DROIT CONSTITUTIONNEL

   Le droit constitutionnel est l’une des branches fondamentales du droit public. Il régit la forme de l’État, l’agencement de sa Constitution et le régime d’organisation des pouvoirs publics.

Dans les démocraties modernes, il se fixe comme objectif la réalisation pleine et entière de ce que l’on appelle l’État de droit. Celui-ci place la Constitution au coeur de l’édifice juridique et attend d’elle qu’elle garantisse le respect des libertés individuelles par les gouvernants.

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Cours de Droit Constitutionnel

 Introduction : le droit constitutionnel appartient au droit public. Le droit est composé de deux branches distinctes : droit public et droit privé. Le droit public est plutôt le droit de l’ État et le droit privé, celui des particuliers. Le droit public est l’ensemble des règles juridiques en application desquelles l’État agit et entretient des rapports avec les particuliers et les autres États. Le droit privé est l’ensemble des règles juridiques par lesquelles les particuliers vont entretenir des rapports de façon individuelle ou en groupe. Voici le plan du cours de droit constitutionnel :

 

PARTIE I : Théorie générale du droit constitutionnel :

Titre1 : Le droit constitutionnel comme support juridique du pouvoir politique :

Chapitre.1 : l’État, personnification juridique et institutionnelle du pouvoir politique :

  • Section 1 : La notion ou le concept d’ État :
  • §1 : les éléments constitutifs ou conditions d’existence d’un État :
  • A] La population
  • B] Le territoire :
  • C] Le pouvoir politique organisé ou le gouvernement :
  • §2 : les attributs de l’État :
  • A] La personnalité juridique :
  • B] La souveraineté :
  • a) Définition et caractéristiques :
  • b) Les titulaires de la souveraineté :
  • 1) La souveraineté nationale :
  • 2) La souveraineté populaire :
  • §3 : les missions de l’ État :
  • Section 2 : les différentes formes (ou modèles) d’ États :
  • §1 : l’ État unitaire :
  • A] Définition et fondements de l’ État unitaire :
  • B] Les différents modèles d’ États unitaires :
  • a) L’ État unitaire centralisé :
  • b) L’ État unitaire décentralisé :
  • II] L’ État fédéral :
  • A] Définition de l’ État fédéral :
  • B] Les fondements de l’ État fédéral :
  • a) Le principe de superposition :
  • b) Le principe d’autonomie :
  • c) Le principe de participation :
  • §3 : l’ État régional :
  • A] La reconnaissance d’une autonomie politique au niveau des régions :
  • B] Le maintien de l’unicité de l’ État :
  • a) Une autonomie relative des collectivités régionales :
  • b) Une autonomie contrôlée des régions :

Ch.2 : La constitution, instrument juridique premier du pouvoir politique :

  • Section 1 : la notion ou le concept de constitution :
  • §1 : la constitution, un acte d’une dimension juridique importante :
  • A] L’évolution du concept juridique de constitution :
  • a) De la confusion à la distinction, entre la constitution et la loi :
  • b) L’établissement d’un lien entre la constitution et la liberté :
  • B] Les significations et les définitions de la constitution :
  • a) La distinction entre la constitution matérielle et la constitution formelle :
  • b) La distinction entre la constitution écrite et la constitution coutumière :
  • c) La distinction entre la constitution souple et la constitution rigide :
  • §2 : la constitution, un acte élaboré sur la base de prérogatives particulières :
  • A] L’établissement de la constitution :
  • a) La notion de pouvoir constituant originaire :
  • b) La matérialisation juridique du pouvoir constituant originaire : l’ordre constitutionnel positif :
  • B] La révision de la constitution :
  • a) Le pouvoir constituant dérivé :
  • b) Les modalités de mise en œuvre des révisions constitutionnelles :
  • Section 2 : la place centrale de la Constitution au sein des diverses sources du droit :
  • §1 : la Constitution, norme juridique suprême :
  • A] La Constitution ou le bloc constitutionnel :
  • B] Les autres règles de droit :
  • a) Les traités internationaux :
  • b) Le droit international dérivé :
  • c) La loi :
  • d) La jurisprudence du juge ordinaire :
  • e) Les règlements de droit interne :
  • f) Les décisions individuelles :
  • §2 : L’articulation de la Constitution avec les autres normes juridiques : le contrôle de constitutionnalité :
  • A] Les différents modèles de contrôle de constitutionnalité :
  • a) Le modèle américain de contrôle de constitutionnalité :
  • b) Le modèle européen de contrôle de constitutionnalité :
  • 1) Un contrôle concentré :
  • 2) Un contrôle abstrait :
  • 3) Un contrôle a priori ou a posteriori par voie d’action :
  • 4) L’autorité absolue, de chose jugée, des décisions rendues par le juge constitutionnel :
  • B] Le champ d’application du contrôle de constitutionnalité :
  • a) Les traités internationaux :
  • b) Les lois :
  • c) Les règlements des assemblées parlementaires :

Titre 2 : le droit constitutionnel, instrument nécessaire à toute démocratie :

Ch1 : la protection des droits et des libertés citoyens :

  • Section 1 : les droits et libertés fondamentaux :
  • §1 : les éléments d’identification des droits et des libertés fondamentaux :
  • A] La définition des droits fondamentaux :
  • B] La nature des droits et libertés fondamentaux :
  • §2 : la typologie des droits et libertés fondamentaux :
  • A] Les droits libertés :
  • a) Les droits de l’homme :
  • b) Les droits du travailleur :
  • B] Les droits créances :
  • C] Les droits garanties :
  • a) Les garanties générales :
  • b) Les garanties spécifiques en matière pénale ou répressive :
  • D] Le droit à l’égalité :
  • Section 2 : Les droits politiques, l’exemple du droit de suffrage :
  • §1 : les caractéristiques fondamentales du droit de suffrage :
  • A] L’universalité du suffrage :
  • B] L’égalité du suffrage :
  • §2 : les conditions de jouissance et d’exercice du droit de suffrage :
  • A] La nationalité :
  • B] La condition d’âge :
  • C] La jouissance des droits civils et politiques :
  • D] L’inscription sur les listes électorales :
  • §3 : les modalités d’exercice du droit de suffrage :
  • A] Les différentes caractéristiques du vote :
  • B] Les systèmes électoraux ou modes de scrutins :
  • a) Le scrutin uninominal et le scrutin de liste :
  • b) Le scrutin majoritaire et le scrutin à la représentation proportionnelle :
  • 1) Le scrutin majoritaire :
  • 2) Le scrutin proportionnel :
  • C] Les différents types de scrutin :

Ch. 2 : la séparation des pouvoirs, fondement de tout régime politique démocratique :

  • Section 1 : l’affirmation progressive d’un principe de séparation des pouvoirs :
  • §1 : les origines du principe :
  • A] Les apports de l’Histoire constitutionnelle britannique :
  • B] Les enseignements tirés des conceptions théoriques et philosophiques du principe de
  • séparation des pouvoirs :
  • a) La conception de John Locke :
  • b) La vision de Montesquieu :
  • C] L’influence des révolutions américaine et française au XVIIIe siècle :
  • §2 : la consécration du principe dans les régimes politiques libéraux contemporains :
  • A] Le modèle américain de séparation des pouvoirs :
  • B] Le modèle européen :
  • Section 2 : la nature de la séparation des pouvoirs, critère de classification des différents régimes politiques démocratiques :
  • §1 : la séparation souple des pouvoirs, le régime parlementaire :
  • A] Les éléments d’identification et de définition du régime parlementaire :
  • a) L’organisation bicéphale du pouvoir exécutif :
  • b) L’existence de moyens d’action et de contrôle réciproque entre les pouvoirs législatifs et
  • exécutifs :
  • c) La mise en place de mécanismes de collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir
  • exécutif :
  • B] Les différentes formes du régime parlementaire :
  • a) La distinction entre le régime parlementaire dualiste, et le régime parlementaire moniste :
  • b) Le régime parlementaire biparti et le régime parlementaire multiparti :
  • c) L’évolution du régime parlementaire :
  • §2 : la séparation stricte des pouvoirs, le régime présidentiel :
  • A] Le caractère monocéphale du pouvoir exécutif :
  • B] L’indépendance réciproque du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif :
  • C] Les difficultés de fonctionnement, inhérentes à la rigidité du système :
  • D] L’inexistence de régime présidentiel pur, l’exemple des États-Unis :
  • a) Les moyens d’action du président sur le Congrès :
  • 1) La participation indirecte du président à l’initiative législative :
  • 2) Le droit de veto législatif :
  • b) Les moyens d’action du Congrès sur le président :
  • 1) Le pouvoir d’autorisation et d’encadrement :
  • 2) Le pouvoir de surveillance :
  • c) La procédure d’empêchement :

PARTIE II : L’histoire constitutionnelle française :

Titre 1 : l’instabilité chronique des institutions politiques françaises (1789-1875) :

Ch.1 : la période révolutionnaire (1789-1814) :

  • Section 1 : le difficile apprentissage de la démocratie (1791-1799) :
  • §1 : l’échec de la Constitution royale des 3 et 14 septembre 1791 :
  • §2 : l’établissement d’une dictature conventionnelle (1792-1795) :
  • §3 : les dysfonctionnements du directoire (26 août 1795 – 9 novembre 1799) :
  • Section 2 : l’inéluctable dérive vers le pouvoir personnel (1799-1814) :
  • §1 : l’institution du Consulat (13 décembre 1799 – 18 mai 1804) :
  • §2 : le Premier Empire (18 mai 1804 – 20 avril 1814) :

Ch.2 : la montée progressive du libéralisme (1814-1875) :

  • Section 1 : l’émergence du libéralisme (1814-1848) :
  • §1 : la restauration (4 juin 1814 – 27 juillet 1830) :
  • §2 : la monarchie de juillet (14 août 1830 – 24 février 1848) :
  • Section 2 : l’affirmation du libéralisme (1848-1875) :
  • §1 : la IIe République (25 février 1848 – 7 novembre 1852) :
  • §2 : le second Empire (14 janvier 1852 – 4 septembre 1870) :

Titre 2 : L’enracinement de la République (1875-1958) :

Ch.1 : la IIIe République (1875-1940) :

  • Section 1 : la mise en place difficile de la IIIe République (1870-1875) :
  • §1 : l’organisation provisoire des pouvoirs publics (1870-1875) :
  • A] Le gouvernement Thiers (17 février 1871 – 24 mai 1873) :
  • B] Les débuts de la présidence du Maréchal Mac Mahon (24 mai 1873 – 16 juillet 1875) :
  • §2 : les lois constitutionnelles de 1875 :
  • §3 : la crise du 16 mai 1877 :
  • Section 2 : le fonctionnement du régime sous la IIIe République (1875-1940) :
  • §1 : le déséquilibre institutionnel :
  • A] La toute puissance du pouvoir législatif :
  • B] L’évanescence du pouvoir exécutif :
  • a) L’effacement progressif du Président de la République sur la scène politique :
  • b) La fragilité institutionnelle du conseil des ministres :
  • c) L’absence de statut juridique de la fonction de président du conseil des ministres :
  • §2 : l’essor du libéralisme politique :
  • A] Le renforcement des libertés :
  • B] Le développement du pluralisme politique :
  • Section 3 : la fin de la IIIe République :
  • §1 : le régime de Vichy :
  • §2 : le gouvernement de la France libre :

Ch.2 : la IVe République (1946-1958) :

  • Section 1 : l’établissement laborieux du régime :
  • Section 2 : les institutions politiques de la IVe République :
  • §1 : le pouvoir législatif :
  • §2 : le pouvoir exécutif :
  • §3 : l’union française :
  • Section 3 : les difficultés de fonctionnement de la IVe République :
  • §1 : l’instabilité gouvernementale :
  • A] La production de crises gouvernementales à répétition :
  • B] Le rôle des partis politiques :
  • C] L’influence des modes de scrutin :
  • §2 : le dérèglement institutionnel :

 

 

Cette distinction entre droit public et droit privé repose sur trois critères fondamentaux :

   – le critère organique, en vertu duquel la qualité des personnes en cause permet de définir la nature juridique des rapports qui se créent. Les rapports entre gouvernants et citoyens sont en principe des rapports de droit public, alors que les rapports entre simples particuliers appartiennent au droit privé.

   – le critère formel qui repose sur le procédé d’édiction (= adoption) des actes juridiques. Dans le cadre du droit public, le procédé normal (= de droit commun) de l’ État est constitué par l’acte unilatéral (= issu d’une seule volonté). Au contraire, les actes de droit privé sont de nature conventionnelle (ou contractuelle), c’est à dire des actes résultants du libre accord de deux ou de plusieurs volontés.

   – le critère matériel (ou finaliste), est lui fondé sur le contenu et l’objet de l’acte. Lorsqu’un acte a pour but la poursuite de l’intérêt général (ou public), il est considéré comme un acte de droit public. Inversement, un acte avec pour finalité l’intérêt personnel est le plus souvent considéré comme un acte de droit privé.

Ces trois critères ne sont pas infaillibles.

Droit public et droit privé ne se situent pas sur le même plan. Une partie de la doctrine considère que le droit public exerce une sorte de suprématie sur le droit privé, dans la mesure où l’intérêt général prime toujours sur les intérêts particuliers. C’est pour cela que le droit public se présente comme un droit de contrainte, c’est à dire un droit de coercition, et donc aussi, un droit inégalitaire. Le droit public procède essentiellement de la prescription, de l’obligation, de l’interdiction, ou encore de l’injonction (= ordre). Les relations entre les gouvernants et les gouvernés sont déséquilibrées au profit des premiers. Le droit privé à l’inverse, est un droit égalitaire reposant sur les idées de collaboration, d’accord, et de libre consentement, et donc, il est protecteur des situations acquises, et ses règles évoluent beaucoup plus lentement.

Comme le droit privé, le droit public se subdivise en plusieurs branches avec tout d’abord le droit public interne, et le droit public international. Le droit public interne comporte trois disciplines générales, à savoir, le droit administratif, le droit financier et le droit constitutionnel. Le droit constitutionnel a principalement pour objet l’étude de l’ État, à savoir, l’analyse des rapports existants entre les gouvernants, ainsi que les relations unissant les citoyens et les représentants du pouvoir. Généralement, on associe le droit constitutionnel et le droit des institutions politiques. Cette analogie est un peu erronée car les institutions politiques appartiennent à une matière plus large que le droit constitutionnel, car elles ne reposent pas que sur des éléments juridiques. Le droit constitutionnel est aussi voisin de la sociopolitique (= analyse de la politique et des phénomènes politiques).

Le caractère pluridisciplinaire du droit constitutionnel : le droit constitutionnel comprendrait l’analyse de toutes les règles inscrites dans la constitution. Cependant, dans la constitution, on trouve des dispositions qui n’ont que peu de rapports avec le droit constitutionnel proprement dit ; puisqu’on y trouve aussi des dispositions relatives au droit civil, fiscal, des libertés publiques, ou des collectivités territoriales. Cette réalité institutionnelle montre que le droit constitutionnel n’est pas cloisonné des autres disciplines juridiques, dans la mesure où il entretient des rapports étroits avec ces dernières. Le droit constitutionnel a donc ainsi de nombreuses interactions avec le droit des libertés publiques, des collectivités territoriales, ou encore avec le droit international (cf. : Art. 55 de la constitution concernant la ratification des Traités). Cela signifie que l’étude du droit constitutionnel dépasse le simple cadre de l’analyse de l’État et des principes qui gouvernent son organisation et son fonctionnement. Dans le même ordre d’idée, le droit constitutionnel n’est pas uniquement formé par les dispositions contenues dans la constitution de chaque État ; il regroupe aussi d’autres sources, écrites (Ex : principes fondamentaux, préambules, chartes), mais aussi des sources non écrites, comme par exemple, la jurisprudence du conseil constitutionnel.

 

PARTIE I : Théorie générale du droit constitutionnel :

 Le droit constitutionnel est une discipline juridique à part entière qui se révèle étroitement liée à deux notions : celle de pouvoir et celle de démocratie. Le droit constitutionnel est avant tout destiné à définir les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des institutions d’un État. En cela, le droit constitutionnel se présente comme le support juridique du pouvoir politique et de son exercice. Cependant, cette vision traditionnelle du droit constitutionnel est aujourd’hui dépassée, car elle est trop réductrice. Pour pouvoir appréhender la matière sous l’angle théorique de la façon la plus exhaustive possible, il est aussi nécessaire de considérer sa dimension démocratique. L’une des finalités principales du droit constitutionnel consistant dans la protection et la garantie des droits citoyens, celui-ci se présente alors comme l’instrument juridique nécessaire à toute démocratie.

 

Titre1 : Le droit constitutionnel comme support juridique du pouvoir politique :

 Tout pouvoir sous-tend une idée d’autorité et ainsi de contrainte et de subordination. Le pouvoir permet aux autorités qui l’exercent d’imposer par les règles juridiques, des obligations aux citoyens, ou à certaines catégories d’entre eux. Le pouvoir politique n’échappe pas à cette réalité et on peut le définir comme le pouvoir de prévision, d’impulsion, de décision et de coordination, par lequel ses titulaires vont s’efforcer de déterminer et de conduire la politique de la nation. Le pouvoir politique implique une double relation de commandement et d’obéissance entre les représentants du pouvoir et les citoyens. Le pouvoir ne constitue pas la propriété des gouvernants. Ces derniers n’en sont que les dépositaires, c’est à dire qu’ils agissent au nom de l’ État et dans l’intérêt des citoyens. Cela signifie que le pouvoir doit être perçu comme un ensemble de compétences et de prérogatives qui découlent des fonctions dont les gouvernants ont été investis de manière légitime et provisoire. Le droit constitutionnel est sur ce point particulièrement important car c’est de lui que découle désormais le pouvoir politique. Ce pouvoir est incarné par l’ État qui en est la personnification juridique et institutionnelle, et il est essentiellement régit par la constitution qui en constitue l’instrument juridique central premier du pouvoir.

 

Chapitre.1 : l’État, personnification juridique et institutionnelle du pouvoir politique :

 Le pouvoir politique s’exerce dans le cadre de l’état, qui constitue le support de toutes les institutions existantes (nationales comme internationales). L’état est à la fois la source et l’incarnation du pouvoir. Si le concept et la notion d’état reposent sur des éléments communs ou universels, les formes au travers desquelles l’ État peut exister sont en revanche multiples et variées.

 

Section 1 : La notion ou le concept d’ État :

Le concept d’ État n’est pas nouveau car il a connu de nombreuses évolutions au fil des siècles. Au Moyen-âge, le terme d’ État avait une double signification : il désignait la condition juridique d’une personne qui déterminait notamment son rang social, mais aussi les assemblées qui réunissaient les représentants des différents groupes sociaux. A partir du XVIe siècle, le terme d’ État évolue vers d’autres significations pour être entendu comme l’organisation politique d’un pays, voire le pays lui-même qui est gouverné. Aujourd’hui, l’ État s’analyse d’une part en une communauté nationale caractérisée par une certaine unité issue de la volonté des hommes qui la composent, et d’autre part comme… ? Le concept d’ État doit être appréhendé avec les éléments constitutifs des attributs et des missions de l’ État.

 

  • 1 : les éléments constitutifs ou conditions d’existence d’un État :

 Quelque soit sa forme, un État ne peut juridiquement exister que si trois éléments majeurs sont réunis, de sorte que la disparition de l’un d’entre eux, entraîne la disparition de l’ État en question.

 

   A] La population : On entend une communauté humaine ou un groupement social d’un État. La population d’un État désigne l’ensemble des personnes qui résident en toute régularité sur le territoire de cet État, indépendamment de toute condition de nationalité, et qui sont placés sous l’autorité de cet État. On inclut donc dans la population, les étrangers régularisés. La notion de population doit être distinguée de la notion de peuple, car elle est plus large que cette dernière. Le peuple d’un État regroupe l’ensemble des citoyens de cet État qui sont habilités (= autorisés) à exercer la souveraineté par la voie de la représentation (élection), ou par la voie de la démocratie semi-directe (référendum). La population désigne toutes les personnes vivant en toute légalité dans un État, alors que le peuple est composé uniquement de personnes disposants du statut de citoyen : qu’est-ce qu’un citoyen ? Pour être citoyen d’un État, il faut posséder la nationalité de cet État. Cette nationalité peut être obtenue de trois manières possibles : par la filiation (le droit du sang), soit par la naissance sur le territoire de l’ État en question (le droit du sol), soit enfin par la naturalisation. La possession du statut de citoyen se caractérise par la jouissance d’un certain nombre de droits, avec au premier plan, le droit de suffrage (voter et se porter candidat à une élection). Il faut différencier la population et le concept de nation. Le concept de nation peut faire l’objet de deux approches possibles : l’une objective et l’autre subjective. La conception objective de la nation repose sur des critères ou des éléments objectivement identifiables (les données géographiques, historiques, linguistiques, religieuses, culturelles, ou encore raciales). La conception subjective repose sur une idée ou une philosophie appelée « le vouloir vivre collectif ». La nation serait ici un principe spirituel composé de personnes qui forment une communauté, qui partagent les mêmes valeurs, qui ont un projet commun, et qui ont exprimé la volonté de vivre ensemble. Les deux conceptions ne sont pas exemptes de critiques ou de remarques. Ex : la conception objective a conduit dans l’histoire à des extrêmes, comme le nazisme avec l’idée de hiérarchie raciale. La conception subjective, on peut lui reprocher de postuler gratuitement l’existence d’une nation, ce qui est assez difficilement concevable sur le plan juridique. Au final, la conception de la nation qui peut apparaître la plus satisfaisante est une conception hybride. Il faut un certain équilibre entre les deux pour défendre le concept de nation.&

 

   B] Le territoire : 

Pour qu’un État puisse exister, la population doit résider sur un territoire commun, qui va permettre de réaliser l’unité de la nation. Les populations nomades ne constituent généralement pas un État. En revanche, il est admis que l’État puisse provisoirement survivre à la perte de son territoire. Ex : cas de la France occupée en 40. Dans tous les cas, la perte définitive du territoire entraîne la disparition de l’État en question. Le territoire est un espace qui va permettre l’apparition d’un sentiment d’identité commune pour  la population. Il est déterminé par des frontières qui peuvent être naturelles ou artificielles. Le territoire est à la fois terrestre, maritime et aérien.

 

   C] Le pouvoir politique organisé ou le gouvernement :

Tout État doit disposer d’une organisation juridique et politique lui permettant d’assurer le maintient et la continuité de la nation sur son territoire. Le terme gouvernement est pris ici au sens large, càd, celui d’une autorité ou d’un représentant de l’État investi de prérogatives, lui permettant d’imposer des contraintes ou des obligations à la population. Ce qui caractérise tout État, est ce que l’on appelle le monopole de la contrainte organisée. Ce monopole indique que seul l’État peut détenir une force armée, ou encore rendre la justice. Seul l’État est habilité à édicter des règles de droit positif pour règlementer l’ordre social, ou encore définir le contenu. La traduction du monopole de la contrainte organisée, c’est l’idée de souveraineté ; la souveraineté constituant l’attribut fondamental de l’État.

 

  • 2 : les attributs de l’État :

 

A] La personnalité juridique : 

L’État appartient à la catégorie des personnes morales de droit public. A ce titre, l’État dispose d’un nom, d’un patrimoine, ainsi que de la capacité à agir en justice. Cette personnalité juridique emporte deux conséquences majeures. D’une part, l’attribution de la personnalité morale à l’État entraîne le caractère permanent de cet État. Cela veut dire que les gouvernants qui se succèdent les uns aux autres agissent au nom de l’État et les actes qu’ils prennent engagent la responsabilité de ce dernier. D’autre part, l’État constitue l’incarnation et la personnification de la nation. Pendant longtemps la nation et l’État étaient présentés comme deux notions parfaitement identiques et assimilables. Cette identification de la nation à l’État était un héritage direct de la révolution française, à la suite de laquelle fut proclamé et consacré le principe de souveraineté nationale. Cette assimilation entre les deux concepts est assez critiquée car elle semble méconnaître la différence de nature entre les deux notions (juridique pour l’État, et sociologique pour la nation). L’état ne serait donc que l’institutionnalisation de la nation, c’ est à dire, une organisation politique et juridique de la volonté manifestée de la population, de vivre ensemble. L’histoire révèle qu’il n’y a pas nécessairement de coïncidence entre l’État et la nation ; l’État pouvant être parfois antérieur à la nation (Ex : les États-Unis), ou inversement, la nation pouvant précéder l’État (Ex : l’Allemagne).

 

B] La souveraineté :

a) Définition et caractéristiques :

 

La souveraineté est un pouvoir de droit originaire et suprême. Le pouvoir de droit signifie que le pouvoir trouve son origine dans une idée de droit, càd, dans l’application de règles juridiques préétablies, auxquelles vont devoir adhérer les individus de l’ État, et destinées à encadrer les comportements sociaux. Le pouvoir originaire (ou inconditionné), signifie que l’ État ne tire son pouvoir d’aucune autre autorité que de lui-même, c’est la source même du pouvoir. L’ État n’a pas besoin du consentement d’une autorité supérieure pour exercer ses prérogatives. Le pouvoir suprême se manifeste par le fait qu’il n’existe aucune autre autorité qui ne soit supérieur ni même concurrente à l’ État. Cette affirmation ne vaut que pour ce qui concerne le droit interne, car dans le droit international, la souveraineté d’un État va se heurter à celle des autres États. L’ État, parce qu’il est souverain, va disposer de la compétence (= celle-ci va conférer à l’ État un pouvoir d’auto-organisation, qui va lui permettre de déterminer la nature et l’étendue de ses attributions, mais aussi, la façon de les exercer). La souveraineté peut être de deux ordres possibles. Tout d’abord, la souveraineté interne qui suppose que l’ État va disposer du monopole de la contrainte juridique à l’intérieur de son territoire même, c’est à dire que personne ne peut dicter à l’ État ce qu’il doit faire, en-dehors du droit international. Ensuite, la souveraineté internationale (ou externe), qui se définit comme la souveraineté d’un État par rapport aux autres États, sur la scène internationale. En principe, la souveraineté internationale d’un État est illimitée dans la mesure où la conclusion d’un traité relève d’une liberté conventionnelle, c’est à dire que chaque État est censé avoir consenti librement au traité. Si elle se fait librement, la conclusion d’un traité a pour effet d’entraîner la subordination des États-partis (= qui ont signés et ratifiés le traité) au droit international. Cette réalité conduit à s’interroger sur la conception de la souveraineté en tant que pouvoir suprême, et ainsi, sur les limites éventuelles de la souveraineté. Sur ce point, deux thèses s’affrontent : la première thèse tendrait à soutenir qu’il existe un droit naturel par lequel l’ État s’auto-limiterait en vue de garantir les droits et les libertés des individus. La seconde conception, qui relève plutôt d’une vision positiviste du droit, n’admet aucune limitation de principe du pouvoir de l’ État, c’est à dire que l’ État pourra tout faire et il ne sera soumis au droit que dans la mesure où il y aura lui-même consenti.

 

b) Les titulaires de la souveraineté :

       1) La souveraineté nationale :

 Elle est d’origine française car elle a été consacrée à la suite de la révolution de 1789. L’Art.3 de la DDH du 26 août 1789, dispose : « le principe de toute souveraineté réside dans la nation, et nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». Dans cette conception, la souveraineté est confiée à la nation, entendue comme un être collectif et indivisible, distinct des individus qui la composent. La nation a donc une existence juridique propre. La conséquence juridique de la souveraineté nationale est matérialisée par l’existence d’un régime représentatif (= repose sur l’idée que le peuple ne peut exercer directement la souveraineté, et que par conséquent, il doit en confier l’exercice de manière temporaire, à des représentants élus au suffrage universel, qui vont représenter la nation, et agir au nom de celle-ci). Les électeurs exercent la souveraineté au travers de leurs représentants, par le jeu de l’élection, et dans cette perspective, l’électorat s’analyse plutôt comme une fonction que comme un droit. Il existe deux formes possibles de régime représentatif, de démocratie représentative : il y a le régime représentatif pur (ou ultrareprésentatif), dans lequel les électeurs élisent les parlementaires, qui à leur tour vont élire le cher de l’ État, et plus largement, les membres du pouvoir exécutif. Dans la seconde forme, le peuple élit directement les parlementaires, mais aussi le chef de l’ État, et c’est le régime actuel. Pendant très longtemps, le régime représentatif a été considéré comme favorable aux intérêts du plus grand nombre, mais par la suite, on s’est aperçu que ce régime pouvait aussi conduire à l’émergence d’une élite politique quelque peu coupée du peuple. Généralement, le régime représentatif peut être exposé à deux sortes de dérives possibles : d’une part, le régime représentatif est susceptible de conduire au passage d’une logique de souveraineté parlementaire. Le mandat donné par les électeurs à leurs représentants, est un mandat représentatif, par opposition au mandat impératif. Cela signifie que les électeurs ne sont pas en mesure de tracer une ligne de conduite que devrait suivre leurs représentants, ni même de les sanctionner en les révoquant, si ces derniers s’écartent de cette ligne de conduite. Cela veut dire que la conséquence du mandat représentatif est que les élus peuvent très bien ne pas tenir compte des revendications des électeurs, ou ne pas mettre en application les programmes ou les propositions sur la base desquels ils avaient été élus par le peuple. D’autre part, on peut craindre avec le régime représentatif, que les parlementaires ne soient dessaisis de leur pouvoir, par les leaders (= États-majors) des différents partis politiques, dans la mesure où bien souvent, les parlementaires se conforment aux directives, et aux consignes données par les partis auxquels ils appartiennent.

 

       2) La souveraineté populaire :

 On la doit à J.J. Rousseau : la souveraineté appartient au peuple, entendu comme l’ensemble des citoyens d’un État, chaque citoyen disposant alors d’une fraction ou d’une parcelle de la souveraineté. La souveraineté populaire implique que la souveraineté soit exercée directement par les citoyens et non plus par des représentants élus. Le régime de démocratie directe qui désigne le système dans lequel le peuple exerce directement le pouvoir. Il s’agit de réaliser ce que l’on peut appeler l’idéal démocratique, qui consiste à obtenir une adéquation (ou une superposition) parfaite entre la volonté des gouvernants et celle du peuple. Les citoyens se réunissent en assemblée pour débattre des questions intéressant leur collectivité, et pour prendre des décisions en participant au vote de ces dernières. C’est le peuple qui voterait les lois par exemple : le vote devient un droit et non plus une fonction. Cette forme de démocratie a existé dans l’antiquité avec par exemple, la démocratie athénienne. Mais elle ne peut véritablement se concevoir et se pratiquer que dans les États ou les collectivités réduites (démographiquement comme géographiquement). Aujourd’hui, elle apparaît quasiment impraticable car elle se heurte à des difficultés difficilement surmontables. Aujourd’hui, la démocratie directe n’existe plus que dans quelques États (Allemagne, Suisse), au niveau communal et régional. La conception française de la souveraineté : en dépit de leurs différences, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire ne sont pas pour autant inconciliables, ainsi que le montre la conception française actuelle que l’on pourrait qualifier d’hybride (ou intermédiaire). L’Art.3 de la constitution française du 4 octobre 1958 dispose : « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

 

  • 3 : les missions de l’ État :

 L’ État a pour mission première d’assurer la recherche du bien commun, c’est à dire la poursuite et la satisfaction de l’intérêt général. On oppose deux formes d’ État en fonction de l’objet et des domaines respectifs de leur intervention :

  • L’ État gendarme : c’est l’ État qui se borne à remplir les missions directement liées à l’exercice de la souveraineté (Ex : la défense de la nation contre les menaces extérieures, la réglementation et le maintient de l’ordre public interne, ou encore la justice : ce sont ici les missions régaliennes de l’ État). Cette forme d’ État était très répandue jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, mais elle tend aujourd’hui à se raréfier, en raison de la multiplication et de la diversification progressive des interventions de l’ État.
  • L’ État providence : peut se concevoir comme l’ État duquel les citoyens exigent qu’il améliore leurs conditions de vie quotidienne, dont notamment leur situation matérielle. Ici, son intervention dépasse largement le cadre sécuritaire, pour s’étendre à tous les niveaux ; l’ État cherchant à favoriser le développement d’un pays. Ses missions consistent également en l’établissement d’une législation concernant le travail, l’emploi, la protection et l’aide sociale, la santé publique, l’enseignement, la culture, et enfin, le développement économique et l’aménagement du territoire.

 

Section 2 : les différentes formes (ou modèles) d’ États :

 Traditionnellement, on oppose l’ État qui comporte une structure simple, appelé l’ État unitaire, à celui qui dispose d’une structure complexe, appelée État composé (ou fédéral). Il existe aussi un modèle intermédiaire avec l’ État régional.

 

  • 1 : l’ État unitaire :

   A] Définition et fondements de l’ État unitaire :

 L’ État unitaire peut se définir comme l’ État dans lequel il existe une volonté et une organisation politique unique. La souveraineté appartenant ici de manière exclusive à l’ État. Les autres personnes morales de droit public ne sont qu’une modalité de l’organisation administrative de l’ État, c’est à dire qu’elles n’existent que par l’ État et elles n’apparaissent pas dans l’ordre politique (= collectivités territoriales). A ce titre, les collectivités ne peuvent pas prendre part à l’exercice de la souveraineté et donc elles n’ont pas de pouvoir législatif, et elles n’ont pas vocation à intervenir dans des matières (ou des domaines) que la constitution réserve à la loi (exception faite pour les collectivités territoriales d’outre-mer, et les départements d’outre-mer). Le caractère unitaire de l’ État repose sur l’idée d’indivisibilité de la souveraineté, celle-ci faisant l’objet d’une exclusivité au profit de l’ État. Ce caractère unitaire s’exprime en France par le principe d’unité et d’indivisibilité de la République, consacré par l’Art. 1er de la constitution française. De ce principe, le conseil constitutionnel en a tiré l’existence d’un principe d’unité et d’indivisibilité du peuple français, qui interdit au législateur de créer des distinctions ou des catégories de citoyens au sein du peuple français. Dans une décision du 9 mai 1991, le conseil a déclaré contraire à la constitution, la loi ayant créé un peuple corse distinct du peuple français, au motif que la constitution française ne connaît que le peuple français composé de tous les citoyens français, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Cependant, ce principe d’unité du peuple français ne prohibe pas la reconnaissance des populations d’outre-mer au sein de la République française.

 

B] Les différents modèles d’ États unitaires :

 En théorie, il existe deux modèles d’ États unitaires. Un modèle traditionnel et dépassé dans les démocraties occidentales, et un modèle moderne.

 

  • a) L’ État unitaire centralisé :

 C’est ici l’ État dans lequel il n’existe aucune autre personne morale de droit public territoriale que l’ État. Dans ce modèle, les communes ne sont pas des collectivités territoriales, mais des subdivisions administratives de l’ État, qui constituent un simple cadre d’exercice du pouvoir central. Ici, la commune va agir au nom de l’intérêt central. Toutes les décisions concernant l’ensemble du territoire de l’ État, sont prises par le pouvoir central, qui constitue le centre unique d’impulsion. Cette forme d’ État est aujourd’hui devenue théorique car en pratique l’ État serait rapidement engorgé et paralysé par le nombre d’affaires et de dossiers à traiter. On dira de plus, que tout État, même très centralisé, est un minimum déconcentré (déconcentration = technique destinée à améliorer l’efficacité de l’action étatique en la rapprochant des citoyens par une répartition des agents de l’ État sur tout le territoire national). La déconcentration consiste pour l’ État, à rapprocher l’exercice de son pouvoir de décision à des autorités ou à des agents déconcentrés. Ici, ces agents sont répartis sur l’ensemble du territoire, et ils sont subordonnés à l’autorité centrale par un lien hiérarchique. Ils représentent l’ État et agissent en son nom ; les actes qu’ils prennent engageant la responsabilité de l’ État (Ex : le préfet). L’autorité déconcentrée agit toujours au nom de l’ État, contrairement à l’autorité décentralisée.

  • b) L’ État unitaire décentralisé :

 C’est l’ État qui se réalise par la décentralisation, c’est à dire par la reconnaissance d’intérêts locaux, directement gérés par les collectivités territoriales. Ces collectivités disposent d’une liberté d’administration prévue par l’Art. 72 de la constitution et organisée par la loi. Elles se caractérisent par la possession de la personnalité morale de droit public. Les collectivités disposent aussi d’affaires propres ; d’un pouvoir de décision, d’une certaine autonomie par rapport à l’ État ; autonomie garantie par le principe de l’élection des membres des assemblées locales au suffrage universel direct. Cependant, cette autonomie demeure limitée dans la mesure où elle est simplement de nature administrative et financière. L’autonomie ne présente aucun caractère politique, c’est à dire qu’elle ne saurait autoriser une collectivité autre à exercer la souveraineté (pas de possibilité pour les collectivités de faire des lois donc). Les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir règlementaire, qui appartient au domaine administratif, que l’on peut qualifier de finalisé et doublement subordonné. Cela signifie que les collectivités ne peuvent édicter des règles qu’en vue d’exercer les compétences qui leurs sont reconnues par la loi (Ex : la gestion d’établissements d’enseignement primaire, l’urbanisme). Aussi, les règlements édictés par les collectivités sont soumis aux lois, mais aussi aux règlements nationaux (= décrets d’application des lois). Les limites de l’autonomie locale se manifestent aussi au travers d’un contrôle exercé par l’ État sur les collectivités territoriales qu’il estime illégales. Depuis cette loi de 1982, la décentralisation a progressée en France ; la dernière grande réforme ayant été opérée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République française. Cette loi est notamment venue inscrire dans le texte même de la constitution, le principe de décentralisation par la modification de l’Art. 1er de la constitution. Ce dernier dispose désormais que l’organisation de la République française est décentralisée, cela signifiant que la décentralisation constitue aujourd’hui un principe de valeur constitutionnel, auquel même la loi ne pourrait porter atteinte.

 

II] L’ État fédéral :

A] Définition de l’ État fédéral :

 Classiquement, il se définit comme un État composé d’autres États appelés États fédérés. L’ État fédéral superpose des collectivités étatiques et réalise une division verticale du pouvoir, avec au niveau supérieur, l’ État fédéral, et au niveau inférieur, les États fédérés. Le fédéralisme est aujourd’hui la forme d’organisation étatique la plus répandue dans les pays les plus vastes (Ex : États-Unis, Canada, Australie, Argentine, Inde…). L’ État fédéral se distingue de la confédération d’ État, qui est une association d’ États, qui tire son origine ou son existence d’un traité international et non pas d’une constitution. Autre point de différence : contrairement à l’ État fédéré, chaque État confédéré conserve sa pleine et entière souveraineté ; les décisions prises en commun étant adoptées par la voie de l’unanimité et non pas de la majorité. Dernier point de différence : la confédération ne crée pas une volonté et un ordre juridique supérieur à l’ordre de chacun des États membres. Parmi les confédérations, on peut citer la C.E.I par exemple (Confédération des États Indépendants).

 

B] Les fondements de l’ État fédéral :

 Tout État fédéral repose sur des principes communs que l’on qualifie de lois du fédéralisme, qui sont ici au nombre de trois :

 

a) Le principe de superposition : 

tout État fédéral va superposer deux niveaux étatiques et deux ordres juridiques ; celui de l’ État fédéral, et celui des États fédérés. Le premier est néanmoins supérieur au second, ce qui suppose que l’ordre juridique des États fédérés doit être conforme à l’ordre juridique établi par l’ État fédéral. La superposition des deux niveaux étatiques, conduit à se demander si les États fédérés demeurent des États souverains. A l’évidence, les États fédérés disposent de l’essentiel des attributs d’un État, avec leurs propres constitutions, leurs propres organes politiques (Ex : leurs propres parlements), et enfin, leurs propres juridictions (= leurs propres tribunaux).

 

b) Le principe d’autonomie :

il suppose que les États fédérés disposent d’une sphère de compétence propre, dans laquelle l’ État fédéral ne peut s’immiscer. Ici, l’autonomie des États fédérés est donc beaucoup plus large que celle des collectivités territoriales dans le cadre de l’ État unitaire décentralisé, puisqu’elle est aussi d’ordre constitutionnel et législatif, c’est à dire de nature politique. Elle se traduit ici, cette autonomie, par une répartition des compétences entre l’ État fédéral et les États fédérés, qui peut être effectuée de trois manières possibles :

  • La constitution fédérale énumère de façon limitative, les compétences de l’ État fédéral, toutes celles n’étant pas mentionnées, appartenants lors aux États fédérés.
  • C’est l’inverse : la constitution va énumérer les compétences de l’ État fédéré, toutes celles n’étant pas mentionnées, appartenant alors à l’ État fédéral.
  • La constitution fédérale va ici énumérer à la fois les compétences de l’ État fédéral, et celles des États fédérés. Certaines compétences peuvent être exercées aussi bien par l’ État fédéral, que par les États fédérés (= compétences concurrentes) ; ou bien certaines compétences exercées par les États fédérés en application des lois fédérales (compétences complémentaires).

 

c) Le principe de participation :

 Ce principe implique que le droit auquel sont soumis les États fédérés, doit être un droit qu’ils ont contribué à forger, c’est à dire un droit dont ils ont été associés à l’élaboration. Les États fédérés participent au pouvoir constituant, au pouvoir législatif, et au pouvoir exécutif. La participation au pouvoir constituant se manifeste principalement lors de la modification ou de la révision de la constitution fédérale, qui nécessite l’intervention des États fédérés (Ex : en Allemagne, toute révision constitutionnelle doit être approuvée par les deux tiers des membres de chacune des deux chambres parlementaires). La participation au pouvoir législatif s’opère au travers du système du bicamérisme, qui suppose donc que le parlement de chaque État fédéral soit composé de deux chambres, dont l’une représente les États fédérés. La participation au pouvoir exécutif s’effectue principalement par l’association des États fédérés, à la désignation des titulaires du pouvoir exécutif (Ex : en Suisse, le gouvernement fédéral est désigné par les deux chambres parlementaires).

 

  • III : l’ État régional :

 Généralement, l’ État régional est présenté comme une forme intermédiaire entre l’ État unitaire et l’ État fédéral (Ex : Italie, Espagne, Portugal). Il se caractérise par deux éléments principaux.

 

A] La reconnaissance d’une autonomie politique au niveau des régions :

 Dans tout État régional, l’autonomie qui est reconnue aux régions, va bien plus loin que celle dont dispose les collectivités territoriales dans l’ État unitaire décentralisé. Ce droit à l’autonomie qui s’étend jusqu’au domaine politique, est consacré par la constitution de chaque État. Il appartient à l’ État de le mettre en œuvre, par le jeu des lois nationales, et au juge constitutionnel de veiller à son respect. Le droit à l’autonomie se manifeste par la possibilité pour les collectivités régionales, d’adopter des lois dans les matières ou les domaines prévus par la constitution, et dans le respect des compétences reconnues au législateur national. En principe, il n’y a pas de hiérarchie entre les lois nationales et les lois régionales, dans la mesure où ces deux catégories de normes n’interviennent pas dans les mêmes matières.

 

B] Le maintien de l’unicité de l’ État :

 Malgré l’autonomie politique conférée aux régions, l’ État régional demeure indivisible, en ce sens qu’il conserve une forme unitaire, et cela implique que l’autonomie des collectivités régionales est relative, et que l’ État exerce un contrôle sur les actes ou lois des collectivités régionales.

 

  • a) Une autonomie relative des collectivités régionales :

 Les régions ne possèdent pas une autonomie et des attributs comparables à ceux des États fédérés. Cette réalité peut se mesurer à deux niveaux. D’une part, ce que l’on appelle le pouvoir d’auto-organisation des régions, qui demeurent très encadrées car elles ne disposent pas d’un pouvoir constituant leur permettant de se doter de leur propre constitution. D’autre part, la participation des régions à l’exercice du pouvoir étatique est fort peu développée dans l’ État régional, par rapport à ce qu’il se produit dans l’ État fédéral. Cette participation s’effectue par la représentation des collectivités régionales au parlement, ou encore par l’association des régions à la législation de l’ État, et à l’élection du président de la république (c’est le cas de l’Italie).

 

  • b) Une autonomie contrôlée des régions :

 Dans l’ État régional, le contrôle opéré par l’ État sur les régions apparaît plus strict que dans le cadre de l’ État fédéral, dans la mesure où ce contrôle n’appartient pas exclusivement au juge constitutionnel. Cependant, il existe dans le contrôle exercé, des différences de degré, d’un État régional à un autre (Ex1 : en Espagne, les actes législatifs et administratifs des communautés autonomes, font respectivement l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, et d’un contrôle de légalité. Ce contrôle est exclusivement juridictionnel, exercé par le tribunal constitutionnel, et il se fait a posteriori, càd, intervenant après l’adoption et l’entrée en vigueur de l’acte contrôlé : en France, le contrôle est a priori – Ex2 : en Italie, au-delà du contrôle de constitutionnalité des loi régionales, exercé par la cour constitutionnelle, il existe aussi un contrôle d’opportunité, exercé par la même cour, qui peut à ce titre, invalider certaines lois régionales, au motif qu’elles n’avaient pas lieu d’être adoptées).

 

Ch.2 : La constitution, instrument juridique premier du pouvoir politique :

 Si le pouvoir politique s’exerce à l’échelle de l’ État, c’est toujours dans le cadre juridique tracé par la constitution. La constitution procède d’un concept ou d’une notion très riche, qui autorise de nombreuses approches possibles, et qui explique des définitions parfois très différentes, très variées. Pour autant, ces différentes conceptions ne sauraient faire oublier que la constitution est une source très importante du droit, qui occupe une place centrale dans la pyramide, ou la hiérarchie des règles de droit.

 

Section 1 : la notion ou le concept de constitution :

 D’un point de vue terminologique (= étymologique), le terme de constitution revêt plusieurs significations, dont notamment le fait d’instituer, d’établir, ou de former (Ex : la constitution d’un gouvernement). Le concept de constitution repose sur des éléments d’ordre divers, qu’ils soient historiques, sociologiques, politiques ou juridiques. Dès lors, la constitution peut être considérée de manière multiple, c’est à dire qu’elle peut désigner un texte, un document historique, un symbole, ou encore un ensemble de normes juridiques. D’un point de vue politique, la constitution peut être entendue comme la transcription progressive en terme de droit de revendication d’ordre politique, ou encore « l’ État d’une société donnée, à un moment donné » (Charles de Gaulle). En terme de droit, la constitution se présente comme un acte doté d’une dimension juridique importante, et élaborée sur la base de prérogatives particulières.

 

  • 1 : la constitution, un acte d’une dimension juridique importante :

 Sur un plan juridique, la constitution se définie comme un ensemble de normes ou de règles, c’est à dire un système de droit. Le concept juridique de constitution a connu de nombreuses évolutions au fil du temps, et il peut être appréhendé au travers de définitions et de significations multiples.

 

A] L’évolution du concept juridique de constitution :

  • a) De la confusion à la distinction, entre la constitution et la loi :

 A l’origine, sous la Rome antique, le mot constitution était utilisé pour désigner les mesures législatives édictées par les empereurs. Sous l’ancien régime, on entendait par constitution, l’ensemble des mesures de nature législative, adoptées par les rois de France. On était  dans une confusion entre la constitution et la loi. A partir du XIVe siècle, cette analogie entre la constitution et la loi, a conduit à regrouper sous ses deux appellations, l’ensemble des principes destinés à doter la monarchie française d’un statut, et à assurer la stabilité du royaume de France. Le XVIe siècle vit l’apparition d’une nouvelle notion, celle de loi fondamentale. L’expression se répandit peu à peu pour désigner les normes et principes fixant le statut de la monarchie française. Il y avait trois lois fondamentales (la loi salique, interdisant l’accession des femmes au trône ; le principe d’indisponibilité de la couronne ; et le principe d’inaliénabilité de la couronne). En 1758, un célèbre juriste suisse, Vattel, écrit que le concours des lois fondamentales forme la constitution de l’ État.  Il définit donc la constitution comme la règle fondamentale qui détermine la manière dont l’autorité publique doit être exercée. Ici, la constitution devient alors la norme juridique suprême qui régit l’exercice du pouvoir politique. Elle a pour objet de déterminer par qui le peuple doit être gouverné, et quels sont les droits et les devoirs de ceux qui gouvernent. Toutes les lois n’ont pas vocation à être des lois fondamentales : il y a donc une distinction entre la constitution et les lois ordinaires.

 

  • b) L’établissement d’un lien entre la constitution et la liberté :

 Ce lien a été notamment établit par Montesquieu dans son ouvrage De l’esprit des lois. Dans cet ouvrage, l’auteur opère une distinction entre trois sortes de pouvoirs qui correspondent à trois fonctions distinctes de l’ État :

  • Le pouvoir législatif, qui consiste à faire des lois, à les modifier, ou à les abroger.
  • Le pouvoir exécutif, qui a pour objet d’assurer l’exécution et la mise en œuvre matérielle des lois, ainsi que la conduite des relations internationales.
  • Le pouvoir judiciaire, qui consiste à assurer le jugement des délinquants, et à résoudre les litiges opposant les citoyens entre eux.

Montesquieu estime que pour éviter le despotisme et garantir la liberté, la constitution doit s’efforcer de faire en sorte que ces trois pouvoirs soient exercés par trois autorités différentes. La concentration des pouvoirs étant source d’oppression potentielle. La constitution doit mettre en place une séparation des pouvoirs, aussi bien dans leur existence que dans leur exercice. Les révolutionnaires de 1789 ont pour ainsi dire, consacrés la théorie de Montesquieu, avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. L’Art. 16 dispose que toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution : par cette disposition, la constitution était définie à travers ses buts, à savoir la séparation des pouvoirs, et la garantie des droits et des libertés. Dès lors, un acte peut être qualifié de constitution, à partir du moment où dans un État, il vise à assurer la séparation des pouvoirs en vue de garantir l’exercice des droits et des libertés citoyens.

 

B] Les significations et les définitions de la constitution :

 Celles-ci sont relativement nombreuses et diverses, et on peut tenter de les appréhender autour de trois distinctions principales.

 

  • a) La distinction entre la constitution matérielle et la constitution formelle :

 La constitution matérielle se définie en fonction de son objet et de son contenu ; elle est traditionnellement entendue comme un ensemble de dispositions organisant les pouvoirs publics, le fonctionnement des institutions politiques, et les libertés des citoyens. A ce titre, elle recouvre donc l’ensemble des règles juridiques relatives à la dévolution, à l’organisation, et à l’exercice du pouvoir. La définition matérielle de la constitution est généralement critiquée, en raison de ses caractères imprécis, subjectifs, et extensifs, qui ne permettent pas toujours d’identifier avec précision l’ensemble des éléments qui pourraient être rattachés à la constitution. Au sens formel (ou organique), la constitution s’entend des règles qui, soit ont reçues une forme distincte, soit ont été édictées ou modifiées par un organisme spécifique, selon une procédure spéciale (différente de la procédure d’adoption des lois ordinaires). Le sens matériel et le sens formel ne se recouvrent pas avec exactitude, même s’ils ont en commun les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir. Une constitution dite formelle, peut exclure de son cadre des règles qui pourtant concernent de près ou de loin l’exercice du pouvoir (Ex : le droit électoral, le droit parlementaire, et la statut des partis politiques). Une constitution dite matérielle pourra intégrer des dispositions dont les rapports avec l’exercice du pouvoir sont beaucoup plus incertains ou douteux.

 

  • b) La distinction entre la constitution écrite et la constitution coutumière :

 La constitution écrite est une constitution dans laquelle les pouvoirs de l’ État et les droits et les garanties accordés aux citoyens sont inscris dans un texte qui se qualifie lui-même de fondamental. La constitution coutumière désigne à l’opposé, la constitution dans laquelle les règles relatives à l’organisation de l’ État et au droit des citoyens se sont progressivement développées, sans avoir été inscrites dans un texte dénommé constitution. Les règles coutumières n’ont pas de support écrit, elles reposent sur la répétition continue et prolongée de pratiques recueillant un très large consensus. En raison de leur caractère non écrit, les règles coutumières se caractérisent par une certaine imprécision. Aujourd’hui, il n’existe plus aucun État doté d’une constitution exclusivement coutumière, les règles écrites occupant une place plus ou moins large (Ex : la Grande-Bretagne possède une constitution encore en partie coutumière). Toutefois, il reste aujourd’hui posé, la place de la coutume dans les constitutions écrites, qui ne peuvent tout prévoir et régir à l’avance. La coutume ne peut jamais déroger ou modifier une règle constitutionnelle écrite, en revanche, elle a vocation dans certaines conditions, à rajouter à la règle écrite, en cas de silence de cette dernière ou d’imprécision de sa part. La coutume peut être amenée à jouer un rôle supplétif ou interprétatif sous la double condition que la règle coutumière soit attestée et que cette règle dépasse le cadre de la simple pratique politique.

 

  • c) La distinction entre la constitution souple et la constitution rigide :

 La constitution souple désigne le système dans lequel les lois ordinaires ont la même valeur juridique que la constitution, c’est à dire qu’il n’y a aucun rapport de hiérarchie entre les deux catégories de normes. Cela implique que la constitution pourra être modifiée dans les mêmes conditions et selon la même procédure que la loi ordinaire (Ex : constitution anglaise). La constitution rigide, présente des caractéristiques inverses puisqu’elle ne peut être élaborée et révisée que par un organe spécifiquement désigné à cette fin, et selon une procédure spéciale différente de la procédure législative ordinaire (Ex : en France, seule une loi constitutionnelle peut modifier la constitution). En principe, une constitution rigide est le plus souvent une constitution écrite et formelle, alors qu’une constitution souple est plutôt fondée sur les approches matérielles et coutumières de la constitution.

 

  • 2 : la constitution, un acte élaboré sur la base de prérogatives particulières :

A] L’établissement de la constitution :

 L’établissement ou l’élaboration d’une constitution est opérée sur la base d’un pouvoir, d’une prérogative particulière, appelée le pouvoir constituant originaire.

 

  • a) La notion de pouvoir constituant originaire :

 Il s’agit du pouvoir d’établir les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir politique. Ce pouvoir va permettre à celui qui l’exerce d’élaborer le texte constitutionnel qui va former le nouvel ordre juridique constitutionnel. Le pouvoir constituant originaire désigne donc la capacité à établir une constitution, là où il n’y en avait pas auparavant, ou bien, à établir une constitution en totale rupture avec la précédente. Par hypothèse, ce pouvoir ne peut être un phénomène juridique, car si l’on établi une constitution en rupture avec la précédente, on n’exerce pas ici un droit, mais on institue un système et un ordre politique nouveau. De même, le pouvoir d’établir quelque chose qui n’existait pas auparavant, ne saurait être considéré comme lié par des normes juridiques. Plus exactement, on dira que l’établissement d’une nouvelle constitution ne relève pas du droit, dans la mesure où il fonde le droit, il le crée. Et donc, le pouvoir constituant originaire procède essentiellement de la théorie politique, tout étant ici question de légitimité démocratique. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on estime que le pouvoir constituant ne peut appartenir qu’au peuple, même si le problème consiste à déterminer qui sera habilité à l’exercer. Sur ce point, c’est au gouvernement qu’il appartient de déterminer quels seront les organes appelés à mettre en œuvre le pouvoir constituant originaire. Dans la réalité, il existe deux modes d’exercice du pouvoir, démocratique ou non démocratique. Les modes démocratiques d’établissement de la constitution consistent à confier le soin d’élaborer une constitution à une assemblée élue par l’ensemble des citoyens (Ex : IIe et IIIe républiques en France). Plus démocratique encore est le fait de soumettre la ratification du projet de constitution à l’approbation du peuple par la voie du référendum. Les modes non démocratiques sont ceux qui excluent toute intervention du peuple dans l’établissement de la constitution, à quelque niveau que ce soit. Ici, on peut aussi y ranger les procédés faisant appel au peuple d’une manière hypocrite pour autoriser ou ratifier une constitution élaborée par une assemblée non pas élue par le peuple, mais désignée par l’autorité exerçant exclusivement le pouvoir.

 

  • b) La matérialisation juridique du pouvoir constituant originaire : l’ordre constitutionnel positif :

 L’ordre constitutionnel positif se définit à partir de deux notions distinctes : celle de légalité, et celle de légitimité. La légalité, désigne l’effet contraignant qui s’attache à l’ordre constitutionnel positif. La légitimité, c’est la qualité qui s’attache à un pouvoir dont l’idéologie, les sources d’inspiration, et les critères de référence, font l’objet d’un consentement, ou d’une adhésion de la part des gouvernés. La différence entre ces deux notions, c’est une différence de nature, la première étant juridique (effet contraignant = règle de droit), et la seconde présentant des caractéristiques plus subjectives. Sur le plan de la démocratie, il est nécessaire que l’ordre constitutionnel soit légitime, c’est à dire qu’il fasse l’objet d’un consensus populaire. L’Histoire montre cependant qu’il n’en a pas toujours été de la sorte, ainsi qu’en témoigne le régime de Vichy de 1940. En effet, si ce régime était légal, dans la mesure où une loi du 10 juillet 1940 avait régulièrement investi le Maréchal Pétain des pleins pouvoirs, il n’était cependant pas légitime aux yeux de la majorité du peuple français qui rejetait la politique de collaboration envers le régime allemand.

 

B] La révision de la constitution :

 Toute constitution est effectuée sur le fondement du pouvoir constituant dérivé, selon des modalités relativement diverses.

 

  • a) Le pouvoir constituant dérivé :

 C’est la capacité de modifier ou de réviser une constitution déjà établie. Comme tout acte juridique, la constitution n’est pas immuable car il est nécessaire de l’adapter à l’évolution du contexte, politique et juridique. Ici, deux sortes de révisions sont susceptibles d’apparaître nécessaire. D’une part, il y a la révision dont l’objet est de corriger les lacunes ou les imperfections techniques que peut révéler le fonctionnement des institutions. C’est par exemple le cas des nombreuses révisions opérées tout au long de la Ve république. D’autre part, il y a des révisions qui sont effectuées pour donner une orientation politique nouvelle au régime qui était en place jusqu’alors (Ex : ce fut le cas, sous la IIIe république, lors de la révision du 14 août 1884, qui avait pour but « de rendre la république républicaine »).

 

  • b) Les modalités de mise en œuvre des révisions constitutionnelles :

 Les révisions constitutionnelles peuvent être opérées de plusieurs façons. Tout d’abord, le pouvoir constituant dérivé peut être confié à des représentants élus dans le cadre d’une convention, ou bien, il pourra appartenir aux chambres parlementaires en place. Ensuite, la procédure de révision, qui se décompose en deux voire trois phases, peut aussi obéir à des modalités de mise en œuvre différentes. En premier lieu, l’initiative du projet ou de la proposition de révision, appartient le plus souvent aux organes exécutifs et aux parlementaires, mais elle peut aussi être reconnue à une fraction du peuple, et c’est ce que l’on appelle l’initiative populaire (Ex : révision de la Constitution par référendum. Cela n’existe pas en France). En second lieu, la discussion et le vote du projet de révision qui sont effectués, soit par une convention de représentants spécialement élue, soit par les assemblées parlementaires elles-mêmes. Enfin, il peut exister une dernière étape, avec la ratification du projet de révision : celle-ci pourra être effectuée par le peuple dans le cadre du référendum. La Constitution elle-même pourra dans ses dispositions interdire ou limiter les révisions constitutionnelles (Ex : en France, la Constitution de 1958 interdit toute révision pendant l’intérim présidentiel).

 

Section 2 : la place centrale de la Constitution au sein des diverses sources du droit :

 La Constitution se situe au-dessus de toutes les autres sources du droit, et à ce titre, elle peut être qualifiée de norme juridique suprême. Cela veut dire que les autres règles juridiques devront respecter la Constitution, sous peine de sanctions. Le respect de la Constitution est assuré au moyen d’un mécanisme particulier, appelé contrôle de constitutionnalité, qui permet d’articuler la Constitution avec les règles de droit qui lui sont inférieures.

 

  • 1 : la Constitution, norme juridique suprême :

 Dans tout régime politique démocratique, les règles juridiques sont formées à partir de la Constitution qui se situe au sommet de la hiérarchie des normes, et autour de laquelle ces dernières s’articulent selon un ordre établi. La hiérarchie implique que toute norme juridique doit respecter l’ensemble des règles de droit qui lui sont supérieures, tout en s’imposant aux règles placées au-dessous d’elle.

 

A] La Constitution ou le bloc constitutionnel :

 Le bloc constitutionnel apparaît comme la matérialisation juridique du principe constitutionnaliste, qui s’est progressivement affirmé, aussi bien en France qu’à l’étranger. Dans le camp français, la Constitution de 1958 consacre ce principe de manière implicite au travers de ces articles 54 à 61, qui organisent en fait un contrôle de la conformité des lois, des traités internationaux, et des règlements des assemblées parlementaires, à la Constitution. Le bloc constitutionnel a d’abord une assise textuelle avec la Constitution écrite, mais il peut être enrichit par la coutume, et surtout par la jurisprudence constitutionnelle, c’est à dire les décisions rendues par le juge constitutionnel. Le bloc regroupe l’ensemble des dispositions, des principes, des règles, des droits et des libertés de valeur constitutionnelle. En France, la construction du bloc constitutionnel est l’œuvre du conseil constitutionnel, qui en a défini les différents éléments. Ces éléments sont au nombre de quatre :

  • La Constitution du 4 octobre 1958, c’est à dire non seulement le texte même de la Constitution, mais aussi le préambule de la Constitution.
  • Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces principes ont été intégrés au bloc par une décision du conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, intitulée « liberté d’association ». Dans cette décision, le juge a posé trois conditions pour que puisse être reconnu un principe fondamental. Tout d’abord, le principe doit être tiré d’une législation républicaine (= doit trouver sa source dans un texte). Ensuite, cette législation doit être entrée en vigueur avant le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (IVe République). Enfin, il ne doit pas y avoir eu une seule exception à la tradition républicaine, c’est à dire que la législation républicaine concernée doit avoir été appliquée de façon systématique et continue. A ce jour, le conseil constitutionnel a dégagé huit principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il y a la liberté d’association (1971), la liberté d’enseignement, l’indépendance de la juridiction administrative, les droits de la défense en matière pénale, les libertés universitaires, la compétence exclusive du juge administratif en matière d’annulation des actes administratifs, l’autorité judiciaire gardienne de la propriété privée, et enfin, l’adaptation du principe de responsabilité pénale à la situation des mineurs.
  • La déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Ici, c’est une décision du conseil constitutionnel du 27 décembre 1973 appelée « taxation d’office ». Cette déclaration contient un certain nombre de principes, avec par exemple le principe d’égalité devant la loi et devant l’impôt, le principe d’égal accès aux emplois publics, le principe de la souveraineté nationale, et enfin, le principe de la séparation des pouvoirs.
  • Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. C’est en fait celui de la Constitution de la IVe République. Ici, la décision provient du conseil constitutionnel, du 15 janvier 1975, « IVG ». Le préambule contient les principes nécessaires à notre temps, qui sont à la fois de nature politique, économique, et sociale. Il y a le principe d’égalité sexuelle, le droit d’asile sur le territoire de la République française, le droit syndical, le droit de grève.

Ces quatre éléments ont tous valeur constitutionnelle, et la loi doit les respecter.

 

B] Les autres règles de droit :

  • a) Les traités internationaux :

 Les traités internationaux sont des actes plurilatéraux destinés à établir des règles et des principes communs, applicables à l’ensemble des États signataires. L’article 55 de la Constitution en vertu duquel les traités régulièrement ratifiés ou approuvés, ont dès leur publication, une autorité supérieure aux lois sous réserve de leur application réciproque. Aujourd’hui, reste encore posée la question de la place des traités par rapport à la Constitution. Trois positions peuvent être adoptées : certains considèrent que les traités sont placés au-dessus de la Constitution, en raison de la tradition moniste de la France (= l’ordre juridique international est supérieur aux normes juridiques internes). D’autres à l’opposée, considèrent que la Constitution est au-dessus des traités, en vertu du principe de souveraineté nationale. D’autres enfin, considèrent que Constitution et traité relèvent de deux rangs de normes égales. Dans un arrêt du Conseil d’ État du 30 octobre 1998, l’arrêt Sarran, le juge a considéré que la supériorité conférée aux traités sur les lois ne s’appliquait pas à l’égard des dispositions et des principes de valeur constitutionnelle (= les traités ne sont pas au-dessus des lois constitutionnelles).

 

  • b) Le droit international dérivé :

 C’est l’ensemble des normes juridiques qui sont édictées par les organisations internationales en application des traités qui constituent le droit international primaire. Aujourd’hui, la France est de plus en plus influencée par le droit communautaire dérivé qui regroupe l’ensemble des règles de droit adoptées par les institutions européennes, en application des traités fondateurs de la communauté européenne. Parmi les normes de droit dérivé au niveau communautaire, on en trouve deux qui influencent particulièrement le droit interne français. Les règlements communautaires sont des règles juridiques qui ont vocation à s’appliquer directement et dans tous leurs éléments, dans l’ordre juridique interne de chaque État membre de l’Union Européenne. Ces règlements ont une valeur juridique supérieure à la loi nationale, ce qui signifie qu’en cas de contrariété entre un règlement communautaire et une loi, le juge écartera l’application d’une loi, au profit du règlement. Ensuite, il y a les directives communautaires, qui ont aussi une valeur supérieure aux lois, mais qui, contrairement aux règlements communautaires, n’ont pas d’effets directs, c’est à dire que les directives communautaires sont des actes ayant pour vocation de fixer des objectifs à atteindre par leurs États destinataires tout en laissant à ces derniers la liberté de définir les formes et les moyens pour réaliser ces objectifs. Dès lors, pour être applicables en droit interne, une directive doit faire l’objet d’une loi nationale de transposition. La plupart du temps, les directives fixent un délais de transposition, et si l’ État destinataire ne transpose pas la directive dans un délais raisonnable, il pourra voir sa responsabilité engagée devant le juge national, ou encore faire l’objet d’un recours en manquement devant la cour de justice des communautés européennes (CJCE).

 

  • c) La loi :

 La loi est l’expression de la volonté générale, et sa définition repose sur deux éléments, organique et matériel.  L’élément organique implique que la loi doit émaner du parlement, qui est le titulaire du pouvoir législatif. Toutefois, si la plupart des lois sont votées par le parlement, il faut savoir que ce n’est pas systématiquement le cas, car il existe des lois adoptées par le peuple au moyen du référendum. L’élément matériel implique qu’il existe un domaine d’intervention réservé à la loi, c’est à dire un certain nombre de matières, qui ne peuvent être régies que par la loi. L’article 34 de la Constitution fixe de manière limitative la liste des matières réservées au législateur. Il existe plusieurs catégories de loi, sachant qu’il faut ici mettre à part les lois constitutionnelles qui ont valeur constitutionnelle. On trouve d’un côté les lois ordinaires qui font l’objet d’une procédure d’adoption de droit commun ; et de l’autre, les lois spécifiques qui se caractérisent par une procédure particulière d’adoption. Dans ce dernier cas, on trouve les lois référendaires, les lois organiques (= destinées à mettre en œuvre ou en application une disposition constitutionnelle) ; et enfin, les lois de finance (= destinées à déterminer la nature, le montant, et l’affectation des ressources et des charges de l’ État). La loi est tenue au respect de la Constitution, ainsi que du droit international et communautaire, primaire et dérivé. Il appartient, en France, au seul juge constitutionnel d’apprécier la conformité d’une loi par rapport à la Constitution, ou un principe de valeur constitutionnelle. En revanche, le Conseil d’ État s’est reconnu compétent pour apprécier la contrariété éventuelle entre une loi et un traité international communautaire. On parle ici d’un contrôle de conventionalité des lois, par lequel le juge administratif vérifie que la loi ne présente pas d’incompatibilité avec un traité ou une disposition internationale.

 

  • d) La jurisprudence du juge ordinaire :

 C’est l’ensemble des solutions des règles et des principes adoptés par le juge, à l’occasion d’un litige concret. La particularité de la jurisprudence est que, contrairement aux autres sources du droit, elle constitue une source non écrite, c’est à dire dénuée de tout fondement textuel. Dans le droit administratif, on trouve les principes généraux du droit, qui sont des principes non écrits, mais qui s’imposent à l’administration dans ses diverses activités.

 

  • e) Les règlements de droit interne :

 On peut d’abord les définir comme des actes émanant du pouvoir exécutif (= président de la République, premier ministre et gouvernement), ou bien émanant aussi des autorités administratives (= le préfet, le maire, les collectivités territoriales), et enfin, les autorités administratives indépendantes (= CSA, CNIL). Les règlements présentent un caractère exécutoire, c’est à dire qu’ils ont vocation à créer des effets de droit, et ils comportent des dispositions de portée générale et impersonnelle. On trouve plusieurs catégories de règlements :

  • Les règlements d’application des lois, destinés à assurer la mise en œuvre matérielle des dispositions législatives (= décrets d’application).
  • Les règlements autonomes, qui interviennent dans des matières ou des domaines que la loi n’a pas vocation à régir, c’est à dire que ces règlements sont en principe protégés de toute intrusion du législateur dans leur champ de compétence. En vertu de l’article 37 de la Constitution, toutes les matières qui ne relèvent pas de la loi, c’est à dire toutes celles qui ne sont pas énumérées par l’article 34 de la Constitution, relèvent du règlement autonome.
  • Les ordonnance de l’article 38 de la Constitution : elles consistent pour le gouvernement, après habilitation donnée par le parlement au moyen d’une loi, à intervenir dans des matières en principe réservées à la loi, et ce pour une période déterminée. Une fois adoptées par le gouvernement, ces ordonnances doivent faire l’objet d’un projet de ratification déposé devant le parlement. Tant que le parlement ne les a pas ratifiées ou rejetées, ces ordonnances conservent un caractère règlementaire. Une fois ratifiée, l’ordonnance devient une loi.

 

  • f) Les décisions individuelles :

 Ce sont des décisions administratives d’application des règlements, s’adressant à des personnes nommément désignées, en vue de leur attribuer personnellement des droits, ou de mettre à leur charge un certain nombre d’obligations.

 

  • 2 : L’articulation de la Constitution avec les autres normes juridiques : le contrôle de constitutionnalité :

 Le contrôle de constitutionnalité a pour vocation d’assurer le respect des dispositions et des principes de valeur constitutionnelle par les autres règles juridiques. S’il existe plusieurs modèles de contrôle de constitutionnalité, le champ d’application de celui-ci demeure assez comparable d’un État à un autre.

 

A] Les différents modèles de contrôle de constitutionnalité :

  • a) Le modèle américain de contrôle de constitutionnalité :

 La Constitution américaine du 17 septembre 1787, ne consacre pas expressément de contrôle de constitutionnalité, elle prévoit simplement l’institution d’une cour suprême, sans toutefois préciser, ni ses modalités de fonctionnement, ni la nature de ses pouvoirs. En réalité, le contrôle de constitutionnalité est né aux États-Unis d’un arrêt rendu par la cour suprême elle-même en 1803 (arrêt Marbury Vs. Madison). Dans cette affaire, la cour suprême a affirmé de manière claire et explicite, la supériorité de la Constitution sur toutes les autres normes juridiques, et donc consacré l’existence d’un contrôle de constitutionnalité. Le modèle américain repose ici sur quatre caractéristiques principales :

  • Un contrôle de constitutionnalité diffus : cela signifie que le contrôle de constitutionnalité peut être exercé par n’importe quel juge, et non pas seulement par la cour suprême. Ici, l’explication réside dans le fait que tous les tribunaux américains disposent de ce que l’on appelle une plénitude de juridiction, c’est à dire qu’ils peuvent se prononcer sur toute question soulevée dans un litige dont ils sont saisit. Un même tribunal pourra se prononcer sur des questions d’ordre civil, pénal, administratif, etc. Ceci est impossible en France.
  • Un contrôle concret : un contrôle est dit concret à partir du moment où il s’exerce à l’occasion de litiges particuliers, opposant deux parties. Ici, le principe aux États-Unis veut que le juge se prononce sur des litiges avérés et concrets, et non pas éventuels et abstraits. Cela signifie que pour saisir valablement le juge, afin qu’il se prononce sur la constitutionnalité d’une loi, le requérant, le justiciable, doit apporter la preuve d’un intérêt à agir de la maturité suffisante de l’affaire, et du caractère toujours actuel du litige. En d’autres termes, le demandeur doit être directement touché par la violation de la Constitution qui lui a causé un dommage ou un préjudice.
  • Un contrôle a posteriori par voie d’exception : le contrôle a posteriori est le contrôle qui intervient lorsque le texte que le justiciable prétend contraire à la Constitution est déjà entré en vigueur ou en application. Ce contrôle peut être déclenché par toute personne, qui, à l’occasion d’un procès ordinaire, va soulever une exception d’inconstitutionnalité (= cette exception consiste à permettre au juge, qui doit appliquer une loi dont la constitutionnalité lui paraît douteuse, de soulever la question préalable de la constitutionnalité de cette loi). Si le texte invoqué par le justiciable est jugé contraire à la Constitution par le juge, il sera privé d’effet, et son application sera écartée du présent litige.
  • L’autorité relative de choses jugées des décisions rendues : cela signifie qu’un jugement d’inconstitutionnalité rendu par un tribunal ou une cour, ne vaudra que pour l’affaire et les parties en cause. La loi déclarée inconstitutionnelle est seulement écartée du procès en cours, mais elle reste maintenue dans l’ordre juridique. Cet effet relatif des décisions rendues dans le cadre du contrôle de constitutionnalité peut entraîner des variations d’un État d’Amérique à un autre, selon que tel ou tel tribunal aura déclaré une même loi contraire ou conforme à la Constitution.

 

  • b) Le modèle européen de contrôle de constitutionnalité :

 L’origine du contrôle de constitutionnalité en Europe, repose à la fois sur des bases théoriques et pratiques. En effet, le contrôle de constitutionnalité à l’européenne doit beaucoup au juriste Kelsen, pour qui un tel contrôle était nécessaire pour garantir le respect de la hiérarchie des normes. En outre, le Constitution autrichienne de 1920, a été la première à mettre en place un contrôle de constitutionnalité, avec la haute juridiction autrichienne chargée d’apprécier la conformité des lois, par rapport aux dispositions constitutionnelles. La plupart des autres États d’Europe Occidentale à la recherche de la paix et de la démocratie, suivront le même exemple avec l’Italie (1947), l’Allemagne (1949), la France (1958), le Portugal (1976), l’Espagne (1978), et la Belgique (1980).

 

     1) Un contrôle concentré :

 Le contrôle de constitutionnalité est concentré dès lors qu’il est exercé de façon exclusive par une juridiction constitutionnelle spécifique. Dans Cette approche, les juridictions constitutionnelles sont créées pour connaître spécialement et exclusivement du contentieux constitutionnel. Ces juridictions constitutionnelles sont situées en-dehors de l’appareil judiciaire ordinaire, et elles sont indépendantes des pouvoirs publics. Dans le cadre du contrôle concentré, le juge constitutionnel fait partie des autorités dont les membres sont désignés par les représentants du pouvoir.

 

     2) Un contrôle abstrait :

 Cela signifie que dans la plupart des pays européens, le contrôle de constitutionnalité n’est pas exercé, assuré, à l’occasion de litiges classiques et concrets opposant deux parties entre elles. Le contrôle opéré suppose une confrontation directe, non pas entre deux parties, mais entre deux normes, règles juridiques. La mission du juge constitutionnel consiste à dire si une loi ou un traité est contraire ou conforme à la Constitution. Dans certains États, les cours constitutionnelles peuvent contrôler la constitutionnalité d’une loi, sur renvoi par les juridictions ordinaires, à l’occasion d’un litige concret, dont l’issue, la solution dépend directement de la question relative à la constitutionnalité de la loi (Ex : Allemagne, Autriche, Italie). Dans d’autres États, il existe également des procédures de recours directs devant les cours constitutionnelles, pour violation des droits fondamentaux par la loi, ou bien par les actes administratifs ou juridictionnels (Ex : Allemagne). Seule la France connaît un contrôle de constitutionnalité exclusivement abstrait.

 

     3) Un contrôle a priori ou a posteriori par voie d’action :

 Le contrôle par voie d’action implique que ce contrôle ne peut être déclenché que par des autorités politiques ou publiques, désignées par la Constitution (Ex : en France, le conseil constitutionnel ne peut être saisit que par six autorités différentes, à savoir, le président de la République, le premier ministre, le président de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat, et depuis 1974, soixante députés ou soixante sénateurs). Le contrôle a priori implique que le juge constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité d’une loi déterminée avant la promulgation de cette loi par le chef de l’ État, c’est à dire avant l’entrée en vigueur de cette loi (Ex : intervient après l’entrée en vigueur de la loi (Ex : Autriche, Allemagne, Espagne, Portugal).

 

     4) L’autorité absolue, de chose jugée, des décisions rendues par le juge constitutionnel :

 En principe, les décisions rendues par les cours constitutionnelles statuant sur la base d’un contrôle de conformité d’une loi ou d’un traité par rapport à la Constitution, sont revêtues d’une autorité absolue de choses jugées, en ce sens qu’elles s’appliquent à l’ensemble des autorités publiques et des juridictions.

 

B] Le champ d’application du contrôle de constitutionnalité :

 Classiquement, le contrôle de constitutionnalité est exercé à l’encontre de deux règles de droit, les traités internationaux et les lois. Dans le cas français, il faut y ajouter les règlements des assemblées parlementaires.

 

  • a) Les traités internationaux :

 Conformément à l’article 55 de la Constitution française, pour qu’un traité international puisse créer des effets dans l’ordre juridique interne français, il doit non seulement avoir été signé par la France, mais aussi avoir fait l’objet d’une ratification. Celle-ci peut être effectuée de deux sortes : par la voie du congrès (= députés et sénateurs réunis en une seule assemblée), à la majorité des trois cinquième, soit par la voie du référendum. Cependant, le conseil constitutionnel peut être saisi sur la base d’un contrôle de conformité des traités à la Constitution, prévu à l’article 54, ou sur la base de l’article 61 de la Constitution. Dans un tel cas, l’article 54 prévoit que si le conseil constitutionnel estime que le traité présente certaines contrariétés avec la Constitution, ce traité ne pourra être ratifié qu’après que la Constitution ait été préalablement révisée. Seuls font l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, les traités qui ne peuvent être ratifiés qu’en vertu d’une autorisation parlementaire, c’est à dire les traités énumérés par l’article 53 de la Constitution (concerne notamment les traités de paix, de commerce, relatifs à l’organisation internationale, relatifs à l’état des personnes, qui comportent cession, échange ou adjonction du territoire).

 

  • b) Les lois :

 Le contrôle de constitutionnalité des lois a été confié au conseil constitutionnel par la Constitution du 4 octobre 1958. Cependant, toutes les lois ne sont pas soumises au contrôle de constitutionnalité. Le conseil constitutionnel se refuse ainsi à apprécier la constitutionnalité des lois référendaires au motif qu’elles sont l’expression directe de la souveraineté populaire. S’agissant des lois ordinaires, elles ne font l’objet d’un contrôle de constitutionnalité que pour autant que le conseil constitutionnel a été saisi par les autorités habilitées à le faire. Cela implique que par hypothèse, une loi manifestement inconstitutionnelle pourrait très bien s’appliquer dans l’ordre juridique français. Enfin, les lois organiques sont quant à elles obligatoirement soumises au contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation.

 

  • c) Les règlements des assemblées parlementaires :

 Le contrôle sur ces règlements est opéré par le conseil constitutionnel sur la base de l’article 61 alinéa 1er de la Constitution. Là encore il s’agit d’un cas de saisine automatique ou obligatoire du conseil constitutionnel, comme pour les lois organiques. C’est au président de l’assemblée concernée qu’il revient de transmettre au conseil constitutionnel le règlement adopté, ou les modifications de celui-ci ; et le conseil constitutionnel dispose alors d’un délai d’un mois pour se prononcer sur la constitutionnalité du règlement.

Titre 2 : le droit constitutionnel, instrument nécessaire à toute démocratie :

 L’encadrement juridique du pouvoir est inhérent à tout État de droit car il est nécessaire pour empêcher l’apparition de tout phénomène de droit, ou encore pour faire obstacle à l’oppression des gouvernés par les gouvernants. Sur ce point, le droit constitutionnel se révèle aujourd’hui indispensable car il vise à maintenir l’existence et la pérennité de la démocratie. Cette forte contribution du droit constitutionnel à la démocratie se mesure principalement à deux niveaux : d’une part la protection des droits et des libertés reconnus aux citoyens, et d’autre part, la mise en place effective d’un véritable principe de séparation des pouvoirs.

 

Ch1 : la protection des droits et des libertés citoyens :

 Le droit constitutionnel n’est pas la seule discipline juridique assurant la garantie des droits et des libertés reconnues aux citoyens. Cependant, sa protection dépasse celle qui est assurée par les autres disciplines, dans la mesure où elle s’étend à l’ensemble des droits et des libertés fondamentaux, au nombre desquelles figure notamment les droits politiques, avec au premier plan, le droit de suffrage.

 

Section 1 : les droits et libertés fondamentaux :

 Le concept même de droits et libertés fondamentaux est relativement récent en France. Les droits fondamentaux reposant sur des éléments d’identification et de définition bien spécifique, et leur nombre ayant tendance à s’élargir considérablement.

  • &1 : les éléments d’identification des droits et des libertés fondamentaux :
A] La définition des droits fondamentaux :

 Le concept de droits fondamentaux a été emprunté à la doctrine juridique allemande, et est apparu en France il y a un peu plus de vingt ans de cela. D’une manière générique, les droits et libertés fondamentaux désignent les droits et les libertés protégés par des normes constitutionnelles, et/ou par des normes européennes ou internationales. De même, il n’existe pas en principe de hiérarchie entre les droits et les libertés fondamentaux, en ce sens qu’une liberté ne saurait être plus fondamentale qu’une autre. Cela implique que lorsque deux libertés fondamentales sont en jeu, voire en opposition ou en contradiction, le juge constitutionnel doit s’efforcer de concilier ces deux libertés. Le caractère nouveau du concept de liberté fondamentale conduit à le distinguer de notions voisines. Tout d’abord, les droits fondamentaux ne se confondent pas avec les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république. Par ailleurs, il convient de dissocier les droits fondamentaux des libertés publiques, dans la mesure où les premiers correspondent à l’ État de droit, et à la suprématie des normes constitutionnelles et internationales, alors que les secondes sont garanties par la loi. Cinq points permettent de distinguer les deux catégories de libertés, de droits :

  • Les libertés publiques sont protégées essentiellement contre le pouvoir exécutif, alors que les libertés fondamentales sont protégées contre les pouvoirs législatifs, exécutifs, et judiciaires.
  • La protection des libertés publiques s’appuie sur la loi, alors que celles des libertés fondamentales reposent sur les normes constitutionnelles et/ou internationales.
  • La protection des libertés fondamentales requiert aussi l’intervention du juge constitutionnel et du juge européen ou international, alors que dans le cadre des libertés publiques, la protection est seulement assurée par le juge ordinaire.
  • Les libertés publiques ne sont garanties que dans le cadre de relations verticales entre les citoyens et la puissance publique, c’est à dire l’administration, alors que les libertés fondamentales peuvent aussi s’appliquer dans le cadre de relations horizontales concernant les citoyens entre eux.
  • Les titulaires ou les bénéficiaires des libertés publiques sont exclusivement les individus, alors que les droits et libertés fondamentaux peuvent être invoqués par les personnes morales de droit privé (= associations, entreprises) ou de droit public (= État, collectivités territoriales, établissements publics).

Une dernière distinction s’impose, cette fois-ci au sein même de la catégorie des droits fondamentaux. En effet, on trouve d’un côté les droits fondamentaux constitutionnels, et de l’autre, les droits fondamentaux européens, sachant qu’il n’existe aucune hiérarchie de principe entre eux. Deux différences majeures peuvent toutefois être relevées : d’une part, le domaine des droits fondamentaux constitutionnels est plus large que celui des droits fondamentaux européens qui le plus souvent ne concernent pas les droits civils et politiques, d’autre part, les droits fondamentaux européens ou internationaux sont définis à partir des caractères communs des différents droits nationaux, ce qui a tendance à les rendre moins nombreux, et moins forts dans leur portée que les droits garantis par la Constitution de chaque État. D’ailleurs, une partie de la doctrine s’interroge à ce titre sur la nécessité d’assurer une protection européenne ou internationale des droits fondamentaux lorsque ces derniers sont déjà assurés par la Constitution. Cependant, les droits européens trouvent leur raison d’être non pas dans une idée de concurrence, mais de complémentarité, tout l’intérêt pour le justiciable résidant dans la possibilité d’invoquer à la fois le droit constitutionnel et le droit européen devant le juge ordinaire.

 

B] La nature des droits et libertés fondamentaux :

 La détermination de la nature juridique des droits fondamentaux est une question pour le moins épineuse qui alimente bon nombre de débats. Toutefois, quatre caractéristiques permettent d’identifier les droits et libertés fondamentaux. Tout d’abord, il est aujourd’hui acquis que les droits fondamentaux sont des droits justiciables, c’est à dire des droits susceptibles d’être mis en œuvre par le juge, aussi bien constitutionnel, européen, ou ordinaire. En cela, les droits fondamentaux se distinguent de ce que l’on appelle les objectifs de valeur constitutionnelle qui relèvent seulement d’une finalité assignée au législateur par la Constitution ou par le juge constitutionnel. Egalement, il ne fait aucun doute que les droits fondamentaux sont des droits subjectifs disposant de garanties objectives, c’est à dire des droits destinés à protéger des intérêts individuels, et qui sont invocables devant un juge. La garantie objective des droits fondamentaux suppose le plus souvent la mise en place d’institutions adéquates ainsi que l’a souvent rappelé le conseil constitutionnel. Les droits fondamentaux sont des droits finalisés, et qui peuvent présenter trois caractéristiques variables en fonction de leur objet. Ici, certains peuvent avoir un statut négatif, en ce sens qu’ils visent à protéger l’individu contre une action ou une intervention de l’ État. Ils consistent le plus souvent en une interdiction pour la puissance publique ou en une limitation de son pouvoir. D’autres ont un statut positif appelant donc une action positive de l’ État. Ils supposent le plus souvent l’obligation pour l’ État d’assurer certaines prestations ou certains services vis-à-vis du citoyen (Ex : l’enseignement). D’autres, enfin, se rattachent au statut actif dans la mesure où ils permettent à leurs titulaires de participer à la formation de la volonté générale de l’ État. Il s’agit ici de tous les droits de nature civique et politique. Enfin pour terminer, en dépit de leur valeur juridique élevée, tous les droits et libertés fondamentaux n’ont pas un caractère absolu, ils peuvent donc recevoir des limitations, à l’exception de certains d’entre eux qui peuvent apparaître comme intangibles.

 

  • &2 : la typologie des droits et libertés fondamentaux :

 Les droits fondamentaux se caractérisent par un nombre élevé et une relative diversité qui autorise plusieurs classifications possibles.

 

A] Les droits libertés :
  • a) Les droits de l’homme :

 Ici, les droits de l’homme sont particulièrement nombreux dans la mesure où ils sont l’illustration même d’un régime politique démocratique. Parmi ces principes, figurent la dignité humaine, la liberté individuelle, la liberté d’association, la liberté d’enseignement, la liberté de conscience et de religion, la liberté d’expression et de communication, la liberté d’entreprendre, le droit d’asile, et enfin, le droit à mener une vie familiale normale.

 

  • b) Les droits du travailleur :

 Ils sont principalement au nombre de deux, avec la liberté syndicale, et le droit de grève.

 

B] Les droits créances :

 Il s’agit de droits qui impliques une politique et une action active de l’ État, parmi lesquelles figure notamment le droit à la protection de la santé, le droit à la protection sociale et à la sécurité sociale, le droit à l’instruction et à la culture, le droit à la solidarité nationale, et le droit à l’emploi.

 

C] Les droits garanties :
  • a) Les garanties générales :

 Parmi les garanties générales, on trouve tout d’abord le droit au juge, c’est à dire le droit pour toute personne à faire en sorte que sa cause soit entendue devant une juridiction. Autre principe important, les droits de la défense, qui peuvent se définir comme l’ensemble des droits appartenants à une personne qui, soit se trouve partie à un litige, soit est en-dehors de tout procès, mais qui est dans tous les cas l’objet d’une mesure défavorable ayant le plus souvent le caractère d’une sanction. Autre principe, le droit à la sécurité juridique, qui s’exprime notamment au travers des principes de légalité et de non rétroactivité des actes administratifs.

 

  • b) Les garanties spécifiques en matière pénale ou répressive :

 Elles sont ici pour l’essentiel prévues par l’article 8 de la DDH, et elles consistent en cinq prérogatives : tout d’abord, le principe de légalité des délits et des peines qui implique qu’un individu ne peut être poursuivi et puni qu’en vertu d’une loi. Ensuite, il y a le droit à la non rétroactivité des lois pénales plus sévères, c’est à dire qu’une loi pénale plus sévère ne peut être appliquée de manière rétroactive à un individu. Le droit à l’application rétroactive des lois pénales plus douces. Autre garantie spécifique, le droit à ne se voir appliquées que les peines nécessaires, c’est à dire que les peines infligées doivent être proportionnées à l’infraction commise. Enfin, un principe essentiel, le droit à la présomption d’innocence, qui signifie qu’un individu ne peut être condamné pour une infraction pénale que pour autant qu’il aura été apporté la preuve qu’il a bien commis cette infraction.

 

D] Le droit à l’égalité :

 Ce droit constitue l’une des pierres angulaires sur laquelle repose toute l’architecture des droits fondamentaux. Il est à la fois contenu dans la DDH, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et dans la Constitution du 4 octobre 1958. Il s’agit ici d’un droit subjectif, dont bénéficie toutes les personnes morales ou physiques, françaises ou étrangères, et c’est aux institutions de la république française et à l’administration de faire respecter ce droit qui interdit toute discrimination fondée sur l’origine, la race, la religion, ou encore les convictions politiques ou philosophiques. Cependant, le conseil constitutionnel admet que le législateur puisse opérer des discriminations positives tendant à favoriser certaines catégories de personnes, notamment en matière sociale. Le droit à l’égalité touche tous les domaines de la vie des individus, que ce soit en matière sociale, éducative, fiscale, professionnelle ou juridictionnelle. Seuls les droits politiques, avec le droit de suffrage, sont placés à part, dans la mesure où ils demeurent pour l’essentiel, réservés de manière exclusive aux citoyens français.

Section 2 : Les droits politiques, l’exemple du droit de suffrage :

 Le droit de suffrage est le droit reconnu à tout citoyen d’exprimer librement son opinion et son choix politique à l’occasion des élections politiques, ou d’un référendum. Il comporte en fait deux volets : le droit de vote (ou électorat), et le droit d’éligibilité, qui consiste en la possibilité pour le citoyen de se porter candidat à une élection politique.

 

  • &1 : les caractéristiques fondamentales du droit de suffrage :
A] L’universalité du suffrage :

 Le suffrage universel s’identifie par l’absence de conditions qui en feraient un suffrage restreint. Il peut être qualifié d’universel dès lors qu’il appartient à tous les citoyens d’un même État, sous la réserve d’un certain nombre de conditions minimales et objectives, telles que la nationalité, l’âge, la capacité électorale, et la jouissance des droits civils et politiques. Dans le cas français, l’adjectif « universel » a pris un sens véritable il y a peu de temps, car deux catégories de citoyens sont demeurés longtemps exclus du droit de vote. Le droit de suffrage est longtemps resté un privilège masculin auquel a mis fin une ordonnance du 21 avril 1944 en France. De même, les militaires étaient exclus de la vie politique au nom du devoir de réserve et aussi du principe de neutralité. Une ordonnance du 17 août 1944 a mis fin à cette situation en octroyant le droit de suffrage aux militaires. Le suffrage universel s’oppose au suffrage restreint, que l’on peut définir comme le suffrage dans lequel les électeurs sont choisis en fonction de certains critères. Le suffrage héréditaire est un suffrage restreint, qui suppose que seules les personnes disposant d’un titre, leur ayant été donné par la naissance, disposent du droit de vote. Le suffrage censitaire consiste à accorder le droit de vote uniquement aux citoyens qui s’acquittent d’un impôt. Le suffrage capacitaire repose sur la capacité des citoyens, celle-ci étant appréciée sur la base de plusieurs critères possibles (Ex : aux États-Unis, à une époque, pour voter il fallait savoir lire et commenter la Constitution, ainsi que posséder un permis de conduire). Enfin, dernier type de suffrage, le suffrage politisé par lequel le droit de vote est octroyé en fonction des opinions et des convictions politiques de chaque individu.

 

B] L’égalité du suffrage :

 L’égalité devant le suffrage est une règle fondamentale du droit électoral, qui concerne aussi bien le droit de vote que le droit d’éligibilité. Dans le cadre du droit de vote, la règle implique que chaque électeur dispose d’une voie. Dans le cadre du droit d’éligibilité, le principe d’égalité implique que chaque candidat à une élection doit être soumis aux mêmes règles applicables, et être traité de manière identique par rapport aux autres candidats. L’exigence d’égalité soulève également la délicate question du découpage des circonscriptions électorales. Le découpage électoral est une opération d’ordre cartographique qui vise à allouer et à répartir les différents mandats au sein d’une circonscription électorale donnée. La circonscription électorale est une division du territoire dans le cadre de laquelle se déroulent les élections. Toute la difficulté d’un découpage électoral est de permettre la représentation la plus fidèle possible de l’électorat. Dans cette optique, deux techniques peuvent être utilisées. Ou bien l’on retient comme cadre électoral une circonscription administrative existante (= commune, département, région), ou bien l’on crée des circonscription électorales spéciales (= le canton par exemple). Dans tous les cas, le conseil constitutionnel a posé deux principes devant gouverner toute opération de découpage électoral. Deux décisions, l’une des 1er et 2 juillet 1986, et l’autre du 18 novembre 1986. Le premier principe, est le principe d’équilibre démographique, qui commande donc que la délimitation des circonscriptions électorales soit effectué en respectant l’égale représentation des populations. Le second principe, est le principe d’équilibre politique, qui exige donc que la délimitation des circonscriptions électorales ne procède d’aucun arbitraire.

 

  • &2 : les conditions de jouissance et d’exercice du droit de suffrage :

 Le droit de suffrage est une prérogative attachée à la qualité d’électeur. L’article 3 de la Constitution définie ou identifie les électeurs comme les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques.

 

   A] La nationalité :

 En France, la participation à toute élection de nature politique est subordonnée à la possession de la nationalité française. Cette condition vaut pour tous les français, de naissance ou naturalisés. La condition de nationalité trouve sa justification profonde dans l’article 3 de la Constitution, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple français ». Depuis la ratification du traité de Maastricht sur l’Union Européenne, et l’intervention de la loi organique du 25 mai 1998, les citoyens des États membres de l’Union Européenne résidant en France sont électeurs et éligibles aux élections municipales française, sous réserve de réciprocité (Article 88-3 de la Constitution). Il y a tout de même une limitation : en effet, si les citoyens européens peuvent être élus conseillers municipaux, ils ne peuvent pas prétendre aux fonctions de maire ou d’adjoint au maire, car cela aurait pour effet de les autoriser à participer à l’élection des sénateurs, et donc à l’exercice de la souveraineté nationale.

 

   B] La condition d’âge :

 Depuis la loi du 5 juillet 1974, l’âge requis pour être électeur est de dix-huit ans révolus.

 

   C] La jouissance des droits civils et politiques :

 Cette condition s’apprécie de manière négative, en ce sens que sont considérés comme jouissant de leurs droits civils et politiques, tous les français qui ne sont pas dans l’un des cas d’incapacité prévus par la loi. Il existe deux types d’incapacité. On trouve l’incapacité proprement dite, qui vise les personnes mineures, les personnes majeures placées sous tutelle, et les aliénés. On trouve une incapacité liée aux notions d’honneur et de dignité. A l’origine, le code électoral énumérait un certain nombre d’infractions graves entraînant automatiquement la suppression du droit de suffrage, à titre temporaire ou définitif. Depuis la loi du 16 décembre 1992, le principe a été inversé, c’est à dire qu’une condamnation pénale n’entraîne pas automatiquement la suppression temporaire ou définitive du droit de suffrage. Il existe néanmoins une exception avec la loi du 19 janvier 1995, relative au financement de la vie politique, et qui prévoit une interdiction automatique d’inscription ou une radiation de plein droit des listes électorales, à l’encontre des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation définitive pour certaines infractions énumérées par le code électoral (corruption, trafique d’influence, intimidation, ou détournement de droit public).

 

   D] L’inscription sur les listes électorales :

 Pour pouvoir exercer le droit de suffrage dont il est titulaire, tout électeur doit être obligatoirement inscrit sur une liste électorale, sachant qu’il y a une liste électorale par commune, ou même par bureau de vote lorsque la commune est divisée en plusieurs bureaux de vote.

 

  • &3 : les modalités d’exercice du droit de suffrage :
A] Les différentes caractéristiques du vote :

 Le vote peut revêtir plusieurs caractères possibles que l’on peut appréhender autour de cinq distinctions :

  • La distinction entre le suffrage direct et le suffrage indirect : les électeurs choisissent directement leurs représentants élus sans passer par l’intermédiaire d’autres électeurs (Ex : en France, des élections présidentielles et législatives). Le suffrage indirect quant à lui est un suffrage à plusieurs degrés dans lequel les électeurs primaires se contentent de désigner d’autres électeurs, les électeurs secondaires, qui à leur tour vont soit désigner les élus, soit désigner encore d’autres électeurs.
  • La distinction entre le vote individuel et le vote plural ou pluriel. Ici, le vote est individuel lorsque le vote de chaque électeur équivaut à une voie. Le vote est dit plural lorsqu’un même électeur se voit offrir la possibilité de voter plusieurs fois à l’occasion d’une même élection.
  • La distinction entre le vote secret et le vote public. Le secret du vote est une garantie qui assure l’anonymat à l’électeur et sa libre expression. Ce secret est assuré par la technique de l’isoloir, de l’enveloppe, et de l’urne. Le vote public consiste pour l’électeur à manifester publiquement son choix, mais il n’existe quasiment plus aujourd’hui.
  • La distinction entre le vote facultatif et le vote obligatoire : le vote est dit facultatif lorsque l’électeur a le choix entre voter ou s’abstenir. Le vote obligatoire suppose que toute abstention sans motif valable de la part d’un électeur sera passible d’une sanction (Exemple de la Belgique).
  • La distinction entre le vote personnel, par procuration, ou par correspondance : le vote personnel, c’est l’électeur qui se déplace lui-même. Le vote par procuration va permettre à un électeur empêché de choisir un autre électeur pour voter à sa place. Le vote par correspondance consiste pour l’électeur à adresser son bulletin sous double enveloppe à une autorité désignée par la loi, ou bien directement au bureau de vote de la commune concernée.

 

B] Les systèmes électoraux ou modes de scrutins :

 Les modes de scrutin correspondent aux modalités suivant lesquelles est aménagé l’exercice du droit de vote, et suivant lesquelles sont calculés les résultats du scrutin. Un mode de scrutin, c’est un procédé technique de décompte des voies qui permet de répartir les sièges à pourvoir entre les différents candidats en fonction des suffrages exprimés par les électeurs.

 

  • a) Le scrutin uninominal et le scrutin de liste :

 Le scrutin uninominal désigne le système dans lequel l’électeur est appelé à voter pour un seul candidat dans chaque circonscription. On considère généralement que le scrutin uninominal est un vote pour une personnalité autant que pour un programme politique. Dans le cadre du scrutin de liste, l’électeur est appelé à voter pour plusieurs candidats, et dans cette hypothèse, le choix de l’électeur se porte davantage sur le programme électoral ou sur l’appartenance politique de la liste candidate, que sur la personnalité des différents candidats composant cette liste. Le scrutin de liste connaît lui-même deux modalités possibles d’organisation. Il y a le panachage qui est une technique par laquelle les électeurs sont autorisés à composer eux-mêmes leurs listes en empruntant éventuellement des noms issus de plusieurs listes candidates. Ici, un électeur pourra sur une liste rayer un certain nombre de noms pour en ajouter d’autres. Ce système existe pour l’élection des conseils municipaux dans les communes de moins de deux mille cinq cent habitants. A l’opposé, il y a le système des listes bloquées, interdisant aux électeurs de modifier les listes telles qu’elles sont présentées, sous peine de voir leur bulletin de vote être déclaré nul.

 

  • b) Le scrutin majoritaire et le scrutin à la représentation proportionnelle :

 Ici, on peut noter que ces deux modes de scrutin reposent sur des philosophies et des logiques opposées, différentes. Le scrutin majoritaire visant plutôt à assurer une stabilité institutionnelle, et le scrutin proportionnel visant à assurer une représentation la plus fidèle possible des différents idées politiques.

 

        1) Le scrutin majoritaire :

 Le scrutin majoritaire est le mode de scrutin le plus ancien et le plus utilisé. Il consiste à attribuer le ou les sièges à pourvoir aux candidats ou à la liste de candidats qui aura obtenu le plus grand nombre de suffrages. Le scrutin majoritaire est le scrutin dans lequel est déclaré élu le candidat ou la liste qui a obtenu la majorité des voies, plus précisément, la majorité des suffrages exprimés. Il existe deux types de scrutins majoritaires. Il y a tout d’abord le scrutin majoritaire à un tour : c’est celui qui obtient le plus grand nombre de suffrages qui est élu. Puis il y a le scrutin majoritaire à deux tours, dans lequel deux hypothèses peuvent se présenter : soit l’un des candidats obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, soit personne n’obtient la majorité absolue à l’issue du premier tour, et dans ce cas, il faut organiser un second tour au cours duquel celui qui obtiendra le plus grand nombre de voies remportera l’élection. L’avantage du scrutin majoritaire est qu’il permet de dégager une majorité confortable au profit du candidat de la liste ou du parti vainqueur de l’élection, et ce mode de scrutin apparaît alors comme un gage de stabilité dans l’organisation et le fonctionnement des institutions politiques. En contrepartie, plusieurs critiques peuvent être émises à l’encontre du scrutin majoritaire : c’est en effet un scrutin qui ne représente pas fidèlement les différentes opinions exprimées par les électeurs, et qui ne permet pas aux minorités d’être représentées. D’une certaine façon, ce système n’est pas complètement démocratique car il ne reflète pas la réalité et la diversité des différents courants de pensée. Deuxième critique : en outre, le scrutin majoritaire encourage les alliances électorales entre les partis politiques, alliances qui ne sont pas toujours bien perçues par l’opinion politique qui a parfois du mal à se retrouver dans ces coalitions de circonstances.

 

        2) Le scrutin proportionnel :

 C’est ici le scrutin qui consiste à répartir les sièges à pourvoir, proportionnellement au nombre de voies obtenues par chaque liste ou par chaque parti politique. Il est pratiquement impossible d’obtenir des résultats avec des chiffres entiers, si bien qu’il faut procéder à la représentation proportionnelle approchée. La répartition des sièges se fait alors en deux étapes. En premier lieu, on va calculer le quotient électoral, qui est le rapport entre le nombre de suffrages exprimés et le nombre de sièges à pourvoir. Ensuite, les sièges seront répartis entre des listes qui auront obtenus un nombre de voies au moins égal au quotient électoral, chaque liste obtenant autant de sièges qu’elle atteint de fois le quotient électoral. En second lieu, on va opérer la répartition des sièges restant entre toutes les listes candidates : deux techniques sont alors possibles. D’une part, la technique des « plus forts restent », qui consiste à attribuer le ou les sièges restant à la liste ou aux listes auxquelles il reste le plus grand nombre de voies (favorise les petits partis politique). D’autre part, la technique de la plus forte moyenne, qui consiste à rechercher quelle moyenne aurait obtenu chaque liste si on lui avait attribué un siège supplémentaire, le siège restant étant attribué à la liste ayant la moyenne la plus élevée. Par comparaison avec le système majoritaire, la représentation proportionnelle tend à une véritable justice électorale en assurant une représentation fidèle des différents courants d’opinion, et en permettant aux petits partis politique d’obtenir également un certain nombre de sièges. C’est un scrutin qui présente de grandes difficultés techniques et surtout qui favorise l’instabilité institutionnelle en ne permettant pas aux partis vainqueurs d’avoir une majorité.

 

C] Les différents types de scrutin :

 Le droit de suffrage ne s’exerce pas seulement au travers de l’élection, dans la mesure où il trouve aussi à s’exprimer par d’autres techniques empruntées à la démocratie semi directe. Trois procédés peuvent être mentionnés : tout d’abord, le veto populaire qui permet au peuple de s’opposer à la mise en application d’une loi votée par le parlement, et même d’obtenir l’abrogation totale ou partielle de cette loi. Pour cela, les citoyens disposent d’un délai fixé par la Constitution, pour déposer en ce sens une pétition qui devra recenser un nombre minimal de signatures. Si la pétition est signée par un nombre suffisant d’électeurs, la loi contestée sera soumise à un référendum, et en fonction des résultats, elle sera abrogée ou maintenue en vigueur. Ensuite, second procédé, l’initiative populaire par laquelle le peuple va pouvoir proposer l’adoption d’une disposition constitutionnelle ou législative. Enfin, le référendum qui est le procédé par lequel les citoyens sont appelés à manifester leur volonté à l’égard d’une mesure proposée ou prise par une autorité ou par le peuple. Le référendum consiste donc à soumettre un texte à l’approbation des citoyens. Le référendum peut être constituant ou législatif, obligatoire ou facultatif. Il peut être de ratification ou d’abrogation, ou bien décisionnel ou consultatif. Enfin, il peut être d’arbitrage lorsque le peuple est sollicité pour trancher un conflit entre les pouvoirs publics. Le référendum doit être distingué du plébiscite, même si souvent la procédure utilisée est la même. Dans le cadre du plébiscite, l’objectif premier de la procédure consiste à inviter le peuple à se prononcer sur la confiance qu’il est susceptible d’accorder aux titulaires du pouvoir. Par exemple, le Général de Gaulle avait une vision plébiscitaire du référendum, c’est à dire qu’à chaque référendum organisé, il entendait sonder la confiance du peuple à son égard.

 

Ch. 2 : la séparation des pouvoirs, fondement de tout régime politique démocratique :

 Le principe de séparation des pouvoirs est admis depuis longtemps comme une condition essentielle de la réalisation de la démocratie et de l’ État de droit. Il s’est affirmé de manière progressive, en France comme à l’étranger, et il peut faire l’objet de plusieurs modalités possibles d’aménagement. Généralement, les différents régimes politiques libéraux existant dans le monde peuvent être classés en fonction de la nature de la séparation des pouvoirs sur laquelle il repose.

 

Section 1 : l’affirmation progressive d’un principe de séparation des pouvoirs :

  • &1 : les origines du principe :
A] Les apports de l’Histoire constitutionnelle britannique :

 Jusqu’en 1066, l’Angleterre est organisée sous la forme d’un régime aristocratique, dans lequel c’est le roi qui gouverne, avec l’assistance des chefs les plus influents du royaume, siégeant au sein du conseil des notables : on se situe ici dans le cadre d’une véritable monarchie absolue, dans laquelle seule l’existence du grand conseil était susceptible de tempérer l’autorité du roi. Dans cette perspective, le roi prendra de plus en plus l’habitude de consulter cette institution sur un nombre toujours plus élevé de questions. Parallèlement, la Noblesse supporte de plus en plus mal l’arbitraire du pouvoir exercé par le roi, et au début du XIIIe siècle, le roi est contraint de s’engager au respect d’un pacte établissant les droits et les devoirs réciproques du roi et de ses vassaux : c’était la magna carta (= la grande charte). Cette charte prévoyait notamment qu’aucune contribution financière ne pourrait être versée sans l’approbation préalable de Clergé et de la Noblesse. En cas de litige entre un roi et un vassal, un tribunal arbitral était chargé de statuer. Ce texte sera fréquemment méconnu par le roi, mais à travers celui-ci, le grand conseil affirmera peu à peu son pouvoir financier et son droit d’initiative législative (= le pouvoir de proposer les lois). En 1603, Jacques 1er succède à la reine Elizabeth, et les trois couronnes, d’Angleterre, d’Ecosse, et d’Irlande, sont réunies. A sa mort, en 1685, son successeur, Jacques II, défend ouvertement les positions absolutistes. Il est alors chassé du trône par les membres du parlement, et doit s’enfuir à Paris en 1688. Le nouveau roi est Guillaume d’Orange, et une seconde charte est élaborée en 1688, « Bill of rights ». Elle garantie de nouveaux droits au parlement, tout en élargissant leurs libertés individuelles. Cette déclaration sera suivie par un nouvel acte en 1701, que l’on appelle l’ « act of settlement », qui consacre en fait, les principes du consentement du parlement avant toute déclaration de guerre. Il creuse aussi les principes d’incompatibilité entre les fonctions d’officier public et de membre du parlement (notamment la chambre des communes). L’indépendance du juge à l’égard du pouvoir exécutif est également posée, de même que l’obligation de contreseing des décisions royales par un membre du conseil privé. Ces deux derniers textes ont véritablement tracés les limites du pouvoir royal dans la conduite des affaires publiques, et ainsi donné naissance au principe de séparation des pouvoirs.

 

B] Les enseignements tirés des conceptions théoriques et philosophiques du principe de séparation des pouvoirs :
  • a) La conception de John Locke :

 La philosophie de John Locke repose sur l’idée selon laquelle il existe un État de nature, dans lequel les hommes auraient été à l’origine, libres et égaux. Par ailleurs, si l’homme se met en société, c’est pour améliorer ses conditions d’existence, sans pour autant renoncer à sa liberté originelle. L’auteur défend ici l’existence d’un contrat social qui est donc le fondement et l’acte institutif de l’ État, sans pour autant constituer une renonciation totale des hommes à leurs droits et à leurs libertés. L’auteur met ici en garde sur la nécessité de préserver les droits et les libertés individuelles, et c’est la raison pour laquelle ils préconisent de modérer la puissance du souverain, par la théorie des checks and balances (= freins et contrepoids). L’auteur distingue d’abord trois pouvoirs : législatif, exécutif, et confédératif. Le pouvoir législatif, selon Locke, a pour objet de déterminer les objectifs de la société, tout en organisant les institutions permettant de préserver cette société et d’assurer sa cohésion. Ce pouvoir doit être le premier des pouvoirs politiques, car il appartient au parlement,  qui est l’organe représentant le mieux les citoyens. Le pouvoir exécutif pour Locke, a pour tâche de gérer quotidiennement l’ État en mettant en exécution les lois. Enfin, le pouvoir confédératif est chargé de présider à l’instauration des relations internationales et à ce qui s’ensuit. Locke considère que le pouvoir législatif et le pouvoir confédératif doivent être concentrés dans les mains d’une même autorité pour assurer une certaine cohérence de l’action publique. L’auteur n’envisage pas de pouvoir judiciaire distinct et autonome, mais il considère plutôt ce pouvoir comme une dépendance directe du pouvoir législatif. Il préconise enfin la séparation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, car dans le cas contraire, le risque serait que les personnes qui ont le pouvoir de faire les lois pourraient se dispenser d’y obéir.

 

  • b) La vision de Montesquieu :

 Montesquieu distingue trois pouvoirs correspondant à trois fonctions distinctes de l’ État : pouvoir législatif, exécutif, et judiciaire. Par rapport à Locke, le philosophe français se distingue sur deux points : premier point, d’une part, il ne fait aucune distinction entre le pouvoir exécutif et le pouvoir confédératif, selon l’expression de Locke, si bien que selon lui, la conduite des relations extérieures de l’ État doit appartenir au pouvoir exécutif. Montesquieu estime que la justice constitue un domaine bien distinct des autres car elle correspond à une fonction particulière de l’ État. Par ailleurs, il est nécessaire selon l’auteur que la justice soit indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif pour assurer l’impartialité des décisions de justice rendues, et pour garantir l’exercice des droits et des libertés citoyens. Montesquieu préconise un exercice séparé des trois pouvoirs, de sorte que chacun d’entre eux doit être placé dans les mains d’une autorité bien distincte des deux autres.

 

C] L’influence des révolutions américaine et française au XVIIIe siècle :

 La déclaration d’indépendance de 1776 s’est rapidement attachée à légitimer une nouvelle organisation politique au nom des droits naturels. Parmi ces droits figurait notamment le droit pour chaque individu à la recherche du bonheur, ce qui supposait notamment l’exercice du droit naturel de se gouverner soi-même. Selon Saint Thomas Jefferson, le « self government » est dans la nature des choses, de sorte que le peuple est non seulement la source, mais aussi l’unique dépositaire du pouvoir. Toutefois, le système défendu est un système représentatif par lequel la volonté du peuple s’exprime par l’intermédiaire de représentants librement choisis par les citoyens. La nouvelle organisation politique américaine nécessite la conjonction de deux éléments, une Constitution et un gouvernement équilibré qui ne peut reposer que sur le principe de séparation des pouvoirs. Aux États-Unis, c’est l’affirmation des droits naturels qui allait légitimer tout un système constitutionnel de séparation des pouvoirs, l’idée étant de faire en sorte qu’aucun de ces pouvoirs ne puisse empiéter sur la sphère des droits de chaque individu. La Révolution française, quant à elle, a reposé à sa façon la question relative à la relation existante entre séparation des pouvoirs et garantie des droits. En liant séparation des pouvoirs et souveraineté, les révolutionnaires ont imposé une conception à la fois plus abstraite et plus réductrice du principe. Ainsi, les pouvoirs sont considérés comme des composantes de la souveraineté, chacun d’entre eux relevant en quelque sorte d’une délégation de la nation pour accomplir une fonction précise ou déterminée. Par ailleurs, la DDH conditionne la réalisation de la démocratie, et l’existence d’une Constitution à une association entre la garantie des droits et la séparation des pouvoirs (Article 16). Toutefois, la consécration du principe de souveraineté nationale allait jouer nettement en faveur du représentant de la volonté nationale, à savoir le pouvoir législatif.

 

  • &2 : la consécration du principe dans les régimes politiques libéraux contemporains :
A] Le modèle américain de séparation des pouvoirs :

 Ici, ce modèle repose sur une division tripartite des pouvoirs, avec l’existence d’un véritable pouvoir judiciaire, indépendant et équivalent aux deux autres pouvoirs. Ce pouvoir judiciaire est ici dévolu à une cour suprême, et aux cours suprêmes des États fédérés. Ce pouvoir revêt une importance centrale, fondamentale, aux États-Unis, car il est à la fois nécessaire pour protéger le pouvoir exécutif des empiètements éventuels de la part du pouvoir législatif, et pour prévenir toute dérive du pouvoir exécutif. Le pouvoir judiciaire joue quelque peu un rôle de régulateur en s’efforçant de supprimer toute part d’arbitraire du pouvoir, au moyen de mécanismes constitutionnels adaptés et par l’intermédiaire d’un organe institutionnel capable de résoudre les conflits entre les institutions politiques, et de garantir les droits fondamentaux. Dans cette optique, le contrôle de constitutionnalité exercé par la cour suprême et les autres juridictions, se révèle ici indispensable. Cette fonction régulatrice du pouvoir a été exercée à plusieurs reprises par la cour suprême, qui veille au bon respect par chacun des trois pouvoirs, des prérogatives et des domaines d’attribution dévolus aux deux autres. Ici, il y a trois décisions particulièrement importantes. Dans un arrêt de 1983, l’arrêt Chadha, la cour suprême a déclarée inconstitutionnelle la procédure de veto législatif par laquelle le Congrès s’était octroyé un pouvoir d’annulation des décisions prises par l’exécutif (= le président) dans le cadre de l’application des lois. De même, la cour a rappelé que le principe de séparation des pouvoirs ne permettait pas au président des États-Unis de se situer au-dessus des lois, aussi bien dans l’exercice de ses fonctions, qu’à l’occasion d’actes strictement privés. De la même manière, la cour suprême n’hésite pas à sanctionner un éventuel empiètement du Congrès sur la sphère d’interprétation constitutionnelle du pouvoir judiciaire.

   

B] Le modèle européen :

 Hormis le cas de la Grande-Bretagne, les États d’Europe ont souvent conçus la séparation des pouvoirs comme un face à face entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Généralement, le modèle européen de séparation des pouvoirs se caractérise par la place résiduelle du pouvoir judiciaire. Par exemple, l’actuelle Constitution française ne fait pas référence à un pouvoir judiciaire, mais seulement à une autorité judiciaire. Malgré cela, le modèle européen a connu une double évolution : en premier lieu, le pouvoir juridictionnel s’est progressivement renforcé et développé par la généralisation des mécanismes de justice constitutionnelle, avec notamment la possibilité pour le juge constitutionnel, de sanctionner les lois violant les dispositions constitutionnelles. Des revendications de plus en plus fortes sont alors apparues en vue de renforcer l’indépendance de la justice. Aujourd’hui, se pose la question de l’existence d’un troisième pouvoir incarné par les cours constitutionnelles, voire d’un quatrième pouvoir consistant à contrôler le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, et le pouvoir incarné par les juridictions ordinaires. En second lieu, le modèle européen de séparation des pouvoirs semble avoir subi un certain infléchissement, du fait de l’effacement progressif de la confrontation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, au profit d’une autre confrontation, celle entre la majorité et son opposition. Ici, aussi bien en France qu’en Grande-Bretagne, le régime constitutionnel se caractérise par une opposition très marquée entre deux camps antagonistes : celui de l’exécutif soutenu par une majorité au parlement, et celui de l’opposition incarné par une minorité de parlementaires issus de tendances politiques diverses.

 

Section 2 : la nature de la séparation des pouvoirs, critère de classification des différents régimes politiques démocratiques :

 Si toutes les démocraties mettent en œuvre le principe de séparation des pouvoirs, elles ne le font pas nécessairement de la même manière, ce qui va conduire à l’instauration de systèmes institutionnels différents. Plus précisément, c’est la nature même de la séparation des pouvoirs, sur laquelle sont établis les régimes politiques libéraux, qui permet de les démarquer les uns des autres, et de les classifier. Classiquement, il est admis qu’une séparation souple des pouvoirs se matérialise par l’existence d’un régime parlementaire, alors qu’une séparation stricte ou rigide aura pour conséquence l’instauration d’un régime présidentiel.

  • &1 : la séparation souple des pouvoirs, le régime parlementaire :

Ce régime parlementaire est né au milieu du XVIIIe siècle avec la Grande-Bretagne. En France, il verra le jour après la Révolution de 1789, et l’abolition du régime de la monarchie absolue.

 

A] Les éléments d’identification et de définition du régime parlementaire :

 D’une manière générale, le régime parlementaire peut se définir comme le régime dans lequel le gouvernement doit disposer à tout moment de la confiance de la majorité parlementaire. Plus précisément ici, le régime parlementaire repose sur trois grands principes.

 

  • a) L’organisation bicéphale du pouvoir exécutif :

 Dans tout régime parlementaire, le pouvoir exécutif est organisé autour de deux autorités distinctes qui en partagent l’exercice de manière plus ou moins égalitaire, avec d’un côté le chef de l’ État, et de l’autre, le chef du gouvernement. Chacune de ces deux autorités se voit confier des pouvoirs et des attributions qui lui sont propres, mais pour certaines matières ou certaines décisions, une intervention conjointe des deux autorités est requise : c’est le contreseing. Le chef de l’ État, d’une manière générale, a pour vocation d’incarner la continuité de l’ État, mais en principe, il ne participe pas ou très peu à l’exercice du pouvoir. Par ailleurs, compte tenu de son rôle plus limité, notamment dans le cadre de la politique intérieure, le chef de l’ État est politiquement irresponsable devant le parlement, qui ne peut donc le démettre de ses fonctions pour des motifs politiques. C’est en principe au chef du gouvernement et à son équipe, que revient de jouer le rôle le plus actif, et d’exercer la réalité du pouvoir exécutif. Dans le cas français, le Constitution dispose que c’est au premier ministre et à son gouvernement qu’il appartient de déterminer et de conduire la politique de la nation. Cependant, les données du problème sont beaucoup plus subtiles, car tout dépend du fait de savoir si la majorité présidentielle et la majorité parlementaire sont concordantes ou non. Dans le premier cas, appelé fait majoritaire, il y a plutôt une division verticale du pouvoir, c’est à dire que le président définit la politique à suivre, et le premier ministre et son gouvernement s’efforcent de la mettre en œuvre. Dans le second cas appelé la cohabitation, cette répartition du pouvoir est plutôt horizontale, c’est à dire qu’elle s’effectue par matières. Le chef de l’ État s’occupant de tout ce qui concerne la politique étrangère, alors que le premier ministre et son gouvernement, se préoccupent de la politique intérieure.

 

  • b) L’existence de moyens d’action et de contrôle réciproque entre les pouvoirs législatifs et exécutifs :

 Le régime parlementaire suppose que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif puissent se contrôler mutuellement et agir l’un sur l’autre. Le principal moyen d’action du pouvoir législatif sur l’exécutif, est constitué par la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement (généralement c’est plutôt devant la chambre parlementaire élue au suffrage universel direct). Cette responsabilité est une responsabilité collective et solidaire qui se caractérise par la démission de tous les membres du gouvernement, y compris le premier ministre. Cette responsabilité peut être engagée sur l’initiative du parlement, ou plus exceptionnellement sur l’initiative du gouvernement. Inversement, le procédé au pouvoir exécutif d’agir sur le pouvoir législatif est matérialisé par le droit de dissolution. Il s’agit ici d’une prérogative appartenant au chef de l’ État qui lui permet donc de mettre fin de manière prématurée ou anticipée, au mandat des parlementaires élus au suffrage universel direct, et de provoquer ainsi de nouvelles élections législatives. Sur un plan juridique, la dissolution est un instrument destiné à résoudre un désaccord ou une crise survenue entre le gouvernement et le parlement, faisant appel à l’arbitrage populaire par le jeu d’élections anticipées. Sur un plan politique, la dissolution est un outil de stratégie politique pouvant permettre au chef de l’ État de reconstituer ou de renforcer une majorité parlementaire conforme à sa ligne de conduite politique.

 

  • c) La mise en place de mécanismes de collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif :

 Dans le régime parlementaire, le gouvernement et le parlement sont étroitement liés, puisque le premier ne peut agir sans la confiance du second. Et dès lors, il existe nécessairement une collaboration entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui s’exprime à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les membres du gouvernement et le premier ministre, qui sont choisis parmi les parlementaires appartenant à la majorité politique. Ensuite et surtout, le pouvoir exécutif, qui participe à l’action du pouvoir législatif, et notamment à l’élaboration de la loi. Ainsi dans le cas français, le gouvernement dispose de l’initiative des lois, c’est à dire du pouvoir d’élaborer et de présenter des projets de loi au parlement, qui ensuite les discutera et les votera en assemblée.

 

B] Les différentes formes du régime parlementaire :
  • a) La distinction entre le régime parlementaire dualiste, et le régime parlementaire moniste :

 Le régime parlementaire a d’abord été organisé et pratiqué sous la forme dualiste. Le régime dualiste suppose que le gouvernement est politiquement responsable, non seulement devant le parlement, mais aussi devant le chef de l’ État. Il ne peut fonctionner de manière satisfaisante que si le chef de l’ État et la majorité parlementaire adoptent la même ligne de conduite politique, faute de quoi le gouvernement risque de se retrouver dans une position d’instabilité. Aujourd’hui, le régime parlementaire dualiste a été abandonné au profit d’un régime moniste dans lequel le gouvernement n’est politiquement responsable que devant le parlement.

 

  • b) Le régime parlementaire biparti et le régime parlementaire multiparti :

 Le régime parlementaire est celui que l’on trouve en Grande-Bretagne et dans quelques pays anglo-saxons. Sa particularité est de donner à l’un des deux partis politique en concurrence, la majorité absolue des sièges à l’assemblée élue au suffrage universel direct. Ce système offre pour avantage de réduire les risques de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale devant le parlement, tout en favorisant parallèlement, l’alternance d’une élection à une autre. Les régimes multipartis ne fonctionnent pas tous de manière identique ; certains présentent les mêmes vertus que celles d’un régime biparti (cf. Allemagne), alors que d’autres régimes connaissent des situations relativement variables. Dans certains cas, en effet, un grand parti d’opposition pourra s’associer, s’unir, avec d’autres partis minoritaires pour empêcher l’accession au pouvoir du parti vainqueur sortant. Dans ce cas-là, l’alternance sera alors possible, envisageable. A l’inverse, dans d’autres cas, le parti majoritaire ou le parti dominant va s’efforcer de coaliser d’autres partis minoritaires pour consolider sa domination et son autorité.

 

  • c) L’évolution du régime parlementaire :

 Cette évolution que connaît le régime parlementaire s’explique par l’importance des partis politiques, et elle se caractérise par un recule de certaines procédures traditionnelles. La justification du régime parlementaire résidait à l’origine dans le souci de permettre à chaque parlementaire de se prononcer selon son intime conviction, et d’assurer un équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif. Aujourd’hui, sur ces deux points, les changements survenus apparaissent considérables. En effet, les députés appartiennent à des partis sans lesquels ils ne pourraient se faire élire, et dont ils doivent suivre les consignes une fois élus. Il apparaît aujourd’hui difficile de considérer comme antagonistes le gouvernement et le parlement, dans la mesure où ces derniers appartiennent à la même coalition politique. En période de fait majoritaire, le régime parlementaire se présente comme un régime de concentration des pouvoirs au profit d’un parti, plutôt qu’un régime d’équilibre. Ensuite, il y a également le recule des procédures traditionnelles, qui se manifeste essentiellement au travers de la raréfaction des mises en jeu de la responsabilité politique du gouvernement devant l’Assemblée Nationale. Le vote de confiance ou la motion de censure, sont des mécanismes de moins en moins utilisés, alors que parallèlement, l’instabilité gouvernementale est la même. Cette situation s’explique par le fait que les crises majeurs surviennent non plus eu sein des institutions politiques elles-mêmes, mais à l’intérieur des partis ou des coalitions politiques. Aujourd’hui se sont bien souvent les décisions prises par les partis politiques à l’extérieur du système institutionnel qui sont de nature à menacer la stabilité du gouvernement. Il y a au sein du régime parlementaire une logique de partis, de plus en plus importante.

  • &2 : la séparation stricte des pouvoirs, le régime présidentiel :

 Ce type de régime est apparu avec la Constitution américaine de 1787, et il constitue la première véritable application de la théorie de la séparation des pouvoirs. Par distinction avec le régime parlementaire, le régime présidentiel repose sur une séparation rigide des pouvoirs, c’est à dire sur un mécanisme d’indépendance et d’isolement des pouvoirs.

 

A] Le caractère monocéphale du pouvoir exécutif :

 Dans tout régime présidentiel, le pouvoir exécutif est concentré dans les mains d’une seule autorité, en la personne du président. Le président exerce pleinement et exclusivement le pouvoir exécutif, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses ministres. Le président assure à la fois les fonctions de chef de l’ État, et de chef du gouvernement. Aux États-Unis par exemple, le président est chargé d’exercer le pouvoir règlementaire, en vue d’assurer la bonne application des lois ; il dirige l’administration fédérale en nommant les fonctionnaires et en mettant fin à leurs fonctions. Enfin, c’est lui qui conduit la politique internationale du pays. Le président est entouré de ministres qui sont directement choisis par lui-même, de manière discrétionnaire, c’est à dire en toute liberté, avec toute autorité. Ces ministres ne forment en aucune façon un gouvernement, c’est à dire un organisme doté de la personnalité juridique, de compétences collectives, et d’une responsabilité propre. Il s’agit de simples collaborateurs chargés d’assister le chef de l’ État dans l’exercice de ses fonctions, et de mettre en œuvre également la politique qu’il a définie.

 

B] L’indépendance réciproque du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif :

 Dans le régime présidentiel, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont indépendants l’un vis-à-vis de l’autre, et ils sont exercés de manière isolée. Cette réalité entraîne deux conséquences majeures. Tout d’abord, aucun des deux pouvoirs ne peut intervenir dans le fonctionnement de l’autre, chaque organe exerçant seul ses fonctions ; à ce titre il appartient au seul parlement de proposer, de discuter, et de voter les lois, de même que le pouvoir exécutif a seul la charge d’assurer la bonne application des lois. D’autre part, aucun pouvoir ne doit exercer de pression sur l’autre, ni même agir à son encontre. Et c’est pourquoi le président ne dispose pas du droit de dissolution à l’encontre du parlement, de même que ce dernier ne peut pas engager la responsabilité politique du président ou de ses ministres, en vue de mettre fin à leurs fonctions respectives. Le propre du régime présidentiel est que, en-dehors de la démission, le président et les membres du parlement, sont assurés de mener leurs mandats jusqu’à leur terme.

 

C] Les difficultés de fonctionnement, inhérentes à la rigidité du système :

 Le caractère rigide de la séparation des pouvoirs sur lequel repose l’organisation du régime présidentiel, est de nature à générer des difficultés de fonctionnement, qui peuvent être d’ordre institutionnel ou politique. Tout d’abord, sur le plan institutionnel, le principe même d’indépendance des pouvoirs a pour effet de priver le président de toute possibilité d’intervention dans le processus d’élaboration et d’adoption des lois. Cette réalité est assez critiquable lorsque l’on sait que le président est élu pour réaliser le programme qu’il a proposé lors de sa campagne électorale, et que finalement la réalisation de ce programme dépend avant tout de la volonté du parlement. Sur le plan politique, des crises peuvent également survenir et conduire à une paralysie du système. En effet, si le président et les membres du parlement n’appartiennent pas au même courant politique, des tensions ou des conflits peuvent alors se manifester. Le problème dans un tel cas, est qu’il n’existe aucun mécanisme ni aucune procédure permettant de mettre fin à ces conflits, comme par exemple la responsabilité politique ou la dissolution. Et donc, dans une telle situation, si les parlementaires et le président restent campés sur leurs positions respectives, c’est tout le système institutionnel qui peut se trouver bloqué.

 

D] L’inexistence de régime présidentiel pur, l’exemple des États-Unis :

 Le régime politique tel qu’il est conçu aux États-Unis, ne relève pas d’un régime présidentiel pur, en ce sens que son fonctionnement est fondé sur la règle de gouvernement des freins et contrepoids. Ici, on relèvera que, bien que séparés et indépendants les uns des autres, les trois pouvoirs peuvent interagir et se contraindre mutuellement dans un souci d’efficacité de l’action publique.

 

  • a) Les moyens d’action du président sur le Congrès :

  1) La participation indirecte du président à l’initiative législative :

C’est la pratique qui a révélé l’existence d’un rôle législatif joué par le chef de l’ État avec le droit de message présidentiel. Il s’agit d’une prérogative permettant au chef de l’ État d’orienter l’action ou le travail du Congrès, de manière indirecte. Au début de chaque année, le président adresse au Congrès un message sur l’état de l’union. Ce message est l’occasion pour le chef de l’ État, de dresser un bilan de la politique menée au cours de l’année écoulée, mais il s’apparente aussi à un véritable programme législatif dans la mesure où le chef de l’ État expose les objectifs, et les priorités à atteindre dans le cadre de l’année à venir. Ce message est d’autant plus préparé avec soin par le président, qu’il fait l’objet d’une diffusion par les voies hertziennes et audiovisuelles. Ici, les orientations et les projets exposés à la nation toute entière, permettent en pratique d’infléchir quelque peu l’action du Congrès, en traçant donc les grandes lignes à suivre. D’ailleurs, le plus souvent, les recommandations du chef de l’ État sont majoritairement suivies par le Congrès, surtout lorsque le président dispose d’une large popularité.

 

  2) Le droit de veto législatif :

 C’est un moyen d’action beaucoup plus juridique, institutionnel, qui permet au chef de l’ État de s’opposer à l’entrée en vigueur, c’est à dire à la mise en application d’une loi votée par le Congrès. Il existe deux sortes de veto présidentiel, l’un étant prévu par la Constitution, l’autre étant issu de la pratique politique. Tout d’abord, le veto expresse, qui consiste à donner dix jours au président, pour promulguer (= autoriser la mise en application de la loi), ou bien pour renvoyer au Congrès, les textes auxquels il entend s’opposer. Si le chef de l’ État décide de promulguer la loi, ou s’il n’agit pas dans le délai de dix jours fixé par la Constitution, alors la loi en question pourra entrer en application. A l’inverse, si le chef de l’ État souhaite présenter des objections ou des oppositions à la loi votée par le Congrès, cette loi devra être rediscutée, puis revotée par le Congrès, à la majorité des deux tiers des membres de chaque chambre parlementaire. Ensuite, le veto de poche, qui intervient en fin de session parlementaire, c’est à dire juste avant que les membres du Congrès n’arrêtent de se réunir. Lorsque le délai de dix jours, octroyé au président pour promulguer la loi, est toujours en vigueur, alors que la session du Congrès prend fin, la loi en question ne pourra pas être promulguée à cette occasion. La conséquence est que le Congrès devra revoter cette loi à l’ouverture de la prochaine session parlementaire.

 

  • b) Les moyens d’action du Congrès sur le président :

 1) Le pouvoir d’autorisation et d’encadrement :

 Ce pouvoir se manifeste essentiellement dans cinq domaines :

  • Le domaine budgétaire, où le président doit faire approuver par le Congrès, l’ensemble des crédits nécessaires à la mise en œuvre de son action politique (Ex : pouvoir pour le Congrès d’établir et de percevoir un impôt).
  • Le domaine des nominations aux fonctions publiques fédérales les plus importantes, qui sont effectuées par le président, et qui sont approuvées par le Sénat à la majorité simple.
  • Le domaine des révisions constitutionnelles, qui sont votées à la majorité des deux tiers des membres de chaque chambre du Congrès.
  • Le domaine des traités internationaux, qui sont négociés et signés par le chef de l’ État, et qui sont approuvés par le Sénat à la majorité des deux tiers.
  • Le domaine des actes de guerres : à la suite de la guerre du Vietnam, le Congrès a souhaité accroître son influence dans le domaine des affaires étrangères et militaires. Ici en 1973, il a fait voter une résolution sur les pouvoirs de guerre, qui définissent deux règles essentielles concernant l’envoi de troupes américaines sur des théâtres d’opérations extérieurs. Tout d’abord, en l’absence de déclaration de guerre, l’envoi de forces armées à l’étranger doit faire l’objet d’une justification présidentielle écrite, et être adressée aux présidents respectifs des deux chambres parlementaires. Ensuite, dans un délai de soixante jours, à compter de la transmission du rapport présidentiel, l’utilisation des forces armées doit cesser, à moins que d’ici là, le Congrès ait voté une déclaration de guerre, ou qu’il ait autorisé l’intervention.

 

  2) Le pouvoir de surveillance :

 Ici, ce pouvoir est exercé par le Congrès, principalement par l’intermédiaire de ses commissions permanentes, qui siègent sans interruption, qui sont ouvertes au public, et qui ont un très large pouvoir d’investigation. Ce pouvoir d’investigation est quasi illimité, et il s’exerce dans les matières les plus diverses (affaires militaires, fonctionnement des services publics, espionnage, sécurité nationale, ou encore la criminalité). Ces commissions d’enquête sont relativement critiquées au États-Unis, en raison de leur degré élevé d’indiscrétion, en raison aussi de leur très grande politisation, et donc quelque part en l’absence d’impartialité et de neutralité de leur part.

 

  • c) La procédure d’empêchement :

 Cette procédure va permettre au Congrès de procéder à la destitution du président, du vice-président, et de tous les fonctionnaires civils, ou de tous les juges fédéraux, non pas pour des motifs d’ordre politique, mais pour des raisons tenant à des violations graves de la légalité, ou à des abus de droit. Tous les crimes contre la chose publique, ou encore les délits d’une particulière gravité, sont notamment visés. Cette procédure comporte trois étapes, trois phases. Tout d’abord, la chambre des représentants prend l’initiative des poursuites, et pour cela, il suffit que l’un de ses membres dépose une proposition d’empêchement qui va être transmise à la commission des affaires judiciaires. Ensuite, cette commission vote une résolution indiquant s’il y a lieu ou non d’engager une enquête. Si tel est le cas, elle procède à un certain nombre d’auditions, en vue de se prononcer sur une éventuelle résolution d’empêchement. Si cette résolution est votée, alors la chambre des représentants vote la mise en accusation à la majorité simple, puis elle saisit le Sénat. Enfin, une fois saisi, le Sénat se transforme en haute cour de justice, et il se prononce après avoir entendu l’accusation, la défense, et les témoins. Et donc, si la condamnation est votée à la majorité des deux tiers des sénateurs, la personne accusée est destituée de ses fonctions.

 

 

PARTIE II : L’histoire constitutionnelle française :

 Les origines du droit constitutionnel remontent, en France, bien avant 1789, mais la Révolution française est souvent présentée comme point de départ, en raison du bouleversement qu’elle a opéré avec l’abolition de la monarchie absolue. Pendant près d’un siècle, la France aura beaucoup de mal à définir un régime politique adapté aux idéaux révolutionnaires, connaissant ainsi une longue période d’instabilité de ses institutions politiques. Et ce n’est finalement qu’à partir de 1875 qu’elle connaîtra une phase moins perturbée, durant laquelle on assistera à un véritable enracinement de la République au sein du paysage politique français.

 

Titre 1 : l’instabilité chronique des institutions politiques françaises (1789-1875) :

 Au lendemain de la Révolution, débute pour la France, la délicate entreprise de former un régime politique reposant sur les idées de liberté et d’égalité, chers aux révolutionnaires. Le bilan c’est qu’il en résultera une succession de régimes politiques, dans l’ensemble relativement éphémères et instables, les premiers correspondants plutôt à la période révolutionnaire proprement dite, les autres s’inscrivant dans une période dans laquelle on assiste à une montée progressive du libéralisme.

 

Ch.1 : la période révolutionnaire (1789-1814) :

 On peut dire que cette période est une période particulièrement troublée, durant laquelle la France fait l’apprentissage difficile de la démocratie, ce qui la conduira parfois à dériver sur des régimes fondés sur le pouvoir personnel.

Section 1 : le difficile apprentissage de la démocratie (1791-1799) :

 Durant des années suivant la Révolution, la France connaît trois régimes successifs qui sont autant d’échecs dans la construction d’une véritable démocratie.

 

  • &1 : l’échec de la Constitution royale des 3 et 14 septembre 1791 :

 Cette Constitution est entièrement fondée sur le principe de la souveraineté nationale. Mais cependant, un nombre réduit de citoyens, appelés citoyens actifs, est appelé à exprimer la volonté de la nation par l’élection de ses représentants. Le suffrage mis en place est un suffrage censitaire, réservé aux citoyens d’au moins vingt-cinq ans, et payant une contribution équivalente à trois journées de travail. Le suffrage est également indirect, puisque les citoyens actifs élisent des électeurs du second degré, qui désignent ensuite les parlementaires. La Constitution de 1791 organise une séparation stricte des pouvoirs, avec d’un côté, le corps législatif, et de l’autre, le roi. Le corps législatif est une assemblée unique, composée de soixante-quatorze membres, élus pour deux ans. Cette assemblée peut se réunir de plein droit, et ne peut être ajournée que sur sa seule décision. Ses pouvoirs sont particulièrement étendus puisque le corps législatif peut proposer et adopter les lois. De plus, il dispose de la plénitude des pouvoirs financiers, et il fixe le régime d’émission de la monnaie nationale. Enfin, ils dirigent le recrutement des troupes armées, ils décident la guerre, ils jugent les ministres, et ils ratifient les traités internationaux. Le roi quant à lui, est toujours désigné de manière héréditaire, mais il porte désormais le titre de roi des français. Ses pouvoirs ont été considérablement réduits par la Constitution de 1791, ils se limitent à l’accréditation des agents diplomatiques, la négociation des traités, l’administration du royaume, et surtout, l’exercice du pouvoir exécutif, avec la particularité de ne pas avoir le pouvoir règlementaire. Le roi nomme et révoque les ministres, et il dispose d’un veto législatif de nature suspensive, c’est-à-dire qu’il peut faire suspendre l’application d’une loi votée par le corps législatif. Les rapports entre les deux organes constitutionnels sont nettement à l’avantage du corps législatif, malgré le principe d’une séparation stricte des pouvoirs. Les ministres et le roi sont politiquement irresponsables, et le roi ne peut dissoudre le corps législatif. Cependant, l’assemblée parlementaire peut atteindre le roi de diverses manières, notamment par la responsabilité pénale des ministres, ou encore par l’action directe sur le roi (= procédure de destitution).

  • &2 : l’établissement d’une dictature conventionnelle (1792-1795) :

 Le point de départ est ici la journée parisienne du 10 août 1792, après laquelle un conseil exécutif provisoire composé de six membres est formé. Il s’agit ici d’un gouvernement de pur fait, qui conduira à l’abolition de la royauté, le 21 septembre 1792, et qui donnera naissance à la convention, qui s’étendra jusqu’au 6 avril 1793. Cette période est marquée par deux faits majeurs. Tout d’abord, l’échec de la Constitution girondine, présentée par Condorcet, le 6 février 1793, qui prévoyait l’institution d’une chambre législative unique au côté d’un conseil exécutif de la République, élu au suffrage universel direct. Ensuite, l’adoption, l’édiction de mesures nouvelles, tendant à renforcer la dictature conventionnelle, notamment sous l’appellation des mesures de terreur. La convention dispose de tous les pouvoirs, et elle en confie l’exercice à de nombreux comités (21), chacun d’entre eux étant chargé de contrôler un secteur de l’activité exécutive. Dans la réalité, deux comités concentrent l’essentiel du pouvoir, avec le comité de sûreté générale, et surtout, le comité de salut public, qui va progressivement mettre la main sur tous les rouages de l’ État, jusqu’à détenir les pouvoirs législatifs, exécutifs, et judiciaires. Au-delà de ces comités, la dictature est dominée par un parti unique, voire par un seul homme, en la personne de Robespierre. Le 24 juin 1793, est élaborée la Constitution montagnarde, qui ne sera jamais appliquée. C’est une Constitution très, voire trop démocratique, qui institue le suffrage universel masculin direct, pour les élections législatives, et qui fait une très large place à la démocratie semi directe, car reposant sur le principe de la souveraineté populaire. Le crops législatif désigne les 24 membres qui composaient le conseil exécutif donc le pouvoir exécutif. Le peuple peut s’exprimer par referendum et peut juger de la responsabilité des fonctionnaires. Du mois d’avril au mois de juillet 1794, on assiste au paroxysme de la dictature exercée par Robespierre, puisque la commune de Paris est à son entière dévotion, et la convention n’est plus qu’une chambre d’enregistrement. Robespierre fait procéder à de nombreuses épurations au sein des montagnards, et il instaure une période de terreur de tout ordre. Toutefois, cette dictature ne résistera pas à la réaction des thermidoriens, hostiles à son régime, et qui font procéder à son exécution le 28 juillet 1794. S’ensuivra une période d’attente et d’incertitude de quinze mois, qui débouchera sur l’institution du directoire.

 

  • &3 : les dysfonctionnements du directoire (26 août 1795 – 9 novembre 1799) :

 Le 26 août 1795, une nouvelle Constitution élabore le directoire, dont le principal souci, est d’éviter le retour à la dictature. Le suffrage applicable ici est un suffrage indirect et censitaire. Tout d’abord, le pouvoir exécutif est confié à un organe collégial, le directoire, composé de cinq membres (directeurs), âgés d’au moins quarante ans, et nommés par le conseil des anciens, sur une liste présentée par le conseil des cinq cent. Le directoire est renouvelable par cinquième chaque année, et chacun des directeurs préside le directoire à tour de rôle. Cet organe possède des pouvoirs très étendus, avec le maintien de la sécurité intérieure et extérieure de la France, le pouvoir règlementaire d’application des lois, la direction de l’armée, et la nomination et la révocation des ministres. Le pouvoir législatif quant à lui, appartient à un corps législatif, composé de deux chambres parlementaires (bicamérisme), avec d’un côté, le conseil des anciens (deux cent cinquante membres d’au moins quarante ans), et de l’autre, le conseil des cinq cent (cinq cent membres âgés d’au moins trente ans). Ces deux chambres sont renouvelées par tiers chaque année, et elles possèdent l’exclusivité du pouvoir législatif, avec une séparation toutefois des fonctions législatives entre les deux chambres. Le conseil des cinq cent proposait des lois, il avait l’initiative législative, et le conseil des anciens discutait et votait la loi. Le régime du directoire est fondé sur une séparation stricte des pouvoirs, ce qui implique qu’il n’y avait aucun moyen de procédure d’action et de contrôle entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Ce régime fonctionnera très mal en raison notamment, du problème relatif au renouvellement des membres du directoire, et des membres des conseils. En effet, avant de se séparer, la convention (= régime précédent), avait décidé que les deux tiers de ses membres figureraient dans les assemblées parlementaires de la Constitution du directoire. Ces membres sont des thermidoriens, mais aux élections suivantes, ce sont leurs opposants qui sont élus. Les thermidoriens décident alors de faire un coup d’ État pour conserver le pouvoir, mais l’année suivante, c’est une majorité d’hommes politiques hostiles au directoire qui est élue. Un nouveau coup d’ État est effectué en avril 1798, et en 1799, ce sont à nouveau les mêmes hommes de gauche qui l’emportent aux élections. Ces derniers réussissent à faire un contrecoup d’ État, le 18 juin 1799, en imposant le renouvellement de quatre directeurs sur cinq. Cet événement favorisera le coup d’ État réalisé par Bonaparte le 9 novembre 1799, qui marquera la fin du régime du directoire.

 

Section 2 : l’inéluctable dérive vers le pouvoir personnel (1799-1814) :

 Une fois au pouvoir suite à son coup d’État, Bonaparte va renforcer son autorité en deux étapes successives.

 

  • &1 : l’institution du Consulat (13 décembre 1799 – 18 mai 1804) :

 Le 13 décembre 1799, une nouvelle Constitution voit le jour (= Constitution de l’an 8), adoptée par référendum. L’ensemble du texte s’inspire de deux formules, avec Sieyès et Cambacérès ; « la confiance vient d’en bas, le pouvoir vient d’en haut », et « si pour délibérer il faut être plusieurs, pour agir il faut être seul ». Le suffrage universel masculin est adopté, puisque le droit de vote est confié à tous les hommes français d’au moins vingt-et-un ans. Le suffrage reste indirect, puisque les électeurs sont chargés de désigner un dixième d’entre eux pour figurer sur des listes de confiance communale. La même opération est ensuite renouvelée pour établir des listes départementales, puis une liste nationale, eu sein desquelles les tribuns et les consuls seront choisis par les membre du Sénat. Le pouvoir législatif est complètement affaibli et dispersé par la Constitution de l’an 8. Au sommet, on trouve le Sénat, dont les membres sont recrutés par cooptation. Le Sénat désigne les hauts dignitaires de l’ État, et il juge la constitutionnalité des lois. Le pouvoir législatif proprement dit est divisé en deux chambres. Tout d’abord, le tribunat (cent membres d’au moins vingt-huit ans) qui est chargé de discuter les projets de loi préparés par le conseil d’ État, sans pouvoir toutefois les voter. De même, il est compétent pour déférer au Sénat, les actes du corps législatif, et ceux du gouvernement. Cependant, cette chambre n’a que peu de pouvoir et de poids, car elle ne dispose d’aucune prérogative décisionnelle. Ensuite, on a le corps législatif (trois cent membres d’au moins trente ans), qui écoute les débats se déroulant entre les membres du tribunat, puis, il vote les lois sans les discuter. Le pouvoir exécutif est composé de trois consuls, élus pour dix ans, et rééligibles de manière indéfinie. Bonaparte est le premier consul, et il est assisté de Cambacérès et de Lebrun. Ils forment à eux trois, le triumvirat, qui est politiquement irresponsable devant les assemblées représentant le pouvoir législatif. Les trois consuls ne sont pas sur un pied d’égalité, dans la mesure où ils ne détiennent pas le pouvoir de manière indivisible. Seul le premier consul promulgue les lois, nomme et révoque les membres du conseil d’ État, les ministres, les ambassadeurs, les officiers militaires, et les magistrats. Le triumvirat possède les prérogatives habituelles d’un chef d’ État, avec l’initiative législative, le pouvoir règlementaire, l’exécution du budget de l’ État, la sécurité de la République, et les relations diplomatiques. Pour assurer toutes ces fonctions, il est assisté des ministres, qui sont chargés de l’exécution des lois et des règlements, et le conseil d’ État, qui rédige les projets de loi, qui défend ces projets devant le tribunat, et qui a également une fonction juridictionnelle, puisqu’il est chargé de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative. L’application de ce régime conduira à l’exercice d’un pouvoir sans partage, au profit du premier consul Bonaparte, dont l’autorité est renforcée par de nombreux succès militaires. Un Sénatus Consulte du 4 août 1802, transformera son consulat décennal, en consulat à vie. Lui seul exerce la réalité du pouvoir, et les deux autres consuls n’apparaissent que comme des exécutants de sa volonté. Ici, le consulat aboutira rapidement à un complet déséquilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, et au sein du pouvoir exécutif lui-même. Ce déséquilibre est d’autant plus apparent que le premier consul dispose indirectement du pouvoir de dissoudre le corps législatif et le tribunat, dans la mesure où cette faculté appartient au Sénat, qui est entièrement à la solde du premier consul. Cette omnipotence du premier consul, débouchera sur l’instauration du premier Empire.

 

  • &2 : le Premier Empire (18 mai 1804 – 20 avril 1814) :

 La Constitution du 18 mai 1804 matérialise véritablement les ambitions monarchistes de Bonaparte, qui est fortement contesté par les anciens jacobins, et par les thermidoriens. Cette Constitution institue un Empire héréditaire, qui selon Bonaparte, permettra de sauvegarder l’acquis révolutionnaire. Ici, l’empereur est placé au centre des institutions politiques, et il concentre la réalité des pouvoirs. L’autorité de la loi cède le pas à celle de l’empereur, plébiscité par le peuple. On se déplace donc d’un État de droit vers une dictature du pouvoir personnel, l’objectif du régime étant de déposséder la nation de sa souveraineté. Le pouvoir législatif quant à lui, ne change pas de physionomie, puisqu’il reste composé du Sénat, du corps législatif, et du tribunat qui sera supprimé en 1807. Le conseil d’ État bascule quant à lui, complètement dans le camp de l’exécutif, même s’il reste avant tout un organe technique. L’organisation judiciaire est complètement repensée, dans une structure très proche de celle d’aujourd’hui, avec la cour de cassation, des cours d’appel, et des procureurs généraux. Enfin, une haute cour impériale est chargée de juger les crimes et les délits contre la chose publique, ainsi que les hauts dignitaires de l’ État. Le 2 décembre 1804, Napoléon est sacré empereur à Notre-Dame, et la politique qu’il va mener comporte essentiellement trois volets. La campagne militaire, la situation économique, et enfin, l’œuvre administrative (le renforcement de la centralisation et de la déconcentration). L’Empire connaîtra de grandes victoires (Austerlitz, Lena), mais la soif de conquête toujours plus grande de Napoléon, le conduira aussi à de lourdes désillusions, avec les défaites de Borodino et de Waterloo. Cet effondrement militaire aura pour effet de précipiter la chute de l’Empire, et le retour de la monarchie.

 

Ch.2 : la montée progressive du libéralisme (1814-1875) :

Section 1 : l’émergence du libéralisme (1814-1848) :

Après la chute de l’Empire, les monarchistes vont reprendre le pouvoir avec les Bourbon, et notamment Louis XVIII, qui vont donner naissance au régime de la restauration. Toutefois, cette libéralisation ne sera que partielle sous la monarchie de juillet, ce qui causera la chute définitive de la monarchie française, et conduira la France vers la République.

  • &1 : la restauration (4 juin 1814 – 27 juillet 1830) :

 La déchéance de Napoléon est prononcée le 2 avril 1814 par le Sénat, et le 3 avril par le corps législatif ; l’empereur abdiquant le 6 avril. De 1814 à 1815, deux régimes éphémères voient le jour. Tout d’abord, la Constitution sénatoriale du 6 avril 1814, dont l’idée consiste à rétablir la souveraineté nationale, et à instaurer une monarchie constitutionnelle. Cette Constitution ne s’appliquera que l’espace d’un mois à cause de Louis XVIII, qui déclarera le 2 mai 1814, que sa légitimité n’est pas populaire, mais de droit divin. Ensuite, après son abdication, Napoléon est emmené à l’île d’Elbe en 1814, mais il parvient à s’enfuir et à rentrer à Paris, le 20 mars 1815. Il confit alors au libéral Benjamin Constant, le soin de rédiger un acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, afin de prolonger celui-ci. Il sera promulgué le 22 avril 1815. Ici, une nouvelle Constitution est approuvée par plébiscite le premier juin 1815, mais elle ne sera appliquée que durant trois semaines, Napoléon abdiquant de manière définitive, le 22 juin de la même année. Le 4 juin 1814, un mois après le retour de Louis XVIII à Paris, est promulguée une charte qui marque un net retour à l’ancien régime, tout en réaffirmant cependant certains droits proclamés en 1789 (comme notamment l’égalité devant la loi, devant l’impôt, dans l’accès aux emplois publics, la liberté d’opinion, de culte, ou encore d’expression). Il s’agit d’une charte dite octroyée, c’est-à-dire que le roi détient seul le pouvoir constituant, et ne tire pas ses prérogatives du peuple. Selon le texte et l’esprit de la charte, le roi est l’autorité constitutionnelle la plus importante. Il est le titulaire exclusif de la fonction exécutive, le chef suprême de l’ État, et il possède tous les pouvoirs ordinairement reconnus aux souverains de l’ancien régime. Le roi porte à nouveau le titre de roi de France, et non plus de roi des français, et sa personne est inviolable et sacrée (Article 13 de la charte). Le roi est le commandant en chef des forces armées, il conduit les relations diplomatiques de la France en signant les traités internationaux, et il nomme à tous les emplois publics. De même, il possède le pouvoir règlementaire d’exécution des lois, il peut dissoudre la chambre des députés, et il possède le droit de faire grâce. Enfin, il partage l’initiative des lois avec la chambre des députés, et il dispose d’un veto législatif absolu qui lui permet de repousser toute loi votée par le parlement. Il est assisté de ministres qui peuvent être entendus lorsqu’ils le demandent, et qui ne sont en réalité que de simples exécutants de la volonté du roi. La charte institue un parlement bicaméral. D’un côté, la chambre des paires, qui comprend des membres nommés à vie par le roi, et dont le nombre est illimité. D’autre part, la chambre des députés qui est composée de trois cent quatre-vingt-quinze membres, élus pour cinq ans au suffrage censitaire, et renouvelée par cinquième tous les ans. Les membres des deux chambres disposent de l’immunité parlementaire, et du droit d’être jugés par leurs paires. De plus, les chambres se réunissent sur convocation du roi, et elles n’ont qu’un pouvoir législatif partiel, qui consiste dans la délibération et le vote de la loi. Leur faculté d’amender la loi ne peut être mise en œuvre qu’avec l’accord expresse du roi, la chambre des députés disposant d’une priorité dans l’examen des budgets financiers. Malgré des prérogatives très limitées, les chambres parlementaires vont progressivement conquérir le contrôle de l’action gouvernementale par le jeu de l’Adresse, qui leur permettait d’interpeller directement le roi et ses ministres. Egalement, à l’occasion du vote des lois, les chambres n’hésiteront pas à exercer des pressions sur le gouvernement, de sorte que s’installera de manière coutumière une quasi responsabilité politique des ministres. Enfin, dans le même ordre d’idée, le roi ne sera jamais le monarque absolu que définissaient la lettre et l’esprit de la charte. Ainsi Louis XVIII laissera le plus souvent ses ministres agir à sa place, s’en tenant le plus souvent au respect de l’étiquette, et faisant plutôt preuve de prudence et de sagesse. Cependant, l’intransigeance de son successeur au trône, en la personne de Charles X, causera la chute du régime à la fin du mois de juillet 1830.

 

  • &2 : la monarchie de juillet (14 août 1830 – 24 février 1848) :

 En août 1829, le successeur de Louis XVIII, Charles X, connaît une sévère critique de la part de l’opposition parlementaire, avec une Adresse du 2 mars 1830, particulièrement dur à l’égard du pouvoir exécutif. Charles X prononce alors la dissolution de la chambre des députés, mais les élections de juin et juillet 1830 renforcent encore plus l’opposition à l’égard de son gouvernement. Le roi prend alors quatre mesures de salut public par voie d’ordonnance (suspension de la liberté de presse, nouvelle dissolution, réforme du système censitaire, et convocation des collèges électoraux). Les 27, 28, et 29 juillet 1830, l’insurrection éclate, et Charles X abdique le 2 août. Le 7 août, la vacance du trône est constatée par les deux chambres parlementaires, qui y placent Louis-Philippe d’Orléans, puis qui vont adopter la charte constitutionnelle qui va être publiée le 14 août 1830. Le roi redevient roi des français, c’est-à-dire qu’il tire son pouvoir du peuple. Il reste le détenteur exclusif du pouvoir exécutif, et le chef suprême de l’ État et des armées. En revanche, il perd son pouvoir de suspendre l’application des lois, mais il partage toujours la fonction législative avec les chambres parlementaires. Cependant, il n’a plus l’exclusivité de l’initiative législative. Le roi conserve son droit de veto, mais en pratique, celui-ci deviendra rapidement inoffensif. Enfin, il a toujours le pouvoir de convoquer les assemblées et de dissoudre la chambre des députés. Le fonctionnement de ce régime sera révélateur d’une forte tendance du système à se rapprocher d’un régime parlementaire équilibré. En effet, Louis Philippe n’hésitera pas à utiliser abondamment l’arme de la dissolution. Généralement, les dissolutions prononcées seront justifiées par la nécessité de résoudre une crise politique, et le plus souvent, ce sera le ministère qui déterminera le roi à user de cette prérogative. Par ailleurs, si la charte de 1830 ne consacre pas de responsabilité politique des ministres, celle-ci s’instaurera néanmoins dans les faits, avec la technique de l’interpellation, qui est un procédé déguisé, de contrôle de l’action gouvernementale. Ce régime assez équilibré, aurait pu durer plus longtemps sans l’intransigeance du roi et de son ministre Guizot. Des troubles éclatent le 22 février 1848, et des barricades surgissent dans Paris. Le ministre Guizot est renvoyé, mais la situation demeure inchangée, et devant l’impossibilité de constituer un nouveau gouvernement, Louis Philippe décide d’abdiquer, en faveur de son petit-fils, le Comte de Paris. La fin de la monarchie de juillet marque de manière définitive, la chute de la monarchie française.

 

Section 2 : l’affirmation du libéralisme (1848-1875) :

  • &1 : la IIe République (25 février 1848 – 7 novembre 1852) :

 Une fois la seconde République proclamée, un gouvernement provisoire se forme, avec pour mission de principale d’élaborer une nouvelle Constitution. Par un décret du 5 mars 1848, le suffrage universel masculin est rétabli, et ne sera plus jamais remis en cause. Le 23 avril, une assemblée constituante est élue, composée essentiellement de républicains modérés, et le 4 septembre suivant, un projet de Constitution est mis en discussion devant l’assemblée, puis adopté le 4 novembre 1848. Cette nouvelle Constitution réaffirme les droits des citoyens, tout en en proclamant de nouveaux, notamment à caractère économique et social. Sont ainsi protégés par la Constitution, la liberté d’instruction, le droit à subside en cas de nécessité, le principe de la légalité des délits et des peines, la violabilité du domicile, la prohibition de l’esclavage, la liberté de religion, d’association, d’enseignement, de la presse, le droit de propriété, et l’égalité entre les citoyens. Enfin, la Constitution de 1848 complète la formule républicaine en faisant référence à la fraternité. S’agissant de l’organisation institutionnelle et politique, cette Constitution est très largement inspirée de la Constitution américaine de 1787. Elle opère ainsi une séparation stricte des pouvoirs législatifs et exécutifs. Le pouvoir législatif est représenté par une assemblée unique, appelée l’assemblée nationale, qui est élue pour trois ans, et qui est intégralement renouvelable. Elle est composée de sept cent cinquante parlementaires, élus au suffrage universel direct. Ces pouvoirs résident dans la proposition, la discussion, et le vote des projets de loi. Par ailleurs, on trouve le conseil d’ État, qui n’est pas une seconde chambre parlementaire, mais simplement un organe du pouvoir législatif qui chargé d’examiner les projets de loi d’origine gouvernementale, et de délibérer sur ceux d’origine parlementaire. Le pouvoir exécutif est incarné par le Président de la République qui est élu pour quatre ans, et qui n’est pas immédiatement rééligible. Le Président de la République dispose de la plénitude du pouvoir exécutif, mais aussi de prérogatives d’ordre législatif. Il dispose de l’initiative législative au travers de projets de loi, qu’il dépose devant l’assemblée nationale. Sur le plan exécutif, il dispose du pouvoir règlementaire, de la force armée, il négocie et ratifie les traités internationaux avec l’accord de l’assemblée nationale, et il promulgue les lois. Egalement, le chef de l’ État peut demander une nouvelle délibération des lois votées par l’assemblée nationale, lorsqu’il le juge nécessaire. Le Président de la République est entouré d’un vice Président de la République, nommé par l’assemblée nationale, sur une liste de trois candidats présentés par le chef de l’ État. Enfin, les ministres sont quant à eux des auxiliaires du pouvoir exécutif, ils sont nommés et révoqués par le Président de la République, mais comme ce dernier, ils ne sont pas politiquement responsables devant l’assemblée nationale, qui ne peut donc pas les démettre de leurs fonctions.

 

  • &2 : le second Empire (14 janvier 1852 – 4 septembre 1870) :

 La Constitution du 14 janvier 1852 est précédée d’une proclamation, dans laquelle Louis Napoléon réaffirme la filiation entre le régime qu’il crée, et celui de la Constitution de l’an 8. Cette Constitution établit un Président de la République élu au suffrage universel pour dix ans, qui dispose de l’intégralité du pouvoir exécutif (= pouvoir règlementaire et diplomatique) et de certaines prérogatives en matière législative (= l’initiative exclusive de la loi, et le droit de veto législatif). Les ministres sont politiquement responsables devant le président. Le pouvoir législatif quant à lui, est organisé de manière bicamérale, avec le Sénat et le corps législatif. Le Sénat est chargé de vérifier la constitutionnalité des lois votées par le corps législatif, et peut aussi proposer des révisons constitutionnelles. Le corps législatif, élu pour six ans au suffrage universel direct, discute et vote les lois, mais il reste à la merci du chef de l’ État, qui peut à tout moment prononcer sa dissolution. Le 7 novembre 1852, un Sénatus Consulte rétablit l’Empire, suivant un schéma assez proche de 1804. Louis Napoléon Bonaparte devient alors Napoléon III, et de 1852 à 1861, de nombreux textes sont adoptés afin de consolider l’Empire, et parallèlement, certaines dispositions viendront introduire des éléments de libéralisation de l’Empire. Trois mesures importantes furent adoptées : tout d’abord, un Sénatus Consulte du 2 février 1861, rend obligatoire la transcription des débats parlementaires au Journal Officiel, en vue d’assurer la publicité des débats. Ensuite, le Sénatus Consulte du 8 septembre 1869, qui va accentuer l’orientation parlementaire de l’ État. Ainsi, le corps législatif partage l’initiative de la loi avec le chef de l’ État, et il se voit reconnaître le droit d’amendement. De plus, le Sénat se voit offrir la possibilité d’interpeller les ministres, qui disposent d’un droit d’entrée et de parole au sein du corps législatif. Enfin, le Sénatus Consulte du 21 mai 1870, qui est le plus remarquable car il constitue à lui tout seul, une nouvelle Constitution. Ce texte transforme le Sénat en une véritable chambre législative, qui ne possède plus le pouvoir constituant. Egalement, les ministres sont désormais politiquement responsables devant le corps législatif. Cependant, la défaite militaire de l’Empire à Sedan, le 4 septembre 1870, entraîne l’effondrement de l’Empire, empêchant ainsi Napoléon III d’aller plus loin dans la politique de libéralisation. La période suivante marquera l’avènement d’une nouvelle République.

 

Titre 2 : L’enracinement de la République (1875-1958) :

 Après la chute du second Empire, la France ne connaîtra plus de régime monarchiste ou dictatorial (hormis le gouvernement de Vichy).

 

Ch.1 : la IIIe République (1875-1940) :

Section 1 : la mise en place difficile de la IIIe République (1870-1875) :

 L’instauration de la IIIe République connaîtra trois périodes distinctes, plus ou moins troublées. Après l’organisation provisoire des pouvoirs publics, suite à la chute du second Empire, plusieurs lois constitutionnelles définissant les fondements du nouveau régime, seront votées, avant que la France ne connaisse une crise politique majeure, le 16 mai 1877.

 

  • &1 : l’organisation provisoire des pouvoirs publics (1870-1875) :

 Après la défaite de Sedan, un gouvernement révolutionnaire provisoire (= le gouvernement de la défense nationale) s’installe, sous la présidence du Général Trochu, et qui proclame la République. La convention d’armistice est signée le 28 janvier 1871, signée par une assemblée spécialement élue pour assurer le rétablissement de la paix. Cette assemblée proclame la déchéance de Napoléon III avec le pacte de Bordeaux, du 10 mars 1871, puis elle va placer à la tête de l’ État, tout à tour, deux personnalités.

 

A] Le gouvernement Thiers (17 février 1871 – 24 mai 1873) :

 Thiers va être investi dans les fonctions de chef du pouvoir exécutif, par l’assemblée de Bordeaux du 17 février 1871. Le régime établi est un régime d’assemblée, c’est-à-dire que le chef du pouvoir exécutif est entièrement soumis à l’assemblée parlementaire. Dès ses débuts, Thiers doit faire face à la commune de Paris, qui est en fait un mouvement insurrectionnel, visant à établir un pouvoir ouvrier. Des milliers d’exécutions auront alors lieu, au cours de la « semaine sanglante » (du 22 au 28 mai 1871). Le 31 août 1871, est votée la Constitution Rivet, qui proclame Thiers Président de la République à titre provisoire. Celui-ci demeure responsable devant l’assemblée, et il partage cette responsabilité avec les ministres. Ici, l’influence et l’ascendant de Thiers devenant de plus en plus importants, de violentes oppositions vont être déclenchées par les royalistes, qui craignent une pérennisation des institutions républicaines. Conséquence directe, une loi du 13 mars 1873 interdit au Président de la République de participer aux débats de l’assemblée, et elle lui retire aussi la possibilité de s’occuper de la politique intérieure. Aux élections partielles d’avril, un candidat de gauche est élu, contre le candidat de Thiers, et les 19 et 23 mai, s’ouvre un débat d’interpellation, à propos d’un projet de Constitution républicaine soutenu par Thiers. Le projet étant rejeté, Thiers présente sa démission.

 

B] Les débuts de la présidence du Maréchal Mac Mahon (24 mai 1873 – 16 juillet 1875) :

 Le jour de la chute de Thiers, le Maréchal Mac Mahon est élu Président de la République par l’assemblée. Dans un premier temps, la fonction présidentielle est consolidée par deux textes successifs. D’une part, la loi du 20 novembre 1873, qui prévoit que le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au Maréchal Mac Mahon. Cette loi qui porte le mandat présidentiel à sept ans, aura pour effet de rendre le chef de l’ État politiquement irresponsable devant l’assemblée. La durée de ce mandat satisfait aussi bien les républicains qui voient ici un délai suffisant pour consolider le régime républicain, que les monarchistes, qui ne désespèrent pas de voir revenir la monarchie. D’autre part, l’amendement Wallon, du 30 janvier 1875, qui prévoit que le Président de la République est élu par le Sénat et la chambre des députés, qui sont donc les deux chambres parlementaires, réunies en assemblée nationale. Cet amendement adopte une définition impersonnelle de la fonction présidentielle, en dissociant la présidence de la personne qui y est élue. Cet amendement entend assurer la pérennité de la fonction présidentielle et du régime républicain. Ce texte trouvera d’ailleurs des prolongements concrets avec les lois constitutionnelles de 1875.

 

  • &2 : les lois constitutionnelles de 1875 :

 1875 est une année importante pour la IIIe République, puisque trois lois constitutionnelles seront successivement adoptées. L’une du 24 février sur le Sénat, l’une du 25 février sur l’organisation des pouvoirs publics, et enfin une du 16 juillet sur les rapports entre les pouvoirs publics. Le pouvoir exécutif est confié à un Président de la République et à des ministres. Le chef de l’ État est élu pour sept ans, par les deux chambres parlementaires réunies en assemblée nationale. De plus, le Président de la République est indéfiniment rééligible, et politiquement irresponsable devant les deux chambres parlementaires. Le chef de l’ État dispose du pouvoir règlementaire d’exécution des lois, de la nomination et la révocation des ministres et des hauts fonctionnaires de l’ État, du commandement de l’armée, et de la signature des traités. Par ailleurs, il participe à la fonction législative en partageant l’initiative des lois avec les parlementaires, et en ayant aussi la possibilité de demander une nouvelle délibération de la loi. Surtout, le Président de la République peut dissoudre la chambre des députés sur avis conforme du Sénat. Enfin, le chef de l’ État promulgue les lois, il peut convoquer les chambres parlementaires en session extraordinaire, ainsi que les ajourner pour une durée maximale d’un mois. Les ministres quant à eux, sont nommés et révoqués directement par le Président de la République, et ils ont la possibilité de prendre part aux séances des deux chambres parlementaires, et d’intervenir à cette occasion. Les ministres forment un véritable gouvernement, avec le conseil des ministres qui est responsable politiquement de manière solidaire et collective, devant l’assemblée nationale. Les ministres sont chargés de contresigner les actes du Président de la République, et de cette manière, ils exercent indirectement un contrôle sur l’action politique du chef de l’ État. Le pouvoir législatif est toujours représenté par deux chambres : le Sénat, qui compte trois cent membres âgés d’au moins quarante ans, dont deux cent soixante-quinze sont élus pour neuf ans à la majorité absolu selon le suffrage universel masculin indirect. Les vingt-cinq autres étaient élus selon un scrutin libre, par les membres de l’assemblée nationale. La chambre des députés est élue au suffrage universel direct, mais les lois constitutionnelles de 1875 sont demeurées muettes sur le nombre de députés et sur la durée de leur mandat. Une loi du 30 novembre 1875 fixera la durée de ce mandat à quatre ans, le mandat étant renouvelable. Les deux chambres possèdent en commun le pouvoir législatif, dont notamment l’initiative des lois, mais la chambre des députés dispose d’une priorité dans l’examen et le vote des lois de finance. Les deux chambres sont sur un pied d’égalité pour ce qui est du pouvoir constituant. Aussi, elles donnent autorisation au chef de l’ État pour ratifier certaines catégories de traités, ou pour déclarer la guerre à une nation étrangère. Le parlement participe aussi à l’exercice du pouvoir judiciaire, notamment en matière de responsabilité pénale du chef de l’ État, des ministres, et des hauts fonctionnaires de l’ État.

 

  • &3 : la crise du 16 mai 1877 :

 Les lois constitutionnelles de 1875 établissent un régime parlementaire, dans l’ensemble bien équilibré, que ce soit entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, ou au sein des pouvoirs. Ce régime est néanmoins de type orléaniste, compte tenu de la prédominance du Président de la République dans le système institutionnel et politique. Par ailleurs, le gros problème du régime, réside dans la composition respective des deux chambres parlementaires, le Sénat étant dominé par les conservateurs, et la chambre des députés par les républicains. Dans de telles conditions, les crises et les conflits sont relativement fréquents. Suite aux élections parlementaires, Mac Mahon désigne comme président du conseil des ministres, un homme de centre-gauche en la personne de Jules Dufaure, puis, en décembre 1876, un républicain modéré avec Jules Simon. Le 16 mai 1877, le Président de la République adresse une lettre par laquelle il manifeste publiquement sa désapprobation envers la politique menée par le président du conseil des ministres. Ce dernier démissionne, et est remplacé par le Duc Albert de Broglie, au moment même où les deux chambres parlementaires sont ajournées jusqu’au 16 juin suivant. Les parlementaires vont contester cette décision qu’ils jugent comme un coup de force de la part du chef de l’ État. Lorsqu’ils sont de nouveau réunis en chambre, les parlementaires votent un ordre du jour, à la chambre des députés, par lequel il est déclaré que « le ministère n’a pas la confiance des représentants de la nation ». Le 25 juin, sur avis conforme du Sénat, le Président de la République décide de dissoudre la chambre des députés. Les élections suivantes, des 14 et 28 octobre 1877, voient triompher nettement les républicains, qui obtiennent trois cent vingt-six sièges. Le ministère de Broglie démissionne donc le 23 novembre, et est remplacé par le gouvernement du général Gaétan de Rocheboüet, dont les principaux membres sont des conservateurs. La chambre des députés vote alors un nouvel ordre du jour le 24 novembre, par lequel elle déclare qu’elle ne peut entrer en rapport avec ce ministère. Mac Mahon se voit contraint de demander à Dufaure de constituer un gouvernement, mais aussi d’adresser un message au parlement dans lequel il signifie désapprouver le comportement de ce dernier, tout en affirmant le désir de revenir à la pratique sincère des lois constitutionnelles. Pendant toute l’année 1878, le président va se soumettre et s’accommoder d’une majorité et d’une politique ne correspondant pas à ses convictions. Au début de l’année 1879, Mac Mahon perd son dernier appui, puisque les républicains obtiennent la majorité au Sénat. Par conséquent, le 30 juin 1879, il démissionne, et les deux chambres parlementaires réunies en assemblée nationale élisent un nouveau président, en la personne de Jules Grévy. Avec l’arrivée de Grévy à la présidence, le régime va rapidement s’orienter vers la voie de la suprématie parlementaire. Le 7 février 1879, Grévy adresse un message aux parlementaires, par lequel il leur promet de ne jamais entrer en lutte avec la volonté nationale, exprimée par ses organes constitutionnels, c’est-à-dire de ne jamais dissoudre la chambre des députés. C’est ce que l’on a appelé la Constitution Grévy, qui désigne de façon coutumière, la manière dont ont fonctionnés les pouvoirs publics institués en 1875. La Constitution Grévy conduira à l’abandon de la forme orléaniste dualiste du pouvoir exécutif et du régime parlementaire, qui implique une double responsabilité politique du gouvernement devant le Président de la République et devant le parlement. Sa disparition ne sera finalement pas un mal, car un tel régime supposait que le chef de l’ État et le parlement soient en accord pour que le conseil des ministres puisse gouverner en toute sérénité. Cette suppression de la responsabilité politique du gouvernement devant le Président de la République, conduira inévitablement à la mise en retrait du chef de l’ État sur la scène politique. Par ailleurs, la Constitution Grévy conduira à jeter un discrédit sur la procédure de dissolution, souvent considérée comme préjudiciable à la bonne stabilité des institutions politiques. Sous la présidence de Jules Grévy, deux révisions constitutionnelles seront adoptées. Tout d’abord, une révision du 21 juin 1879, « déconstitutionnalisera » la loi du 25 février 1875, qui fixait à Versailles le siège des pouvoirs publics. Ensuite, la révision constitutionnelle du 14 août 1884, déconstitutionnalisera certains articles de la loi du 24 février 1875 (articles 1 à 7 notamment). Une loi ordinaire du 9 décembre 1884, apportera des modifications substantielles concernant la composition du Sénat et de son collège électoral. Désormais, les sénateurs sont au nombre de trois cent, qui sont tous élus au suffrage universel indirect. A ce titre, les conseils municipaux éliront, au sein du collège sénatorial, un nombre de délégués variable, selon le nombre de conseillers municipaux, et d’habitants dans chaque commune.

 

Section 2 : le fonctionnement du régime sous la IIIe République (1875-1940) :

 Le IIIe République sera essentiellement marquée par deux phénomènes, l’existence d’un déséquilibre institutionnel, et l’essor d’un libéralisme politique.

 

  • &1 : le déséquilibre institutionnel :
A] La toute puissance du pouvoir législatif :

 La Constitution Grévy a institué un régime de parlementarisme absolu, dans lequel le parlement domine complètement le pouvoir exécutif. Cette réalité contraste nettement avec la philosophie des lois constitutionnelles de 1875, qui visaient à instaurer un régime équilibré. La suprématie du pouvoir législatif est d’abord indirecte, dans la mesure où ce pouvoir s’est renforcé, au fur et à mesure que le pouvoir exécutif s’affaiblissait, mais cette nomination est aussi directe, et ce pour trois raisons majeures : tout d’abord, le parlement est le seul organe constitutionnel élu au suffrage universel, et à ce titre, il est le seul à bénéficier d’une véritable légitimité populaire, ensuite, le parlement dispose du pouvoir législatif dans sa plénitude, c’est-à-dire que non seulement il a le pouvoir de proposer et de délibérer la loi, mais de plus, le caractère très large du domaine matériel de la loi, lui permet d’intervenir dans la quasi-totalité des secteurs de la vie publique. Par ailleurs, le pouvoir règlementaire détenu par le Président de la République ne peut s’exercer que s’il existe une loi définissant préalablement son domaine d’intervention. Enfin, le parlement peut engager la responsabilité politique des ministres ou du conseil des ministres, et contrôler ainsi l’action gouvernementale, par le jeu de l’interpellation et des questions. Ce pouvoir de contrôle est d’autant plus élevé et contraignant pour le pouvoir exécutif, que parallèlement, le chef de l’ État s’est volontairement privé de son droit de dissolution vis-à-vis de la chambre des députés. Il s’ensuit un déséquilibre entre les moyens d’action et de contrôle entre les deux pouvoirs. La double responsabilité du gouvernement devant le Sénat et la chambre des députés a généré une forte instabilité gouvernementale, ainsi, de nombreux gouvernements ont dû démissionner face à l’hostilité du Sénat, alors même qu’ils avaient la confiance de la chambre des députés. L’ampleur grandissante des pouvoirs du parlement et la diversité des secteurs régis par la loi, conduiront progressivement le parlement à se dessaisir de ses prérogatives, au profit du gouvernement, par la pratique des lois de plein pouvoir, ou des décrets-lois. Comme leur nom l’indique, les loi de plein pouvoir, ou les décrets-lois, consistent pour le parlement à autoriser le gouvernement, pour un délai déterminé, à prendre des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi, et donc de la compétence du législateur. Ces mesures qui étaient assez critiquables d’un point de vue juridique, étaient néanmoins justifiées par les circonstances économiques de l’époque, et par la nécessité de remédier rapidement à une situation des plus difficiles. Cette technique a toutefois eu pour mérite de redonner une place importante au pouvoir exécutif, qui est apparu bien longtemps en retrait, par rapport au pouvoir législatif.

 

B] L’évanescence du pouvoir exécutif :

 La mise en retrait et la subordination du pouvoir exécutif sous la IIIe République, se mesure essentiellement au travers de trois réalités.

 

  • a) L’effacement progressif du Président de la République sur la scène politique :

 Sous la IIIe République, la présidence de la République apparaît comme une fonction en constant déclin. Cet état de fait transparaît au travers de nombreux éléments qui sont autant d’indicateurs de l’affaiblissement de la fonction présidentielle. Parce qu’il n’est pas élu au suffrage universel direct, mais bien par les assemblées parlementaires, le chef de l’ État ne peut pas mener une politique personnelle, il est donc contraint de définir une politique conforme à la ligne de conduite générale établie par le parlement. Ensuite, le Président de la République perd progressivement son droit de regard sur la politique étrangère. Le chef de l’ État ayant perdu de façon coutumière son droit de dissolution, cette prérogative ne sera plus utilisée, alors même qu’elle est un élément clé dans l’équilibre des pouvoirs. Le Président de la République n’est plus libre de nommer et de révoquer les ministres à sa guise, désormais, ce sont les majorités parlementaires qui font les gouvernements, et lorsque celles-ci éclatent, les ministres sont tenus à la démission, sans que le président puisse faire quoi que ce soit. Juridiquement parlant, le chef de l’ État ne peut être contraint à démissionner par le parlement, mais dans la pratique, il en va différemment, le chef de l’ État assurant une sorte de responsabilité indirecte devant le parlement, par lequel il a été élu. Le Président de la République ne domine plus le gouvernement, comme cela était le cas sous le régime parlementaire dualiste. Trois raisons permettent d’expliquer cela : tout d’abord, le Président de la République préside le conseil des ministres, mais il ne s’agit d’une attribution que purement théorique (aucun pouvoir de direction). Ensuite, le Président de la République choisi le président du conseil, mais il ne prend plus part à la désignation et au départ des membres composant ce conseil. Enfin, la plupart des prérogatives constitutionnelles confiées au Président de la République par les lois de 1875, sont en fait exercées par les ministres, qui ne lui laissent au final que les pouvoirs de moindre importance.

 

  • b) La fragilité institutionnelle du conseil des ministres :

 Le conseil des ministres est, sous la IIIe République, en proie à d’incessants renversements. Cette instabilité gouvernementale atteint des proportions démesurées, puisque entre 1871 et 1940, pas moins de cent quarante gouvernements se sont succédés. L’une des causes profondes de cette instabilité doit être recherchée dans l’absence de procédures particulières, prévues par les lois constitutionnelles, pour la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement. Il en résulte que le gouvernement peut être conduit à démissionner dans n’importe quelle situation, même lorsque aucun motif valable ne le justifiait. A cette cause institutionnelle, doivent être ajoutées des causes de nature politique, et ici, l’un des facteurs de fragilisation de l’édifice gouvernemental, réside dans le multipartisme qui favorise le jeu des alliances et des coalitions politiques. Ces alliances se faisant et se défaisant assez rapidement, il en va de même pour le gouvernement, qui ne peut se maintenir en fonction, dès lors qu’il ne correspond plus à la nouvelle tendance politique majoritaire au sein du parlement.

 

  • c) L’absence de statut juridique de la fonction de président du conseil des ministres :

 La fonction de président du conseil des ministres n’est pas prévue par les lois constitutionnelles de 1875. L’explication d’une telle omission réside dans le fait que les textes adoptés entre 1871 et 1873, prévoyaient que le conseil des ministres était présidé par le Président de la République. Après les élections des assemblées parlementaires, il était prévu qu’il y aurait bien un chef du gouvernement, désigné sous le titre de président du conseil des ministres. Le conseil des ministres est en principe présidé par le chef de l’ État, et ce n’est que si celui-ci est empêché qu’il revient au président du conseil d’assurer cette présidence. De même, le président du conseil ne dispose d’aucun moyen juridique pour imposer sa volonté, ou la faire prévaloir sur celle des autres ministres. Il se contente alors le plus souvent d’assurer des fonctions de gestion, plutôt que d’impulsion, de coordination, et de décision.

 

  • &2 : l’essor du libéralisme politique :

 On peut ici affirmer que la IIIe République correspond à une période libérale du régime politique français, malgré les quelques crises graves qu’elle a connues. Elle est notamment marquée par deux phénomènes majeurs, le renforcement des libertés, et le développement du pluralisme politique.

 

A] Le renforcement des libertés :

 L’un des faits les plus remarquables est que la majorité des grands textes sur les libertés, remonte au début de la IIIe République. On peut citer la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la loi du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907 sur la liberté de réunion, celle du 21 mars 1884 sur le droit syndical, une autre du 1er juillet 1901 sur la liberté d’association, et enfin la loi du 9 décembre 1905 sur la liberté de culte et de religion. De même, sur le plan juridictionnel, on assiste au développement du recours pour excès de pouvoir, qui est une procédure permettant à tout citoyen de saisir le juge administratif, en vue de solliciter l’annulation d’un acte ou d’une décision administrative. Enfin, on assiste à un très important mouvement de décentralisation, avec le développement des libertés locales, au travers de la loi du 10 août 1871, relative à l’administration départementale, et celle du 5 avril 1884 sur l’administration municipale.

 

B] Le développement du pluralisme politique :

 La IIIe République se caractérise par l’apparition et l’essor du multipartisme, qui se traduit par la multiplication des partis politiques. Ce multipartisme est évidemment compétitif et agressif, l’enjeu étant l’accès au pouvoir. Bien souvent, les partis politiques sont relativement peu structurés et organisés, ce qui explique les difficultés pour certains à s’implanter durablement dans le paysage politique français. Le fait d’assister à une prolifération des partis politiques représentés aux assemblées parlementaires, constitue un facteur d’instabilité gouvernementale, dans la mesure où des partis minoritaires d’opposition peuvent former des alliances ou des coalitions, pour devenir ensuite majoritaires. La IIIe République voit aussi se succéder des partis, et même, des gouvernements de concentration républicaine, qui s’appuient sur des coalitions excluant ou éliminant les partis extrémistes. Toutefois, l’inconvénient d’une telle pratique est de conduire à la mise en œuvre de politiques très voisines de celles mises en œuvre par les majorités précédentes. Les choix politiques possibles pour les électeurs sont relativement peu nombreux, et surtout, assez similaires les uns par rapport aux autres.

 

Section 3 : la fin de la IIIe République :

 C’est le régime de Vichy institué en 1940, qui marquera la fin de la IIIe République, puisque celle-ci ne sera pas rétablie par le gouvernement de la France libre.

 

  • &1 : le régime de Vichy :

 Ce régime va naître suite à la défaite éclaire subie par la France, face à l’armée allemande au début de la seconde guerre mondiale. Le 16 juin 1940, le maréchal de France, Philippe Pétain, est investi dans les fonctions de président du conseil. Le 22 juin suivant, un armistice est signé entre la France et l’Allemagne, et les deux chambres parlementaires sont convoquées à Vichy et adoptent une résolution déclarant « qu’il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles ». Le 10 juillet, les deux chambres se réunissent en assemblée nationale, et elles procèdent à une révision officieuse des lois constitutionnelles, puis votent un projet de révision comportant une disposition unique. L’assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous la signature et l’autorité du maréchal Pétain, président du conseil, ce qui à pour effet de promulguer par un ou plusieurs actes, la nouvelle Constitution de l’ État français. Cette Constitution devra garantir les droits du travail, de la famille, et la patrie. Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les assemblées qu’elle aura créées. D’un point de vue juridique, l’acte du 10 juillet 1940 apparaît manifestement irrégulier, aussi bien sur la forme que sur le fond. Sur la forme, cet acte ne respecte en rien la procédure de révision constitutionnelle prévue par les lois constitutionnelles de 1875. L’article 8 de la loi du 25 février 1875 prévoyait qu’une révision ne pouvait être votée qu’à la majorité absolue des membres composant l’assemblée nationale, or, le projet de révision de 1940 a été adopté sur la base de votes comptabilisés en se fondant sur les suffrages exprimés, ce qui excluait la prise en compte des suffrages blancs et des abstentions. Sur le fond, l’acte du 10 juillet 1940 a manifestement porté une atteinte à l’un des grands principes du droit public, celui selon lequel, une autorité investie d’une compétence ne peut en déléguer l’exercice que si elle y est autorisée par un texte, or dans ce cas, l’assemblée nationale a délégué au gouvernement l’exercice d’un pouvoir constituant dérivé, alors même que les lois constitutionnelles de 1875 ne prévoyaient pas une telle faculté. Suite à l’adoption de l’acte du 10 juillet 1940, un gouvernement de Vichy va être instauré, de l’été 1940 à l’été 1944. Dès le 11 juillet 1940, Pétain va prendre un certain nombre d’actes constitutionnels : il supprime la présidence de la République, puis s’attribue le titre de chef de l’ État français. Par ailleurs, il décide de maintenir à titre provisoire les deux chambres parlementaires, en attendant la création de nouvelles, mais ces deux chambres sont ajournées et ne seront jamais plus réunies. Enfin, Pétain désigne Pierre Laval comme son successeur. Jusqu’en avril 1942, le chef de l’ État dispose de la plénitude du pouvoir constituant, du pouvoir législatif, et du pouvoir exécutif, caractérisant ainsi un régime autoritaire. Ensuite, il partage ses pouvoirs avec Pierre Laval, nommé chef du gouvernement, par l’acte constitutionnel du 18 avril 1942. Ici, le chef de l’ État dispose du pouvoir constituant, législatif, et règlementaire. Le chef du gouvernement, quant à lui, nommé par le chef de l’ État et politiquement responsable devant lui, exerce le pouvoir législatif en conseil de cabinet, et il participe aussi à l’exercice du pouvoir règlementaire. Ce régime s’effondrera durant l’été 1944, avec la libération de Paris, pour céder officiellement sa place au gouvernement de la France libre.

 

  • &2 : le gouvernement de la France libre :

 Ce gouvernement est né de la volonté du Général de Gaulle, qui dès le 18 juin 1940, lance un appel à la résistance. Les institutions de ce gouvernement sont axées autour de la personne de Charles de Gaulle, qui donc jusqu’à la naissance de la IVe République, dispose de la quasi plénitude des pouvoirs. Jusqu’en avril 1942, ces institutions prennent la forme d’un comité de libération nationale installé à Londres et présidé par De Gaulle. Par la suite, un autre organe se met parallèlement en place, dirigé par le Général Giraud à Alger. Le 3 juin 1943, ces deux organes fusionnent en un seul, sous le nom de comité français de la libération nationale, dont le siège est installé à Alger, et qui est co-présidé par De Gaulle et Giraud. Depuis septembre 1943, De Gaulle est assisté par une assemblée consultative provisoire qui se transforme le 3 juin 1944, en gouvernement provisoire de la République française. Toutes ces institutions sont des gouvernements de pur fait, mais malgré leur illégalité, ils sont devenus légitimes en raison  du soutient dont ils disposaient de la majorité des français. En prévision de la libération, une ordonnance du 21 avril 1944, dispose que le peuple français décidera souverainement de ses institutions, et qu’une assemblée constituante devra être convoquée. Dans cette optique, De Gaulle confère le droit de vote à tous les français, permettant ainsi aux femmes françaises d’accéder à l’électorat. Par ailleurs, une ordonnance du 9 août 1944, sur le rétablissement de la légalité républicaine, dispose dans sont article 1er, que la forme de gouvernement de la France, est et demeure la République. Le 9 septembre 1944, le gouvernement provisoire va être remanié pour y faire entrer les forces de la résistance, et ses deux premières tâches consisteront à mettre fin au conflit, puis réformer l’ensemble de la société française. Dans cette dernière perspective, sera élaboré un projet de Constitution sur la IVe République.

 

Ch.2 : la IVe République (1946-1958) :

Section 1 : l’établissement laborieux du régime :

 Une fois la légalité républicaine rétablie par le gouvernement, une question fondamentale va se poser, à savoir, quel devra être le futur système institutionnel et politique de la France. Deux options sont possibles ici : soit l’on estimait que le régime de Vichy n’était qu’un gouvernement de pur fait, et ainsi une parenthèse dans le régime de la IIIe République, et on restaurait donc cette dernière ; soit l’on considérait que la rupture intervenue dans la continuité républicaine était telle qu’il apparaissait nécessaire d’instaurer de nouvelles institutions, et de passer à la IVe République. Un référendum sera alors organisé, comportant deux questions distinctes : voulez-vous que l’assemblée élue à ce jour soit une assemblée constituante ? S’il y a une majorité de « oui » à la première question, approuvez-vous l’organisation provisoire des pouvoirs publics dans le projet qui vous est soumis ? Le « oui » l’emportera massivement, et les élections suivantes verront la victoire de trois grands partis (PCF, SFIO, et parti républicain populaire). Le 21 novembre 1945, une loi constitutionnelle est adoptée, prévoyant la désignation du chef du gouvernement, et la composition de ce dernier, à l’autorisation de l’assemblée, assemblée qui dispose d’un délai de sept mois pour établir la nouvelle Constitution. L’assemblée constituante oublie quelque peu la mission première pour laquelle elle a été élue, entendant purement et simplement gouverner. Par conséquent, cette attitude provoque le départ du Général de Gaulle, qui quitte la présidence du gouvernement, le 26 janvier 1946. Le premier projet de Constitution va voir le jour le 19 avril 1946, il institue un véritable régime d’assemblée, dans lequel l’assemblée concentre la plupart des pouvoirs. Elle désigne son propre président, le Président de la République, ainsi que le président du conseil des ministres. Par ailleurs, cette assemblée dispose de l’intégralité du pouvoir législatif, et elle investit le gouvernement, qui est politiquement responsable devant elle. En contrepartie, le gouvernement peut dissoudre l’assemblée, mais dans une telle hypothèse, il doit lui aussi se retirer, et céder sa place à un gouvernement composé du président de l’assemblée, et des présidents des commissions. Il y a une absence d’intérêt d’un tel mécanisme pour le gouvernement. Le 5 mai 1946, les français rejettent ce texte par référendum (53% environ). De nouvelles élections doivent alors se tenir, et le 2 juin 1946, une nouvelle assemblée constituante est élue. Le MRP devient le premier parti de France, devant la SFIO et le PCF. Son leader, Georges Bidault, se retrouve à la tête du gouvernement, et dans un discours tenu à Bayeux, le 16 juin 1946, De Gaulle va indiquer les grandes orientations que devraient s’efforcer de suivre le nouveau régime politique français. Cependant, le MRP ne suivra pas ces recommandations, et le 13 octobre 1946, le nouveau projet de Constitution est approuvé par référendum (53% environ), puis la Constitution de la IVe République est promulguée le 27 octobre 1946.

 

Section 2 : les institutions politiques de la IVe République :

  • &1 : le pouvoir législatif :

 Il est organisé autour d’un parlement bicaméral, avec l’assemblée nationale, et le conseil de la République. L’assemblée nationale est élue au suffrage universel direct, elle tient une session ordinaire par an, d’une durée minimale de sept mois, et elle peut être convoquée en session extraordinaire par son président, ou bien à la demande de la majorité de ses membres. Le conseil de la République, qui se substitue à l’ancien Sénat, est élu au suffrage universel indirect, par les collectivités territoriales (communes et départements seulement). Le nombre de ses membres est établit par la Constitution entre deux cent cinquante et trois cent vingt, alors que l’assemblée nationale fixe librement le nombre de ses députés. Ici, les pouvoirs du parlement sont très étendus puisqu’il dispose de l’initiative de la loi, qu’il partage avec le conseil des ministres, et dispose aussi de la maîtrise de la procédure législative (= vote et discussion des lois). Le droit d’amendement n’est pas limité par la Constitution, et le domaine de la loi est indéfini et donc infini. Le pouvoir règlementaire est entièrement subordonné à la loi, dans la mesure où il ne peut intervenir en l’absence de loi. Cependant, les deux chambres parlementaires ne sont pas sur un pied d’égalité, l’assemblée nationale étant largement dominante. Conformément à l’article 13 de la Constitution, l’assemblée nationale vote seule les lois, et elle ne peut déléguer ce droit. En cas de désaccord entre les deux chambres sur un projet de loi, l’article 20 donne le dernier mot à l’assemblée nationale, qui peut donc statuer définitivement sur le texte, dans un délai de cent jours, après transmission de ce texte au conseil de la République pour deuxième lecture. L’assemblée nationale dispose également d’une priorité pour l’examen des textes financiers, et son pouvoir d’initiative est plus large que celui du conseil de la République. De même, dans le domaine de la politique extérieure, le président de la République peut obtenir l’autorisation du parlement, pour pouvoir déclarer la guerre à une puissance étrangère. Sur cette question, seule l’assemblée nationale émet un vote, le conseil de la République ne donnant qu’un simple avis en la matière. Enfin, seule l’assemblée nationale vote ou refuse la confiance à tout nouveau gouvernement et peut censurer tout gouvernement en fonction.

 

  • &2 : le pouvoir exécutif :

 Il est représenté par le Président de la République et par le premier ministre. Le Président de la République est élu pour sept ans par les membres des deux chambres parlementaires réunies en Congrès. Il n’est rééligible qu’une seule fois, et est irresponsable sur le plan politique. En ce qui concerne ses prérogatives, le chef de l’ État apparaît nettement défavorisé par rapport au régime de 1875. Il ne prend pratiquement plus part à l’œuvre législative, puisque l’initiative de la loi appartient désormais à l’assemblée nationale et au conseil des ministres. De même, il a pratiquement perdu tout pouvoir de nomination du président du conseil, puisqu’il doit désigner celui-ci après avoir consulté les chambres parlementaires. Enfin, le Président de la République ne peut exercer le droit de grâce qu’en siégeant au conseil supérieur de la magistrature. Pour le reste, le Président de la République conserve certaines prérogatives traditionnelles telles que la nomination de nombreux agents publics, l’accréditation des agents diplomatiques, la signature et la ratification des traités, et la présidence de certaines institutions (conseil des ministres, conseil supérieur de la défense nationale, et conseil supérieur de la magistrature). Le conseil des ministres constitue un véritable gouvernement dominé par le président du conseil. C’est à ce dernier qu’il appartient de constituer son gouvernement, et d’aller le présenter à l’assemblée nationale, devant laquelle il est politiquement responsable. Il expose alors son programme politique qui devra être accepté par les députés, à la majorité simple et au scrutin public ; ce n’est qu’ensuite que le Président de la République signera le décret portant nomination des membres du gouvernement. Les ministres sont doublement dépendants, de l’assemblée nationale et du conseil. La Constitution réserve d’ailleurs au président du conseil, la plupart des fonctions et des attributions gouvernementales au président du conseil. Celui-ci dispose de l’initiative des lois, dont il assure également l’exécution. Il nomme également à tous les emplois civils et militaires, autres que ceux pourvus par le chef de l’ État. Et enfin, il dirige les forces armées, en assurant la coordination de leur action. Après délibération en conseil des ministres, le chef du gouvernement peut également poser la question de confiance à l’assemblée nationale. Sur ce point, les ministres sont collectivement responsables devant l’assemblée nationale, de la politique générale menée par le gouvernement, et ils assument également de manière individuelle, leurs actes personnels. La mise en jeu de la responsabilité gouvernementale peut résulter soit d’une question de confiance posée par le chef du gouvernement, soit d’une motion de censure votée sur l’initiative de l’assemblée nationale. En contrepartie, le conseil des ministres dispose du droit de dissolution de l’assemblée nationale, qu’il décide collectivement. Cependant, cette dissolution ne peut être prononcée que si deux conditions sont réunies : d’une part, elle ne peut intervenir qu’après l’expiration des dix-huit premiers mois d’une législature. D’autre part, cette dissolution ne peut être décidée que si au cours d’une même période de dix-huit mois, deux crises ministérielles surviennent par suite du refus de la question de confiance au gouvernement, ou par suite du vote d’une motion de censure par l’assemblée nationale.

 

  • &3 : l’union française :

 Les articles 60 à 82 de la Constitution organisent l’union française, dont font partie la France, les départements et les territoires d’Outremer, ainsi que les États et territoires associés. Cette union comprend un président qui n’est autre que le Président de la République, et elle est également dirigée par un haut conseil et une assemblée. Le haut conseil est composé de représentants des différentes entités territoriales de l’union, et il a essentiellement des fonctions exécutives qui consistent à assister le gouvernement dans sa tâche. L’assemblée de l’union quant à elle, est composée paritairement de représentants de l’ État et de représentants des territoires d’Outremer, et elle constitue une instance de consultation et d’avis pour les autres organes de l’ État.

 

Section 3 : les difficultés de fonctionnement de la IVe République :

 Le fonctionnement de la IVe République va être rapidement sujet à deux phénomènes nuisibles et insurmontables : l’instabilité gouvernementale, et le dérèglement rapide des institutions politiques.

 

  • &1 : L’instabilité gouvernementale :

 Le gouvernement est une institution fragile sous la IVe République, qui est susceptible de tomber à tout moment. Et la IVe République s’illustrera notamment par la production de nombreuses crises gouvernementales trouvant leur cause profonde dans le rôle joué par les partis politiques, et dans l’influence exercée par les modes de scrutins alors applicables.

 

      A] La production de crises gouvernementales à répétition :

 Ici, sous la IVe République, qui ne durera que douze ans, ce ne sont pas moins de vingt-quatre gouvernements qui vont se succéder. La Constitution du 27 octobre 1946 prévoyait qu’une crise ne pouvait se produire que dans deux hypothèses : le refus d’une question de confiance, ou le vote d’une motion de censure par l’assemblée nationale. Or, durant la IVe République, aucune motion de censure ne sera votée dans les conditions requises par la Constitution, c’est-à-dire à la majorité absolue. De même, certains gouvernements seront contraints de démissionner, au motif qu’ils se verront refuser la question de confiance par l’assemblée nationale, à la majorité simple de ses membres. Surtout, la plupart des gouvernements vont démissionner dans trois hypothèses non prévues par la Constitution. Tout d’abord, lorsque le gouvernement ayant posé la question de confiance sur un projet de loi, le texte est rejeté par l’assemblée nationale à la majorité relative. Ensuite, lorsque le gouvernement n’a pas posé dans les formes requises la question de confiance sur un texte de loi, mais qu’il a néanmoins clairement fait entendre à l’assemblée qu’il démissionnerait si le texte proposé venait à être repoussé par le parlement. Enfin, troisième hypothèse, lorsqu’une dislocation ou une rupture importante survient au sein des groupes politiques composant la majorité parlementaire, le gouvernement préfère démissionner avant même d’attendre un vote de censure de l’assemblée nationale.

 

      B] Le rôle des partis politiques :

 L’influence des partis politiques sur le phénomène d’instabilité gouvernementale, se mesure essentiellement à deux niveaux. Tout d’abord, la IVe République connaît à ses débuts le tripartisme avec le PCF, la SFIO, et le MRP. Cependant, ce tripartisme va disparaître lorsque le président du conseil de l’époque, Ramadier, le 5 mai 1947, révoque les ministres communistes, coupables selon lui d’avoir manqué à la solidarité gouvernementale. De cette rupture, naîtra la troisième force, regroupant la SFIO, le MRP, les radicaux, et les modérés, face à laquelle se trouvent désormais deux grands partis d’opposition, le PCF, et le RPF, fondé par De Gaulle. Jusqu’en 1958, les gouvernements successifs vont devoir faire face à une double opposition qui se révèlera le plus souvent insurmontable, en les privant de l’appui de la majorité parlementaire. En effet, par le jeu de la coalition, les partis d’opposition vont souvent être en mesure de faire obstacle à l’investiture des gouvernements de la troisième force, ou de mettre en cause leur responsabilité politique. En d’autres termes, les gouvernements en place sont toujours à la merci d’une alliance politique entre les partis d’opposition désireux de les renverser. Ensuite, sous la IVe République, le gouvernement en constitue pas à proprement parler un organe collégial et solidaire ; l’explication réside dans l’attitude des ministres qui se considèrent trop souvent comme des représentants de leurs partis politiques, plutôt que comme des membres d’une équipe gouvernementale. De ce fait, les intérêts divergents au sein des différentes familles politiques l’emportent sur la politique décidée par le gouvernement.

 

      C] L’influence des modes de scrutin :

 Les modes de scrutin applicables sous la IVe République ont contribués à accentuer le phénomène d’instabilité gouvernementale. En effet, pour l’élection des députés de l’assemblée nationale, l’application du système de la représentation proportionnelle, ne permet pas de dégager une majorité absolue au profit d’un parti politique. Il s’ensuit alors que le parti vainqueur des élections ne dispose que d’une majorité relative, ce qui a pour conséquence que le gouvernement est sans cesse à la merci d’un vote de censure de la part de l’assemblée nationale. Ainsi, le gouvernement, quelque part dépendant des partis politiques d’opposition, est alors contraint de se lancer dans des alliances ou des coalitions politiques pour le moins incertaines.

 

  • &2 : le dérèglement institutionnel :

 Sa cause profonde réside dans l’attitude du parlement, qui tend à intervenir dans le champ d’action du gouvernement, tout en renonçant parallèlement à assumer son rôle législatif. Bien qu’elle ne gouverne pas à sa place, l’assemblée nationale empêche le gouvernement d’agir, et de mettre en œuvre sa politique, en engageant régulièrement sa responsabilité. En outre, comme sous la IIIe République, le parlement se décharge sur le gouvernement du soin de prendre les mesures législatives impopulaires, par le jeu de la procédure des lois d’habilitation, prévue par l’article 13 de la Constitution. Egalement, le mode de scrutin à la proportionnelle ne permet pas au peuple d’imposer sa volonté, puisque d’une certaine façon, les majorités qui se forment à l’assemblée nationale, résultent le plus souvent d’alliances ou de coalitions politiques. Il en résulte ici une coupure ou une rupture, entre la classe politique et la nation. Ces dysfonctionnements du système institutionnel et politique français, se prolongeront jusqu’en mai 1958, dans un contexte d’autant plus difficile que la situation en Algérie se détériore peu à peu. Le 13 mai 1958, un mouvement insurrectionnel éclate, et le jour suivant, un nouveau gouvernement est formé. Cependant, le 29 mai 1958, le Président de la République René Coty, adresse un message au parlement, dans lequel il lui demande d’investir le Général de Gaulle dans les fonctions de président du conseil, sous peine de démissionner. Le dimanche 1er juin, De Gaulle est investi, et le lendemain, un vote du parlement lui confère les pleins pouvoirs pour une durée de six mois. Le 3 juin 1958, la IVe République est virtuellement morte, avec le vote d’une loi constitutionnelle confiant au gouvernement le pouvoir de réviser la Constitution. C’est sur la base de cette loi constitutionnelle que sera élaborée le projet de Constitution de la Ve République.

 

 

 

 

 

Isa Germain

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