

(Ici : la limite est le respect de la personne humaine). 

Le droit constitutionnel rejette ceux qui ne respectent pas cela : autoritarisme, etc. 

Etat de droit = l’Etat agit selon le droit ? 

Ce se traduit par un équilibre sur le plan institutionnel, certains organes exercent le pouvoir, d’autres assurent la liberté. C’est la distinction entre l’exécutif et le législatif. 

Ou aussi c’est la recherche d’un équilibre entre pouvoir central et pouvoirs locaux. Volonté de dialogue entre les branches. Par ce dialogue, il y a une limitation. Ce sont les « check and balances » : ces verrous et contrepoids aux USA, régime qui sépare au maximum les pouvoirs. 

Cela s’accompagne surtout d’un équilibre social. Le droit constitutionnel est né d’états composés de sociétés fortement hiérarchisées. 

Le suffrage universel est l’idée que toutes les classes participent au vote et à la décision. Chaque catégorie compte autant qu’elle a de membres. Au 19ème siècle, on a volontiers une chambre haute aristocratique qui s’oppose à une chambre basse, populaire (bourgeoisie), élue au suffrage universel. Cette idée qu’il doit y avoir 2 chambres demeure. Au 20ème siècle : 

      1. une chambre basse élue au suffrage universel (donc urbaine, car 90% de la population est urbaine) et 
      2. une chambre élue par les collectivités (chambre haute, plus rurale et souvent plus conservatrices). 

1 + 2 : on organise une confrontation pour équilibrer. 

  

Tout cela s’accompagne d’un équilibre politique entre la majorité et l’opposition. Valorisation de l’alternance (considérée comme le critère de la démocratie). Admiration pour le système britannique d’alternance du pouvoir sur des dizaines d’années. 

Sous la troisième République et sous la quatrième République, instabilité du gouvernement. Sous la cinquième République, la majorité souvent tapait sur l’opposition jusqu’à ce qu’on s’aperçoive en 1981 que l’opposition pouvait gouverner elle aussi. 

Puis l’idée d’un « statut de l’opposition » (VGE) : l’opposition joue un rôle utile et peut aider à aller dans le sens de l’intérêt général. Du coup, tout ce qui élargi les droits de l’opposition va dans le bon sens, c’est-à-dire la réforme de 1974 qui a donné le droit à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le conseil constitutionnel. L’opposition peut donc faire respecter la constitutionnalité. 

Voilà le cadre dans lequel se développe le droit constitutionnel, qu’on a tendance à croire universel. Mais il n’est pas forcément transposable dans des mondes nouveaux. (Par exemple la Russie de 1917 ou la décolonisation des années 1960). 

Dans certains de ces pays en développement politique, la préoccupation n’est pas d’organiser l’opposition mais de créer un sentiment national. 

Chapitre 2 : La liberté, la représentation, le suffrage 

Dès le départ, il y a structurellement, constitutionnellement, une opposition entre l’individu et l’Etat (entre liberté et sécurité). Dans cette relation dialectique, on a considéré que le fragile était l’individu (et la liberté) et le risque était de tomber dans le Léviathan (Hobbes), c’est-à-dire l’Etat totalitaire. 

Devant ce risque, la construction libérale (celle du droit constitutionnel classique) va consister à mettre en avant la liberté de l’individu, à la protéger : 

      • en garantissant ses droits 
      • réserver à ce citoyen une place privilégiée, théoriquement fondamentale, qui est l’origine populaire du pouvoir. 

  

Apparaît la question de la souveraineté. Qui est souverain ? Le peuple ou ses représentants ? Si la représentation est le moyen qui permet de préserver la place de l’individu dans la mécanique politique, la question de savoir comment s’exerce cette représentation (vote ou aussi procédés électoraux) est de comment transformer 40 millions de suffrage en 577 députés. 

Le suffrage universel, s’il est individuel dans sa manifestation, se traduit dans la réalité par des soutiens à des démarches collectives (= de partis politiques). 

Protection des libertés, problème de la souveraineté, ces deux questions débouchent sur les élections et les partis. 

Section 1 – Les libertés, la représentation comme liberté politique 

Quand on parle de liberté, on pense à Delacroix, à la statue de la liberté 

Quand on parle des libertés, on pense à l’ensemble des droits protégés et garantis par le système juridique. 

La liberté est la coquille protectrice de l’individu. 

Question : cette liberté est-elle réelle / efficace ? 

§I. Liberté civile et droits politiques 

A. Les libertés civiles 

Les libertés civiles sont l’ensemble des droits et dispositions reconnues à l’individu pour faire respecter ses droits. Deux thèmes (« la chair et l’esprit ») => le physique / l’intellectuel 

      1. Physique, la personne humaine avec sa protection  
        1. Liberté d’aller et venir (s’oppose au servage d’ancien régime). 
        2. La sûreté (l’individu ne peut être détenu sans décision de justice, il n’y a donc pas de crainte de l’arbitraire) 
        3. Droit à la propriété, fondamental dans le système libéral 
        4. Droit d’établir des conventions, accords ou contrats, avec un autre (mariage, service, travail, etc.) 
        5. Droit à la protection 
      2. Intellectuel, c’est-à-dire : 
      1.   
        1. La liberté de penser 
        2. La liberté d’exprimer cette pensée (liberté de conscience, choix de la religion, de ne pas en avoir) 
        3. Liberté d’enseignement 
        4. Liberté de l’information (donc de la presse) 
        5. Liberté d’association 
        6. Liberté de réunion (permet le pluralisme politique) 

  

(Liste non limitative) 

Depuis 1946, proclamation d’une série de droits nouveaux, c’est-à-dire là plutôt les droits de l’individu réunis (santé, travail, etc.). 

      • idée de la dignité humaine (contre la torture, peine de mort, etc.) 
      • droit des générations futures (environnement, planète) 
      • liberté du corps (euthanasie, droit à mourir dans la dignité, avortement, contraception). 

  

Les libertés intellectuelles (a) et (b) permettent la représentation de l’opposition et la formulation de nouveaux ordres sociables désirable. Si on ajoute (e), on permet la fabrication de groupes concurrents (partis politiques) pour porter ces revendications différentes. 

B. Les droits politiques 

Ils sont ceux qui permettent l’expression de la volonté nationale. 

      1. le droit de vote, permet à chaque individu  
        1. de choisir sa constitution 
        2. de choisir ses représentants, ses gouvernants 
      2. le droit d’éligibilité, c’est-à-dire le droit d’être candidat. 

  

Plus rare, mais démocratique dans son idée : le droit d’initiative populaire : 

      • le droit d’être au départ d’un processus politique (pétitions). Italie, Suisse, par ex. 
      • droit de révocation des élus (le recall aux USA) 

  

Tout cela défini la possibilité pour le citoyen d’être un acteur dans le jeu politique 

§II. Critique et redécouverte des libertés 

Cet ensemble de liberté a été très critiqué dès la fin du 19ème siècle à la suite de Marx, pour qui ce sont des libertés formelles et bourgeoises. Ainsi, ces libertés seraient d’avoir une valeur universelle. 

Ex : un journal ou une chaîne de TV coûtent cher et sont finalement réservés aux riches. Au 20ème siècle, la critique vise les libertés qui n’ont pas besoin d’un support matériel. 

Dans toutes ces critiques intéressantes, y compris l’idée de la reproduction de l’idéologie dominante, si ces libertés ne sont pas suffisantes, elles sont au moins nécessaires. 

On s’est aperçu que les personnes ont réclamés ces libertés bourgeoises en URSS. C’est l’idée que l’Etat dans sa forme totalitaire était l’accusé. Le thème des contre-pouvoirs, utilisé comme protection de l’Etat qui peut devenir autoritaire. 

Ex : autogestion, déconcentration, etc. 

Pour insuffisantes qu’elles soient, ces libertés traditionnelles sont reconnues comme essentielles et indispensables. Dans les systèmes contemporains, le citoyen ne joue pas forcément le rôle qui lui est promis : être décideur. Son rôle essentiel est de désigner des représentants 

§III. Le droit politique fondamental : être représenté 

Si le pouvoir est d’origine populaire, il devrait être accepté par le peuple. C’était le cas à Athènes avec l’assemblée générale chaque jour. De cette démocratie directe, il n’y a que quelques survivances. Reste quelques procédures plus répandues dites de démocratie semi directe (ex : le referendum) mais ça ne peut pas être pratiqué tous les jours. D’où l’idée de la représentation, généralisée aujourd’hui au point d’être synonyme de démocratie. C’est consubstantiel à la notion de démocratie 

On choisi des représentants en assemblées plus ou moins permanentes. Tous les régimes politiques ont des assemblées représentatives. Toutes nos structures fonctionnent avec cette idée de représentation (syndicats, universités, entreprises, etc.). 

Le problème est le lien entre représentés et représentants : est-il exclusif ? La représentation est fondamentale, dans l’intervalle l’intervention du citoyen est rare. Elle intervient de façon indirecte par l’opinion (sondages, etc.). 

Double fonction des représentants : 

      1. les représentants représentent l’individu et ses libertés devant l’Etat 
      2. ces gouvernants sont aussi désignés directement par le peuple ou par une majorité de représentant. 

  

Sorte d’ambivalence de cette fonction : elle (1) désigne et (2) surveille. 

§IV. Représentation et démocratie 

Le système représentatif est très généralisé. Il est synonyme de démocratie. 

Au 18ème siècle, on oppose les 2 termes : 

      • démocratie : gouvernement direct d’un petit nombre issu du peuple (par opposition à l’aristocratie) 
      • ceci par opposition au gouvernement représentatif qui est celui de tous. Cf. le discours de Sieyès le 16 septembre 1789. Il oppose les 2 et montre que la dictature du petit nombre est contenue dans la démocratie 

  

Il faut donc un gouvernement représentatif, avec des élus, indépendants et guidés par l’intérêt général. Ils doivent s’abstraire. 

  

Au 19ème : Bentham et Tocqueville. 

Les mots changent de sens : « C’est donc réellement le peuple qui dirige, et quoique la forme du gouvernement soit représentatif il est évident que les opinions, les préjugés, les intérêts et même les passions du peuple ne peuvent trouver d’obstacles durables qui les empêchent de se produire dans la direction journalière de la société ». Tocqueville. 

Aux Etats-Unis, le gouvernement agit dans l’intérêt du peuple quoique le gouvernement soit représentatif. 

John Stuart Mill établi la conception de démocratie représentative dans Considérations sur le gouvernement représentatif en 1860. 

Le suffrage (censitaire) était sélectif et ne prenaient que ceux supposés capables. Lorsque le suffrage devient universel, il devient l’instrument même de la démocratie. 

  

Friedrich, 1950 : « Pour nous, démocratie signifie que l’ensemble des citoyens va élire les représentants dont ils connaissent les opinions et les programmes pour les avoir lu dans les journaux, ou entendu exposé en réunion publique ou à la radio ». 

  

Définition : 

Dans nos systèmes occidentaux, la démocratie est la libre élection dans un choix pluraliste par le peuple souverain de ses représentants et de ses gouvernants. 

  

Cela pose le problème de la souveraineté, c’est-à-dire de la détention effective du pouvoir. 

Section 2 – La souveraineté et le pouvoir de suffrage 

On peut définir la notion de souveraineté de plusieurs manières. La plus simple, qu’on adopte de façon intuitive, est l’idée d’un pouvoir suprême, soumis à nul autre, et pouvant déterminer les autres. La souveraineté est le pouvoir sur le pouvoir (pour les juristes) ou pour KELSEN : « la compétence de la compétence ». 

Ce pouvoir appartient à l’ensemble des citoyens dans nos sociétés modernes, mais comme ceux-ci ne peuvent l’exercer, ils le délèguent. Deux conceptions s’opposent : la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. 

Cette opposition a des conséquences sur la conception même de la représentation et du suffrage 

§I. La théorie de la souveraineté nationale 

Même si ce n’est pas son nom qui est attaché à cette théorie, on peut repartir de Rousseau et de son contrat social. Ce contrat social est la remise de la souveraineté, de la liberté absolue (Etat de nature) d’une partie à la collectivité, c’est-à-dire la nation (cette idée de nation apparaît dès le 18ème siècle). 

Elle est un être mythique prenant en charge le bien commun du groupe. 

Définition de rousseau dans l’encyclopédie : Le corps politique est un être moral qui a une volonté qui tend toujours à la conservation et au bien être de chaque partie de ce corps. 

Cette conception sera proclamée dès 1789 dans la DDHC. Article 3 : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». 

Cette souveraineté est indivisible : elle appartient à un seul être collectif qui est fait pour cela. Il ne peut l’aliéner sans se dissoudre. Cette souveraineté est inaliénable. 

Cette souveraineté est aussi indépendante des individus physiques puisqu’elle est par contrat réservée à cet être collectif. Par conséquent, cela exclu toute démocratie directe (Sieyès). Si ce n’est pas le peuple, c’est les représentants de la nation qui vont s’exprimer. Comment trouver ces représentants de la nation ? 

Sieyès est le père de la souveraineté nationale. 

  

La souveraineté nationale est remise à un parlement qui représente la nation. 

§II. La théorie de la souveraineté populaire 

La souveraineté appartient au peuple. 

Le peuple est l’ensemble des individus. Donc la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyens existants. La théorie de la souveraineté populaire revient au seul Rousseau dans le livre III du contrat social. « Si l’Etat comprend 10 000 citoyens, chaque membre de l’Etat n’a pour sa part que la 10 millième partie de l’autorité souveraine (…) Chacun n’a qu’une parcelle mais participant au tout bénéficie de la puissance de l’ensemble ». 

On a cela dans la constitution de 1793 : « La souveraineté réside dans le peuple (…). Chaque section du souverain assemblée doit jouir de son droit d’exprimer sa volonté avec une entière liberté ». 

Dans cette conception, la souveraineté dépend des individus physiques : elle pousse donc à la démocratie directe, du moins à ce qui est possible. Reste la démocratie semi directe, comme le referendum. 

De plus, si pour des raisons pratique il faut bien accepter qu’il y ait des représentants, ceux-ci doivent pouvoir être contrôle voir révoqués si leur attitude ne correspond pas à la volonté de leurs mandants. 

Ceci conduit à un système politique conçu comme une sorte de pyramide de délégation. Pour chaque représentant il y a un mandait strict contrôle par les mandants. Séduisant sur le papier, mais difficile à traduire dans les institutions et difficile à mettre en œuvre. Jamais appliqué, sauf quelques traces en suisse et en URSS. 

  

Cette souveraineté populaire oblige à la République. La souveraineté nationale peut accepter une monarchie, car le roi est dans la nation. Dans la souveraineté populaire, le roi n’a rien de plus que les autres, ainsi il est un citoyen comme les autres. 

§III. Conséquence sur la représentation et le suffrage 

De ces deux conceptions, deux logiques différents pour l’exercice de la représentation, tant pour ce qui est du suffrage que pour la nature du mandat. 

A. Pour le suffrage 

Dans la théorie de la souveraineté nationale, le pouvoir appartient à la nation. Cet être mythique doit s’incarner. Quels sont les vrais représentants de nation ? Quel est le meilleur moyen de les choisir ? Ce n’est pas un droit que de choisir les représentants mais une fonction. On se méfiera donc de cette expression directe. 

La théorie de « l’électorat fonction ». L’élection par les citoyens étant le meilleur moyen de désigner les représentants. Montesquieu, Livre 11, chapitre 6, Esprit des Lois. « Le peuple ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée ». D’où la possibilité dans cette théorie de l’électorat fonction de restreindre le corps électoral. Le critère longtemps choisi fut le cens, mais on pouvait aussi choisir le suffrage familial (1 voix / par enfant). 

  

A l’inverse, dans la théorie de la souveraineté populaire, chaque citoyen a une part de la souveraineté, chacun à le droit de s’exprimer. Ici, l’électorat est un droit, exercé au plus sous des réserves de condition d’âge (et de sexe). Par nature le suffrage est universel. En 1848 le suffrage universel masculin est proclamé. En 1945 le suffrage est véritablement universel. C’est la théorie de « l’électorat droit ». 

B. La nature du mandat 

Dans la théorie de la souveraineté nationale : 

Le représentant a un mandat dit « délibératif » (= représentatif). Il a été choisi pour représenter la nation, pour chercher quelle est la volonté de la nation. Il cherche cette volonté en délibérant par sa seule conscience sans se soucier de l’avis de ses électeurs. Il n’est pas nécessaire d’avoir une concordance. Ce représentant ne peut être révoqué. Il est de même interdit d’avoir un intermédiaire entre lui et la nation. 

Sieyès, discours du 16 septembre 1789, à l’assemblée constituante : « Les citoyens peuvent donner leur confiance à quelques uns d’entre eux. Sans aliéner leurs droits, ils en commettent l’exercice. C’est pour l’utilité commune qu’ils se nomment des représentants, bien plus capable qu’eux même de connaître l’intérêt général et d’interpréter à cet égard leur propre volonté. (…) Il ne peut y avoir pour un député un mandait impératif ou même de vœu positif que le vœu national ; il ne se doit au conseil de ces commettants directs qu’autant que ces conseils seront conformes au vœu national ». 

Les citoyens nomment des représentants pour l’utilité commune et pour chercher l’intérêt général. Ces représentants sont plus à même de le faire. Un député agit en conscience et cherche le « feu national » (l’intérêt général). 

C’est la conception du mandat délibératif (ou représentatif). 

  

Dans la théorie de la souveraineté populaire : 

Les représentants sont élus pour transmettre la volonté du peuple. Ils ont une délégation, un mandat impératif. Ils doivent se tenir au contact de leurs délégants qui peuvent les révoquer. La volonté générale sera l’addition de toutes ces délégations, la résultante de l’addition de ces volontés particulières. 

  

Ces deux conceptions sont très opposées, et pourtant elles tendent aujourd’hui à être largement confondues dans la pratique dans une sorte de synthèse. 

§IV. La synthèse actuelle des deux contrats 

En France aujourd’hui, on a une idée de souveraineté nationale. Mais il y a l’influence de l’autre théorie et dans la pratique, il y a une confusion entre les deux. Comment fonctionne le circuit suffrage -> représentation ? 

      1. le suffrage est universel, il est considéré comme un droit ouvert à tous avec une seule condition : l’âge (qui passe de 21 à 18 ans en 1874). 
      2. la France est une République (Article 1 de la constitution) : l’égalité de tous les citoyens proclamée et garantie 
      3. encadrement des élus par des partis. Ces groupes ont une discipline de vote, et ces députés essayent de maintenir un lien avec leurs électeurs. 

  

1 + 2 + 3 = appartiennent théorie de la souveraineté populaire. 

  

Mais parallèlement : 

      1. les représentants ont un mandat délibératif, non révocable. Cf. Article 27 de la Constitution. 
      2. la représentation est le circuit politique habituel. Ex. : le referendum en matière législative est exceptionnel et limité. 
      3. la démarche individuelle pour les candidats est prévue (n’importe qui peut se présenter). 

  

1 + 2 + 3 = éléments de la théorie de la souveraineté nationale. 

  

Cette synthèse est traduite dans l’article 3 de la Constitution de façon ambiguë : « la souveraineté nationale appartient au peuple ». En réalité, la synthèse s’est faite historiquement autour de l’idée de la souveraineté parlementaire. L’assemblée nationale est le lieu où s’exprime la volonté nationale. Cette assemblée nationale est l’objet réel le plus proche de l’objet mythique « Nation ». 

La force de l’assemblée nationale est inévitable. On filtre les referendums. Le contrôle des représentants est interdit. Le plus commode est de passer par le parlement. 

Dans le débat de 1962, Paul Reynaud montre que « le peuple est ici et pas ailleurs » dans la question du referendum direct sans vote du parlement. 

Le débat théorique est moins important dans ses effets que le débat sur la méthode de représentation. La question de savoir comment ceux qui vont décider est essentielle. 

Section 3 – L’expression du suffrage et les systèmes électoraux 

Par système électoral on entend l’ensemble des règles qui organisent l’expression du suffrage, le cadre dans lequel il s’exerce et aussi les modes de calcul du choix des représentants. Passer de 41 millions d’électeurs à 577 députés. Pour opérer cette formidable réduction, quelle est la meilleure méthode ? Par rapport à quels critères ? C’est tout le débat, loin d’être résolu. 

§I. Scrutin uni ou pluri nominal et conséquences 

Au départ, c’est tout simple. Est-ce que par le même vote on désigne un ou plusieurs représentants ? 

      • si c’est un poste : scrutin uninominal (ex : présidentielle, députés) 
      • si c’est une liste de nom : scrutin pluri nominal (municipale, régionale, européennes) 

  

Ainsi : 

      • Un scrutin uninominal est forcément un scrutin majoritaire. Celui qui gagne a le poste. 
      • Dans un scrutin pluri nominal, il peut y avoir le choix de la formule :  
        • une logique majoritaire : la liste avec le plus de voix est choisie 
        • une logique proportionnelle : chaque courant va être représenté en proportion du nombre de suffrages obtenus 

  

On ajoute une distinction moins utilisée : la différence entre les scrutins catégoriques (1) et les scrutins ordinaux (2) : 

      1. je choisi un parti et j’écarte tous les autres 
      2. on classe dans l’ordre de préférence. Ex : un candidat de la liste A, puis un autre de B, puis un autre de A, puis un autre de C, etc. 

  

Vie politique co-sociative. Le scrutin de type ordinal est rare (Irlande, Australie). Ensuite on a la logique proportionnelle (Irlande) ou majoritaire (Australie). On représente celui qui a une majorité, ou alors en proportion de tout le monde. Certains pays sont farouchement majoritaires, d’autres proportionnels. 

§II. Les scrutins majoritaires 

Le principe, c’est que le gagnant prend le poste : « The winner takes all ». Cela dégage en fait des partis forts, stables, donc des majorités au parlement, ce qui donne des gouvernements stables. En effet, ce système tend au regroupement en mêmes familles. C’est la loi de Maurice Duverger dans Les partis politiques, 1951. 

S’il y a éparpillement d’une famille politique, il y a moins de chance d’être élu. 

  

Il y a deux systèmes : 

A. Majoritaire à un tour 

C’est le plus brutal et le plus simple. Celui en tête est élu même s’il n’a qu’une voix d’avance. C’est la majorité relative ou « plurality » en anglais. 

Imaginons que dans une circonscription anglaise, le travailliste fasse 40000 voix et les 2 autres 30000 voix. Le travailliste est élu alors qu’il y a 2 conservateurs en face de lui qui ont plus de voix. Du coup, ce n’est pas le reflet exact de la société. 

Cela amène au regroupement, donc au bipartisme 

B. Majoritaire à deux tours 

Il repose sur l’idée que pour être élu il faut plus de voix que tous les autres réunis. Si cette majorité est obtenue au premier tour, il est élu. Sinon, un second tour où soit cette majorité absolue est obtenue, ou alors la majorité relative suffira. 

S’en suit entre les 2 tours des retraits (de candidats avec peu de voix) ou des désistements. En France au second tour de la présidentielle il n’y a que 2 candidats, les 2 en tête du 1er tour. Création de deux camps (coalition), se met en place de 1962 à nos jours. 

On a donc une coalition de gauche et de droite. En général, on a un candidat de gauche et un candidat de droite. 

§III. Représentation et démocratie 

Grande division entre une logique majoritaire et une logique proportionnelle 

      • Majoritaire : seul le gagnant dans la circonscription concernée sera représenté, les autres n’auront rien. 
      • Proportionnelle : à l’inverse, donner à chacun autant que possible un pourcentage de siège équivalent à son pourcentage de voix, de manière à assurer l’exactitude. 

  

Le scrutin majoritaire connaît 2 versions principales : 

      • A un tour (Angleterre, Etats-Unis). Celui qui arrive en tête est élu 
      • A deux tours (France) : il faut la majorité absolue des suffrages exprimés. Si on ne l’a pas au premier tour, on organise un second tour, avec 2 candidats dans le cas de l’élection présidentielle. 

  

Le scrutin à deux tours a été utilisé sous toute la cinquième République à la seule exception de 1986. Il existait aussi dans l’URSS de la grande époque, mais avec un seul candidat. 

Que ce soit à un ou à deux tours, ce scrutin entraîne des distorsions fortes entre le pourcentage de voix et le pourcentage de sièges recueillis. Il entraîne des résultats tout à fait extrêmes. Un parti qui aurait 51% des voix pourrait avoir 100% des sièges. Si dans chaque circonscription, un parti a 51% des voix, il aura l’élu de toutes les circonscriptions, donc au total 100% des sièges. En fait ça ne se passe pas comme ça car les voix ne sont jamais également réparties. 

Dans ce mode de scrutin, il y a un très fort effet de surreprésentation des parties : surreprésentation est la situation dans laquelle le % de sièges est supérieur au de % des voix. A l’inverse, la sous représentation, quand % siège < % voix. 

Il y a une surreprésentation des grands partis et une sous représentation des petits partis. Ceci ce montre très bien dans quelques cas : 

En Grande-Bretagne, 7 juin 2001, les travaillistes qui gagnent les élections ont 40,1% des voix et 60,2% des sièges, soit 20 points de surreprésentation. Les conservateurs ont 37,?% des voix et ??% des sièges. Le troisième parti est pratiquement éliminé : 18,3% des voix et 7,9% des sièges. Ce phénomène s’est répété le 5 mai 2005 ou l’avance des travaillistes sur les conservateurs a beaucoup fondu. Travailliste : 35,2% des voix qui fabriquent 55,1% des sièges. Près de 20 points de surreprésentation. Pendant ce temps les conservateurs ont 32,3% des voix, et 30,5% des sièges : sous représentations mais beaucoup plus légère. Le troisième partie paye le tribu le plus lourd : 22% des voix mais 9,6% des sièges. Electoralement ils comptent, parlementairement ils ne comptent plus. Ce système a joué dans les années précédentes en faveur des conservateurs. 

Ce phénomène que l’on trouve dans le scrutin à un tour, on le retrouve plus amplifié encore dans le scrutin à 2 tours. 

Aux élections des 9 et 16 juin 2002 : UMP à 33,3% des voix au premier tour, et 65,2% des sièges : prime de surreprésentation de plus de 30 points. Le PS ne perd pas : 24,1% des voix et 25,5% des sièges finalement. Là aussi, comme toujours dans ces scrutins majoritaires, les petits partis trinquent : l’UDF 4,9% des voix, 4% des sièges. PC : 4,8 pour 3,6%. Est éliminé le Front National. 11,3% des voix et 0 siège, faute d’alliance. 

Ceci dit, et contrairement à ce qu’on dit parfois, ce système électoral ne profite pas uniquement et forcément à la droite. Il a très largement profité au PS en 1988, plus encore en 1981, ou bien en 1997 pour prendre l’hypothèse la plus récente (Jospin premier ministre). A l’époque le PS et ses alliés ont au premier tour environ 29% des suffrages exprimés et se retrouvent avec 48% des sièges. Cette prime de 20pts est la moyenne que l’on retrouve dans les élections et est là au profit du PS, en l’occurrence, le parti le plus fort. 

Dans les faits, ce système aide le gagnant et le premier parti, mais permet une grande facilité à gouverner. Au soir de l’élection on sait qui est le parti à gouverner, l’électeur a une part directe. 

§IV. Les représentations proportionnelles. 

Une variété infinie avec des résultats et des effets différents. 

Au départ, on part du principe inverse : représenter aussi exactement que possible la diversité des opinions : on emploi parfois l’image de la « photographie », ou « miniature » ou « réduction » de l’opinion publique. Chaque courant public doit être représenté en proportion de ses forces réelles. Evidemment cela repose sur une idée de justice a priori assez séduisante mais on voit bien que cela contient aussi un risque d’éparpillement, le risque d’avoir une assemblée extrêmement divisée, où il sera difficile de trouver une majorité pour gouverner, et donc cela risque d’entraîner une instabilité. La proportionnelle a été souvent accusée à tord ou à raison d’instaurer l’instabilité. 

Dans cette idée de la proportionnelle, un seul tour suffit, si l’on n’introduit pas d’éléments de correction. Il suffit de prendre une seule photo. Pas d’exigence de majorité. 

Le problème que l’on rencontre, c’est qu’en réduisant de 60M électeurs à 600 députés, (1 pour 100 000), on réduit forcément la diversité. La proportionnelle ne peut pas être forcément exacte : on élimine forcément les tout petits et elle a un minimum de distorsion même si celle-ci sont beaucoup moins nette que dans le scrutin majoritaire. 

2 problèmes à ce sujet : 

A. L’étendue de la proportionnalité 

C’est le problème fondamental généralement oublié de l’amplitude de la circonscription (de la magnitude pour les anglo-saxon) : au fait de savoir s’il y a peu ou beaucoup de sièges à pourvoir dans la ou les circonscriptions du pays. 

  

1. Forte amplitude 

S’il y en a beaucoup on peut aller très loin dans la proportionnalité : on parle alors de proportionnelle intégrale. 

Les deux exemples principaux sont : 

Israël avec une seule circonscription pour 120 sièges. La répartition se fait au niveau du pays tout entier. Théoriquement on peut être représenté dès qu’on obtient 1/120ème des voix, soit 0,8%. En réalité il faut une part minimum de 1,5% des voix. 

Les Pays-Bas, où il y a une circonscription nationale de 150 sièges. On peut être élu avec 1/150ème des voix, soit 0,66% et là il n’y a pas de part minimum. 

Evidemment ce système est parfaitement juste, l’inconvénient c’est qu’il y a généralement 14 ou 15 partis représentés et qu’il faut en regrouper 5 ou 6 pour faire une majorité de gouvernement. La majorité est à la merci des caprices d’un des partis, etc. Souvent, même si l’on perd de la justice, pour éviter cela, les pays qui ont une forte amplitude applique une « barre », c’est-à-dire un seul mini qu’il faut franchir pour être représenté. Un parti aura le droit d’être représenté s’il franchi cette barre minimale qui est de 5% des suffrages en Allemagne ou 4% en Suède. 

2. Faible amplitude 

Il y a au contraire des proportionnelles à faible amplitude dans lesquelles il y a peu de sièges à pourvoir. Beaucoup de circonscription avec peu de siège à pourvoir (3 ou 4 environ). 

Dans la France de 1986, 577 députés dans 100 unités, donc une amplitude moyenne de 5,7. Il y a eu beaucoup de département ou il y avait que 4 députés à la proportionnelle. On va répartir 100% des voix pour faire 4 sièges, donc un siège va représenter 25% des voix. C’est-à-dire qu’avec un nombre relativement important de voix on peut très bien ne pas être représenté : si quatre partis obtiennent  20,1% des voix et le cinquième totalise 19,6%. S’il y a 4 sièges, ils vont aux 4 premiers partis. On peut ne pas être représenté avec près de 20% des voix. 

Ce facteur de l’amplitude est tout à fait fondamental. 

L = [100%/(m+1)] – e 

L est le pourcentage minimum à avoir pour être représenté. 

En Espagne, le système électoral en Espagne est une proportionnelle à très faible circonscription, en général 3 ou 4 sièges. Un parti avec 3 ou 4% des voix n’a aucune chance d’avoir un siège, où il faut genre 25 ou 30% des voix. 

L’amplitude ou la magnitude de la circonscription est un facteur tout à fait déterminant. On l’oublie souvent et il faut le rappeler. 

B. La question des modes de calculs comme second facteur 

A priori, la problématique est très simple. La proportionnalité, ça veut dire qu’on va essayer de donner à chacun en fonction de ses voix. Par exemple si dans une circonscription il y a 5 sièges à pouvoir et qu’il y a 100 voix qui sont imprimés, ça veut dire qu’un siège correspond à 20 voix. Chaque fois qu’un parti aura 20 fois, il aura un siège. Le problème c’est que les résultats ne tombent jamais juste. Que faire ? C’est là que le problème du mode de calcul prend toute son importance. La méthode traditionnelle consiste à dire qu’il y a deux temps : 

      1. l’attribution des sièges de base, c’est-à-dire une répartition chaque fois qu’on a le nombre de siège exact qui correspond. 2 procédés :  
        1. le procédé dit du quotient électoral, tout simplement le nombre de suffrage exprimé sur le nombre de siège à pourvoir. Electeurs inscrits UNION votants UNION suffrage exprimés. On n’utilise que les suffrages exprimés, Q = sigma suffrages exprimés sur sigma des sièges. Ce système du quotient a prit la suite d’un système qu’on utilisait auparavant, le système dit du nombre uniforme, qui consistait à fixer à l’avance le nombre de voix nécessaire pour avoir un siège. Le nombre de siège est variable en fonction de la participation électorale. => Parlement à taille variable. On a donc abandonne le système. 
        2. Difficulté supplémentaire : si l’électeur a la possibilité de procéder à ce qu’on appelle un panachage. Si au lieu de voter pour une liste entière, il peut choisir des candidats de chaque liste (« panacher »), dans un premier temps il faut calculer le nombre de voix obtenu par chaque candidat puis établir ensuite ce qu’on appelle une moyenne de liste. Après quoi on reprend les opérations précédentes. Même si l’on a attribué ces fameux sièges de base, il reste des voix non utilisés et des sièges non utilisés. 
      2. Se pose le problème des restes et de la manière de les utiliser. Deux grands systèmes : 
      1.   
        1. Le système dit « du plus fort reste » 
        2. Le système dit « de la plus forte moyenne », développé fin 19ème. En France on utilise la méthode dite « du siège hypothétique ». Existe aussi le système de « Hondt », qui consiste à faire tous les calculs de la méthode du siège hypothétique en même temps. C’est le même résultat que celui du « siège hypothétique » et on abouti au même résultat. Couramment utilisé en Europe. Les mathématiciens disent que le système de Hondt n’est pas parfais mathématiquement parlant, et qu’il faut utiliser le système d’André Sainte-Laguë. Il consiste à faire une division par quotient mais qui consiste à retenir uniquement les nombres impairs comme diviseurs. On emploi en suède un système de Sainte-Laguë modifié dans lequel le premier diviseur est 1,4 et non 1. Il est plus favorable aux petits partis. 

  

Ces systèmes proportionnels sont très employés. Un peu partout dans le monde c’est surtout la plus forte moyenne que l’on retient, et non le « plus fort reste ». La théorie et la pratique montre que la plus forte moyenne avantage surtout les grands partis, et le plus fort reste surtout les petits. En combinant tout cela on peut arriver à une très grande proportionnalité. 

Par exemple, les avants dernières élections suédoises du 15 septembre 2002 : les socio démocrates ont 39,1% des voix et 40,5% des sièges. Conservateurs : 15,1% et 15,8% : 0,7%. En fait des petits partis sont éliminés, ceux en dessous de la barre des 4%, d’où des différences. 

Le système proportionnel est certainement très juste, favorise l’éparpillement des partis, et il est dans sa logique totalement opposé dans ses effets au scrutin majoritaire. De plus, dans le cas du scrutin majoritaire, il y a un lien direct entre l’électeur et l’élu alors que dans le cas de la proportionnel c’est plus dilué. D’où la recherche d’éléments de systèmes combinant les éléments de l’une ou l’autre famille. 

§V. La recherche d’un système combiné 

Combiné et non mixte, car mixte introduit la confusion. L’idée est de retenir l’idée de Justice de la proportionnelle mais de corriger ses effets négatifs, c’est-à-dire en particulier l’affaiblissement du lien direct. Ou bien, l’autre idée est de lutter contre la tendance à l’éparpillement que contient la proportionnelle : on appelle ça la proportionnelle renforcée ou la proportionnelle majoritarisée. Egalement et enfin, le véritable scrutin mixte qui s’est développé ces dernières années. 

A. Le système électoral de l’Allemagne 

C’est le système qui fonctionnait dans la RFA et qui a été étendu à toute l’Allemagne à partir de la réunification en 1990. Contrairement à une idée répandue, ce n’est pas moitié majoritaire et moitié proportionnelle. Le résultat final est celui de la proportionnelle. Dans le cas de l’Allemagne, on partage le nombre de sièges à pourvoir en deux moitiés égales. La première moitié est attribuée à des votes dans les circonscriptions par un scrutin majoritaire uninominal à un tour. La seconde moitié se fait par un vote de liste. Sur ces listes, on va prendre un nombre qui ajouté au siège direct va permettre d’arriver à la proportionnalité. 

Exemple d’un Bundestag comprenant 500 membres (600 en réalité aujourd’hui). Prenons l’hypothèse dans laquelle les deux grands partis traditionnels (la CDU et le SPD) ont chacun 45% et les libéraux qui font 10%. Les sièges sont distribués en deux séries. 

La première série : 250 sièges attribués au scrutin uninominal majoritaire à un tour (à l’anglaise). Imaginons que dans cette série, le SPD, obtient 100 sièges, que la CDU obtient 150 et que le FDP en obtienne 0 (jamais en tête de circonscription). Mais en même temps, les électeurs ont voté par la 2eme voix, c’est-à-dire qu’ils ont donné la proportion de 45% au SPD, de 45% à la CDU et de 10% au FDP. Si le Bundestag est proportionnel, le SPD doit avoir 45% des 500 sièges, soit 225 sièges. Idem pour la CDU, qui choppe 225 sièges, et le FDP doit avoir 10% du Bundestag, soit 50 sièges. Au final, le Bundestag est 225×2+50. 

Les 250 sièges de listes sont attribués de manière à ce que le total soit proportionnel. Si le SPD a 100 sièges au suffrage uninominal majoritaire, il a le droit à 125 sièges sur la liste. La CDU a le droit à 75 sièges sur la liste, et le FDP a droit à 50 sièges sur la liste. Ce système est entièrement proportionnel, avec un scrutin majoritaire corrigé de manière à arriver à un système proportionnel. On a à la fois des élus directs liés à la circonscription et un système proportionnel. Idée extrêmement intéressante, parfois évoquée en France, mais jamais retenue. La Nouvelle-Zélande a retenu ce système il y a 10 ans. 

Dans les élections de 2005 : la CDU/CSU a 35,2% des voix et 36,8% des sièges. Le SPD a 34,2 et 36,2 des sièges. Le FDP a 9,8 et 9,9% des sièges. Le parti de gauche à 8,7% des voix et 8,8% des sièges. Les verts 8,1% des voix et 8,3% des sièges. 

Deuxième exemple : les proportionnelles dites « renforcées » (qui sont en réalité atténuées). Idée qui consiste à supprimer l’inconvénient de la proportionnelle qui est l’éparpillement : donner une prime, une surreprésentation, aux plus grands partis. Cette surreprésentation peut déjà être donnée par l’utilisation d’une faible amplitude (ex. : France, Espagne, avec 5 ou 6 sièges par circonscription). On peut aussi utiliser une barre (5% en Allemagne, 4% en suède). On peut aller plus loin et ça peut être prévu par la loi qui ajoute officiellement un correctif majoritaire : 

      1. Les apparentements (loi électorale de 1951). Si dans une circonscription le PC fait 28%, la SFIO 20, les radicaux 18, et le MRP 13. De l’autre coté, le RPF (général de Gaule) va faire 21%. Si j’ai un système dans lequel j’ai 4 sièges à pourvoir, si les 3 premiers partis se déclarant apparentés, ils ont les 4 sièges et la proportionnelle se joue entre eux. Les partis qui ont vocation à gouverner gagnent la totalité des sièges. Dans le cas présent le parti de DG dégage 
      2. Les proportionnelles renforcées (multiples exemples). 

B. Les municipales en France 

Il faut dire un mot de la loi municipale française de 1982 puisque c’est avec elle que nous vivons encore. Elle est ainsi fabriquée (pour l’élection au conseil municipal). Le nombre de siège à pourvoir dans un conseil municipal est divisé en 2 moitiés. Une moitié, est mise de côté comme prime pour le parti gagnant. Quand on vote, au premier tour, soit le parti A = 51, B = 30 et C = 19. Au premier tour, on a majorité absolu, ce premier tour est considéré comme composer. On lui donne la moitié des sièges pour gouverner la ville. La deuxième moitié est partagée à la proportionnelle entre toutes les listes, y compris celle qui a gagné. Du coup ça va donner ici A = 10 sièges, B = 7 sièges, C = 3 sièges. Ainsi les 40 sièges sont répartis, mais le parti qui gagne à 30 sièges sur 40, soit 75% des sièges, avec 50% des voix. Ici : proportionnelle avec un correctif majoritaire. L’opposition, même si minorée, peut contrôler. Si le premier tour n’est pas conclusif, on procède à un second tour et la répartition des sièges se fait sur le résultat du second tour, la prime allant à la liste de tête qui au second tour n’a pas besoin de la majorité absolu. 

Si A = 41, B = 30 et C = 29 au 2eme tour, A = 8 sièges, B = 6 sièges, C = 6 sièges. Dans ce cas là, une liste qui n’a pas la majorité absolue a quand même une liste qui lui permet de gouverner. Ce système très critiqué à l’époque est finalement très bien accepté aujourd’hui. Plus personne ne discute la loi municipale. Il y a une majorité et elle peut gouverner, mais la minorité est représentée. A telle point que ce système a été introduit dans la loi électorale régionale. C’est maintenant le même principe. Loi régionale du 19 janvier 1999 et modifiée par la loi du 11 avril 2003 avec des modalités extrêmement compliquée. Dans les régionales, la prime est de ¼ des sièges et les ¾ restant sont distribués à la proportionnelle entre toutes les listes, y compris celle qui a la majorité. Dans une région très disputée où il y aurait 3 tiers, celle qui a le plus de sièges à le quart des sièges mais aussi sa part à la proportionnelle, c’est-à-dire un autre quart : elle a donc 50% des sièges, soit une majorité. 

  

Ces modes de scrutins renforcés permettent de garder l’avantage de la proportionnelle, c’est-à-dire la représentation des minorités même si elle est atténuée. Ce système n’existe pas en France pour l’élection législative, mais existe dans beaucoup d’élection qui ont leur importance (municipale, régionale). 

C. La recherche de scrutins mixtes — [7 nov. 2006] 

Les députés sont élus de différentes manières. Peut-on concilier les deux ? Concilier non pas dans une formule hybride (en juxtaposant) mais en désignant une partie par un mode de scrutin majoritaire et une partie par un mode de scrutin proportionnel, avec ou sans renfort. On a fait des recherches sur ces scrutins mais finalement cela n’a pas vraiment évolué. 

L’idée la plus simple, encore qu’elle ne se justifie pas totalement, est d’élire une moitié au scrutin majoritaire et une moitié au scrutin proportionnel. 

C’était le cas de la Russie en 1993 et 1995, 1999, et 2003, après la réintroduction du pluralisme. Dans la Douma, il a 450 sièges distribués pour la première moitié au scrutin uninominal majoritaire à un tour (à l’anglaise) et pour l’autre moitié à la proportionnelle au niveau national selon la méthode de Hondt. Ce système vient d’être abandonné et ne sera donc pas utilisé en 2007 ; en effet, les russes reviennent à une proportionnelle nationale avec l’idée que le problème du pays était de construire un système de grands partis politiques, ce que la proportionnelle nationale permettra. Ce système de moitié existe dans quelques pays d’Europe de l’est et aussi en Andorre. 

  

Deuxième exemple, au Japon après la loi de 1994 appliquée en 1996 pour la première fois puis en 2000, 2003, 2005 : 200 sièges au scrutin uninominal majoritaire à un tour, et 200 au scrutin proportionnel à 11 circonscriptions. 

  

L’Italie utilisait également un système mixte depuis une loi de 1993, appliquée en 1994, 1996 et 2001, mais qui fut abandonnée pour les élections de 2006 au profit de la proportionnelle. Trois quarts des sièges étaient attribués au scrutin uninominal majoritaire à un tour et le quart restant à la proportionnelle avec une barre de 4% dans les régions. Il a accompagné la création de partis majoritaire droite et gauche, ce qui n’était pas le cas autrefois. 

En France se pose la question, où, depuis une 15aine d’année, on réfléchi sans pour autant conclure à l’introduction (l’instigation) d’une dose de proportionnelle dans le scrutin majoritaire pour l’élection de la majorité. En 1993 sous François Mitterrand avait été créée une commission. Le rapport suggérait d’ajouter au suffrage universel à deux tours une dose de 10% de proportionnelle (idéalement de 20% dans l’idée de Colliard) à l’échelle nationale sur une liste de parti. Ce système n’a pas été très bien accueilli par l’opinion, les uns le trouvant trop proportionnel et d’autres pas assez. L’idée ressurgi parfois notamment à la veille de chaque présidentielles. Tous les partis envisagent ce genre de système. 

  

Bien d’autres systèmes existent avec des variantes à l’infini. Cette complexité montre évidemment que s’il y a un débat technique, il y a aussi des arrière-pensées politiques. C’est le parlement qui vote la loi électorale, et il est composé de membres du parti. Sauf à avoir un altruisme extraordinaire comme les sociaux-démocrates suédois, on change plutôt une loi par une autre qui nous arrange. On présuppose que tel ou tel mode de scrutin aura tel effet. L’effet est double : 

      • un effet immédiat : le résultat change selon la méthode de calcul 
      • un effet à long terme, c’est-à-dire que le mode de scrutin fini par façonner ou par contribuer au façonnement du système de parti 

  

C’est là un des problèmes le plus classique de la science politique en France qui a cependant reculé mais reste extrêmement présent à l’étranger. Maurice Duverger dégage un certain nombre de lois (lois au sens sociologique du terme) qui, même si elles ont été critiquées, ont été confirmées dans l’ensemble. On retiendra pour l’essentiel : 

      1. La diversité est moins grande au niveau des représentants qu’au niveau des représentés (à l’évidence) : un effet de regroupement. 
      2. tout système tend plus ou moins à la surreprésentation des grands partis et tout système tend corrélativement à la sous représentation des sous partis. 
      3. le scrutin majoritaire tend au regroupement des partis, regroupement plutôt en 2 partis si c’est un système à un tour et en 2 coalitions si c’est un système à 2 tours (c’est le cas que nous vivons en France où la bipolarisation reste forte) 
      4. les proportionnelles tendent à l’éparpillement, notamment s’il y a une forte amplitude et notamment dans le cas d’une circonscription nationale. Le scrutin tend à l’éparpillement aussi dans le cas du plus fort reste, cette tendance pouvant être atténuée par l’existence d’une barre minimale. 

  

On terminera en soulignant l’interaction qu’il y a entre système de partis et système électoral. Le système électoral tend à façonner le système de partis, mais il est lui-même le produit de ce même systèmes de partis, car ce sont eux qui votent la loi électorale. Ce système électoral ne peut être considéré comme le facteur exclusif du système de parti. La montée du parti gaulliste en France ne s’explique pas uniquement par le système de scrutin. Le déclin des partis communistes ne s’explique pas non plus par le mode de scrutin. 

On s’accorde à penser (Maurice Duverger), que le système électoral fonctionne comme un « frein » ou comme un « accélérateur » à l’évolution du système de partis. Il favorise la simplification ou la complexification du système de parti. 

  

Ce qu’il faut retenir, c’est que ces modes de scrutin, aujourd’hui méprisé car ils n’auraient que peu d’intérêts, sont pourtant le point de passage de tout mécanisme de représentation. Il y a forcément une distorsion, c’est-à-dire que l’expression du suffrage entraîne obligatoirement sa déformation. Et aussi les élections sont l’occasion de l’encadrement du suffrage, puis que les électeurs se regroupent autour de partis politiques 

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

 

Section 4 – L’encadrement du suffrage par les partis politiques 

Une bonne définition de ce qu’est un parti politique a été donnée par un politologue américain du nom de Joseph LaPalombara. Définition : « un parti politique est une organisation durable, structurée au niveau national comme au niveau local, destinée à rassembler les individus pour conquérir et exercer directement le pouvoir ». 

Cette définition permet de distinguer le parti politique d’autres organisations jouant un rôle politique, comme les groupes parlementaires, les groupes de pression, les clubs, les ligues, etc. 

Ce qui est important, c’est que le parti est le rassemblement d’individus qui vont par leur intermédiaire exercer leurs droits de citoyens, c’est-à-dire d’exprimer leurs préférences politiques. Les partis politiques sont la voix quasi exclusive d’accès au pouvoir, même si on s’intéresse aux mouvements d’alter-ceci ou d’alter-cela. Tous les partis se réclament des élections comme moyen unique et exclusif d’arriver au pouvoir. L’étude des partis politiques relève essentiellement de la science politique, il est nécessaire d’en retenir quelques aspects qui ont une influence directe sur le fonctionnement des institutions et qui permettent d’expliquer leur fonctionnement. 

      1. Les types de partis 
      2. Les systèmes de partis 
      3. Le bipartisme et le multipartisme 
      4. Examen des conséquences de ce système de parti sur le suffrage et la représentation 

§I. Les types de partis 

Il y a, dans cette étude des partis politiques qui a commencé au début du 20ème siècle, beaucoup de propositions différentes pour classer les partis. 

      • On pouvait les distinguer selon l’origine ; par exemple les partis d’origine parlementaire (des députés/notables se regroupent pour prospérer et avoir des élus de même tendance). 
      • A cela, on opposait les partis d’origine électorale ou militante constitués par un groupe de pression qui constitue une émergence au niveau politique pour défendre ses intérêts. En 1899, le congrès des syndicats en Angleterre décide de créer une branche politique : c’est là l’origine du labour party (parti travailliste). 
      • Cette distinction a été reprise d’une manière plus sophistiquée par Sigmund Neumann qui distingue entre les partis de représentation individuelle et les partis d’intégration sociale. 
      • La distinction la plus communément admise est celle exposée par Maurice Duverger : il établi quant à lui une distinction entre partis de cadres, et partis de masse, distinction complétée par Georges Charlot vers 1970 avec les partis d’électeurs. 

  

Les partis de cadres sont les premiers qui sont liés directement (et les autres aussi) à une transformation de la vie politique, par l’apparition d’un phénomène majeur : le suffrage universel. Pendant longtemps (au premier 19ème siècle), dans des pays comme le notre, on a fonctionné avec le suffrage censitaire (très censitaire). 

En 1846, pour les dernières élections française avant le suffrage universel, on compte 240 000 électeurs pour 249 députés (soit 1 député pour 527 électeurs en moyenne). Dans une circonscription à l’époque (scrutin majoritaire), si l’on convainc la moitié de 527 (soit 264), on est alors élu. 264, c’est à la portée d’un individu normalement constitué. 

En 1848, 2 ans après, 750 députés pour 9,4 millions d’électeurs, soit 12500 par circonscription, et 6251 électeurs à convaincre. 

En 1914, 560 députés pour 11,5 millions d’électeurs, soit 17042 députés et 8521 à convaincre. 

Aujourd’hui : 577 députés, 41 millions d’électeurs, soit une moyenne de 71057 par circonscription et 35529 qu’il faut convaincre pour être élu. 

Ce qu’il était possible de faire avec peu d’électeurs est impossible avec tant d’électeurs. Le problème n’est plus le même, la représentation change de nature. Le candidat ne plus agir seul et doit trouver des relais, des gens qui vont parler à sa place aux électeurs. Première idée, on recrute des notables, c’est-à-dire des gens qui ont de l’importance. C’est la naissance de ces partis de cadre (libéraux, radicaux, etc.). 

  

Au même moment apparaissent des partis de masse. L’autre conséquence du suffrage universel, c’est l’entrée des masses populaires (essentiellement la classe ouvrière soit 30% de la pop) dans le processus politique. Cette classe entend être représentée, et là il y a peu de leader d’opinions, à part quelques leader syndicaux. Ce qui fait sa force est le nombre, qui, moyennant cotisation, va permettre de diffuser les tracts, coller des affiches, rassembler des foules aux meetings, etc. On insiste là sur le nombre et non pas sur la qualité ou l’importance sociale. Cela amène à des partis nombreux (partis de masse) avec une forte organisation et des structures locales assurant la vie permanente du parti. Plusieurs types : socialistes (sections locales), communistes (cellules, jusque dans les entreprises), etc. L’idée reste la masse. 

Troisième catégorie lorsque ces 2 catégories sont un peu brouillées. On imagine les partis d’électeurs, un type nouveau défini dans les années 1970 à partir de l’analyse de Kirchaimer (politologue américain) qui avait défini les catch-all party, ou parti « attrape-tout ». Tout ce que veut ce parti est avoir le plus d’électeur pour faire élire le sien, sans s’intéresser à cette notion de parti de cadres ou de parti de masse. En France c’était le cas de l’UDR (ou parti gaulliste) qui rentrait mal dans les 2 premières catégories. Dans ces partis, le cadre et les élus ont leur importance, le rapport entre les leaders et les électeurs compte, facilité par la télévision et la personnalisation que celle-ci entraîne notamment autour des candidats à la présidentielle. 

En fait, aujourd’hui, Colliard croit que tous les partis sont des partis de cadre et de masse du moins en France, et restent des partis de rassemblement. Ces partis ont à la fois des notables, des militants, des électeurs, la question étant peut être de savoir à qui ils s’intéressent en priorité. Est-ce que ce sont les notables que l’on consulte, les membres du parti ? Autrement dit, les partis de masse ou de cadre d’autrefois sont tous devenu des partis d’électeur (c’est frappant pour les partis socialistes notamment). 

§II. Le système de parti 

Autrement dit, quelles sont les formes de la coexistence entre partis, les relations qui existent entre eux ? Classiquement on défini un système de parti par 3 termes : le nombre, la dimension, et les alliances (Maurice Duverger). 

      1. La notion de nombre est beaucoup plus délicate qu’il n’y parait. Il y a souvent une poussière de partis sans importance. Du compte de la commission chargé de contrôler les finances des partis, ils sont plus de 200 en France. La difficulté est d’avoir un nombre qui correspond à la réalité telle qu’elle est vécue. On ne prend en compte ces partis que selon un critère simple : ceux qui arrivent à être représenté au parlement. Exemples  
        1. Grande-Bretagne : bipartisme, mais il y a en fait 8 partis. 
        2. Luxembourg : tripartisme. 
        3. France : 4 partis en France, voire 5 ou 6 si on met l’extrême gauche et le FN. 
      2. La question de la dimension recoupe l’idée précédente. Un parti ne compte vraiment qu’à partir d’un certain seuil, généralement le seuil de la représentation. La question de la dimension est aussi une question relative (d’un parti par rapport aux autres). Si on a un système de bipartisme, on n’est pas dans la même situation si les deux partis sont bord à bord (50/50) ou si l’un fait 80% et l’autre 20% ; dans ce deuxième cas, les élections seront sans surprise. De la même manière, un tripartisme n’est pas le même si on a parti qui fait 70% et les 2 autres 15% ou encore si les 3 font 33% environ. Lorsqu’un parti n’atteint pas à lui tout seul 50% des sièges parlementaires, se pose la question des alliances 
      3. L’alliance, découle en principe de la proximité idéologique des partis. Parce que s’allier, cela veut dire se mettre d’accord sur une action gouvernementale ; on ne peut que difficilement le faire si l’on a des conceptions opposées. On s’allie avec cette idée qu’il faut dépasser 50% des sièges, donc on s’allie selon un continuum droite/gauche, d’où la formation de coalitions. 
      1.   
        1. Elles peuvent être des coalitions électorales, c’est-à-dire nouée devant l’électeur (accord de partage de circonscription ou accord de désistements). 
        2. Ou bien, les coalitions peuvent être uniquement parlementaire : chacun des partis va aux élections pour son compte (c’est vrai a la proportionnelle) et on cherchera ces alliances après les élections dans le parlement, avec parfois des situations particulières (exemple Allemagne et l’alliance droite/gauche). 

La première alliance électorale (a) entraîne normalement la seconde (b), mais la seconde alliance (b) ne nécessite pas forcément pas la première (a) : 

Sous la quatrième République, on avait des alliances parlementaires (b), et qui n’étaient pas électorales (a) : elles se faisaient et défaisaient très rapidement, cause majeure de l’instabilité. Sous la cinquième République, les alliances électorales (a) se traduisent en terme parlementaire (b), et entraînent des situations de stabilité. 

  

Ces trois éléments permettent de définir les systèmes de partis qui s’organisent en plusieurs types. En laissant de coté le parti unique, il y a pour essentiel 2 types : le bipartisme et le multipartisme. 

§III. Bipartisme et multipartisme 

En réalité, même si les systèmes de partis se définissent par ces trois éléments, il faut bien constater que lorsque l’on décrit ces types de partis, on ne retient que le nombre. Que sont ces 2 types ? 

L’idée du bipartisme est qu’il n’y a que deux partis qui comptent dans le jeu politique. On peut distinguer le bipartisme vrai, ou le bipartisme approché. 

  

Le bipartisme vrai, c’est qu’il y a véritablement que deux grands partis qui comptent, chacun des deux ayant vocation a devenir majoritaire et à exercer le pouvoir tout seul. Si d’autres existent, ils sont d’une quantité négligeable et n’influent pas sur l’attribution ou l’exercice du pouvoir. 

Exemple en Europe : La Grande-Bretagne connaît un bipartisme constitué des conservateurs et des travaillistes, et les petits partis (dont les libéraux) comptent très peu et n’ont pas empêché l’un des 2 grands d’avoir la majorité (sauf en 1974). 

En dehors du RU, l’exemple le plus typique encore est celui des USA, où il y a un bipartisme total entre républicains et démocrates. Les résultats seront que tous les sièges du Sénat et de la chambre des représentants seront attribués au parti républicain ou au parti démocrate. On est dans une situation totale de bipartisme, cela veut dire que l’un des 2 partis aura nécessairement la majorité, mais peut-être des majorités différentes dans les chambres et qu’à partir de là, la question des relations entre le président des USA et le congrès sera posée. 

La composition des partis a donc une influence centrale sur le fonctionnement des institutions. Ce bipartisme en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, et un peu dans les pays anglo-saxons (Canada, Australie) est rare en dehors. Cela s’explique par le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour qui se traduit par un phénomène de vote utile. Dans les systèmes politiques nés de cette situation, on a des solutions très simples pour ce qui est de la formation des gouvernements : un parti majoritaire gagne et gouverne, et en cas d’alternance c’est l’autre. 

  

La deuxième situation est le bipartisme approché, avec 2 partis et un peu plus. Jean Blondel (politologue français) a inventé l’expression des « demi partis ». Il y a 2 grands partis et un petit qui peut empêcher, par sa seule présence, l’un des 2 grands d’avoir la majorité absolue. S’il y a 2 partis et un petit, le résultat peut être 47 / 47 / 6 et aucun des partis n’a la majorité. Le petit parti devient nécessaire pour faire l’appoint. Le cas typique était celui de l’Allemagne qui longtemps a vécu avec un système de 2 partis et demi. Les deux grands partis sont la CDU/CSU socialiste et le SPD démocrate chrétien ; le FTP est un petit parti libéral qui pouvait s’allier à l’un ou à l’autre. Ce système de 2 partis et demi est souvent lié à la proportionnelle avec barre. Aujourd’hui il y a 2 autres partis (le PDS et aussi les Verts). 

Le petit partit est dans une situation où il a l’avantage d’être indispensable, il peut donc monnayer son soutien : il peut se rallier à celui qui lui proposera le plus grand nombre de postes de ministres. Parfois les deux grands partis en ont marre du 3ème petit parti qui cherche à négocier et préfèrent s’allier entre eux. 

Dans ces bipartismes approchés, le problème de majorité est un peu plus compliqué que dans le bipartisme pur, mais pas beaucoup plus. 

Imaginons qu’il y a 2 grands partis (A et B) et le petit (C). A s’allie avec C ou B s’allie avec C. Si C fait chier, A et B s’allient entre eux. Le problème de majorité n’est donc pas très compliqué. Tous ces bipartismes offrent des solutions gouvernementales assez simples. 

  

Le tripartisme est un cas qui a existé mais beaucoup disparu. Il existe encore un peu en Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, parce qu’il y a un parti socialiste, un parti démocrate chrétien, et un parti libéral important (car le clivage laïque/religieux est resté fort). Le tripartisme pose des problèmes un peu plus important dans les combinaisons arithmétiques. 

  

Le multipartisme, peut être pur ou corrigé (avec un parti dominant). 

Le multipartisme pur est l’idée d’un système de partis extrêmement diversifié (5 partis autour de 20% ou 10 parti autour de 10%) : le nombre d’alliance possible est impressionnant. C’est rare et c’est lié à la proportionnelle, cela crée des alliances parlementaires et une très grande instabilité : les majorités sont composites et se divisent facilement, d’autant plus qu’il y a de nombreuses solutions de rechange. Ces cas sont devenus assez rare, historiquement un bon exemple était la 4ème république ou encore la Finlande actuellement, même si elle s’est assagit (son multipartisme s’est en réalité polarisé). 

  

Le multipartisme corrigé caractérisé par l’existence d’un parti dominant. Il y a en général beaucoup de partis avec une importance, mais cette diversité est atténuée par l’existence d’un parti nettement plus important que les autres, c’est-à-dire qu’il domine la vie politique. On peut être considéré comme le parti dominant a partir du moment où on a d’une part 35% des voix et aussi 10 à 15 points d’avance sur le parti suivant. Et donc, le parti dominant devient le point de passage pour tout gouvernement ou alors cas extrême, tout le monde doit se mettre contre lui. Ce parti dominant peut être surqualifié par sa taille ou par sa situation. 

      • Par sa taille : le cas des partis socio démocrates scandinaves qui faisaient 40 ou 45% quand le deuxième faisait 20%. Même avec alliances, c’est difficile d’être contre lui. 

Suède, élection du 15 sept 2002 : le parti social démocrate fait 39,9% des voix et 41,3% des voix. Le 2eme conservateur fait 15,1% de voix et 15,8% des sièges. 

19 septembre 2006 : les socio démocrates suédois font 35,0% des voix et 37,2% des sièges. Le parti conservateur monte et fait 26,2 et 27,8% des sièges. L’écart de 25 points est alors réduit à 10, et là les partis de droite (la « coalition bourgeoise ») arrive à être majoritaire sur le parti socialiste : elle est donc au pouvoir. Le parti social démocrate a souvent été au pouvoir, caractérisé par sa force. 

      • Par sa situation centriste. Le cas principal a été la démocratie italienne jusque dans les 1990’s. 30% des voix à gauche (PC) et 20% des voix à droite. Pour évincer la démocratie chrétienne centriste, il fallait que gauche et droite s’allient, ce qui n’arrive jamais. Du coup elle était toujours au pouvoir. 

  

Dans ces multipartismes les solutions peuvent être diverses, dans le cas d’un système a parti dominant c’est moins compliqué : il peut s’allier avec sa droite ou avec sa gauche. 

Là aussi, cette situation est liée à la proportionnelle. 

  

Ce système de parti a beaucoup plus d’importance que les règles de nomination du premier ministre, etc. Cela a beaucoup plus d’importance, c’est ce qui explique la différence entre le type britannique (dont on loue la stabilité) et d’autres plus instables. Cela donne un rôle différent au citoyen lorsque le rôle du parlement est simplement d’enregistrer quelle est la majorité voulue par les électeurs : c’est l’électeur qui décide directement par son vote qui va gouverner. C’est une évolution contemporaine importante des régimes parlementaires que de voir le gouvernement choisi directement par l’électorat. Du coup, cela fait un vote utile : l’électeur sait qu’il vote directement pour un gouvernement. Ceci s’expliquant par le fort encadrement de l’électorat par les partis politiques 

§IV. Conséquence du point de vue du suffrage et de la représentation 

Soulignons rapidement la double importance des partis politiques : rôle d’encadrement des électeurs (A) et rôle d’encadrement des élus (B). Et à ce double titre, le parti est un intermédiaire indispensable entre les citoyens et le pouvoir. 

A. L’encadrement des électeurs 

Les partis politiques sont aujourd’hui l’instrument, le vecteur pourrait on dire, l’instrument par lequel les citoyens expriment leur préférence politique. Autrement dit, ils expriment leur vision politique, leur adhésion ou leur ralliement à un certain ordre social désirable. Ces préférences politiques, les partis les façonnent par des actions de formation, de propagande, par une fonction de pédagogie politique, mais aussi ils canalisent ces préférences par la désignation des candidats. Parmi ces candidats il y aura des élus, y compris aux plus hautes fonctions de l’Etat. Les partis assurent donc la sélection politique des représentants ou même des gouvernants. Plusieurs procédés de sélection existent. 

      1. Au début : sélection par le sommet, c’est-à-dire par la direction du parti (souvent le cas dans les partis de cadres) ou bien le choix par les adhérents (vote, cas de parti des masses genre le PS en France). 
      2. Ce qui veut dire que, pour les autres candidatures, dont les parlementaires, il y a des candidatures imposées par le sommet du parti : le parachutage. 
      3. Troisième formule : le choix par les électeurs, la formule dite des élections primaires (ce qui n’est pas le cas en France). Ce système des primaires fonctionne a peu près uniquement aux USA : c’est un véritable premier vote, avec une véritable campagne. Importance du choix du candidat quand on sait que dans la circonscription ce sera ce parti et pas tel autre qui gagnera. D’où l’enjeu des primaires. On parle parfois d’introduire ce système en France, il y a eu un débat entre les différents partis de droite : selon la formule, ça ne donnait les mêmes résultats. C’est donc aux partis de choisir les candidats par des procédés qui sont variables. 
      4. Il y a certains cas où la loi fixe des préconisations particulières pour le choix des candidats. En France, obligation de parité H/F pour les scrutins de liste. Pour les parlementaires, c’est beaucoup plus difficile puisque c’est un scrutin uninominal : il y a des pénalisations financières pour les partis qui ne respectent pas les dispositions. 

  

Tout le système électoral est contrôlé par les parti politiques : éducation des électeurs, choix du candidat, campagne, etc. On est loin de la bonne vieille idée sur le choix du candidat sensé représenté l’intérêt général. Le représentant est là pour lever la main au nom de son parti. Le rôle des partis est reconnu par la Constitution (Article 4 de la Constitution de 1958 en France, Article 21 de la loi fondamentale en Allemagne) et plus encore reconnu par les lois électorales soit directement, soit indirectement (quand ces lois électorales imposent des conditions de présentation des candidats, comme le nombre de parrainage d’élus par exemple ou bien quand li y a des règles qui fixent un minimum de représentation : la barre. 

B. L’encadrement des élus 

Le point est aussi discutable, il est aussi important. L’encadrement de l’élu par le parti au niveau de la circonscription. Il est fréquent que le parti demande à l’élu de rendre des comptes. En réalité, tout ceci organise une relation étroite entre l’élu et les militants du parti : on s’assure que l’élu fait ce que pensent les électeurs. Néanmoins, il y a dans les parti politiques une certaine discipline, notamment l’exigence de la discipline de vote au niveau du parlement : les députés d’un même groupe parlementaire votent de la même manière. Il peut y avoir des cas d’exclusion d’un député du groupe parlementaire également. 

Cet encadrement des élus est surtout important au niveau des groupes parlementaires. Ces groupes parlementaires sont des réunis d’élus de la même tendance, et c’est – si l’on peut dire – la traduction au niveau parlementaire du parti. C’est la partie visible de l’iceberg, la partie cachée étant le parti. Ce contrôle s’étend généralement à toutes les initiatives de l’élu, il est extrêmement fréquent que les questions soient filtrées (1) par le groupe, que les interventions soient préparées (2) par le groupe. L’autre travail de l’élu est de proposer des lois, et là encore c’est filtré. Il peut aussi déposer (3) des amendements. Mais surtout, le phénomène essentiel est la discipline de vote qui est à peu près systématique partout, et les indisciplinés/rebellions sont remarquées. 

Cette situation est un peu contraire à la vieille théorie du mandat représentatif sur laquelle nous vivons. 

  

  

Conclu : cette situation de fait, que nous connaissons. Nous vivons sur l’idée du mandat représentatif. Du fait de cette théorie, il faut signaler que les groupes parlementaires ont été longtemps interdits (jusqu’en 1911 en France). Les groupements parlementaires ont été progressivement reconnus en parallèle de la reconnaissance des partis. Ils sont reconnus dans la constitution de la quatrième République et le sont aussi dans le règlement de l’assemblée nationale aujourd’hui. 

Le parlement est en réalité 5 ou 6 acteurs collectifs, et non plus 577 individus. Il est vrai que l’élu peut quitter le parti sans être obligé de démissionner de son mandat (bien que ça existe dans certains pays). En réalité, la représentation telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, c’est plutôt dans la réalité un mandat impératif donné par le parti auquel l’élu appartient. L’élu représente plus son parti que les électeurs. 

Eléments plus complexes encore : les dirigeants du parti sont presque toujours des parlementaires, on arrive à une sorte de circuit de représentation quelque peu inversé. La volonté est exprimée par des partis représentés par les parlementaires : le parti arrête une position et celle-ci est ensuite expliquée aux électeurs. C’est l’inverse que ce qui est prévu à l’origine en fait. 

C’est par l’intermédiaire de ces organes collectifs que se fait l’insertion des individus dans le processus politique. 

Chapitre 3 : La Constitution, le pouvoir constituant, le contrôle de constitutionnalité 

La première question à se poser : qu’est-ce qu’une constitution ? C’est le texte dont la vocation, la raison d’être, est d’organiser le lien fondamental entre l’individu et l’Etat, qui, autrement dit, déterminer le statut du pouvoir dans l’Etat (qu’est ce qui peut faire, quelles sont ces limites ?). Tout ça constitue cette notion de Constitution. 

Si on veut aller plus loin, c’est un petit peu plus complexe. De Gaulle : « Une constitution c’est un esprit, des institutions, une pratique ». Formule tirée de l’allocution du 31 janvier 1964, parfois appelée « allocation constituante » par dérision. 

Pour aller plus loin, il faut repartir de la question du lien entre le citoyen et l’Etat. 

      1. On peut commencer par le texte de la déclaration des droits qui organise le rapport. 
      2. Ensuite on précisera sous quelles formes s’établissent les règles constitutionnelles. 
      3. A partir de là, comment s’établi la constitution (la question du pouvoir constituant) ? 
      4. Enfin, la question dite du contrôle de constitutionnalité : effectivité de la norme juridique qu’est la Constitution (le contrôle de constitutionnalité). 

Section 1 – Les déclarations des droits 

Pour affirmer l’importance de la place du citoyen, et donc de son statut juridique, des règles qui le protègent dans sa vie et dans sa liberté, c’est une pratique assez générale que d’affirmer les droits du citoyen en tête dans le texte des constitutions ou bien par un texte qui accompagne ou qui précède celle-ci. Les formes peuvent être différentes, mais elles ont une fonction équivalente. On peut distinguer les déclarations, avec une série d’articles en forme volontariste, mais aussi les préambules littéraires expliquant les finalités de la constitution, ou bien des garanties des droits avec des règles plus contraignantes. Tout ça a un peu vieilli, tous ces textes (préambules, déclaration, garanties) ont en fait la même signification. 

§I. Existence générale des déclarations des droits au préambule 

Bien sûr, on peut remonter très loin. La plus ancienne garantie des droits qu’on connaisse est la magna carta (« la grande charte »), octroyée par Jean Sans Terre au barreau d’Angleterre en 1275. Après cette grande charte, les premiers textes qui correspondent à notre conception moderne sont des textes anglais, dont l’habeas corpus (= « tu as un corps »). C’est un texte qui en 1679 établi la « sûreté », c’est-à-dire le fait que la liberté physique de l’individu est proclamée et qu’on ne peut être détenu sans un jugement. Le fait qu’un individu a un corps amène à ce principe de liberté. 

Les déclarations des droits, on les trouvera au moment de la révolution américaine et de la révolution américaine. Ces textes, on les trouve à la naissance des USA (1776) à la déclaration d’indépendance, et 1791 (toujours en vigueur) et une série de 10 amendements à la constitution de 1787 votée et ratifiés en 1791. Ils constituent le bill of rights, la loi sur les droits, qui est l’exactement l’équivalent de notre déclaration des droits. 

En France, toutes les constitutions révolutionnaires sont précédées par une déclaration qui vise à reconnaître les droits concédés aux citoyens, la plus célèbre étant la DDHC de 1789. Celle-ci est toujours en vigueur. Cette grande déclaration, ou « la déclaration », est la traduction dans une forme juridique des grands principes philosophiques qui inspirent la révolution, la construction constitutionnel que l’on va entreprendre (qui elle sera beaucoup plus longue : 1791). Ce qui inspire cette déclaration, c’est les idées des encyclopédistes : tolérance et liberté individuelle, l’idée que la loi organise cette liberté et exprime la volonté générale (rousseau) et aussi l’idée de la séparation des pouvoirs (Montesquieu). C’est d’un point de vue plus juridique la proclamation des « libertés barrières », des barrières dresses contre l’action de l’Etat : la définition des domaines dans lesquels l’Etat ne peut pas intervenir, car on est dans le domaine de la liberté individuelle. C’est aussi la formation d’une égalité (très juridique et très formelle) entre tous les citoyens, sans distinction, par le simple fait d’être citoyen. 

  

En réalité, on a là ce grand mouvement de synthèse des idées du 18ème siècle, comme l’annonce d’un monde nouveau qu’il va falloir construire. Le 19ème siècle se passera à essayer de construire ce monde nouveau, ceci après bien des secousses et des répliques de la révolution, lorsqu’il apparaît que ces acquis sont trop menacés (1830, 1848, 1870), avec chaque fois l’idée qu’il faut poursuivre/achever l’ouvre de la révolution. 

Une fois que ceci sera à peu près fait, c’est-à-dire une société fondée sur des libertés, avec les grandes lois de liberté de la troisième République dans les années 1880, le mouvement de liberté conduira à des critiques nouvelles normalement par le marxisme sur le critère formel de ces libertés. On essaye d’explorer des droits nouveaux (sociaux et collectifs) autour du travail en particulier, qui montreront le 20ème siècle. Apparaissent aussi des droits de la troisième génération, des droits fondés sur l’idée d’une solidarité (lutte contre l’exclusion, et droit voir devoir d’ingérence au niveau international). 

On peut essayer de montrer que tout se passe comme si notre trilogie républicaine (liberté, égalité, fraternité) se déclinait siècles après siècles. Fin 18ème, on rêve la liberté et on la réalisera pour l’essentiel au 19ème sous la troisième République (liberté de la presse, liberté d’association). Au 19ème vers la fin, on pense l’égalité (comment ? en diminuant les distance sociales) et on tentera de le faire au 20ème siècle. Fin du 20ème on pense la fraternité (ou solidarité aujourd’hui) qui sera peut être le sujet du 21ème. 

Dans ces deux siècles d’histoire juridique, on est passé de la conception de l’état gendarme à l’idée de l’Etat providence, c’est-à-dire l’état qui fourni et satisfait à un certain nombre de besoins. =>le passage de liberté barrières à des libertés créances : la possibilité d’obtenir de l’état la santé, l’éducation. Un débat se crée autour du logement. 

Cette tendance à reconnaître les droits sociaux a été particulièrement développée dans les constitutions du lendemain de la seconde guerre mondiale (France en 1946, Italie du 27 décembre 1947). Dans ces constitutions là, il y a la proclamation des principes fondamentaux, et puis une longue première partie sur les droits et les devoirs des citoyens, insistant en particulier sur les rapports économiques et les rapports politiques : tout une terminologie considéré comme étant des objectifs constitutionnels, qui sont la traduction de l’ordre supérieur désirable. Dans les constitutions plus récentes, ceci est encore plus net. 

Exemple : Constitution grecque du 9 juin 1975, Espagnole de sept 1978, ou constitution portugaise du 2 avril 1976 au lendemain de la révolution des oillets. Le thème des droits et devoirs du citoyen est très longuement développé, cette constitution va loin sur le plan économique et social également. On veut rendre le retour en arrière difficile. 

On pourrait multiplier les ex de déclaration, on les trouve aussi dans la constitution de l’Europe nouvelle (pays ex-communistes). Toutes ces constitutions reposent sur la même philosophie : limitation des pouvoirs de l’Etat, mais aussi le fait que le problème n’est plus de se protéger des pouvoirs de l’Etat mais le problème est aussi d’exiger des prestations positives (passage des libertés barrières aux libertés créances), le problème étant quelle effectivité attendre d’une déclaration ? Exemple, comment faire pour mettre en œuvre  l’objectif constitutionnel de « droit au bonheur » ? 

§II. Le cas de la France contemporaine 

Aujourd’hui, notre système de déclaration des droits se présente/caractérise par l’existence de textes emboîtés les uns dans les autres un peu à la manière des poupées russes. En effet, la constitution de 1958 contient un préambule extrêmement court, dans lequel le peuple français proclame son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmés par le préambule de la déclaration de 1946. Autrement dit, le préambule de 1958 se contente de dire qu’il reprend le préambule de 1946, qui lui-même reprenait la déclaration de 1789. Tout cela constitue aujourd’hui notre préambule, notre déclaration des droits. Donc il n’y a pas d’apports nouveaux sur ce plan, il y a ce qu’on peut appeler l’acceptation de l’héritage en la matière : l’apport de la révolution, c’est-à-dire 1789 et les principes proclamés dans la déclaration, qui constituent une synthèse des idées du 18ème. 

Vient aussi l’apport spécifique de 1946, qui lui-même fait référence à ce qu’avait apporté la troisième république, avec la formule des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (=ceux qui sont reconnus au moment ou le préambule est écrit). La dedans, ce sont les grandes conquêtes du 19ème siècle (droit de réunion, liberté de la presse, liberté syndicale, liberté des consciences et des cultes, liberté d’association, etc.). Bref tout ce qui a fait le pacte républicain qui caractérisait la troisième République. Dans le préambule de 1946 il y a aussi les principes nouveaux proclamés à la libération, considérés comme étant « particulièrement nécessaires à notre temps ». C’est là qu’on voit apparaître non plus un statut négatif (ce que l’état ne doit pas faire) mais un statut positif : ce qu’il doit faire et garantir (les créances). 

C’est ainsi qu’apparaît la proclamation de l’égalité des sexes (en particulier dans le domaine politique, 8 juillet 1999 révision constitutionnelle). Est proclamé aussi en 1946 ce qui touche le droit des travailleurs, le droit à l’emploi dont l’effectivité reste à démontrer. Le droit au travail, le droit à participer à l’élaboration de ces droits, le droit syndical, et puis aussi le droit de grève reconnu dit le texte de 46 « dans le cadre des lois qui le réglementent ». 

S’ajoute à cela, toujours dans le préambule de 1946, déjà contenu pour parti dans les principes fondamentaux, d’autres droits plus théoriques et qui ont aussi une signification plus importante, avec des formules comme le droit au développement, le droit à la protection sociale, à la santé, le droit à la solidarité (fondation de régime de sécu sociale), le droit à l’instruction, à la culture, etc. Cela devient le rôle de l’état d’organiser la mise en œuvre  de ces droits. 

Dispositions plus diverses, dont une significative de l’esprit de l’époque : alinéa 9 du préambule de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Il sonne comme une obligation de nationalisation. 

Tout cela est l’apport de la quatrième république. Du point de vue de la déclaration des libertés, la constitution de 1958 n’a rien ajouté. Il y a eu des tentatives ultérieures (1975, 1989, sous prétexte du bicentenaire pour réécrire la DDHC). L’idée était d’ajouter un titre 2 autour des idées évoquées plus haut de droit au développement, de solidarité, etc. Cela ne c’est pas fait, la seule chose qui a été ajoutée est la charte de l’environnement, contenant le principe de précaution, qui est adossé à la Constitution. La loi constitutionnelle de 2005 a inscrit cette charte dans le bloc de constitutionnalité. 

Toute la question que posent ces textes est de savoir s’il s’agit là de simples déclarations philosophiques, de vue idéales sur l’ordre sociale désirable, ou s’il s’agit de textes ayant une valeur juridique, une valeur normative, c’est-à-dire de textes sur lesquels on peut s’appuyer. 

Quelles sont les formes de cette constitution ? 

Section 2 – Les formes des règles constitutionnelles 

La constitution est donc un texte qui se doit d’avoir une force juridique puisqu’il contient l’essentiel, dont les règles relatives à la limitation du pouvoir (séparation de ses branches) et aussi protection de l’individu. La constitution est l’instrument de limitation de l’Etat, hors la Nation est l’Etat, donc la constitution limite aussi le pouvoir de la nation. 

La nation pose un problème théorique par rapport à la souveraineté. Si elle est souveraine, elle peut tout faire, mais si elle est limitée par la constitution, elle ne peut pas tout faire. On pose le principe de l’autolimitation : on ne peut être limité que par soi même. A priori il y a une contradiction, la constitution est une limitation : l’état souverain est limité, mais par lui-même. Il peut, et c’est pour ça qu’il est souverain, modifier les limitations qu’il s’est lui-même infligé : c’est l’Etat de droit. 

Si on veut que la constitution soit respectée, il faut qu’elle ait une force supérieure aux autres actes juridiques, et notamment à l’acte longtemps considéré comme normal : la loi. 

      1. C’était la question de la supra légalité de la loi. 
      2. Pour manifester cela, généralement on établi des constitutions écrites dans une forme solennelle. 
      3. Il y a aussi à côté d’autres possibilités, la constitution peut être contenue dans une loi ordinaire. 
      4. Il peut aussi y avoir la coutume comme source constitutionnelle 

§I. Le critère de supra-légalité et la distinction souple/rigide 

Une constitution peut se définir de deux manières : au sens matériel, par son objet (c’est le texte qui contient l’ensemble des règles principales relatives à l’exercice du pouvoir) ou au sens formel[1] (par le fait que c’est le texte originaire, la norme principale, fondamentale), le texte issu de la volonté nationale, et que ce texte doit être respecté par tous y compris par les organes qu’il institue. 

La constitution doit donc être respectée par les organes, y compris par le parlement. On établi la constitution par une procédure spéciale plus exigeante que la procédure ordinaire, avec notamment l’intervention du peuple. En principe ces deux critères (matériel/formel) se rencontrent. Mais, même si les choses ne se recoupent pas exactement, il faut insister sur l’aspect formel : la constitution est adoptée selon une procédure spéciale. On va donner à la constitution un statut supérieur à la loi, et c’est tout simplement l’idée de supra-légalité qui entraîne le contrôle de constitutionnalité, c’est-à-dire le contrôle du fait que la loi est bien conforme à la constitution. 

On dit « supra-légalité », c’est-à-dire que l’élément de référence est celui qui est au milieu de la hiérarchie, alors que d’habitude on défini en prenant celui qui est en haut de la pyramide. La loi étant antérieure à la constitution, il serait logique de dire que la loi est « infra constitutionnelle ». Conséquence de la supra-légalité : les dispositions constitutionnelles ne peuvent être modifiées selon la procédure ordinaire du parlement. 

C’est là qu’intervient la distinction souple/rigide : 

      • Dans le cas d’une constitution souple, il y a le critère matériel (des textes relatifs à l’exercice du pouvoir), mais il n’y a pas de critère formels : ces textes sont votés comme les autres et on la même valeur juridique que la loi ordinaire, et peuvent être modifiés par la loi ordinaire. Et une loi qui contredit la constitution est en réalité une loi qui modifie la constitution. Dans cette phase, il n’y a pas de contrôle de constitutionnalité possible. Ainsi une loi postérieure modifie une loi antérieure. 
      • Dans l’hypothèse d’une constitution rigide, c’est l’idée que la loi doit la respecter, qu’une loi ordinaire (qui n’est pas votée dans les conditions exigées pour réviser la constitution) ne saurait modifier la constitution, et donc que s’il y a une loi ordinaire contraire à la constitution, elle ne la modifie pas, et il faut pouvoir annuler cette loi et la déclarer non conforme, faire en sorte qu’elle ne soit pas applicable. C’est la formule qui existe aujourd’hui un peu partout. 

Aujourd’hui, à peu près partout dans le monde existe soit une cours constitutionnelle, soit un organe équivalent, soit une cours suprême qui joue à peu près le même rôle. On s’oriente souvent vers la constitution rigide considérée comme plus protectrice du pacte fondamental initial. 

§II. Les constitutions écrites en forme solennelle 

Il s’agit là de textes qui normalement présentent les deux caractères que l’on vient d’évoquer : le caractère matériel (règles relatives à l’exercice du pouvoir) et le caractère formel (mode d’élaboration particulier faisant intervenir le pouvoir constituant). A partir de là il y a une grande variété (constitutions plus ou moins longues et sommaires), tout cela dépend des périodes et des normes des modes de l’idéologie, du degré de description qu’on veut donner de ce fameux ordre social désirable. 

On peut voir la constitution comme soit un texte très technique, soit un texte doctrinal, idéologique, définissant la société. Napoléon : « une constitution doit être courte et obscure ». Courte, parce que c’est le manuel d’exercice du pouvoir, et obscure parce que c’est bien que celui qui au pouvoir puisse l’interpréter comme il le veut. Cette idée marque un peu l’avantage et l’inconvénient d’une constitution. 

A l’inverse il peut y avoir de longues énumérations de garanties et de droit (cf. supra, Section 1, Paragraphe I). 

  

Historiquement, on peut distinguer 6 grandes vagues de constitutionnalisation. 

      1. L’indépendance américaine et la révolution française (1787-1793), où l’on fait les textes fondateurs (déclaration des droits) et les premières constitutions. Ceci inspirera une série de disposition en Europe jusque vers 1825, tout cela autour de 2 grandes idées :  
        1. L’affirmation des libertés individuelles 
        2. La liberté de l’individu garantie par la modération du pouvoir, laquelle s’obtenant par la séparation de ses branches. 
      2. Les révolutions libérales de 1830 et 1848 en France et en Europe, qui achèvent cette première phase en insistant surtout sur l’architecture constitutionnelle. C’est le moment où apparaît le régime parlementaire et l’affirmation du rôle du parlement. 
      1.   
        1. 1830, c’est l’affirmation de l’équilibre entre le roi déclinant et la nation montante. A un moment l’équilibre se fait entre les deux (l’orléanisme). 
        2. 1848, c’est en France le triomphe du principe démocratique (affirmation du suffrage universel) et ailleurs la montée du suffrage, même si les monarchies sont conservées voire même établies (par les unités allemande et italienne). Ces monarchies résultent de la volonté populaire : le principe de légitimité est dans le peuple. 
      2. La première guerre mondiale. La fin de WW1 voit un bouleversement des états, une carte politique nouvelle : « l’effondrement des empires centraux », c’est-à-dire la disparition de l’Autriche-Hongrie, le fait que l’Allemagne ne domine plus l’Europe centrale. C’est l’apparition de pays qui trouvent une indépendance nouvelle, et qui doivent faire une constitution. D’où l’apparition de forces constitutionnelles nouvelles. L’effondrement des empires centraux donne naissance à la république de Weimar, et puis une série de régimes parlementaires en Europe centrale (Autriche, Pologne, Tchécoslovaquie), avec déjà un regard un peu plus moderne et l’apparition du parlementarisme rationalisé : idée que certes le modèle à développer est le régime parlementaire, que le parlement peut renverser le gouvernement, mais qu’il ne peut pas trop le faire en mettant en place des mesures particulières alors que les forces politiques deviennent polarisées (nazisme vs communisme). Et aussi la révolution russe de 1917, c’est-à-dire une série de présupposés idéologiques très différents de l’idéologie libérale sur laquelle fonctionne le reste de l’Europe. Les russes cherchent une vraie démocratie face à celle considérée comme formelle, bourgeoise. On cherche à se rattacher à un modèle existant, et notamment le système jacobin. Cette ligne constitutionnelle est affirmée dans une série de constitution successive : 1918 en Russie, puis 1924 et 1936 pour l’URSS, puis celle de 1967 (dernière de l’ère soviétique classique). 
      3. La seconde guerre mondiale, est un peu la même chose. Là aussi, une carte politique nouvelle, des régimes emportés par la guerre et la défaite (Italie, Allemagne, et France aussi d’une manière différente). 
      1.   
        1. D’abord les pays où se manifeste l’effondrement des régimes fascistes et qui reviennent à un parlementarisme classique (Italie, Allemagne) et la 4ème république qui ressemble à R3, puis le japon qui impose un régime parlementaire. 
        2. L’autre ligne, ce sont les pays avec une prise de pouvoir des partis communistes, donc une construction sur le modèle communiste. 
      2. Le grand mouvement de décolonisation : les Etats nouveaux nés dans les 1960’s, et notamment en Afrique noire ; on importe plus ou moins les constitutions des anciens empire. Les règles fonctionnent mal, d’où d’autres recherches constitutionnelles. 
      3. La sortie des dictatures, c’est-à-dire qu’à la fin du 20ème siècle disparaissent les dernières séquelles de la seconde guerre mondiale et la carte politique qui en étaient issue : 
      1.   
        1. d’abord les dictatures d’extrême droite du Portugal et d’Espagne qui avaient échappé à la guerre bien que plus ou moins alliées à l’Allemagne. Ces trois pays rejoignent très vite le modèle de la démocratie libérale (75, 76, 78). On voit là le passage de régimes autoritaires de droite à des formes parlementaires classiques, et un parlementarisme moderne avec des constitutions qui tiennent compte des expériences passées. S’accompagne du rétablissement de la monarchie à l’anglaise en Espagne : le roi est un symbole et n’a que peu de pouvoir politique 
        2. l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’est et en Europe centrale. Difficultés de l’URSS dans les 1980’s (difficultés économiques). Changement institutionnel voulu par Gorbatchev en 1989/90. Agitation dans les autres pays. Est-ce cette volonté de ne pas agir ou cette incapacité à intervenir font que l’effondrement du mur de Berlin gagne rapidement les autres pays ? => phénomène rapide de contagion. Ces Constitutions sont marquées par un soucis de pluralisme (adoption du système occidental), ceci s’accélérant fin 1991 avec la disparition de l’URSS et l’apparition de la CEI. Apparition de modèles proche de la 5ème République (président fort, parlement). 

  

Avec l’organisation d’élections libres, on constate que l’établissement d’une constitution est l’un des premiers soucis de ces périodes de transition. C’est montrer la force de ces idées constitutionnelles. 

Finalement, c’est tout ce mouvement qui est le plus récent qui clos pour l’instant ce cycle. On peut distinguer ces 6 phases de grandes constitutions écrites en forme solennelle. Ce mouvement n’est pas la source exclusive des mouvements d’écriture des constitutions. 

§III. Les lois ordinaires 

Il peut arriver que les règles constitutionnelles soient contenues dans une loi ordinaire, et non dans une constitution. C’est plus rare car normalement il y a une correspondance entre le critère matériel et le critère formel. Dès lors qu’il y a une constitution solennel formelle, rigide, les lois ordinaires en matière constitutionnelle sont rares : ce sont de simples textes d’application d’une constitution dont elles ne font pas parti formellement. 

Dans les situations ou on a une constitution souple qui ne présente pas ce caractère de supériorité formelle, l’idée de l’intervention d’une loi ordinaire est plus facile à imaginer, puisque la distinction loi constitutionnelle / ordinaire s’estompe. Il faut signaler que la loi ordinaire comme texte constitutionnel est très rare. 

L’exemple qu’on cite toujours est le statut Albertain de 1848, qui va devenir la constitution italienne (qui est une loi ordinaire) et qui restera en vigueur (au moins formellement) jusqu’en 1946. C’est l’exemple qu’on cite toujours d’un texte constitutionnel contenu dans une loi ordinaire. 

Comme règle accessoire, les lois ordinaires sont assez nombreuses. On peut en citer de nombreuses sous la troisième République et sous la quatrième République. Aujourd’hui dans la cinquième République il faut faire une place aux lois à part : les lois organiques, forme de lois intermédiaires. Elles ne font pas partie de la constitution mais ont une procédure d’adoption un peu plus difficile/exigeante que celle de la loi ordinaire. Les lois organiques sont déterminées par l’article 46 de la constitution, article tautologique : « les lois auxquelles la constitution confère le caractère de loi organique sont votées et modifiées selon les conditions suivantes : ». Une loi organique est un peu plus qu’une loi ordinaire. 

On peut considérer qu’il s’agit là de lois d’application, d’accompagnement de la constitution. Il y a lois d’application de la constitution comme il y a des décrets d’application de la loi. Le mode de scrutin pour l’élection des assemblées relève de la loi ordinaire, alors que le nombre des membres des assemblées, la question de l’éligibilité ou alors le financement des campagnes électorales relèvent de la loi organique. 

Ces lois sont des éléments d’accompagnement de la constitution, une loi ordinaire ne peut réviser une loi organique, mais les lois organiques peuvent être révisées plus facilement qu’une constitution. Ces lois sont parfois la mise en forme de coutumes qu’on ne fait pas rentrer dans la constitution formellement mais qu’on met à côté de la Constitution dans un texte précis. 

§IV. Le problème de la coutume 

La coutume peut être une source du droit en général et donc aussi du droit constitutionnel. On pourrait penser que s’il y a une constitution écrite, la coutume se contente de la compléter. En revanche, s’il n’y a pas de constitution écrite, la coutume peut être la source principale des règles constitutionnelle. En réalité ça ne se passe pas comme ça. On peut montrer que la coutume, qui est tjrs présente, vu que la constitution est un texte de longue durée : on ne peut pas tout prévoir, il y a des compléments à apporter qui peuvent être par des textes ou la coutume. La coutume soit comble les vides, soit interprète les textes en proposant une lecture accordée au sentiment du temps. 

A. La coutume comblée 

1. En l’absence de constitution écrite 

La coutume étant une source du droit (cf. supra), il se peut très bien qu’en matière constitutionnelle il y ait une constitution entièrement coutumière, dès lors que les caractéristiques de la norme juridique sont respectées, c’est-à-dire dès lors que cette coutume présente les deux caractéristiques habituelles : 

      1. la pratique habituellement suivie 
      2. et le fait que cette pratique soit considérée comme obligatoire (l’opinio juris : le sentiment que c’est du droit). 

  

L’exemple que l’on site traditionnellement, et c’est le principal même si ça s’atténue, est l’exemple de la Grande-Bretagne où les règles essentielles du pouvoir (position de la couronne, règles des ministres, etc.) résultent de la coutume, forgée depuis le début du 17ème siècle et fixé mi 18ème. Lorsque Montesquieu écrit sa célèbre théorie de la séparation des pouvoirs, cette constitution n’existe pas, et Montesquieu ne décrit pas un texte mais une pratique obligatoire. 

Il faut ajouter que ceci est un peu moins vrai de nos jours, et sur bien des points cette coutume tend de plus en plus à être remplacée sur les points importants par des règles écrits (des lois, ou act en anglais). Bref, toute une série de lois qui viennent modifier la coutume, autant de lois ordinaires qui petit à petit remplacent/modifient la coutume. Aujourd’hui une partie de la constitution anglaise vient de la coutume, et une autre de la loi. Les dernières en date, c’est la révision constitutionnelle que le labour party (de Blair) avait promise à son retour au pouvoir. Il a été réalisé pour partie par la transformation de la Chambre des Lords (loi de novembre 1999), supprimant une série de lords héréditaires et une autre en cours de préparation qui devrait aboutir l’année prochaine. 

En dehors de la Grande-Bretagne, une constitution entièrement coutumière est rare. 

2. En présence d’une constitution écrite 

S’il y a un texte écrit, on pourrait penser qu’il n’y a plus de place pour la coutume. Mais parfois, lorsque la constitution est incomplète, il peut y avoir certains éléments coutumiers car liés à une forte tradition. 

Exemple d’Israël qui n’a pas une constitution entière mais des lois constitutionnelles, et à côté de ces lois constitutionnelles il y a une série de dispositions coutumières (en particulier le nombre des membres de la Knesset, qui est fixé à 120 de toute éternité parce que la bible prévoie une représentation des 12 tribus d’Israël par 10 délégués chacune). 

Et puis il se peut que la pratique de la constitution, au bout de plusieurs années, fasse apparaître des oublis, des problèmes non prévus au départ. Lorsqu’ils se posent, il faut bien les trancher. Quand on les tranche, on crée un précédent, et s’il est accepté et s’il se multiplie, cela devient une pratique généralement suivie considérée comme obligatoire : cela prend les traits de la coutume, et la constitution est complétée par cette coutume qui se crée. 

Exemple : 1961 en France, alors que la constitution de 1958 est en place depuis 3 ans, se pose la question de savoir si une motion de censure pour renverser le gouvernement peut être déposée et discutée pendant la période où le parlement est réuni de plein droit en application de l’article 16 de la constitution. A l’époque il y a des périodes de session du parlement limitées, et l’article 16 (plein pouvoir du Président de la République) et comme garanti que ces pleins pouvoirs seront exercés, le parlement est réuni de plein droit. 

Question : le parlement jouit-il de toutes ses prérogatives, y compris celle de renverser la constitution ? La réponse n’est pas évidente. Lorsque se pose la question en 1961 lorsque l’article 16 est appliqué, on ne sait pas répondre à la question ; ce sera une interprétation du président de l’assemblée national qui dira en gros que ça dépend si on est dans la période de session normale du parlement, auquel cas il exerce normalement ses prérogatives, ou si on n’est pas dans une période de session normale, auquel cas on est dans une situation exceptionnelle est la motion de censure n’est pas recevable. Cette interprétation a été acceptée à peu près par tout le monde. 

S’il est pensable que la coutume soit là pour combler des vides, le rôle de la coutume en présence d’une constitution écrite est plutôt d’interpréter des textes 

B. La coutume interprète 

Une constitution est faite a priori pour durer longtemps, et donc il se peut que plusieurs décennies après elle soit comprise et appliquée différemment. La constitution américaine a plus de 2 siècles. Si les choses ont changé, pourquoi ne pas réviser ou adapter le texte à la réalité ? Parfois la révision est difficile, il y a souvent l’idée d’une interprétation nouvelle ou « convention de la constitution », la question étant de savoir si la convention peut contredire le texte qu’elle prétend interpréter. 

« Convention de la constitution », terme d’usage anglo-saxon, popularisé en France par Pierre Avril. La convention de la constitution au sens de Pierre Avril est l’idée qu’il y a une manière de lire le texte constitutionnel, de l’appliquer : une pratique qui finalement rencontre l’accord des différents acteurs. C’est-à-dire qu’il y a un consensus sur la manière de lire la constitution, et donc le même texte est lu différemment selon les époques mais avec l’accord de tout le monde. 

Exemple : en Belgique. Jusqu’en 1993, il y avait la constitution de 1831, qui était un peu l’équivalent de la constitution orléaniste (charte de 1830). Dans l’esprit de 1831, la Charte donnait beaucoup de pouvoir au roi, au roi éclairé par l’avis du ministère. La montée en puissance du parlement et une série de crises ont fait que le roi ne décidait plus et ne se contentait que de signer. Finalement la constitution qui écrivait « le roi signe » ou « le roi nomme » (il peut le faire ou non selon sa volonté) est devenu « il doit signer » « il doit nommer ». 

Avril 1990, nouvelle lecture : le parlement belge vote une loi permettant l’IVG, un peu à l’image de la loi Weill. Le roi est très ennuyé, car très catholique. L’Eglise et ses sentiments lui disent de ne pas signer. Le ministère lui dit que « le roi signe » veut dire qu’il doit signer, le roi prétend le contraire. Solution : le roi abdique, et dans l’hypothèse où le trône est vacant, c’est à titre intérimaire que le gouvernement exerce les pouvoirs du roi et signe la loi. Le gouvernement retourne voir le roi, lequel reprend ses pouvoirs. L’idée « le roi signe », dans la lecture qu’on en fait un siècle et demi plus tard, est devenu « le roi a obligation de signer », c’est devenu fort au point que si le roi ne signe pas, il doit abdiquer. Le même texte se lit de manière totalement différente. Dans le cas d’espèce « le roi signe » est devenu « le roi a obligation de signer ». 

  

En France, la fameuse constitution Grévy La constitution Grévy découle du message du Président de la République aux chambres, le 6 juillet 1879. Grévy dans son message dit « je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale ». Ceci s’explique parce qu’en 1877, le maréchal de Mac-Mahon (Président de la République) avait décidé de dissoudre l’assemblée nationale qui lui était hostile, et les élections avaient ramené une majorité de républicains hostiles au maréchal. Son successeur, lorsqu’il dit qu’il n’entera jamais en lutte contre la volonté, dit en réalité « il n’y a un article de la constitution que je n’appliquerai pas : celui de dissoudre l’assemblée nationale ». Du coup il y a une manière d’appliquer la constitution de 1875 différente, et en indiquant qu’en cas de conflit c’est la volonté des chambres qui l’emportera. Le président abandonne ainsi une partie de ses pouvoirs au profit des chambres. Cette interprétation va devenir obligatoire, un quand un président essayera de reprendre un peu de pouvoir (Millerand en 1924), il sera obligé de démissionner. 

Sous la 4ème République, on peut citer l’idée qu’on appelé de celle de la double investiture. Le texte constitutionnel contenait l’idée que le président du conseil était investi tt seul par un vote de l’AN. L’habitude est prise dès le premier gouvernement que le président du conseil demande un second  vote dès que son équipe est constituée : la pratique a été suivie jusqu’à ce que la première investiture soit supprimée. 

Sous la 5ème République on peut trouver d’autres exemples. L’idée de la soumission du premier ministre au président de la République, en dehors des périodes de cohabitation. L’idée que le 1er ministre démissionne si le président le lui demande n’est écrite nulle part dans la constitution. Et pourtant, elle a été systématiquement appliquée. Ceci est accepté et donc défini une convention de la constitution, et d’une manière générale on parle volontiers d’une « double lecture », une lecture présidentialiste, dans laquelle tout remonte au président, et une lecture parlementariste dans lequel au contraire le premier ministre appuyé sur le parlement ont plus de pouvoir (ceci selon la concordance des majorités ou cohabitation). 

  

Question délicate : la coutume peut elle être contraire à la constitution ? La réponse, a priori, est négative. En principe une pratique ne peut pas contredire le texte, sans ça cela voudrait dire qu’une pratique commune deviendrait une violation de la constitution. Mais l’interprétation peut aller loin : peut elle aller si loin qu’en réalité elle est contraire au texte de la constitution ? Il n’y a pas forcément l’accord de tous les acteurs. 

Mars 1960 : De Gaulle refuse de convoquer le parlement en session extraordinaire alors que les conditions posées par l’article 29 de la constitution sont remplies. Mais ceci ne peut être considéré comme une coutume, d’autant plus qu’il y au ne pratique inverse. En mars 1979, VGE acceptera de convoquer le parlement. 

La vraie question qui s’est posée et qui pourrait se reposer dans quelques mois est celle de l’application de l’article 11 de la constitution, c’est-à-dire le référendum pour réviser la constitution en lieu et place de l’article 89 qui prévoit une procédure préciser. La question s’est posée en 1962 quand DG décide de modifier la constitution pour que désormais le Président de la République soit élu au suffrage universel. Il décide de passer par l’article 11 qui permet au Président de la République de consulter directement le peuple, mais qui a la base ne permet pas de le faire en matière de révision. Un juriste dira que c’est contraire à la constitution, mais vu que le peuple souverain va voter oui, finalement ça passe. 

1969 : De Gaulle passe par l’article 11 pour la décentralisation. Quelques juristes expliquent que c’est possible car il y a une coutume (ça c’est déjà fait), mais c’est discutable en fait (Colliard). La pratique est insuffisante (il n’y a eu qu’un seul précédent), ça voudrait dire que toute interprétation de la coutume entraînerait de fait sa modification. Comme le vote des français en 1969, si le vote des français est négatif, l’irrégularité couverte en 1962 est découverte en 1969. On a donc ce système absurde d’une constitution variable : c’est constitutionnel si vote positif, anticonstitutionnel si vote négatif. Ça n’a pas grand-chose : on est dans une situation de constitution existentielle et variable en fonction du vote précédent. 

La question pourrait se reposer à l’automne 2007, car certains candidats à la présidentielle indiquent qu’ils voudraient se livrer à une révision constitutionnelle. Comme on voit mal l’accord du Sénat, la question se ferait probablement par l’article 11 (référendum). 

Si la pratique est ouvertement contraire au texte, finalement dire que c’est une coutume, serait admettre que manquer à la règle, c’est transformer la règle, et que par la même celui qui manque à la règle s’investi du pouvoir constituant. « Qui gardera les gardiens ? ». 

26 mars 2003 : le conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent en matière de révision constitutionnelle. 

Le président de la république, s’il en est le gardien, n’est pas le propriétaire du pouvoir constituant. 

Section 3 – Le pouvoir constituant 

Le pouvoir constituant, c’est tout naturellement celui qui est compétent pour faire la constitution, pour faire la règle constitutionnelle : pour établir la charte du pouvoir politique (la manière dont il est attribué et exercé dans l’Etat). 

Par nature, le pouvoir constituant appartient au souverain, car il va limiter l’existence du souverain dans l’Etat. Seul le souverain peut se limiter. La souveraineté et la limitation du souverain ne peut se faire que par lui même (théorie de l’autolimitation du souverain). 

Lorsque la conception de la souveraineté change (que l’on passe du roi au peuple), il y a un changement dans l’exercice du pouvoir constituant. 

§I. Evolution historique 

Le pouvoir constituant est une attribution du souverain, donc les deux grandes formes de souveraineté amènent à des procédés différents. 

Les procédés monarchiques : c’est l’idée que le roi décide, le roi est le souverain « l’Etat c’est moi » donc « la constitution c’est moi ». C’est le procédé qu’on appelle l’octroi : le roi donne à ses sujets une constitution dans laquelle il se limite lui-même. C’est le procédé que l’on trouve dans l’histoire constitutionnelle française dans la charte de 1814 (rétablissement de la monarchie) ou bien dans la Russie de 1905 quand le Tsar décide de donner à ses sujets une constitution. 

Il y a une formule qui est une sorte de négociation entre le roi et ses sujets : le pacte (par opposition à l’octroi) : idée d’un accord/négociation entre le roi et le peuple. Ce qui veut dire que déjà on considère qu’à coté de la légitimité du roi il y a une autre légitimité. Négocier avec quelqu’un suppose qu’il a une certaine importance. Formellement le roi décide, en réalité il y a un équilibre. C’est la situation qu’on connaîtra avec l’orléanisme (Monarchie de Juillet, charte de 1830) : la charte résulte d’un accord entre celui qui va devenir roi et le peuple. 

On passe maintenant à la légitimité démocratique. Le procédé démocratique veut dire que le peuple décide : décide-t-il directement ou par la voix de ses représentants ? Directement, c’est satisfaisant mais c’est difficile. On a plutôt l’habitude d’élire des représentants particulièrement mandatés pour faire une nouvelle constitution : formule de l’assemblée constituante. Et parfois, pour s’assurer (vu l’importance du sujet) que ceux qui ont établi la constitution ont bien rempli leur mandat, on peut ratifier le texte par référendum. 

Pour modifier la constitution (pouvoir dérivé ou institué), là aussi il y a des possibilités : le peuple ou ses représentants. Mais comme une modification est moins essentielle qu’un établissement, on admet que l’intervention du peuple puisse être évitée. 

§II. L’établissement des constitutions et le pouvoir constituant originaire 

La question se pose de faire une nouvelle constitution lorsqu’il y a une situation de « table rase » comme on dit, c’est-à-dire qu’il y a eu une rupture avec l’ordre ancien. Tout à disparu, tout est par terre : il faut faire quelque chose d’autre. C’est la situation dans laquelle se trouve un Etat nouveau, ou un régime politique nouveau lorsque le régime ancien est par terre (ex URSS). Là, naturellement, la légitimité démocratique dont on se réclame veut que ce soit le peuple qui se prononce. 2 procédés : 

A. L’assemblée constituante 

C’est tout simplement une assemblée élue par le peuple, avec un mandat précis qui est le mandat ouvertement donné de faire une constitution. D’ailleurs l’assemblée peut être en même temps législative (double rôle : rôle d’ordinaire législatif et rôle constitutionnel). 

La plus ancienne est la convention de Philadelphie qui fera la constitution de 1787, puis la constituante de 1789 (de juin 1789 à octobre 1791), et puis ce sera le cas aussi des assemblées de 1848, 1871, et en 1945 et 1946 pour établir la R4. Ce procédé n’est pas ancien et aujourd’hui n’est pas abandonné. Ex : c’est une assemblée constituante qui fait le texte de la constitution portugaise, grec, ou espagnole. Il faudrait signaler de multiples assemblées constituantes en Europe de l’est après 1990. 

Ces assemblées sont nouvellement élues, explicitement constituantes. Ces assemblées discutent, élaborent des projets, adoptent un projet. 

      • Soit l’assemblée est dite souveraine, et le projet est promulgué et devient la constitution sans revenir devant le peuple (France 1791, 1848, 1875 et Grèce 1975, Portugal 1976). 
      • Soit l’assemblée est dès le départ limitée, c’est-à-dire qu’il est prévu que le texte qu’elle va élaborer devra revenir devant le peuple et faire l’objet d’un référendum qui accepte ou qui rejette le texte qui lui est proposé. C’est le cas de R4 ou la première assemblée constituante propose un projet en avril 1946 qui sera repoussé en mai. Une deuxième assemblée fait un nouveau projet qui sera accepté en octobre 1946. Exemple aussi en Espagne, référendum du 6 décembre 1978 

B. Le référendum direct 

Sans passage préalable par une assemblée constituante. Dans ce cas là le peuple n’est pas associé à la préparation, ni directement ni par l’intermédiaire de ses représentants, mais il est invité à ratifier le texte qu’on lui propose. Le texte sera préparé par le pouvoir en place (exécutif provisoire ou l’exécutif résultant formellement des institutions possédantes). Il en va ainsi des constitutions napoléonienne (an 8, an 10, an 12) et de 1815 (l’acte additionnel). Ou bien, le général de Gaulle en 1958, ou le gouvernement du Général De Gaulle reçoit mandat de l’assemblée de préparer une nouvelle constitution. En 1958, c’est une révision du texte précédent : le parlement vote en disant qu’il délègue son pouvoir au gouvernement de DG qu’elle vient d’investir. En réalité cet exécutif de DG va préparer seul ou en s’entourant de représentants (experts, dont des membres de l’assemblée), établir un texte, et ratifier le 28 septembre 1958 par référendum par les français (80% de oui). 

Cette formule par référendum est fréquente pour les Etats nouveaux. C’est une sorte de manière de légaliser un coup de force que de faire voter ainsi un texte préparé par le pouvoir de faite. La rupture démocratique étant en quelque sorte ouverte. 

  

Chacun des deux procédés a son avantage. Vaut-il mieux l’un ou l’autre ? C’est toujours le problème de la représentation. D’un point de vue théorique on pourrait dire que le plus satisfaisant c’est de cumuler les deux, comme on l’a fait en 1946, d’autant plus que le premier projet a été rejeté ce qui montre que la ratification n’est pas une simple formalité. Si le texte n’est pas bon : 

§III. La révision des constitutions et le pouvoir constituant institué 

On l’appelle institué parce qu’il est prévu dans les institutions existantes. On organise un pouvoir existe constituant. Pourquoi le souverain ne délèguerait il par son pouvoir constituant comme il délègue son pouvoir législatif ? Il faut que la procédure de révision soit plus exigeante que celle de la loi ordinaire, de manière à ce que la constitution ne puisse pas être modifiée par l’intervention d’une seule loi ordinaire. Et, effectivement, la procédure de révision et sa supériorité sur la procédure ordinaire se manifestes sur deux plans : 

A. L’initiative de la révision 

Elle peut être confiée aux différents titulaires d’un pouvoir politique (exécutif, législatif, voire au peuple). Ca dépend de celui que l’on veut mettre en avant. Evidemment, c’est affirmer un pouvoir particulier que de donner un tel pouvoir à un plus qu’à un autre. Dans chaque régime politique on donne la possibilité de réviser à celui qu’on veut privilégier. 

Sous R4, on privilégie l’assemblée. Sous la cinquième République, on privilégie le président (article 89, le président sur proposition du premier ministre ou du membre du parlement) et l’assemblée. Et, si pour la constitution de 1958 on accepte que l’article 11 soit utilisé, c’est la même chose : sur proposition du gouvernement et de l’assemblée. 

Aux USA, c’est une fraction importante du congrès ou des Etats qui a le pouvoir de réviser la constitution. 2/3 du congrès ou 2/3 des Etats peuvent prendre l’initiative d’une révision constitutionnelle. En suisse, il y a une possibilité d’initiative populaire comme ça peut être le cas, d’une manière plus limitée, en Italie. 

(Projet : texte d’origine gouvernemental ; proposition : texte d’origine parlementaire). 

Finalement, on a la possibilité de donner à un organe un pouvoir : le pouvoir d’ouvrir la procédure de modification, c’est lui reconnaître une certaine importance. L’initiative peut parfois s’appuyer sur des travaux d’experts. Un des travaux le plus important fait en France à propos de la constitution de 1958 est le travail effectué par le comité pour la révision de la constitution (présidé par Georges Vedel, automne 92/début 93 – Georges Vedel, né le 5 juillet 1910 à Auch et mort le 21 février 2002 à Paris, est un professeur de droit public.). L’initiative de la constitution appartient à l’un des pouvoirs (ou à plusieurs, comme En France : Président de la République +parlement). Ensuite, on vote le texte. 

  

B.  projet de révision 

Un projet qui émane de l’exécutif passe par les 2 chambres du législatif 

Un projet qui émane du législatif passe par les 2 chambres. 

  

Tout ceci montre un peu l’existence de ce pouvoir institué qu’on a voulu exigeant avec une procédure difficile, mais avec le risque que si la procédure est jugée trop contraignante, elle soit détournée (1962, 1969). Le Président de la République de l’époque a essayé une procédure parallèle de révision par rapport à l’Article 89 en estimant que l’Article 11 était applicable en matière de révision constitutionnelle, et la meilleure argumentation étant celle qu’a exposée le ministre chargé des réformes de l’époque. C’est un problème délicat avec une réponse très incertaine. La question est de savoir si lorsque le pouvoir institué existe, le pouvoir originaire disparaît. 

Autrement dit, le peuple est il limité par ce qu’il a fait plus tôt ? Est-il tenu par cette forme qu’il a instituée ? 

Si on dit que oui, le peuple est il encore souverain ? 

Si l’on dit que non, le peuple n’est pas tenu, à ce moment la construction constitutionnelle a-t-elle un sens ? Puisque toute procédure pourrait tourner dès que le peuple est d’accord ; 

Finalement on retourne sur la question fondamentale : la contradiction qu’il y a entre le souverain et la constitution. Et les conceptions actuelles vont plutôt vers le respect de la norme constitutionnelle. Dans le cas d’espèce on pourrait dire que le tendance est limité mais par lui même (théorie de l’auto limitation). Et finalement ce qu’on appelle l’état de droit est que tout pouvoir est soumis à un droit antérieurement posé, y compris le pouvoir du souverain. Cette question appelle à réfléchir à la manière dont la supériorité de la constitution est assurée. 

La question de l’utilisation du référendum direct pour réviser la constitution pourrait éventuellement se reposer l’année prochaine, puisqu’un certain nombre de candidats à la présidentielle ont proposé de réformer la constitution. 

Section 4 – Le contrôle de constitutionnalité 

Il faudrait dire « contrôle de constitutionnalité des lois » et même de l’ensemble des normes juridiques, autrement dit c’est la question de savoir comment on peut s’assurer que les textes infra constitutionnels, ceux qui sont en dessous du niveau de la constitution, respectent bien sa supériorité, sa « super légalité » tiré du fait que la constitution est la clef de voûte de l’ordre juridique. 

Quelles sont les procédures qui éventuellement permettent de veiller à ce respect de la constitution ? Historiquement on a connu le contrôle par un organe politique, et s’est considérablement développé dans la seconde moitié du 20ème siècle et le contrôle par un organe impartial. 

C’est la question de la valeur juridique des déclarations et préambules. 

§I. Le contrôle politique 

On veut dire par là « contrôle par un corps politique ». Et ce peut être notamment le corps qui fait le texte en question, la loi dont il s’agit, et qui peut refuser par exemple d’un délibéré d’un projet ou d’une proposition qui lui est présenté s’il lui apparaît que ce projet est contraire à la constitution. C’est ce qu’on appelle l’exception d’irrecevabilité. Avant examen d’un texte, il y a un débat parlementaire. Si le texte est déclaré irrecevable parce que contraire à la constitution, il ne sera pas discuté. 

En réalité, dans le parlementarisme aujourd’hui et notamment en France, l’exception d’irrecevabilité est beaucoup plus un argument de procédure pour retarder les débats, un argument politique plutôt que juridique. Il n’est pas rare que l’argument d’irrecevabilité ne contienne en général aucun élément. Il peut cependant avoir des arguments juridiques annonciateurs d’un recours devant le conseil constitutionnel. 

Le recours devant un contrôle politique ne marche jamais, car si l’opposition qui considère que le projet est contraire, il est quand même voté par la majorité. Le 19 octobre 97 le gouvernement Jospin présente une loi sur le PACS et ce PACS fait l’objet d’une exception d’irrecevabilité sur le thème qu’il est contraire au principe constitutionnel de protection du mariage. Cette exception d’irrecevabilité est votée et le PACS sera retardé de quelques semaines, vu que la majorité a oublié d’être présence. L’assemblée peut donc se présenter à l’examen de constitutionnalité. 

En dehors de cela, il y a la possibilité de contrôle par un corps politique spécialisé, et c’est une hypothèse finalement assez rare qui a existé dans notre histoire constitutionnelle. C’est le cas des Sénats napoléoniens (gardiens ou conservateurs de la constitution, constitution de l’an VIII ou constitution de 1852). Ce Sénat était nommé par l’empereur qui évidemment nommait des fidèles. Du coup le sénat était toujours d’accord avec l’empereur. 

Le sénat avait inventé la catégorie des senatus consulte. Puisque le sénat était gardien de la constitution, si on consultait le sénat même pour n’importe quoi et qu’il disait que « oui c’est très bien », c’est que le texte est constitutionnel. Ce système n’a du coup pas fonctionné. L’empereur pouvait faire n’importe quoi vu que le sénat était toujours d’accord. 

On en trouve quelques exemples contemporains, l’exemple était le conseil de la révolution du Portugal après la révolution des oillets de 1974 qui avait pour objectif de vérifier si les lois étaient conformes aux objectifs de la révolution. Sorte de « contrôle de la révolutionnarité » des textes. 

Dans cette catégorie il faut citer, et là encore ça n’a pas fonctionné, le comité constitutionnel de la quatrième République prévu par l’article 91 de la Constitution de 1946. Ce comité constitutionnel était composé du président de l’assemblée nationale, du président du conseil de la république (le Sénat) et de 7 membres élus par l’assemblée nationale à la représentation proportionnelle de ses groupes. Le conseil de la république présentait 3 membres à la proportion de ses groupes. Ce comité constitutionnel était chargé d’examiner « si les lois votées par l’assemblée nationales supposent une révision de la constitution ». On pourrait s’attendre à ce qu’un comité de cette nature soit là pour dire que la loi votée est contraire à la constitution, donc on ne peut pas l’autoriser. Du coup le système parait prévu pour fonctionner à l’envers : la loi votée entraîne une obligation de réviser la constitution, ce qui était une curieuse manière d’affirmer la supériorité de la constitution sur la loi. En réalité il n’y avait pas sous la quatrième République de contrôle de constitutionnalité. On a prit la constitution de la quatrième République comme l’exemple d’une constitution souple. 

Enfin, au début de la cinquième République, le conseil constitutionnel lorsqu’il a été créé est apparu comme à mi-chemin entre le politique et le juridictionnel, et même souvent comme plus proche du politique. Souvent les arguments sont nombreux, et on dit qu’il ne s’agit pas d’une véritable juridiction. L’idée que le mode de nomination de ce conseil était plutôt politique, puisque les membres sont nommés par les 3 présidents de la République, de l’Assemblée nationale, et du Sénat. On a pu prétendre que ces nominations étaient politiques. 

Cependant, on peut penser aujourd’hui que le conseil a un peu échappé à ses défauts d’origine même s’il en a conservé certain et qu’il est plutôt considéré aujourd’hui comme un organe juridictionnel, à l’instar des autres cours constitutionnelles qui sont nombreuses aujourd’hui en Europe. Il y a à peu près partout une cours constitutionnelle dans les pays d’Europe. 

§II. Le contrôle juridictionnel 

C’est évidemment une idée qui est beaucoup plus satisfaisante pour l’esprit, puisqu’on attend du juge sagesse et objective et non pas prise de position politique, mais ce contrôle du juge, s’il est a priori satisfaisant, se heurte néanmoins à une forte critique. Peut on admettre le contrôle des représentants du souverain qui ont voté la loi réputée acte du souverain que ceux qui l’ont voté soient contrôlés par des juges non élus, c’est-à-dire non désignés par le souverain lui même. En réalité, n’organise-t-on pas un contrôle des juges sur le souverain ? 

A. Le problème théorique 

C’est donc l’idée qu’un juge, et un juge plutôt professionnel, non élu va contrôler la loi, contrôler ce qu’ont fait les représentants du peuple en souverain. Du coup c’est un contrôle du souverain : comment peut-on contrôler le souverain ? Jusqu’en 1958 nous n’aurons pas de contrôle de constitutionnalité, et on a vu comment cela ne fonctionnait pas sous la quatrième République. Ceci apparaît timidement en 1958 et sera exercé avec une certaine modération du conseil constitutionnel, et pourtant on voit facilement le débat ressurgir dès qu’une décision du conseil constitutionnel dérange. A ce moment là, un certain nombre de parlementaires viennent s’opposer au conseil. 

En 1993 Balladur s’était élevé contre une loi censurée par le conseil, Badinter (président du conseil constitutionnel) a répondu. C’est la dernière grande polémique. 

  

Cependant on peut justifier le rôle du juge et sa capacité à contrôler ce que font les élus de plusieurs manières. On en retiendra deux : 

      1. la plus classiquement présentée. La plus classique, c’est la théorie du mandat. C’est l’idée que les représentants du peuple exercent certes la souveraineté du peuple mais qu’ils l’exercent dans le cadre du mandat qui leur est confié. Mais ce mandat est forcément de respecter la constitution : je désigne quelqu’un pour être représentant et pour jouer le rôle que lui prévoit la constitution. Et donc, si le peuple a d’abord voté la constitution pour qu’elle s’applique à tous y compris ses représentants, s’il désigne ses représentants c’est donc pour que ceux-ci agissent dans le cadre de la constitution. Du coup, lorsque le juge censure une loi parce qu’elle est non conforme à la constitution, bien loin d’aller contre la volonté du peuple, en réalité il rappelle aux représentants quel est leur mandat, qui est de respecter nécessairement la constitution. Donc, s’ils s’en sont écartés, il ne sont plus dans leur mandat, donc ne sont plus les représentants du peuple souverain. Ce qu’ils ont fait inconstitutionnellement doit être censuré au nom du respect du peuple tel qu’il est écrit dans la constitution. Ceci a été dit dans une formule du conseil constitutionnel qu’il faut connaître. 23 août 1985 sur la Nouvelle-Calédonie : « la loi exprime la volonté générale dans le respect de la constitution ». 
      2. Une autre plus rare. C’est finalement une sorte de retour à la vieille distinction non réglée nous l’avons dit entre souveraineté nationale et souveraineté populaire. Ces deux conceptions s’affrontent dans la théorie constitutionnelle française et nous vivons dans une synthèse caractérisée par l’article 3 : « la souveraineté nationale appartient au peuple ». 

Lorsqu’une loi est votée, elle est votée par les représentants du peuple, donc par le peuple concret tel qu’il existe à un moment donné. Il vote soit directement (referendum) ou indirectement. Mais ce peuple instantané, ce peuple du moment, peut il tout faire ? Ou doit-il inscrire son action dans la permanence, le projet d’ensemble de la nation, son mouvement vers la société idéale à construire, l’inscription dans ses fins supérieures communes dont nous avons parlé. Finalement, cette souveraineté du peuple instantané ne doit elle pas s’inscrire dans la souveraineté permanente de longue durée de la nation ? Et cette nation, elle peut très bien être représentée par le juge appuyé sur la tradition, l’ensemble du projet politique. C’est l’idée que la permanence de la nation s’oppose à l’instantanéité du peuple à un moment. Ca parait fumeux et réactionnaire, mais si on prend un autre vocabulaire, si on appelle cela le « pacte républicain », du coup ça devient une idée protectrice et progressiste. 

Est-ce illusoire ? En fait, cette idée fonctionne. Lorsque le conseil constitutionnel censure une loi votée en estimant qu’elle est contraire aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, lesquels principes fondamentaux sont une catégorie reconnue par le préambule de 1958. Lorsqu’il censure au nom des principes fondamentaux, c’est de ça qu’il s’agit : il y a un mouvement d’ensemble des lois antérieurs qui donne une direction, et que la loi présente ne peut pas sortir de ce cadre. Ces Principes Fondamentaux des Lois de la République (PFLR) sont une partie importante du bloc de constitutionnalité. Ils ont été petit à petit dégagés/découverts par le conseil constitutionnel. L’idée a aussi été utilisée par le conseil d’Etat le 3 juillet 1996, arrêt Koné, où le conseil d’état a annulé un décret sur la procédure d’extradition en estimant qu’il était contraire à un principe fondamental reconnu par les lois de la république. 

  

Il y a d’autres manières de justifier le rôle du juge. Le problème théorique demeure et ressurgi chaque fois qu’il y a une décision qui dérange. 

Cette question du problème théorique est donc qu’il y a 2 procédés différents. On peut appeler, mais il vaut mieux ne pas trop utiliser cette expression, le « procédé offensif » ou le « procédé défensif », ça veut dire qu’on se défend d’appliquer une loi. On veut parler de voix d’action ou de voix d’exception. 

B. Le « procédé offensif » : la voix d’action devant une juridiction spéciale 

Ce qu’on entend par action, c’est, dans le cas d’espèce, le fait qu’un individu agi contre la loi même éventuellement si elle ne le concerne pas directement, car cette loi lui parait contraire à la constitution et donc il a en tant que citoyen concerné par la constitution, le droit sinon le devoir d’empêcher que cette loi entre dans l’ordre juridique. Si l’on est jugé ainsi, la loi sera annulée, elle ne peut être appliquée, et cette formule entraîne l’examen par une juridiction particulière. Il y aura un juge spécialement chargé de vérifier si la loi est ou non conforme à la constitution. C’est la saisine d’une juridiction spécialisée. 

L’avantage est évident, elle est efficace : il y a un juge spécialisé, et il y a l’idée séduisante que chaque citoyen est responsable de la constitutionnalité des lois puisque chacun peut saisir le juge. La contrepartie, c’est le risque d’encombrement. D’où parfois la nécessité de limiter la saisine. Ce n’est pas le cas en Suisse ou ce recourt constitutionnel est ouvert aux citoyens. En France c’est fermé : nous avons une loi d’action contre le texte en train d’être voté, mais cette saisine est limitée puisque le conseil ne peut être saisie pour examiner la conformité des lois à la constitution que la par le Président de la République qui ne l’a jamais fait, le premier ministre, le président de l’une ou l’autre assemblée ou depuis la révision constitutionnel de 1974, 60 députés ou 60 sénateurs. Du coup c’est une saisine par les autorités politiques et non pas du tout une saisine ouverte aux citoyens. 

Selon les pays il y a toute une gamme de procédés. En Italie la saisine peut être le fait du gouvernement contre les lois régionales ou symétriquement des régions contre une loi de l’Etat. En Allemagne, la saisine préventive contre la loi peut être faite par le gouvernement fédéral, un gouvernement local (le gouvernement d’un land), un tiers du Bundestag, plus un individu s’il estime que ses droits fondamentaux risquent d’être menacés par la loi (le Verfassung Beschwerde). C’est l’instrument à la disposition du citoyen pour faire respecter ses droits. Les allemands ont environ 4000 à 5000 recours par an. Mais l’Italie et l’Allemagne si elles ont ce système très développé qui s’explique par leur histoire (régimes dictatoriaux), elles ont aussi l’autre procédé : 

C. Le « procédé défensif » : la voix d’exception devant une juridiction ordinaire 

Le citoyen se défend contre une loi qu’on voulait appliquer en montrant que cette loi ne peut être appliquée. C’est l’idée que le juge doit d’abord se prononcer sur l’exception. C’est par exemple ce qui peut se faire dans le pays prototype de cette forme de contrôle de constitutionnalité (USA) où depuis un arrêt extrêmement ancien, l’Arrêt de 1803, Marbeury vs. Madison. L’idée que le juge peut effectivement vérifier si la loi est conforme à la constitution. Et tout juge est compétent. Par le jeu des appels, tout ceci remonte jusqu’à la cours suprême et finalement c’est la cours suprême qui va décider. En ce sens, la cours suprême est devenue la cours constitutionnel, alors que dans la constitution des USA n’indique rien sur le contrôle de constitutionnalité. 

Les avantages de cette formule sont clairs : il n’y a pas d’encombrement particulier des juridictions puisqu’il y a déjà un procès, bien que le recours soit ouvert à tous citoyens. 

L’inconvénient est faible : théoriquement, si le juge déclare que la loi n’est pas constitutionnelle (vieux principe de l’effet relatif de la chose jugée, théoriquement ça ne s’applique qu’à l’affaire en cours), mais en fait cela dépasse cela. Effet de la jurisprudence : si ca a été jugé de telle manière dans cette affaire, la loi ne s’applique pas, mais ce sera la même chose pour l’affaire suivante. En réalité entre en désuétude, elle n’est plus appliquée, et ça abouti à une annulation véritable. 

  

Le risque est que le pouvoir assez considérable que peut avoir le juge s’il est appelé à se prononcer sur al constitutionnalité de tous les textes. Ce rôle politique du juge est surtout vrai s’il le contrôle d’après des principes généraux de liberté, d’égalité. Et finalement dire ce que doivent signifier ces principes à un moment historique donné, c’est souvent prendre une option politique. Nos concepts sur l’égalité et la liberté ont beaucoup changé (ex : le principe de l’égalité homme femme a changé). 

Les exemples sont nombreux pour la cours suprême américaine. Dans les années 1930 elle a prit position contre l’interventionnisme du new deal de Roosevelt, car elle estimait que c’était contraire au libéralisme inscrit dans la constitution. 

Dans un sens inverse, et c’est plus progressif, la cours suprême a annulé une série de loi des Etats du sud en montrant que l’égalité est pour tout le monde. Du coup l’intégration raciale s’est mise en place. Du coup aujourd’hui il y a aussi la question de l’avortement. Ce qui veut dire que la jurisprudence de la cours dépend en réalité pour beaucoup de la couleur politique, des accusations politiques de ses membres. Et finalement ça dépend de l’autorité de nomination, c’est-à-dire dans le cas des USA de l’accord du président et du Sénat. 

Evidemment il y a cette dimension politique, c’est le risque inhérent à tout contrôle de constitutionnalité 

  

En France, on ne connaît que la voix d’action et pas la voix d’exception. C’est réservé aux acteurs politiques avant promulgation de la loi. C’est un peu un dernier vestige de la souveraineté de la loi : on ne contrôle pas la loi, mais la loi en devenir. 

Il y a un débat depuis plusieurs années pour introduire une procédure d’exception. C’était un projet de Robert Badinter qui a été repris par François Mitterrand dans son allocution présidentielle du 14 juillet 1789. Ça a été voté par l’Assemblée Natioale mais pas par le Sénat qui était hostile, du coup ça s’est arrêté. Ca a été repris dans le rapport de la commission Vogel de 1993 et dans le projet de constitution d’Edouard Balladur. L’idée à l’époque était de créer une exception d’inconstitutionnalité qui serait soulevée par le justiciable devant toute juridiction et qui finirait par voix d’appel de remonter au sommet de chaque hiérarchie juridictionnelle (conseil d’Etat ou cours de cassation) et transmettrai ensuite au conseil constitutionnel s’il estimait que le cas est sérieux. 

Ce projet est pour l’instant en panne, il est repris rituellement à chaque élection présidentielle. Si cela aboutissait, ce serait évidemment un élément supplémentaire de protection des libertés, d’autant que le conseil constitutionnel a largement étendu le contrôle sur ce point en intégrant sur ses normes de contrôle le préambule de la constitution et la déclaration des droits de l’homme 

§III. Le problème de la valeur juridique des déclarations et préambules 

C’est la question de la valeur juridique. S’agit il de simples déclarations d’intentions, de vagues finalités, ou s’agit il de textes à portée normative, c’est-à-dire obligatoire, sur lesquels peut se fonder par exemple un contrôle de constitutionnalité. Autrement dit, la loi doit être respecter cette déclaration et préambule, ou plus technique y a-t-il un contrôle de constitutionnalité par rapport à eux. C’est une affaire discutée dans la doctrine depuis des 10aines d’années (depuis début la troisième République) et la doctrine classique est divisée. Pour la doctrine classique (Esmein, Carré de Malberg), ces textes, ces déclarations, n’ont pas de valeur juridique propre et sont des orientations philosophiques. Si la souveraineté nationale veut organiser précisément une liberté, elle peut le faire par un texte spécifique. Si elle ne le fait pas, c’est qu’elle voit là dedans une finalité, quelque chose qu’il faudra essayer de faire un jour, mais qui n’est pas pour l’instant organisé. D’autres juristes, un peu plus tardif (Duguit, M. Hauriou), pensent au contraire que ces textes ont la même valeur juridique qu’une constitution car ils sont généralement votés selon la même procédure, ils ont la même origine, ils sont au même niveau dans la hiérarchie des normes juridiques. Et donc ils sont applicables. Le débat n’avait pas grand sens lorsqu’il n’y avait pas de contrôle de constitutionnalité. Aujourd’hui on peut se ranger à une position moyenne. Si le texte est exécutoire, s’il est suffisamment concret, il peut être appliqué. Lorsque le préambule de 1946 dit « le droit de grève est reconnu » dans le cadre des lois qui le réglemente, ça veut dire qu’une loi qui interdirait complètement le droit de grève serait inconstitutionnelle. A l’inverse, ça veut dire qu’une loi peut réglementer le droit de grève. En revanche, s’il y a un ordre plus général, du genre « chaque citoyen a droit au bonheur », comment fait-on pour appliquer ça ? 

Dans la pratique en France, la DDHC et le préambule de 1946 n’étaient pas reconnu sous la quatrième République comme ayant une valeur constitutionnel mais comme ayant une valeur légale, c’est-à-dire comme égale de la loi, c’est-à-dire qu’une loi pouvait s’opposer à ces textes puisqu’elle était de même valeur. A vrai dire à l’époque, la différence (système de constitution souple) n’avait pas d’importance. Sous la cinquième République, les choses ont changé ; la valeur constitutionnelle du préambule a été retenue d’abord par le conseil d’Etat. C’est l’arrêt connu du 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs conseils », et l’arrêt du 12 février 1960, « Société Eky » sur les décrets. 

Pour ce qui est de la loi, le pas sera franchi par le conseil constitutionnel dans sa grande décision fondatrice, la décision du 16 juillet 1971, « régime des associations », dans lequel le conseil constitutionnel censure la loi dont il est saisi par le Sénat. Le préambule de 1946 reconnaît la liberté d’association, du coup la loi qui limitait le droit d’association a été déclarée anticonstitutionnel. A partir de là a été déclarée la valeur juridique des préambules et commence le contrôle de constitutionnalité des lois. 

  

A partir de là, le contrôle exercé par le conseil n’est plus seulement sur les articles de la constitution (c’est-à-dire la partie dispositive de la constitution) mais sur l’ensemble, sur ce qu’on a prit l’habitude d’appeler le bloc de constitutionnalité, qui comprend l’ensemble des dogmes constitutionnels supérieurs à la loi et que la loi doit donc respecter. Ces éléments du bloc sont la constitution elle même, avec son préambule de 1958 qui remet en vigueur le préambule de 1946, intégrant lui même la DDHC de 1789, et aussi les PFLR qui sont aussi dans le bloc. Est évidemment aussi dans le bloc la jurisprudence passée du conseil constitutionnel. 

Cette vérification des normes par rapport à ce bloc de constitutionnalité va dans ce sens des libertés. Il est vrai qu’il faut prendre garde au fait que le contrôle de constitutionnalité s’appuie parfois sur des principes un peu vague qui donnent quelques fois d’avoir été découvert ou inventé pour la circonstance, ce qui peut poser problème. Comment peut on établir un droit certain (ce qui est nécessaire : la sécurité juridique). Un droit certain peut il être à la merci de principes incertains ? La réponse n’est pas entièrement évidente. Et c’est là que s’ouvre l’accusation du gouvernement des juges. Ce problème n’était pas posé à l’origine car le contrôle de constitutionnalité était fort discret ; il se pose davantage à partir de 1974 (élargissement de la saisine). On donne le droit à l’opposition parlementaire de saisir le conseil constitutionnel. 

§IV. La place du droit international et du droit européen 

  

Le conseil constitutionnel a décidé qu’il n’était pas concerné par l’examen de la conformité de la loi aux normes internationales. Certes, il y a l’article 55 qui dit que les traités régulièrement ratifiés ont une force supérieure à la loi. Mais, si ce principe existe, et ce n’est pas remis en question, le conseil a admis que ce n’était pas à lui d’en juger. 

C’est la condition de principe fixée dans la grande décision dite « IVG » au sujet de la loi votée fin 1974. A la suite de cette loi, un recours a été déposé en disant que la loi française est contraire au droit international. Le conseil juge que ce n’est pas son rôle d’en vérifier la conformité, et si l’article 55 de la Constitution assure la supériorité du droit international sur le droit interne, c’est aux tribunaux d’assurer cette supériorité en écartant la loi interne si elle est contraire au droit international et aux droits communautaires. Cette décision a été d’abord prise par la cours de cassation : « société des cafés Jacques Vabres », 24 mai 1975 et bien plus tard par le conseil d’état à son tour. 20 octobre 1989, arrêt Nicolo. 

La question qui n’était pas encore tranchée est de savoir si cette supériorité du droit international, donc affirmée par rapport à la loi, s’étendait aussi à une supériorité sur le droit constitutionnel. Là, les juridictions françaises ont dit non. Le droit international est supérieur à la loi mais n’est pas supérieur à la constitution. Ceci a été affirmé par 2 arrêts concordants. Conseil d’Etat, 30 octobre 1998, arrêt Saran puis Cours de Cassation, 2 juin 2000, Pauline Fraisse. Les deux questions étant en rapport avec le corps électoral de Nouvelle-Calédonie. 

Cette position a été rejointe en bonne partie par le conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2004 dite « économie numérique » où le conseil dit que le droit international s’incline devant ce qu’il a appelé une « disposition expresse de la constitution ». 

  

Ce qui veut dire qu’en réalité, par rapport à la loi, il y a ce qu’on pourrait appeler deux blocs de supra légalité : 

      1. D’une part, le bloc de constitutionnalité avec son juge (le conseil constitutionnel) 
      2. et d’autre part le bloc de conventionalité (par référence aux conventions internationales), bloc qui examine la conformité aux traités et conventions. Ce bloc est l’affaire du juge normal (tribunaux administratifs ou judiciaires)  

  

Pour l’instant existe une hiérarchie des normes à trois niveaux. 

      1. la constitution 
      2. les traités et normes internationaux 
      3. la loi et le règlement 

  

Ceci pourrait évoluer d’une manière générale si le conseil constitutionnel interprétait plus largement l’article 55 de la Constitution. On pourrait soutenir que cette supériorité est une norme constitutionnelle (ce n’est pas la position actuelle), et l’évolution a commencé à venir des normes européennes qui ne sont plus tout à fait du droit international : elles sont un ordre juridique à part, où là il y a une obligation constitutionnelle à respecter ces normes européennes (article 88-1 de la constitution). 

Le conseil constitutionnel doit-il juger la conformité de la loi aux textes européens ? La réponse est plutôt non, mais cela pourrait évoluer. Quand le conseil constitutionnel a examiné le procès de constitution européen, dans sa décision du 19 novembre 2004, a indiqué que cette constitution ne bouleversait pas l’ordonnancement juridique, que la constitution restait au sommet de l’ordre juridique tout en reconnaissant que le droit européen était un droit distinct du droit international, intégré aux normes internes, distinct de la constitution. 

Pour l’heure on peut retenir qu’existe du moins, vu du point de vue français, cette hiérarchie des normes à trois niveaux. 

  

Finalement, tout ça relève toujours à la même histoire, c’est-à-dire la loi est l’acte des représentants du peuple, le peuple est souverain : la loi est-elle de ce fait souveraine ? La réponse est non, vu qu’elle doit respecter la constitution et le bloc de constitutionnalité. 

C’est la contradiction entre liberté et autorité. Il faut protéger l’une et laisser le pouvoir s’exercer. Il faut admettre la souveraineté et faire en sorte qu’elle ne puisse pas tout faire. Finalement c’est toute la question de la limitation du pouvoir. 

On a déjà aperçu cette limitation du pouvoir en parlant de la responsabilité du gouvernement ou du rôle du juge. On peut aller plus loin maintenant. 

Chapitre 4 : La séparation des pouvoirs, les formes de régimes, les formes d’Etats. 

(Chapitre qui introduit la grande question des formes des régimes et la classification de ces régimes.) 

Aucune théorie n’a autant marqué l’histoire constitutionnelle que celle de la séparation des pouvoirs, qui aujourd’hui encore demeure encore au moins en théorie fondamentale. L’origine de cette théorie remonte au 17ème siècle. Les premières traces se trouvent dans le Traité du gouvernement civil de Locke publié en 1690. Mais surtout la séparation des pouvoirs est associées pour toujours à la personne de Montesquieu et à son livre L’esprit des lois paru en 1748 et notamment à un passage célèbre : Livre 11, Chapitre 6 : « de la Constitution d’Angleterre ». Cette théorie a très vite rencontré un formidable écho qui demeure, et très vite cette séparation des pouvoirs a été considéré comme la pierre de touche, le critère, de ce qu’on n’appelait pas encore la démocratie mais disons d’un régime dans lequel les libertés étaient protégées. 

On en trouve la preuve dans la formule de la révolution française, le point 16 de la DDHC : « toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée n’a pas de constitution ». 

En termes d’aujourd’hui nous dirons « tout Etat dans lequel la séparation des pouvoirs n’existe pas n’est pas une démocratie, n’est pas un régime juridique acceptable ». 

Pourtant, une lecture contemporaine, plus attentive, de Montesquieu montre qu’on lui a fait dire beaucoup plus que ce qu’il n’avait dit, et que là encore la réalité est assez différente du mythe qui s’est constitué autour de ce texte. Mais finalement réalité ou mythe, c’est la réalité qui est assez secondaire. L’important est justement ce mythe qui fait que tous les constituants depuis les premiers (ceux de Philadelphie) jusqu’aux plus contemporains (ceux qui écrivent aujourd’hui des constitutions) sont obligés de se définir par rapport à ce principe et de faire en sorte que ce principe soit fondamental dans le texte constitutionnel. 

  

Ceci fait que la 1ère classification des régimes politiques repose là-dessus, la plus fondamentale. Quels sont les régimes politiques qui connaissent la séparation ? Il faudra voir alors comment ils organisent cette séparation. 

Autre grande catégorie, quels sont ceux qui la refusent et pourquoi ? En général ils sont rejetés par le droit constitutionnel classique. 

Pour terminer ce chapitre, nous aborderons dans une 4ème section un autre mode de limitation du pouvoir, celui qui tient à la forme même de l’Etat, l’Etat pouvant être unitaire (centralisé ou décentralisé) ou au contraire différencié, composé, de plusieurs entités ayant un caractère étatique (c’est la question qui aujourd’hui est essentiellement la question du fédéralisme). 

Section 1 – La théorie, son mythe, et sa réalité 

Comme on l’a dit, la théorie de la séparation des pouvoirs occupe une place considérable dans l’univers et dans l’histoire constitutionnelle. C’est cette leçon que nous verrons d’abord puis nous montrerons la réalité de ce texte célèbre et nous verrons les raisons de cette interprétation et son succès. 

§I. La leçon de Montesquieu 

Ce que Montesquieu veut apporter, c’est la théorie d’un régime politique idéal, souhaitable, dont le prototype lui parait être le régime politique anglais tel qu’il l’observe lors d’un voyage qu’il fait en Angleterre en 1729/1730. De ce voyage et de l’observation de ce qui se passe, il tire la description de ce qui lui parait être souhaitable. La liberté des individus garantis par un équilibre harmonieux des pouvoirs, et là le terme important est « des », l’idée qu’il y a plusieurs pouvoirs, donc qu’il y a division, une séparation, alors que jusque là on avait tendance à raisonner sur le terme « du » pouvoir politique. 

Quand il élabore sa théorie, il se pose la question du pourquoi et de la justification de cette division du pouvoir. En réalité l’expression du pouvoir politique, du souverain, est la loi. C’est le texte qui est destiné à régir les conduites des individus. Cette loi peut éventuellement être oppressive pour les citoyens, et c’est ce qu’il faut éviter. Comment l’éviter ? Il dit qu’il faut donner à des autorités différentes la capacité de décision dans les différentes étapes qui vont amener à ce que la loi soit appliquée à un individu. Et, poursuit-il, pour qu’une loi soit appliquée à un individu, 3 étapes : 

      1. l’élaboration de la loi, l’écriture du texte 
      2. l’application de la loi, sa mise en œuvre 
      3. le règlement des litiges, des différends, qui peuvent éventuellement naître de cette application de la loi 

  

Il y a 3 étapes, autrement dit 3 fonctions à remplir. Si l’on veut éviter que le pouvoir soit oppressif, il faut que ces 3 fonctions soient confiées à 3 corps différents indépendants l’un de l’autre. Et, conclusion concrète, l’élaboration de la loi, c’est-à-dire la fonction législative dans son esprit doit être confiée à des assemblées représentant la population. L’application, c’est la fonction exécutive (appelé par la suite pouvoir exécutif) : c’est celui qui est chargé de conduire le groupe (a l’époque le roi et ses ministres). Enfin le règlement des litiges, la fonction judiciaire, doit être confiée à des juges indépendants. 

Les 3 corps ont chacun une part du pouvoir politique. Ces trois pouvoirs, trois « puissances » (Montesquieu) doivent être séparés dans leur origine, dans leur rapport, et dans leur champ d’action (à chacun son rôle). Et ainsi, pour qu’il y ait oppression, il faudrait que les trois se rencontrent. Cela dit, si les 3 se rencontrent, c’est que les 3 sont d’accords et qu’il y a probablement ce qu’on appellera plus tard la volonté générale. 

S’il n’y a pas l’accord, l’action de l’un pourra éviter l’action de l’autre et le risque de despotisme est atténué, car selon la célèbre formule, « le pouvoir arrête le pouvoir ». On arrive ici à la modération du pouvoir. C’est le maître mot. 

Dans cette ligne, s’il a été très vite admis que le pouvoir judiciaire devait être à part, la question essentielle devient celle de savoir comment selon quelles modalités on peut séparer la puissance exécutrice et la puissance législative. Et c’est toute la philosophie, toute la préoccupation principale, des constructions constitutionnelles du 18ème et du 19ème siècle, et en particulier de la 1ère d’entre elle qui est encore très proche et extrêmement inspiré des théories de Montesquieu, c’est la constitution américaine de 1787 toujours en vigueur, et tendant à ce qu’on appellera une séparation rigide des pouvoirs entre lesquels on va essayer d’éviter les interférences, ces pouvoirs ne se rencontrant que pour s’arrêter entre eux et arriver à la modération. 

Aujourd’hui si on expose la théorie de la séparation des pouvoirs, c’est à peu près ça que l’on présente. En réalité, ce n’est pas tout à fait ce que Montesquieu avait dit… 

§II. Le contenu réel du texte 

Il y a des lectures contemporaines (du 20ème siècle) plus attentive, plus critiques de Montesquieu, en particulier celle de Charles Eisenmann (introducteur de la pensée de Kelsen en France). Ce texte d’Eisenmann a beaucoup inspiré un philosophe Louis Althusser dans un livre paru en 1964 : Montesquieu, la politique et l’histoire 

Si l’on suit cette lecture plus critique d’Eisenmann et d’Althusser, on peut montrer que dans la réalité le texte de Montesquieu est beaucoup plus nuancé que cette théorie rigide de la séparation de pouvoirs. Parce que plusieurs points : 

      1. Montesquieu admet des empiétements d’un pouvoir sur l’autre  
        1. le droit de veto : l’exécutif s’oppose à la promulgation d’une loi). Du coup l’exécutif intervient dans le processus de fabrication d’une loi. 
        2. la responsabilité ministérielle 
        3. le pouvoir législatif reçoit dans certain cas un rôle judiciaire 
      2. Montesquieu parle plus de combinaison des pouvoirs que de séparation. S’il place à part le pouvoir judiciaire « invisible et comme nul », il reste deux pouvoirs que Montesquieu va d’ailleurs diviser en trois corps. Si le pouvoir exécutif est bien le roi et ses ministres qui l’entourent, le pouvoir législatif doit être confié à des assemblées, une chambre haute et une chambre basse. La chambre haute sera celle de la noblesse et la basse celle du peuple. Du coup c’est difficile de faire de Montesquieu le père de la démocratie, il est le père d’un des principes de la démocratie. Le problème de Montesquieu est d’établir une sorte de rapport de force entre ces différentes institutions elles mêmes incarnations d’une force sociale (roi, noblesse, peuple). Il faut faire en sorte que l’un équilibre l’autre, et par ce principe on arrive à la modération du pouvoir. 
      3. Montesquieu en réalité recherche quelle est la meilleure combinaison de ces 2 pouvoirs (exécutif et législatif). Il cherche celle qui permettra d’assurer le mieux cette modération. Pour lui plusieurs formes possibles, les premières devant être écartées. Combinaisons exclues : 
      1.   
        1. idée que le législatif puisse dominer l’exécutif : « s’il n’y avait point de monarque et que la puissance exécutrice fut confiée à un certain nombre de personne tirées du corps législatifs, il n’y aurait plus de libertés ». Esprit des lois, Livre 11, Chapitre 6. Ceci apparaît comme la condamnation exacte de ce qu’on appellera plus tard le régime d’assemblée, et pourtant celui là sera présenté comme le régime découlant directement de la théorie de Montesquieu. 
        2. Que l’exécutif détienne le judiciaire. « Cette disposition, écrit Montesquieu, suffit à faire tomber la monarchie dans le despotisme ». Esprit des lois, Livre 6, Chapitre 5. car cette idée que l’exécutif puisse juger est un danger pour la liberté des citoyens. Et surtout, Montesquieu voit là un véritable danger pour la noblesse qui serait jugée par quelqu’un d’autre qu’elle-même. 
        3. La combinaison souhaitable est l’idée que la monarchie domine le législatif (mais domine ne veut pas dire qu’il les détienne entièrement) mais laisse le judiciaire indépendant. « Dans la plupart des royaumes d’Europe, le gouvernement est modéré parce que le prince qui a les deux pouvoirs laisse à ses sujets l’exercice du troisième ». Esprit des lois, Livre 11, Chapitre 6. 

  

Finalement, le régime souhaitable est ce qu’on appellera plus tard la monarchie tempérée, la monarchie limitée. Elle est tempérée par la représentation (les nobles dans la chambre haute, le peuple dans la chambre basse) et ces chambres doivent voter la loi éventuellement proposée par le roi. La monarchie est aussi tempérée par l’indépendance du pouvoir judiciaire. 

Finalement, ce qui est remarquable là dedans, c’est ce qui nous parait un peu étrange, c’est la chambre haute. C’est l’idée d’un endroit qui va protéger la noblesse en lui donnant un rôle politique et, avec beaucoup d’habileté, un rôle politique équivalent à celui du peuple. Elle serait un contrepoids au peuple. Cela ferait un équilibre qui permettrait au roi de s’appuyer sur la chambre haute contre la basse et inversement, tout ceci aboutissant à la modération puisqu’il faudrait avoir le consensus, l’accord (au moins tacite) de l’un ou de l’autre. 

Althusser, « Telle est la monarchie : un prince protégé de ses excès par des ordres privilégiés. Des ordres protégés du prince par leur honneur. Un prince protégé du peuple et un peuple protégé du prince par ses mêmes ordres, tout tenant à la noblesse ». 

Finalement ce qui va faire l’équilibre est la noblesse qui, si elle s’aligne au roi peut faire plier la chambre populaire, et inversement. 

Ceci montre bien que, même si ça n’enlève rien à l’importance historique de ce texte, le texte de Montesquieu n’est pas forcément un pur texte de théorie juridique ou logique. C’est aussi un choix politique : comment faire pour que dans la société politique la noblesse ait un grand rôle ? 

  

Pourquoi cette interprétation qui donne une image assez différente du texte ? 

§III. Raisons de l’interprétation 

On peut évoquer deux séries de raisons qui peuvent expliquer cette interprétation et son succès. 

      1. causes historiques 
      2. causes sociales 

A. Les causes d’ordre historique 

Lorsque Montesquieu écrit dans les années 1730 et suivante et lorsqu’il publie (en 1748), le problème politique qui est posé, est la monarchie absolue. C’est le système politique que l’on connaît en France à l’époque. Ce système commence à être pesant. Ce qui va être reconnu est surtout ce qui permet d’affaiblir cet absolutisme, et donc l’idée qu’il faut séparer (donc d’enlever les pouvoirs au roi) et séparer de façon aussi étanche que possible est une idée tout à fait séduisante. On ne s’inquiète pas encore d’organiser, on s’inquiète surtout de limiter. Ce qu’on va retenir de Montesquieu est surtout cette idée de la séparation, parce que la séparation veut dire, par la force même des choses, limiter le pouvoir des rois, limiter la monarchie absolue. 

Par exemple, pour la constitution de 1787 qui est la 1ère constitution et la 1ère tentative de mettre en œuvre  les idées de Montesquieu, on va vouloir organiser un pouvoir central très limité (le président des USA est à l’époque pas grand-chose) pour que ce pouvoir ne soit pas oppressif comme l’était la domination coloniale britannique, et que ce pouvoir ne soit pas assez fort pour restreindre les droits des Etats, parce que à l’époque dans cette construction ce sont des Etats qui tiennent à garder une autonomie. C’est ce qu’on appel le compromis de Philadelphie : ok pour le pouvoir central, à condition qu’il soit faible. 

Et il en sera de même pour les révolutionnaires de 1789 lorsqu’ils feront la 1ère constitution moderne française, c’est-à-dire celle de 1791, qui ressemble beaucoup à la constitution américaine. Il s’agira de limiter le rôle du roi et d’augmenter (créer) le rôle de l’assemblée, autrement dit de limiter la légitimité monarchique en affirmant à coté la légitimité nationale (en 91) et populaire (en 93 il n’y a plus de roi). Du coup c’est affirme le rôle de l’assemblée (bourgeoise) en supprimant la chambre haute. 

  

Ces deux constructions qui cherchent à sortir d’un pouvoir fort, absolu, vont insister sur la division du pouvoir tout en reconnaissant la nécessité de la collaboration, d’un point de contact, car si on veut que le pouvoir arrête le pouvoir, il faut bien qu’ils se rencontrent. 

De ce point de vu il y a une institution tt a fait remarquable et qui existe à l’identique dans les 2 constitution (87 et 91), c’est le veto. La possibilité qu’a le chef de l’exécutif d’opposer son veto a une loi votée par le parlement, c’est-à-dire de faire que cette loi ne soit pas promulguée, qu’elle n’entre pas en application. C’est l’idée que le pouvoir arrête le pouvoir, et que de cet équilibre naît la modération. Et cette idée va être très présente après cette phase des premières révolutions, des premières constitutions. Ca va être très présente tt au long du 19ème et au début 20ème, parce qu’il reste une très forte méfiance envers le pouvoir : l’idée que ce qui peut menacer les libertés de l’individu est le pouvoir de l’Etat, et qu’il faut le limiter, c’est-à-dire le diviser. 

B. Les causes d’ordre social 

On oublie souvent qu’au début du 18ème siècle en tt cas, ce qu’on appelle l’absolutisme royal, c’est l’idée que le roi gouverne tout seul et notamment (en France) qu’il ne s’appuie pas sur l’aristocratie. L’absolutisme royal, c’est l’histoire de la montée en puissance du roi de France : c’est le fait d’avoir réduit petit à petit les prérogatives des grands seigneurs, jusqu’a les transformer en courtisans sans rôle politique véritable. Le roi s’est donc appuyé de la bourgeoisie éclairée. Et donc, la bourgeoisie du début 18ème est volontiers assez absolutiste. L’idée qu’un roi qui gouverne contre les seigneurs est très présente. La figure du despote éclairé n’est pas antipathique. Et finalement, c’est l’idée que ça permet à cette bourgeoisie marchande qui n’est pas encore industrielle (mais qui va le devenir) de jouer un rôle par rapport aux structures traditionnelles face à qui elle ne se reconnaît pas (aristocratie propriétaire). Le colbertisme : les manufactures, la navigation, les réseaux, tout ça est fondé sur l’appareil d’Etat. 

Mais lorsqu’apparaît le rôle de Montesquieu, lui écrit pour la noblesse avec l’idée de lui redonner un rôle essentiel auprès du monarque. Notamment, l’attachement qu’il professe pour la chambre haute, celle qui fera finalement l’équilibre et celle susceptible de s’allier à l’un ou à l’autre sera l’élément central. C’est l’idée que puisqu’on est arrivé à l’absolutisme contre la noblesse, si l’on veut trouver la modération, il faut remettre en avant la noblesse mais sous une forme renouvelée. 

Simplement, qui lit Montesquieu ? C’est beaucoup plus la bourgeoisie, dans ce siècle des lumières. Cette bourgeoisie utilise Montesquieu ; quand à la fin du 18ème siècle, l’absolutisme devient moins éclairé, qu’il devient pesant (notamment par la charge des impôts), et finalement cette bourgeoisie qui veut se trouver un rôle politique réel doit se trouver une légitimité, une place dans le rôle politique. Cette place est évidemment cette assemblée que réclame Montesquieu : la chambre basse. La bourgeoise appuyée par le peuple apparaît alors comme une force. A partir de là on commence à avoir un pouvoir économique : il faudrait conquérir le pouvoir politique, c’est-à-dire le prendre au roi Donc la séparation des pouvoir et l’institution de l’assemblée dans cette séparation sont une grande chance pour cette catégorie sociale que de se placer dans le pouvoir. 

La séparation des pouvoirs sera élevée à la hauteur d’un dogme même si parfois elle sert un peu d’alibi et de camouflage à des réformes démocratiques qu’on ne veut pas faire. Et cette théorie de la séparation des pouvoir introduit à la grande division des régimes politiques. Il y a ceux qui sont fondés sur elle, et ceux qui l’ignorent ou qui la refusent. 

Section 2 – Les constructions fondées sur la séparation 

Le droit constitutionnel classique a l’habitude de rejeter dans les ténèbres extérieures les régimes qui ne sont pas fondés sur la séparation. Et la séparation étant retenue, d’expliquer que cette théorie a donné naissance historiquement à 3 grandes formes de régime : 

      1. le régime présidentiel 
      2. le régime d’assemblée 
      3. le régime parlementaire 

  

Colliard croit en réalité qu’il faut distinguer ce qu’il appellera « les constructions conscientes », c’est-à-dire celles qui ont été faites à partir de rien, avec l’idée d’appliquer la théorie de la séparation, et c’est le régime présidentiel d’une part et le régime d’assemblée. Le deuxième paragraphe sera consacré au problème spécifique du régime parlementaire, d’autant que c’est le modèle assez général (15 des pays de l’Europe des 15 et 24 de l’Europe des 25). Enfin on se demandera dans un 3eme paragraphe ce qu’il en est aujourd’hui de cette séparation des pouvoirs : les tps modernes n’amènent ils pas à une tendance à la réunion ? 

§I. Les constructions conscientes 

Sont celles organisées d’après la théorie de la séparation, de façon voulue et délibérée, et dans cette catégorie il y a 2 types : le régime présidentiel et le régime d’assemblée 

A. Le régime présidentiel 

Le prototype en est évidemment la constitution des USA de 1787 et en France la Seconde République, même si l’on peut soutenir de façon paradoxale que la constitution monarchique de 1791 est un peu présidentiel (même si il y a un roi)/ 

L’idée centrale est une séparation rigide dans l’origine de chacun des 2 grands pouvoirs et dans la sphère d’action de chacun de ces 2 pouvoirs. Et finalement ils ne se rencontrent que pour s’arrêter : le pouvoir arrête le pouvoir, et parviennent ainsi à la modération. 

Séparés dans leur origine, cela veut dire que le président sera élu du peuple (car il ne peut être élu du législatif sans quoi l’un des pouvoir donnerait naissance à l’autre ce qui éliminerai la théorie dès le départ) au suffrage universel (direct ou indirect). En tout cas il ne peut pas être élu par le parlement. 

Et a coté le congrès aux USA, l’assemblé nationale en France, élus eux aussi. Ils sont donc séparés dans leur vie. 

  

Ils sont séparés dans leur vie : aucun des 2 pouvoirs ne peut renvoyer l’autre. L’assemblée ne peut pas être dissoute, le président ne peut être renvoyé. Il y a cela dit l’éventuelle procédure de l’empeachment pour faute pénale et non pour faute politique. Ces 2 pouvoirs sont sur le même pied, chacun à sa légitimité, et chacun ne peut renverser l’autre : ils sont condamnés à s’entendre. 

  

Le président s’entoure de collaborateurs (secrétaires, ministres). Le président prend des décisions mais elles peuvent être arrêtées par le congrès si par exemple il ne vote pas les crédits nécessaires à leur mise en œuvre. Le congrès vote des lois mais ces lois peuvent être arrêtées par le président s’il y met son veto. C’est le système de « checks and balances », c’est-à-dire de verrous et de contrepoids. S’ajoute aussi aux USA le fédéralisme, c’est-à-dire une autre limitation du pouvoir. 

  

Finalement ce système oblige à ce que 2 pouvoirs différents ne peuvent tenir que s’il n’y a pas d’opposition absolue entre les 2. On pourrait soutenir qu’une séparation rigide des pouvoirs nécessite un système de partis politiques souples. Il faut donc qu’il y ait cette fluidité, sans quoi il y a ce risque de blocage. Ce blocage a donné lieu à la fin de la deuxième République en France ou bien coup d’Etat au chili à l’automne 1973. 

  

C’est donc un système qui a un peu de mal à fonctionner parce qu’il suppose de la part des acteurs un peu de souplesse. De ce fait c’est un système assez rare et qui finalement n’a jamais prit pieds en Europe. Le seul cas en Europe est celui de chypre. Finalement les seuls exemples en dehors des USA sont les pays d’Amérique Latine, par contagion du voisin américain. Ces systèmes présidentiels ont plus ou moins bien fonctionnés et ont connu plusieurs coups d’Etat. Aujourd’hui, ça fonctionne plutôt pas mal parce que l’exigence démocratique en Amérique Latine s’est développée, et un coup d’Etat militaire est beaucoup plus mal vu qu’il y a 20 ou 30 ans. 

Dans la réalité le seul exemple convaincant est celui des USA. 

B. Le régime d’assemblée 

Ce régime est encore conventionnel par référence à la période de la convention en France (1792-1795) ou il est dit encore directorial (par référence à la période du directoire en France qui va suivre la convention) ou par l’exemple suisse, puisse qu’elle emploie explicitement dans sa constitution ce terme de « directorial ». Ce système était a priori exclu par Montesquieu (cf. supra, Esprit des lois Livre 11, Chapitre 6). « S’il n’y avait point de monarque et que … (…) ». 

Le régime directorial signifie que l’exécutif est confié à un comité de l’assemblée. La conception de Montesquieu est balayée lorsque le principe démocratique triomphe. Puisque l’assemblée est une délégation du peuple, elle délègue à son tour, et cela parait extrêmement démocratique. Quand il y a ce triomphe du principe démocratique, on revient à cette combinaison a priori exclue. Il y a dans ce régime là une séparation dans les fonctions (ceux qui votent la loi) et ceux qui l’appliquent (le directoire, le Comité de Salut Public). Il n’y a pas de séparation dans l’origine. Le collectif est un comité élu de l’assemblée qui applique les lois que celles-ci votent. On peut se demander si cette fonction n’est pas illusoire. Est-on vraiment un pouvoir quand on a pour unique fonction d’appliquer ce que les autres ont décidé ? 

  

Dans ce système, il n’y a pas de conflit possible entre els 2 pouvoirs : le comité issu de l’assemblée est chargé seulement d’exécuter, il n’a pas à être en désaccord. Parallèlement, il n’a aucune vocation à dissoudre l’assemblée, vu que ce serait marquer un désaccord que de la dissoudre. Ce système est dans l’histoire constitutionnel assez rare. Il y a la France de 1792 à 1795 jusqu’à la convention thermidorienne et le directoire ; il y a la Suisse, et qui aujourd’hui dans le monde est le seul exemple et qui en réalité tend à se rapprocher d’un parlementarisme, qui est finalement un parlementarisme très consensuel. La formule magique : 4 grands partis sont assemblés ensemble au gouvernement et on recherche le consensus entre les partis. 

On a utilisé le terme de régime d’assemblé de façon polémique pour caractériser la quatrième République alors qu’elle était un régime parlementaire. 

  

Y a-t-il là une séparation ? C’est difficile à montrer. L’URSS de la grande époque, les constitutions staliniennes étaient conçues sur le modèle du régime d’assemblée. 

  

Ce régime d’assemblée parait soit un régime transitoire (en route vers la dictature, comme ce fut le cas de la convention ou du directoire) ou bien évolue vers un régime parlementaire par une sorte d’autonomisation de l’exécutif qui devient de moins en moins soumis au parlement. 

§II. Le problème du régime parlementaire 

Pour la plus grande partie de la doctrine, il y a là un 3eme type traditionnel fondé sur la séparation. Colliard croit qu’il s’agit là d’une simple justification théorique assez discutable d’une forme juridique qui en réalité est le produit de l’histoire et non d’une construction consciente, et que finalement l’évolution historique amène à se poser la question de savoir si là aussi il y a vraiment séparation des pouvoirs. 

A. L’évolution historique 

Remarquons tout d’abord une évidence qui semble avoir échappé à beaucoup. Dans le cas du régime parlementaire, ce n’est pas la théorie qui crée le régime mais c’est l’inverse. On se souvient en effet de l’intitulé du chapitre 6 du livre11 dans lequel est contenu l’exposé de ce qui deviendra la théorie des pouvoir. Ce chapitre s’intitule « de la constitution d’Angleterre ». En réalité c’est par l’observation de cet ancêtre que se fait la théorie ; c’est ce pré régime parlementaire qui crée la théorie et non pas la théorie qui crée le régime. 

Finalement quelle est l’histoire des régimes parlementaires ? C’est l’histoire d’un transfert de légitimité du monarque à l’assemblée. 

Au début, une légitimité monarchique toute puissance et une légitimité du peuple très faible. Petit à petit va décliner la légitimité monarchique jusqu’à faire triompher la légitimité populaire/nationale (l’assemblée). Finalement c’est une inversion du rapport de force avec un point d’équilibre. En France ce point d’équilibre sera l’orléanisme. Cette période transitoire correspond à l’importance à peu près équivalente de ces 2 légitimités. L’évolution se fera avec la disparition du pouvoir royal, de la double confiance, et finalement de la double légitimité. 

  

Pour preuve, les régimes parlementaires d’aujourd’hui sont toujours au point de départ des monarchies, sauf évidemment dans le cas des pays nouveaux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’avoir un monarque. Leur histoire est celle de l’affaiblissement progressif du pouvoir royal : « le roi règne mais ne gouverne pas » (formule du 19ème siècle). Cette histoire de l’affaiblissement du pouvoir royal est ce qui se passe en Grande-Bretagne, Belgique, Scandinavie. Parfois le monarque disparaît pendant une révolution (France, Allemagne, Italie, Grèce). Il est remplacé par un président de la République parfois élu par le parlement, ou bien parfois élu au suffrage universel si on veut lui donner une force particulière, ou sinon par affirmation de l’unité nationale par rapport à un voisin puissant (Irlande, Autriche.) 

Dans ce régime parlementaire, le principe de base, le critère, est la responsabilité du gouvernement. Le fait que le gouvernement peut être renversé par l’assemblée, autrement dit que le pouvoir exécutif peut être renversé par le législatif. Le pouvoir arrête le pouvoir au besoin en le renvoyant. 

Il y a des exceptions (dont la Norvège) un « équilibre de la menace ». C’est le fait que l’exécutif peut lui aussi renvoyer le législatif : c’est la dissolution. Dans ce cas là, la dissolution c’est qu’il y a de nouvelles élections, c’est à dire que le peuple est prié de trancher le conflit et de dire qui a raison. La modération s’obtient là par la menace 

  

  

L’exécutif est séparé en deux : 

Le chef de l’Etat 

  

Le gouvernement 

Il reçoit la fonction exécutive, c’est-à-dire le pouvoir de conduire la politique. Le gouvernement est c’est là le trait principal du régime parlementaire, c’est qu’il est responsable devant le parlement. Il peut être renversé. Le gouvernement est formé avec l’idée qu’il faut qu’il ne soit pas renversé. Le mieux, c’est de le former à l’image de la majorité parlementaire de manière à ce que cette majorité se reconnaisse dans le gouvernement et donc le soutienne et ne soit pas amenée à le renverser. 

Il a été inventé toute une série de procédé pour témoigner de cette correspondance entre gouvernement et majorité parlementaire dont le plus connu est l’investiture. C’est-à-dire que quand le gouvernement est nommé, il l’est généralement par le chef d’Etat, il se présente devant le parlement de manière à obtenir un vote de confiance de manière à vérifier qu’il bénéficie bien du soutien de la majorité. 

Cela n’interdit pas qu’il y ait parfois un changement de majorité en cours de législature. (Législature = période de temps entre 2 élections parlementaires). A ce moment là, le gouvernement démission parce qu’il ne correspond plus à la majorité où il est renversé, et on forme un nouveau gouvernement qui correspond à une nouvelle hypothèse de majorité sauf si l’ancien fait appel devant le peuple par la dissolution, en demandant au corps électoral de dessiner les contours d’une nouvelle majorité et par là même un nouveau gouvernement. La dissolution est la réponse à un renversement du parlement. 

  

Adjonction du bicamérisme ou bicaméralisme : le fait qu’il y ait deux chambres représentatives. Là se marque aussi la dimension historique de ce régime et on retrouve là l’idée chère à Montesquieu, avoir une chambre populaire et une chambre aristocratique. C’est le cas au 19ème siècle avec la chambre des pairs au 19ème siècle. C’est le cas de la chambre des Lords actuellement en grande Bretagne, chambre historiquement aristocratique. 

On a une chambre populaire représentant la population, ces 2 chambres étant soit à égalité pour le contrôle du gouvernement : bicamérisme intégral. L’avantage c’est qu’il y a plus de pouvoir pour arrêter le pouvoir exécutif, mais un risque d’instabilité, puisque l’une ou l’autre de ces 2 chambres peut renverser le gouvernement. On arrive parfois à des situations impossibles avec une chambre de droite et une chambre de gauche : comment faire pour avoir la confiance du gouvernement ? 

Ce bicamérisme intégral est devenu rare. C’était le cas en France sous la troisième République. Ca a été le cas en Belgique mais c’est fini depuis la constitution de 1993. Le dernier exemple qui reste est l’Italie dans laquelle le sénat a autant de pouvoir que la chambre des députés. 

Pour remédier à ça : La chambre subordonnée n’a pas le droit de renverser le gouvernement et en cas de désaccord c’est la chambre populaire qui l’emporte. Tendance longue à l’affaiblissement des chambres hautes 

  

L’instabilité peut venir d’un sage excessif de cette mise en cause de la responsabilité. Si on se met à censurer le gouvernement à tout bout de champ, l’instabilité est vite là. Mais ce risque d’instabilité est devenu parfois immense. Il y a eu plus de 100 gouvernements en 65 ans de troisième République. 21 en 12 ans de quatrième République. En Italie : 61 ou 62 gouvernement depuis l’après guerre. 

Risque considérable d’instabilité, d’où la recherche de correctifs. C’est ce qu’on a appelé la rationalisation du parlementarisme. La rationalisation du parlementarisme, c’est-à-dire l’idée de rentre le renversement du gouvernement plus difficile. 

Autre idée : puisque le gouvernement est l’élément fragile, l’idée de renforcer le pouvoir de l’élément stable (le chef de l’Etat) en le faisant élire au suffrage universel et en lui confiant un certain nombre de pouvoirs. C’est ce qui a été fait en France sous la cinquième République avec l’idée de lutter ainsi avec l’instabilité gouvernemental qui caractérisait les troisième et quatrième Républiques. On se rapproche ainsi de l’orléanisme avec l’idée que le gouvernement doit bénéficier d’une double confiance (non plus du roi et du parlement) mais du chef de l’Etat élu par le peuple et du parlement élu par le peuple, c’est-à-dire la confiance de 2 expressions différentes de la volonté démocratique. 

C’est ce que Cohendet appelle les régimes bi représentatifs même si Colliard n’est pas partisan de cette terminologie. 

Ceci peut poser problème s’il n’y a pas concordance des majorités. Ex 1986-1988 et 1993-1995 et 1997-2002. Dans ce cas là, il est apparu que c’est l’expression de l’assemblée nationale, la majorité parlementaire, qui l’emportait sur la volonté présidentielle. 

  

Autre solution curieuse parfois évoquée en France. C’était l’idée assez séduisante de l’élection du 1er ministre au suffrage universel. C’est-à-dire de tenir parallèlement à l’élection du parlement une élection du premier ministre. Ceci a été inauguré en 1996 et abandonné en 2001 en Israël. 

  

Alors donc, pour en rester au régime parlementaire classique, c’est le résultat d’une longue évolution. On part d’une monarchie absolue (le roi peu tout faire) à une monarchie limitaire (le roi doit s’engager par une constitution ou autre à ne pas faire n’importe quoi et éventuellement ses actes sont discutés par le parlement). On passe ensuite à l’orléanisme (les deux légitimités se rencontrent, celles du roi et du parlement) : on parle de gouvernement dualiste. 

On arrive aujourd’hui à un régime parlementaire moniste : il n’y a qu’une seule source de légitimité du gouvernement, c’est le fait d’être appuyé par le parlement. 

C’est là qu’on en est aujourd’hui et tous les régimes parlementaires reposent sur cette idée de monisme à part le cas français où il y a ce correctif présidentiel (le seul en Europe) qui montre ses limites puisqu’il disparaît en période de cohabitation et la France rejoint alors le régime normal de régime parlementaire. 

  

Est-on arrivé à la séparation des pouvoirs ? 

B. Y a-t-il séparation des pouvoirs ? 

Pour les auteurs classiques, le régime parlementaire français respecte cette séparation. Ils écrivent dans les années 1920, et ils observent surtout le régime parlementaire avec 2 légitimités du 19ème siècle et la monarchie de juillet. Dans le système de la monarchie de juillet, le roi forme le gouvernement, le parlement le contrôle, le parlement fait la loi, l’exécutif l’applique. 

En réalité tout cela a un peu disparu et le régime parlementaire se caractérise aujourd’hui par une effacement à peu près total du chef de l’Etat. Certes le chef de l’Etat ne dépend pas du gouvernement mais comme il n’a pas de pouvoir on peut dire qu’il ne compte que très peu dans la séparation des pouvoir. 

En réalité on peut dire que dans les régimes parlementaires d’aujourd’hui cela dépend en réalité du système de parti. C’est une variable explicative essentielle. Dans ce que l’on appelle le parlementarisme majoritaire (majorité qui dure pendant toute la législature), dans ce cas là il y a une majorité stable. Le chef du parti est automatiquement le chef de la majorité parlementaire et par la même le chef du gouvernement. L’exemple principal étant évidemment le 1er ministre britannique. Par là même, en tant que chef de la majorité parlementaire, il tient l’exécutif, vu que les lois sont votées par le parlement et par la majorité du parlement. En tant que chef du gouvernement, il tient l’exécutif. Il y a peut être une séparation formelle du pouvoir, dans la réalité Tony Blair fait voter les lois qu’il souhaite et applique les lois qu’il souhaite. La plupart des pays fonctionnent comme ça. Les premiers ministres sont à la fois chef de la majorité parlementaire et en même temps premier ministre. Ils ont d’une manière ou d’une autre les 2 pouvoirs entre leurs mains. 

Si on est dans un système de parlementarisme non majoritaire où les forces sont dispersées, les coalitions fragiles, les majorités peuvent être différentes, et donc s’écarter de la volonté de l’exécutif, il peut y avoir à ce moment là 2 volontés (exécutif et législatif). Et il peut y avoir des renversements, éventuellement une dissolution. Alors là on peut dire qu’il y a encore équilibre et une relative séparation des pouvoirs. Mais si comme c’est souvent le cas (on passe à la troisième République en particulier) le droit de dissolution cesse d’être exercé. L’exécutif fini par être dominé par le législatif et on arrive à un système qui, bien que différent formellement, fonctionne de manière assez semblable au régime d’assemblée dans lequel l’exécutif n’est qu’un comité élu par l’assemblée. On a régime parlementaire qui fonctionne comme un régime d’assemblée. Dans ce cas là la séparation est finalement assez faible. 

Les auteurs parlent volontiers d’une séparation souple et on opposera la séparation rigide des Etats-Unis et des régimes parlementaires à la séparation souple des régimes parlementaires. Cette séparation ne veut pas dire grand-chose pour Colliard : c’est séparé où ça ne l’est pas. 

      • Dans le cadre des régimes dualistes, c’est vrai qu’il y avait séparation des pouvoirs. 
      • Dans les autres cas, soit parce qu’il y a domination de l’exécutif (ce qui est le cas dans les formes de parlementarismes majoritaires et qui sont aujourd’hui les formes les plus nombreuses) ou bien parce qu’il y a domination du législatif (c’est le cas rare des parlementarismes instables). Finalement dans l’un ou l’autre cas il y a un pouvoir qui est plus important que l’autre. Dans les régimes parlementaires monistes, la séparation joue un peu moins. 

  

Pourquoi affirmer que le régime parlementaire est la séparation des pouvoirs ? Parce que dans le dogme, la séparation des pouvoir est le synonyme de la démocratie. On se souvient du point 16 de la DDHC : « toute société qui ne connaît pas la séparation des pouvoirs n’a pas de constitution ». 

Si la séparation des pouvoirs est indispensable à la démocratie (ça c’est le dogme), si par ailleurs le régime parlementaire est indiscutablement un régime démocratique, c’est donc que le régime parlementaire connaît la séparation des pouvoirs. 

  

Ceci est d’autant plus discutable que cette forme contemporaine a gagné la plupart des Etats. Sur les 15 Etats de l’UE avant l’élargissement, 10 à 11 pratiquent une formule proche de l’Angleterre (c’est-à-dire une majorité stable et un chef du gouvernement qui est en même temps chef de la majorité parlementaire). C’est discutable d’autant que la tendance moderne va à la réunion des pouvoirs. 

§III. La tendance moderne à la réunion des pouvoirs 

On évoquera ici plusieurs phénomènes contemporains qui tendent à rassembler les pouvoirs et donc à faire apparaître le caractère un peu dépassé de la séparation. Disons quelques mots sur le rôle des partis, la technicité des décisions, les moyens de communication et en définitive la personnalisation du pouvoir. 

A. Le rôle des partis 

C’est ce qu’on vient d’esquisser à l’instant. Même s’il y a juridiquement séparation, il y a évidemment un lien direct entre le personnel du pouvoir exécutif et le personne du pouvoir législatif. Il y a évidemment un lien direct par l’intermédiaire du parti, et nos démocraties contemporaines sont structurées en grands partis politiques. Qu’il y ait parti unique, ou un parti majoritaire, ou une coalition majoritaire, c’est une équipe politique qui est au pouvoir. Ce sont les dirigeants du ou des partis qui gouvernent, mais ces dirigeants sont en même temps chef de file de la majorité parlementaire et tiennent l’exécutif et le législatif. En réalité les 2 pouvoirs sont détenus par la même équipe, sont organisés autour de la même volonté, d’autant que dans le parlement d’aujourd’hui connaît la discipline de vote (c’est-à-dire que les parlementaires d’un parti votent comme le veut le parti pour mettre le gouvernement à l’abris de surprises). 

Avec un système de partis rigides, on arrive à une véritable confusion des pouvoirs (cf. le modèle anglais). Le gouvernement peut aussi trouver quelques voix dans le parti opposé. 

Tout ceci pour dire que les partis politiques, le système de parti, joue de ce point de vue un rôle fondamental. 

B. La technicité des décisions. 

C’est une idée très commune qui repose sur des réalités. La réalité politique, c’est de moins en moins des décisions de principes. Aujourd’hui, les décisions sont pour beaucoup de la gestion financière. Les décisions du gouvernement étant vues sous l’angle des implications financières. D’où l’idée que cela est compliqué, qu’il faut des gens intelligents, et qu’il y a une compétence supérieure de l’exécutif appuyé sur une série d’experts et que les représentants, les députés, sont eux moins armés, moins spécialisés, et ils n’ont pas la vue globale des choses. Sorte de mythe de la compétence supérieure des gouvernants sur lequel ceux-ci joue volontiers. 

Problème difficile à résoudre vu que le gouvernement est mieux armé que le parlement car il a toute l’administration à sa disposition. 

Tout cela reste très insuffisant et il faut bien constater qu’il y a une assez grande autonomie de l’exécutif pour ce qui est de la gestion de l’économie. Le vote du  budget, c’est le vote du projet de budget préparé par le gouvernement, et dans lequel les amendements parlementaires peuvent quelques crédits (3 pour 1000 l’année dernière). Désormais : application de la LOLF. 

Compétence supérieure des gouvernants : mythe ou réalité ? En tout cas on joue beaucoup dessus 

C. Les moyens de communications 

Là aussi c’est un autre thème bien connu. L’importance des « mass medias » qui touchent des millions de gens en quelques secondes et permettent donc un contact direct entre les gouvernants et les citoyens. Contact à sens unique mais contact quand même. Comment se faisait cette relation entre les leaders politiques et les citoyens ? Entre les deux guerres, par la grande presse et par des meetings de masse. La radio commence à apparaître à la fin de l’entre deux guerres et aura une certaine importance dans les années 1950. Aujourd’hui c’est le rôle important de la télévision. Comment faire que cette TV et notamment quand c’est un service public ne soit pas au service du gouvernement ? Avant 1981 le sommaire du journal du JT public était vérifié par le ministère. 

Mais tout ceci a amené une profonde transformation. C’est finalement que les procédures démocratiques classiques reposaient sur une conception rationnelle et élitiste : le peuple désignait tous les 4/5 ans des représentants qualifiés et qu’ils allaient prendre des décisions rationnelles. Aujourd’hui c’est plus vraiment ça : les procédures nouvelles sont plutôt l’appel au peuple, à un soutien recherché par des allocutions, des manifestations. Par le choix qui vise à façonner l’opinion publique qui sera ensuite mesurée par l’opinion publique. L’opinion publique est amenée parfois à participer directement par le referendum ou l’élection du président au suffrage universel. 

Du coup on empiète sur le principe de représentation, et l’idée que finalement les représentants sont écartés des circuits de communication au profit des gouvernants. Quelque chose qui est frappant : lorsqu’un projet de loi est adopté en conseil des ministres, la communication est faite là-dessus. C’est la thèse suivante : la concurrence entre les médias de représentations et les médias de communication. 

Finalement, il n’est pas difficile de montrer que le grand événement politique d’aujourd’hui n’est plus de montrer le discours du premier ministre devant le parlement comme c’était le cas dans les années 1950 ou 1960. Aujourd’hui, c’est le message télévisé de ce premier ministre voire (dans le cas français) du Président de la République qui compte. On vérifie ensuite par sondage. Tout cela joue au profit de l’exécutif. 

D. La personnalisation des pouvoirs 

Ceci se retrouve généralisé dans les années contemporaines notamment avec l’influence des médias. Cette idée que la personnalisation des pouvoirs a été un grand thème développé dans les années 1960 et sur lequel on continue à vivre. L’idée que les gouvernants ou seuls qui veulent le devenir sont de véritables vedettes, des personnages people, surnaturels, pour lesquels les foules votent avec attachement et dévotion (Kennedy, De Gaulle, Nasser, Bourguiba) et on pourrait parler de personnages contemporains. 

Ces personnages, les décisions sont réputées être leurs décisions : on leur faire confiance pour trouver la solution. Le vote se fait beaucoup plus en fonction de la personne qu’en fonction du programme. Le discours politique joue beaucoup plus sur la séduction que sur la raison. Les hommes aussi essaient d’employer ce discours de séduction. 

Les autres élections, intermédiaires, se font par référence à ce personnage. Jusque dans les municipales on est gaulliste ou antigaulliste. Le thème a été développé par beaucoup d’auteur : c’est un Etat spectacle dans lequel la mise en scène devient une activité essentielle. Finalement le gouvernant n’est plus un citoyen parmi les autres, il n’est plus le délégué d’un groupe. C’est un personnage, homme, femme, surhomme. C’est à lui qu’on remet son destin. 

Au fond, il y a une espèce de dérive contemporaine vers une sorte de dialogue, mais de dialogue à sens unique, entre le gouvernement principal et son peuple. Ceci est parfaitement illustré par une phrase célèbre du général De Gaulle disant au début d’un discours TV : « eh bien mon cher et vieux pays, nous voici une fois de plus face à face ». Ce phénomène n’est pas propre à nos sociétés et il existe aussi dans les pays en voie de développement. 

  

Tout ça n’est pas spécifique à tel ou tel pays et est-ce que finalement les structures juridiques pèsent très lourd face à ça ? Par delà les différences théoriques des constructions, tous ces éléments tendent à la réunion des pouvoirs, laissent assez peu de place à une séparation telle que classiquement comprise sauf la séparation du judiciaire qui n’est pas mise en cause et qui relève d’une autre problématique. Pour le reste on peut douter que cette séparation exécutif/législatif fonctionne toujours. 

Section 3 – Les constructions fondées sur la confusion 

Si pour une série de systèmes politiques la séparation est d’abord ce qu’il faut organiser, dans d’autres constructions politique il y a d’autres préoccupations qu’il faut mettre en avant, parce qu’il peut y avoir un impératif essentiel, et après tout l’idée que ce qui compte avant tout est la séparation du pouvoir n’est pas une idée valable en tout temps et en tout lieu. Ex c’est secondaire dans un pays qui crève de faim. 

Ça a été aussi, même si ceci a disparu, l’idée révolutionnaire de la construction d’un monde politique nouveau. La modération, on verra après. Et, finalement l’idée qu’il peut y avoir autre chose caractérise la construction du 20ème siècle : 

      1. les démocraties populaires : théories marxistes de la construction de quelque chose de nouveau 
      2. les dictatures fascistes de l’entre deux guerre, qui ont a peu près disparu même si on a des résurgences parfois 
      3. très différents : le problème qui s’est posé dans un certain nombre d’Etats en développement. La question était de savoir s’il n’y avait pas contradiction entre le développement et la modération du pouvoir. 

  

Bien sûr tout cela est très différent. Si on examine tout cela ensemble, ce n’est pas pour autant que l’on confond ces trois éléments. C’est juste qu’ils fonctionnent selon une autre priorité que celle de la séparation du pouvoir et de la modération. 

§I. La théorie marxiste et les démocraties populaires 

Aujourd’hui, tout cela semble très loin. Il y a 40 ans, on avait l’idée de 2 mondes opposés. On connaît les prémisses. La théorie marxiste de l’Etat voit dans l’Etat l’instrument de domination de classe déjà économiquement dominante pour maintenir sa domination sur la classe opprimée. L’Etat bourgeois, c’est-à-dire l’Etat du 19ème siècle, serait l’Etat qui permet l’oppression du prolétariat. Lorsque ce prolétariat ce soulève et s’empare de l’appareil d’Etat au cours d’une révolution, il s’en sert pour construire une société différente pour abolir le modèle capitalisme et construire le socialisme scientifique. C’est la phase dite de dictature de prolétariat. Quand le socialisme est construit, il apporte l’abondance, et l’Etat n’a plus de conflits à arbitrer. Il perd sa raison d’être : l’homme a changé, et l’Etat dépéri (thèse du dépérissement de l’Etat). On a un retour à une sorte d’Etat de nature. 

Dans ce schéma il y a très peu de place pour la question de la séparation. Dans la phase 1 (pouvoir oppressif de la bourgeoisie), la séparation est considérée comme un leurre. Dans la phase 2 (mise en place du socialisme), pas de place pour la modération. Dans la phase 3, pourquoi séparer l’Etat, puisqu’il dépéri ? 

Tout cela ne relève pas de la séparation des pouvoirs. On remarquera cependant que la construction constitutionnelle s’est parfois inspirée du schéma constitutionnel occidental. Notamment la constitution jacobine (montagnarde) de 1793 avec sa pyramide de délégations considérée souvent comme le modèle du constitutionnalisme soviétique. Dans son genre était une sorte de régime d’assemblée avec cette délégation de pouvoir qui dans la réalité fonctionnait de manière inversée avec une domination totale de l’exécutif sur le législatif avec un parti unique qui faisait appliquer ses décisions par les députés du parti. Le système, au lieu de faire remonter comme le voulait la théorie démocratique jacobine, fait descendre la volonté. 

Ce schéma a été le schéma de l’URSS. La réalité n’a pas tout à fait illustré la théorie, la construction du socialisme d’abondance était en panne et le dépérissement de l’Etat aussi. Vers les 1990 ces pays sont revenus vers les formules occidentales insistant sur la séparation. Ce monde là a disparu sauf en Chine. 

§II. Les dictatures fascistes de l’entre-deux-guerres 

On est là dans une logique diamétralement opposé. Au départ c’est la répudiation de l’idée même de démocratie et des ses règles institutionnelles. Ces régimes s’installent dans le cadre de démocratie libérale somme toute assez fragile. Une fois au pouvoir ils suppriment la représentation, les libertés, les garanties légales, les parties politiques. Bref le problème des institutions devient parfaitement secondaire, l’essentiel c’est le culte du chef. L’idée d’une société unanime encadrée par un parti unique dirigé par un chef. Là dedans il n’y a à l’évidence aucune place pour la modération, l’équilibre, puisque tout est le pouvoir du chef. 

Ces systèmes se sont écroulés dans des conditions tragiques. 

§III. Le problème des pays en voie de développement 

Remarquons tout de suite qu’on ne peut pas généraliser. Plusieurs sont arrivés ces dernières années à faire fonctionner des structures démocratiques, des institutions authentiquement discutées. Ex le Sénégal, cas exemplaire. 

Mais tout ceci se fait au sortir d’une période dans laquelle l’objectif n’a pas été la modération mais l’efficacité, la cohésion, ceci au nom d’une double nécessité : 

      1. la nécessité de l’unité nationale : dans beaucoup de ces pays, des frontières issues de la décolonisations font que des populations n’ont pas forcément le sentiment commun d’appartenance. Par exemple on disait que le pluripartisme risquait de reposer sur les ethnies 
      2. l’autre grande exigence, c’est évidemment la question du développement de la faim. Sortir de la faim, sortir de la dépendance. La question de la séparation des pouvoirs bien sur, mais est-ce que ça répond à la question ? 

  

D’où l’idée qui a fonctionnement pendant longtemps mais qui est en plein recul : l’idée qu’on pouvait sacrifier ces « luxes » que sont le pluralisme, l’opposition, la séparation juridique des pouvoirs. Ceci s’est fait pendant une 20aine d’année. Début de la décolonisation on plaque de manière artificielle des institutions de type occidentale. Plus tôt en AL on colle des institutions collées sur les Etats-Unis. 

Très vite est apparu que derrière ces institutions il y a le pouvoir du chef, héro de l’indépendance, et qu’il était extrêmement puissant. Souvent il est appuyé sur un parti unique, parti unique qui d’ailleurs a été parfois à finalité démocratique (surtout en Afrique). C’est le concept de « parti Nation », parti destiné à rassembler et fusionner toutes les couches de la nation dans une volonté politique commune. 

  

Mais là aussi tout ceci a été un petit peu illusoire, d’autant que souvent à coté de ça il y avait l’armée, seule force sociale structurée et prompte à se saisir du pouvoir et doté des instruments permettant de le faire. Même si c’est moins le cas aujourd’hui, les coups d’Etat militaires et les dictatures ont été extrêmement fréquent et fréquentes en AL comme en Afrique noire. Selon les cas, ces coups d’Etat sont ensuite légitimité par un referendum, une nouvelle constitution, une nouvelle façade institutionnelle. 

Tout cela s’atténue un petit peu car on s’est aperçu que ces pouvoirs forts/autoritaires ne faisaient pas forcément mieux que les autres. La question s’est posée de savoir s’il fallait faire que l’aide au développement aille au développement de la démocratie. 

L’idée qu’un pouvoir fort est plus capable qu’un autre de procéder au développement est à peu près abandonnée. 

Section 4 – La forme de l’Etat et le fédéralisme 

Jusqu’à présent, nous avons parlé de l’Etat en considérant que c’était une seule forme politique, une forme politique unique sur un territoire donné, se caractérisant par l’exclusivité de son pouvoir sur le territoire et l’immédiateté du pouvoir sur le citoyen. L’Etat exerce directement son pouvoir sur le citoyen. 

En réalité c’est un peu plus compliqué que cela. L’Etat peut être simple, comme supposé implicitement, ou composé et cette question des formes de l’Etat est à préciser d’abord, avant de privilégier ce qu’est la forme contemporaine, c’est-à-dire l’Etat fédéral dont on examinera d’abord les principes d’organisations puis les particularités constitutionnelles. 

§I. Les différentes formes d’Etat 

La principale distinction est facile à percevoir. Elle est entre l’Etat simple, l’Etat unitaire tel que nous l’avons intuitivement compris jusqu’ici et les Etats composés formés de plusieurs entités de niveau étatique (un Etat formé de plusieurs Etats) avec une forme plus complexe dont la forme la plus achevée est donc l’Etat fédéral. Il faut dire ici un mot de l’Etat unitaire, de l’Etat composé, de l’Etat fédéral. 

A. L’Etat unitaire 

On veut dire par là qu’il n’y a qu’un seul pouvoir politique qui s’applique à tous les citoyens. C’est ce qu’on appelle le principe d’immédiateté, c’est-à-dire que le pouvoir est immédiat sans intermédiaire : relation directe entre le pouvoir central et le citoyen. Et que même s’il y a des pouvoir locaux, ce qui est assez indispensable dans des Etats-nation de grande taille, ces pouvoirs locaux n’ont qu’un rôle partiel et n’ont ce rôle que par décision/délégation du pouvoir central. C’est lui qui décide qu’une partie du pouvoir sera exercé au niveau local 

A partir de là d’ailleurs il y a des sous distinctions qui apparaissent : cette forme unitaire n’empêche pas que soient attribuées des compétences à des niveaux local. Là on distinguera les choses suivant que ces autorités locales tirent leur autorité du pouvoir central ou au contraire si (mais agissant par délégant du pouvoir central) elles tirent leur autorité d’élection locale. Autrement dit l’autorité qui exerce son pouvoir central est elle désigné par le pouvoir central ou élue par le pouvoir local ? 

      1. Dans le premier cas on parlera de déconcentration : le pouvoir reste attribué par le pouvoir central. 
      2. Dans le 2eme cas on parlera de décentralisation, c’est-à-dire qu’il y a finalement plusieurs centres de décisions. 

  

Définition : la déconcentration c’est tout simplement le transfert de compétences spécialisées à des agents locaux du pouvoir central, à des agents locaux nommés par le pouvoir central et n’ayant d’autre autorité/légitimité politique que celui que leur donne ce pouvoir central. 

Exemple en France : le cas type est le préfet. Dans chaque département il y a un préfet qui exerce un certain nombre de compétences de l’Etat au niveau du département. 

  

L’autre mouvement est la décentralisation : c’est la remise de capacité, de compétences, au sens juridique du terme, à des autorités librement désignées par ceux-là mêmes qu’elles administrent. Exemple : élection par les citoyens du conseil municipal, du conseil général, du conseil régional. 

  

Ces autorités locales ont une réalité politique propre. Elles ont une capacité d’orientation et de choix qui peuvent être différents de ceux du pouvoir central. Ex à la suite des dernières régionales, les régions sont administrées par des exécutifs qui appartiennent politiquement à l’opposition au pouvoir central. 

Mais il faut tout de suite ajouter que ces compétences exercées localement sont données par l’Etat central qui peut éventuellement les modifier, soit en en donnant moins, soit en en donnant plus (c’et la tendance contemporaine). C’est précisé dans l’article 72 de la constitution, qui dit dans sa rédaction actuelle qui date de la révision du 28 mars 2003 : « Les collectivités territoriales de la république sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statuts particuliers [vise essentiellement Paris et la Corse] et les collectivités d’outre-mer ». Et ces collectivités locales, l’article poursuit, « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi » (en ce moment, loi organique en discussion sur l’outre mer s’apprête à créer une collectivité territoriale pour les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy pour les détacher de la Guadeloupe), « ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus dans les conditions prévues par la loi ». Autrement dit, et ce rappel de la loi n’est pas innocent, c’est un acte du pouvoir central qui détermine les collectivités et leur donné leur capacité à agir. 

C’est là une distinction importante avec le fédéralisme 

  

Donc une décentralisation voulue et fixée par la loi, par une décision du pouvoir central. 

Cette décentralisation peut être poussée très loin jusqu’à se rapprocher assez près et sans se confondre d’un Etat fédéral lorsque l’état décide de pousser loin les autorités locales (Italie, et Espagne encore plus). Même la Grande-Bretagne est allée dans ce sens avec la devolution, c’est-à-dire la reconnaissance d’une autonomie de gestion pour les nations traditionnelles (Pays de Galle, Ecosse, Irlande du Nord). 

En France on a longtemps eu une tradition d’Etat centralisé, et on a eu très longtemps une grande méfiance envers l’idée d’autorité locale. Et il y a eu depuis 20 ans un fort mouvement de décentralisation qui commence avec la loi Deferre du 2 mars 1982 (qui met en place les régions avec leurs conseils élus au suffrage universel), et ce mouvement s’est poursuivi avec une série d’évolution soit pour créer des catégories spécifiques (loi sur la corse de mai 1991 qui contient une décision qui reconnaît un « peuple corse » composant du peuple français, formule censurée par le conseil constitutionnel dans la décision du 9 mai 1991, en disant qu’il n’y a qu’un peuple et Des populations). C’est aussi amplifié par le gouvernement de Raffarin qui a voulu une forte décentralisation et qui abouti à la révision du 28 mars 2003 avec cette nouvelle définition des collectivités locales (cf. supra), avec une reconnaissance de la capacité d’autonome financière des collectivités locales, et surtout avec l’adjonction à l’article 1 de la constitution de la mention de décentralisation. Il commençait par « La France est une république indivisible », et il est ajouté à la fin de cet Article, sans que cela soit en principe contradictoire, « son organisation est décentralisée ». D’où le mouvement de décentralisation qui est en train de se faire, qui pourrait s’accentuer dans les années qui viennent. 

  

Mais pour l’instant, malgré ces éléments de déconcentration (très traditionnels) et ces éléments de décentralisation (qui ont été poussé plus loin ces dernières années), l’Etat reste unitaire bien que décentralisé, puisque c’est la seule forme politique globale et que son organisation interne et en particulier celle des collectivités locale est fixée librement. 

Cette idée un Etat unitaire qui a un pouvoir immédiat sur les citoyens mais qui peut décider d’attribuer des compétences à des autorités locales. 

B. Les Etats composés 

Il peut arriver que des Etats, différents, séparés, décident de s’unir pour mettre en commun un certain nombre de compétences, un certain nombre de domaines, tout en gardant chacun leur souveraineté. De même que nous l’avons dit jusque là, l’Etat est une association de citoyens ; il peut y avoir un super-Etat qui est une association d’Etats, eux même associations de citoyen. 

Mais historiquement cela a revêtu plusieurs formes, et avant l’Etat fédéral il y a eu historiquement 2 formes qui aujourd’hui ont a peu près totalement disparues même si on peut trouver ça et là quelques exemples : 

      1. les unions, qui sont 2 types d’associations d’Etats différents :  
        1. l’union personnelle, qui est un cas historiquement assez curieux qui résultent du fait que deux Etats se retrouvent à avoir le même souverain (ce qui n’est possible que si la souveraineté est de type monarchique). 

Si c’est une monarchie, imaginons un roi qui par chance hérite du royaume de son frère d’un coté et de sa mère de l’autre, il se trouve à la tête de 2 Etats. Ce sont des accidents historiques dus aux règles d’héritage qui ont des conséquences politiques. On voit mal un roi se faire la guerre avec un de ses Etats faisant la guerre à l’autre. Ex : l’union personnelle qui existait entre le royaume d’Angleterre et le Hanovre (principauté du nord de l’Allemagne) qui existe de 1714 à 1837, qui commence à exister lorsque Georges Louis de Hanovre succède à son grand Père Jacques 1er et devient Georges Premier d’Angleterre. Conséquence : le roi d’Angleterre ne parle pas anglais, c’est ce qui permet au 1er ministre d’obtenir une importance particulière (mais ceci est une autre histoire). Pourquoi prend-elle fin en 1837 ? arrive sur le trône d’Angleterre, en succédant à Georges 1er, la reine Victoria. Mais le Hanovre connaît ce qu’on appelle la loi Salique, c’est-à-dire que dans le régime du Hanovre la succession va forcément à un homme. Du coup Victoria succède en Angleterre, mais ne peut pas succéder aux Hanovre. C’est un autre prince d’une branche cadette qui devient roi, et les 2 Etats qui étaient unis se sépare et cette union prend fin. Autres exemples : pays bas et Luxembourg de 1815 à 1890. Aujourd’hui ce phénomène d’union personnelle n’existe plus, on peut considérer que s’en rapproche un peu la situation des Commonwealth britanniques ; un certain nombre de pays n’ont pas voulu être des républiques et ont gardé comme souverain nominal (théorique) la couronne d’Angleterre (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). Dans ces 3 cas la reine d’Angleterre concerne formellement le titre de souveraineté mais n’a plus aucun rôle et désigne un gouverneur général en réalité choisi par les pays. On peut ajouter la situation de la principauté d’Andorre ; le Président de la République étant co-prince d’Andorre, charge qu’il partage avec l’évêque d’Urgel. Le chef d’Etat est pour moitié en Andorre le Président de la République française, ceci ayant été reformulé avec l’indépendance pleine d’Andorre dans la constitution de mars 1993. 

      1.    
        1. L’union réelle, qui repose au départ sur la même idée : le même souverain. Elle va plus loin puisqu’elle amène à un gouvernement commun des 2 Etats. Il y a une même direction politique même si la législation et l’organisation restent différentes. Il peut y avoir des services communs, notamment en matière de défense, de diplomatie, etc. 

L’exemple le plus marquant historiquement est le célèbre cas de l’Autriche-Hongrie, et le titre même marque bien l’association des 2 : l’empereur d’Autriche étant en même temps roi de Hongrie ; dure de 1867 jusqu’à 1918, c’est-à-dire l’effondrement des empires centraux. Aujourd’hui, Colliard ne voit plus d’exemples véritables d’union réelle. 

L’union réelle est un type très lié à la monarchie. 

      1. la confédération. C’est une association d’Etats qui décident de mettre en commun un certain nombre de domaines tout en en gardant d’autres qui soient spécifiques à chacun. On va plus loin encore dans la mise en commun, dans le rapprochement, avec la définition d’un secteur commun qui sera géré en simple et d’autres secteurs qui resteront séparés et seront géré par chaque état pour son propre compte. Dans ce cas là, c’est ce qui distingue la confédéré de la fédé, il n’y a pas d’immédiateté du pouvoir : la confédération agit par l’intermédiaire des Etats membres. 

Exemples : la confédération germanique de 1815 à 1871, qui se termine en 1871 avec l’unification allemande, résultat de la guerre désastreuse de 1870 contre la France. Ou bien autre exemple, la confédération helvétique qui dure depuis le 14ème siècle jusqu’à 1848, car en 1848 la suisse devient une fédération même si elle garde aujourd’hui officiellement encore le nom de « confédération » alors qu’elle est une fédération. 

La règle essentielle, et la grande différence avec la fédération, est la règle d’unanimité. La confédération est une association volontaire où personne ne peut être forcé contre son grès. Les décisions dans le domaine commun sont des décisions qui supposent l’accord de tous, c’est-à-dire qu’elles doivent rencontrer l’unanimité des Etats membres dans l’instance où ces Etats membres sont représentés. C’est donc une situation pas très facile quand on est une 15aine ou une 20aine. En suisse il faut que tous les cantons soient d’accord. Ce qui veut dire que si le pouvoir central veut imposer quelque chose, un Etat qui n’est pas d’accord peut bloquer le processus. Forme instable qui about parfois à des drames. 

C’est l’origine de la guerre de sécession. Quand on parle des fédérés (le nord, « yankees ») et les confédérés (sud) : quel est le point de départ ? La question de l’esclavage. La constitution américaine s’est construire sur une sorte de compromis (le compromis de Philadelphie) qui disait que certes c’est une fédération mais dans certains domaines les Etats font ce qu’ils veulent. Le sud est esclavagiste, le nord abolitionniste. Lorsque l’Etat fédéral dit que l’esclavage doit être aboli, les Etats du sud ne sont pas d’accord et disent qu’ils veulent une formule de confédération où ils ne peuvent être forcés et le nord dit qu’ils veulent une fédé où la majorité force les autres. C’est le début de la guerre. 

Aujourd’hui on ne voit plus vraiment d’exemples de confédéré. Peut être la construction compliquée de la Bosnie-Herzégovine. C’est une fédération à deux, donc forcément comme il n’y a plus le problème de majorité, ça ressemble à une confédération. 

Peut être peut on estimer aussi que la construction européenne a des traits relevant de la confédération. C’est compliqué vu que c’est un mélange de l’aspect fédéral et de l’aspect confédéral. Des domaines : décisions à l’unanimité, d’autre : à la majorité. On est un peu entre les deux avec plutôt une tendance à élargir ce qui est à la majorité au détriment de l’unanimité : tendance à la fédération. 

Donc finalement cette idée, cette distinction, entre la confédération (formule lourde et fragile qui a disparu) et la fédération (formule en plein développement) 

C. L’Etat fédéral 

C’est la grande forme contemporaine d’Etats composé. L’Etat fédéral est une association d’Etats qui décident de remettre une partie de leur compétence à un Etat central. Et donc, dans la fédération, il y a des Etats fédérés et un Etat fédéral (forme d’organisation étatique complexe on le voit) avec des compétences différentes. Une liste de compétences donc : ce qui appartient à l’état fédéral, et ce qui appartient aux Etats fédérés. La fédération se caractérise par une règle de majorité, c’est-à-dire qu’un Etat fédéré peut être forcé à appliquer une décision dont il ne veut pas si cette décision est bien dans le domaine qui relève de la fédération est i la décision majoritaire de la fédération est allée dans ce sens. 

Le fait qu’il y ait 2 domaines entraîne également un partage du pouvoir. Il y a un domaine de l’Etat fédéral, avec un pouvoir immédiat, et un domaine des Etats fédérés, avec pour eux aussi, chacun d’entre eux, un pouvoir immédiat sur ses citoyens. C’est-à-dire que par rapport au schéma basique, on a une situation plus compliquée. Dans la confédération, le pouvoir central passe par les Etats membres. Dans la fédération, le pouvoir central passe directement sur les citoyens tout comme le pouvoir des Etats fédérés passe directement sur les citoyens. 

Finalement pourquoi fait-on cette construction assez compliquée qui suppose 2 pouvoir, un partage du pouvoir, des règles d’attribution, un arbitre etc. ? C’est très souvent pour résoudre des problèmes de diversités. Quand dans un même état se rencontrent plusieurs ethnies, cultures, de langues différentes, mais qu’il y a aussi une volonté de vivre ensemble tout en restant différent, et ceci est particulièrement vrai dans les grands Etats (l’URSS de la grande époque par exemple, les populations étaient très différentes). Même chose dans d’autres pays mais c’est la taille et l’histoire : les Etats-Unis, union de différentes colonies. Le Canada, où l’a on retrouve l’idée de culture différente avec un Canada français. Le brésil, le Mexique, l’inde. Tous les grands Etats quand ils ont une grande dimension en surface et en population adoptent volontiers la forme fédérale de manière à réduire les tensions qui pourraient exister. 

C’est vrai aussi dans les Etats de moindre dimension quand il y a des problèmes de nationalités très forts. Ce fut le cas de la Yougoslavie sous Tito (Serbe, Croates, Slovènes, Bosniaques, etc.). On suppose quand même qu’il y a la volonté des populations d’être ensemble dans le même Etat. Dans le même genre, la suisse (avec des cantons de langue différents) : confédération d’abord, puis fédération. Ou bien le cas de la Belgique qui est devenu en 1993 un Etat fédéral composé de trois entités : Flandre, région de Bruxelles, et ( ?). 

Autre raison d’établir un Etat fédéral : la volonté d’affaiblir le pouvoir central, de limiter le pouvoir central. Et ceci est vrai dans quelques cas (c’était vrai à l’origine des Etats-Unis) et c’est vrai dans l’Allemagne. En effet à la fin de la WW2 les alliés se sont dits qu’ils allaient imposer un pouvoir central affaibli, d’où la réunion d’Etats différents. 

Si on veut essayer de systématiser un peu cela, on distinguera à la suite d’un grand auteur de droit international, Georges Scelle, on distinguera le fédéralisme par agrégation et le fédéralisme par ségrégation. 

      • Par agrégation, ça veut dire que des Etats voisins s’agrègent, se regroupent, pour vivre ensemble. C’est une association d’Etat qui décident de se réunir, et l’ex historique le plus célèbre, ce sont les Etats-Unis, où les colonies révoltées contre l’Angleterre qui sont des Etats différents dans un premier temps se regroupement et constituent un Etat fédéral (compromis de Philadelphie). A l’époque on voulait un Etat central, et il y a un débat déjà à l’époque entre la formule fédération ou la formule confédération. Autre ex : la suisse : confédération, puis fédération. Dans ce cas, généralement, les Etats qui se réunissent décident quelles compétences ils vont donner à l’Etat central. Les juristes disent dans ce cas là que l’Etat central a une compétence d’attribution, puisque les Etats membres décident de lui attribuer quelque chose qu’ils ont jusque là. L’inverse de la compétence d’attribution est la compétence de droit commun : ce qui n’est pas donné à l’Etat central appartient aux Etats membres. 
      • C’est évidemment l’inverse dans le cas du fédéralisme par ségrégation, où c’est l’autre processus. Le fédéralisme par ségrégation est le démembrement d’un Etat unitaire, pour résoudre les problèmes signalés plus haut (diversité de langues et de cultures, affaiblir l’Etat central, etc.). Exemple : l’URSS, la Yougoslavie, l’Allemagne, la Belgique. Le problème étant que si les tensions sont trop fortes, le fédéralisme abouti comme une solution transitoire qui mène à l’éclatement et l’apparition de nouveaux Etats indépendants. En règle générale, à l’inverse du cas précédent, c’est l’Etat central qui a une compétence de droit commun et les Etats membres qui ont une compétence d’attribution. En fait on décide ce qu’auront les nouveaux Etats fédérés, tout le reste (droit commun) appartenant à l’Etat fédéral (démarche inverse que dans le fédéralisme par agrégation). 

  

Cette distinction entre fédéralisme par agrégation ou par ségrégation n’est pas absolue. Certains Etats cumulent les 2 mouvements. L’URSS était à la fois le démembrement de la Russie impériale mais aussi l’adjonction d’Etats voisins, membres de la fédération (comme les Etats baltes par exemple). On avait donc à la fois des Etats venant d’un phénomène d’agrégation et d’autres d’un phénomène de ségrégation. Ceci abouti à l’indépendance dans les 1990 d’un certains nombres de pays (dont les Etats baltes). Pour les autres : constitution d’une vague Communauté des Etats Indépendants (CEI) dont on a bien l’impression qu’elle recouvre fort peu de réalité. Vague coopération mais sans plus. 

Néanmoins la distinction agrégation/ségrégation reste utile pour savoir comment se pose le problème du pouvoir entre Etat fédéral et Etats fédérés. Car l’Etat fédéral est une mécanique assez délicate qui repose sur des principes d’organisations spécifiques, lesquels engendrent des particularités constitutionnelles. 

§II. Principe d’organisation de l’Etat fédéral 

Quel que soit le mode d’organisation de l’Etat fédéral, il y a une réalité complexe : la présence simultanément de deux formes étatiques : l’une globale, l’état fédéral, ou super Etat. L’autre, plus limite : l’Etat membre. Cela nécessite une articulation entre eux qui se fait selon trois principes dégagés là encore par Georges Scelle : 

      1. superposition 
      2. autonomie 
      3. participation 

A. Le principe de superposition 

C’est en fait très simple. Ca veut dire qu’il y a 2 ordres juridiques superposés qui vont s’appliquer aux citoyens. L’un global, celui du super Etat, l’intérieur duquel s’inscrivent les autres particuliers à chaque Etat membre. Ce qui veut dire que le système juridique de l’Etat membre s’inscrit dans le cadre général fixé par le système juridique de l’Etat fédéral. 

Mais cette superposition marque l’importance du super Etat qui d’ailleurs en règle générale est le seul qui soit considéré comme un Etat sur le plan international. Même s’il est parfois admis que tel ou tel Etat membre peut avoir des compétences internationales limitées pour des raisons historiques (ex le Québec a une délégation générale à coté de l’ambassade du Canada). Autre exemple que l’on cite toujours, est il accidentel : c’est le cas à l’époque de l’URSS de l’Ukraine et de la Biélorussie qui avaient toutes les deux un siège à l’ONU pendant que l’URSS en avait un aussi. Justifié par le fait que les Etats-Unis siégeaient avec 2 alliés (France et Grande-Bretagne). 

La superposition se combine avec l’immédiateté. L’Etat fédéral a des compétences immédiates, c’est-à-dire exercées sans intermédiaires sur les citoyens. 

Donc principe de superposition qui se caractérise par l’existence d’un pouvoir supérieur et pouvant s’exercer sans intermédiaire mais qui n’est pas un pouvoir exclusif car a coté de ce pouvoir de superposition il y a le principe d’autonomie 

B. Le principe d’autonomie 

Là c’est ce qui distingue l’Etat fédéral de l’Etat unitaire. Autrement dit il y a un partage des compétences, certaines appartiennent exclusivement à l’Etat membre et l’Etat fédéral ne peut pas intervenir dans ce domaine. Partage des compétences selon une liste variable selon els cas, et en principe la variation peut s’expliquer par le fait que l’Etat fédéral a été construit par agrégation (auquel cas il aura des compétences d’attribution) ou par ségrégation (au quel cas l’Etat fédéral aura des compétences de droit commun). 

Mais une autre variable est aussi l’idée, l’idéologie, qui préside à cet exercice de réparation. Veut-on un Etat fédéral ou plus faible ? En réalité, les listes ne sont pas extrêmement variable, on manque toujours au niveau de l’Etat fédéral défense, monnaie, etc. En fait il s’est passé dans les Etats fédéral ce qui s’est passé partout : le renforcement de l’exécutif. Aujourd’hui, l’idée que les pères fondateurs aient voulu un président des usa faible est dépassée. 

Ce qui caractérise les Etats fédéraux, c’est qu’il en reste une compétence importante : celle de choisir leur propre gouvernement, ce qu’on appelle leur capacité d’auto organisation, autrement le pouvoir de faire leur propre constitution. 

L’Etat fédéral impose en général une République. Mais dans ce cadre général, la forme peut être libre ; elle est souvent calqué sur l’état fédéral, mais peut être libre. 

Exemple : aux Etats-Unis, les gouverneurs sont élus au suffrage universel, il y a un congrès local composé de deux assemblées. 

En dehors de cette capacité d’auto organisation, il y a également bien sur une liberté sur le plan juridique dans les domaines réservés à l’Etat membre : ex le droit pénal, le droit civil, peuvent varier. Ex les Etats-Unis sur les affaires de moeurs : le divorce et le mariage sont faciles dans certains Etats, beaucoup plus difficile dans d’autres. Le jeu est permis dans des Etats et interdits dans d’autres. Idem pour la peine de mort. Idem pour la législation sur les sociétés (le Delaware c’est très facile de faire une société). 

L’idée : on agit séparément dans le domaines séparés, on agi en commun dans els domaines communs 

C. Le principe de participation 

C’est l’idée tout simplement qu’il y a une collaboration de tous dans l’Etat fédéral. Celui-ci est composé des Etats membres et ceux-ci participent à ce gouvernement. Il y a des formes constitutionnelles variées pour assurer cette participation, mais dans cette variation il y a aussi des invariants. Par exemple, la représentation des Etats membres au niveau central, surtout lorsque le fédéralisme est voulu pour résoudre un problème de nationalité : on s’efforce d’associer chacune de ces nationalités au pouvoir central, parfois avec des obligations (ex Yougoslavie : si tel poste va à telle entité, tel autre va à telle autre entité). 

Cela a comme conséquence que la charte commune, c’est-à-dire la constitution de la fédération, qui est la charte commune de tous les Etats membres ne peut être modifié qu’en commun, c’est-à-dire qu’avec l’assentiment au moins de la majorité des Etats membres (et souvent on exige en matière de révision constitutionnelle une majorité qualifiée). Mais la décision peut être prise à la majorité, c’est-à-dire qu’un Etat peut être forcé. La constitution de l’URSS prévoie le droit de sortir de la fédération, tandis que celle des Etats-Unis ne le permet pas. 

§III. Particularités constitutionnelles 

La première prolonge ce qu’on vient de dire. C’est l’idée que s’il y a cette capacité d’auto organisation, il y a un pouvoir constituant de l’Etat fédéré et de l’Etat fédéral : double pouvoir constituant.