DROIT DE LA DISTRIBUTION ET DE LA CONCURRENCE AU SENEGAL
La distribution commerciale est le fait de distributeurs revendeurs, c’est-à-dire des entreprises indépendantes qui s’approvisionnent chez un producteur et revendent les produits aux consommateurs. Ce ne sont donc pas des intermédiaires de commerce au sens de l’acte uniforme portant droit commercial général. Les distributeurs sont généralement des intermédiaires qui pratiquent l’acte de commerce par excellence : l’achat pour revendre. En réalité, comme la production, l’opération de distribution est plus complexe et fait appel à des techniques de plus en plus élaborées qui ne se limitent pas au contrat de vente.
Voici le plan du cours de droit de la distribution et de la concurrence OHADA au Sénégal
Chapitre II- La réglementation des méthodes de distribution
Aujourd’hui, après le secteur de l’automobile et de l’électroménager, celui des produits de luxe et surtout de la haute technologie sont entrain de changer les formes juridiques de la distribution commerciale. En effet, les fabricants et grossistes ont besoin d’implanter un réseau de distribution homogène assurant la promotion de la marque et améliorant le service rendu à l’utilisateur. Pour cette raison, beaucoup de distributeurs indépendants sont associés à la politique commerciale des fabricants. Ce qui justifie que l’on parle de distribution intégrée. Le caractère intégré de la distribution se détermine par le fait que des commerçants juridiquement indépendants concourent au même processus de distribution ; ils sont intégrés plus ou moins à l’entreprise du fabricant dont ils assurent la commercialisation des produits. Cette politique commerciale permet à des vendeurs de tirer profit d’une stratégie commerciale mise en œuvre par une entreprise dont l’image est notoirement connue.
Face à une politique commerciale organisée de cette manière, chaque partie est supposée trouver son compte dans le contrat de distribution qui en naîtra.
Ces contrats sont généralement analysés comme des contrats-cadres assortis de clauses spécifiques (clauses sur les prix, clauses de quotas ou de minimum, clause d’exclusivité, clause de non-concurrence…).
Mais, le véritable problème de ces contrats est lié à l’appropriation de la clientèle. A qui appartient-elle ? Au distributeur ou au fournisseur ?
On sait que très souvent la clientèle est attachée à la marque. C’est pourquoi, certaines décisions de justice en France en ont déduit que le distributeur n’a pas de fonds de commerce car la clientèle appartient au titulaire de la marque[1]. C’est pour éviter ce genre de décisions que certains contrats de distribution commerciale prévoient expressément que le distributeur est censé être propriétaire du fonds de commerce et titulaire de la clientèle s’y approvisionnant.
En tout état de cause, un tel système suppose l’instauration de liens étroits entre le fabricant et les différents distributeurs :
Les contrats de distribution commerciale sont extrêmement nombreux ; ils convient de les voir dans leur ensemble avant de s’intéresser à la réglementation des méthodes de distribution. Voici le plan du cours de droit sénégalais de la distribution et de la concurrence
Les techniques contractuelles utilisées dans la distribution commerciale sont multiples. On peut toutefois les regrouper en deux catégories : d’abord la vente qui est le contrat de base de la distribution commerciale[2] (Section I), ensuite les contrats organisant des réseaux de distribution (Section II). A ces deux catégories s’ajoute une pratique essentielle de la distribution commerciale, la publicité qui ne sera toutefois pas développée dans le cadre de notre cours.
Le contrat de vente est le principal contrat en matière de distribution commerciale. La vente est la convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer. C’est le contrat par lequel le vendeur s’engage à transférer la propriété d’une chose corporelle ou incorporelle à l’acquéreur, moyennant un prix fixé en argent[3].
La vente est un contrat consensuel en ce sens que sa validité n’est subordonnée à aucune formalité. C’est un contrat synallagmatique parce qu’elle crée des obligations réciproques. C’est un contrat à titre onéreux puisque la valeur procurée par l’une des parties à l’autre est échangée avec un avantage équitable, équivalent. La vente est enfin un contrat commutatif car, dès sa conclusion, l’avantage escompté par chaque contractant peut être apprécié. Toutefois, certaines ventes peuvent présenter un caractère aléatoire (vente d’une chose qui peut périr).
Il faut relever que la vente commerciale de marchandises est soumise à l’acte uniforme portant droit commercial général même si elle reste sur certains points soumise aux règles de droit commun de la vente contenues dans le COCC[4].
Les éléments de formation du contrat de vente sont les mêmes que dans tous les contrats.
Comme tout contrat, la vente nécessite l’accord des volontés des parties. L’accord doit se faire aussi bien sur l’objet que sur le prix.
En principe, toute personne est libre d’acheter ou de ne pas acheter, de vendre ou de ne pas vendre en vertu du principe de l’autonomie de la volonté. Ce principe de l’autonomie de la volonté emporte beaucoup de restrictions à la fois légales et conventionnelles.
Les restrictions légales sont relatives aux interdictions de vente (ventes portant atteinte à la morale, à la sécurité ou à la santé publique notamment la drogue ; ventes relatives aux produits sous monopole), aux ventes soumises à autorisation administrative (exemple : ventes d’armes), aux obligations de vente (le refus de vente est assimilé à un délit de prix illicite ; mais reste à déterminer le refus de vente non justifié donc sanctionné), aux ventes réservées à certains acheteurs (droit de préemption).
Quant aux restrictions conventionnelles, elles sont fréquentes. C’est le cas quand les vendeurs d’une marchandise, pour ne pas se concurrencer, partagent le marché entre eux, chacun bénéficiant d’une zone de vente déterminée, chacun s’interdisant de vendre en dehors de la zone qui lui est affectée. Il en est ainsi également lorsque les vendeurs limitent à une certaine quantité les produits qu’ils doivent vendre au cours de l’année. Ils peuvent également s’engager à ne pas vendre en deçà d’un certain prix.
Il faut cependant préciser que les restrictions conventionnelles doivent être bien réfléchies et très limitées dans la mesure où la loi réglemente d’une manière générale les prix et interdit les mauvaises ententes entre les entreprises[5].
Le consentement doit non seulement existé, mais aussi être exempt de vices. Ces vices sont le dol, la violence et l’erreur. Dans certains cas, la réticence (le fait de cacher un élément déterminant) est assimilée au dol et frappe le contrat d’une nullité relative[6]. Même en l’absence de comportement fautif du vendeur, l’acheteur peut invoquer l’erreur. L’information fait partie des obligations du vendeur, obligation dont le manquement permet d’engager sa responsabilité, tout particulièrement pour les produits nouveaux ou dangereux.
La vente est conclue dès l’accord des volontés ; elle n’est soumise à aucune autre formalité. L’accord des volontés se manifeste, comme dans tout contrat, par la rencontre d’une offre et d’une acceptation.
C’est généralement le vendeur qui est en situation d’offre et il peut exprimer celle-ci de différentes manières : offre générale au public[7] (exposition dans une vitrine, annonce dans la presse, publipostage de catalogue…etc.), ou offre à une personne déterminée.
L’offre peut être permanente (ce qui est le cas de l’offre en magasin, sous réserve de l’existence du produit en stock) ou temporaire. L’offre avec réserve de confirmation par l’acheteur est une offre précaire et devient caduque à l’expiration du délai de confirmation fixé. L’offre peut être irrévocable.
L’offre est une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées suffisamment précise et indiquant la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. La proposition est suffisamment précise dès lors qu’elle désigne les marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne les indications permettant de les déterminer[8].
Il faut préciser que l’acte uniforme portant droit commercial général adopte une définition de l’offre excluant, contrairement au droit français, la proposition faite au public.
L’offre peut être verbale ou écrite.
L’offre prend effet lorsqu’elle parvient à son destinataire. Ce qui est pris en compte est donc la réception de la proposition et non son émission.
Une offre peut être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée. En effet, l’offre peut être rétractée si la rétractation parvient au destinataire avant que celui-ci n’ait expédié son acceptation. Il apparaît que cette règle n’est applicable que dans le cadre d’une vente à distance, d’un contrat de vente entre absents.
Dans le cas où l’offre est irrévocable, l’offre ne peut être rétractée. L’irrévocabilité résulte d’une simple stipulation. Il en est de même lorsque l’offre fixe un délai déterminé pour son acceptation. Dans ce cas, la rétractation ne peut être effectuée dans le délai fixé.
Il faut toutefois préciser qu’une offre, même irrévocable, prend fin lorsque son rejet parvient à son auteur. Cette caducité est également valable en cas d’expiration du délai d’acceptation sans acceptation de l’offre.
Le but d’une offre, c’est d’être rencontrée par une acceptation pour la conclusion du contrat de vente.
L’acceptation est une déclaration ou tout autre comportement du destinataire de l’offre indiquant son acquiescement à une offre. L’acceptation peut être expresse ou tacite. Toutefois, le silence ou l’inaction, à eux seuls, ne peuvent valoir acceptation. Il n’en demeure pas moins que l’acceptation peut, dans certains cas (relations d’affaires suivies), résulter du silence observé après un envoi de marchandises suivi d’une facture.
Il faut cependant reconnaître que toute réponse ne constitue pas nécessairement une acceptation.
En effet, une réponse qui tend à être l’acceptation d’une offre, mais qui contient des éléments complémentaires ou différents n’altérant pas substantiellement les termes de l’offre, constitue une acceptation. Par contre, si elle contient des additions, limitations ou autres modifications, elle doit être considérée comme un rejet de l’offre, et constitue une contre-offre.
L’acceptation doit donc être pure et simple ; à défaut, elle est une contre proposition insusceptible de former le contrat de vente. Reste tout de même à savoir quels sont les termes de l’offre qui revêtent un caractère substantiel de telle sorte que les modifications demandées sur eux retirent de la réponse donnée toute qualification d’acceptation.
L’acceptation d’une offre prend effet au moment où l’indication d’acquiescement parvient à l’auteur de l’offre. Elle ne prend pas effet si elle parvient à l’offrant après l’expiration du délai fixé par ce dernier pour l’acceptation de son offre.
Par ailleurs, même en l’absence de délai fixé pour l’acceptation de l’offre, l’acceptation doit, pour prendre effet, parvenir à l’offrant dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances de la transaction et d u moyen de communication utilisé par l’auteur de l’offre. Lorsque l’offre est émise verbalement, elle doit être acceptée immédiatement à moins que les circonstances n’impliquent le contraire.
Dans le cadre d’une offre avec délai d’acceptation, le délai fixé par l’offrant dans un télégramme ou une lettre commence à courir du jour de l’émission de l’offre, la cachet des services postaux faisant foi. En revanche, lorsque le délai est fixé par telex, téléphone, télécopie ou tout autre moyen de communication instantané, celui-ci commence à courir au moment où l’offre parvient au destinataire. Le point de départ du délai d’acceptation imparti est donc déterminé de façon distributive selon le moyen de communication utilisé. Aussi, lorsque l’offre est verbale, le délai commence-t-il à courir à partir de sa réception par le destinataire.
Comme l’offre, l’acceptation peut être rétractée. Mais, ce droit de rétractation de l’acceptation est sérieusement encadré pour éviter tout abus. Aussi, la rétractation de l’acceptation n’est-elle possible que si elle parvient à l’offrant avant le moment où l’acceptation aurait pris effet. En d’autres termes, l’acceptation peut être retirée tant que l’offre n’est pas définitive.
Cette règle fixée par l’article 216 de l’acte uniforme portant droit commercial général ne porte que sur les contrats de vente entre absents et semble exclure la possibilité de rétractation de l’acceptation d’une offre verbale. Elle paraît par ailleurs d’application difficile dans les ventes entre absents car toute la difficulté repose sur la détermination de la date de prise d’effet de l’acceptation qui est également, selon l’acte uniforme, la date de conclusion du contrat de vente.
En effet, le contrat de vente commerciale est conclu au moment où l’acceptation d’une offre prend effet[9]. Or, l’acceptation prend effet au moment où l’indication d’acquiescement parvient à l’offrant. L’indication d’acquiescement, elle, est considérée comme étant parvenue à l’offrant lorsqu’elle est faite verbalement ou délivrée par tout autre moyen à l’offrant lui-même, à son principal établissement ou à son adresse postale[10].
L’on voit clairement que la rétractation de l’acceptation dépend plutôt des termes de l’offre dans la mesure où la loi, tout en employant le conditionnel (« …avant le moment où l’acceptation aurait pris effet. »), ne donne aucune précision sur ce droit reconnu au destinataire de l’offre. Cette règle paraît floue si l’on sait que la rencontre entre l’offre et l’acceptation entraîne la prise d’effet de l’acceptation synonyme de conclusion du contrat. Quand l’acceptation pourra-t-elle alors être rétractée ? Tout dépendra a priori des parties au contrat de vente commerciale. Il faut préciser que dans tous les cas, le consentement doit être exempt de vices : dol, violence, erreur.
Il répond aux exigences du droit commun des contrats, donc aux dispositions du code des obligations civiles et commerciales. La vente présente un double objet : la chose qui doit être vendue et le prix qui doit être payé.
La chose doit exister. Le problème de l’existence de la chose soulève deux questions essentielles : la chose vendue doit-elle nécessairement exister dans le présent ? Qu’est-ce qu’il faut décider lorsque la chose a péri ?
Sur l’existence présente ou future de la chose, l’article 266 du code des obligations civiles et commerciales répond que la chose vendue doit exister au moment du contrat. Mais, la vente peut porter sur une chose future, c’est-à-dire qui n’existe pas encore mais dont la création est envisagée par les parties (exemple : une récolte).
Sur la vente d’une chose qui a péri, trois hypothèses sont envisagées[11] :
La chose vendue doit être dans le commerce et licite. Sans remettre en cause cette licéité, la loi peut soumettre la vente de certaines marchandises à certaines conditions ou certains contrôles (exemple : ventes d’armes, objet d’occasion…)
La chose doit être déterminée ou déterminable. On distingue :
Dans tous les cas, la vente suppose une détermination précise et complète qui permet d’identifier exactement la chose vendue dès l’échange des consentements.
b) Le prix
Le prix est l’objet de l’obligation de l’acheteur, la contrepartie que l’acquéreur s’engage à verser en échange de la chose vendue. C’est un élément essentiel du contrat de vente.
Le prix doit être déterminé ou déterminable. En effet, la vente ne peut être valablement conclue sans que le prix des marchandises vendues ait été fixé dans le contrat de vente, à moins que les parties ne se soient référées au prix habituellement pratiqué, au moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues dans des circonstances comparables[13].
Si le prix est fixé d’après le poids des marchandises, c’est le poids net qui, en cas de doute, détermine le prix. Le poids net est le poids brut diminué de l’emballage.
Le prix est fixé par les parties. Mais, dans la plupart des cas, c’est le vendeur qui fixe à l’avance et sans discussion le prix de la chose à vendre[14]. C’est la vente à prix fixe par opposition à la vente au rabais.
Le prix peut également être fixé par la loi ou le règlement et, dans ces hypothèses, le seul prix possible est celui arrêté par les pouvoirs publics sous peine de sanctions pénales.
La détermination du prix peut aussi dépendre des cours pratiqués soit pour la marchandise vendue, soit pour d’autres marchandises sur le prix desquelles est indexé le prix de la chose vendue[15]. Elle peut également être laissée à l’arbitrage d’un tiers et, si les parties ne sont pas satisfaites, elles peuvent recourir au juge.
Il faut préciser par ailleurs que le prix doit être réel, c’est-à-dire ne pas être fictif ou simulé. Il doit être juste et non dérisoire.
La cause est le mobile qui pousse les parties à contracter. Comme en droit commun, la cause du contrat de vente commerciale doit être licite. En d’autres termes, elle ne doit pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
Selon l’article 217 de l’acte uniforme portant droit commercial général, le contrat de vente commerciale est conclu au moment où l’acceptation d’une offre prend effet, c’est-à-dire au moment de la réception de l’acceptation par l’offrant, soit verbalement, soit par tout autre moyen, à son principal établissement ou son adresse postale.
On peut remarquer dès lors que l’échange de consentements dans la vente commerciale n’est pas toujours immédiat. Il peut être précédé de pourparlers et c’est généralement le cas. Des engagements juridiques peuvent être pris par l’une des parties dans le cadre d’une promesse d’achat ou de vente, d’une promesse de réservation…etc. mais, si la promesse de vente est synallagmatique, alors, elle vaut vente[16] dès lors que le contrat peut être passé librement.
Le contrat de vente commerciale peut être affecté de conditions :
A la rencontre de l’offre et de l’acceptation, le contrat de vente commerciale est conclu. La vente est donc un contrat personnel en ce sens qu’il ne se conclut pas par la remise de la chose, celle-ci étant un effet et non une condition de formation du contrat. Elle est aussi un contrat instantané, l’exécution des obligations étant immédiate et concomitante. Mais, il faut reconnaître que cela est plus vrai pour les ventes aux consommateurs que pour les ventes entre commerçants et, de surcroît, des clauses particulières peuvent affecter les modalités d’exécution de la vente.
Dans tous les cas, la vente fait naître des obligations aussi bien pour le vendeur que pour l’acheteur. Ses principaux effets sont le transfert de propriété et le transfert des risques.
Le vendeur est tenu d’une obligation de délivrance, d’une obligation de conformité et d’une obligation de garantie. En effet, il doit, dans les conditions prévues au contrat et dans le respect des règles de droit, livrer les marchandises et remettre s’il y a lieu les documents s’y rapportant, s’assurer de leur conformité à la commande et accorder sa garantie[20].
Le transfert de propriété est subordonné à l’exécution de l’obligation de délivrance. La délivrance est le transfert de la détention de la chose vendue. Le vendeur doit délivrer la chose vendue, c’est-à-dire permettre à l’acheteur d’en prendre possession. C’est une obligation juridique qui peut se réaliser matériellement par la remise de la chose de la main à la main, mais qui ne se confond pas avec l’obligation matérielle de livraison qui doit être souscrite spécialement. L’obligation de délivrance peut, par exemple, être exécutée par remise d’un titre de propriété ou par la mise à disposition en magasin.
La délivrance se fait de façon différente selon que la chose vendue est mobilière ou immobilière. Si la chose vendue est un meuble, les modes de délivrance sont fixés par la volonté des parties et seront déterminés en fonction de la nature de la vente et des usages du commerce. Elle peut résulter d’une simple remise de la chose, du titre ou des documents à l’acquéreur.
En revanche, si la chose vendue est un immeuble, la délivrance s’opère lorsque les formalités de publicité à la propriété foncière ont été satisfaites et que le titre foncier est établi au nom de l’acquéreur.
1°- Lieu de livraison
La délivrance doit se faire au lieu convenu au contrat ou déterminé par les usages. Cependant, si le vendeur n’est pas tenu de livrer la marchandise en un lieu particulier déterminé d’un commun accord avec l’acheteur, son obligation de livraison consiste à remettre les marchandises à un transporteur pour leur livraison à l’acheteur si le contrat prévoit un transport des marchandises et, dans tous les autres cas, à tenir les marchandises à la disposition de l’acheteur au lieu où celles-ci ont été fabriquées, ou encore, là où elles sont stockées ou encore, au lieu ou le vendeur a son principal établissement.
Si le vendeur est tenu de prendre des dispositions pour le transport des marchandises, il doit conclure les contrats nécessaires pour que ce transport soit effectué jusqu’au lieu prévu avec des moyens de transport appropriés et selon les conditions d’usage. Si l’obligation de transporter les marchandises qui pèse sur le vendeur ne comporte pas une obligation de souscrire lui-même une assurance de transport, le vendeur doit fournir à l’acheteur, à la demande de celui-ci, tous les renseignements dont il dispose qui sont nécessaires à la conclusion de ce contrat d’assurance. Il s’agit, pour le vendeur, d’une obligation de coopération en vue de faciliter la livraison.
2°- Date de livraison
Comme le lieu de la délivrance, la date de la délivrance dépend de la commune volonté des parties ; dans ce cas, elle peut fixée par le contrat ou déterminable par référence au contrat. Si par contre, une période de temps est fixée par le contrat ou est déterminable par référence au contrat, la livraison doit être effectuée par le vendeur à un moment quelconque au cours de cette période. A défaut de convention quelconque portant sur la date de la livraison, la livraison doit se faire dans un délai raisonnable à partir de la conclusion du contrat qui résulte des circonstances de la cause et des usages commerciaux ; l’appréciation du caractère raisonnable est du pourvoir souverain du juge. Cependant, dans les ventes au comptant, la délivrance peut être subordonnée au paiement du prix. Mais, en aucun cas, le vendeur ne peut obtenir un délai de grâce pour effectuer son obligation.
Pour conclure sur l’obligation de délivrance et de livraison, il faut rappeler que si le vendeur est tenu de remettre les documents se rapportant aux marchandises, il doit s’acquitter de cette obligation au moment, au lieu et dans la forme prévus au contrat.
Par ailleurs, les frais de délivrance incombent au vendeur sauf conventions contraires des parties.
En outre, l’acheteur peut contraindre le vendeur à délivrance par une astreinte. Sinon, après mise en demeure, il peut se fournir chez un concurrent aux frais du vendeur. Cette possibilité n’est cependant ouverte que si la vente porte sur des choses de genre. Il peut aussi obtenir la résolution du contrat pour inexécution avec remboursement des acomptes versés.
Enfin, tout manquement à l’obligation de délivrance peut ouvrir droit à des dommages-intérêts, non seulement pour le préjudice subi, mais aussi pour le manque à gagner. Cela est d’autant plus logique lorsque l’on est en matière commerciale où la célérité et la rapidité sont de rigueur.
Le vendeur doit délivrer les marchandises dans la quantité, la qualité, la spécification, le conditionnement et l’emballage correspondants à ceux prévus au contrat. La marchandise doit être conforme à ce qui a été convenu accompagnée de tous ses accessoires et de tout ce qui est indispensable à son utilisation, mais également, tout ce qui est indispensable à sa remise à l’acheteur.
En effet, à moins que les parties n’en soient convenues autrement, l’article 224 de l’acte uniforme portant droit commercial général considère, de manière pragmatique, comme conformes au contrat, les marchandises qui :
La chose délivrée doit donc correspondre à celle qui a été commandée. L’écart est considéré juridiquement comme un manquement à l’obligation de délivrance. C’est à l’acquéreur qu’il appartient de rapporter la preuve de cet écart ; d’où l’intérêt de la vérification et de l’examen de la chose réceptionnée.
Dans tous les cas, la référence, qui permet de vérifier la conformité, peut être inscrite au contrat (exemple : vente sur échantillon, références à des normes techniques). Si le contrat ne contient aucune stipulation, il faut se référer aux usages : la marchandise doit être loyale et marchande. Mais, la jurisprudence est allée plus loin en admettant que la référence pouvait aussi porter sur la destination que l’acheteur entendait donner à la chose : par exemple, le juge a été déclaré non conforme un appareil de détartrage qui, malgré son excellent fonctionnement, ne correspondait pas à l’usage auquel il était destiné. La jurisprudence est ainsi passée d’une conformité d’identité à une conformité des qualités de la chose, ce qui a opéré un certain rapprochement avec la garantie des vices cachés. L’acte uniforme portant droit commercial général a repris cette position en considérant que la chose livrée doit répondre à l’utilisation à laquelle elle est destinée.
L’obligation de conformité n’est pas illimitée. En effet, le vendeur n’est responsable que du défaut de conformité qui existe au moment du transfert des risques à l’acheteur, peu importe que ce défaut soit apparent ou apparaisse ultérieurement. Est donc exclu tout défaut postérieur au transfert des risques.
En cas de livraison anticipée, le vendeur a le droit jusqu’à la date prévue pour la livraison, soit de livrer une partie ou une quantité manquante ou des marchandises nouvelles en remplacement des marchandises non conformes au contrat, soit de réparer tout défaut de conformité des marchandises, à condition que l’exercice de ce droit ne cause à l’acheteur ni dommage, ni frais. Le vendeur peut ainsi parfaire l’exécution de son obligation jusqu’à la date prévue sans toutefois porter atteinte aux intérêts de l’acheteur.
La conformité ou non des marchandises livrées ne peut se déterminer qu’à partir de leur examen. Aussi, l’acte uniforme considère-t-il cet examen comme une obligation de l’acheteur en ce sens qu’il appartient à ce dernier de dénoncer la conformité de la chose réceptionnée et de d’apporter la preuve de sa non-conformité. Nous reviendrons sur cette obligation dans l’étude des obligations de l’acheteur.
Le défaut de conformité entraîne en principe la résolution du contrat pour inexécution fautive. Mais, la jurisprudence considère que, pour entraîner cette sanction, l’écart doit être tel que, s’il l’avait su au moment de la formation du contrat, le cocontractant ne l’aurait pas achetée. Cette fois, un rapprochement est opéré avec l’erreur sur les qualités substantielles de la chose objet du contrat. Lorsque la chose, sans être conforme, permet la réalisation de l’opération projetée, le juge se contente de réduire le prix à payer ou payé par l’acquéreur : c’est ce que l’on appelle la réfaction du contrat.
Le vendeur est tenu de livrer la chose telle qu’elle a été convenue lors de la conclusion du contrat. Ainsi, le vendeur doit garantir à l’acheteur dans les cas où la chose livrée serait différente de la chose convenue, porterait une possibilité d’éviction inconnue de l’acheteur ou serait atteinte d’un vice caché ignoré par l’acheteur.
1°- Garantie contre l’éviction
Le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d’un tiers, à moins que l’acheteur n’accepte de prendre les marchandises dans ces conditions. Le vendeur doit garantir l’acquéreur en cas de d’éviction de son fait personnel ou du fait d’un tiers. La garantie contre l’éviction se justifie par la nécessité d’assurer à l’acheteur une possession paisible de la chose. L’idée de l’éviction de l’acheteur démontre que le vendeur n’a pas exécuté son obligation ou du moins ne l’a pas exécutée de bonne foi.
La garantie contre l’éviction ne vit qu’en matière immobilière. En effet, la garantie d’éviction joue rarement pour des meubles corporels en raison de la règle « en matière de meubles, possession vaut titre », alors surtout que l’acquéreur a acquis l’objet d’un marchant vendant des « choses pareilles » : aussi le juge a-t-il, dans une affaire, refusé de faire jouer la garantie d’éviction dans le cas où un vendeur avait lancé une campagne de baisse des prix, dévalorisant ainsi les stocks de ses acheteurs[21].
On la rencontre donc plus souvent dans les ventes immobilières, les cessions de fonds de commerce ou de droits de propriété intellectuelle.
L’objet de cette garantie est précis : le vendeur ne doit pas porter atteinte à la propriété, à la possession, à la détention de la chose vendue, c’est la garantie du fait personnel qui est d’ordre public ; par ailleurs, le vendeur doit empêcher qu’un tiers, invoquant un droit sur la chose vendue, porte atteinte à la propriété, à la possession, à la détention de la chose, c’est la garantie du fait d’un tiers.
La garantie d’éviction est une obligation de ne pas faire qui profite à l’acquéreur, à ses ayants-cause et aux sous-acquéreurs et incombe au vendeur et à ses ayants-cause universels, c’est-à-dire ses héritiers purs et simples à l’exclusion des héritiers sous bénéfice d’inventaire.
Les faits qui ouvrent droit à la garantie ne sont pas les mêmes selon que l’éviction est le fait du vendeur ou d’une tierce personne.
Lorsqu’il s’agit de faits ouvrant droit à la garantie du fait personnel, celle-ci est due aussi bien pour les troubles de fait[22] que pour les troubles de droit[23].
Quand il s’agit de faits ouvrant droit à la garantie du fait d’un tiers, seul le trouble de droit est pris en compte.
La garantie contre l’éviction du fait personnel ne peut en aucun cas être supprimée par un accord des parties au contrat de vente en ce sens qu’elle est d’ordre public. Toutefois, son étendue peut être élargie ou réduite par une convention des parties en ce qui concerne les troubles de fait[24].
En revanche, ce qui est valable pour la garantie du fait personnel ne l’est pas pour la garantie du fait d’un tiers. En effet, les parties peuvent s’accorder pour étendre, diminuer et même supprimer cette garantie d’éviction[25].
En tout état de cause, toute clause limitative de garantie doit s’interpréter restrictivement et, le vendeur qui invoque une clause limitative de garantie doit apporter la preuve que l’acquéreur a connu et accepté l’existence de cette clause lors de la conclusion du contrat[26].
Il faut enfin préciser que l’acquéreur perd la garantie contre l’éviction s’il a acheté à ses risques et périls. Il peut également perdre la garantie s’il est déchu parce qu’il s’est laissé condamner par un jugement définitif sans appeler le vendeur en cause, à condition que le vendeur prouve qu’il y avait des moyens suffisants pour rejeter la demande.
2°- Garantie contre les vices cachés
Le vendeur est garant des vices cachés de la chose alors qu’il ne les avait pas connus[27]. Les vices cachés sont les vices qui affectent l’utilité de la chose vendue ou sa valeur. Ils peuvent aussi être un dommage causé par la chose.
La garantie des vices cachés s’est bien rapprochée au fil du temps du défaut de conformité. En effet, la garantie est due par le vendeur lorsque le défaut caché de la chose vendue diminue tellement son usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s’il l’avait connu.
La preuve du vice caché incombe à l’acquéreur qui doit démontrer que la chose ne répond pas à l’usage que l’on peut en attendre. Il doit prouver l’existence d’un vice imputable au vendeur et le lien de causalité entre le vice et le dommage.
Cette garantie bénéficie tant à l’acheteur contre le vendeur, qu’au sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication[28].
La garantie contre les vices cachés, comme la garantie contre l’éviction, peut être limitée par les parties d’un commun accord. Dans ce cas, la clause limitative de garantie doit également être interprétée restrictivement et, il appartient au vendeur qui l’invoque d’apporter la preuve de la connaissance de cette clause par l’acheteur au moment de la conclusion du contrat ; la règle de l’article 232 étant une règle générale s’appliquant à toutes les deux catégories de garantie.
L’acheteur s’oblige dans les conditions prévues au contrat et dans le respect des règles de droit à payer le prix et à prendre livraison des marchandises. Mais, l’acte uniforme portant droit commercial général ajoute une autre obligation qui est étroitement liée à celle de prise de livraison, il s’agit de l’obligation d’examiner la chose reçue que nous allons voir en premier.
L’acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances. Si le contrat implique un transport de marchandises, l’examen peut être différé jusqu’à leur arrivée à destination. i les marchandises sont déroutées ou réexpédiées par l’acheteur sans que celui-ci ait eu raisonnablement la possibilité de les examiner, et si au moment de la conclusion du contrat, le vendeur connaissait ou aurait dû connaître la possibilité de ce déroutage ou de cette réexpédition, l’examen peut être différé jusqu’à l’arrivée des marchandises à leur nouvelle destination[29].
Il s’agit, contrairement en droit français, d’une obligation explicite prévue par l’acte uniforme portant droit commercial général et qui permet à l’acheteur de pouvoir dénoncer avec précision et dans les délais le défaut de conformité et apporter la preuve du défaut de conformité ou d’un vice caché.
En effet, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il a constaté ou aurait dû le constater. La dénonciation du défaut de conformité doit donc se faire rapidement après examen de la chose reçue sous peine de déchéance.
Dans tous les cas, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité, s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie conventionnelle. Ainsi, s’il existe entre les parties une garantie conventionnelle d’un mois, l’acheteur est déchu de son droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le fait dans le délai d’un mois.
Donc, en l’absence de convention sur ce point, le délai légal d’un an est retenu et l’examen de la chose reçue et la dénonciation du défaut de conformité peuvent être effectués dans le délai d’un an à partir de la date de réception effective de la chose en question.
C’est la plus importante des obligations qui pèsent sur l’acheteur. L’obligation de payer le prix comprend celle de prendre toutes les mesures et d’accomplir toutes les formalités destinées à permettre le paiement du prix prévu par le contrat ou par les lois et règlements.
Le paiement se fait en principe au comptant, aux jour et lieu de la vente, s’il n’y a pas de stipulation contraire. En effet, à défaut de stipulation particulière, le paiement se fait lors de la délivrance. Les parties sont libres de fixer à la date qui leur convient l’échéance du prix. Elles peuvent convenir d’une seule échéance pour un prix global ou d’échéances successives (paiement échelonné).
Si l’acheteur n’est pas tenu de payer le prix en un autre lieu particulier, il doit payer le vendeur à l’établissement de celui-ci : contrairement au principe généralement retenu, le paiement en matière de vente commerciale est portable (par opposition au principe selon lequel la dette est quérable c’est-à-dire qu’elle doit être payée au domicile du débiteur).
Si le paiement doit être fait contre la livraison des marchandises ou la remise des documents les représentant, le paiement doit être effectué au lieu prévu pour cette livraison ou de cette remise.
Si l’acheteur n’est pas tenu de payer le prix à une date prévue par le contrat, il doit payer lorsque le vendeur met à sa disposition, soit les marchandises, soit les documents représentatifs des marchandises.
Par ailleurs, le vendeur peut faire du paiement du prix une condition de la remise des marchandises ou des documents. Si le contrat implique un transport des marchandises, le vendeur peut en faire l’expédition sous condition que celles-ci ou le document représentatif ne soient remis à l’acheteur que contre paiement du prix.
Toutefois, les parties peuvent expressément prévoir dans le contrat que l’acheteur ne sera tenu de payer le prix qu’après qu’il ait eu la possibilité d’examiner les marchandises.
Dans tous les cas, l’acheteur doit payer le prix à la date et au lieu fixés au contrat ou résultant du contrat sans qu’il soit besoin d’aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur. Aucune mise en demeure n’est donc nécessaire.
Il s’agit d’une obligation matérielle qui consiste pour l’acheteur à accomplir tout acte qu’on peut raisonnablement attendre de lui pour permettre au vendeur d’effectuer la livraison et à retirer la chose achetée. Les parties au contrat de vente commerciale doivent donc coopérer pour faciliter la livraison.
Lorsque l’acheteur tarde à prendre livraison de la chose ou n’en paie pas le prix alors que le paiement du prix et la livraison doivent se faire simultanément, le vendeur, s’il a la chose objet de la vente en sa possession ou sous son contrôle, doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour en assurer la conservation. Il peut les retenir jusqu’à ce qu’il ait obtenu de l’acheteur le paiement du prix convenu et le remboursement de ses dépenses de conservation.
Comme pour le vendeur, l’acheteur est obligé de prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour assurer la conservation des marchandises dès lors qu’il a reçu les marchandises et entend les retourner au vendeur. Dans ce cas, il peut les retenir jusqu’à ce qu’il ait obtenu du vendeur le remboursement de ses dépenses de conservation.
Qu’il s’agisse du vendeur ou de l’acheteur, la partie qui est tenue de prendre des mesures pour assurer la conservation des marchandises peut les déposer dans les magasins d’un tiers aux frais de l’autre partie, à condition que les frais qui en résultent ne soient pas déraisonnables.
Par ailleurs, la partie qui doit s’assurer de la conservation des marchandises peut les vendre par tous moyens appropriés si l’autre partie a accusé un retard à en prendre possession, à en payer le prix, ou à payer les frais de leur conservation, sous réserve de notifier à cette autre partie son intention de les vendre. La partie qui vend les marchandises a le droit de retenir sur le produit de la vente un montant égal à ses frais de conservation. Elle doit le surplus à l’autre partie.
Il se peut que l’une ou l’autre des parties au contrat de vente ne respecte pas ses engagements ou, de manière plus précise, n’exécute pas les obligations qui résultent pour elle du contrat auquel elle a consenti. Dans ce cas, plusieurs dispositions sont prévues par le législateur de l’acte uniforme portant droit commercial général pour assurer la protection des intérêts de l’autre partie. Parmi ces dispositions, il existe des dispositions qui viennent prévenir toute inexécution, et d’autres qui viennent sanctionner, a posteriori, l’inexécution des obligations.
Une partie peut demander à la juridiction compétente l’autorisation de différer l’exécution de ses obligations lorsqu’il apparaît, après la conclusion du contrat, que l’autre partie n’exécutera pas une partie essentielle de ses obligations du fait d’une grave insuffisance dans sa capacité d’exécution, de son insolvabilité ou de la manière dont elle s’apprête à exécuter ou exécute le contrat. Il s’agit là de l’exception d’inexécution reconnue également en droit commun des contrats. L’exception d’inexécution prévue ne peut se faire que sur autorisation judiciaire.
Au-delà de l’exception d’inexécution, la partie, qui pourrait subir l’inexécution de ses obligations par l’autre partie, peut demander la résolution du contrat. En effet, si avant la date d’exécution du contrat, il est manifeste qu’une partie commettra un manquement essentiel à ses obligations, l’autre partie peut demander à la juridiction compétente la résolution de ce contrat. Le caractère essentiel du manquement est déterminé par rapport à l’importance et à la prévisibilité du préjudice[30]. La résolution du contrat de vente ne peut judiciaire ; elle ne peut être faite de façon unilatérale par l’une des parties au contrat de vente.
Cette possibilité n’est pas seulement reconnue dans le cadre des contrats instantanés. Elle est également prévue pour les contrats de vente à exécution successive. Dans les contrats à livraison successive, si l’inexécution par l’une des parties d’une obligation relative à une seule livraison constitue un manquement essentiel au contrat, l’autre partie peut demander la résolution de ce contrat à la juridiction compétente. Elle peut en même temps le demander pour les livraisons déjà reçues, ou pour les livraisons futures si, en raison de leur connexité, ces livraisons ne peuvent être utilisées aux fins envisagées par les parties au moment de la conclusion du contrat[31]. Ainsi, la résolution judiciaire d’un contrat à exécution successive peut concerner une livraison isolé ou l’ensemble du contrat, même si des livraisons ont été déjà effectuées.
Il faut ici distinguer selon qu’il s’agit des obligations du vendeur ou de celles de l’acheteur.
Si le vendeur n’a pas exécuté l’une quelconque de ses obligations résultant pour lui du contrat de vente, l’acheteur peut exiger du vendeur l’exécution de l’obligation concernée.
En cas de non-conformité, l’acheteur dispose de droits différents selon que le manquement est essentiel ou non. Dans le premier cas, il peut demander le remplacement des marchandises reçues et, dans le second, il ne peut exiger qu’une réparation.
En effet, si les marchandises ne sont pas conformes au contrat, l’acheteur peut exiger du vendeur la livraison de marchandises de remplacement si le défaut de conformité constitue un manquement essentiel au contrat et si cette livraison est demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité, ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation. Il peut également exiger du vendeur qu’il répare le défaut de conformité. Dans ce cas, la réparation doit être demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité, ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation.
Dans tous les cas de défaut de conformité des marchandises au contrat, l’acheteur peut, que le prix ait été ou non déjà payé, réduire le prix proportionnellement à la différence entre la valeur que les marchandises effectivement livrées avaient au moment de la livraison et la valeur que des marchandises conformes auraient eu à ce moment. Le législateur permet donc à l’acheteur de refaire le contrat de manière unilatérale. Toutefois, il est clair que l’acheteur n’usera de ce droit de réfaction du contrat que s’il lui est favorable, c’est-à-dire, si les marchandises livrées sont conforme à leur utilisation. A défaut, il dispose d’un autre droit, plus efficace, la demande de résolution judiciaire du contrat.
Par ailleurs, le vendeur peut, même après la date de livraison, réparer à ses frais tout manquement à es obligations. Toutefois, l’acheteur conserve le droit de demander des dommages-intérêts.
En cas de défaut ou de retard dans l’exécution de ses obligations, le vendeur peut obtenir de l’acheteur un délai supplémentaire de durée raisonnable. Dans ce cas, l’acheteur ne peut se prévaloir d’aucun des moyens dont il dispose en cas de manquement au contrat, à moins qu’il n’ait reçu du vendeur une notification l’informant que celui-ci n’exécuterait pas ses obligations dans le délai ainsi imparti. L’acheteur peut toutefois demander des dommages-intérêts pour retard dans l’exécution.
Si le vendeur demande à l’acheteur de lui faire savoir s’il accepte l’exécution, l’acheteur doit lui répondre dans un délai raisonnable. A défaut, le vendeur peut exécuter ses obligations dans le délai qu’il a indiqué dans sa demande. L’acheteur ne peut, avant l’expiration de ce délai, se prévaloir d’un moyen incompatible avec l’exécution par le vendeur de ses obligations[32].
L’acheteur peut demander la résolution du contrat au juge compétent :
L’acheteur ne peut toutefois obtenir la résolution du contrat ou exiger la livraison de marchandises de remplacement s’il lui est impossible de restituer les marchandises dans l’état où il les a reçues. Cependant, cette interdiction ne s’applique pas lorsque l’impossibilité de restituer les marchandises ou de les restituer dans un état sensiblement identique à celui où l’acheteur les a reçues n’est pas due à un acte ou une omission de sa part.
Les droits ci-dessus reconnus à l’acheteur peuvent également être utilisés lorsque le vendeur ne livre qu’une partie des marchandises ou si une partie seulement des marchandises livrées est conforme au contrat pour la partie manquante ou non conforme. Toutefois, le contrat ne peut être résolu dans sa totalité que si l’inexécution partielle ou le défaut de conformité constitue un manquement essentiel au contrat.
Le vendeur peut effectuer une livraison anticipée ou excédentaire. Dans ces cas, l’acheteur a un droit d’option : refuser ou accepter la livraison. En effet, si le vendeur livre les marchandises avant la date fixée, l’acheteur a la faculté d’en prendre livraison ou de refuser la livraison. Par ailleurs, l’acheteur peut accepter ou refuser de prendre livraison de la quantité excédentaire lorsque le vendeur livre une quantité supérieure à celle prévue au contrat. Dans le cas où l’acheteur accepte d’en prendre livraison en tout ou en partie, il doit payer les marchandises au tarif du contrat.
En dehors des droits qui lui sont reconnus, l’acheteur peut demander des dommages-intérêts pour toute inexécution par le vendeur de ses obligations.
Si l’acheteur n’a pas exécuter l’une quelconque de ses obligations résultant du contrat de vente, le vendeur peut impartir à l’acheteur un délai supplémentaire de durée raisonnable pour l’exécution de ses obligations. Dans ce cas, le vendeur ne peut, avant l’expiration du délai imparti, se prévaloir d’aucun des moyens dont il dispose en cas de manquement au contrat, à moins qu’il n’ait reçu de l’acheteur une notification l’informant que celui-ci n’exécutera pas ses obligations dans le délai ainsi fixé. Toutefois, le vendeur ne perd son droit de demander des dommages-intérêts pour retard dans l’exécution.
Comme le vendeur, l’acheteur peut, même après la date de livraison, réparer tout manquement à ses obligations, à condition que cela n’entraîne pas un retard déraisonnable, et ne cause au vendeur ni inconvénient déraisonnable, ni incertitude quant au paiement du prix. Toutefois, le vendeur conserve le droit de demander des dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Si l’acheteur demande au vendeur de lui faire savoir s’il accepte l’exécution, le vendeur doit lui répondre dans un délai raisonnable. A défaut, l’acheteur exécuter ses obligations dans le délai qu’il a indiqué dans sa demande et le vendeur ne peut, avant l’expiration de ce délai, se prévaloir d’un moyen incompatible avec l’exécution par l’acheteur de ses obligations[33].
Le vendeur peut demander la résolution du contrat au juge compétent dans les cas suivants :
Dans tous les cas d’inexécution par l’acheteur de l’une quelconque de ses obligations, le vendeur peut demander des dommages-intérêts.
La prescription en matière de vente commerciale est de deux ans ; ce délai commence à courir à compter de la date à laquelle l’action peut être exercée : la date de la production de manquement en cas de manquement au contrat, la date de découverte du défaut de conformité en cas de défaut de conformité ou la date à laquelle le fait a été ou aurait dû raisonnablement être découvert en cas d’action fondée sur un dol commis avant ou au moment de la conclusion du contrat ou résultant d’agissements frauduleux ultérieurs. S’il existe une garantie contractuelle, le délai commence à courir à compter de la date d’expiration de la garantie contractuelle.
Il faut enfin préciser que, quelle que soit la partie à laquelle est imputable l’inexécution, les dommages-intérêts tiennent compte non seulement de la perte subie mais également du gain manqué par l’autre partie. Toutefois, la partie qui invoque un manquement essentiel au contrat doit prendre toutes mesures raisonnables eu égard aux circonstances pour limiter sa perte, y compris le gain manqué résultant de ce manquement. A défaut, la partie en défaut peut invoquer sa négligence pour obtenir du juge compétent une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui aurait pu être évitée.
Par ailleurs, la résolution du contrat libère les deux parties de leurs obligations, sous réserve des dommages-intérêts qui peuvent être dus. Dès que le contrat est résolu, les parties doivent revenir au statu quo ante et donc, la partie qui a exécuté le contrat totalement ou partiellement peut réclamer restitution à l’autre partie de ce qu’elle a fourni ou payé en exécution du contrat.
Sur ce point, il y a une différence fondamentale entre les droits français et sénégalais. En effet, alors qu’en droit français le seul consentement des parties à un contrat ayant pour objet de transférer un droit sur une chose opère transfert de ce droit (système de transfert solo consensu), en droit sénégalais, on ignore ce principe de transfert. Au Sénégal, le contrat de vente ne transfère pas de plein droit la propriété de la chose à l’acheteur. Le contrat de vente déjà conclu fait seulement naître une obligation pour le vendeur de transférer la propriété de la chose vendue. Cette distinction nous permet de déterminer la partie sur laquelle pèsent les risques.
Ainsi, selon l’acte uniforme portant droit commercial général, le transfert de propriété s’opère dès la prise de livraison par l’acheteur de la marchandise vendue sauf convention contraire entre les parties[35]. Les parties peuvent librement convenir de reporter ce transfert de propriété au jour du paiement complet du prix.
Il est toutefois possible pour les parties de prévoir une clause de réserve de propriété au contrat. Cette clause n’est qu’une garantie qui permet au vendeur de rester propriétaire des marchandises vendues jusqu’au paiement complet du prix par l’acheteur. Elle ne peut produire d’effets entre les parties que si l’acheteur en a eu connaissance par sa mention dans le contrat de vente, le bon de commande, le bon de livraison, et au plus tard le jour de la livraison. Pour être opposable aux tiers[36], la clause de réserve de propriété doit non seulement être valable, mais également publiée au registre du commerce et du crédit mobilier.
La connaissance de la date du transfert de propriété nous permet de déterminer la date du transfert des risques. En effet, selon l’article 285 de l’acte uniforme portant droit commercial général, « le transfert de propriété entraîne le transfert des risques ». Ainsi, la perte fortuite de la chose vendue est supportée par le vendeur lorsque cette perte a eu lieu avant la prise de livraison qui vaut transfert de propriété et transfert des risques. De même, la perte ou la détérioration des marchandises survenue après le transfert des risques à l’acheteur ne libère pas celui-ci de son obligation de payer le prix, à moins que ces évènements ne soient dus à un fait du vendeur.
Lorsque le contrat de vente implique un transport des marchandises, les risques sont transférés à l’acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur. Le fait que le vendeur soit autorisé à conserver les documents représentatifs des marchandises n’affecte pas le transfert des risques.
En ce qui concerne les marchandises vendues en cours de transport, les risques sont transférés à l’acheteur à partir du moment où le contrat est conclu ; on revient ici au transfert solo consensu. Néanmoins, si au moment de la conclusion du contrat de vente, le vendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que les marchandises avaient péri ou avaient été détériorées et qu’il n’en a pas informé l’acheteur, la perte ou la détérioration est à la charge du vendeur.
Si la vente porte sur des marchandises non encore individualisées, les marchandises ne sont réputées avoir été mises à la disposition de l’acheteur que lorsqu’elles ont été clairement identifiées aux fins du contrat. Le transfert des risques n’intervient qu’après cette identification[37].
Pour couvrir le territoire, soit de points de distribution aux consommateurs, soit d’agents chargés de vendre, chez le consommateur ou le grossiste, le distributeur doit constituer un réseau. Il peut le faire avec des agents salariés, des mandataires indépendants ou des commerçants intégrés.
Les réseaux d’agents salariés peuvent être constitués avec des gérants salariés ou des représentants salariés. Les gérants salariés sont les directeurs de succursales, de magasins généralement importants (exemple : grandes surfaces) dont le fonds de commerce ne leur appartient pas. Ils sont liés à l’entreprise par un contrat de travail classique comportant une clause d’exclusivité et une obligation de non-concurrence.
Quant aux représentants salariés, leur travail consiste à visiter la clientèle, pour le compte de l’entreprise et, selon les cas, à faire des démonstrations, à passer des contrats au nom de l’entreprise, à assurer le service après-vente. Il s’agit des voyageurs représentants et placiers (VRP), des représentants salariés soumis au droit commun qui n’ont pas le statut de VRP et restent de simples salariés de l’entreprise.
Les réseaux de mandataires indépendants peuvent être constitués avec des gérants libres ou des agents indépendants. Les gérants libres sont liés à la société par un contrat de mandat et non un contrat de location-gérance. Ils sont responsables de leur gestion, engagent eux-mêmes le personnel, mais ne sont pas des commerçants. Le fonds de commerce appartient à la société, laquelle leur fournit généralement les marchandises (exemple : produits alimentaires dans le cas de succursales de chaînes de magasins d’alimentation, essence dans les stations-service). Ces marchandises sont détenues par eux à titre de dépôt : il s’agit donc de dépôt-vente. Ils sont rémunérés le plus souvent par un pourcentage sur le chiffre d’affaires. Ils sont subordonnés économiquement à la société et bénéficient de la même protection que celle assurée aux salariés.
Quant aux agents indépendants, ce sont des mandataires professionnels chargés de vendre au nom et pour le compte d’une entreprise, des services ou des produits mais sans cependant disposer d’un fonds de commerce ni d’un stock de marchandises. Cette activité professionnelle est en principe libre et peut s’exercer dans le cadre du mandat de droit commun. Il s’agit en effet d’un mandat d’intérêt commun ouvrant droit à indemnité au cas de révocation. Ils sont généralement des agents commerciaux qui sont des mandataires exerçant leur activité à titre permanente et de façon indépendante. Ils négocient et éventuellement passent des contrats pour le compte de producteurs, d’industriels ou de commerçants. L’agent commercial peut être une personne physique ou morale. Les rapports entre les agents commerciaux et la société sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information. L’agent doit exercer sa mission en bon professionnel et le mandant (la société) doit le mettre en mesure d’exercer son mandat. Sa rémunération dépend du nombre et de la valeur des affaires. Si le montant n’est pas fixé dans le contrat, il sera déterminé selon l’usage.
Ils peuvent être également des agents à statut particulier comme les agences de voyage ou les agents généraux d’assurance.
Mais ceux qui nous intéressent le plus sont les réseaux de commerçants intégrés. Les réseaux de commerçants intégrés sont organisés à partir de commerçants, déjà propriétaires de leur fonds de commerce (auquel cas, ils ont également une clientèle), ou qui vont créer un fonds de commerce spécialement pour entrer dans le réseau. La société fournissant les produits réalise ainsi des économies appréciables et n’aura pas à gérer les stocks. Le commerçants trouvera une compensation à ces lourds investissement dans l’assurance d’un marché (produits prévendus grâce à une publicité de marque) et de gros chiffres d’affaires (produits coûteux comme par exemple les véhicules). Mais cette distribution intégrée mettant les commerçants dans une situation de dépendance économique, le contrat leur imposant souvent des conditions draconiennes, cette pratique est sanctionnée dès lors que la société exploite abusivement la dépendance économique des commerçants de son réseau. Les formules d’intégration sont liées à un nom commercial, une marque ou une enseigne avec engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité. Dans tous les cas, la société qui crée le réseau doit informer au préalable le commerçant cocontractant sur l’ancienneté ou l’expérience de l’entreprise, les perspectives du marché concerné, l’importance du réseau, les conditions de résiliation et de cession du contrat. Si le versement d’une somme est exigé, la contrepartie de cette somme doit être précisée. Les conditions de la conclusion du contrat doivent être de telle sorte que le commerçant dispose d’un délai de réflexion.
La classification des distributeurs intégrés est assez délicate. S’il y a une répartition des territoires de vente, accompagnée d’un engagement de fourniture exclusive, on parle parfois de distribution exclusive. Celle-ci peut s’accompagner de l’engagement par le revendeur de s’approvisionner exclusivement auprès d’un seul fournisseur. Toutefois, la durée de l’engagement d’exclusivité est limitée à dix ans ; la sanction du dépassement étant la réduction au temps légal.
S’il n’y a pas de répartition de territoire, ni aucune clause d’exclusivité d’achat ou de fourniture, mais s’il y a soumission des revendeurs à certains critères d’agrément, en raison de la compétence technique, de la bonne implantation du lieu de vente, de la qualité du service après-vente, ou de la volonté de limiter les lieux de vente pour des produits de luxe (exemple : parfumerie), on parle alors de distribution sélective.
Distribution exclusive et distribution sélective peuvent soulever les mêmes problèmes au regard du droit de la concurrence. Mais, elles donnent lieu à des formules contractuelles différenciées. Cependant, les deux principales catégories de commerçants intégrés dans des réseaux sont les concessionnaires et les franchisés. D’où l’intérêt de voir d’abord le contrat de concession et ensuite le contrat de franchise.
Il lie la société appelée concédant à des commerçants appelés concessionnaires[38]. Le contrat de concession est le contrat par lequel un fabricant ou un fournisseur, le concédant, confère à un commerçant indépendant, le concessionnaire, le droit exclusif de distribuer ses produits sous sa marque et sur un territoire déterminé. Dénommé également contrat de distribution exclusive, ce contrat consiste pour un fournisseur de biens et services à s’engager envers un commerçant indépendant à ne fournir que celui-ci dans un secteur géographique déterminé. De son côté, le concessionnaire s’engage à s’approvisionner exclusivement chez le concédant et à ne pas distribuer de produits concurrents tout en respectant la politique commerciale prévue. De fait, le concessionnaire achète des produits au concédant et les revend pour son propre compte. Il est rémunéré par une marge commerciale et est soumis aux risques commerciaux.
Le contrat de concession est un contrat complexe. C’est une convention cadre fixant les rapports généraux des cocontractants où les parties stipulent :
C’est ensuite des conventions d’application portant sur les livraisons périodiques. En principe, c’est dans ces conventions d’application que le prix doit être déterminé ou déterminable, le contrat cadre, lui, stipulant plutôt des obligations de faire et de ne pas faire que des obligations de donner. Cependant, si le contrat-cadre comporte des obligations d’achat (quotas), ou une exclusivité d’approvisionnement, le prix doit être précisé dans le contrat-cadre, sous peine de nullité.
Il n’existe pas de dispositions légales spécifiques consacrées à la concession au Sénégal. Toutefois, lorsqu’elle contient une clause d’exclusivité, ce qui est généralement le cas, cette convention née de la pratique des affaires sera justiciable de l’article 275 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) et surtout du décret 70.1335 du 7 décembre 1970 réglementant les contrats d’exclusivité de vente ou d’achat.
Ainsi, la clause d’exclusivité d’achat, c’est-à-dire, par laquelle un commerçant s’engage à ne fournir chez un fournisseur n’est valable que si elle est approuvée par l’autorité administrative compétente à savoir le ministre chargé du commerce[40].
De même, la clause d’exclusivité de vente, c’est-à-dire par laquelle un fournisseur s’engage à ne vendre ses produits qu’à certains commerçants exclusivement n’est valable que si elle est approuvée par le ministre chargé du commerce[41].
A défaut d’approbation, la clause d’exclusivité de vente ou d’achat est nulle et de nullité absolue[42].
L’approbation de la clause d’exclusivité est soumise à plusieurs conditions :
La durée de validité du contrat ne peut être supérieure à dix années consécutives. Un contrat conclu pour un an peut être renouvelé neuf fois consécutives, après avis favorable du ministre chargé du commerce[43]. Cette règle a pour but d’empêcher l’enchaînement perpétuel du concessionnaire au concédant. Si le contrat comporte une durée plus longue, il ne sera pas en principe nul mais sa durée sera réduite à 10 ans.
Le projet de contrat doit être déposé en trois exemplaires à la direction du commerce intérieur et des prix avec un exemplaire de chacune des publications contenant l’annonce[44] et toutes pièces justificatives de la limitation devant être apportée à la concurrence.
Selon l’article 3 du décret de 1970, les contrats d’exclusivité ne peuvent porter sur d’autres produits que les suivants :
Contrairement à l’article 269 du COCC qui exige, pour tout contrat de vente, que le prix soi déterminé ou déterminable, les contrats de concession, qui sont des contrats d’approvisionnement de longue durée, ne contiennent pas nécessairement le prix des marchandises au moment de leur conclusion. Le prix est généralement fixé ultérieurement en fonction d’un élément extérieur au contrat comme le tarif du vendeur au jour de la livraison par exemple. Un tel procédé de détermination du prix entrave la liberté du concessionnaire soumis au bon vouloir du concédant. Pour cette raison, la sanction de l’indétermination du prix au moment de la conclusion du contrat est la nullité du contrat de concession. En conséquence, pour éviter ce désagrément, il est donc essentiel de stipuler le prix de vente des marchandises dès la conclusion du contrat ou, si sa fixation est retardée, de prévoir que sa détermination dépendra d’éléments objectifs extérieurs à la volonté des parties.
Le contrat de concession crée à la charge des parties des obligations réciproques. C’est une méthode de distribution formant un réseau.
A l’égard du concessionnaire, le concédant s’oblige à une exécution loyale du contrat. Cela implique l’approvisionnement régulier du concessionnaire dans le respect de l’exclusivité territoriale, la garantie du concessionnaire contre l’éviction et les vices cachés en application des règles générales de la vente et, si le contrat prévoit l’assistance technique, le respect des clauses qui y sont relatives.
A l’égard du réseau, le concédant doit assurer la coordination de l’activité des concessionnaires. Il assure la direction générale du réseau d’une manière loyale et de bonne foi dans l’intérêt de l’ensemble de l’unité économique. Ce qui notamment de veiller au renom de la marque concédée ; d’où l’utilité des inspections.
Par le contrat de concession, le concessionnaire aliène une partie de sa liberté contractuelle au profit du concédant. La concession fait partie des contrats d’intégration, de dépendance.
Aussi, le concessionnaire doit-il respecter les techniques de vente et de promotion du produit exigées par le concédant, le modèle présenté par le concédant dans l’agencement comptable, financier et administratif afin de faciliter le contrôle, et, d’une manière générale, mettre tout en œuvre pour assurer et faciliter l’homogénéité de la commercialisation et la mise en œuvre des marchandises.
Par ailleurs, le concessionnaire contracte une obligation de non-concurrence[45] et il ne doit pas nuire à la marque concédée. Il doit plutôt assurer la valorisation du produit car le contrat de concession est généralement considéré comme un contrat de coopération ou de collaboration.
En outre, le concessionnaire est tenu de rendre des services à la clientèle. Généralement, c’est ce que l’on appelle le service après-vente et de manière spécifique obligation de réparation ou de révision des produits vendus, explication du fonctionnement du matériel, installation du matériel, obligation de conserver un stock de pièces de rechange.
Il doit enfin respecter l’activité commerciale des autres membres du réseau. Il est vrai qu’on ne peut pas lui imposer de ne pas vendre sur les autres territoires concédés (risque de protection territoriale absolue contraire au droit de la concurrence), mais, il doit assurer des services aux autres concessionnaires et surtout, il ne doit pas entraver leur liberté de vendre.
Il faut rappeler que le contrat de concession est un contrat entre deux commerçant indépendants et, pour éviter une requalification en contrat de travail, il faut que les clauses soient rédigées de manière que les impératifs de liberté et de collaboration soient toujours présents. En effet, le concessionnaire est un travailleur indépendant ; il n’a pas droit à la protection sociale des salariés. Il est lié à la firme par un contrat de vente et non par un contrat de mandat.
Comme tout contrat, le contrat de concession répond aux principes ordinaires régissant la rupture du contrat aussi bien dans ses causes que dans ses effets.
Ainsi, si le contrat de concession est à durée déterminée, il prend fin par l’arrivée du terme et le concédant n’est pas obligé, dans ce cas, de le renouveler ; le non renouvellement est un droit et le concédant n’a pas à le justifier. Le droit de non renouvellement ne peut cependant s’exercer que dans le respect d’un préavis sinon, il y a abus de droit de non renouvellement. Par ailleurs, il y aurait fraude à rompre un contrat de concession avant le terme sauf faute grave du concessionnaire.
En revanche, il est rare que le contrat de concession soit à durée indéterminée. Dans ce cas, le principe est celui de la libre rupture du lien contractuel dans le respect d’un préavis. Il faut rappeler que dès lors que le contrat de concession comporte une clause d’exclusivité, sa durée ne peut être supérieure à 10 ans consécutifs.
La rupture met fin aux relations contractuelles et oblige au règlement des dettes réciproques. Le problème essentiel est celui du régime des stocks encore en la possession du concessionnaire. Puisqu’il a acheté les marchandises, il en est devenu propriétaire. Mais, il ne peut plus les écouler puisqu’il a perdu la concession de la marque. En conséquence, la question qui se pose est celle de savoir s’il est possible d’imposer au concédant de reprendre les stocks de marchandises restant chez le concessionnaire.
En principe, n’étant plus propriétaire, le concédant ne peut plus reprendre les marchandises et on ne peut l’obliger à le faire. Mais, si la rupture du contrat est intervenue d’une manière brutale et est le fait du concédant, on l’oblige à reprendre le stock de marchandises et à rembourser au distributeur le prix qu’il a payé. Il est également arrivé que, pour imposer la reprise, on qualifie le contrat de mandat d’intérêt commun obligeant le concédant à réparer le préjudice résultant de la rupture.
Les praticiens conseillent, pour régler le sort des stocks, de stipuler expressément dans le contrat de concession une clause de reprise des stocks imposant au concédant de racheter les stocks du concessionnaire après la rupture.
Par ailleurs, il faut préciser que le concessionnaire ne peut prétendre à aucune indemnité à la fin du contrat de concession. Ce qui est d’autant plus gênant que ce contrat est habituellement conclu pour une période courte ne permettant pas l’amortissement des investissements s’il n’est pas renouvelé et que le concessionnaire reste avec des stocks qu’il ne peut négocier sans porter atteinte aux droits du nouveau concessionnaire.
Cependant, le concessionnaire peut obtenir une indemnité sur la base de l’abus de droit, ainsi que sur l’abus de dépendance économique.
Dans tous les cas, en l’absence de réglementation spécifique, les problèmes posés par la concession doivent être résolus par la voie contractuelle. Il importe notamment que le contrat prévoie avec précision les modes de détermination du prix de vente en fonction d’éléments extérieurs à la volonté des parties, qu’il ne limite pas la liberté du concessionnaire[46] et qu’il définisse le régime des stocks en cas de rupture du contrat. Il faut par ailleurs que le contrat respecte la réglementation relative à la protection de la concurrence.
Le contrat de franchise est d’origine américaine (franchising). C’est un contrat sui generis. Il lie au sein d’un réseau, fortement uniformisé dans sa présentation matérielle (devanture des magasins) et ses méthodes de vente, un fournisseur de biens ou de services (franchiseur) et des commerçants (franchisés) offrant ces biens et services au consommateurs. C’est le contrat par lequel une entreprise concède à des commerçants indépendants en contrepartie d’une redevance le droit de se présenter sous sa raison sociale ou sa marque pour vendre des produits ou services.
Ce contrat s’accompagne généralement d’une assistance technique. C’est une méthode de collaboration entre deux ou plusieurs entreprises commerciales, l’une appelée franchiseur, l’autre franchisée, par laquelle la première, propriétaire d’un nom ou d’une raison sociale connue, de sigle, symbole, marque de fabrique de commerce ou de service ainsi que d’un savoir-faire particulier, met à disposition de l’autre le droit d’utiliser, moyennant une redevance ou un avantage ou un avantage, la collection de produits ou de services pour l’exploiter obligatoirement et totalement selon des techniques commerciales expérimentées , mises au point et régulées périodiquement, d’une manière exclusive afin de réaliser un meilleur impact sur le marché considéré et d’obtenir un développement accéléré de l’activité commerciale des entreprises concernées. Ce contrat peut être assorti d’une aide industrielle, commerciale ou financière permettant l’intégration dans l’activité commerciale du franchiseur à l’égard du franchisé initié à une technique originale et à un savoir-faire hors du commun permettant le maintien de l’image de marque du service ou du produit vendu et le développement de la clientèle à moindre coût avec une plus grande rentabilité pour les deux parties qui conservent juridiquement une indépendance totale[47].
Lorsque le franchiseur fournit ses produits au franchisé, avec clause d’exclusivité, la franchise (ou le franchisage) se situe dans le prolongement de la concession, et c’est encore la vente qui est au cœur du contrat. Ce qui explique que l’on retrouve, dans cette hypothèse, les problèmes de détermination de prix, auxquels la jurisprudence donne pratiquement les mêmes solutions qu’en matière de concession (nullité pour indétermination du prix ou lorsque le prix est fixé par le seul franchiseur). Cependant, il existe des caractéristiques spécifiques à la franchise et, dans la pratique, sa durée est plus longue que celle de la concession. Dans tous les cas, dès lors qu’il y a une clause d’exclusivité, les dispositions de l’article 275 du COCC et du décret de 1970 s’appliquent au contrat de franchise.
En principe, dans le contrat de franchise, il n’y a aucune obligation d’achat et aucune clause d’exclusivité car celle-ci n’est pas de l’essence de la franchise. Si le franchisé peut s’approvisionner chez le producteur de son choix, mais doit vendre les produits sous la marque du franchiseur, la base du contrat est une licence de marque. Il faut rapprocher de cette hypothèse la franchise industrielle où le franchisé fabrique des produits qu’il commercialise sous la marque du franchiseur (exemple : Coca-Cola). S’il n’y a pas apposition de marque, comme cela est souvent le cas pour les prestations de services, la base du contrat peut être une licence d’enseigne (exemple : c’est le cas des chaînes d’hôtellerie).
Les caractéristiques essentielles du contrat de franchise sont :
En principe, le commerçant a le libre choix de sa méthode de distribution. L’innovation, ici, a été fructueuse. A côté des méthodes traditionnelles, on peut citer la vente en libre-service inspirée des méthodes américaines, la vente à distance (vente par correspondance, sur catalogue, par téléphone, par téléachat) qui pose le problème du moment de la formation du contrat et la vente au domicile d’hôtesses pratiquée pour les articles ménagers ou les produits de beauté.
Cependant, les pouvoirs publics ont dû intervenir d’abord pour empêcher les méthodes de distribution qui risqueraient de fausser, voire de supprimer le libre jeu de la concurrence, ensuite pour réglementer des méthodes considérées comme déloyales à l’égard des concurrents et enfin pour contrôler les méthodes dangereuses pour les consommateurs (qui ne fera pas partie de notre étude).
La loi sénégalaise n° 94-63 et le règlement de l’UEMOA sur les pratiques anticoncurrentielles ont regroupé un certain nombre de règles qui sanctionnent des méthodes de vente portant atteinte à la concurrence (on les qualifie de pratiques restrictives). La plupart de ces pratiques auraient pu être sanctionnées comme des ententes, des abus de position dominante ou encore comme des exploitations abusives d’un état de dépendance économique. Mais, prenant en compte le fait que les pratiques concernées peuvent être individuelles, et non seulement collectives, relevant alors du conseil de la concurrence, le législateur a préféré prendre des dispositions particulières, à cheval sur le droit de la distribution et le droit de la concurrence. Ce cours se limitera cependant à l’étude du respect de la concurrence dans les méthodes de distribution.
Elles sont nombreuses et peuvent parfois se verser dans les pratiques anticoncurrentielles collectives dès lors qu’elles sont le résultat d’une concertation entre plusieurs acteurs économiques. Il s’agit de la non transparence des conditions de vente, du refus de vente et de prestation de service, des ventes subordonnées, des pratiques discriminatoires, des prix imposés que nous allons appréhender successivement.
Le défaut de communication des conditions de vente peut empêcher la connaissance des pratiques discriminatoires. Ainsi, tout producteur, grossiste, importateur ou prestataire de services est tenu de communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de services qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente (délais de règlement, rabais, ristournes…etc.). il doit également remettre à toute personne qui en fait la demande un exemplaire des conventions qu’il propose habituellement à ses clients.
En outre, si un distributeur se fait rémunérer par ses fournisseurs un service spécifique, cet accord doit être passé par écrit.
A l’origine, il s’agissait d’un délit lié au marché noir et destiné à protéger le consommateur. Cette protection dans un cadre pénal subsiste, même si elle ne se fonde plus dans une situation de pénurie. Mais, une nouvelle application avait été trouvée au refus de vente dans les relations entre producteurs, grossistes et revendeurs. Dans ce cadre, le refus de vente a été dépénalisé ; il ne s’agit plus désormais que d’une faute civile engageant la responsabilité de son auteur.
Il est en effet interdit à tout producteur, commerçant, industriel, isolé ou en groupe, de refuser de satisfaire aux demandes des acheteurs de produits ou aux demandes des prestations de service lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal, qu’elles émanent de demandeurs présentant la garantie technique, commerciale ou de solvabilité nécessaire et que la vente de produits ou la prestation de service n’est pas interdit par les lois et règlements[51].
Pour les contrats d’exclusivité de vente, même à l’intérieur de la zone d’exclusivité, le fournisseur demeure tenu de vendre ses produits à tous les commerçants possédant les moyens et la qualification technique indispensables à une parfaite commercialisation des produits concernés[52].
Le contrat d’exclusivité ne constitue une justification du refus de vente que s’il est loyalement exécuté par les parties dans le respect des conditions énumérées plus haut et relativement aux seuls produits énumérés par le décret de 1970[53].
Par exemple, en ce qui concerne le contrat de concession, ce qui est interdit c’est le refus de vente opposé par le concédant à des distributeurs extérieurs à son réseau en raison des liens contractuels l’unissant à ses concessionnaires.
Le fait reproché est donc le refus de satisfaire aux demandes des acheteurs de produits ou aux demandes de prestations de service (absence de réponse, refus pur et simple, proposition d’une prestation différente…) comme par exemple la vente d’un produit dans un emballage différent et sans sa marque. L’hypothèse la plus fréquente de refus sanctionnés consiste dans le fait de ne pas satisfaire la demande du client dans les conditions auxquelles le produit est habituellement vendu, et qu’il est censé connaître, puisque le vendeur est tenu de lui communiquer les barèmes. Mais, il est vrai que cette vision extensive du refus de vente rapproche celui-ci des pratiques discriminatoires.
Toutefois, l’interdiction ne concerne pas le refus à des personnes liées au réseau et dont le contrat a été résilié.
Les faits justificatifs du refus de vente permettant d’échapper à la condamnation relèvent de deux catégories :
Les ventes subordonnées sont encore appelées ventes liées ou ventes jumelées. Mais le terme « subordonnées » comporte l’idée que le lien est imposé à l’acheteur, en position de faiblesse. A l’origine l’interdiction des ventes subordonnées avait encore pour objectif la volonté de lutter contre les pratiques du marché noir, et d’empêcher que soit contournée la réglementation des prix (en imposant à l’acheteur de prendre, en même temps que le produit rare qu’il souhaitait, un produit sans valeur, démodé ou obsolète, le vendeur gonflait artificiellement ses prix en même temps qu’il dégonflait ses stocks).
Aujourd’hui, il s’agit d’un délit civil considéré comme une pratique restrictive de concurrence ; ce qui explique que les faits soient interprétés avec plus de souplesse et qu’il soit tenu compte de la nature des produits et des liens contractuels unissant le distributeur au vendeur[54].
La distinction entre pratique discriminatoire et refus de vente n’est guère aisée en ce sens que le refus de vente est par essence discriminatoire puisqu’on ne voit pas de distributeur refuser ses produits à tous les acheteurs ; par ailleurs, une pratique discriminatoire peut être sciemment utilisée par le distributeur pour empêcher la conclusion du contrat de vente notamment en exigeant des garanties exorbitantes pour écarter le demandeur. La distinction est d’autant plus difficile que les conditions de poursuite et les sanctions sont identiques. Il faut en outre rappeler que ces pratiques discriminatoires, dès lors qu’elles sont collectives, peuvent être qualifiées d’ententes ou d’abus de position dominante.
Le rapprochement des deux notions n’occulte pas leurs différences qui justifient l’autonomie du délit civil que constitue la pratique discriminatoire. D’abord, est considéré comme victime tout partenaire économique ; ensuite, la pratique peut être sanctionnée même après la conclusion du contrat (notamment lorsque le cocontractant aura accepté les conditions de vente et qu’il s’apercevra, après coup, qu’il a été victime d’une discrimination) alors que, par hypothèse, le refus de vente a empêché la réalisation du contrat.
En conclusion, sur la distinction entre les deux notions, nous pouvons dire que tout refus de vente est une pratique discriminatoire, mais l’inverse n’est pas vrai.
D’une manière générale, il y a discrimination dès lors que, vis-à-vis de son partenaire, l’entreprise n’a pas respecté ses pratiques habituelles, que ce soit à son avantage ou à son désavantage dans la concurrence.
La discrimination peut porter sur le prix (en hausse ou en baisse). Plus souvent que sur les prix, elle porte sur les remises et les ristournes. Elle peut également porter sur les modalités de la vente (services annexes tels que emballage, livraison, étiquetage, coût et durée du crédit).
Mais, dans tous les cas, pour être justifiée, la pratique discriminatoire doit reposer sur des critères objectifs et non subjectifs (d’où, par exemple, le rôle des barèmes d’écart pour les variations de prix en fonction des quantités) qui doivent être communiqués aux demandeurs dans le cadre de la transparence des conditions de vente. il peut s’agir de contreparties réelles qui peuvent tenir à l’importance des quantités vendues, à la régularité des livraisons, à l’importance des services annexes fournis par le vendeur ou, au contraire, pris en charge par l’acheteur, ou encore au risque d’insolvabilité présenté par l’acheteur. Sinon on en revient aux discriminations interdites : c’est le cas de l’éditeur qui fait des remises à des grossistes mais pas à une coopérative d’étudiants qui achète pourtant des quantités équivalentes.
Celui qui invoque un fait justificatif de la discrimination doit en rapporter la preuve.
Il s’agit d’une mesure ancienne inspirée de l’idée que la concurrence était régulée par les prix et que, s’il appartenait aux pouvoirs publics de réglementer ceux-ci, les agents économiques ne devaient pas s’imposer entre eux des contraintes de ce genre. La finalité du prix imposé pouvait cependant être louable lorsqu’elle était liée à l’image de marque du produit : vendu trop cher, il détournerait la clientèle ; pas assez cher, il discréditerait la marque (pendant un temps d’ailleurs, le prix imposé a été autorisé pour les produits de luxe).
Mais, cette pratique pouvait également permettre des marges excessives, au détriment des consommateurs et perturber la politique gouvernementale de lutte contre l’inflation. Raison pour laquelle, le droit de la concurrence est venu interdire à toute personne d’imposer, directement ou indirectement[55], un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale.
Le fait reproché est une infraction, une contravention de 5ème catégorie dont le seul fait justificatif est l’existence d’une dérogation légale. Mais, la pratique peut aussi constituer une entente, notamment quand le prix imposé est inséré dans des contrats de distribution exclusive ou sélective. Il peut donc en être ainsi lorsque l’organiseur d’un réseau de distribution intégrée impose un prix à ses franchisés ou concessionnaires selon le cas. Le distributeur doit donc garder sa liberté dans la fixation du prix du produit même s’il fait partie d’un réseau de distribution exclusive[56].
Il faut toutefois préciser que le prix conseillé n’est pas interdit mais rejoindrait la qualification de prix imposé si le conseil s’accompagne de moyens de pression[57].
Il s’agit pour nous de voir ici les actions illicites sur les prix et les ententes et les abus de position dominante et de dépendance économique.
Le législateur met ici en place une véritable législation antitrust. Les actions illicites sur les prix sont les faits faux ou calomnieux semés sciemment dans le public, les offres jetées sur le marché à dessein de troubler les cours, les sur-offres faites aux prix demander par le vendeur, les voies et moyens frauduleux quelconques qui, directement ou par personne interposée, opèrent ou tentent d’opérer la hausse ou la baisse artificielle du prix des denrées, ou marchandises, ou des effets publics ou privés.
Nous allons voir d’abord les ententes avant d’appréhender les abus de position dominante et de dépendance économique.
Toutes les ententes ne sont pas prohibées. Cette affirmation se justifie notamment dans le cadre de la distribution commerciale intégrée qui compte de véritables ententes non prohibées (exemple : franchise et concession respectant les dispositions relatives à la réglementation de la concurrence).
L’entente est une action concertée qui suppose une pluralité de partenaires. L’absorption d’une société par une autre est une opération de concentration, réglementée elle aussi mais, ce n’est pas une entente en ce sens qu’elle est assimilée à une position dominante.
Peu importe la forme juridique de l’entente, il peut s’agir d’un véritable contrat (société en participation, syndicat professionnel, groupement d’intérêt économique) d’un accord écrit ou d’une convention tacite, mais, ce qu’appréhende le législateur, c’est une situation de fait.
L’entente n’a pas de domaine précis. Elle peut être en matière de production ou de distribution de biens, produits, services, crédit relevant aussi bien du secteur civil que du secteur commercial, aussi du secteur public que du secteur privé.
L’entente suppose une répétition et non un acte isolé.
La mauvaise entente, l’entente prohibée est celle qui a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché en tendant à :
L’article 24 de la loi 94-63 interdit toute action, convention, coalition, entente expresse ou tacite ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le libre jeu de la concurrence. Or, dès l’instant que la concession est organisée en réseau, surtout lorsque que le concédant dispose de plusieurs concessionnaires, n’y a-t-il pas lieu de considérer ce réseau comme une entente tombant sous le coup de la prohibition dès lors qu’elle peut conduire à des effets néfastes sur les prix ? Il convient dont d’apprécier le bilan économique de l’entente pour voir si elle peut bénéficier d’une exemption.
La concession et la franchise constituent des ententes ; l’on s’en aperçoit en analysant l’organisation de ces réseaux de distribution. Mais, elles ne constituent pas pour autant prohibées. Elles le sont dès qu’elles portent atteinte au libre jeu de la concurrence par exemple en cas d’entente sur les prix. Il s’agit là d’ententes verticales
L’entente peut également être prohibée hors réseau de distribution. L’entente est donc horizontale[58]
Comme les ententes, la position dominante et la dépendance économique ne sont pas sanctionnées car elles résultent d’une situation économique. Ce qui est sanctionné, c’est l’abus qui est faite de l’état de position dominante ou dans l’exploitation de l’état de dépendance économique.
En effet, la position dominante est le fait d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises. Ce n’est pas la domination en elle-même qui est réprimée, mais son abus, lorsque le fonctionnement normal du marché ou d’une partie substantielle de ce marché est faussé[59]. Le critère d’abus est donc qualitatif et non quantitatif. Le domaine d’élection des abus de position dominante est celui des réseaux de distribution et des pratiques discriminatoires de ventes.
Par ailleurs, est considérée comme abusive l’exploitation de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve, à l’égard de l’entreprise dominante, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente.
[1] Aux termes de l’article 104 de l’acte uniforme portant droit commercial général, « le fonds de commerce comprend obligatoirement la clientèle et l’enseigne ou le nom commercial. Ces éléments sont désignés sous le nom de fonds commercial ».
[2] Il existe toutefois d’autres contrats essentiels dans la distribution commerciale. Il s’agit du transport, du mandat, de la commission et du courtage. Mais, notre étude va se limiter seulement à la vente.
[3] Article 264 du Code de Obligations Civiles et Commerciales (COCC).
[4] Article 205 Acte uniforme portant droit commercial général (AUDCG).
[5] Nous reviendrons sur les ententes dans le deuxième chapitre de notre cours.
[6] Il s’agit alors de ce que l’on appelle la réticence dolosive.
[7] Cette offre n’étant pas une proposition à des personnes déterminées n’est pas une offre au sens de l’acte uniforme portant droit commercial général. Elle vaut toutefois offre en droit français. Il faut reconnaître que la définition de l’offre donnée par l’acte uniforme est vraiment restrictive et ne renferme pas tous les aspects de l’offre au sens juridique du terme en ce sens qu’il n’est pas indispensable que les personnes cibles de l’offre soient déterminées. Il s’agit d’une définition réductrice.
[8] Article 210 Acte Uniforme portant Droit Commercial Général.
[9] Article 217 Acte uniforme portant droit commercial général
[10] Article 218 Acte uniforme portant droit commercial général
[11] Article 267 Code des Obligations Civiles et Commerciales.
[12] Article 206 Acte uniforme portant droit commercial général.
[13] Article 235 Acte uniforme portant droit commercial général
[14] Exemple : vente de biens exposés en vitrine avec prix fixe
[15] Exemple : le prix des céréales
[16] Article 323 COCC
[17] Contrats estimatoires pratiqués dans la presse ou la bijouterie
[18] Vente à réméré, article 34 COCC
[19] Article 266 COCC
[20] Article 219 de l’acte uniforme portant droit commercial général
[21] Cass. Com. 29 avril 1969, D 1970, p. 628.
[22] Il y a trouble de fait lorsque le vendeur accomplit un acte qu’il ne prétend pas fonder sur le droit.
[23] Il y a trouble de droit lorsque le vendeur porte à la propriété de l’acquéreur une atteinte qu’il prétend fonder sur le droit.
[24] Article 289 COCC
[25] Article 290 COCC
[26] Article 232 Acte uniforme portant droit commercial général
[27] Article 295 COCC
[28] Article 231 Acte uniforme portant droit commercial général
[29] Exemple de déroutage ou de réexpédition : les distributeurs de ciment qui passent leurs commandes à SOCOCIM et qui acheminent directement les marchandises à leurs clients sans pour autant que les marchandises ne transitent par leurs dépôts.
[30] Aux termes de l’article 248 de l’acte uniforme portant droit commercial général, « un manquement au contrat commis par l’une des parties est considéré comme essentiel lorsqu’il cause à l’autre partie un préjudice tel qu’il la prive substantiellement de ce qu’elle était en droit d’attendre du contrat, à moins que ce manquement n’ait été causé par le fait d’un tiers ou la survenance d’un évènement de force majeure ».
[31] Il en est ainsi par exemple d’un contrat de vente portant sur des matériels informatiques, plus précisément des ordinateurs. Il y a connexité entre la livraison des écrans, celle des unités centrales et celle des autres accessoires. Ainsi, s’il y a un manquement essentiel au contrat après la livraison des écrans, la partie qui l’a subi peut demander la résolution du contrat qui concernera également la livraison des écrans déjà effectuée.
[32] Il ne peut donc demander ni la résolution du contrat, ni une autorisation d’exception d’inexécution au juge compétent.
[33] Article 258 Acte uniforme portant droit commercial général. Le vendeur ne pourra donc pas, par exemple, s’opposer à la prise de livraison des marchandises en exigeant notamment le paiement préalable ; il ne pourra pas non plus demander au juge l’autorisation d’exception d’inexécution ou la résolution du contrat de vente car l’acheteur bénéficie d’un délai supplémentaire pour la prise de livraison ou le paiement du prix.
[34] Notamment défaut de paiement du prix.
[35] Article 283 Acte uniforme portant droit commercial général
[36] Toutes personnes autres que l’acheteur et le vendeur. Les termes d’acheteur et de vendeur doivent être compris de façon large ; ils englobent également les mandataires et les préposés de ceux-ci.
[37] Il en est ainsi de sacs de ciment ou de riz vendus en dépôt et non encore livrés. Il en est ainsi également des choses futures qui restent à identifier après leur fabrication ou réalisation.
[38] Il ne faut pas confondre la concession commerciale avec la concession de service public ou de domaine public même si cette concession permet également une exploitation commerciale.
[39] Exemple : A été considéré comme une violation du contrat de concession, le fait pour un concessionnaire de prendre une participation dans une entreprise concurrente de celle du concédant. CA Paris, 12 avril 1992, JCP 1991, éd. E, pan. 701.
[40] Article 275 al 1er COCC
[41] Article 275 al 2 COCC
[42] Article 2 du décret de 1970
[43] Article 5 du décret
[44] Dans les 48 heures précédant le dépôt, une annonce est insérée à la fois dans un journal d’annonces légales et au bulletin de la chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat de Dakar.
[45] Article 1er al 1er Décret 1970
[46] Interdiction des prix imposés et de la protection territoriale absolue.
[47] Cette définition très complète du contrat de franchise a été donnée par la cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 28 avril 1978.
[48] Cour d’appel de Paris, 7 juin 1990 ; 4 mars 1991, 29 septembre 1992
[49] Exemple : les magasins SEPHORA dans le domaine de la parfumerie, les magasins ECOMARCHE, INTERMARCHE, BRICOMARCHE, RESTOMARCHE du réseau de franchise dénommé « LES MOUSQUETAIRES », les magasins CARREFOUR, CORA, FRANPRIX, LEADER PRICE etc. dans le domaine de l’alimentaire, MAC DONALD’S et COURTEPAILLE dans le domaine de la restauration, CAMPANILE dans le domaine de l’hôtellerie.
[50] Cour d’appel de Caen, 4 février 1988 ; Cour d’appel de Paris, 29 mai 1991.
[51] Article 26 Loi 94-63.
[52] Article 4 – 3° du décret de 1970.
[53] Article 7 al 1er du décret de 1970.
[54] Précisons qu’à l’égard du consommateur, la vente subordonnée est plus facile à sanctionner.
[55] C’est le cas du fournisseur qui donnait à ses ristournes un caractère conditionnel, empêchant dès lors l’acheteur de baisser ses prix, puisqu’il aurait pu être condamné pour vente à perte
[56] Article 4 – 2° décret de 1970
[57] Comme par exemple la menace de rupture du contrat de distribution.
[58] Exemple : Cour d’appel de Paris, 21 septembre 2004 sanctionnant les sociétés Noblet commercialisant les produits de marque Casio et Texas Instruments détenant ensemble plus de 89% du marché des calculatrices à usage scolaire pour une entente horizontale réalisée par des échanges d’informations sur leurs prix et leur stratégie commerciale.
[59] Exemple : Décision du conseil français de la concurrence en date du 21 juillet 2004 ayant sanctionné le groupe Decaux qui détenait une position dominante sur le marché de la fourniture de mobilier urbain publicitaire aux collectivités territoriales au plan national, sa part de marché étant de l’ordre de 80% pour abus de position dominante constitué par la mise en œuvre de pratiques d’obstruction au remplacement d’une partie des mobiliers urbains dans l’agglomération de Rennes au-delà de l’échéance de son contrat et après avoir perdu le marché correspondant au profit de la société More group France (petite entreprise qui vient d’entrer sur le marché), la réalisation de campagnes publicitaires gratuites et la prise en charge des frais de fabrication d’offres et les offres discriminatoires faites aux annonceurs concernant la ville de Rennes.
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