Droit de la nationalité et de la condition des étrangers
Le droit de la nationalité et des étrangers est un droit complexe qui concerne les citoyens français et ceux qui aspirent à le devenir. Naturalisation, droit du sol et du sang, binationalité, apatridie… Des concepts que ce cours tente de clarifier.
Il y a deux choses à bien comprendre.
—> D’abord, dans la conception française du droit international privé, qui est la conception la plus large parmi les conceptions que l’on a de cette manière dans les différents pays.
Le Droit International Privé comprend quatre branches à savoir non seulement les conflits de lois et de juridictions mais aussi le droit de la nationalité et la condition des étrangers.
Il faut que vous sachiez dans certains autres pays, notamment aux pays anglo-saxons et aux pays de tradition germanique, le droit international privé ne concerne que les conflits de lois et les conflits de juridictions. C’est ainsi qu’en Allemagne, le droit de la nationalité relève plutôt du droit constitutionnel ou du droit public en général et que dans beaucoup d’autres pays aussi, la condition des étrangers est plutôt rattachée aux libertés publiques.
A l’inverse, en France nous sommes attachés à cette conception large du DIP, elle a d’ailleurs des justifications et notamment l’une de ses justifications les plus profondes est qu’aussi bien dans le droit de la nationalité, la condition des étrangers que dans les conflits de lois et de juridictions, il y a un élément d’extranéité c’est-à-dire un élément étranger soit réel, soit virtuel, c’est le cas du droit de la nationalité : se demander si une personne est française ?
On peut dire que la justification de la conception large du Droit International Privé en France repose sur un élément d’extranéité. Sur le terrain non plus de la structure politique, mais juridique, ces quatre branches peuvent relever de politiques comparables, par exemple, un pays d’immigration qui reçoit de nombreux immigrants et les intégrer rapidement aura des règles de reconduction des étrangers favorables, un accès rapide à sa nationalité et pour ce qui est du statut personnel en matière de conflit de loi, il aura tendance à donner compétence à la loi du domicile plutôt qu’à la loi nationale, puisque de la sorte il appliquera sa propre loi aux récents immigrants.
—> Deuxième point, dans ces quatre branches, il ne fait aucun doute que les branches considérées comme les plus importantes sont les deux branches conflictuelles c’est-à-dire les conflits de lois et les conflits de juridictions.
Et, c’est en effet classiquement le cœur du droit international privé avec notamment l’existence de ces règles de conflits qui détermine le tribunal compétent ou la loi applicable pour les règles de conflits de lois qui sont donc à ce titre des règles d’aiguillage et non pas des règles substantielles. Or, en matière de droit de la nationalité et en matière de condition des étrangers les règles de conflits sont extrêmement rares et que la plupart des règles sont en réalité des règles substantielles, malléables.
Cela ne signifie pas pour autant que le droit de la nationalité ou la condition des étrangers serait sans intérêt, ou n’aurait qu’un intérêt anecdotique. D’abord, il faut se méfier d’une vision trop académique des questions. Dans la vision académique, ce qui est le plus intéressant, le plus complexe, c’est les règles de conflits.
Dans la réalité sociale, les questions dont on parle c’est beaucoup plus souvent du droit de la nationalité et la condition des étrangers. Le débat actuel sur l’identité nationale croise complètement les deux branches du Droit International Privé considérés comme secondaires. La question de l’identité nationale est réglée simplement par le droit de la nationalité française. Voici le plan du cours :
Voici le plan du cours de droit de la nationalité ou du droit des étrangers :
- PARTIE 1 : LE DROIT DE LA NATIONALITE
- Sous titre 1 : La théorie générale de la nationalité
- Chapitre 1 : le concept de nationalité dans l’ordre international
- Section 1 : le principe de souveraineté exclusive de chaque Etat
- Section 2 : les tempéraments au principe
- Chapitre 2 : le concept de nationalité dans l’ordre interne
- Section 1 : la nationalité comme appartenance
- Paragraphe 1 :
- La distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait
- Paragraphe 2 :
- L’alliance de la nationalité de droit et de la nationalité de fait
- Paragraphe 3 :
- Les rapports entre citoyenneté et nationalité
- Section 2 : la nationalité comme allégeance
- Paragraphe 1 :
- La nationalité du point de vue de l’État
- Paragraphe 2 :
- La nationalité du point de vue de la personne
- Chapitre 3 :
- Les conflits de nationalité
- Section 1 : le conflit négatif
- Paragraphe 1 :
- La prévention de l’apatride
- Paragraphe 2 :
- Le traitement de l’apatride
- Section 2 : le conflit positif
- Paragraphe 1 :
- La position actuelle de la question
- Paragraphe 2 :
- Les droits et obligations du plurinational
- Paragraphe 3 :
- Le statut personnel du plurinational
- Sous-titre 2 : Le droit positif de la nationalité française
- Chapitre préliminaire : Évolution historique du droit de la nationalité française
- Section 1 : Le Code Napoléon
- Section 2 : La Loi du 10 Aout 1927
- Section 3 : Le Code de la Nationalité Française
- Section 4 : La loi du 9 Janvier 1973
- Section 5 : L’ère des turbulences
- Paragraphe 1 :
- La remise en cause de certains modes d’accès à notre nationalité
- Paragraphe 2 :
- Une stabilité au moins relative
- Chapitre 1 : Etre Français
- Section 1 : L’Attribution de la Nationalité Française
- Sous-section 1 : L’Attribution de la Nationalité Française en Raison de la Filiation
- Paragraphe 1 :
- La règle de principe
- Paragraphe 2 :
- La règle corrective
- Sous-Section 2 : L’Attribution de la Nationalité Française en Raison de la Naissance en France
- Paragraphe 1 :
- Naissance en France et prévention de l’apatridie
- Paragraphe 2 :
- La règle de la double naissance en France
- Section 2 : L’Acquisition de la Nationalité Française
- Sous-Section 1 : L’Acquisition de la Nationalité Française en Raison d’un Lien Particulier avec la France
- Paragraphe 1 :
- La combinaison d’un lien avec la France et de la volonté de devenir français
- A) L’acquisition de la nationalité française par naturalisation
- 1 – Les conditions de recevabilité de la naturalisation
- 2 – La procédure de la naturalisation
- 3 – Les effets de la naturalisation
- B) L’acquisition de la nationalité française par déclaration à raison de la possession d’état
- Paragraphe 2 :
- La combinaison d’un lien avec la France et de l’absence de volonté de ne pas devenir français
- A) L’évolution historique
- B) Les catégories concernées par ce dispositif
- C) Le régime juridique actuel
- 1 – La règle de principe
- 2 – La règle corrective
- Sous-Section 2 : L’Acquisition de la Nationalité Française en Raison d’un Lien avec un Français
- Paragraphe 1 :
- L’acquisition par déclaration à la suite de l’adoption simple par un français
- Paragraphe 2 :
- L’acquisition par déclaration à la suite du mariage avec un conjoint français
- A) Les conditions de l’acquisition par déclaration à raison du mariage avec un français
- B) La procédure
- C) Les effets de l’acquisition par déclaration
- Chapitre 2 : Ne plus être français
- Section 1 : La Perte Choisie
- Paragraphe 1 :
- La perte par déclaration
- A) A la suite du mariage avec un conjoint étranger
- B) La perte par déclaration à la suite de l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère
- Paragraphe 2 :
- La perte par décret
- Section 2 : La Perte Constatée
- Paragraphe 1 : La perte par désuétude
- Paragraphe 2 :
- La perte pour comportement
- Section 3 : La Perte Imposée
- Paragraphe 1 :
- La perte pour désobéissance
- Paragraphe 2 :
- La perte par déchéance
- Chapitre 3 : Etre français ou ne pas l’être
- Section 1 : La Preuve de la Nationalité Française
- Paragraphe 1 :
- La charge de la preuve
- Paragraphe 2 :
- L’objet de la preuve et des modes de preuve
- A) La preuve de la nationalité française
- B) La preuve de l’extranéité
- Section 2 : Le Contentieux de la Nationalité Française
- Paragraphe 1 :
- La juridiction compétente
- Paragraphe 2 : La procédure
- Paragraphe 3 :
- Les effets du jugement
- PARTIE 2 LA CONDITION DES ETRANGERS
- Titre 1 : La Condition des Personnes Physiques Etrangères
- Chapitre 1 : L’Entrée et le Séjour des Etrangers en France
- Section 1 : L’Accès au Territoire Français
- Paragraphe 1 :
- Le régime de droit commun
- A) L’obtention préalable d’un visa
- B) L’entrée sur le territoire
- Paragraphe 2 :
- Les régimes particuliers
- Section 2 : Le Séjour en France
- Paragraphe 1 :
- La carte de séjour temporaire
- Paragraphe 2 :
- La carte de résidant
- Paragraphe 3 :
- L’activité professionnelle
- Section 3 : L’Eloignement Des Etrangers Hors du Territoire Français
- Paragraphe 1 :
- L’obligation de quitter le territoire français
- Paragraphe 2 :
- La reconduite à la frontière
- Paragraphe 3 : L’expulsion
- Chapitre 2 : Les Droits des Etrangers en France
- Section 1 : Les Droits publics des étrangers en France
- Paragraphe 1 :
- Les droits de participation à la vie politique
- Paragraphe 2 :
- L’accès aux fonctions publiques
- Paragraphe 3 :
- La participation aux charges publiques
- Paragraphe 4 :
- La jouissance des libertés publiques et l’accès au service public
- Section 2 : Les droits privés des Etrangers en France
- Paragraphe 1 :
- L’article 11 du Code Napoléon dans son interprétation originelle
- Paragraphe 2 :
- L’interprétation ultérieure du texte par la jurisprudence
- Paragraphe 3 :
- Les droits privés des étrangers à l’époque contemporaine
- Titre 2 : La Condition des Personnes morales étrangères
- Chapitre 1 : La Nationalité de la Société
- Section 1 : Siège Social et Incorporation
- Section 2: Siège Social et Contrôle
- Chapitre 2 : La Condition des Sociétés Etrangères en France
- Chapitre 3 : La Loi Applicable sur les Sociétés
PARTIE 1 : LE DROIT DE LA NATIONALITE
général indépendamment de ses concrétisations particulières. Il n’y a pas de droit de la nationalité en Ce titre est très gravement ambigu car il pourrait laisser penser qu’il existe un droit de la nationalité en
général parce qu’aucun pays n’a compétence pour légiférer sur une autre nationalité que la sienne. Voilà une règle de droit international public, qui est l’une des règles de cette discipline les plus solides, les plus constantes et les plus anciennes. Chaque Etat est exclusivement souverain pour ce qui concerne sa propre nationalité et absolument incompétent pour ce qui concerne toutes les autres. Exemple : le législateur français ne peut légiférer que sur la nationalité française, il n’a aucun pouvoir pour déterminer si telle ou telle personne est espagnole, italienne. Inversement, il n’est aucune autre de droit de la nationalité générale, mais un droit de la nationalité française dont les règles se trouvent puissance de la Terre, pour déterminer qui n’est ou n’est pas français. Cela signifie aussi qu’il n’y a pas dans le Code civil.
Pourquoi dans ces conditions avoir donné à cet intitulé droit de la nationalité ?
On peut repérer un certain nombre de règles et de principes communs qui finissent par former une théorie générale de la nationalité.
Sous titre 1 :
La théorie générale de la nationalité
On pourrait dire ironiquement que cette théorie générale se réduit à pas grand chose, ce serait un peu sévère puisqu’on observe à la base de la nationalité un accord assez profond de la plupart des pays sur le concept même de nationalité et de ce point de vue, dans tous les pays, le concept de nationalité est au fond à double versant, à double face, il y a en quelque sorte un versant international et il a aussi un versant interne. En d’autres termes, il sert à la fois à répartir la population du monde entre les différentes souverainetés étatiques et il sert aussi à déterminer la population constitutive de chaque Etat pris dans son individualité propre.
Sur la polysémie du mot ordre, le concept de nationalité permet de mettre de « l’ordre » aussi bien dans le champ international, la population mondiale est répartie dans des Etats et dans un chaos distinct et en même temps, il sert à mettre de l’ordre interne car il est capital de savoir qui est son ressortissant.
On retrouve ces deux éléments d’ordre international et interne dans pratiquement tous les pays et en même temps, il y a aussi dans tous les pays du désordre car on observe des conflits de nationalité :
—>
soit que certaines personnes aient plusieurs nationalités à la fois ce qui est un phénomène en
expansion
—>
soit que certaines personnes n’aient aucune nationalité, c’est le cas des apatrides, ce qui est un phénomène très négatif pour les personnes concernés et qui est un phénomène qui n’est pas en voie de disparition malgré le droit de la nationalité comme droit de l’homme.
Chapitre 1 : le concept de nationalité dans l’ordre international
Le concept de nationalité joue un rôle essentiel dans la construction de l’ordre international puisqu’il permet de répartir l’ensemble de la population mondiale entre les différentes souverainetés étatiques.
Cependant, une fois que l’on a énoncé cette constatation qui est d’ailleurs évidente, il est assez difficile d’aller plus loin du point de vue de l’ordre international puisque la seule règle que l’ordre international impose en la matière, c’est le principe de souveraineté exclusive de chaque État pour ce qui concerne sa propre nationalité. Cependant, ce principe connaît quand même quelques atténuations, quelques tempéraments très timides qui ont quand même le mérite d’exister et qu’il faudra signaler.
Section 1 : le principe de souveraineté exclusive de chaque Etat
Chaque État est exclusivement souverain et donc exclusivement compétent pour tout ce qui concerne sa propre nationalité qu’il s’agisse :
—> de l’attribution de la nationalité,
—> de l’acquisition de la nationalité,
—> de la perte de la nationalité.
Il revient exclusivement à l’État français et à ses propres autorités de dire qui est français et qui ne l’est pas :
—> Dire qui est français :
– soit de dire qui est français de naissance, c’est ce qu’on appelle l’attribution de la nationalité française,
– soit pour être devenu français en cours d’existence, c’est ce qu’on appelle l’acquisition de la nationalité française,
—> Et de dire qui n’est pas français :
– soit que la personne concernée ait perdu la nationalité française – soit qu’elle n’ait jamais été française.
En revanche, s’il revient à l’État français de dire qui n’est pas français, l’État français n’a strictement aucune compétence pour dire quelle est la nationalité étrangère de la personne qui n’est pas française, cela revient aux États en cause.
C’est une règle qui relève de la coutume internationale, beaucoup plus que d’un texte explicite véritablement contraignant. Il existe cependant une convention internationale : Convention de La Haye du 12 avril 1930 relatif aux conflits de nationalité mais cette Convention a été assez peu ratifiée et notamment elle n’a pas été ratifiée par la France. On estime d’un accord général que cette Convention exprime un principe universellement reconnu et qui vaut par lui-même indépendamment de la ratification ou non de la Convention
Section 2 : les tempéraments au principe
Toute la question est de savoir ici s’il existe ou non des règles correctives quand un État abuse manifestement de sa souveraineté exclusive soit pour attribuer ou concéder, soit pour retirer sa nationalité dans des conditions manifestement déraisonnables ou scandaleuses ou contraire à tous les droits humains. La réponse à cette question n’est malheureusement pas évidente. Il y a, il est vrai un arrêt de la Cour International de Justice, rendu le 6 avril 1955, NOTTEBOHM qui, dans une situation de pluri-nationalité a déclaré inopposable aux États-tiers, une des nationalités plurinationales qui étaient en réalité dépourvues de tout rattachement effectif avec l’État concerné. En réalité l’arrêt NOTTEBOHM s’inscrit dans une affaire très particulière puisqu’il s’agit non pas de la nationalité en général mais d’un cas de pluri-nationalité et en l’espèce, la nationalité en cause était manquée de fondements sérieux.
« Ces faits établissent clairement d’une part l’absence de tout lien de rattachement entre Nottebohm et le Liechtenstein, d’autre part l’existence d’un lien ancien et étroit de rattachement entre lui et le Guatemala, lien que sa naturalisation n’a aucunement affaibli. Cette naturalisation ne repose pas sur un attachement réel au Liechtenstein qui lui soit antérieur et elle n’a rien changé au genre de vie de celui à qui elle a été conférée dans des conditions exceptionnelles de rapidité et de bienveillance. Sous ces deux aspects, elle manque de la sincérité qu’on doit attendre d’un acte aussi grave pour qu’il s’impose au respect d’un Etat se trouvant dans la situation du Guatemala. Elle a été octroyée sans égard à l’idée que l’on se fait, dans les rapports internationaux, de la nationalité. Plutôt que demandée pour obtenir la consécration en droit de l’appartenance en fait de Nottebohm à la population du Liechtenstein, cette naturalisation a été recherchée, par lui pour lui permettre de substituer à sa qualité de sujet d’un Etat belligérant la qualité de sujet d’un Etat neutre, dans le but unique de passer ainsi sous la protection du Liechtenstein et non d’en épouser les traditions, les intérêts, le genre de vie, d’assumer les obligations – autres que fiscales – et d’exercer les droits attachés à la qualité ainsi acquise.
Le Guatemala n’est pas tenu de reconnaître une nationalité ainsi octroyée. En conséquence, le Liechtenstein n’est pas fondé à étendre sa protection à Nottebohm à l’égard du Guatemala et il doit être, pour ce motif, déclaré irrecevable en sa demande. La Cour, en conséquence, n’a pas à examiner les autres fins de non recevoir présentées par le Guatemala ni les conclusions des Parties autres que celles sur lesquelles elle statue conformément aux motifs précédemment énoncés. »
—> Est-ce que cette jurisprudence pourrait aller plus loin ?
La question est restée en suspend. La question de l’abus de sa souveraineté exclusive par l’État est beaucoup plus grave dans l’hypothèse inverse, quand un État retire abusivement ou scandaleusement sa propre nationalité à un ressortissant. Et là, malheureusement, les exemples sont nombreux dans l’histoire du XXe siècle.
Exemple : des citoyens allemands d’origine juive qui ont été rapidement déchus de la nationalité allemande sous le nazisme. Ce qui signifiait l’apatride de ces personnes et ensuite leurs exterminations.
—> Quand est-t-il de cette déchéance de la nationalité pour les Etats-tiers ? Ont-ils considéré que ces retraits fussent scandaleux et attentatoires aux droits de l’homme ?
Il est difficile de répondre à cette question, suivant la question posée sous le nazisme ou après sa défaite. Dans une situation de ce genre, la déchéance de nationalité n’est pas reconnue par les autres États lorsqu’elle est ouvertement ou manifestement discriminatoire. Ce tempérament a été énoncé plus fermement en 1945 qu’avant.
Exemple : La question a été posée avec une pratique de l’ancienne Union Soviétique, après 1945, qui, en règle générale, retirait la nationalité politique aux résidents qui choisissaient de s’exiler dans un pays occidentale. Paradoxalement, ce retrait de nationalité s’accompagnait d’un apparent assouplissement du régime soviétique. Le régime soviétique acceptait de laisser s’exiler certains résidents mais s’accompagnait de la perte de la nationalité fixée à la date même du départ ; ce qui faisait que la personne arrivait apatride sans toujours le savoir. Cette situation n’est pas comparable sous le nazisme mais tout de même attentatoire aux Droits de l’homme, perte de la nationalité à la seule contrainte que ces personnes devaient s’exiler pour vivre sous leurs propres convictions. L’attitude des États tiers a été de considérer comme inopposable ces déchéances scandaleuses de nationalité. Cependant, outre que la réaction des Etats-tiers manque parfois de force et de fermeté, il est à craindre que l’inopposabilité de la déchéance de nationalité par un État oppresseur est un remède un peu illusoire tant que cet État oppresseur subsiste. Le remède le plus efficace dans l’immédiat est d’accorder aux personnes concernées la qualité de réfugiés et aussi sans doute de leurs ouvrir un accès plus facile à la nationalité du pays où ils trouvent refuges. En toute hypothèse, l’inopposabilité de la déchéance de nationalité n’a véritablement d’intérêt pratique qu’après la chute du régime dictatorial ou totalitaire quand la personne concernée peut revenir dans son pays d’origine et qu’elle entend faire établir ses droits fondamentaux et notamment celui d’avoir conserver sa nationalité d’origine malgré les mesures du régime d’oppression.
Chapitre 2 : le concept de nationalité dans l’ordre interne
S’agissant de ce concept dans l’ordre interne, on s’aperçoit que du point de vue de l’ordre interne la nationalité peut être conçue de deux façons différentes, qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement contradictoires mais qui portent une lumière différente sur la réalité de la nationalité.
—> On peut voir dans la nationalité surtout une appartenance, elle est d’ailleurs à la fois la cause et la conséquence de la nationalité française. De ce point de vue, la nationalité est fondamentalement une question d’appartenance.
—> Un deuxième point de vue possible, plus strictement juridique et qui voit dans la nationalité, une allégeance (je suis sujet de l’État français, ou souverain français).
On voit bien que les deux approches sont différentes. L’approche d’appartenance est plus horizontale, elle se réfère à l’appartenance à un peuple à une nation. L’autre approche est plus verticale, c’est l’allégeance à un État. Beaucoup de questions de la nationalité dans l’ordre interne relèvent de ces deux points de vue.
Section 1 : la nationalité comme appartenance
S’agissant de la nationalité comme appartenance, un premier problème peut se poser qui concerne les rapports du droit et du fait.
Incontestablement, la nationalité est un concept juridique, parfaitement constitué. Avoir la nationalité française est une situation juridique tout à fait claire.
Ce concept juridique doit être distingué de la situation de fait de la personne, il se peut que j’ai la nationalité française et que de fait, de surcroît, je me sente tout à fait français, c’est même la situation la plus fréquente. Il se peut à l’opposé que j’ai la nationalité française et que je ne me sente pas français, situation de fait qui est parfois revendiquée. Il peut y avoir distinction dans des cas minoritaires entre ce qu’on appelle la nationalité de droit et ce qu’on appelle la nationalité de fait.
Le plus souvent il y a alliance entre la nationalité de droit et la nationalité de fait.
Il conviendra aussi de s’interroger sur un problème sans doute plus contemporain qui est celui des rapports complexes entre la nationalité et la citoyenneté.
Paragraphe 1 :
La distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait
—> Pour la nationalité de droit, la définition est très simple, c’est la nationalité qui correspond aux règles d’attribution ou d’acquisition de la nationalité du pays concerné. Cette nationalité de droit existe indépendamment du point de savoir si je me sens ou non réellement français.
—> Quant à la nationalité de fait, qui est d’ailleurs une expression ambigüe, c’est plutôt le sentiment qu’a la personne d’appartenir ou non à une nationalité ou à un peuple déterminé. Un certain nombre de personnes peuvent estimer qu’elles n’ont pas la nationalité qu’elles portent juridiquement ou elles peuvent estimer à l’inverse que leur vraie nationalité n’est pas celle qui leur est attribuée.
—> Est-ce que cette distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait recoupe exactement le débat actuel sur l’identité nationale ?
Lorsque l’on s’interroge sur la distinction de la nationalité de droit et de fait, on s’intéresse essentiellement à ce que ressent intimement la personne concernée et à ce qu’elle dit de son propre sentiment ; Soit qu’elle se revendique de sa propre nationalité ou d’une autre nationalité.
Dans le débat sur l’identité nationale, le point de vue est différent, on ne se demande ce que ressentent les personnes concernées individuellement mais plutôt ce que ressent collectivement le peuple français dans son ensemble sur ce qui, en réalité, constituerait vraisemblablement l’identité française. L’analyse de ce qui est véritablement ressenti en fait ou de ce qui devrait être pratiqué selon les canons dominants est une analyse extraordinairement complexe et dont les résultats ne peuvent pas être tranchés, c’est un des avantages du concept juridique que d’éviter ce genre d’interrogation.
Paragraphe 2 :
L’alliance de la nationalité de droit et de la nationalité de fait
C’est la situation souhaitable. Cette situation d’alliance est dans l’intérêt de l’individu et elle est aussi dans l’intérêt de l’État, aucun État n’a intérêt à ce que ces ressortissants ressentent un sentiment de différenciation. Pour autant cette alliance n’est pas toujours réalisée, l’histoire donne de nombreux exemples des difficultés de cette alliance et la période contemporaine aussi.
Cette alliance n’est pas toujours réalisée. Il y a au contraire divorce entre la nationalité de droit et le sentiment de la personne, chaque fois la personne relève d’un État qu’il ne sent pas comme le sien :
—> Soit la personne a disparu,
—> Cet État n’a pas pu encore s’affirmer.
Sur ce terrain, les exemples historiques et contemporains abondent.
Exemple : En Europe, l’un des exemples historiques les plus connus est celui de la Pologne, puisqu’elle a disparu en tant qu’État entre 1795 et 1918. Le territoire de l’ancien royaume de Pologne avait été partagé entre l’empire Russe qui possédait Varsovie, l’empire d’Autriche et le Royaume de Prusse devenu en 1871 l’empire Allemand. Il n’y avait plus de nationalité de droit polonaise mais pourtant la très grande majorité de la population polonaise à continuer à se sentir polonaise de fait. Il y a d’ailleurs eu dans cette période des révoltes très fortes surtout dans la partie russe, réprimées très fortement. Ce divorce de la nationalité de droit et de la nationalité de fait a disparu en 1918 mais par une sorte d’ironie de l’histoire qui est assez fréquente, la République polonaise créée dans les traités de paix en 1918 intégrait des minorités qui ne se sentaient pas du tout polonaise.
Autre exemple : La période contemporaine connaît des situations de ce type : l’exemple le plus connu est celui des kurdes qui ont un sentiment national important dans la grande majorité alors qu’aucun État kurde n’existe. Il y a également l’exemple complexe des palestiniens (pas d’État palestinien au sens complet du terme). Et, sur un terrain différent, dans certains cas les citoyens se sentent nationaux d’une communauté ou d’une province à l’intérieur de celui-ci (Breton, Basque, Corse ; Belgique et flamands).
Paragraphe 3 :
Les rapports entre citoyenneté et nationalité
Il s’agit d’une question qui est plus récente que celle de la distinction de la nationalité de droit et de la nationalité de fait. Jusqu’aux dernières décennies les deux concepts ont été presque totalement assimilés au profit d’ailleurs du concept de nationalité englobant le concept de citoyenneté. Seul le national était citoyen et la citoyenneté était à l’inverse exclusivement liée à la nationalité.
La situation aujourd’hui est un peu plus complexe pour au moins deux types de raisons :
—> d’abord il y a depuis le traité de Maastricht du 7 février 1992, la citoyenneté européenne qui est de plein droit attribuée à tout national d’un pays membre de l’Union Européenne. Cette citoyenneté reste liée à la nationalité mais dans ce cas la citoyenneté et la nationalité ne sont pas sur le même plan. La nationalité concerne un État membre alors que la citoyenneté européenne concerne l’ensemble de l’Union Européenne.
Aujourd’hui, tout ressortissant d’un État membre de l’Union Européenne a finalement deux citoyennetés : la citoyenneté relative à l’État dont il est ressortissant et la citoyenneté européenne. Par conséquent, on voit aussi que le concept de citoyenneté commence à prendre une certaine autonomie, limitée mais quand même réelle par rapport au concept de nationalité.
Cette citoyenneté européenne a des conséquences pratiques non négligeables sur le terrain de la liberté de circulation et d’installation et aussi sur le terrain du droit de vote aux élections municipales et évidemment aussi aux élections européennes.
—> Il y a un deuxième facteur de dissociation qui est moins net, plus ambigu. C’est la tendance à reconnaître en France ou à voir reconnaître en France des droits de citoyenneté aux non-nationaux.
Par exemple : le droit de vote au moins aux élections locales. Il existe un courant d’opinions qui est favorable à ce que les étrangers non communautaires aient un droit de vote aux élections municipales s’ils ont leurs domiciles réguliers en France. Si cette réforme était réalisée, il y aurait une grande autonomisation de la citoyenneté à la nationalité.
Il y a une tendance à poser certains problèmes en termes de citoyenneté en dehors de toute référence au moins directe à la nationalité.
Par exemple : toute la thématique de la citoyenneté des salariés dans l’entreprise. C’est une thématique qui n’a pas de rapport avec le concept de nationalité, et elle a pour conséquence de reconnaître aux salariés étrangers.
Section 2 : la nationalité comme allégeance
Le terme d’allégeance contient une idée d’autorité, de rapport vertical entre l’État qui octroie ou refuse sa nationalité et la personne qui tantôt ressortissant de cet État, tantôt étrangère.
Sur le terrain de l’allégeance, il faut connaître le point de vue de l’État, et la personne elle-même, sujet de ce rapport de nationalité.
Paragraphe 1 :
La nationalité du point de vue de l’État
Ici, il y a une règle majeure que nous avons déjà abordée plusieurs fois. Seul un État peut conférer, dans le monde d’aujourd’hui, une nationalité. En d’autres termes, il n’y a pas de nationalité sans États.
Même dans le monde d’aujourd’hui très marqué par un phénomène de mondialisation, de globalisation, dans lesquelles les frontières tendent à disparaître, il n’y a pas de nationalité sans aval de l’État, sans États internationalement reconnus, c’est-à-dire par le concert, par la communauté internationale des autres États.
L’État ne peut conférer à ses ressortissants une nationalité que d’abord s’il est reconnu par États par les autres États. Toutes les constructions plus ou moins artificielles tendant à créer de faux-États ou ce qu’on appelle des États fantoches ne débouchent en droit international sur aucune nationalité réelle.
Exemple : En Afrique du Sud, à l’époque de la politique de l’apartheid (développement séparé), politique qui séparait de façon rigide les blancs et les noirs sur l’État. Cette politique d’apartheid s’était accompagnée de la création sur le territoire africain d’Etats noirs, réservés aux noirs qui portaient le nom de bantoustan, qui était en réalité des constructions entièrement dans la main du gouvernement sudafricain, et qui n’avait aucune indépendance réelle. Le Gouvernement de l’époque dénigrait leur propre nationalité à leurs ressortissants et donc, aucune reconnaissance de ces États par le concert international. Il y en a d’autres connus. Il est à craindre qu’il y en ait dans l’avenir.
Sur un terrain maintenant plus apaisé, et plus technique, la question se pose de savoir ce qu’il en est de la nationalité dans les États fédéraux, très nombreux dans le monde (Allemagne, États-Unis) qui sont des constructions fédérant.
—> Quel est le véritable niveau de la nationalité dans un État fédéral ?
Les ressortissants d’un État fédéral ont-ils seulement la nationalité d’un État fédéral, ou ont-ils seulement la nationalité d’un État fédéré dont ils relèvent ? Contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas la troisième réponse qui est la bonne. Il n’y a pas de cumul d’une nationalité fédérale et d’une nationalité fédérée, d’un point de vue international, seule vaille la nationalité de l’État fédéral.
Dernier point, en l’état actuel de l’évolution de l’Union Européenne, il n’y a pas de nationalité européenne puisque l’UE n’est pas un État mais il y a une citoyenneté européenne du traité de Maastricht.
Paragraphe 2 :
La nationalité du point de vue de la personne
Du point de vue de la personne, trois questions se posent ici :
—> La nationalité est-elle strictement réservée aux personnes ou peut-elle être concédées à d’autres entités?
—> La nationalité est-elle attribuée à quelques personnes que se soient ?
—> La nationalité est-elle un droit pour toute personne ? Est-ce que le droit à une nationalité est un droit de l’homme ?
A) La nationalité est-elle strictement réservée aux personnes ?
Ici, la réponse est incontestablement oui. Il n’y a de nationalité que pour les personnes. Il est vrai que dans le langage courant et même dans certaines branches du droit (droit maritime, droit aérien), on parle couramment de nationalité d’un navire (juridiquement il y a une procédure qui s’appelle la francisation d’un navire, aéronef, nationalité d’une automobile).
Toutes ces expressions sont commodes mais n’ont pas de valeur juridique, il n’y a que des personnes qui puissent avoir une nationalité. Pas seulement les personnes humaines. Du point de vue du droit international, il n’y a pas de navires français au sens que ce navire aurait la nationalité française. Navire possédé en majorité par les français, ou immatriculés en France. Ce n’est que par commodité de terme qu’on l’utilise. Il y a une vision personnaliste de la nationalité qui encore une fois ne rime cependant aux seuls êtres humains.
B) La nationalité est-elle attribuée à quelques personnes que se soient ?
Toute personne physique quelle qu’elle soit peut avoir une nationalité, même le nouveau-né. La nationalité n’est pas nécessairement un acquis, elle est en majorité attribuée dès la naissance de la personne.
La question est en revanche beaucoup plus discutée pour les personnes morales. C’est oui peut-être, oui mais, oui à l’extrême rigueur… Ce n’est pas oui tout court. Les personnes morales sont des groupements auxquels la loi reconnaît à certaines conditions la personnalité juridique, c’est-à-dire pour l’essentiel la capacité de jouir de droit et d’assumer des devoirs. Ces personnes morales sont de nature et de configurations très diverses, depuis les sociétés aux associations ou personnes morales de droit public. Cela concerne spécialement les sociétés commerciales et dans une moindre mesure les associations.
Nous retrouvons cette question plus en détail dans la deuxième partie du cours, puisque la question très importante en droit commercial international de la condition des sociétés étrangères suppose un accord.
L’essentiel de la réponse est le suivant, si la nationalité concerne une personne morale, il faut entendre le même concert, le même concept, qu’en matière de nationalité des personnes, il est clair qu’il n’y a pas de nationalité des personnes morales.
Beaucoup des éléments de la nationalité des personnes physiques sont purement intransposables aux personnes morales. D’ailleurs il suffit de lire les articles 17 et suivants du Code civil sur la nationalité française pour se rendre compte qu’ils ne peuvent de toute évidence s’appliquer qu’aux personnes physiques. Lorsque l’on dit aujourd’hui que la France approche les 65 millions d’habitants, on ne tient évidemment aucun compte du nombre des personnes morales françaises.
Si par nationalité et personne morale, il faut entendre la même chose que nationalité et personne physique, il n’y a pas de nationalité des personnes morales.
Si le concept de nationalité des personnes morales est défini de façon autonome, s’il a ses caractéristiques propres, distincts de celle de la nationalité des personnes physiques, alors on peut admettre au moins pour des raisons de commodité, qu’il puisse y avoir une nationalité des personnes morales, qui a sans doute une substance moins riche que la nationalité des personnes physiques, qui est sans doute plus strictement juridique et moins politique que la nationalité des personnes physiques, mais qui peut rendre des services utiles sur le terrain du droit et spécialement dans la détermination de la loi applicable aux sociétés et aux personnes morales.
C) Toute personne a-t-elle le droit d’avoir une nationalité ?
—> Existe-t-il un droit de chacun à la nationalité qui serait un droit de l’homme ?
La pratique internationale semble hélas imposer une réponse négative puisqu’aussi bien l’histoire que le temps présent révèle qu’un grand nombre de personnes dans le monde, des millions de personnes dans le monde sont apatrides, c’est-à-dire dépourvues de toute personnalité. Et, cette situation est d’ailleurs dans la majorité des cas la conséquence inéluctable de la législation des États en ce qui concerne leurs nationalités. Il n’est même pas sûr que le phénomène de l’apatride soit aujourd’hui en régression.
Par conséquent, dans ces conditions, il peut sembler tout à fait illusoire de parler d’un droit de l’homme à la nationalité. Ce droit est manifestement bafoué. Cependant, une analyse plus précise impose de nuancer un peu cette affirmation catégorique.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 proclamée dans le cadre de l’ONU énonce un droit à la nationalité. Cette déclaration n’a pas en elle-même de valeur contraignante mais elle a une valeur d’exemple et de symbole fort. En quelque sorte, elle oblige au moins moralement les États-membres de l’ONU.
Article 15
Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.
La législation française en matière de nationalité française est très vigilante dans la prévention de l’apatride.
—> Aucun enfant naissant en France ne peut y naître apatride, même si ses parents n’ont pas de nationalité ou ne peuvent pas lui transmettre de nationalité.
—> Et, d’autre part, il est pratiquement impossible sauf cas extrêmement particuliers à une personne perdant la nationalité française de la perdre si elle n’a pas déjà une autre nationalité, de telle sorte que la perte de la nationalité française n’entraîne jamais ou pratiquement jamais une situation d’apatride.
C’est dire qu’au moins implicitement le législateur français reconnaît pratiquement un véritable droit à la nationalité puisqu’au fond il n’accepte pas de faire courir à quiconque le risque d’apatride. Et, il est vraisemblable que les législateurs de différents pays sont pour la plupart dans des situations assez voisines.
Chapitre 3 :
Les conflits de nationalité
ATTENTION : Précision indispensable : les conflits de nationalité ne doivent pas être confondus avec les conflits de lois même s’ils peuvent avoir les répercussions.
L’expression conflit de nationalité regroupe en réalité deux types de conflits très différentes et que l’on sait mieux distinguer aujourd’hui que dans le passé, et même dans un passé récent. Il faut distinguer en effet les conflits positifs et les conflits négatifs de nationalité.
—> Il y a conflit positif lorsqu’une même personne possède simultanément au moins deux nationalités.
—> Il y a conflit négatif lorsqu’une personne n’a aucune nationalité soit qu’elle n’en ait jamais eu (ce sont les apatrides de naissance) soit qu’elle est perdue sa nationalité antérieure sans avoir d’autres.
La terminologie de conflits positifs et conflits négatifs est relativement ancienne et ne doit pas tromper, elle ne portait à l’origine aucun jugement de valeurs particulier d’autant que pendant très longtemps le conflit positif de nationalité a été considéré comme presque aussi grave que le conflit négatif.
Aujourd’hui, le regard a très largement changé sur le conflit positif qui n’est plus considéré nécessairement comme un désordre à éviter ou à combattre. En revanche, le conflit négatif reste une situation très mauvaise, particulièrement pour les personnes que cette situation concerne. Aujourd’hui dans la réflexion contemporaine, on lutte énergiquement contre les conflits négatifs.
Section 1 : le conflit négatif
Il y a conflit négatif quand une personne n’a aujourd’hui aucune nationalité :
—> soit qu’elle n’en ait jamais eu,
—> soit qu’elle est perdue sa nationalité d’origine sans en recouvrer une autre.
Cette situation qui porte le nom d’apatridie, est très mauvaise pour l’intéressé en dépit d’avantages très secondaires qui ont d’ailleurs été en règle générale exagérés.
Cette personne ne bénéficiant en réalité de la protection d’un État et dans les périodes de guerres ou persécutions, c’est une situation extrêmement dangereuse. C’est ainsi que sous le nazisme, entre 1933 et 1945, les premières victimes des persécutions antisémites furent les juifs apatrides après quoi le gouvernement hitlérien retira la nationalité allemande à la plupart des citoyens allemands d’origine juive, ce qui les transformant en apatride, avant d’être exterminés. De la même façon sous l’occupation en France, les persécutions antisémites dans le cadre du régime de Vichy furent d’abord organisées contre les apatrides.
Il ne faut pas imaginer que les dangers des apatrides relèvent de l’histoire et qui font l’objet de persécutions en période de crise grave.
L’obligation morale des États démocratiques est de faire en sorte que d’une part la situation d’apatride soit empêchée par une politique rigoureuse et systématique de prévention de l’apatride d’autre part que cette situation puisse être réparée quand malheureusement elle s’est réalisée.
Paragraphe 1 :
La prévention de l’apatride
S’agissant de la prévention de l’apatride, le législateur français est extrêmement vigilant. C’est un point positif de la nationalité française.
Il l’est pour l’apatridie de naissance puisque tout enfant naissant en France alors que ses parents pour quelques raisons que se soient ne peuvent pas lui transmettre leurs nationalités, tout enfant dans ce cas est français de naissance. La nationalité française lui est attribuée à titre de nationalité de secours, il la gardera pendant toute sa minorité (jusqu’à l’âge de 18 ans) si une autre nationalité ne lui est pas entre temps attribuée et s’il est toujours français à sa majorité, il le restera définitivement.
– C’est donc une protection très efficace qui joue pour l’essentiel dans trois types de situations : Enfant qui naît en France de parents inconnus (trouver l’enfant sur le sol française…)
– Enfant né en France de parents apatrides
– Enfant né en France de parents qui ont une nationalité mais qui, pour des raisons d’ailleurs diverses, ne peuvent pas lui transmettre cette nationalité. Certains pays n’attribuent pas leurs nationalités aux enfants nés à l’étranger. Certains pays n’attribuent pas leurs nationalités à certains types de filiation (enfants naturels par exemple).
En deuxième lieu, le législateur français, sauf dans un cas très exceptionnel, empêche qu’une personne puisse perdre la nationalité française si elle n’a pas déjà une autre nationalité.
Cela vaut même cas où l’on pourrait à l’extrême rigueur comprendre qu’on prenne moins de précaution. Cas de perte par déchéance qui concerne des personnes qui ont acquis la nationalité française en cours d’existence (naturalisation généralement) et dont on s’aperçoit après coup qu’elle s’était antérieurement coupable de crimes très graves. Dans ce cas, peut prendre un décret de déchéance de la nationalité française. On lui a octroyé cette nationalité en méconnaissance d’une infraction commise. Même dans ce cas, il faut que l’intéressé ait une autre nationalité depuis 1998.
—> Que manque-t-il à la législation française pour être parfaitement opérationnelle en matière de prévention de l’apatride ?
Il manque sans doute à la législation française (à supposer que cela soit souhaitable) une possibilité de naturalisation plus rapide que le droit commun pour les apatrides, parce qu’il ne suffit pas de lutter contre l’apatride de naissance ou contre l’apatride par perte de la nationalité française, il faut aussi permettre aux apatrides qui viennent s’installer en France en cours d’existence de devenir français plus rapidement s’ils le souhaitent. Or, rien dans le droit de la naturalisation ne s’oppose bien sûr à cette naturalisation des apatrides mais rien non plus ne contraint, ne conduit à l’accélérer.
Paragraphe 2 :
Le traitement de l’apatride
En dépit, des efforts de prévention de l’apatride par un grand nombre de législateurs, le fait est qu’il y a tout de même de nombreux apatrides dans le monde et qu’il faut traiter cette situation lorsqu’on n’a pas pu empêcher qu’elle se réalise.
Par exemple : une personne apatride peut venir s’installer en France et la question est alors de savoir quel est son statut juridique exact.
Cette question se pose sur deux terrains différents :
— le terrain de la jouissance des droits
— d’abord le terrain des conflits de lois
A) Traitement de l’apatride et jouissance des droits
La question de la jouissance des droits qui est autrement appelée « conditions des étrangers » est de savoir de quels droits et de quels devoirs sont titulaires en France les personnes qui n’ont pas la nationalité française et dont les apatrides puisque par hypothèse l’apatride est un étranger même s’il n’a pas une nationalité étrangère.
Comme on le verra dans la deuxième partie du cours, le droit français tient pour étranger tout sujet tout individu qui n’a pas la nationalité française soit qu’il ait une autre nationalité, soit qu’il n’en ait pas du tout.
Il devrait donc avoir en France les mêmes droits et mêmes devoirs qu’un étranger. En réalité, sa situation est plutôt meilleure que celle d’un étranger ordinaire puisque la France est signataire de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 conclu sous l’égide des nations unies et qui rapproche dans les pays signataires la situation des apatrides de celle des réfugiés. Par conséquent les droits et devoirs des apatrides en France, sont pratiquement ceux qui ont la qualité de réfugiés.
Cette protection particulière est justifiée puisqu’à la différence des étrangers ordinaires, l’apatride ne peut compter sur la protection diplomatique d’aucuns États étrangers.
B) traitement de l’apatridie et conflit de lois
C’est une question plus strictement technique. Dans le système de conflits de lois français, tout ce qui concerne le statut personnel (c’est-à-dire le droit des personnes et de la famille) relève en principe de la loi nationale de l’intéressé. Elle figure à l’article 3 du Code civil et étant d’ailleurs l’une des seules règles de conflits de loi dans le Code civil.
« Article 3
Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française. Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »
Évidemment cette règle pose un problème très difficile pour les apatrides puisque n’ayant pas de nationalité, ils n’ont pas de lois nationales.
Dans les systèmes européens de conflits de lois depuis la fin du XIXe siècle, du moins dans les conflits de lois attachés à la personnalité, deux solutions se sont dégagées.
—> Dans une première solution, on applique au statut personnel de l’apatride la loi de son ancienne nationalité. Cette solution a longtemps été retenue notamment par la jurisprudence allemande. Elle a un avantage, c’est qu’elle ne remet pas en cause le principe de compétence de la loi nationale pour le statut personnel.
Mais elle a deux graves inconvénients :
o tout d’abord cette solution est impraticable pour les apatrides de naissance.
o Même pour les apatrides qui ont une autre fois une nationalité, cette solution est fâcheuse car elle ne correspond plus à la situation actuelle.
—> Il faut donc préférer une autre solution possible de la jurisprudence française : exceptionnellement le statut personnel de l’apatride relève de la loi de son domicile. La jurisprudence française s’est rapidement rangée à cette solution qui a certes l’inconvénient au moins en apparence de ne pas respecter le rattachement du statut personnel à la nationalité mais qui a l’avantage d’être réaliste et sans doute aussi celui d’accélérer l’intégration de l’apatride dans le pays de son domicile.
Section 2 : le conflit positif
Il y a conflit positif de nationalités lorsque la même personne possède simultanément au moins deux nationalités différentes. Étant entendu qu’il s’agit de nationalité octroyée par des États internationalement reconnus.
Ce problème a profondément changé de positions au cours des dernières décennies.
Paragraphe 1 :
La position actuelle de la question
La pluri nationalité a été considérée pendant longtemps comme un désordre grave, à empêcher autant que possible et à combattre aussi énergiquement que possible. Cet état était vu avec suspicion parce qu’on redoutait qu’il manque de loyalisme. On a invoqué à ce propos une phrase fameuse de l’Évangile : « Nul ne peut servir deux maîtres » et on appliquait cette phrase à la nationalité. Cela explique que jusqu’après 1970, les textes internationaux en la matière avaient surtout pour objet d’empêcher ou de faire cesser les cas de pluri nationalités.
Aujourd’hui, la réflexion a changé chez un grand nombre d’auteurs pour des raisons très fortes.
—> D’abord, l’idée que nul ne peut servir deux maîtres suppose une vision très autoritaire de la nationalité où l’État est le maître de ses ressortissants (vision assez peu démocratique).
—> Ensuite, sur un terrain pratique :
Le développement des relations internationales est telle que se sont vus multipliés les couples mixtes et les enfants plurinationaux et cette situation a été accentuée par le principe juridique nouveau de l’égalité des sexes : ce principe a eu un effet considérable en droit de la nationalité française.
—> Jusqu’en 1973, le père transmettait sa nationalité française beaucoup plus facilement et beaucoup plus largement que la mère.
—> Depuis 1973, la transmission est absolument égale, de telle sorte que :
Par exemple, un enfant qui naît à l’étranger d’une mère française est français de naissance dans les mêmes conditions qu’un enfant qui naît à l’étranger d’un père français. Il suffit d’avoir un parent français pour que l’on soit français de naissance où que l’on soit né.
Evidemment, la plupart des législations des pays d’Europe ont aujourd’hui exactement la même solution puisque le principe d’égalité des sexes est très fortement reconnu dans les pays européens. Cela signifie comme on le verra que le mariage n’emporte plus aucun effet automatique sur la nationalité des enfants. Par conséquent le nombre de couples de nationalités différentes est de plus en plus important et bien entendu dans la plupart des législations des pays voisins comme chez nous chacun des parents transmet à égalité sa nationalité à ses enfants. Il n’est plus question de dire les enfants n’auront que la nationalité du père. Par conséquent, la pluri nationalité des enfants est une conséquence obligée d’une stricte application de l’égalité des sexes en matière de nationalité et c’est une conséquence qui va de soi.
Il serait donc aberrant dans le cadre de la législation française de pouvoir combattre ce type de pluri nationalité et cette position nouvelle est assez largement partagée dans les pays européens.
Cela nous met dans une situation qui n’a rien à voir avec celle de l’apatridie, il ne s’agit plus d’empêcher le conflit positif donc la question centrale se déporte vers le traitement du conflit positif.
Paragraphe 2 :
Les droits et obligations du plurinational
Sur le terrain d’abord des droits, il est clair que le ressortissant français qui a au moins une autre nationalité jouit en France exactement des mêmes droits ni plus ni moins que ceux de n’importe quel national français. La France traite le plurinational comme un français mono national. Il serait scandaleux de lui retirer certains droits au motif qu’il aurait une nationalité française et il serait extravagant d’en ajouter.
—> Quand est-il sur le terrain du devoir ?
La réponse est à priori la même, un plurinational français a en principe exactement les mêmes droits qu’un français sans autres nationalités. Là, encore il serait scandaleux de lui donner des devoirs supplémentaires et extravagants de lui en retirer.
Il y a eu tout de même un cas très particulier avec la question des obligations militaires tant qu’il existait une obligation de service militaire en France (jusqu’en 2001). Normalement, le français plurinational devait accomplir son service militaire français exactement comme le français mono national. Mais évidemment, cette situation pouvait être fâcheuse pour l’intéressé qui risquait de devoir accomplir son service militaire dans un autre pays, risque de cumul très lourd d’obligations militaires. Face à ce problème, il y a eu d’abord un choix à faire entre deux situations différentes :
– soit imposer au plurinational de faire son service cumulativement dans ces deux pays,
– soit lui proposer un choix avec perte de la nationalité du pays non choisi pour le service national, – soit lui proposer un choix sans perdre la nationalité du pays non choisi.
C’est la troisième solution qui a été le plus souvent retenu dans le cadre de très nombreuses conventions bilatérales conclus entre la France et les pays étrangers. Ces conventions ont suivi selon les cas deux solutions différentes tout en conservant chaque fois d’ailleurs au plurinational le service non retenu :
– Dans le premier cas le plus fréquent, les États se sont accordés sur la règle que le plurinational devait effectuer son service national dans le seul pays de son domicile.
– Dans un deuxième type de convention, les États ont posé la règle que les plurinationaux auraient le choix du pays de son service national, sans perdre pour autant la nationalité du pays non choisi.
Le premier type de convention est sans doute préférable car dans le deuxième type de conventions, un doute peut surgir sur la sincérité du choix, sur la réalité du choix, puisque le plurinational peut choisir le service dans un pays où il ne réside pas. Il est vrai également qu’un certain nombre de plurinationaux habite dans un pays tiers.
Quoiqu’il en soit ces questions difficiles n’ont plus beaucoup de sens en France, puisqu’il n’existe plus à proprement parlé, une obligation de service national, c’est un peu une précision qui n’est plus d’actualité.
—> Qu’en est-il des droits et obligations en France de la personne qui a plusieurs nationalités dont aucune n’a la personnalité française ?
La réponse est simple, cette personne est traitée comme un ressortissant étranger.
Paragraphe 3 :
Le statut personnel du plurinational
On entend par statut personnel, l’ensemble des règles du droit des personnes et de la famille. Dans notre système de conflit de loi, le statut personnel relève de la loi nationale de l’intéressé selon l‘article 3 du Code civil.
Il se pose ici, pour les plurinationaux un problème qui est un peu symétrique de celui des apatrides. L’application de la loi nationale pose un problème spécifique aux apatrides puisqu’ils n’ont pas de nationalité et donc pas de loi nationale. La même application de la loi nationale pose un problème spécifique aux plurinationaux puisqu’ils ont plusieurs nationalités et donc potentiellement, plusieurs lois nationales.
—> Dès lors quelle loi nationale faut-il appliquer à leurs statuts personnels ?
Étant entendu qu’il est exclu de leurs appliquer toutes leurs lois nationales à la fois.
La jurisprudence française a dégagé une solution constante, à défaut d’être tout à fait convaincante, qui conduit à distinguer deux types de situations suivant que l’intéressé plurinational possède ou non la nationalité française dans ses différentes nationalités.
A) Le plurinational non-français
Nous supposons qu’un juge français est saisi d’un litige intéressant le statut personnel d’un individu possédant au moins deux nationalités et dont aucune n’est la nationalité française. Il se pose au juge français un problème de conflits de lois.
—> Quelle loi appliquer au statut personnel de l’intéressé ?
Ce problème de statut de loi est compliqué par un conflit de nationalité. La règle du conflit de lois français est simple : la loi applicable est la loi nationale. Puisqu’il y a conflit de nationalité, il y a plusieurs lois applicables.
Dans ce type de situation, la jurisprudence adopte de façon constante une solution qui est sans doute satisfaisante et qui consiste à retenir la loi de la nationalité active ou effective de l’intéressé, c’est-à-dire de la nationalité qu’il pratique le plus activement ou le plus effectivement. Objectif qui départage les deux lois nationales en fonction du comportement pratique de l’intéressé. Cette solution part du constat très largement vérifié que les plurinationaux dans leur très grande majorité pratiquent plus activement une nationalité qu’une autre. Il est extrêmement rare qu’un plurinational se comporte de telle façon, et qu’il est impossible de dire dans quels pays sont ses attaches.
Cette solution conduit le juge du fond à faire une analyse d’ensemble de la situation de l’intéressé et dans cette analyse le rôle du domicile de l’intéressé est évidemment important mais il ne peut pas être absolument exclusif et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les tribunaux français appliquent la loi de la nationalité la plus active, la plus effective et non pas nécessairement la loi de la nationalité qui est corroborée par le domicile de l’intéressé. Il se peut en effet que dans certains cas, l’indice du domicile soit contredit par d’autres éléments du comportement de l’intéressé.
Par exemple : l’intéressé a ses affaires économiques dans l’autre pays, ou bien il se partage de façon égale deux domiciles dans ces deux pays.
Autre exemple : Et il se peut aussi que le plurinational ait établi son domicile dans un pays tiers auquel cas, le domicile ne peut pas départager à lui tout seul les deux nationalités en conflit.
Si l’on réfléchit à la façon dont le problème se pose en pratique, il est assez vraisemblable que dans un assez grand nombre de cas, le juge français sera saisi parce que l’intéressé à son domicile en France, il est à craindre que l’intéressé ait son domicile en France ait la nationalité française dans ces différentes nationalités et le domicile ne pourra donc départager. Cette solution encore une fois est constante, elle est d’ailleurs très généralement la même dans les pays qui comme la France applique la loi nationale au statut personnel. Elle a le petit inconvénient d’une certaine insécurité, tout dépend de l’investigation du juge intéressé mais en pratique, elle fonctionne assez correctement.
B) Le français plurinational
Dans cette hypothèse, le juge français est saisi d’un litige touchant le statut personnel d’un individu doté de plusieurs nationalités dont la nationalité française.
—> Quelle loi doit-il appliquer ?
La réponse à cette question est en règle très générale d’appliquer la loi française même si la nationalité française n’est pas la nationalité la plus active ou la plus effective. Le professeur Laborde a critiqué cette solution qu’il estime regrettable pour plusieurs raisons :
— il y a une critique qu’on ne peut pas faire à cette solution qui consisterait à la taxer de « chauvinisme français », on préférerait la nationalité française de façon partiale, un peu comme on soutiendrait l’équipe de France. La même solution est retenue dans tous les pays comparables. La loi du for est systématiquement préférée.
Critique triple :
—> c’est une solution irréaliste lorsque la nationalité française n’est pas la plus active ou la plus effective et évidemment cette solution est d’autant plus irréaliste quand la nationalité française est purement formelle.
—> Cette solution est dangereuse dans la mesure où elle expose le jugement français à n’être pas exécuté dans l’autre pays puisque l’autre pays préférera de la même façon sa propre nationalité et considérera que le juge français n’a pas appliqué la bonne loi au statut personnel de l’intéressé. Cette solution fait courir un risque d’inefficacité et de situations boiteuses (solution reconnue dans un pays et pas dans l’autre).
—> Cette solution confond de façon inadmissible le terrain des conflits de loi et le terrain de la nationalité. On dit en effet, à l’appui de cette solution que le juge français dans cette hypothèse ne peut pas appliquer une autre loi que la loi française, car le juge est soumis à la loi et la loi dit que l’intéressé est français. En d’autres termes, selon cette justification de la solution : appliquer au français la loi de son autre nationalité reviendrait à lui nier la possession de la nationalité française. Cette argumentation en réalité, pour impressionnante qu’elle soit en apparence, tient parce qu’il ne s’agit pas de savoir si l’intéressé n’est ou n’est pas français. Il est absolument évident que le plurinational est français et qu’elle aura des effets indiscutables. Le problème est de savoir touchant le statut personnel de l’intéressé et non pas l’ensemble de sa situation économique, la loi française est la plus adéquate, la plus adaptée. Or, on ne peut en douter quand la nationalité française n’est pas la nationalité activement appliquée par l’intéressé.
A son sens, il vaudrait mieux donner à ce type de situation, la même solution à l’autre type de situation, c’est-à-dire la préférence à la loi de la nationalité activement ou effectivement appliquée même si la loi n’est pas française.
—> Est-ce que cette solution est absolument constante, indéboulonnable ?
Il est arrivé à la Cour de cassation de donner le sentiment (réel ou apparent) qu’elle pouvait commencer à bouger sur ce problème. Il est en effet, le 22 juillet 1987 un arrêt de la 1ère civile de la Cour de cassation, dans une affaire DUJAQUE, qui a retenu une solution très inhabituelle.
En l’occurrence, il s’agissait de savoir si on pouvait donner effet en France à un jugement polonais, qui, touchant le statut personnel d’un double national polonais et français avait évidemment appliqué la loi polonaise à la question litigieuse. Et, contre toute attente, la Cour de cassation a jugé qu’il pouvait avoir effet en France, alors qu’il n’avait pas appliqué la loi française. Cette solution a été approuvée par certains auteurs notamment Paul Lagarde.
Est-ce à dire que dans cet arrêt DUJAQUE, on s’est approché de la solution de la préférence à la nationalité la plus active ? Ce n’est pas du tout certain. L’arrêt DUJAQUE n’a pas eu depuis 1987 de postérité très claire (arrêt d’espèce ?). Il faut observer que dans l’arrêt DUJAQUE, la Cour de cassation ne va pas du tout valider la considération que la nationalité polonaise aurait été la plus active, ce n’est pas parce qu’elle aurait été la plus active qu’elle aurait été retenue, il semble plutôt que la Cour ait considéré s’agissant seulement de donner effet en France à un jugement étranger, on pouvait admettre que le juge étranger ait préféré sa propre nationalité. En revanche, l’arrêt DUJAQUE ne semble pas du tout annoncer l’abandon par le juge français de la préférence à sa propre nationalité quand le juge français est directement saisi. On peut penser que l’arrêt DUJAQUE est en réalité une application d’une solution proposée par le professeur Lagarde consistant à retenir ce que le professeur Lagarde a appelé une « solution fonctionnelle au problème posé », c’est-à-dire une solution variant en fonction de la nature du problème posé.
En d’autres termes, si le juge français est directement saisi d’une question touchant le statut personnel d’un français plurinational, il doit toujours préféré la nationalité française. En revanche, si le juge français est indirectement saisi en exéquatur d’un jugement étranger qui a préféré sa propre nationalité comme le fait le juge français alors le juge français peut dans certains cas, au moins, admettre que le juge étranger ait préféré sa propre nationalité tel est sans doute le sens de l’arrêt DUJAQUE. Il n’est même pas sûr que dans d’autres hypothèses comparables, il y ait la même solution. Ce qui est probable qu’elle donnerait préférence systématique à la nationalité française.
1° L’esprit de la convention franco-polonaise du 5 avril 1967 étant de régler l’ensemble des rapports juridiques de caractère international en matière de droit des personnes et de droit de la famille, il convient de faire jouer cette convention dès lors que le litige concerne des personnes qui ont la nationalité polonaise même si elles ont aussi la nationalité française ; . Et la cour d’appel, qui a justement estimé que la question de la garde et du droit de visite, après le prononcé du divorce des parents, devait être soumise aux dispositions des articles 10 et 11 de la convention aux termes desquels les tribunaux compétents sont, en cas de domicile distinct des parents et enfants, ceux du pays sur le territoire duquel l’enfant est domicilié, a fait une exacte application de l’article 11, alinéa 2, en retenant la compétence des juridictions polonaises, l’enfant résidant avec sa mère en Pologne .
2° Elle a de même, à juste titre, estimé que la juridiction étrangère était en droit pour déterminer la loi applicable de prendre en considération la nationalité qui était attribuée à l’enfant par la loi locale, savoir la loi polonaise
—> Est-ce à dire que le problème en 2010 est décidément tout à fait clôt ?
Il y a un autre secteur, une évolution s’est produite, qui est le secteur du droit communautaire. On peut se demander si la remise en cause de la jurisprudence traditionnelle ne viendrait pas plutôt aujourd’hui du droit communautaire.
Le droit communautaire n’a en principe aucune compétence en matière de nationalité des États membres et devrait donc être hors-sujet.
Or, ce n’est pas tout à fait le cas, comme le montre un arrêt de la CJCE du 2 octobre 2003, dans une affaire GARCIA AVELLO, qui a fait pas mal de bruit.
La Cour de justice de l’Union européenne énonce en effet que la Belgique en l’occurrence ne pouvait pas imposer aux parents d’un enfant à la fois belge et espagnol de suivre exclusivement les règles du droit belge en matière d’attribution du nom patronymique de l’enfant sans tenir aucunement compte des règles différentes du droit espagnol. En l’occurrence, le père était espagnol et la mère était belge et les parents d’un commun accord souhaitaient que l’enfant à la fois belge et espagnol porte en premier, le nom de son père et en second, le nom de sa mère. Les autorités belges compétentes s’y étaient refusées en considérant que le droit belge s’appliquait. Et c’est cette position que la CJCE censure, elle reproche aux autorités belges, pour trancher de la loi applicable au nom de l’enfant, d’avoir donné référence exclusive à la loi belge.
Il est clair que dans l’arrêt GARCIA AVELLO, la CJCE censure une préférence de principe à la nationalité de l’autorité saisie et de ce point de vue, c’est un recul de la solution traditionnelle.
Cependant, ce recul ne doit pas être surestimé :
—> d’une part, la CJCE se fonde sur une motivation exclusivement de droit communautaire, elle invoque notamment l’interdiction de toute discrimination relative à la nationalité d’un autre État membre
—> d’autre part, elle invoque aussi l’atteinte à la liberté de circuler et de séjourner dans un État membre des ressortissants d’un autre membre, l’atteinte que porterait une solution qui ne respecterait en rien la nationalité d’un autre État membre.
En d’autres termes, une famille franco-espagnole ne se verrait pas reconnaître une liberté de circuler en
Europe et en Belgique, si elle ne pouvait pas faire respecter les dispositions du droit espagnol en Belgique. Cette jurisprudence se place sur le terrain des libertés communautaires et cette jurisprudence n’est pas transposable au-delà de l’Union Européenne.
L’article 18 CE s’oppose à ce que les autorités d’un État membre, en appliquant le droit national, refusent de reconnaître le nom patronymique d’un enfant tel qu’il a été déterminé et enregistré dans un autre État membre où cet enfant est né et réside depuis lors et qui, à l’instar de ses parents, ne possède que la nationalité du premier État membre.
Sous-titre 2 : Le droit positif de la nationalité française
Droit positif = droit effectivement applicable.
Il ne s’explique que si on connaît l’évolution historique depuis 1789, dotant que cette évolution a été particulièrement mouvementée.
Chapitre préliminaire : Évolution historique du droit de la nationalité française
Cette évolution historique ne commence pas réellement avant 1789 car il est difficile de parler d’un droit de la nationalité française sous l’Ancien Régime.
—>
Certes, l’Ancien Régime n’ignorait pas le terme de « nation » mais il ne lui donnait pas exactement notre sens actuel, d’Etat-nation.
—>
De plus, ce n’est pas la nation qui était souveraine sous l’Ancien Régime, c’était le Roi et s’il y avait un lien entre le Roi et ses sujets, ce n’était pas un lien de nationalité.
La nationalité n’apparaît sur le terrain juridique qu’à partir de 1789 quand la nation se substitue au Roi comme souverain et quand la nationalité se substitue au lien personnel entre le Roi et ses sujets.
Très vite apparaît alors le concept de nationalité française pratiquement dans les années qui suivent 1789 et ce concept est consacré par le Code civil originel (1804) et souvent appelé Code Napoléon. Les premières dispositions réelles en matière de nationalité française figure dans le Code Napoléon.
Le XIXe sera sur le droit de la nationalité une période de très grand calme, au moins de très grand calme du législateur qui ne portera que des réformes ponctuelles aux dispositions du Code Napoléon.
Le XXe a été actif par la loi du 10 août 1927 et la promulgation de la Code de la nationalité française par l’ordonnance du 19 octobre 1945, suivi d’une loi très importante du 9 janvier 1973 et avec aussi des modifications très nombreuses et sans doute trop nombreuses depuis les années 80 du XXe siècle.
Section 1 : Le Code Napoléon
—> Etat originel du Code civil
Il désigne le Code civil, dans son état originel. Les dispositions du Code Napoléon ont été remarquées parce que c’était les premières du genre et parce qu’elle s’inspirait d’un esprit manifestement différent de celui de l’Ancien Régime.
—> S’agissant tout d’abord de l’attribution de la nationalité française dès la naissance :
C’est le droit dit du sang qui se voit reconnaître le rôle essentiel puisque est français depuis sa naissance celui qui naît d’un père français. Le critère essentiel de l’attribution de la nationalité française en 1804, c’est d’avoir un père français. Ce n’est pas la naissance en France qui donne la qualité de français, attribution par le sang et non par le sol. Cette disposition a beaucoup frappé d’autant que l’Ancien Régime donnait beaucoup plus d’importances au droit du sol dans la détermination des sujets du Roi de France.
En même temps, cette prééminence du droit du sang doit être bien comprise, il faut éviter un anachronisme dangereux, aujourd’hui quand on se réfère au droit du sang, quand on retient une conception ethnique de la nationalité, c’est une position assez fortement connotée à droite ou à l’extrême droite. Ce n’est pas la vision du Code napoléon, les rédacteurs n’ont pas eu une vision ethnique de la nationalité. Ils ont plutôt considéré que c’était un honneur d’être né d’un père français non pas parce que la nation française serait ethniquement supérieure aux autres nations mais parce qu’elle aurait été révolutionnairement ou idéologiquement supérieure aux autres nations puisque pour les enfants qui naissent au début du XIXe siècle, ils naissent de pères qui ont fait la Révolution : libérer la nation de ses chaînes. Il faut reconnaître que dans une certaine mesure c’est vrai, puisque dans une certaine mesure, il n’y a pas de nationalité française.
C’est une conception tout à fait autoritaire de la famille qui s’impose puisque la mère n’a aucun pouvoir d’attribution de sa propre nationalité à ses enfants. Seule la nationalité du père compte. D’ailleurs, la mère ne peut avoir d’autres nationalités que celle du père, du moins dans la famille légitime puisque le Code Napoléon prévoit aussi que la femme prend systématiquement la nationalité de son mari. Il y a là, une préférence très claire à la nationalité du mari et du père qu’il a encore sans doute tranché un peu avec l’Ancien Régime, l’Ancien Régime était moins ouvertement défavorable aux femmes. La Révolution, et peut être plus encore, la vision napoléonienne de la Révolution est très axée sur la prééminence du mari et du père.
—> Quant à l’acquisition de la nationalité en cours d’existence :
Le Code Napoléon est en retrait par rapport à la période proprement révolutionnaire et sans doute par rapport à la période de l’Ancien Régime (1780-1804), l’idée dominante, très idéologique, est qu’il fallait faciliter l’acquisition de la nationalité française aux étrangers, mais pas à n’importe quel étranger : étrangers qui partagent les idéaux de la Révolution française, il faut combattre les tyrans. Si les étrangers partageaient ce combat, il pouvait devenir très rapidement français. « Naturalisation » facilitée pour les amis de la Révolution.
Sur ce terrain, le Code de Napoléon rend la naturalisation difficile, méfiance des étrangers.
—> Bilan du Code napoléon :
Le bilan de nationalité en matière du Code de Napoléon, si on le regarde avec anachronisme est assez négatif :
– droit du sang,
– prééminence du mari et du père,
– trop grande rigueur en matière de naturalisation.
Les premiers pas du droit de la nationalité française sont vu très contestables.
Il faut surtout retenir du Code Napoléon, il donne pour la première fois des règles en matière de nationalité française, des règles qui sont claires et qui ont leurs cohérences dans le contexte de l’époque et du reste des règles qui seront dans la majorité des cas considérées au XIXe et même dans les pays étrangers comme une sorte de modèle en matière de nationalité.
En réalité, le vrai problème au XIXe pour la France est que ces règles vont s’avérer pour certaines d’entre elles, contraires à la situation réelle de la population française et finalement pour certaines d’entres elles contraires aux intérêts français bien compris.
—> Il y a une vraie inégalité des sexes car seul compte, le mari ou le père en 1804.
Mr Laborde se demande s’il s’agit vraiment d’une politique c’est-à-dire si le législateur de 1804 s’est réellement placé intellectuellement devant des choix. Pour lui, sur beaucoup de ces questions, le législateur de 1804 a pensé plutôt que la réponse était évidente : il était évident en 1804 pour le
législateur que naturellement la femme devait suivre la nationalité de son mari, il ne pense pas à la question d’égalité des sexes. Pour nous, c’est un choix politique car il y a deux politiques possibles c’està-dire égalité ou inégalité des sexes.
—> Enfin, est-ce que cette politique était conforme aux intérêts français ?
Notamment, la naturalisation difficile et la perte automatique de la nationalité française par la femme épousant un étranger étaient-elles conformes aux intérêts français ?
Ø Concernant la naturalisation difficile :
On peut considérer qu’une telle politique n’est pas conforme aux intérêts d’un pays quand ce pays est en situation de baisse de la natalité ou quand ce pays fait l’objet d’une forte immigration parce que dans ce cas, le pays qui reçoit a plutôt intérêt à naturaliser assez facilement.
La France de 1804 est dans une situation démographique très ambigüe. Vers fin XVIIIème et début XIXème, la France est le pays le plus peuplé d’Europe après la Russie. La France est vue comme un royaume disposant d’une population relativement importante. Par conséquent ; le fait de rendre la naturalisation plus difficile n’est pas en soi considérée comme dangereux. Or, le législateur ne sait pas que la natalité en France a commencé à baisser au début du XVIIIème et cette baisse propre à la France va s’aggraver pendant tout le XIXème, au point qu’en 1914 la France est dépassée en population par l’Allemagne ou l’Italie.
Les dispositions sur la naturalisation vont s’avérer à la longue défavorable mais en 1804, ceci n’est pas évident que cela soit défavorable : ce caractère défavorable se verra avec l’avancée du XIXème. La France n’est ni un pays de forte immigration, ni d’émigration, les dispositions sur la naturalisation restent assez nettes.
Ø Perte automatique de la nationalité pour la femme française :
Il en va autrement de la perte automatique de la nationalité française par la femme française épousant un étranger : mesure défavorable aux intérêts français. Pendant tout le XIXème, les femmes françaises épousant des étrangers vont donc perdre leur nationalité française.
Mais statistiquement, on s’aperçoit que la plupart de ces familles composées d’une femme française et d’un mari étranger sont restées en France car il y a eu une espèce de loi sociologique selon laquelle dans les mariages, le fait de s’enraciner dans le pays de la femme française est plus fort. S’est alors constitué au fil du temps, une catégorie de population en France particulière avec des familles de nationalité étrangère mais solidement et durablement installées en France et dont la nationalité de fait était vraisemblablement française : instauration d’un cas de divorce de la nationalité de fait et de droit causé par les dispositions du Code de Napoléon entrainant automatiquement la perte de la nationalité française.
Cette situation a été aperçue au cours du XIXème et la solution était de faire disparaitre ce cas de perte automatique en permettant à la mère de transmettre sa nationalité française ou la solution pouvait être aussi d’introduire dans l‘attribution de la nationalité française une dose de droit du sol en déclarant par exemple que les enfants nés en France de parents étrangers seraient français.
—> XIXe siècle :
Dans le courant du XIXème, par une loi du 7 février 1851 et par une loi de 1874, le législateur ouvre une porte au droit du sol, à coté du droit du sang, en décidant qu’est français dès la naissance :
– l’enfant né d’un parent français
– l’enfant né en France quand un de ses deux parents au moins est lui-même né en France dit la règle de « la double naissance ». Cette règle résous le problème d’une mère anciennement française et d’un père étranger.
Ce n’est qu’une dose du droit du sol car selon ce droit, l’enfant né en France est français. Mais la naissance en France n’est jamais suffisante à elle seule pour donner la nationalité française, il faut toujours un autre élément.
Le législateur du XIXème préfère régler le problème sur le terrain de l’attribution de la nationalité plutôt que sur le terrain de la perte de la nationalité française par la femme car une autre solution aurait pu être que la femme ne perde pas sa nationalité si elle se marie à un étranger : remise en cause de la hiérarchie mari —> femme.
Cette remise en cause de l‘égalité des sexes ne viendra qu’au XXème avec la loi du 10 aout 1927.
Section 2 : La Loi du 10 Aout 1927
Cette loi est particulière : le contenu final ne correspond pas au projet initial car entre temps, les travaux parlementaires ont modifié le projet initial qui l’a fait changer de physionomie.
—> L’esprit au départ du projet déposé par le gouvernement :
Période dite de l’entre deux guerres et le gouvernement français tient à tirer les conséquences d’une déception des pouvoirs publics quant au comportement des naturalisés français pendant la Première Guerre Mondiale. Il y a eu une sorte de polémique à l’époque sur le comportement au combat de naturalisés récents originaire des Empires Centraux (Hongroie…) qui se serait révélé dans certains cas déloyal ou insuffisamment dévoué à la cause française.
Il est impossible de savoir si cela est vrai mais le projet de rendre la naturalisation plus difficile du fait du doute du sérieux des naturalisations d’avant 1914, germe dans l’esprit du gouvernement et c’est l’origine première de la future loi de 1927.
—> Les travaux parlementaires sont importants sous la IIIe République :
Pendant ces travaux, on s’aperçoit que les parlementaires prennent conscience que la situation démographique de la France est devenue catastrophique : baisse de la natalité continue depuis la fin du XVIIIème, grosse perte pendant la guerre de 1914 et du fait de cette situation démographique, il devient alors absurde de rendre la naturalisation encore plus difficile. Les parlementaires et le gouvernement réécrivent alors le projet de telle sorte que la loi votée et promulguée le 10 aout 1927 est une loi libérale en matière de nationalité alors qu’elle avait été conçue pour être une loi rigoureuse. C’est une loi libérale parce que la situation démographique de la France apparait dangereuse : il faut changer de cap.
—> Cette loi ne modifie pas significativement l’attribution de la nationalité française.
—> Elle se refuse à rendre la naturalisation plus sévère et même elle l’assouplit un peu.
—> Quant au mariage de la femme française, il n’a plus d’effet automatique sur la nationalité de celle-ci. Cette dernière réforme a fait le plus parler d’elle car la loi de 1927 émancipait la nationalité de la femme par rapport à celle du mari.
Ce serait sans doute un anachronisme de considérer que la loi de 1927 aurait été particulièrement sensible au thème de l’égalité des sexes qui n’est pas encore un thème vraiment mobilisateur malgré les efforts de celle dite à l’époque « les suffragettes » c’est-à-dire les femmes qui luttaient pour avoir le droit de vote. Cette loi de 1927 n’est pas une loi féministe mais une loi inspirée par la démographie : le législateur s’est rendu compte que les femmes françaises épousant un étranger restaient le plus souvent en France.
Après 1927 :
– la crise économique mondiale commence en 1929,
– les années 30 sont difficiles, – le régime de Vichy, – la libération de Vichy…
Section 3 : Le Code de la Nationalité Française
Code issu de la période la libération et d’une ordonnance du 19 octobre 1945.
L’idéologie du régime de Vichy, sans être absolument ouvertement raciste, était xénophobe et
antisémite et bien entendu, ces 2 éléments ont eu un effet sur le droit de la nationalité française. L’idée de Vichy est que les naturalisations depuis 1927 ont été trop faciles : on les accorde trop facilement. La conséquence de cette analyse est redoutable car le gouvernement de Vichy décide de remettre en cause les naturalisations prononcées depuis 1927.
Une commission est instituée et elle a pour mission de reprendre tous les dossiers et de proposer : – soit la confirmation de la naturalisation, – soit son annulation.
Les personnes ainsi exposées à la perte de la nationalité française étaient aussi exposée à la persécution nazie. La commission travailla jusqu’à l’extrême fin de l’occupation. La question des naturalisations a été une question cruciale. Sur le reste, Vichy n’a pas fait grand-chose, faute de temps.
Lors de la Libération 1944-1945 et la Restauration de la république : l’idée du gouvernement de
l’époque est qu’il faut changer de calibre en la matière de droit de la nationalité française. Il faut passer à une époque différente et il faut élaborer un vrai Code de la nationalité française complet, exhaustif et scientifique.
On retire les dispositions sur la nationalité du Code civil et on les intègre en les modifiant dans un code nouveau préparé par le ministère de la justice et qui est à la base d’une ordonnance du 19 octobre 1945 : on efface toute la législation de Vichy et on revient à la tradition républicaine.
L’idée d’élaboration d’un Code de la nationalité française est assez significative de l’époque de traiter la nationalité d’abord comme une question de droit public avant d’être une question touchant le droit de la personne et des familles.
Cette codification propre est ce qu’il y a de plus important dans l’ordonnance car pour ce qui est du fond, il n’y a pas grand changement dans le Code de 1945 par rapport au droit de la nationalité française de la fin de la 3ème République : le Code de 1945 n’a pas été particulièrement inventif.
Sur aucune des questions listées, il n‘y a de réel changement :
—> le droit du sang reste primordial car il suffit d’avoir un père français
—> pour le droit du sol, il faut une double naissance.
—> Pour l’acquisition de la nationalité française : naturalisation sont reconfirmées et on annule les annulations de Vichy.
—> On ne rend pas pour autant la naturalisation beaucoup plus facile qu’avant 1939 : on reste sur le dispositif de 1927. On maintient même des dispositions de 1804 qui frappaient les naturalisés récents de certaines incapacités temporaires comme le fait qu’un naturalisé ne pouvait devenir fonctionnaire français qu’au moins 5ans après sa naturalisation.
—> Pour le mariage, le code de 1945 n’est pas très bien inspiré : la loi de 1927 avait posé l’indépendance de la femme mais le code revient sur ce principe car selon lui, l’étrangère qui épouse un français devient automatiquement française mais on permet à l’intéressé de faire une déclaration contraire si elle ne veut pas devenir française.
Cette solution apparait équilibrée et cela laisse une grande place à la volonté de la femme. En fait, c’est un système partial car il favorise à tout les coups la nationalité française : absence de déclaration de la femme alors la femme est française. Cela peut se comprendre du point de vu démographique mais cela ne se comprend pas du fait de la volonté des femmes et surtout on revient à la conception selon laquelle le mariage a des effets sur la nationalité de la femme alors qu’il n’en a aucun sur la nationalité du mari.
—> Le père transmet la nationalité française à ses enfants quel que soit le lieu de naissance de ces enfants alors que la mère ne transmet la nationalité française à ses enfants que si l’enfant est de surcroit né en France : inégalité des sexes. Le père a une incapacité de transmission de la nationalité française qui reste plus forte.
Section 4 : La loi du 9 Janvier 1973
Cette loi est lune des plus belles lois de la deuxième moitié du XXème : cette loi a transposé en droit de la nationalité française, les évolutions profondes du droit de la personne et de la famille en donnant une signification nouvelle et plus forte au principe d’égalité et de liberté.
—> Pour le principe d’égalité de l’homme et de la femme, il est poussé dans toutes ces conséquences :
—> le mariage n’emporte plus aucun effet automatique sur la nationalité des conjoints, c’est-à-dire
de la femme.
—> le mariage avec un français permet au conjoint étranger de devenir français s’il le souhaite par déclaration mais avec l’innovation capitale que désormais, cette possibilité est offerte non seulement à la femme étrangère d’un mari français mais aussi au mari étranger d’une femme française : le mariage avec une française permet au mari étranger de devenir français.
La nationalité française de la femme a la même force et le même rayonnement que la nationalité française de l’homme.
—> La règle est dupliquée en matière de perte de la nationalité française car : la femme française qui épouse un étranger reste française sauf déclaration contraire de sa part et de même, le mari français qui épouse une étrangère reste français sauf déclaration contraire de sa part : symétrie absolue entre la situation du mari et celle de la femme.
—> Sur le terrain de l’attribution de la nationalité française, ce principe d’égalité est poussé aussi dans toutes ses conséquences car est français quel que soit son lieu de naissance, l’enfant né d’un parent français au moins, que ce parent soit le père ou la mère (plus nécessaire que l’enfant soit né en France).
—> Pour le principe de liberté :
—> Le mariage emporte de conséquences sur la nationalité des conjoints que s’ils le veulent.
—> Ce principe se trouve aussi dans la disposition selon laquelle l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère n’entraine plus la perte automatique de la nationalité française.
Depuis 1973, il n’y a plus de frein vis-à-vis de la plurinationalité car ces principes de liberté et d’égalité auront pour conséquences l’augmentation des cas de plurinationalité.
La seule réserve sur cette loi de 1973 est qu’elle n’est pas allées jusqu’à supprimer les incapacités frappant les naturalisés récents, il faudra attendre 1983 pour que ces incapacités disparaissent mais cette loi fait entrer le droit de la nationalité française dans les principes d’égalité et de liberté.
Section 5 : L’ère des turbulences
La loi de 1973 est une loi qui a su faire passer dans notre code de la nationalité française, les principes de liberté et d’égalité dégagés en droit des personnes et de la famille.
Suivant cette période, notre période a été et reste une période agitée du point de vu des questions de nationalité, tout au moins du point de vu des questions d’accès à notre nationalité et plus largement et pout tous les problèmes de nationalité liés aux questions d’immigration.
Ce sont les questions de l’immigration qui occupent le devant de la scène, les débats publics bien plus que les questions de nationalité. Or, ces questions sont quand même liées et en définitive, le droit de la nationalité s‘est ressenti des difficultés liées à la politique relative à l’immigration. On est entré dans la remise en cause de certains modes d’accès à notre nationalité même si aujourd’hui, le droit de la nationalité française parait connaitre une certaine accalmie.
Paragraphe 1 :
La remise en cause de certains modes d’accès à notre nationalité
Dès le début des années 80, deux modes d’accès à notre nationalité font progrès :
– l’acquisition de la nationalité à raison d’un mariage avec un français
– l’acquisition automatique de la nationalité à l’âge de la majorité par la combinaison de la naissance et de la résidence en France.
Dans les deux cas, certains courants de l’opinion publique trouvent que cet accès est trop facile ou qu’il permet certaine fraude et ils proposent de le rendre plus difficile. Accès à la suite du mariage : les courants vont obtenir satisfaction.
A) Polémique autour de l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage avec un français
La loi du 9 janvier 1973 a posé des règles nouvelles : désormais, l’étranger —> l’étrangère qui épouse une française ou un français peut devenir français par simple déclaration dès le jour du mariage.
Vers 1970 – 1980, une polémique assez vive s’est élevée à propos de cette règle car on a fait valoir qu’elle permettrait par des mariages simulés ou fictifs avec des français complaisants, de devenir français par simple déclaration dès le jour du mariage quitte à entamer aussitôt après, une procédure de divorce. Des étrangers voulant résider en France pourraient choisir de devenir français par simple déclaration pourvu qu’ils réussissent à contracter un mariage simulé.
On faisait valoir aussi que cette fraude serait organisée à grande échelle est quasiment au grand au jour car on trouvait dans les annonces de certains journaux soit des recherches de français complaisants pour un mariage fictif, soit des propositions de français complaisants à des étrangers. Dans le pire des cas, cette complaisance était écrite comme rémunérée.
La polémique va vite enfler au point qu’une proposition de loi venant de l’opposition, a été déposée au Parlement en vu de retarder la période d’acquisition par déclaration par rapport au mariage et donc de s’assurer une vraie communauté de vie entre les époux :
è adoption à la quasi majorité du parlement et elle débouche sur une loi du 7 mai 1984, au terme de laquelle la déclaration d’acquisition ne pourra être faite qu’au moins 6 mois après la célébration du mariage et à condition qu’au moment de cette déclaration les époux soient encore en communauté de vie.
Cette réforme aurait du résoudre le problème définitivement car elle rendait a priori impossible le mariage simulé. Or après 1984, les craintes sur la fraude resurgissent et on fait valoir qu’il n’est pas possible dans certains cas de vérifier sérieusement que les époux sont encore en communauté de vie lors de la déclaration de l’acquisition de notre nationalité.
è Une loi du 22 juillet 1993 porte le délai minimum pour la déclaration de 6 mois à 2 ans après la célébration du mariage.
Cette réforme commence à susciter certaines questions de principe : le délai de 2ans est un délai long. Nous ne sommes pas au délai de 5ans comme pour la naturalisation mais le délai de 2ans rend
l’acquisition par déclaration beaucoup moins rapide et surtout, on peut se demander si ce délai ne révèle pas que le législateur est en réalité devenu défavorable, hostile à l’acquisition par déclaration. La stratégie du législateur n’est pas de tarir au final, le mode d’acquisition par déclaration au profit du mode d’acquisition par naturalisation, beaucoup plus contrôlé par le gouvernement.
La question est devenue mouvante et ce mode d’acquisition est pris dans la tourmente législative : une réforme existe à chaque changement de majorité.
è En 1998, la majorité est de gauche : elle vote une loi du 16 mars 1998 qui ramène la durée minimale depuis la célébration du mariage à 1 an.
è En 2002, la majorité est de droite : une loi du 26 novembre 2003 porte le délai minimum depuis la célébration du mariage à 2ans et même dans certains cas à 3ans.
Désormais, le fait que les époux aient en cours de délai un enfant commun ne permet plus de prononcer la déclaration d’acquisition sans plus attendre.
– Jusqu’en 2003, si les époux avaient un enfant dans le délai alors l’étranger pouvait faire une déclaration immédiate.
– Dès 2003, même si les époux ont un enfant dans le délai, l’étranger devra attendre l’expiration du délai : à partir de 2003, ce n’est plus la fraude qui est la crainte de ce délai minimum et on voit que le législateur est très réservé sur ce mode d’acquisition par déclaration et qu’il incite les candidats à l’acquisition à passer par la naturalisation.
 Ce sentiment est renforcé par la loi du 24 juillet 2006 car le délai est porté à 4ans voire à 5ans dans certains cas. Il faut que les conjoints soient en communauté de vie depuis au moins 4ans dès la célébration de leur mariage : le mode d’accès à notre nationalité est devenu assez rigoureux et il est contrôle a posteriori par le gouvernement qui peut s’opposer à l’acquisition pour défaut d’assimilation ou indignité.
B) Polémique autour de l’acquisition automatique de la nationalité française à la majorité de l’enfant par la combinaison de la naissance et de la résidence en France
Jusqu’au début des années 80, l’enfant né en France de parents étrangers devenait automatiquement français à sa majorité s’il établissait lors de sa majorité, qu’il résidait en France depuis au moins 5ans.
Par hypothèse, aucun des deux parents étranger de l’enfant n’était né en France sinon l’enfant serait français dès sa naissance. Si l’enfant est né en France de parents qui ne sont pas nés en France mais qui vont rester en France après la naissance de l’enfant car au moment où l’enfant aura 18ans, l’enfant pourra se prévaloir d’une résidence d’au moins 5ans.
Ce mode d’acquisition consiste à reconnaitre que cet enfant est désormais suffisamment intégré à la communauté française car on peut penser que dans la grande majorité des cas, cet enfant aura passé sa minorité en, France et il aura été élevé comme un français. Jusqu’au début des années 80, ce mode d‘acquisition ne soulève pas de problèmes particuliers, il parait assez naturel et conforme aux intérêts français.
Mais dès les années 80, ce mode d’acquisition va être contestée pour des raisons diverses, les
critiques sont de portée différentes :
—> une critique porte sur l’automaticité
L’automaticité ne respecterait pas la liberté et la volonté de l’intéressé car ce dernier automatiquement français à sa majorité. On s’étonne que l’on puisse imposer la nationalité française à des jeunes qui peut être ne voudraient pas devenir français.
Cette première critique n’a jamais été très sérieuse car il a toujours été possible aux jeunes concernés de renoncer à cette acquisition automatique dans les 6mois précédant sa majorité et dans l’année la suivant.
De plus, on, peut se demander si cette critique est bien sincère car la contestation de l’acquisition automatique ne vient pas de la crainte d’une acquisition forcée mais de la crainte d’une acquisition trop facile.
—> problème de philosophie de la nationalité :
L’automaticité de l’acquisition priverait les jeunes de la possibilité de faire un choix volontaire, conscient et exprimé en faveur de la nationalité française. Elle les priverait de faire de l’acquisition de la nationalité un moment d’expression de leur volonté profonde de devenir français, il faudrait alors supprimer l’automaticité et la remplaçait par une acquisition par déclaration à l’âge de la majorité.
On reconnait une conception particulière dite une conception élective de la nationalité selon laquelle la nationalité devrait résulter d’un choix vivement exprimé par l’intéressé. Cette conception est souvent reliée avec une vision citoyenne de la nationalité et pour les partisans à cette conception, ils l’estiment comme républicaine.
Nous pouvons douter que cette conception correspond à la conception dominante mais elle n’explique pas la grande majorité des cas de réalisation d’acquisition de la nationalité française.
Ce débat a le mérite de faire avancer la réflexion en matière d’accès à notre nationalité et sous la première cohabitation de 1986 – 1988, une commission des sages a conseillé d’abandonner l’automaticité au profit d’une déclaration en faveur de la nationalité française, à condition que cette déclaration soit la plus simple possible et la plus facile possible pour les intéressés.
è Les propositions donnèrent lieu à une disposition dans la loi du 22 juillet 1993 qui, en effet, a supprimé l’automaticité de l’acquisition et l’a remplacé par une acquisition par déclaration très simple.
Or ce compromis était en définitive praticable car très nombreux furent les jeunes qui ont déclaré vouloir devenir français par la combinaison de la naissance et la résidence en France. Les craintes exprimées se sont révélées en définitive infondées.
è Lors de l’alternance politique suivante, une loi du 16 mars 1998 a rétabli l’automaticité de l’acquisition de la nationalité à la majorité par la combinaison naissance + résidence.
Cette loi semble laisse une certaine perplexité :
– nous pouvons penser que cette loi n’était pas du tout indispensable c’est-à-dire pas indispensable de revenir à l’automaticité.
– les alternances suivantes n’ont pas remis en cause l’automaticité qui reste de droit positif. Cela veut peut-être dire que notre de nationalité française a atteint une période de stabilité au moins relative.
Paragraphe 2 :
Une stabilité au moins relative
Les dernières années ont montré une certaine stabilité de notre droit de la nationalité, à l’exception des lois de 2003 et de 2006 en matière d’acquisition par déclaration à la suite du mariage.
Il est vrai qu’il y a eu en 1993 un changement non négligeable tout au moins de localisation des dispositions en matière de nationalité française car la loi du 22 juillet 1993 a supprimé le code de la nationalité française et a réintégré ces dispositions dans le Code civil : article 17 et suivant.
Ce n’est pas un changement dans la substance des règles c’est-à-dire que le droit de la nationalité française est revenu dans le Code civil, sorti en 1945.
Quelle a été la raison de ce déménagement ? Nostalgie du passé d’avant 1945, mais c’est surtout le souhait de manifester que le droit de la nationalité est fondamentalement un droit des personnes, qu’il est lié à l’état des personnes relevant du Code civil et le souhait de manifester un souci de stabilité de droit de la nationalité française.
Or, le débat porte plus sur la police des étrangers que sur la nationalité française.
Chapitre 1 : Etre Français
Il y a au moins deux façons d’être français :
dès la naissance : on parle d’attribution de la nationalité française en cours d’existence : on parle d’acquisition de la nationalité française.
Cette distinction est évoquée par le Code civil. L’attribution de la nationalité française concerne les français de naissance dit les français d’origine alors que l’acquisition concerne ceux qui deviennent français en cours d’existence.
Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus aucune différence de traitement entre les français de naissance et ceux devenus français en cours d’existence.
Section 1 : L’Attribution de la Nationalité Française
Cette attribution se fait :
soit par la filiation, soit par la naissance en France.
Quant il s’agit de filiation, on parle de droit du sang ou jus sanguinis. A l’inverse, le droit du sol correspond le jus soli.
Le législateur français donne une place prééminente au droit du sang c’est-à-dire à l’attribution de la nationalité française en raison de la filiation mais la place du droit du sol n’est pas pour autant négligée.
Sous-section 1 : L’Attribution de la Nationalité Française en Raison de la Filiation
C’est le mode de transmission de notre nationalité le plus fréquent. La règle de principe en la matière est posée à l’article 18 Code Civil mais cette règle est assortie d’une règle corrective qui figure à l’article 18-1 Code Civil.
Paragraphe 1 :
La règle de principe
Cette règle est simple, elle est prévue à l’article 18: « est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français ».
Cette règle reprend pour l’essentiel l’ancien article 17 du code de la nationalité et dans son esprit, elle est directement issue de la loi du 9 janvier 1973 dont elle respecte l’esprit de profonde et complète égalité.
Depuis une ordonnance du 4 juillet 2005, ce principe d’égalité a été poussé dans ses ultimes conséquences car le texte de l’article 18 ne fait plus aucune référence à l’ancienne distinction des enfants légitimes —> naturels.
En effet, l’article 18 est un texte met en avant deux principes :
—> le principe d’égalité stricte des conjoints dans la transmission de la nationalité française :
Depuis 1973, la mère transmet la nationalité française dans les mêmes conditions que le père.
Avant 1973, et notamment entre 1945 et 1973, la mère française ne transmettait sa nationalité à l’enfant que si de surcroit l’enfant était né en France alors que depuis 1973, la nationalité française de la mère suffit quel que soit le lieu de naissance de l’enfant.
Cette règle n’est pas si ancienne et la règle actuelle manifeste une ouverture du législateur à la pluri nationalité car il est vraisemblable que chacun des parents peut transmettre sa nationalité, il y aura plus d’enfants plurinationaux que par le passé. La réforme de 1973 montre que l’attachement au principe de l’égalité des sexes est plus fort que l’éventuel crainte devant la pluri nationalité.
—> le principe d’égalité stricte des filiations dans l’attribution de cette nationalité :
La règle selon laquelle la nationalité française d’un seul parent suffit vaut pour toutes les filiations et pas seulement pour la filiation légitime. Depuis 2005, les termes de filiation légitime et de filiation naturelle ont disparu de nos codes et elles sont effacées de l’article 18 du Code civil.
Mais pour la filiation adoptive, l’expression reste utilisée et l’article 20 alinéa 2 du Code civil qui dispose qu’en matière de filiation adoptive, les règles de transmission de la nationalité française sont les mêmes qu’en matière de filiation par le sang. A cet article, il s’agit de l’adoption plénière c’est-à-dire qui ressemble à l’adoption par le sang : pour cette adoption, il suffit que l’un des adoptants soit français pour que l’enfant soit français. En revanche, ces règles ne valent pas pour l‘adoption simple, on verre que l’adoption simple est un cas d’acquisition de la nationalité française en cours d’existence.
La règle de principe ne fait pas de la naissance en France une condition d’attribution de la nationalité française. Il faut alors reconnaitre que la règle de l’article 18 du Code civil peut faire courir le risque d’une nationalité française purement formelle si l’enfant n’a aucun lien avec la France autre que la nationalité française de ses parents. Pour cela, l’article 18 est assorti d’une règle corrective à l’article 18-1 du Code civil.
Paragraphe 2 :
La règle corrective
Selon l’article 18-1 du Code civil, l’enfant né à l’étranger d’un seul parent français aura la faculté de répudier la nationalité française dans les 6 mois précédent sa majorité ou dans l’année suivant la majorité.
La situation de cet article concerne l’hypothèse où dans certains cas la nationalité française risque d’être formelle si l’enfant n’est destiné à n’avoir aucun contact réel avec la France et si le seul de ses parents qui soit français n’a pas l’esprit de revenir en France.
Cette répudiation est une simple faculté : elle n’est pas imposée à l’enfant c’est-à-dire qu’il peut conserver la nationalité française même s’il n’a aucun lien avec la France.
A l’inverse, cette faculté de répudiation si elle est exercée, n’a pas besoin d’être motivée. De plus, un enfant qui a des liens avec la France préfère pour des raisons qui le concerne, répudiait sa nationalité française, il le pourra dès qu’un de ses parents est né à l’étranger : l’enfant choisit de garder ou pas la nationalité française.
Cette faculté n’est pas ouverte si l’enfant est né à l’étranger de deux parents français et l‘article 18-1 précise que si l’enfant né à l’étranger dont un des parents est français, il perd sa faculté de répudiation si en court de minorité de l‘enfant, le parent étranger devient français.
Répudiation : article 26 et svt, déclaration simple devant les autorités consulaires.
Sous-Section 2 : L’Attribution de la Nationalité Française en Raison de la Naissance en France
Le droit de la nationalité française fait une place au jus solis mais une place qui reste secondaire par rapport au jus sanguinis.
La naissance en France ne suffit jamais à elle-seule à l’attribution de la nationalité française, il faut toujours qu’un élément s’ajoute à la naissance, d’où l’intérêt du jus solis par rapport au jus sanguinis : il ne suffit jamais d’être né en France alors qu’il suffit d’avoir un parent français.
La naissance en France peut se combiner avec un souci de prévention de l’apatridie pour justifier l’attribution de la nationalité française. La naissance en France de l’enfant peut se combiner avec la naissance en France de l’un de ses parents au moins dit la règle de la « double naissance » en France.
Paragraphe 1 :
Naissance en France et prévention de l’apatridie
Ce principe est énoncé aux les articles 19 et 19-1 du Code civil : dès qu’un enfant né en France risque d’être apatride de naissance, il est français dès sa naissance. La naissance se combine ici avec l’apatridie. Ces articles énoncent 3 hypothèses répondant à cette situation :
– l’enfant né en France de parents apatrides
– l’enfant né en France de parents inconnus —> l’enfant né en France de parents connus ayant une nationalité étrangère lorsque les parents de l’enfant ne peuvent en aucune façon lui transmettre leur nationalité. Cette hypothèse se rencontre dans deux cas : o soit le pays des parents n’accordent sa nationalité qu’aux enfants nés sur son propre territoire, s’ils naissant à l’étranger alors ils n’auront pas la nationalité des parents
o soit le lien de filiation entre l’enfant et les parents ne permet pas l’attribution à l’enfant de la nationalité des parents.
Dans ces hypothèses, l’attribution de la nationalité française est une attribution à titre des secours pour l’enfant, pour lui éviter l’apatridie qui est une situation toujours négative.
La nationalité française est elle-même une nationalité de secours, ce qui explique que si en cours de minorité l’enfant vient à prendre la nationalité d’un de ses parents alors l’enfant perd automatiquement la nationalité française. Mais si l’enfant atteint sa majorité sans avoir reçu une autre nationalité que celle française alors il garde la nationalité française s’il le veut jusqu’à la fin de ses jours.
Paragraphe 2 :
La règle de la double naissance en France
Est français dès sa naissance, un enfant né en France quand au moins un de ses deux parents est luimême né en France.
Cette règle célèbre dans le droit de la nationalité française est une règle de fond et une règle de preuve de la nationalité française. Nous pouvons nous demander si son aspect de règle de preuve n’est pas en fait plus important que son aspect de règle de fond.
A) La règle de fond
Cette règle de fond se décompose en une règle de principe et une règle corrective.
1 – La règle de principe
Selon l’article 19-3 du Code civil : « est français l’enfant né en France lorsqu’un de ses parents au moins y est lui-même né ».
Cette règle doit s’entendre selon les mêmes principes d’égalité des parents et des filiations que la règle du jus sanguinis de l’article 18. Par conséquent, peu importe que le parent né en France soit le père ou la mère et peu importe le mode d’établissement de la filiation, que les parents soient ou non mariés. La règle s’applique aussi en cas d’adoption plénière.
—> La naissance de l’enfant doit avoir lieu en France :
Il faut entendre par là :
le territoire métropolitain, les départements d’outre-mer les collectivités territoriales de Saint Pierre et Miquelon et de Mayotte.
Dans les dernières décennies du 20ème siècle, un problème s’est posé : il concernait la situation d’enfants nés en France mais dont le parent concerné, était né dans un territoire français mais territoire devenu depuis indépendant.
Exemple : parent né avant 1960 dans les territoires d’Afrique noire francophone devenus indépendants en 1960, ou avant 1962 en Algérie.
—> La règle de la double naissance était-elle respectée ?
On a cru que oui pendant longtemps car il suffisait que le parent soit né dans un territoire français au jour de sa naissance et on ne pensait pas que ce territoire devait toujours être français lors de la naissance de l’enfant.
Puis dans les années 1980, certains ont fait valoir que dans la mesure où le territoire était devenu indépendant, il n’y avait plus de raisons de considérer que l’enfant bénéficiait de la règle de la double naissance en France.
Le législateur du 22 juillet 1993 a cru bon d’écouter ces objections car il a décidé qu’à partir du 1er janvier 1994, l’enfant né en France ne bénéficierait de la règle de la double naissance que si le lieu de naissance du parent était encore sous la souveraineté française lors de la naissance de l’enfant.
 La seule exception qu’a consentie le législateur de 1993 a concerné l’Algérie car l’enfant né en France de parents nés en Algérie avant 1962 continue de bénéficier de la règle de la double naissance.
Cette règle de 1993 n’aura dans quelques décennies plus de vrais objets car aucun parent ne sera né avant 1960-1962.
2 – La règle corrective
L’attribution de la nationalité française risque d’être formelle dans certains cas du fait du jus solis comme du jus sanguinis.
Mais pour le législateur, lorsque l’enfant né en France d’un seul parent né en France alors il se peut que cet enfant ait peu de liens avec la France et donc l’article 19-4 Code civil ouvre à l’enfant une faculté de répudiation de la nationalité française dans les 6 mois précédent sa majorité et dans l’année la suivant (soit entre 17,5 ans et 19 ans).
L’enfant n’a pas cette faculté de répudiation si ses deux parents sont nés en France et il perd cette faculté si en cours de minorité de l’enfant, l’un des parents devient français.
Cette règle de la double naissance est une règle ancienne car elle remonte à une loi de 1861 qui avait permis à traiter la question des enfants nés en France d’une mère française ayant perdu sa nationalité par son mariage.
B) Le rôle probatoire de la règle de la double naissance
Environ 90% des nationaux français par filiation, le sont aussi par la règle de la double naissance.
—> Dans cette hypothèse, quand il s’agit de prouver la nationalité française, comment fait-on pour ceux qui sont français par la naissance ?
On procède comme si ces personnes étaient françaises par la naissance : il suffit de produire l’extrait de son acte de naissance en France et l’extrait de l’acte de naissance d’un de ses parents.
C’est la raison pour laquelle certains courants d’opinions ont critiqué la règle de la double naissance et plus largement toutes les attributions de la nationalité française par le sol. Ces courants ont montré qu’ils ne mesuraient pas la portée pratique de ce qu’ils souhaitaient. Mais cela signifiait aussi que la preuve de la nationalité française était facile que si l’enfant est né en France de parents eux-mêmes nés en France. A défaut, la preuve devient plus difficile.
Section 2 : L’Acquisition de la Nationalité Française
L’attribution concerne des hypothèses où la nationalité française est obtenue dès la naissance alors que l’acquisition concerne le cas où la nationalité est acquise en cours d’existence.
—> Cette distinction est-elle importante ?
Il faut distinguer selon les effets et les modes d’acquisitions
Dans une société démocratique, il n’est pas admissible de faire une distinction importante entre les français selon qu’ils sont d’origine française ou non. Il n’y a pas de raisons de diminuer les droits des français par acquisition par rapport aux droits des français par attribution.
Mais il est clair que les modes d’acquisition de la nationalité française ne peuvent pas ressembler aux modes d’attribution et en matière d’acquisition, les pouvoirs publics et le gouvernement peuvent se réserver un droit de contrôle ou de décisions qu’ils n’ont pas en matière d’attribution de la nationalité française.
Exemple : un enfant né d’un parent français ou né en France d’un parent né en France, l’enfant est français que cela plaise ou non aux pouvoirs publics. Mais si une personne demande au gouvernement de devenir français par naturalisation alors elle n’obtiendra sa naturalisation que si le gouvernement est d’accord.
Les modes et cas d’acquisition sont nombreux et divers :
—> tout d’abord, l’acquisition de la nationalité française peut se faire en raison d’un lien particulier avec la France
—> puis l’acquisition peut se faire en raison d’un lien particulier avec un français ou une française c’est-à-dire un lien plus personnel.
Sous-Section 1 : L’Acquisition de la Nationalité Française en Raison d’un Lien Particulier avec la France
Pour devenir français, il ne suffit pas d’avoir un lien particulier avec la France donc dans un certain cas, l’acquisition repose sur la combinaison d’un lien de la personne avec la France et de la volonté de cette personne de devenir française. Il faut alors un élément objectif constatable qui est le lien de la personne avec la France comme le fait de travailler en France et un élément subjectif lié à la volonté de la personne.
Egalement, le cas d’une personne qui combine un lien particulier avec la France, lien objectivement fort comme le fait d’être né en France. Ce lien est tellement fort que la personne peut devenir française au bout d’un certain temps automatiquement mais cette automaticité n’est pas imposée à la personne, personne qui peut alors refuser de devenir française : combinaison d’un lien avec la France et de l’absence de volonté de refuser la nationalité. Le lien avec la France est plus fort objectivement dans la seconde hypothèse car il devient français automatiquement sauf s’il demande de ne pas le devenir.
Paragraphe 1 :
La combinaison d’un lien avec la France et de la volonté de devenir français
La volonté de devenir français n’est jamais à elle-seule suffisante pour acquérir notre nationalité. Elle doit en l’occurrence se combiner avec un lien fort avec notre pays et avec une décision du gouvernement français dans le cadre de la procédure dite de naturalisation.
Cependant, il existe une autre possibilité d’acquisition, plus marginale, où l’intéressé peut devenir français par simple déclaration lorsqu’il a joui de la possession d’état de français depuis au moins 10 ans.
A) L’acquisition de la nationalité française par naturalisation
La naturalisation peut se définir comme l’octroi par l’Etat de la nationalité française à un étranger qui la demande.
—> C’est le mode d’acquisition de notre nationalité le plus important car il concerne environ 30 000 personnes par an.
—> C’est aussi un mode d’acquisition qui dépend d’une décision du gouvernement et d’une décision discrétionnaire du gouvernement c’est-à-dire que le gouvernement n’est jamais obligé de naturaliser le demandeur même s’il remplit toutes les conditions de la naturalisation. La décision de naturalisation est toujours une décision en opportunité et le gouvernement n‘est pas lié par le dossier de naturalisation.
Ce caractère discrétionnaire explique aujourd’hui la faveur qu’a la naturalisation dans les cercles des pouvoirs publics : les gouvernements actuels sont favorables à la naturalisation car le gouvernement peut contrôler complètement le processus de naturalisation.
En même temps et un peu paradoxalement, l’histoire de la naturalisation depuis 1804 a été très perturbée, passant par des phases d’extrême sévérité puis par des phases de plus grandes souplesses : il y a eu des périodes très hostiles à la naturalisation, tandis que d’autres ont été plus favorables.
—> La naturalisation est antérieure à la Révolution puisque, sous l’Ancien Régime, le Roi de France avait déjà le pouvoir discrétionnaire de conférer à certains étrangers des lettres dites de « naturalité » ou de « bourgeoisie » qui leurs donnaient un statut à peu prés comparables à ceux des sujets du Roi de France.
—> Sur ce terrain, la Révolution de 1789 a voulu rompre avec l’Ancien Régime en accordant des naturalisations largement ouvertes aux étrangers partageant les idéaux de la Révolution française et en fermant la naturalisation aux étrangers adversaires à la révolution.
—> De ce point de vu, le Code napoléon revient à la politique d’Ancien Régime mais il y revient avec une vision plus rigoureuse car la naturalisation est très sévèrement limitée par des conditions rigoureuses et elle reste une décision purement discrétionnaire du gouvernement.
Depuis 1804, il y a eu plusieurs phases différentes:
—> de 1804 à 1927, la législation en matière de naturalisation a eu tendance à s’assouplir progressivement et la naturalisation est devenue moins difficiles au fil du temps. La loi du 10 aout 1927 avait été préparée dans un esprit de défaveur à la naturalisation car les pouvoirs publics français avaient été déçus par l’attitude insuffisamment patriotique de certains naturalisés pendant la guerre de 1914 – 1918 et les travaux préparatoires de cette loi ont montré que l’intérêt de la France voulait ouvrir la naturalisation mais la législation n’a pas été plus rigoureuse par la loi de 1927.
—> A la fin des années 30, avant la seconde guerre mondiale, un état d’esprit assez hostile à la naturalisation commence à se faire sentir
—> Sous l’occupation, dès juin —> juillet 1940 et sous le régime de Vichy, l’esprit est ouvertement hostile aux naturalisations. Ce qui est plus grave c’est que le régime de Vichy entreprend une révision rétroactive des naturalisions prononcées depuis 927. L’idée est qu’un certains nombre de ressortissants d’Europe centrale avaient été naturalisés trop facilement et donc certaines naturalisations ont été annulées rétroactivement.
—> Avec le retour du régime républicain vers 1944, les annulations des naturalisations sont abrogées et on revient à la naturalisation d’esprit républicain qui n’est pas particulièrement souple, ni libérale en matière de naturalisation.
—> L’ordonnance de 1945 n’a pas abrogé les incapacités frappant les naturalisés récents. Ces incapacités ont disparu qu’en 1983.
Aujourd’hui, le droit de la naturalisation a assez peu bougé depuis 1945 : la seule réforme qui puisse avoir de l’importance pour la suite remonte à la loi du 22 juillet 1993. Cette loi est une loi plutôt rigoureuse en matière de nationalité. Or paradoxalement, cette loi oblige les pouvoirs publics à motiver en toute hypothèse les décisions de refus de naturalisation, ce qui est un peu contradictoire avec le caractère discrétionnaire de la décision de naturalisation. Elle est discrétionnaire donc elle n’a pas à être motivé donc si elle doit être motivée alors c‘est ouvrir la voie à un contrôle contentieux de naturalisation. Pour autant, la décision de naturalisation reste une décision discrétionnaire, ce qui signifie que les conditions posées par la loi pour la naturalisation sont seulement des conditions de recevabilité de la demande c’est-à-dire que l’intéressé doit remplir ces conditions pour que sa demande soit examinée par les pouvoirs publics mais cela ne lui garantie pas une réponse positive donc les conditions sont simplement des conditions de recevabilités.
1 – Les conditions de recevabilité de la naturalisation
Elles sont au nombre de 4 : l’âge du demandeur, sa résidence lors de la demande,
le stage qu’il doit avoir fait en France,
certaines qualités du demandeur car il doit être de bonne vie et mœurs et il doit être assimilé à la communauté française.
a) La condition d’âge :
Cette condition est posée à l’article 21-22 Code Civil. Le demandeur doit avoir au moins 18 ans au moment où il dépose sa demande. C‘est l’âge de la majorité civile en France mais cette condition s’applique à tous les étrangers même à ceux dont la loi personnelle fixerait un âge de majorité civile plus jeune que celui de 18ans.
b) La condition de résidence :
L’étranger doit avoir sa résidence en France aussi bien au jour où il dépose sa demande de naturalisation qu’au jour de la signature du décret de naturalisation. Cette condition est logique puisque la naturalisation est la constatation de l’intégration de l’étranger dans la communauté nationale.
Mais l’interprétation que la jurisprudence française fait de cette condition est en fait assez rigoureuse : il ne suffit pas que l’étranger habite en France, il faut qu’il y ait le centre de ses intérêts et notamment les tribunaux ont à plusieurs reprises énoncé qu’un étranger ne disposant pas de revenus d’origine française ne résidait pas en France au sens du droit de la naturalisation.
Exemple : un étudiant étranger ou un jeune chercheur étranger dont le revenu principal proviendrait d’une bourse de son gouvernement ne sera pas vu comme résident en France même s’il y habite.
La jurisprudence a tendance à interpréter la résidence en France dans un sens propre au droit de la nationalité et qui est plus restrictif que le sens que la résidence a en droit civil.
c) La condition de stage :
C’est une condition de durée minimale de la résidence avant le dépôt de la demande de naturalisation. La détermination de cette durée est significative de l’état d’esprit de l’époque vis-à-vis de la naturalisation.
Dans les époques restrictives, cette durée minimale est allongée à savoir 10 ans minimum.
—> Aujourd’hui, l’article 21-17 du Code civil fixe cette durée minimale à 5ans, ce qui reste moins rigoureux mais qui reste exigeant.
Il est vrai que le législateur a prévu dans certains cas soit une réduction de la durée du stage à 2ans, soit une dispense pure et simple de la condition de stage.
—> Pour la réduction à deux ans, il existe deux cas de réduction énoncés à l’article 21-18 du Code civil
:
—> l’étranger qui a accompli avec succès deux années d’études supérieures en vu d’acquérir un diplôme
délivré par une université ou un établissement d’enseignement supérieur français.
—> l’étranger qui a rendu ou qui peut rendre par ses capacités et ses talents des services importants à la France.
—> Pour les dispenses pures et simples de stages :
Elles étaient assez nombreuses jusqu’aux années 1990 mais elles ont été réduites en nombre par la loi du 22 juillet 1993 et par la loi du 24 juillet 2006. Cependant, même réduits, les cas de dispenses restent au nombre de 5 et ils peuvent être répartis en trois grands groupes :
—> les étrangers dits particulièrement méritants ou particulièrement utiles.
—> C’est l’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou qui présente pour la France un intérêt exceptionnel : article 21-19-6 Code civil.
—> C’est aussi l’étranger francophone qui contribue par son action et mérites au rayonnement de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales : article 21-21 du Code civil.
Ces formulations peuvent prêter à sourire dont celle de l’article 21-19-6 du Code civil. Certains commentateurs observent ironiquement qu’en matière sportive, les services devaient être exceptionnels car il est arrivé qu’il y ait eu des naturalisations rapides de sportifs étrangers.
—> la dispense prévue par l’article 21-2 du Code civil,
« Est dispensé de stage, la personne qui appartient à l’entité culturelle et linguistique française lorsqu’elle est ressortissante de territoires ou d’Etats dont le français est la langue officielle ou une des langues officielles à condition que le français soit la langue maternelle du demandeur ou qu’il ait été scolarisé pendant au moins 5ans dans un établissement enseignant en langue française ».
Les francophones sont dispensés de stage s’ils viennent d’Etats francophones.
—> Personnes qui ont révélé un attachement à la France ou au moins leur confiance dans notre pays :
– C’est celui ou celle qui a effectivement accompli des services militaires dans l’armée française
– qui s’est engagé en temps de guerre dans l’armée française
– c’est aussi depuis la loi du 16 mars 1998, de celui ou celle qui a obtenu en France le statut de réfugié.
d) La condition de bonne vie et mœurs et d’assimilation à la communauté française :
– La condition de bonne vie et mœurs est posée à l’article 21-23 du Code civil car « nul ne peut être naturalisé s’il n’est pas de bonne vie et mœurs ou s’il a fait l’objet de l’une des condamnations visées à l’article 21-27 du Code civil ».
Cette condition n’est pas complètement anodine car il y une sorte d’enquête de moralité, diligenté pendant la procédure de naturalisation.
De plus les condamnations à l’article 21-27 du Code civil ne sont pas à négliger car en toute hypothèse, la condamnation par un tribunal français à une peine d’emprisonnement d’au moins 6 moins sans sursis rend la demande de naturalisation irrecevable. Pour les condamnations prononcées à l’étranger, elles pourront ne pas être prises en considération mais le décret de naturalisation ne pourra être pris qu’après avis conforme du Conseil d’Etat.
– Sont irrecevables, les demandes de naturalisation formulées alors que l’étranger fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ou alors que son séjour en France est irrégulier.
La condition d’assimilation à la communauté française (article 21-24 Code Civil) pose aujourd’hui des problèmes délicats. Selon cet article, « nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française notamment par une connaissance suffisante selon sa condition de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ». Ce texte est difficile à interpréter.
Cette condition est dure à interpréter d’autant plus que la connaissance de la langué française n’est une condition de cette assimilation. De plus, la connaissance suffisante des droits et devoirs conférés est aussi difficile à interpréter notamment en ce qui concerne les devoirs conférés par la nationalité française qui reste un concept flou.
2 – La procédure de la naturalisation
C’est une procédure assez longue qui se subdivise en deux étapes, une locale et une nationale :
—> L’étape locale :
Elle se déroule dans le département de la résidence du demandeur car il doit déposer son dossier en préfecture. C‘est alors la préfecture de son domicile qui diligente d’abord la procédure et notamment en lien avec la commune de la résidence, la vérification des conditions de recevabilité de la demande dont celles d’âge, résidence, stage, bonne vie et mœurs.
Cette phase dure environ 6 mois et au terme de cette dernière, le préfet transmet le dossier au ministre chargé des naturalisations avec un avis favorable ou défavorable qui ne lie pas le ministre. —> L’étape nationale :
Le dossier est apprécie par le ministre chargé de la naturalisation et au terme de cette phase qui dure environ 1an, le ministre peut prendre 4 décisions différentes :
—> rejeter la demande pour irrecevabilité lorsque selon lui une des conditions de recevabilité n’est pas
remplie. Dans ce cas, la décision doit être motivée et elle peut faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives
—> rejeter la demande pour inopportunité car la décision de naturalisation est discrétionnaire : il constate que l’intéressé remplit les conditions de recevabilité de la demande mais il estime qu’il n’est pas opportun d’accorder la naturalisation.
Depuis la loi de 1993, le rejet pour inopportunité doit être motivé, ce qui permettra dans des cas réduits un contentieux lorsqu’il apparait qu’il y a eu erreur manifeste d’appréciation ou lorsqu’il apparait qu’il y a un détournement de pouvoir. En dehors de ces cas, il n’y a pas de contrôle contentieux.
—> ajournement de la demande : la demande n’est pas acceptée mais elle n’est pas non plus définitivement rejetée. Le dossier n’est pas nul. L’intéressé est invité à renouveler sa demande un peu plus tard lorsqu’il sera plus opportun de lui donner satisfaction. Cet ajournement a été une création de la pratique ministérielle et aujourd’hui, il est consacré par les textes.
—> Réponse favorable : c’est-à-dire décision de naturalisation. En réalité, la décision de naturalisation est d’assez loin la plus fréquente. Selon l’article 21-25-1 du Code civil, la réponse à la demande de l’intéressé doit être donnée dans un délai de 18 mois maximum, délai pouvant être porté à 21 mois si nécessaire.
C’est dans les 18 mois du dépôt de sa demande que l’intéressé est susceptible de bénéficier d’un décret de naturalisation sous la signature du Premier Ministre et avec le contreseing du ministre chargé des naturalisations. Ce décret est publié au Journal Officiel, généralement le JO ne publie pas séparément les décrets.
3 – Les effets de la naturalisation
S’agissant du demandeur lui-même, il devient français à la date de signature du décret.
Depuis la loi 20 décembre 1983, il n’a plus à souffrir d’aucune incapacité temporaire ni pour la fonction publique, ni pour les fonctions politiques. Il a tous les droits et devoirs des français.
Cette naturalisation peut s’accompagner, si l’intéressé en a fait la demande et si la décision apparaît opportune, d’une francisation du nom et du prénom de l’intéressé.
La naturalisation de l’intéressé s’étend à ses enfants mineurs dès lors qu’ils sont cités dans le décret de naturalisation, qu’ils résident avec l’intéressé et qu’ils ne soient pas mariés. Par conséquence, il n’y a pas d’effets collectifs de la naturalisation ni pour les enfants majeurs, ni pour le conjoint du naturalisé.
B) L’acquisition de la nationalité française par déclaration à raison de la possession d’état
L’article 21-13 du Code civil autorise les personnes qui ont jouit de façon constante de la possession d’état de français pendant au moins 10 ans à réclamer la nationalité française par déclaration. Puisque ces personnes sont autorisées à réclamer la nationalité française, c’est que par hypothèse, elles n’ont pas cette nationalité alors que cela fait au moins 10ans qu’elles sont considérées comme de nationalité française. Il s’agit donc de permettre à des personnes considérées à tord comme françaises, en quelque sorte de régulariser leur situation, en devenant françaises sur le fondement d’une possession d’état ne correspondant pas à leur véritable nationalité jusque là.
Cette analyse permet de mesurer le caractère particulier de cette situation car il faut que tout le monde se soit trompé sur la vraie nationalité de la personne pendant au moins 10ans.
La possession d’état suppose que la personne ait le nom et la qualité correspondant à cet état comme avoir des documents le présentant comme français, puis cette personne doit être traitée par les autorité publique comme un français et elle doit être considérée comme telle par l’ensemble des personnes qui la connaissent.
—> Faut-il de surcroit que cette personne soit de bonne foi c’est-à-dire qu’elle ait elle-même ignoré en toute bonne foi qu’elle n’était pas française ?
C’est une question difficile : une personne qui serait purement et simplement de mauvaise foi ne pourrait pas invoquer la possession d’état de français. Mais on ne peut pas, à l’inverse, exiger que l’intéressé n’est jamais eu aucun doute sur sa nationalité française et d’ailleurs, il faut qu’à un moment ou un autre, un doute apparaisse pour que l’on se rende compte de l’erreur commune. Si ces conditions sont réunies et à partir du moment où l’erreur commune est révélée, la personne concernée peut, si elle le veut, régulariser sa situation par une simple déclaration devant le tribunal d’instance, déclaration qui lui vaudra l’acquisition de la nationalité française. Normalement, cette acquisition n’est pas rétroactive mais l’article 21-13 précise qu’il y a une sorte de rétroactivité partielle car les actes antérieurs de la personne qui supposaient la qualité de français sont validés.
Ce cas de l’article 21-13 du Code civil est significatif d’un trait fondamental du droit de la nationalité française. Les problèmes juridiquement les plus intéressants concernent assez souvent des cas marginaux tandis que les cas plus fréquents posent moins de problème juridique.
Paragraphe 2 :
La combinaison d’un lien avec la France et de l’absence de volonté de ne pas devenir français
—> Il s’agit d’enfants qui sont nés en France de parents étrangers étant entendu que par hypothèse, aucun des deux parents n’est lui-même né en France.
—> Il faut supposer aussi que les parents ne sont pas apatrides et qu’ils peuvent transmettre leur nationalité étrangère à l’enfant.
A sa majorité, cet enfant deviendra automatiquement français s’il a résidé en France au moins 5ans pendant sa minorité : c’est la combinaison de la naissance et de la résidence en France qui permet de constituer un lien suffisant avec la France pour que l’enfant devienne français automatiquement à 18ans.
Or, cette automaticité n’est pas imposée à l’enfant car dans les 6 mois qui précède sa majorité ou dans l’année qui la suit, l’enfant peut renoncer à l’acquisition de la nationalité française. L’enfant ne doit pas renoncer à cette acquisition c’est-à-dire qu’il devient français que s’il n’a pas eu la volonté de ne pas le devenir.
Cette question a subi une évolution historique très mouvementée : elle concerne des catégories particulières mais nombreuses de la population et elle obéit à un régime juridique spécifique.
A) L’évolution historique
La règle de l’acquisition automatique de la nationalité française par la combinaison de la naissance et de la résidence en France n’est pas une règle nouvelle. Cette règle remonte à une loi du 26 juin 1889 c’est-àdire dans les débuts de la IIIe République après la guerre de 1870 – 1871 et dans une période où les relations avec l’empire allemand restent très conflictuelles (incident de frontières graves). Cette loi poursuit alors des objectifs militaires.
A l’époque, la situation démographique de la France est mauvaise, et il s’agit alors de conférer la nationalité française au plus grand nombre possible de jeunes vivants en France notamment pour augmenter le nombre des jeunes appelés sous les drapeaux.
Cette politique est gênée par la règle de l’époque selon laquelle la française qui épouse un étranger devient étrangère et ses enfants aussi. On répond à cette situation par la règle de la double naissance en France en 1851. Mais il reste le cas des jeunes nés en France de parents étrangers mais qui vivent en France pendant leur minorité alors le législateur de 1889 trouve la solution de l’acquisition automatique de la nationalité française à la majorité par la combinaison de la naissance et de la résidence en France. L’objectif est alors militaire avant d’être un objectif d’intégration ou d’assimilation.
Or, avec le temps, la règle a changé de signification car aujourd’hui, les objectifs militaires de 1889 n’ont plus aucun sens mais la règle a un sens civil et qui est de permettre l’intégration totale dans la communauté nationale de jeunes issus de parents immigrés, ce qui laisse penser qu’ils sont français de fait. Cette règle a complètement changé de sens et ses racines ont aussi changé de nature, d’où le fat que cette règle a fait l’objet de débats au cours des dernières décennies qui paraissent aujourd’hui apaisés même leur virulence vers 1980 – 1990.
Cette règle s’est vue reprocher deux points :
—> reproche de ne pas respecter la volonté des jeunes concernés en leur imposant l’acquisition automatique de la nationalité française. Or, il existe une faculté de renonciation d’où une critique peu avouable.
—> reproche selon lequel il vaudrait mieux que l’acquisition de la nationalité française dépende non pas d’un acte négatif c’est-à-dire le fait de ne pas renoncer mais d’un acte positif c’est-à-dire le fait de déclarer vouloir devenir français. C’est ici la mise en avant de la conception dite élective de la nationalité française selon laquelle fondamentalement, la nationalité française devrait résulter d’un choix de la personne et d’un choix positif.
Dans ce débat, la conception élective a un sens que pour ceux qui ne sont pas français de naissance car pour ceux français de naissance, il est théorique de prétendre qu’ils sont français par choix. Elle concerne alors l’acquisition de la nationalité et non l’attribution de la nationalité. Par conséquent, elle finit par être un peu gênante car elle tend à distinguer en réalité entre les français de naissance et ceux qui sont devenus français en cours d’existence.
Au-delà du souhait qui est lui-même légitime, que le jeune exprime une volonté particulière, peut se profiler le souhait qu’il n’y ait pas trop d’acquisition de ce type et que l’accès à notre nationalité reste limité.
Le législateur a pris conscience de ce débat et en 1988, une commission des sages réunie par M. Chirac avait conclu qu’en effet, il vaudrait mieux abandonner l’automaticité de l’acquisition à la majorité pour une acquisition par déclaration mais à condition que cette acquisition par déclaration soit la plus facile et la plus souple possible. C’était une solution de compromis intéressante mise en œuvre par la loi du 22 juillet 1993 et qui a donné des résultats significatifs car entre 1993 et 1998, le nombre de déclarations volontaires a été élevé.
Or la loi du 16 mars 1998 est revenue à l’automaticité de l’acquisition sans toutefois reprendre purement et simplement l’état de la législation antérieure à 1993. La loi de 1998 n’a pas totalement effacé la loi de 1993 même si l’acquisition est à nouveau automatique. Depuis 1998, l’état du droit est resté stable, peut être parce que la loi de 1998 a su garder certains aspects de la loi de 1993.
B) Les catégories concernées par ce dispositif
Il s’agit d’enfants nés en France de parents étrangers qui ne sont pas nés en France. Par hypothèse, ces enfants se voient transmettre la nationalité étrangère d’au moins un de deux parents et aucun des deux parents n’est devenu français en cours de minorité de l’enfant car si cela avait été le cas, l’enfant serait lui-même devenu français par effet collectif de l’acquisition de la nationalité française notamment par naturalisation.
Il s’agit d’enfants, du point de vu de l’intégration dans la communauté française, sont dans une situation complexe car concernant l’enfant, son lien avec la France est évident (naissance, résidence pendant au moins 5ans) tandis que s’agissant de sa famille le lien avec la France est plus flou car si ces parents sont installés en France, ils ne sont pas nés en France et ils n’ont pas demandé la nationalité française. Le degré d’intégration est plus élevé du coté de l’enfant que du coté des ses parents.
C’est aussi l’une des raisons de la réforme de 1993 qui demandait à l’enfant un acte positif de volonté car le lien avec la France concerne surtout l’enfant.
C) Le régime juridique actuel
Il y a une règle de principe et une règle corrective.
1 – La règle de principe
C’est une règle à double détente car elle prévoit aussi bien l’acquisition automatique de notre nationalité à la majorité de l’enfant, qu’une possibilité d’acquisition anticipée par déclaration ou par réclamation. On peut se demander si aujourd’hui cette faculté d’acquisition anticipée qui peut paraitre marginale n’est pas le vrai centre de gravité de la règle.
a) L’acquisition automatique à la majorité :
Article 21-17 alinéa 1 du Code civil. Selon cet article, l’enfant né en France et qui réside encore au jour de sa majorité, acquiert automatiquement la nationalité française à ce jour de sa majorité s’il a résidé sur notre sol au moins 5ans depuis l’âge de 11ans.
Ainsi, jusqu’à 11ans, la résidence de l’enfant n’a pas d’importance pour le dispositif d’acquisition mais dès 11ans, cette résidence devient importante et il faut que dans la période de 7ans, l’enfant ait eu sa résidence habituelle en France pendant 5ans.
Ce dispositif peut surprendre puisqu’il semble ne donner aucune importance à la période de l’enfance alors que c’est la période capitale pour la formation de la personnalité et il semble concentrer l’importance de la réflexion sur l’intégration, à la période de l’adolescence et de la pré-majorité.
Ce qu’il faut comprendre en réalité c’est que le législateur part de l’hypothèse que la très grande majorité des enfants nés en France et ayant résidé en France pendant au moins 5ans en fin de minorité auront passé toute leur minorité en France.
Cela est si vrai que le législateur n’omet pas de traiter la question des enfants qui atteindrait ces 5ans de résidence en France avant les 18ans.
L’acquisition anticipée par déclaration ou par réclamation : on parle d’acquisition par déclaration quand c’est l’enfant qui déclare vouloir devenir français et on parle d’acquisition par réclamation lorsque ce sont les parents qui réclament la nationalité française pour l’enfant.
b) l’acquisition anticipée par déclaration :
C’est une demande de l’enfant avant 18ans. Selon l’article 21-11 al1 du Code civil, il est possible à un mineur d’âgé au moins 16ans de déclarer vouloir devenir français sans attendre l’âge de sa majorité dès lors qu’il remplit les conditions de 5ans minimum de résidence en France depuis l’âge de 11ans.
Exemple : à 16ans, il peut remplir une déclaration et il devient alors français et s‘il ne le fait pas alors il deviendra français à 18ans.
c) l’acquisition par réclamation :
L’enfant à moins de 16ans mais il réside en France depuis au moins 5ans avec ses parents et il est né en France. Les parents vont pouvoir par déclaration réclamer la nationalité française pour leur enfant. Sur ce point c’est-à-dire l’enfant de moins de 16ans, que la loi de 1998 n’est pas revenu à l’état exact du droit antérieur à 1993.
Avant 1993, les parents pouvaient effectuer cette réclamation quel que soit l’âge de l’enfant et ils pouvaient aussi effectuer cette réclamation dès la naissance de l’enfant en France si eux-mêmes avaient au jour de la naissance au moins 5ans de résidence en France. La réclamation des parents n’était pas liée à aucune condition d’âge minimum de l‘enfant et la condition de résidence pouvait être réuni par les parents à la place de l’enfant.
La loi de 1998 est plus restrictive car la réclamation des parents peut être faite que si l’enfant a au moins 13ans et si lui-même réside en France depuis au moins 5ans à partir de 8ème anniversaire. Dans l’état actuel du droit, jusqu’à de 13ans les parents ne peuvent pas faire de réclamation mais ils peuvent faire quelque chose c’est-à-dire demander par naturalisation la nationalité française pour eux et s’ils l’obtiennent alors l’enfant deviendra français par effet collectif.
Où est la vraie réforme de 1993 ? On s’est centré sur acquisition automatique ou pas à la majorité mais le problème n’est-il pas avant la majorité ? La loi de 1998 a imposé un âge limite de 13ans mais cet âge est-il justifié ou pas ? Ce point est très discuté et il ne faut pas négliger la difficulté qu’il peut susciter car des enfants qui résident en France restent étrangers au moins jusqu’à 13ans même s’ils sont scolarisés. Pour que l’enfant devienne français avant 13ans, les parents doivent demander la nationalité française. L’acquisition anticipée doit-elle avoir ou pas un âge minimum ?
2 – La règle corrective
Dans l’hypothèse où l’enfant arrive à la majorité sans être encore français, l’article 21-8 du Code civil lui permet de renoncer à l’acquisition automatique de la nationalité française à 18ans dans les 6 mois qui précède sa majorité et dans l’année qui la suit.
La renonciation dans l’année qui suit est absurde car s’il y a acquisition automatique à la majorité et si on souhaite permettre la renonciation, il parait logique que la renonciation ait lieu avant les 18ans. Le
législateur règle le problème en énonçant que si l‘enfant renonce à l’acquisition automatique dans l’année qui suit la majorité, il sera réputé n’avoir jamais été français.
Cette faculté de renonciation exprimé devant le Tribunal d’instance ou l’autorité consulaire n’a pas à être motivée mais il faut que l’enfant ait une autre nationalité c’est-à-dire il doit prouver qu’il a la nationalité d’un autre état étranger et il faut aussi qu’il n’est pas déjà souscrit un engagement dans les rangs de l’armée française, sinon il sera réputé français dès son engagement.
Sous-Section 2 : L’Acquisition de la Nationalité Française en Raison d’un Lien avec un Français
Sur ce terrain, il y a deux cas de portée très différente : l’un qui est l’acquisition par déclaration à la suite de l’adoption simple par un français l’autre qui est l’acquisition par déclaration à la suite du mariage avec un français.
Dans cette sous-section, l’acquisition se fait par déclaration alors que dans la naturalisation, elle se fait par décret. Du point de vu du demandeur, l’acquisition par déclaration se fait plus facilement que par décret car dans ce dernier cas, c’est le gouvernement qui décide et il décide ce qu’il veut. Normalement le lien avec un français en particulier semble être considéré par le législateur comme plus intense que le lien avec la France en général car dans le lien avec la France, il faut un décret alors que dans le lien avec un français, il suffit d’une déclaration.
Paragraphe 1 :
L’acquisition par déclaration à la suite de l’adoption simple par un français
L’adoption simple à des effets moins important que l’adoption plénière et est devenue très marginale, elle est usée plutôt à des fins successorales. L’adoption simple a alors des effets moins importants en matière de nationalité française.
Alors que l’adoption plénière est un cas d’attribution de la nationalité française dès la naissance (c’est automatique), l’adoption simple est un cas d’acquisition de notre nationalité en cours d’existence. Exemple : si un français adopte par adoption simple un étranger, il peut devenir français par déclaration et non devenir français dès la naissance.
L’article 21-12 du Code civil rend ce cas plus limité car il déclare que l‘enfant adopté simple par un français pourra faire une déclaration d’acquisition de la nationalité française mais seulement jusqu’a sa majorité. C’est une règle restrictive car la plupart des cas concernent des majeurs.
Cet article du Code civil assimile à l’enfant adoptif deux catégories d’enfants dont on peut penser qu’elles donneront plus de cas de déclaration par acquisition que l’adoption simple :
—> est assimilé à l’enfant adoptif, l‘enfant recueilli en France depuis au moins 5ans et élevé par une
personne de nationalité française —> ou l’enfant confié depuis au moins 3ans au service de l’aide sociale à l’enfance —> ou l’enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir pendant 5années au moins une formation française.
Ces enfants ne sont pas adoptés par un français mais ils sont recueillis en France et qui sont élevés dans des conditions françaises. Ce sont alors des situations de fait qui risquent d’être plus nombreuses que l’adoption simple.
Dans la 3ème assimilation, il y a une référence implicite à la scolarisation en France qui montre l’influence de plus de la scolarisation sur la nationalité française.
L’acquisition prend effet à la date de la déclaration et elle peut avoir un effet collectif si l’adopté a lui-même un ou plusieurs enfants mineurs.
Paragraphe 2 :
L’acquisition par déclaration à la suite du mariage avec un conjoint français
Le Code de Napoléon avait tranché la question de façon radicale : la française qui épousait un étranger perdait la nationalité française et l’étrangère qui épousait un français, devenait automatiquement française.
C’est une question qui a beaucoup évolué mais qui, entre 1804 et aujourd’hui, a changé de sens. De 1804 jusqu’à 1973, c’est l’aspect perte de la nationalité française par la française épousant un étranger qui retient l’attention. L’acquisition automatique de la nationalité française par l’étrangère épousant un français ne pose aucun problème, du moins pour le législateur. En revanche, la perte de la nationalité a posé certains problèmes car c’était contraire aux intérêts français.
Aujourd’hui, on peut considérer que la perte de notre nationalité à la suite du mariage avec un étranger ou une étrangère ne fait plus de problème car il n’y a plus aucune influence automatique du mariage sur la nationalité française et parce que le français ou la française qui épouse un étranger et veut perdre la nationalité française doit faire une déclaration en ce sens.
Depuis 1973, le versant de la question fait problème c’est l’acquisition de notre nationalité par le conjoint étranger d’un français ou d’une française.
Jusqu’en 1973, dans un souci d’égalité, la loi de 9 janvier 1973 a fait du mariage avec un français un cas d’acquisition de notre nationalité par déclaration par l’intéressé et elle a ouvert cette possibilité de déclaration à la femme étrangère d’un mari français mais aussi désormais, au mari étranger d’une femme française.
Or, la situation se dégrade assez vite : on découvre en effet que ce mode d’acquisition par déclaration permet des fraudes par la célébration de mariage fictif permettant au prétendu conjoint étranger de devenir français par simple déclaration dès la jour du mariage, quitte à se séparer dès la fin de la cérémonie. Cette situation serait fréquente et serait entourée d’annonces par journaux.
Il y a deux interopérations possibles de cette crise de ce cas d’acquisition : —> il y a une fraude par mariage fictif qui n’est pas contestable mais dont il s’agit de savoir quelle est son importance avérée.
—> on peut se demander si cette inquiétude sur la fraude par mariage fictif n’est pas davantage lié par le fait que le législateur de 1973 a ouvert la possibilité de déclaration aussi bien au mari étranger qu’à la femme étrangère parce qu’avant 1973, personne ne se demandait si certains mariages entre un mari français et une femme étrangère était ou non réel. Dès 1973, on se pose rapidement et systématiquement cette question comme si la fraude de la part du conjoint étranger pouvait venir plus facilement du mari que de la femme : la possibilité que le mariage avec une femme française donne la nationalité française est plus suspecte qu’un mariage avec un homme français permettant de devenir française. Au final, n’y-a-t-il pas une résistance inconsciente à l’égalité des conjoints ?
Mais depuis 1984, le législateur n’a cessé de rendre cette déclaration de plus en plus difficile ce qui est contradictoire avec l’idée d’acquisition par déclaration et aujourd’hui on est arrivé à un état du droit tel que l’on peut se demander si l’acquisition par déclaration a encore un intérêt et si la stratégie du lé