DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ
Le droit des entreprises en difficulté ou droit des procédures collectives est un droit plus complexe dans ses objectifs et ses procédures que le droit de la faillite dont il est historiquement issu.
La dernière grande réforme – loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises et ordonnance du 18 décembre 2008 – a tout particulièrement mis l’accent sur la nécessité : de favoriser le redressement des entreprises en difficulté par un traitement amiable de ces difficultés, négocié avec ses partenaires (procédure de conciliation) ; de faire bénéficier de la protection de la justice le débiteur qui le demande, dès lors qu’il subit des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter (création de la procédure de sauvegarde – qualifiée de préventive parce qu’ouverte en l’absence d’une cessation des paiements du débiteur).
La loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises et son décret d’application du 28 décembre 2005 sont entrés en vigueur le 1er janvier 2006 et modifient le droit des entreprises en difficultés. Cet ouvrage analyse le nouveau dispositif mis en place. Le nombre de procédures a augmenté, chacune étant prévue pour être adaptée au degré de gravité et/ou à la nature des difficultés rencontrées par l’entreprise.
Voici le plan du cours de droit des procédures collectives :
Titre 1 – La prévention / la conciliation
La sauvegarde d’une entreprise en difficulté suppose la mise en place d’une action préventive des associés ainsi que l’accord des débiteurs et de tous les créanciers.
Les difficultés ne sont pas favorables à un accord amiable.
Le débiteur refuse parfois de prendre conscience d’une évidence :
– d’une part, les créanciers préfèrent un remboursement partiel mais immédiat à un plan de sauvegarde de l’entreprise qui leur paraît aléatoire ;
– d’autre part, les salariés inquiets utilisent la seule arme dont ils disposent, sans se rendre compte que la grève aggrave la situation.
En effet, le créancier court le risque de voir l’entreprise qu’il a aidée se trouver en cessation de paiement. Auquel cas, il sera relégué au rang peu enviable de créanciers antérieurs au jugement d’ouverture avec une créance impayée plus importante.
Au contraire, s’il refuse toute assistance, il peut être contraint en cas de redressement judiciaire de poursuivre ses engagements avec l’entreprise défaillante. Il bénéficiera alors du rang privilégié de créancier postérieur conféré par l’article L 621-32 Code de Commerce.
Dès lors, il est aisé de comprendre le peu d’empressement manifesté par les créanciers à conclure un accord avec le débiteur.
Ce dernier, de son côté, peut se voir reprocher en cas d’échec de l’accord amiable de ne pas avoir fait preuve de suffisamment de diligence dans son dépôt de bilan et d’avoir abusivement poursuivi une exploitation déficitaire.
La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a modifié et débaptisé le règlement amiable en lui substituant la conciliation.
Elle a élargi son champ d’application qui se confond avec celui des personnes susceptibles de se heurter à l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et peuvent donc solliciter une conciliation.
Il faut également noter un allégement de la judiciarisation de la procédure de conciliation par la suppression de la possibilité pour le conciliateur de demander auprès du tribunal d’ordonner une suspension provisoire des poursuites.
En outre, l’homologation de la conciliation par le président du tribunal est désormais facultative.
Enfin, il convient de signaler que la conciliation n’empêche pas le président du tribunal de désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission ; cette possibilité étant par ailleurs ouverte aux exploitants agricoles jusqu’à présent exclus de cette mesure.
Le contenu du délai maximal de 5 mois dans lequel se trouve enfermé la procédure de conciliation, l’intervention d’un tel mandataire peut s’avérer salutaire au cours de la phase préparatoire de la conciliation.
La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 n’a pas modifié le régime du mandat ad hoc qui, très utilisé en pratique, conserve son efficacité. Ce mandat facilite la négociation d’un plan de restructuration financière. Son succès tient en particulier aux qualités de négociateur du mandataire qui, investi d’une nomination par le président du tribunal, intervient en tant qu’expert neutre gratifié d’une importante force de persuasion.
Chapitre 1 – le déclenchement de la procédure de conciliation
Elle est marquée par le renforcement de la liberté contractuelle et l’allégement de l’interventionnisme judiciaire.
Bien que la décision d’y recourir résulte de l’initiative du chef d’entreprise, le président du tribunal de commerce ou du TGI, joue tout de même un rôle aussi bien à l’ouverture de la procédure qu’au stade des négociations.
La décision d’ouverture appartient en effet à ce dernier dans la mesure où il est chargé d’apprécier le bien-fondé de la demande exprimée par le chef d’entreprise,le représentant de la personne morale (le dirigeant) ou le professionnel indépendant.
I – la décision de recourir à la conciliation
A / l’accès à la procédure de conciliation.
1 ) les entreprises concernées.
Les articles L 661-4 et L 611-5 Code de Commerce fixent à la conciliation un domaine d’application extrêmement vaste puisque peuvent en bénéficier toutes les entreprises individuelles, commerciales et artisanales, toute personne morale de droit privé sans exigence d’une activité économique (par exemple une association à caractère culturel), ainsi que, depuis la loi du 26 juillet 2005, les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif et réglementaire dont le titre est protégé. Le législateur a donc calqué le champ d’application de la procédure de conciliation sur celui des procédures de la sauvegarde, du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire.
En ce qui concerne les agriculteurs, ils ne peuvent accéder à ce type de conciliation ; ils connaissent un régime spécifique dans lequel la demande d’un règlement amiable constitue le préalable légal à l’ouverture d’un redressement judiciaire. En effet, les créanciers d’une entreprise agricole doivent avant l’ouverture d’un redressement judiciaire solliciter la nomination d’un conciliateur auprès du tribunal du TGI.
2 ) la situation exigée.
En ne subordonnant plus l’ouverture de la procédure à la tenue d’une comptabilité régulière, la loi du 10 juin 1994 avait marqué sa volonté d’étendre le domaine d’application du règlement amiable.
Cependant, avec la nouvelle loi de 2005, contrairement au passé, la personne physique ou morale demanderesse peut être en cessation de paiement, qui est une condition d’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire à condition que cet état n’excède pas 45 jours.
La procédure de conciliation peut-être ouverte à l’encontre d’une telle personne qui éprouve des difficultés juridiques, économiques ou financières avérées ou prévisibles.
Cette formulation exclut les difficultés sociales.
Dans sa requête, le débiteur, c’est-à-dire le représentant d’entreprise, doit exposer au président du tribunal saisi sa situation économique, sociale et financière, ses besoins de financement ainsi que, le cas échéant, les moyens d’y faire face.
Paradoxalement, la difficulté juridique avérée ou prévisible qui conditionne l’ouverture de la procédure n’a pas à être mentionnée dans la requête.
Le décret du 1er mars 1985 corrige cette omission de la loi en précisant que la demande écrite émanant du représentant légal de la personne morale ou du chef d’entreprise expose les difficultés juridiques, économiques et financières qui la motivent.
Pour demander l’ouverture de la conciliation, le débiteur n’a donc pas à attendre que les difficultés soient avérées, il suffit qu’elles soient prévisibles. Mais que faut-il entendre par difficulté prévisible ? Selon un rapport présenté au parlement « la prévisibilité des difficultés du débiteur devra ressortir d’éléments factuels que le président du tribunal appréciera au cas par cas lors de sa décision d’ouvrir ou non la procédure de conciliation.A cet égard, la production par le requérant de comptes prévisionnels faisant apparaître des difficultés pourra constituer un élément objectif. Cette prévisibilité pourrait résulter d’autres éléments tel que la perte d’un client important ou des difficultés d’ordre social ».
En définitive, d’une part la conciliation constitue une procédure alternative au redressement judiciaire, contrairement à la procédure de sauvegarde qui ne se conçoit qu’au profit du débiteur in bonis (bonne situation) ; d’autre part, la notion de difficultés rencontrées par le débiteur justifiant l’ouverture de la procédure de conciliation est plus large que celle de la procédure de sauvegarde.
B / la demande de conciliation
1 ) l’auteur de la demande.
La demande de conciliation constitue un acte de gestion si bien qu’elles émanent obligatoirement du représentant légal de la personne morale, du chef d’entreprise individuelle ou du membre de la profession indépendante. Elle ne peut donc jamais apparaître comme la conséquence inéluctable d’une procédure d’alerte ou des questions écrites susceptibles d’être posées par les associés ou encore d’une saisine d’office par le président du tribunal compétent.
Toutefois, il est probable qu’à l’instar du règlement amiable, la procédure de conciliation sera souvent sollicitée soit à la suite de demandes plus ou moins pressantes de certains créanciers, soit parce qu’une demande d’intervention des pouvoirs publics pour aider l’entreprise a d’ores et déjà été faite.
La demande adressée auprès du tribunal compétent doit être écrite et exposée non seulement, les difficultés juridiques, économiques et financières, mais également les mesures de sauvegarde envisagées, les délais de paiement et les remises de dette qui permettraient la mise en œuvre de ces mesures. Elle est complétée par des annexes :
– tout d’abord, un plan de financement prévisionnel est un compte de résultat prévisionnel. Le requérant doit être en mesure de justifier qu’il dispose de ressources suffisantes pour continuer son exploitation sans se trouver dans un état de cessation de paiement remontant à plus de 45 jours ;
– ensuite, l’état des créances et des dettes ainsi que la liste des principaux créanciers ;
– l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
– enfin, les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l’actif réalisable et disponible, exclusion faite des valeurs d’exploitation et aussi la situation du passif exigible des 3 derniers exercices si ces documents ont été établis.
2 ) le destinataire de la demande.
La juridiction matériellement compétente pour ouvrir une procédure de conciliation est le tribunal de commerce quand le débiteur est une entreprise commerciale ou artisanale ; le TGI, quand il est une personne morale de droit privé ou une personne physique.
La juridiction territorialement compétente est celle dans le ressort duquel l’entreprise débitrice a son siège ou à défaut de siège sur le territoire français, le centre principal de ses intérêts en France et où le professionnel indépendant exerce son activité.
En cas de changement de siège de la personne morale dans les 6 mois antérieur à la demande de conciliation, la juridiction dans laquelle se trouvait le siège d’origine demeure seule compétente.
Dès la réception de la demande, le président du tribunal convoque le représentant de l’entreprise ou la personne physique intéressée en vue de recueillir ses explications et informe le procureur de la république de cette demande.
Les textes prescrivent une procédure dépouillée de tout formalisme et à caractère contractuel. Pour y parvenir, ils ont investi le président du tribunal d’un pouvoir discrétionnaire.
II – la décision de nommer un conciliateur
La décision d’accorder ou non la conciliation incombe au président de la juridiction compétente.
S’il fait droit à la demande, il ouvre la procédure en nommant un conciliateur.
Toutefois, le président du tribunal peut préalablement à l’ouverture de la procédure vérifier que la situation de l’entreprise relève bien de la conciliation et non d’un redressement judiciaire eu égard à la situation de cessation de paiement dont la date se situerait après 45 jours.
A / La vérification de la situation de l’entreprise.
Pour apprécier la situation du débiteur, la loi a doté le président du tribunal d’un important pouvoir d’investigation.
En effet, il n’est pas tenu par le secret professionnel qui lie les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociale, les services chargés de la centralisation des risques bancaires et incidents de paiement ainsi que les établissements bancaires ou financiers.
Cette levée du secret lui permet d’obtenir tous les renseignements utiles à une meilleure connaissance de l’entreprise. À cette fin, le président à la faculté d’ordonner une expertise sur la situation économique, sociale et financière de l’entreprise et d’obtenir des établissements bancaires et financiers, tous renseignements de nature à lui donner une exacte information sur cette situation.
Ce droit de communication pouvant être mis en œuvre malgré toutes dispositions législatives ou réglementaires contraires, les établissements bancaires ou financiers ne peuvent opposer le secret professionnel à l’enquête du président.
En revanche, ils doivent garder le secret sur l’existence de la procédure de conciliation dont ils ont connaissance du fait de la demande de renseignement dont ils se trouvent saisis.
B / La nomination du conciliateur.
Le président ainsi informé de la situation d’entreprise nomme un conciliateur s’il décide de faire droit à la demande de conciliation par le débiteur.
S’il ne procède pas à la désignation dans le délai d’un mois à compter de la demande, celle-ci est réputée non admise.
À propos de ce personnage, lors des débats parlementaires préalables à la loi de 1984, le garde des sceaux avait émis l’opinion que «le conciliateur ne constituera pas un corps, une profession formée de mandataire ad hoc en matière de difficultés d’entreprise, ce sont des personnalités choisies par le président du tribunal de commerce en raison de leurs compétences particulières et de leur autorité personnelle», comme c’est le cas actuellement.
Au stade de l’ouverture de la procédure de conciliation, le président du tribunal dispose donc d’une très grande liberté.
Le ministère public est bien loin de se voir confier un rôle aussi actif. Il ne peut ni saisir le président du tribunal d’une demande de conciliation, ni intervenir dans la procédure de conciliation. Il est cependant tenu informé de la demande par le président et reçoit communication du rapport d’expertise.
Lorsque le débiteur est membre d’une profession libérale, la décision est communiquée à l’ordre professionnel ou éventuellement à l’autorité compétente dont il relève.
Malgré la liberté de choix qui lui est conférée dans la désignation du conciliateur, le président du tribunal ne peut nommer pour accomplir cette mission, une personne ayant exercé au cours des 24 mois précédents et perçu directement ou indirectement une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de la part de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou qui est contrôlée par lui.
Cette mission ne peut non plus être confiée à un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de 5 ans.
La décision ouvrant la procédure de conciliation est susceptible d’aucun recours. Néanmoins, le débiteur peut récuser le conciliateur dans les 15 jours de la décision désignant le conciliateur par un acte remis au greffe ou par une déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal.
Chapitre 2 – Le déroulement de la procédure de conciliation
Le conciliateur est investi d’une mission déterminée par le président du tribunal. Si la suspension des poursuites en cours de conciliation existe, en revanche, le redressement ou la liquidation judiciaire ne peut être demandée pendant cette période. Le débiteur peut ainsi négocier avec les principaux créanciers une solution de restructuration de son endettement sans être la proie de pression de la part de créanciers tiers, ni s’exposer au risque d’une mise en redressement judiciaire involontaire.
En réalité, la conciliation ne peut connaître le succès que si les principaux créanciers acceptent de proroger le délai de paiement de leurs créances pendant la période de négociation.
La demande de conciliation va donc permettre à l’entreprise d’échapper aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire jusqu’à la clôture de la procédure de conciliation et au maximum pendant 6.5 mois après la cessation de paiement.
Si en cours de conciliation, le débiteur est poursuivi par un créancier, il peut seulement demander au juge de lui accorder des délais de paiement en application des articles 1244-1 et 1244-3 cciv.
I – La mission du conciliateur
Le conciliateur joue un rôle ici prépondérant car en vue de l’accord, il a pour mission de rapprocher les parties en présence.
Toutefois, il n’a plus, comme auparavant dans le règlement amiable, la faculté de demander au président d’ordonner une suspension provisoire des poursuites.
Le président du tribunal ouvre la procédure et désigne un conciliateur pour une période n’excédant pas 4 mois, mais qui peut être prorogée d’un mois au plus à la demande de ce dernier. Donc, la mission du conciliateur est enfermée dans un délai relativement court puisqu’il ne dispose que de 5 mois pour concrétiser la conclusion de l’accord.
Le président du tribunal détermine la mission du conciliateur dont l’objet est double : d’une part, il s’agit principalement de rechercher la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers et aussi éventuellement avec les contractants habituels en vue de mettre fin aux difficultés d’entreprise, d’autre part, mission accessoire, il s’agit de favoriser le fonctionnement de l’entreprise en faisant toute proposition relative à sa sauvegarde, poursuite de l’activité économique et maintien de l’emploi.
Pour mener à bien sa mission, le conciliateur peut obtenir du débiteur tout renseignement utile.
Afin de faciliter le succès de cette mission, le président communique au conciliateur les renseignements dont il dispose et le cas échéant les résultats de l’expertise sur la situation économique, sociale et financière. En contrepartie, le conciliateur à l’obligation de lui rendre compte de l’état d’avancement de sa mission et de formuler toute observation utile sur les diligences du débiteur.
II – Les participants à la conciliation
La conciliation intervient entre le débiteur et ses principaux créanciers sans oublier éventuellement les cocontractants habituels et ceci dans la perspective d’un accord amiable.
Parmi les cocontractants, 3 catégories de personnes :
– tout d’abord, les garants susceptibles de donner leur accord sur de nouveaux financements ou sur des délais de paiement qui les engagent sur une longue durée ;
– les fournisseurs non créanciers pouvant accepter des délais de paiement ;
– et enfin, les associés actuels ou nouveaux qui peuvent verser des fonds en compte courant ou s’engager à participer à une augmentation du capital.
Les participants sont soumis à une obligation de confidentialité dont la violation est susceptible d’engager leur responsabilité civile.
Néanmoins, des personnes physiques ou morales telles que des avocats ou des établissements de crédit assujettis au secret professionnel en raison de leur activité encourent des sanctions pénales d’un an de prison et de 15 000 € d’amende.
Pourtant, le contenu de l’accord homologué n’est pas soumis à la confidentialité. En pratique, compte tenu de l’importance de leurs créances, les créanciers publics détiennent fréquemment une des clés de la réussite de la restructuration financière du débiteur. Sur ce point, la conciliation se calque sur la procédure de sauvegarde. En effet, ces créanciers ont la possibilité de consentir des remises de dettes dans les conditions posées par l’article L626 Code de Commerce.
Chapitre 3 – Les effets de la procédure de conciliation
La conciliation n’entraîne pas le dessaisissement du débiteur qui demeure maître de son entreprise et dont les pouvoirs de gestion demeurent intacts.
Le conciliateur n’est donc pas investi d’une mission de surveillance.
L’échec des négociations entraîne un arrêt de la procédure et la fin de la mission du conciliateur. Il faut y voir dans cet événement le prélude probable à l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire s’il ressort du rapport du conciliateur que le débiteur est en cessation de paiement auquel cas le tribunal se saisit d’office pour statuer sur une telle procédure.
En revanche, lorsque les négociations aboutissent, les parties concluent un accord qui obéit aux règles contractuelles de droit commun.
La conciliation n’est que facultativement soumise à l’homologation du président du tribunal.
I – L’homologation de l’accord
Elle est facultative.
Si les parties à la conciliation souhaitent que l’accord ne soit pas homologué, le président du tribunal se contente de constater l’accord et de lui donner force exécutoire, sa décision ne faisant l’objet ni de publicité, ni de voies de recours.
Compte tenu de l’obligation de confidentialité qui pèse sur les participants à la conciliation, le contenu de l’accord constaté n’est pas communicable aux créanciers qui n’ont pas été appelés.
Seul le débiteur à la faculté de demander au tribunal d’homologuer l’accord si 2 conditions sont réunies :
– il n’est plus en état de cessation de paiement ou l’accord met fin à cette situation;
– l’accord est de nature à assurer la pérennité de l’activité d’entreprise et ne porte pas atteinte aux droits des créanciers non signataires.
Le tribunal se prononce sur l’homologation après avoir entendu en chambre du conseil, le débiteur, les créanciers partis à l’accord, les représentants du comité d’entreprise ou les délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public. Si le débiteur exerce une activité libérale, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève est entendu ou appelé.
L’accord homologué est transmis au commissaire aux comptes de la société, lorsque celle-ci est soumise au contrôle légal des comptes.
Le jugement d’homologation est déposé au greffe du tribunal où tout intéressé peut en prendre connaissance et donne lieu à publicité. Il est susceptible de tierce opposition dans le délai de 10 jours à compter de cette publicité.
II – Les effets de l’accord homologué
A / Les effets généraux.
L’homologation de l’accord clos la procédure de conciliation. Seul l’accord de conciliation homologué suspend toute poursuite individuelle sur les meubles et les immeubles en vue d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet alors que le déclenchement de la procédure de conciliation ne saurait emporter un tel effet.
La suspension des poursuites, interdit notamment aux cautions d’agir contre le débiteur car cette disposition fait échec à l’article 2039 cciv qui prévoit que la prorogation du terme d’une créance n’est pas opposable à la caution qui peut poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement.
En revanche, la caution peut exercer un recours contre le débiteur en application de ce texte si l’accord a été simplement constaté par le juge.
Par ailleurs, les co-obligés, les cautions et les garants autonomes peuvent se prévaloir de l’accord homologué.
L’accord homologué emporte de plein droit la levée de toute interdiction d’émettre des chèques mise en oeuvre en application de l’article L131-76 cmf, de à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant la procédure de conciliation.
Dès lors que, sauf cas de fraude, la date de cessation de paiement ne peut être portée à une date antérieure à la décision d’homologation de l’accord, les actes contenus dans celui-ci échappent aux nullités de la période suspecte.
B / L’effet particulier.
Afin d’inciter les créanciers à participer à l’élaboration de l’accord, l’article L 611-11 Code de Commerce instaure un privilège au profit de ceux d’entre eux qui ont accordé au débiteur un nouvel apport en trésorerie en vue d’assurer la poursuite et la pérennité de l’activité.
Si par suite, le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, ces créances sont payées par priorité avant, d’une part, les créances antérieures à l’ouverture de la conciliation et d’autre part avant les créances nées après l’ouverture de la procédure collective, sous réserve des créances salariales et super privilégiées et sous réserve des frais de justice.
Ce privilège ne profite pas aux créanciers ni directement ni indirectement pour des concours antérieurs à l’ouverture de la conciliation. En revanche, il profite aux personnes qui ont fourni dans l’accord homologué un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite de l’activité d’entreprise et sa pérennité.
Le créancier perd le bénéfice du privilège si la créance demeurée impayée n’a pas été portée à la connaissance des organes de la procédure collective dans un délai qui varie selon la nature de la procédure ouverte contre le débiteur.
III – La résolution de l’accord
Le tribunal saisi par l’une des parties à l’accord homologué prononce la résolution de celui-ci ainsi que la déchéance de tout délai, s’il constate l’inexécution des engagements qui en résultent.
Les termes de cette disposition incitent à penser qu’il s’agit non pas d’une faculté mais d’une obligation pour le tribunal qui n’a aucun pouvoir de saisine d’office de statuer en ce sens.
Si le régime de la résolution de l’accord protège efficacement les intérêts des créanciers signataires, bénéficient également de cette disposition les créanciers non signataires dont les créances font l’objet d’un délai de grâce conformément à l’article 1244-1 cciv.
En outre, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué.
En pareilles circonstances, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues.
Partie 2 – Le traitement des difficultés des entreprises
Titre 1 – L’ouverture des procédures de traitement des difficultés
Sous titre 1 – Les conditions de fond
Chapitre 1 – Les conditions de fond communes –
Les procédures de traitement des difficultés des entreprises, qu’il s’agisse de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaire, ont un domaine d’application bien déterminé qui s’identifie d’ailleurs à celui relatif à la procédure de conciliation ; elle ne s’applique donc pas à tout les débiteurs. Certaines personnes physiques, notamment les simples particuliers en sont exclus. Ces personnes sont soumises à la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement. Leurs conditions d’ouverture tiennent à la nature de l’entreprise. Jusqu’à une certaine période, la faillite était l’apanage des commerçants, personnes physiques ou morales.
La loi du 31 juillet 1967 a mis fin à cette exclusivité en soumettant aux procédures collectives, toute personne morale de droit privé.
La réforme du 25 janvier 1985 les a étendu aux artisans, conformément aux voeux du législateur d’assimiler de plus en plus l’artisan au commerçant.
En outre, la loi du 30 décembre 1988 sur l’exploitation agricole, prenant conscience des bouleversements du monde rural, a tenu compte des conséquences d’une cessation de paiements, aussi a-t-elle procédé à une dernière extension en appliquant les procédures collectives aux agriculteurs.
Enfin, la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 a étendu ces procédures aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante notamment aux professionnels libéraux alors qu’elles sont déjà ouvertes aux personnes qui exercent une activité libérale dans le cadre d’une société. Il convient alors de distinguer selon que le débiteur est une personne physique ou morale.
Section 1 – L’application du traitement aux personnes physiques
Les procédures s’appliquent à ces personnes dont deux séries d’hypothèses.
À titre principal, elles s’adressent aux seules catégories désignées par la loi.
À titre accessoire et seulement pour les procédures judiciaires, elles concernent des personnes physiques ou morales subissant par extension une procédure initialement ouverte à l’encontre d’une personne morale.
I – L’application directe aux personnes physiques
Il s’agit du commerçant auquel le législateur assimile plus ou moins l’artisan, l’agriculteur et depuis la loi du 26 juillet 2005, le professionnel indépendant notamment libéral qui auparavant ne s’exposait aux procédures collectives quant cas d’exercice de son activité dans le cadre d’une société, personne morale de droit privé.
A / Le commerçant.
1 ) le commerçant en activité.
C’est la situation normale. Le commerçant se trouvant en activité au moment de la cessation de paiement l’est encore au jour de l’ouverture de la procédure. La détermination de la qualité de commerçant s’opère en tenant compte des critères de droit commun.
En pratique, c’est presque toujours à propos des conséquences de la cessation de paiements que se pose la question de savoir si une personne a ou non la qualité de commerçant. L’article L 121-1 Code de Commerce précise que sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. Il s’agit d’actes d’échange ou de négoce, article L 1101 et s Code de Commerce.
Pas de procédures collectives pour les personnes qui exercent une activité économique mais ne font pas d’actes de commerce. Il faut que les actes de commerce soient accomplis à titre de profession habituelle, l’intéressé tire de ses activités l’essentiel de ses revenus ou y consacre l’essentiel de son temps.
En revanche, la personne incapable reste protégée par son incapacité. Le mineur même émancipé ou le majeur incapable ne peut faire l’objet d’une procédure collective quand bien même aurait-il effectué de manière habituelle des actes de commerce.
Il convient tout de même de mettre à part le cas du commerçant qui a cessé ses paiements alors qu’il était capable et qui a été ultérieurement mis en tutelle ou curatelle. Le redressement et la liquidation judiciaire lui sont applicables puisqu’ils ne constituent pas des procédures répressives. En pareilles circonstances, l’intéressé sera représenté par son tuteur ou assisté par son curateur.
En principe, le commerçant doit être inscrit au RCS, cependant le défaut d’inscription ne s’oppose pas à l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire en tant que sanction, dès lors que l’intéressé répond aux exigences opposées à l’article L 121-1 Code de Commerce. En effet, il serait trop facile d’échapper à ses obligations et responsabilités en omettant de s’inscrire au RCS. En revanche, le maintien de l’inscription au RCS malgré une cessation d’activité commerciale présume de la qualité de commerçant. L’art L 631-5 Code de Commerce en matière de redressement judiciaire crée une présomption irréfragable de commercialité vis-à-vis de ceux qui, étant en cessation de paiement, ont négligé de procéder aux formalités régulières leur permettant de se faire radier du RCS.
La violation d’une interdiction d’exercer le commerce ou d’une incompatibilité n’empêche pas l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. En effet, en dehors de la procédure spécialement instaurée par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 au profit des entreprises libérales et donc des officiers ministériels, ceux-ci peuvent subir une telle mesure en tant que commerçant de fait malgré l’incompatibilité d’exercice d’une activité commerciale qui les frappe. Les tribunaux ont déjà statué en ce sens à propos de notaires effectuant des opérations de banque.
De même, le caractère illicite ou immoral de la profession n’empêche pas l’ouverture d’une procédure collective.
2 ) le commerçant retiré ou décédé.
S’agissant du commerçant retiré des affaires, il est inconcevable qu’un débiteur puisse se soustraire à ses obligations commerciales à l’égard de ses créanciers en cessant son activité et en vendant rapidement ses actifs parce qu’il se trouve en cessation de paiement. C’est la raison pour laquelle, l’article L131-5 Code de Commerce prévoit que le tribunal peut être saisi en vue de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai d’un an à compter de sa radiation du RCS sous réserve qu’il est eu cessation de paiement antérieurement à cette radiation. 3 situations peuvent se préciser :
– le commerçant a été radié avant la cessation de paiement, aucune procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut être ouverte ;
– le commerçant était immatriculé lors de la cessation de paiement et a été radié après celle-ci ; la procédure peut alors s’ouvrir contre lui à condition d’être demandée dans l’année qui suit la radiation ;
– le commerçant, bien qu’ayant cessé son activité, a omis de se faire radier du RCS ; la procédure peut s’ouvrir à n’importe quel moment.
S’agissant du commerçant décédé, l’article L 621-3 al 2 adopte des dispositions analogues à celles prévues pour le commerçant retiré des affaires. Par conséquent, un tel commerçant ne saurait faillir à ses obligations et responsabilités même au-delà de la mort.
Une procédure collective peut être engagée contre lui dans le délai d’un an à compter de son décès à condition qu’il ait été auparavant en cessation de paiement. L’intérêt pour les créanciers n’est pas seulement d’éviter un paiement anarchique, mais également de faire annuler certains actes qui leurs seraient préjudiciables et qui seraient pris par le débiteur en cessation de paiement. Ce dernier a en effet pu organiser son départ et avantager ses héritiers ou son conjoint de son vivant plutôt que de donner son patrimoine déjà entamé en pâture à ses créanciers ; or les donations ne rentrent pas dans le champ d’application de l’action paulienne, tandis qu’elles tombent sous le coup des nullités de la période suspecte permettant de ramener dans l’actif du débiteur les biens soustraits aux actions des créanciers.
B / Les personnes physiques assimilées au commerçant.
1 ) l’assimilation complète des personnes immatriculées au répertoire des métiers.
À la différence de l’article 2 de la loi du 25 janvier 1985 et de l’article L 621-2, L 631-2 et L 640-2 Code de Commerce, pour les autres procédures, ne visent pas les artisans mais les personnes immatriculées au répertoire des métiers.
Il s’ensuit que les procédures collectives ne s’appliquent plus aux artisans de fait c’est-à-dire aux personnes qui travaillent clandestinement. Ainsi, faute d’immatriculation, les intéressés ne se trouvent pas à la tête d’une entreprise susceptible d’être redressée. Cependant, cette conséquence n’est pas évidente, elle est même critiquable car l’incorporation de la loi de 1985 dans le commerce aurait dû s’effectuer à droit constant.
Toujours est-il qu’en soumettant l’artisan aux procédures collectives, le législateur exprime sa volonté d’assimiler le statut de l’artisan à celui du commerçant. Ainsi, il prend des dispositions identiques à celles prévues pour le commerçant, par exemple, la juridiction compétente pour conduire la procédure est le tribunal de commerce et non le TGI ; en outre, l’artisan décédé ou ayant cessé toute activité professionnelle peut subir un redressement ou une liquidation judiciaire dès lors que la cessation de paiement existait avant son décès ou son retrait. Le tribunal compétent doit être saisi dans le délai d’un an à compter du décès de l’intéressé ou à compter de la cessation de l’activité artisanale. En effet, compte tenu du caractère purement administratif de l’inscription d‘artisan au répertoire des métiers, le délai court à compter de la fin de ladite activité et non de la radiation de ce répertoire. En conséquence, certaines personnes peuvent tout de même être mises en redressement judiciaire bien que leur travail soit clandestin ; il suffit que ces activités revêtent un caractère habituel, s’exercent pour le compte de tiers et donnent lieu à rémunération.
La preuve de la cessation d’activité artisanale peut être faite par tout moyen.
2 ) L’assimilation limitée des personnes exerçant une activité professionnelle indépendante.
L’application des procédures de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire aux personnes exerçant une activité professionnelle indépendante se justifie par le fait que celles-ci ne sont pas à l’abri d’une difficulté économique.
Les entreprises libérales sont parfois même plus fragiles que les entreprises commerciales en raison de la faiblesse des fonds propres, de la prépondérance des charges fixes et des difficultés d’industrialiser le processus de production.
L’extension des dits procédures à ces professionnelles s’explique également par le rapprochement des conditions et des moyens d’exercice des activités libérales de ceux des activités commerciales par le recours au salariat et par la dilution progressive de l’intuitu personae dont est empreint le lien qui unit le professionnel libéral à son client en raison de l’importance des moyens matériels.
À ces motifs, il convient d’ajouter l’impossibilité pour les intéressés compte tenu de leur situation professionnelle de solliciter l’ouverture d’une procédure de surendettement.
Par ailleurs, il ne bénéficie pas non plus de la procédure de rétablissement personnel créé par la loi du 1er août 2003. Cependant, les professionnels libéraux ne sont pas des débiteurs comme les autres, ils ont des spécificités ; en particulier, la nature civile de leur activité implique tout à fait logiquement la compétence du TGI, le président de cette juridiction disposant de pouvoirs identiques à ceux dévolus au président du tribunal de commerce. Cette solution risque de susciter des difficultés à propos du pharmacien exploitant une officine qui est un commerçant puisqu’il achète des médicaments pour les revendre mais appartient également à un ordre professionnel ; quelle compétence juridictionnelle doit l’emporter ? Il en va de même, en cas de cumul régulier ou illicite, d’une activité libérale et d’une activité commerciale. Pour résoudre la difficulté et conférer la compétence à la juridiction civile de droit commun, en donnant la prééminence à la nature civile de l’activité, l’article L621-1 al 2 Code de Commerce énonce que lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou dont le titre est protégé, le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé, dans les mêmes conditions, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève le cas échéant.
La mise en oeuvre de ces différentes procédures exige donc l’intervention et le contrôle de l’autorité professionnelle.
3 ) L’assimilation incomplète des agriculteurs.
Depuis la loi du 30 décembre 1988, les agriculteurs peuvent faire l’objet d’une procédure collective.
Cette réforme réalisée à la demande de la profession est logique dans son principe car les exploitants agricoles font tout autant appel au crédit que les commerçants et artisans.
Ils sont souvent lourdement endettés envers le crédit agricole, les coopératives et la municipalité sociale agricole.
Cependant, le particularisme du monde rural a fait obstacle à une assimilation complète. Les activités agricoles englobent outre la culture et l’élevage traditionnel, les productions animales ou végétales hors sol et les activités de conditionnement et de transformation des productions.
Ces activités doivent présenter un caractère habituel.
L’entreprise agricole est soit une entreprise individuelle, soit une société civile notamment un groupement agricole d’exploitation en commun.
En revanche, l’entreprise agricole exploitée sous la forme d’une entreprise commerciale est soumise au régime applicable au commerçant.
Comparativement à celui des entreprises individuelles, commerciales ou artisanales, le redressement judiciaire des exploitations agricoles présente des particularités :
– la juridiction compétente est le TGI et non le tribunal de commerce ;
– l’ouverture de la procédure à la demande des créanciers n’est possible que si le président du TGI a été saisi préalablement à l’assignation d’une demande tendant à la désignation d’un conciliateur, en application de l’article L 351-2 code rural.
II – L’application aux personnes physiques par voie de conséquence –
La confusion de patrimoine et la fictivité de la société conduisent à la poursuite de la procédure déjà ouverte à l’égard d’une personne pour atteindre une autre personne.
Cette extension de procédure est évoquée par les articles L 621-2 al 2, L 631-7 et L 641-1 Code de Commerce à propos de la compétence juridictionnelle.
A / La confusion du patrimoine.
Elle est une construction prétorienne qui permet d’étendre la procédure collective dirigée contre une personne physique ou morale à une autre personne physique ou morale. Elle constitue une cause d’extension de la procédure et non point d’ouverture d’une deuxième procédure car c’est la procédure initialement ouverte qui est étendue au deuxième débiteur.
Les personnes visées font l’objet d’une procédure collective unique qui porte sur une seule masse active et passive constituée de leurs patrimoines respectifs et qui a une seule et même issue.
Le tribunal doit ainsi adopter une solution unique pour les personnes impliquées notamment pour l’ensemble des sociétés en cause du groupe. L’une d’elles ne pourrait faire l’objet d’un plan de continuation et les autres d’un plan de cession ou de liquidation judiciaire.
Pareillement, l’adoption d’un plan de continuation unique qu’on appelle un plan de sauvegarde ne permet pas d’admettre sa résolution pour inexécution des engagements contractés à l’égard d’une société et de la refuser pour les autres.
1 ) les personnes visées par la confusion du patrimoine.
Si le débiteur initial doit répondre aux exigences légales prescrites par l’article L 620-2 Code de Commerce à savoir être commerçant, immatriculé au répertoire des métiers, agriculteur ou personne morale de droit privé, en revanche, la qualité du débiteur victime de l’extension importe peu ; d’ailleurs, la jurisprudence n’a pas restreint aux personnes morales l’application de la notion de confusion de patrimoine comme aurait souhaité une partie de la doctrine. Elle l’admet entre personne morale, entre personne physique et entre personne morale et physique. Une procédure collective peut donc être étendue à une personne physique qui n’a pas la qualité de commerçant, d’artisan, d’agriculteur ou encore de professionnel indépendant.
S’agissant des personnes physiques, l’une des principales hypothèses concerne deux époux qui, dans le cadre d’une société créée de fait ou dans le cadre d’une exploitation commune avant la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, mélangent tellement les éléments de leurs patrimoines qu’il devient impossible de différencier les biens et les dettes de chacun d’eux.
S’agissant des personnes morales, le cas le plus flagrant concerne les groupes de société ; si à défaut d’avoir la personnalité morale, le groupe ne saurait faire l’objet d’une procédure collective, en revanche, les sociétés qui en font partie, s’exposent à l’ouverture d’une telle procédure dès lors qu’elles répondent aux conditions requises.
2 ) Les critères de la confusion de patrimoines.
a – l’impossibilité de dissocier les patrimoines : cette situation révèle une imbrication d’une telle ampleur entre 2 ou plusieurs patrimoines, qu’il s’avère impossible de les dissocier. Les éléments des uns se retrouvent dans les autres ou réciproquement.
Certaines décisions relèvent que le patrimoine propre de chaque associé ne peut être distingué ou que la confusion ou l’imbrication du patrimoine est totale.
b – l’existence de flux financiers anormaux : la constatation par la jurisprudence de mouvements anormaux de fond entre deux patrimoines justifie l’extension d’une procédure collective ouverte à l’égard d’une personne vis-à-vis d’une autre personne.
En effet, la confusion du patrimoine résulte souvent de la preuve de flux financiers anormaux opérés par une SARL au profit d’une SCI constituée par les mêmes associées afin de mettre la partie immobilière de son patrimoine à l’abri de l’action des créanciers.
À l’inverse, certaines décisions refusent de prononcer l’extension de procédure lorsque l’imbrication des rapports financiers s’explique par l’existence de relations normales. Ainsi, la présence d’un dirigeant ou d’associé commun, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisent pas à démontrer la confusion de patrimoines sociaux.
Il faut tout de même que les sociétés aient conservé une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’ait existé entre elles, peu importe que les tiers ait légitimement cru que leurs patrimoines étaient confondus.
De même, une communauté d’intérêts et des liens de dépendance économique et financière ne caractérisent par une confusion de patrimoines.
S’il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement la confusion du patrimoine, la cour de cassation en contrôle l’existence avec beaucoup de rigueur.
B / La fictivité de la société.
Elle est une application de la simulation qui consiste à créer une fausse apparence pour dissimuler l’activité réelle d’une autre personne qui peut être physique ou morale. C’est notamment le cas d’un commerçant qui crée une société à laquelle il donne son fond de commerce en location-gérance afin de la soustraire à une éventuelle procédure collective.
Sous couvert de cette société de façade qui n’a pas d’actif ni de vie sociale, le commerçant continue en tant que gérant et associé réel unique à exploiter personnellement le fond de commerce. En conséquence, la procédure collective ouverte contre la société en état de cessation de paiement peut être étendue au commerçant individuel qui s’est comporté comme le véritable maître de l’affaire.
Dans les décisions de justice, c’est la procédure ouverte contre la personne exerçant réellement l’activité qui est étendue à la société fictive et non celle de la société fictive qui est étendue à la société réelle ; mais le résultat est identique, pour peu que les tiers sur le fondement de l’article 1321 cciv se prévalent de l’acte apparent ou de l’acte secret (c’est-à-dire la société réelle) car on considère que les deux sociétés constituent une seule et même personne avec un patrimoine unique.
Section 2 – L’application du traitement des difficultés aux personnes morales
Conformément aux articles L 620-2 Code de Commerce pour la sauvegarde, L 631-2 pour le redressement judiciaire et L 640-2 pour la liquidation judiciaire, le traitement des difficultés s’applique à toute personne morale de droit privé.
Néanmoins, la soumission à la procédure collective de tous les groupements qui n’exercent pas une activité commerciale n’est possible qu’à la double condition de posséder la personnalité morale et de fonctionner selon les principes du droit privé. Ces conditions sont suffisantes.
La procédure collective ne nécessite pas que le groupement exerce une activité économique.
L’application des procédures collectives qui était l’exception pour les personnes physiques devient au contraire la règle lorsque le débiteur est une personne morale.
La nature civile au commercial de celle-ci n’est pas prise en considération.
I – L’existence de la personnalité morale
L’ouverture de la procédure collective suppose que le groupement jouisse de la personnalité morale. En effet, seules les personnes morales ont un patrimoine c’est-à-dire un actif et un passif propre susceptible d’être liquidé de manière autonome, séparément de leurs membres. Ainsi, les sociétés civiles, les associations déclarées ou reconnues d’utilité publique, les syndicats, les comités d’entreprise, les coopératives, les GIE sont exposés aux procédures collectives au même titre que les différentes sociétés commerciales dotées de la personnalité morale.
Celle-ci s’acquiert par l’immatriculation au RCS pour les sociétés ou par une déclaration à la préfecture pour les associations.
S’agissant de la société en participation, l’article 1871 cciv énonce qu’elle n’a pas la personnalité morale, elle ne peut donc faire l’objet d’une procédure collective alors que son dirigeant ou ses membres peuvent personnellement faire l’objet d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire ; il en va de même de la société créée de fait, également dépourvue de toute personnalité juridique que la loi du 4 janvier 1978 a soumis au régime de la société en participation ; quant à la société en formation qui a connu un commencement d’exploitation sans avoir été immatriculée et qui dégénère en société en participation ou société créée de fait, elle ne peut faire l’objet d’une procédure collective, mais cette procédure peut s’engager à l’égard des associés pris individuellement ou collectivement s’ils ont réellement participé à l’exploitation, la simple signature des statuts ne présumant pas cette participation, il faut toutefois qu’ils se soient comportés comme des commerçants ce qui suppose qu’ils aient accompli des actes de commerce à titre de profession habituelle.
En revanche, une société de fait peut être confrontée à une procédure collective. Il s’agit en effet d’une société qui a été immatriculée, donc a obtenu la personnalité morale, mais l’a perdue à la suite d’une annulation ; elle ne conserve la personnalité morale que pour les besoins de la liquidation, elle s’apparente à la société dissoute et connaît un régime similaire.
À cet égard, les articles L 631-5 al 2 et L 640-5 al 2 Code de Commerce disposent que le tribunal doit, aux fins d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire être saisi dans le délai d’un an à partir de la radiation du RCS. Le délai court à compter de cette radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation. Tout comme le commerçant, l’artisan ou le professionnel indépendant retiré des affaires, une personne morale ne serait sous prétexte de sa dissolution échapper à ses engagements vis-à-vis de ses créanciers.
Enfin, un groupe de sociétés ne constitue pas une personne morale, il ne peut donc en lui-même subir une procédure collective. Il faut ouvrir autant de procédure que de sociétés faisant partie du groupe, quitte à s’efforcer de regrouper toutes les instances devant un même tribunal par application des règles de l’extension fondée sur la fictivité ou la confusion du patrimoine.
II – Le caractère privé de la personne morale
A / La difficile distinction des personnes morales de droit public et de droit privé.
Le redressement ou la liquidation judiciaire, tout comme d’ailleurs la procédure de conciliation ou de sauvegarde ne s’appliquent qu’aux personnes morales de droit privé. Cependant, la frontière de entre le droit public et le droit privé est assez fluctuante.
Il est évident que l’état ou une collectivité publique de type traditionnel, tel que les départements, la commune, ne peut se trouver confronté à une procédure collective.
La question ne devrait pas se poser en principe car en raison de l’existence d’un contrôle de l’engagement des dépenses, ces personnes morales ne devraient pas pouvoir dépenser plus que les crédits qui leur ont été alloués. La cessation de paiement est donc, sinon impossible, au moins essentiellement provisoire car les dépenses non payées seront réglées d’office sur les crédits futurs.
Sur le plan international, la défaillance prolongée de l’état ne se règle pas par l’ouverture d’une procédure judiciaire mais par l’intervention du FMI qui impose aux états endettés des mesures d’assainissement et leur facilite l’obtention d’un moratoire (c’est-à-dire des délais de paiement).
Il faut cependant constater que bon nombre d’organismes se situent à mi-chemin du droit public et du droit privé. C’est le cas des établissements publics à caractère industriel et commercial, les associations administratives, des organismes professionnels et corporatifs. Il faut alors rechercher qu’elle est le statut de ces personnes morales et si elles participent ou non à une mission de service public pour savoir si elles sont ou non soumises aux procédures collectives.
B / L’exception fondée sur la nature particulière de la personne morale.
Il existe une exception à l’application des procédures collectives aux personnes morales de droit privé. Elle concerne les syndicats de copropriétaires. Lorsque le syndicat n’est pas en mesure de payer ses dettes, le président du TGI nomme un administrateur provisoire et peut ordonner la suspension des poursuites pendant 6 mois.
Ce régime spécial se justifie par le fait que les syndicats de copropriétaires ne sont pas des entreprises.
En outre, la procédure collective peut entraîner la liquidation de la personne morale. Or on ne conçoit pas une copropriété sans un syndicat lui servant de support.
Chapitre 2 – Les conditions de fond spécifiques au redressement et à la liquidation judiciaire
Avec la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, la cessation de paiement ne traduit plus le passage des techniques non judiciaires de la prévention aux procédures judiciaires de traitement puisqu’une entreprise peut bénéficier de la procédure amiable de la conciliation tout en étant en cessation de paiement depuis moins de 45 jours et profiter de la procédure judiciaire de la sauvegarde sans être en cessation de paiement.
Au stade des difficultés préalables, soit que l’entreprise se trouve dans une procédure de conciliation et l’autorité judiciaire n’a pas de pouvoir particulier, soit qu’elle entre dans une procédure de sauvegarde et le tribunal acquiert une certaine maîtrise.
Cependant, lorsque la cessation de paiement excède la durée de 45 jours, la responsabilité juridictionnelle dans le traitement de la défaillance de l’entreprise s’affirme davantage puisque seul un redressement ou d’une liquidation judiciaire demeure possible.
La loi du 10 juin 1994 a en effet abandonné l’idée de l’ouverture d’un redressement judiciaire préalable et obligatoire en réinstallant l’option entre le redressement ou la liquidation judiciaire que le législateur du 25 janvier 1985 avait supprimé dans le but de redresser les entreprises en difficulté. Désormais, la période d’observation ne revêt pas un caractère impératif.
La liquidation judiciaire peut être prononcée son ouverture d’une telle période quand l’entreprise a cessé ses paiements et que son redressement est manifestement impossible.
Cette disposition met fin aux périodes d’observations factices dénoncées par la doctrine et d’aucune utilité pour une entreprise moribonde ou tout espoir de redressement est utopique.
Elle n’a pas pour autant objet d’inciter à des liquidations d’entreprise un peu trop hâtives, si bien que les objectifs poursuivis par le droit des entreprises en difficulté conservent toute sa valeur. Il consiste à permettre la poursuite de l’activité d’entreprise, à maintenir l’emploi et à apurer le passif.
Cependant, la loi de 2005 ne soumet plus le redressement judiciaire à 2 régimes tandis qu’ elle institue une liquidation judiciaire simplifiée.
Cette procédure démarre lorsque, l’entreprise est en cessation de paiement depuis plus de 45 jours, la situation étant suffisamment observée, la procédure de redressement constitue la dernière chance de rétablissement ; mais lorsque la dégradation de la situation d’entreprise est profonde, elle nécessite des remèdes drastiques ; le tribunal ne peut qu’ordonner immédiatement sa liquidation.
Avec la loi de 2005, la cessation des paiements constitue la seule hypothèse d’ouverture d’une procédure de redressement de liquidation judiciaire.
I – La notion de cessation de paiement
Pendant longtemps, le seul fait de l’arrêt de paiement ne suffisait pas à caractériser la cessation des paiements. La cour de cassation exigeait une situation désespérée ou irrémédiablement compromise.
Par la suite, la chambre commerciale a défini cette notion floue comme étant l’impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Dans le prolongement de l’article 3 de la loi du 25 janvier 1985, l’article L 631-3 Code de Commerce, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, consacre cette définition prétorienne en énonçant qu’il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L 631-2 ou L 631-3 Code de Commerce qui dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible est en cessation de paiement.
Mais certains auteurs se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles le législateur a préféré substituer à la souplesse jurisprudentielle la rigueur légale, ce qui risque d’engendrer des difficultés.
La faillite ayant été longtemps l’apanage du commerçant, la cessation des paiements ne pouvait être obtenue qu’en cas de non-paiement de dettes commerciales.
La loi du 13 juillet 1967 en étendant la faillite aux personnes morales de droit privé non commerçants a mis fin à cette exigence et décider qu’une procédure collective pouvait être ouverte sur l’assignation d’un créancier quelle que soit la nature de sa créance.
La loi du 25 janvier 1985 reprise par le code de commerce a reconduit cette disposition ; le défaut de paiement d’une dette quelconque permettant de déclencher une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Aucun texte ne précise toutefois le nombre et le montant des dettes impayées. On peut donc admettre que le défaut de paiement d’une seule dette, peu importe son montant, est susceptible de provoquer un redressement ou une liquidation judiciaire.
Cependant, une pareille situation, synonyme d’un embarras passager, relèverait plutôt d’une procédure de conciliation de sorte que tout créancier qui se hâterait de saisir le tribunal risquerait de voir sa responsabilité engagée faute d’établir la cessation de paiement.
II – Les éléments constitutifs de la cessation de paiement
La cessation des paiements est définie au moyen de termes empruntés à la comptabilité pour regrouper certains postes du bilan. Ainsi, dans le bilan, l’actif disponible correspond aux valeurs liquides notamment les sommes détenues en caisse ou figurant sur un compte bancaire; le passif exigible désigne les dettes par opposition aux capitaux permanents et même dans une conception plus étroite, les dettes à court terme et les dettes à vue.
On est donc tenté de lire l’article L 631-1 Code de Commerce à la lumière de ces définitions comptables et de rechercher la cessation de paiements au moyen d’une comparaison des postes du bas du bilan.
Cependant, la définition figurant dans ce titre est une définition juridique et non une définition comptable. Ces termes ne doivent pas être pris dans le sens qu’ils revêtent en comptabilité et l’état de cessation de paiements ne serait apparaître à la seule lecture du bilan.
A / L’existence du passif exigible.
Le passif exigible au sens de l’article L 631-1 Code de Commerce correspond au passif exigible et exigé dès lors que le créancier est libre de faire crédit le débiteur. Il s’agit des dettes que le débiteur est tenu de payer au jour où sa situation est examinée parce qu’elles sont au sens juridique certaines, liquides et exigibles. Encore faut-il, en outre, que le créancier n’est pas renoncé à en demander immédiatement le paiement car tout report d’échéance consentie par un créancier diminue d’autant le passif exigible.
La dette non payée peut avoir un caractère civil ou commercial.
Traditionnellement seul le non-paiement des dettes de nature commerciale était susceptible de provoquer l’ouverture d’une procédure collective, mais dès lors que celle-ci était ouverte, tous les créanciers pouvaient produire leurs créances y compris ceux dont le titre avait un caractère civil.
Cette règle présentait d’autant plus d’inconvénients que parmi les dettes civiles figuraient les dettes d’impôt. Aussi, beaucoup de commerçants retardaient leur faillite en acquittant tant bien que mal leurs dettes commerciales tout en laissant s’accumuler un passif fiscal. Mais ce passif fiscal qui était privilégié atteignait généralement un montant tel qu’il ne restait rien pour payer les créanciers chirographaires.
L’article 2 de la loi du 13 juillet 1967 a modifié cet état de chose afin notamment de donner au trésor public le droit de déclencher la procédure collective. Ainsi, la cessation des paiements plus résulter du non-paiement d’une dette civile.
L’article 4 de la loi du 25 janvier 1985 (art L 631-3 Code de Commerce) a consacré cette solution en prévoyant que la procédure peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier quelle que soit la nature de sa créance.
Il faut préciser que dans les entreprises tenues d’établir une comptabilité prévisionnelle, un état du passif exigible doit être dressé chaque semestre.
B / L’insuffisance de l’actif disponible.
L’actif disponible ne se réduit pas aux valeurs liquides figurant à l’actif du bilan. Il comprend les sommes dont l’entreprise peut disposer immédiatement soit parce qu’elles sont liquides soit parce que leur conversion en liquidité est possible à tout moment et sans délai.
Dans les entreprises astreintes à tenir une comptabilité prévisionnelle un état de l’actif réalisable et disponible doit être établi en même temps que l’état du passif.
L’insuffisance de l’actif disponible est difficile à caractériser car plusieurs solutions peuvent se présenter :
– cas de la cessation des paiements : dans cette hypothèse le débiteur laisse protester les traites qu’il a acceptées ; il émet des chèques sans provision ou ferme son entreprise et disparaît. Peu importe le montant de la dette impayée. Néanmoins il n’y aurait pas cessation de paiements en cas de difficultés accidentelles et temporaires de trésorerie ;
– dans le second cas, les tribunaux jugent depuis longtemps que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut s’ouvrir lorsque le débiteur tout en faisant face à ses échéances, utilise des moyens factices, ruineux ou frauduleux pour se procurer des liquidités, ex, il émet des effets de complaisance, vend des marchandises à perte, contracte des emprunts… ; ces procédés ne font que retarder une défaillance dont les conséquences seront d’autant plus graves qu’elles se produiront plus tard. De
Il faut assimiler la cessation de paiement déguisée à la cessation de paiement apparente pour que la procédure puisse s’ouvrir avant l’accumulation d’un passif catastrophique. Il convient donc d’être réservé à l’égard des opérations de défesance qui consistent à faire gérer le passif d’une entreprise par une filiale constituée à cet effet. Bien que cette technique permet parfois d’éviter le dépôt de bilan, elle risque aussi de le retarder et donc d’aggraver les inconvénients de la procédure collective.
C / L’impossibilité de faire face.
2 interprétations possibles :
Le redressement judiciaire ne serait donc qu’une mesure utilisable pour intimider la débiteur solvable mais de mauvaise foi.
Cette solution paraît préférable car le créancier impayé n’a généralement pas le moyen de savoir pourquoi son débiteur n’a pas exécuté ses obligations.
III – La preuve de la cessation des paiements
Elle doit être approuvée par celui qui demande l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
L’administration de la preuve se fait selon le droit commun c’est-à-dire que la preuve est libre puisqu’il s’agit d’un fait juridique. Elle peut résulter notamment de l’indication que des procédures ou des voies d’exécution ont été vainement engagées pour le recouvrement d’une créance. Mais de simples présomptions de fait peuvent être retenues si, conformément à l’art 1353 cciv, elles sont graves, précises et concordantes. Elles doivent établir clairement l’insuffisance des fonds disponibles et non un déséquilibre du bilan. Ainsi, il a été jugé que l’état de cessation de paiement ne se déduit pas de la seule constatation de l’existence d’une perte d’exploitation et du non-paiement des salaires. De même, la dégradation constante de la trésorerie de la société et son manque de capitaux propres ne suffisent pas à eux seuls pour caractériser la cessation de paiement.
En revanche, les juges ne peuvent rejeter l’action en ouverture d’une procédure collective introduite par un créancier sous prétexte qu’en dehors du non-paiement de sa créance il n’existe pas d’autres manifestations d’impayés. L’essentiel est de savoir si la demande de l’intéressé met en évidence ou non l’insuffisance de l’actif disponible évalué par rapport au passif exigible. Pour cela, les juges du fonds doivent s’attacher à l’appréciation concrète des éléments de preuve fournis par le créancier demandeur et qui empêchent le débiteur de faire face au passif exigible avec l’actif disponible.
Ils constatent souverainement les circonstances susceptibles de constituer la cessation de paiement. Cependant, il appartient à la cour de cassation de vérifier la qualification juridique attribuée par les juges du fonds aux faits qui leurs étaient soumis. Le tribunal ou la cour d’appel doit considérer la situation de l’entreprise au moment où il statue. La cessation des paiements ne doit pas seulement exister au jour de la saisine, il faut qu’elle subsiste au jour du jugement. Ce n’est plus le cas si, entre-temps, le débiteur a obtenu des concours financiers de ses associés ou d’un établissement de crédit ou a obtenu des accords avec ses créanciers ; le tribunal doit alors, après avoir défini les faits nouveaux postérieurs à la saisine et constaté la disparition de la cessation des paiements, dire qu’il n’y a plus lieu au maintien de la procédure.
Il appartient au tribunal de fixer la date de la cessation des paiements faute de quoi elle est réputée intervenue à la date du jugement qui la constate. En toute hypothèse, cette date ne saurait précéder celle de l’immatriculation au RSC.
IV – La distinctions entre la cessation des paiements et les notions voisines –
Le droit français connaît au moins deux situations voisines de la cessation des paiements génératrices d’effets juridiques différentes de celle-ci.
A / La cessation des paiements et l’insolvabilité.
La cessation des paiements se distingue de la solvabilité qui ne constitue pas un cas d’ouverture d’une procédure collective sauf à l’égard des personnes physiques qui n’ont ni le statut de commerçant, ni le statut d’artisan ou de professionnel libéral et ont leur domicile dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
D’une manière générale, l’insolvabilité survient lorsque l’ensemble des dettes excède le montant de l’actif.
Un débiteur solvable peut cesser ses paiements en particulier lorsque l’actif de son patrimoine, bien que supérieur au passif, est formé d’immobilisation ou d’éléments difficilement réalisables. Faute d’une trésorerie suffisante, il n’est pas en mesure de payer ses dettes à l’échéance.
Inversement, un débiteur insolvable mais dont la situation n’est pas désespérée peut continuer à faire face aux dettes échues grâce aux crédits acquis par des moyens ni frauduleux ni ruineux. Néanmoins, si ces crédits et illégitimes, sa révocation risque d’entraîner la cessation des paiements du débiteur.
B / La cessation des paiements et la situation irrémédiablement compromise.
Ces deux événements ne correspondent pas nécessairement. Pourtant la situation irrémédiablement compromise était autrefois exigée par la jurisprudence qui remarquait que la cessation des paiements s’opposait à la simple suspension de caractère temporaire à laquelle le débiteur pouvait porter remède à condition d’en avoir le temps.
Cette conception présentait plus d’inconvénients que d’avantages ; d’une part, elle retardait l’ouverture de la procédure car le tribunal devait généralement ordonner une enquête pour savoir si la situation était vraiment désespérée ; d’autre part, elle privait la procédure collective d’une partie de son utilité car il était rare que l’intervention judiciaire suffise à sauver une entreprise en situation désespérée.
Toujours est-il que le débiteur dépourvu de liquidités suffisantes peut être en cessation des paiements sans que sa situation soit catastrophique étant donnée la modicité du passif : l’entreprise sera donc redressée.
À l’inverse, la situation irrémédiablement compromise peut-être exclusive de la cessation des paiements lorsque le débiteur détient temporairement un maigre actif mais disponible et suffisant pour régler le passif exigible. Il est vrai que cette solution essentiellement précaire aboutira à très court terme à la cessation des paiements et inévitablement à la liquidation judiciaire.
Ainsi, contrairement aux autres notions, la situation irrémédiablement compromise symbolise la perte de tout espoir de redressement de l’entreprise en difficulté et par conséquent la condamnation de celle-ci à la liquidation judiciaire.
Aussi justifie-t-elle la résiliation sans préavis d’une ouverture de crédit tandis que le banquier qui, en dehors d’un pareil contexte, mettrait fin brutalement à son soutien financier, se rendrait coupable d’un abus de droit entraînant de sa part une réparation du préjudice.
Sous titre II – Les conditions de forme
Chapitre 1 – Les conditions de forme spécifiques
Section 1 – Les conditions relatives à la procédure de sauvegarde
Cette procédure constitue l’innovation majeure de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005. Ouverte avant toute cessation des paiements, elle constitue un redressement anticipé destiné à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
La procédure de sauvegarde emprunte beaucoup au redressement judiciaire en ce qu’elle recourt aux mêmes instruments juridiques, mais ses conditions d’ouverture sont très particulières et son attractivité est évidente notamment pour le chef d’entreprise individuelle ou le dirigeant de la personne morale car lui seul peut demander l’ouverture d’une telle procédure. De plus, la finalité du plan de sauvegarde présente l’intérêt d’associer les créanciers à sa négociation.
La procédure de sauvegarde est ouverte à la demande de débiteur qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à une cessation des paiements qu’il n’est pas en mesure de surmonter. La loi ne précise pas la nature de ces difficultés, elles peuvent être aussi bien juridiques que financières ou économiques. Il importe qu’elles aient des répercussions comptables et financières pour la société puisqu’elles risquent de la conduire à la cessation des paiements si aucune mesure n’est adoptée.
Bien que le législateur ne l’indique pas, il semble que le tribunal soit saisi par voie de requête. Contrairement au redressement et à la liquidation judiciaire, elle est exclusive de toute cessation des paiements ce qui justifie qu’elle ne puisse être sollicitée que par le débiteur car il continue à respecter ses engagements.
Si après l’ouverture de la procédure de sauvegarde et au moment du jugement, le débiteur se trouve déjà en cessation de paiements, le tribunal converti ladite procédure en un redressement judiciaire ou prononce la liquidation judiciaire si les conditions requises sont réunies. De la même manière, l’apparition de la cessation des paiements du débiteur en cours d’exécution du plan de sauvegarde emporte la mise en liquidation judiciaire.
La loi du 26 juillet 2005 consacre le principe jurisprudentiel « faillite sur faillite ne vaut » : il est interdit d’ouvrir plusieurs procédures à l’égard du même personne. Ainsi, une procédure de sauvegarde ne peut être ouverte à l’encontre d’une personne déjà confrontée à une telle procédure, à un redressement ou liquidation judiciaire aussi longtemps qu’il n’a pas été mis fin aux opérations du plan qui en résultent ou aussi longtemps que la procédure de liquidation n’a pas été clôturée.
Section 2 – Les conditions relatives aux procédures de redressement et de liquidation judiciaire
Les règles de forme constituent une garantie indispensable pour le débiteur. En effet, le redressement ou la liquidation judiciaire produit à son égard des conséquences graves notamment en restreignant ses droits. L’intéressé doit donc être en mesure de se défendre. Ces règles permettent également aux créanciers de s’assurer que l’égalité qui doit régner entre eux est bien respectée. Par conséquent, les mesures applicables aux entreprises en cessation des paiements sont décidées par un tribunal et non par une autorité administrative.
Aussi, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1967, condamnant la théorie de la faillite virtuelle, avait posé le principe qu’en l’absence de jugement, le règlement judiciaire ou la liquidation de bien ne résultait pas du fait de la cessation des paiements.
Pour sa part, la loi du 25 janvier 1985 reprise par le code de commerce a banni la notion de faillite virtuelle. Il en résulte qu’une juridiction répressive ne peut condamner pour banqueroute une personne qui n’a pas au préalable fait l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire.
Ce texte a maintenu les différents modes de saisine du tribunal qui existaient dans le régime antérieur, à cette exception qu’elle a reconnu au comité d’entreprise ou à défaut aux délégués du personnel le droit de signaler au président du tribunal ou au ministère public tout fait révélant la cessation de paiement de l’entreprise.
La loi du 26 juillet 2005 a consacré cette prérogative.
I – Les modes de saisine du tribunal
A / La déclaration du débiteur.
1 ) Les modalités de la déclaration.
Le débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible doit en faire la déclaration au tribunal compétent dans les 45 jours de sa cessation des paiements s’il n’a pas entre-temps sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation.
La loi de 1985 a certes dépénalisé l’absence ou la tardiveté de cette déclaration mais a conservé la sanction de la faillite personnelle. C’est dire l’obligation impérative de faire cette déclaration sauf si le débiteur bénéficie déjà d’une procédure de conciliation.
En revanche, l’ouverture de la procédure par un créancier ne dispense pas le représentant légal de cette formalité. Cette obligation incombe au débiteur lui-même ou, en cas de décès en état des cessations des paiements de celui-ci, à ses héritiers dans le délai d’un an à compter de cet événement.
S’il s’agit d’une personne morale, la déclaration de cessation des paiements doit être faite par son représentant légal, mais les associés ou actionnaires ne peuvent en aucun cas réaliser cette formalité. Cela n’exclut pas que leur approbation préalable soit demandée par le dirigeant.
De même, l’avocat du débiteur ne peut prendre cette initiative sinon en vertu d’un pouvoir spécial, lequel n’est pas inclus dans le mandat de représentation et d’assistance des avocats.
Avant cette formalité de dépôt de bilan c’est-à-dire déclaration de la cessation des paiements, le comité d’entreprise doit être informé et consulté. En l’absence d’un tel comité aucune formalité ne s’impose.
2 ) Les documents accompagnant la déclaration.
La déclaration de la cessation des paiements est déposée au greffe du tribunal compétent par le débiteur qui doit y joindre certaines pièces :
– comptes annuels du dernier exercice,
– un extrait d’immatriculation,
– nombre de salariés,
– montant du chiffre d’affaire,
– état chiffré du montant des créances et des dettes ainsi que le nom et domicile des créanciers,
– pour les salariés : montant global des sommes impayées,
– état passif et actif de sûretés et engagements hors bilan,
– inventaire sommaire des biens du débiteur,
– non et adresses des représentants du comité d’entreprise ou des délégués du personnel habilité a être entendus par le tribunal s’ils ont déjà été désignés.
Tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le déclarant.
Au cas où l’un d’eux ne pourrait être fourni ou ne pourrait l’être qu’incomplètement, la déclaration devrait indiquer les motifs qui empêchent cette production.
B / L’assignation d’un créancier.
Le tribunal peut être saisi sur l’assignation d’un créancier quelle que soit la nature de sa créance à l’exception des créances d’exploitation agricole qui doivent préalablement solliciter, auprès du président du TGI, la nomination d’un conciliateur en vue d’un accord amiable en application de l’article L 351-2 code rural. Il faut toutefois que le débiteur n’exerce pas son activité agricole sous la forme d’une société commerciale.
Cette saisine demeure possible même si le débiteur est décédé pourvu qu’elle intervienne dans l’année du décès. Elle est cependant exclue lorsque l’intéressé fait l’objet d’une procédure de conciliation en cours.
La loi n’impose pas un montant minimum des créances impayées pour ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Aussi, le défaut de paiement d’une créance d’un faible montant suffit pour permettre le déclenchement d’une telle procédure. Néanmoins, l’assignation intempestive de la part d’un créancier qui n’est pas en mesure de démontrer l’état de cessations des paiements de son débiteur est susceptible d’engager sa responsabilité. En effet, l’ouverture inconsidérée d’une procédure collective est de nature à altérer la crédibilité d’une entreprise par la publicité qui l’accompagne.
Outre l’indifférence de sa nature civile ou commerciale, peu importe le caractère chirographaire ou privilégié de la créance, que celle-ci est fait l’objet ou non de procédure ou voies d’exécution. En effet, il n’est pas nécessaire qu’un créancier est antérieurement à son assignation en redressement ou liquidation judiciaire engagé des poursuites à l’encontre de son débiteur visant à obtenir le paiement de sa créance ; la cour de cassation ne manque pas de rappeler ce principe.
L’assignation d’un créancier doit tout de même indiquer la nature et le montant de sa créance et préciser les procédures et voies d’exécution éventuellement engagées pour le recouvrement de sa créance.
Si le débiteur a mis fin à son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de l’un des événements suivants :
– radiation du RCS, ce délai courant pour les personnes morales à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture de l’opération de liquidation,
– fin de l’activité pour les personnes physiques (commerçant, artisan immatriculé au registre des métiers, agriculteur, professionnel indépendant ou exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé),
– publication de l’achèvement de la liquidation pour les personnes morales non assujetties à l’immatriculation en particulier les associations.
C / La saisine d’office du tribunal.
En cas d’échec de la procédure de conciliation, s’il ressort du rapport du conciliateur que le débiteur est en cessation de paiement, le tribunal peut se saisir d’office afin de statuer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire si le redressement se révèle manifestement impossible.
Malheureusement, en l’absence d’une procédure de conciliation, cette faculté risque de s’avérer vaine en raison du manque d’informations dont souffre le tribunal. Il ne dispose pas en effet d’un droit à l’information comparable à celui dont il bénéficie en cours de procédure judiciaire. Ses éventuelles sources d’informations sont disparates ; ses renseignements proviennent du ministère public, rumeurs publiques ou des représentants du personnel s’ils existent.
En effet, des représentants du personnel ont le pouvoir de dénoncer au président du tribunal ou au ministère public tous faits relevant la cessation des paiements.
Le législateur a largement développé le pouvoir d’information du tribunal dans le cadre de la prévention des difficultés de l’entreprise. Une saisine d’office fait donc souvent suite à une alerte déclenchée par le président du tribunal ou à une demande ou à un échec de la conciliation quand les informations détenues par ces derniers révèlent un état de cessation des paiements apparu depuis plus de 45 jours.
Cependant, le tribunal peut subsidiairement se saisir d’office à la suite d’une assignation irrégulière d’un créancier. Il serait en effet contraire à l’esprit du droit des entreprises en difficulté de retarder l’ouverture d’une procédure collective à cause d’un vice de forme alors que les conditions de fonds seraient remplies.
Le tribunal doit intervenir rapidement pour éviter que l’entreprise poursuive son activité en état de défaillance financière et accroisse son passif.
C’est sans doute cette préoccupation de diligence qui a conduit le législateur à permettre à une cour d’appel annulant ou infirmant un jugement de redressement judiciaire ou prononçant la liquidation judiciaire, soit à ouvrir d’office la procédure de redressement judiciaire, soit à prononcer la liquidation judiciaire.
C’est également dans cet esprit que la cour de cassation a rendu possible la mise en oeuvre de cette faculté mais en cas de saisine irrégulière des premiers juges.
Dans le cadre de cette saisine d’office, avant d’ouvrir la procédure, le président de la juridiction fait convoquer le débiteur par les soins du greffier par acte d’huissier de justice à comparaître dans le délai qu’il fixe devant le tribunal siégeant en chambre du conseil.
Cette audition ou, le cas échéant, la non comparution du débiteur peut corroborer les indices de la cessation des paiements dont le tribunal a eu connaissance.
D / La saisine sur requête du ministère public.
Cette saisine a lieu en l’absence de procédure de conciliation et, en cas de décès du débiteur, dans les mêmes conditions que celles examinées à propos de la saisine d’office par le tribunal.
Les informations parviennent au parquet, soit par le biais de la rumeur publique, soit par le comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel qui peuvent lui communiquer tout élément relevant la cessation des paiements.
Préalablement à l’ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire, le ministère public présente au tribunal une requête signalant les faits propres a justifié sa demande. Le président du tribunal fait convoquer alors le débiteur.
L’intervention du ministère public devrait demeurer exceptionnel. Bien que le code de commerce ne le précise pas, elle devrait se limiter aux cas où la continuation de l’activité de l’entreprise en cessation des paiements perturberait gravement l’ordre public.
Il serait regrettable que le parquet agisse systématiquement aux lieu et place des administrations créancières des entreprises en difficulté.
D’ailleurs, la pratique ne donne que très peu d’exemples de saisine du tribunal par le ministère public.
E / La conversion de la procédure de sauvegarde en redressement ou en liquidation judiciaire.
Le tribunal peut également, après le jugement d’ouverture et à tout moment de la période d’observation, convertir la procédure de sauvegarde en redressement ou en liquidation judiciaire si les conditions d’ouverture sont remplies.
Cela suppose, que le débiteur était déjà en cessation des paiements au moment du prononcé de ce jugement et, pour la conversion en liquidation judiciaire, cela suppose que le redressement était manifestement impossible.
Le tribunal statue alors à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office. Il le fait, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, le contrôleur, les représentants du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel après avoir recueilli l’avis du ministère public.
Lorsqu’il s’agit d’une conversion en redressement judiciaire, il peut, si nécessaire, modifier la durée de la période d’observation restant à courir, tandis qu’il met fin à cette période quand il prononce la liquidation judiciaire.
II – La délimitation de la période suspecte
A / La fixation de la date de cessation des paiements.
Le jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire détermine la date de cessation des paiements. À défaut, elle est réputée avoir lieu le jour du jugement qui la constate.
Cependant, cette date ne correspond que très rarement avec le jour du jugement d’ouverture. Cela justifie que le débiteur dispose de 45 jours pour déclarer la cessation des paiements.
Aussi s’écoule-t-il entre les deux dates un certain laps de temps qui est la période suspecte.
Le débiteur inquiet des difficultés auxquelles se heurte son entreprise peut conclure des actes qui risquent de rompre l’égalité entre créanciers ou qui ne procurent aucun avantage à l’entreprise. C’est pourquoi ces actes sont qualifiés de suspects et susceptibles d’être annulés.
Pour conférer à la période suspecte la souplesse nécessaire à son efficacité, les textes ne donnent pas un caractère définitif à la date de cessation des paiements et admette la possibilité de la repousser dans le temps.
B / Le report de la date de cessation des paiements.
La partie du jugement qui arrête la date de cessation des paiements n’a pas l’autorité de la chose jugée et quand bien même le redressement judiciaire serait en cours, le tribunal peut décider de la reporter dans le temps, allongeant de ce fait la période suspecte.
Mais afin de ne pas faire peser trop longtemps sur les actes passés par le débiteur le risque d’être annulés, la date de cessation des paiements ne peut être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture ou, sauf cas de fraude, être reportée à une date antérieure à la décision définitive d’homologation de l’accord amiable conclu dans le cadre de la procédure de conciliation.
Au fur et à mesure qu’à l’examen de la situation de l’entreprise, des actes suspects sont découverts, le tribunal peut modifier la date de cessation des paiements, soit d’office, soit à la demande du mandataire judiciaire, de l’administrateur, du ministère public, du liquidateur, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
Cette demande doit être présentée au tribunal dans l’année du jugement d’ouverture de la procédure.
Les décisions de report sont publiées au BODACC. Les délais de voies de recours démarrent à compter de cette publication. Cette solution se justifie, car les délais impartis pour exercer les voies de recours sont relativement brefs et n’auraient pu présenter d’intérêt si leur point de départ avait été le prononcé du jugement. Dans cette hypothèse, le délai de 10 jours imparti pour contester la décision se serait écoulé avant même que les tiers en aient eu connaissance.
Chapitre 2 – Les conditions de forme commune
Section 1 – La compétence juridictionnelle
Si le code de commerce établit des règles relativement précises, il n’envisage pas les modalités de résolution de conflits de compétence. Cette question relève du décret du 27 décembre 1985.
I – La détermination de la compétence
En matière de compétence des tribunaux habilités à statuer sur les procédures collectives, le législateur institue un régime dérogatoire au droit commun. Il établit des règles spécifiques aussi bien à propos de leur compétence d’attribution que de leur compétence territoriale.
A / La compétence d’attribution.
1 ) La qualité du débiteur.
La compétence d’attribution dépend de la qualité du débiteur.
Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur est commerçant ou artisan, le TGI dans les autres cas. Cette dernière juridiction connaît donc des procédures collectives ouvertes à l’encontre des agriculteurs, des professionnels indépendants, des personnes morales de droit privé non commerçantes (sociétés civiles, coopératives…).
Il y a donc dérogation au droit commun de la compétence concernant les artisans qui, exceptionnellement, en cas de difficultés donnant lieu à une procédure collective, dépendent du tribunal de commerce. Il faut y voir une manifestation de la volonté du législateur d’assimiler de plus en plus l’artisan au commerçant.
2 ) L’extension de compétence.
Le code de commerce confère la compétence au tribunal initialement saisi s’il se révèle que la procédure ouverte doit être étendue à une ou plusieurs personnes.
Ainsi, le tribunal de commerce saisi d’une procédure collective diligentée à l’égard d’une société commerciale reste compétent pour connaître de l’extension de la procédure fondée sur la fictivité de la société où la confusion de patrimoine à l’égard d’une personne physique ou morale même si celle-ci n’a pas la qualité de commerçant.
B / La compétence territoriale.
Le tribunal territorialement compétent pour statuer sur la procédure collective est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, à son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité. À défaut de siège sur le territoire français, la compétence revient au tribunal dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France et où le professionnel indépendant exerce l’activité.
De plus, tous les tribunaux de commerce et TGI sont compétents sans distinction du régime général et de la procédure simplifiée puisque la loi de sauvegarde des entreprises a supprimé cette distinction.
Le siège social n’est pris en considération que s’il est réel ; s’il s’avère qu’il est fictif et que le véritable centre des intérêts de la personne morale se situe dans un autre lieu, il faut, conformément à l’intérêt des créanciers et à la réalité économique, retenir la compétence de la juridiction où se situe effectivement ce centre.
Néanmoins, le législateur pose des règles particulières au transfert du siège social et dérogatoires au droit commun des règles de compétence territoriale. Le transfert du siège d’une entreprise est en principe opposable aux tiers s’il a été régulièrement publié. À défaut, la compétence devrait revenir au tribunal du lieu du siège social. Cependant, l’article 1er du décret du 28 novembre 2005 dispose qu’en cas de changement du siège d’une personne morale dans les 6 mois de la saisine du tribunal, demeure seul compétent le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial. Délai qui court à compter de l’inscription modificative ou de la radiation de la société du RCS ; cette disposition vise à faire échec au transfert intempestif du siège social en fraude du droit des créanciers ; cependant, cette règle a suscité des critiques doctrinales et n’a pas été strictement respectée par les juridictions. La cour d’appel de Paris a écarté cette disposition dans un cas où son application se serait révélée inopportune et a reconnu la compétence du tribunal du lieu du nouveau siège qui correspondait au siège réel, bien que le transfert ait eu lieu dans un délai inférieur à 6 mois.
II – Les conflits de compétence
2 situation : – quand le débiteur possède plusieurs établissements
– lorsque la nature commerciale ou civile de son activité n’est pas clairement établie. À cet égard, le droit des entreprises en difficulté adopte des dispositions de simplification du droit commun : il faut régler sans délai ces conflits afin d’éviter que le débiteur profite d’un retard pour organiser son insolvabilité. Quand le tribunal saisi s’estime incompétent, son président doit transmettre immédiatement le dossier au premier président de la cour d’appel qui désignera la juridiction compétente, sa décision étant insusceptible de recours.
En attendant cette décision, le tribunal peut nommer un administrateur judiciaire habilité à prendre des mesures conservatoires destinées à sauvegarder la vie de l’entreprise. Il peut également ordonner, en guise de mesures provisoires, l’inventaire des biens et l’apposition dès des scellés afin de prévenir les créanciers contre toute dilapidation des biens du patrimoine du débiteur.
Ensuite, en cas de conflit de compétence, le tribunal qui se déclare incompétent peut ordonner des mesures conservatoires ou provisoires.
Enfin, lorsque sa compétence est contestée, la juridiction, si elle se déclare compétente, doit dans le même jugement statuer sur le fond. Cette obligation présente l’intérêt d’éviter qu’un conflit de compétence retarde l’ouverture de la procédure.
Section 2 – L’information du tribunal
La question d’ouvrir une procédure collective n’est pas anodine. C’est pourquoi la loi organise une information du tribunal afin qu’il décide en connaissance de cause de l’opportunité ou de la possibilité ou non de l’ouverture d’une procédure collective, que ce soit la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire.
S’agissant de cette information, on se trouve en présence d’impératifs contradictoires.
D’un côté, l’intérêt général postule que le tribunal statue le plus rapidement possible après sa saisine. Des mesures d’urgence s’imposent pour arrêter les dégradations de l’entreprise et amorcer son redressement.
D’un autre côté, l’ouverture d’une procédure collective cause un choc dont l’entreprise se remet difficilement car son crédit est diminué. Il ne faut pas notamment ouvrir une procédure de redressement judiciaire dans le cas où l’entreprise n’est pas en cessation des paiements mais une procédure de sauvegarde (si le débiteur le demande).
Le prononcé du jugement d’ouverture est donc nécessairement précédé de l’audition de certaines personnes. En outre, s’il le juge opportun, le tribunal peut ordonner une enquête préalable.
I – Les auditions
Le tribunal ne peut statuer sur l’ouverture de la procédure collective qu’après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil, le débiteur, les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel.
La convocation du débiteur s’impose afin qu’il donne des explications sur les difficultés que connaît son entreprise.
L’audition en chambre du conseil signifie qu’elle a lieu devant le tribunal tout entier mais hors la présence du public. Ainsi, le chef d’entreprise ou le dirigeant social peut faire état de renseignements confidentiels.
Quant à l’expression « à défaut » utilisé pour les délégués du personnel, elle ne semble pas avoir la même signification que dans la loi du 1er mars 1984 où ces délégués du personnel ne pouvaient déclencher l’alerte qu’au cas où il n’existerait pas de comité d’entreprise alors que le nombre de salariés serait réuni. En effet, il a été décidé que les salariés devaient être invités à exprimer leur avis même en l’absence de comité d’entreprise ou de délégués du personnel en raison de la faible taille de l’entreprise.
Ces personnes habilitées a être entendues par le tribunal sont désignées à la suite d’une réunion du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel à la demande du chef d’entreprise.
Par ailleurs, lorsque l’intéressé exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou dont le titre est protégé, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève doit être entendu ou dûment appelé.
Dans la mesure où ces différentes auditions revêtent un caractère obligatoire, le jugement d’ouverture doit être infirmé s’il est rendu sans que le tribunal y ait procédé.
En dehors de ces auditions qui ont un caractère d’ordre public, le tribunal peut entendre toute autre personne notamment, les commissaires aux comptes, le conciliateur présent à l’accord lorsque la demande d’ouverture fait suite à l’échec d’une procédure de conciliation ou si le débiteur exploite une entreprise agricole. Leur audition ne s’impose donc pas, mais s’ils sont entendus le formalisme de la chambre du conseil doit être respecté.
Enfin, doit être examiné en présence du ministère public l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’une société bénéficiaire ou ayant bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation.
II – L’enquête préalable
Le décret de 1985 consacre une pratique déjà existante sous l’empire de la loi de 1967 : celle de l’enquête préalable.
Cette disposition retrouve aujourd’hui un regain d’intérêt dans la mesure où la loi du 10 juin 1994, introduite dans le code de commerce, a rétabli la liquidation judiciaire immédiate.
Cette enquête préalable permet de déterminer si la liquidation judiciaire immédiate s’impose ou si au contraire le redressement judiciaire est envisageable. S’il l’estime utile, le tribunal charge un juge de recueillir tout renseignement sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise.
Bien qu’une telle enquête soit facultative et laissée à l’appréciation du président du tribunal, elle peut présenter un grand intérêt.
Elle peut, en premier lieu, permettre de vérifier si les conditions de fonds d’ouverture de la procédure collective sont bien réunies. L’entreprise est-elle ou non en cessation de paiements? À quand cette cessation des paiements remontent-elles ? Faut-il poursuivre ou non le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d’actifs?
En second lieu, elle peut permettre d’apprécier la situation sociale et financière de l’entreprise et décider de son sort.
Pour accomplir au mieux sa mission, le juge commis peut se faire assister de tout expert de son choix.
Section 3 – Le jugement d’ouverture
Il revêt une grande importance à un double point de vue :
En dehors de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, le tribunal n’est généralement pas en mesure lors du jugement d’ouverture de savoir si l’entreprise pourra ou non se redresser ; il ouvre donc, à titre provisoire, un redressement judiciaire et ne se prononcera sur le sort définitif de l’entreprise qu’à l’issue de la période d’observation.
Toutefois, depuis la loi de juin 1994, le tribunal peut prononcer immédiatement la liquidation judiciaire si l’entreprise a cessé ses paiements et que son redressement est manifestement impossible.
Quelle que soit la nature de la procédure, son ouverture, à l’égard d’un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation dans les 18 mois précédents, doit être examinée en présence du ministère public. Auquel cas, le tribunal peut d’office ou à la demande du ministère public obtenir la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation.
Ensuite, le tribunal désigne l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire. La nomination de l’administrateur judiciaire est facultative lorsque ne sont pas atteint les seuils relatifs au nombre de salariés (+ de 50) et au chiffre d’affaire annuel hors taxes (3,1 million €).
Enfin, le tribunal invite le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés, à désigner au sein de l’entreprise un représentant.
I – Les autorités judiciaires
A / Le tribunal.
1 ) Les attributions juridictionnelles.
Le tribunal peut se saisir d’office en l’absence ou en cas d’échec de la procédure de conciliation pour ouvrir la procédure de redressement ou liquidation judiciaire tandis qu’il n’a pas cette prérogative pour la procédure de sauvegarde.
En cas d’échec de la procédure de conciliation, il prononce la résolution de l’accord amiable, fixe la date de la cessation des paiements et peut la reporter de 18 mois maximum sous réserve que la demande de report ait été faite dans les délais légaux.
À cet égard, c’est lui qui prononce les nullités de la période suspecte et de certains actes réalisés en période d’observation et sans autorisation par le débiteur et l’administrateur.
Si après l’ouverture de la procédure de sauvegarde, il apparaît que la société est déjà en cessation des paiements, le tribunal constate celle-ci, en fixe la date et convertit la procédure en une mesure de redressement judiciaire et éventuellement modifie la durée de la période d’observation restant à courir.
Les principaux organes de la procédure sont nommés et remplacés par le tribunal, il s’agit du juge commissaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, experts….
Le tribunal définit la mission de l’administrateur judiciaire en fonction du dessaisissement du débiteur.
À la demande du ministère public, le tribunal révoque les contrôleurs nommés par le juge commissaire.
Le tribunal a une compétence étendue pour statuer sur tout ce qui se rapporte, outre à la sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, notamment à la faillite personnelle et aux autres actions infligées aux dirigeants.
2 ) Les pouvoirs économiques.
Le tribunal peut, par le jugement qui arrête le plan de cessation, dans le cas de la liquidation judiciaire, autoriser la conclusion de contrat de location-gérance malgré une clause contraire notamment du bail des immeubles au profit de la personne qui a présenté l’offre d’acquisition la plus intéressante en ce qui concerne les conditions assurant le plus durablement l’emploi et le paiement des créanciers.
Le tribunal fixe la période d’observation nécessaire pour dresser le bilan économique et social de l’entreprise. Il peut la renouveler pour une durée maximum de 6 mois et la prolonger ce exceptionnellement à la demande du ministère public pour une durée n’excédant pas 6 mois.
Ce même tribunal décide du sort de l’entreprise puisqu’il arrête le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, mettant fin à la période d’observation et qu’il procède à sa modification ou prononce sa résolution.
Il peut également, à la requête du ministère public, subordonner l’adoption du plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants lorsque la sauvegarde de l’entreprise le requiert sauf lorsque le débiteur exerce une activité libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire.
Il peut également, dans le jugement arrêtant le plan ou le modifiant, ordonner la non aliénation de certains biens indispensables à la continuation de l’entreprise.
Dans le cas du redressement judiciaire et aux vues du rapport de l’administrateur, le tribunal peut prononcer la cessation totale ou partielle de l’entreprise si le débiteur se trouve dans l’impossibilité d’en assurer lui-même le redressement.
Enfin, pour l’adoption du ou des plans de cession inhérents à la liquidation judiciaire, le tribunal retient l’offre qui permet, dans les meilleures conditions, d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’entreprise cédée qui permet également le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution. Il statue en ce sens après avoir recueilli l’avis du ministère public, entendu ou appelé le débiteur, le liquidateur, l’administrateur, les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel et les contrôleurs.
B / le juge commissaire.
Il est nommé dans le jugement d’ouverture par le tribunal qui peut, en cas de nécessité, en désigner plusieurs.
Ses fonctions s’achèvent à la reddition définitive des comptes de l’administrateur ou du mandataire judiciaire.
Qu’il s’agisse de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sa mission générale consiste à veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.
Le juge commissaire décide de l’admission des créances et se comporte ici comme une juridiction de première instance. Il statue en dernier ressort dans les mêmes conditions que le tribunal saisi de la procédure dès lors que le montant ne dépasse pas un certain plafond qui est de 4000€ pour le TGI alors qu’en matière commerciale un appel est toujours possible.
C’est également le juge commissaire qui reçoit les demandes en relevé de forclusion quand un créancier n’a pas déclaré sa créance dans les délais impartis par la loi et ce juge décide ou non d’admettre ces demandes.
Il peut proposer au tribunal le remplacement de certains acteurs de la procédure dont il surveille l’activité.
Le juge commissaire peut obtenir la communication d’informations auprès des commissaires aux comptes, des experts-comptables, des membres des représentants du personnel, des administrations et organismes publiques en vue d’obtenir une information sur la situation économique, financière, sociale ou patrimoniale de l’entreprise.
Il fixe la rémunération liée aux fonctions exercées par le chef d’entreprise individuelle ou des dirigeants de la personne morale.
Il peut également ordonner certains actes importants durant la période d’observation tel que le paiement du super privilège des salariés d’une créance antérieure au jugement d’ouverture afin de retirer un bénéfice légitimement retenu et nécessaire à la poursuite de l’exploitation.
Enfin, il autorise l’administrateur à prononcer des licenciements pour motifs économiques.
C / Le ministère public.
À toute époque, le ministère public peut requérir la communication de tous les actes et documents relatifs à la procédure. Celle-ci peut d’ailleurs être ouverte sur son initiative à l’exception de la sauvegarde, à la suite notamment de la communication du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués personnels, de faits relevant l’état de cessation des paiements. Il peut également demander au tribunal de prendre des dispositions ayant trait au redressement de l’entreprise, exemple : renouvellement ou prolongation de la période d’observation, ou éviction des dirigeants lorsque leur présence constitue un obstacle au redressement de l’entreprise.
De même, il peut demander le remplacement des organes de la procédure.
Les pouvoirs procéduraux du ministère public sont très importants et certaines voies de recours lui sont exclusivement ouvertes :
– l’appel contre les jugements relatifs à la nomination ou au remplacement de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du liquidateur, des contrôleurs ou des experts,
– l’appel contre les jugements statuant sur la durée de la période d’observation, la poursuite ou la cessation de l’activité,
– le pourvoi en cassation pour défaut de communication des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire et des causes relatives à la responsabilité des dirigeants sociaux. Dans ce domaine, l’appel du ministère public est suspensif.
Enfin, le ministère public conserve son rôle traditionnel de poursuivant pour saisir les juridictions répressives aux fins de condamner le débiteur à la banqueroute ou pour d’autres infractions.
II – Les auxiliaires de justice professionnels
A / l’administrateur judiciaire.
C’est un mandataire de justice nommé par le tribunal dans le jugement d’ouverture.
Ce choix est cependant facultatif si bien que le tribunal peut, à titre exceptionnel, désigner comme administrateur judiciaire des personnes physiques même non inscrites sur la liste ayant une expérience ou une qualification particulière.
La désignation de l’administrateur judiciaire ne s’impose que si le nombre de salariés est égal à 20 et si le chiffre d’affaire hors taxes dépasse 3 millions €.
Cet administrateur est chargé d’élaborer avec l’aide du débiteur un bilan économique et social de l’entreprise en vue d’établir un rapport qui va lui permettre de proposer au tribunal, soit un projet de sauvegarde et de redressement judiciaire, soit la liquidation judiciaire.
Par ailleurs, il est habilité à prendre des mesures conservatoires en vue de protéger les droits, les capacités de production et les biens de l’entreprise.
Afin de mener à bien sa mission, l’administrateur judiciaire consulte le débiteur ainsi que le mandataire judiciaire et entend toute personne susceptible de l’informer sur la situation et les perspectives de redressement de l’entreprise, sur les modalités de règlement du passif et les conditions sociales de la poursuite de l’activité. Il en informe le débiteur et recueille ses observations et propositions.
De plus, il doit tenir informer de l’avancement de ses travaux, le débiteur, le mandataire judiciaire et les institutions représentatives du personnel. Il les consulte sur des mesures qu’il envisage de proposer aux vues des informations et offres reçues. Il consulte également l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont relève le débiteur qui exerce une profession libérale.
Dans la procédure collective, le rôle de l’administrateur judiciaire consiste à surveiller les opérations de gestion ou à assister le débiteur en fonction de l’étendue de sa mission. Cependant, dans le redressement judiciaire, il peut aller jusqu’à assurer seule l’administration de l’entreprise.
B / Le mandataire judiciaire.
Il est nommé dans le jugement d’ouverture par le tribunal et choisi sur une liste établie à cet effet par une commission. Le tribunal peut en désigner plusieurs à la demande du ministère public.
Contrairement à l’administrateur, sa désignation est obligatoire quelle que soit la nature de la procédure.
Il est chargé par décision de justice de représenter les créanciers et est seul habilité à agir au nom et dans l’intérêt collectif de ces derniers sans préjudice des droits reconnus au contrôleur.
En cas de liquidation judiciaire, il a vocation à devenir liquidateur. Cependant une carence de sa part rend possible la nomination en tant que contrôleur de tout créancier agissant dans cet intérêt.
Le produit de l’action collective connaît un sort différent selon qu’existe un plan de redressement ou de sauvegarde, un plan de cession ou une liquidation judiciaire. Dans la première hypothèse, les sommes recouvrées à la suite des actions du mandataire judiciaire entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées selon les modalités prévues pour un apurement du passif. En revanche, rien n’est prévu en cas de plan de cession ou de liquidation judiciaire. Il faut alors se référer au code de commerce selon lequel les sommes versées par les dirigeants à la suite d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actifs sont réparties au mark le franc entre les créanciers en cas de cession ou de liquidation. En effet, l’action collective et l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs ont le même fondement : la mise en jeu de la responsabilité.
Le mandataire judiciaire peut au cours de la procédure de redressement judiciaire intervenir auprès du tribunal pour demander notamment le report de la date de cessation des paiements, la modification de la mission de l’administrateur ou le remplacement de celui-ci, la cessation d’activité ou la liquidation.
En revanche, il est tenu d’une obligation de communiquer au juge commissaire et au ministère public les informations qui lui sont transmises par les contrôleurs à tout moment de la procédure.
C / Les experts.
Ils sont des spécialistes de l’entreprise désignés par le tribunal à la demande des différents intervenants.
Ils établissent un rapport sur la situation économique et financière de l’entreprise en cas de procédure de sauvegarde ou de liquidation judiciaire.
Ils peuvent, également, simplement concourir à l’élaboration de ce rapport en cas de redressement judiciaire.
D / Le commissaire à l’exécution du plan.
Lorsque le tribunal arrête un plan de sauvegarde ou de redressement, il nomme dans son jugement un commissaire à l’exécution du plan.
Ce personnage est chargé de veiller à la bonne exécution du plan. On peut désigner à cette fonction l’administrateur ou le mandataire judiciaire, que le tribunal peut remplacer soit d’office soit à la demande du ministère public.
Les actions engagées avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l’administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l’exécution du plan qui est également habilité à engager des actions dans l’intérêt collectif des créanciers.
III – Les auxiliaires de justice non professionnels
A / Le représentant des salariés.
Le droit des entreprises en difficulté se préoccupe d’améliorer la situation des salariés et de renforcer leur protection. Aussi, assure-t-il leur intervention aux différents stades de la procédure et leur confère-t-il un large pouvoir d’expression par l’intermédiaire des organes représentatifs du personnel.
De plus, le jugement d’ouverture convie le comité d’entreprise, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés, a désigné un représentant des salariés au sein de l’entreprise qui va exercer les fonctions dévolues à ces institutions.
La mission des représentants réside dans la vérification du relevé de créances résultant des contrats de travail qui lui est soumis par le représentant des créanciers. Il est tenu à une obligation de discrétion.
Si l’entreprise est dépourvue d’institutions représentatives du personnel, il exerce les fonctions qui leur sont dévolues.
Le représentant est rémunéré pour sa fonction et il bénéficie d’une protection particulière contre le licenciement.
Les contestations relatives à cet organe relèvent de la compétence du TI qui statue en dernier ressort.
B / Les contrôleurs.
La loi du 10 juin 1994 a revalorisé leur rôle tout en augmentant leur nombre maximum. Aujourd’hui, le juge commissaire doit désigner 1 à 5 contrôleurs parmi les créanciers qui en font la demande et pas plus de 4 lorsque le débiteur exerce une profession libérale.
Lorsqu’il en nomme plusieurs, il veille à ce que l’un d’entre eux soit choisi parmi les créanciers titulaires de sûretés et qu’un autre soit choisi parmi les créanciers chirographaires.
Cette loi de 1994 développe leur droit à l’information qui, autrefois, se bornait à la possibilité de prendre connaissance de tous les documents transmis à l’administrateur et au représentant des créanciers.
Au cours de la procédure, ces contrôleurs ont un rôle d’assistance du mandataire judiciaire dans ses fonctions et du juge commissaire dans sa mission de surveillance de l’administration de l’entreprise. Dans ce domaine, le législateur a renforcé leur pouvoir d’intervention.
La responsabilité du contrôleur n’est engagée qu’en cas de faute lourde.
Section 4 – La notification, la publicité du jugement d’ouverture et les voies de recours
I – La notification et la publicité
Le greffier doit notifier le jugement au débiteur dans les 8 jours et en adresser sans délai une copie à l’administrateur, au mandataire judiciaire, au procureur de la république et au trésorier payeur général.
Le jugement d’ouverture est mentionné avec indication des pouvoirs conférés à l’administrateur judiciaire au RCS si le débiteur est un commerçant ou une société commerciale, au registre des métiers s’il est un artisan, dans un registre spécial tenu au greffe du TGI dans les autres cas notamment si le débiteur est un agriculteur ou un professionnel indépendant.
Un avis du jugement est adressé pour l’insertion au BODACC avec indication faite aux créanciers de déclarer leurs créances au mandataire judiciaire.
Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu du siège du débiteur ou de ses établissements secondaires. Ces 2 dernières publicités sont effectuées à la diligence du greffier dans les 8 jours du jugement d’ouverture.
II – Les voies de recours
Le jugement qui couvre la procédure collective produit des effets immédiats sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’expiration des délais de voies de recours. Cette disposition se justifie par la nécessité d’empêcher le débiteur de dilapider son patrimoine ou de favoriser un créancier aux dépens des autres.
L’appel et le pourvoi en cassation sont ouverts au débiteur, aux créanciers ainsi qu’au procureur de la république même s’il n’a pas agi en tant que partie principale.
Cependant, si le pourvoi obéi aux règles du droit commun, le délai d’appel n’est que de 10 jours compte tenu de la rapidité qu’exige la procédure de redressement judiciaire. Ce bref délai démarre à compter de la notification du jugement aux parties ou de la réception de l’avis adressé au ministère public par le greffier.
L’appel du ministère public est suspensif sauf s’il porte sur les décisions relatives à l’ouverture des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Dès lors que le jugement d’ouverture est exposé à l’appel, l’opposition dans le délai de 10 jours est fermé au débiteur. En revanche, les décisions statuant sur l’ouverture de la procédure sont susceptibles de tierce opposition, le jugement statuant sur la tierce opposition étant lui-même exposé à l’appel et au pourvoi en cassation de la part du tiers proposant.
Titre 2 – Le déroulement des procédures de traitement des difficultés
Sous-titre 1 – La période d’observation
Que ce soit pour la sauvegarde ou le redressement judiciaire, le jugement ouvre une période d’observation.
La plupart des règles sont identiques dans l’une et l’autre procédure avec tout de même des spécificités pour la sauvegarde qui constitue un redressement judiciaire sans cessation des paiements.
Section 1 – L’objet et la nature de la période d’observation
Pour atteindre l’objectif premier de sauvegarde de l’entreprise proposée par l’article L 620-1 Code de Commerce, a été mis en place une période d’observation durant laquelle différents intervenants vont analyser la situation de l’entreprise défaillante avant que le tribunal statue sur son sort (sauvegarde ou redressement).
Lorsque aucune de ces deux solutions n’est possible, la juridiction prononce la liquidation judiciaire.
Dans la rédaction initiale de la loi du 25 janvier 1985, on s’interrogeait sur le caractère obligatoire ou non de la période d’observation autrement dit sur la possibilité ou non de prononcer d’emblée une liquidation judiciaire.
Certaines juridictions considéraient plus opportun de prononcer immédiatement la liquidation judiciaire et donc de ne pas respecter un formalisme devenu inutile quand l’entreprise arrivait presque sans vie au jour du jugement d’ouverture plutôt que de laisser s’accroître un passif préjudiciable aux créanciers.
D’autres juridictions, invoquant la lettre de la loi, refusaient de prononcer initialement la liquidation judiciaire. En effet la période d’observation a pour finalité d’élaborer un bilan économique et social de l’entreprise en vue d’apprécier ses perspectives de redressement. De plus, certains intervenants, tels que le représentant des salariés ou les experts, sont désignés au cours de cette période ; prononcer une liquidation immédiate reviendrait à ruiner définitivement les chances de redressement.
D’autres juridictions, encore respectueuses des textes, ouvraient une procédure de redressement judiciaire, nommaient un juge commissaire et prononcaient rapidement la liquidation judiciaire réduisant ainsi la période d’observation à sa plus simple expression.
La cour de cassation avait tranché cette controverse jurisprudentielle : arrêt du 4 novembre 1986 : en faveur du caractère obligatoire de la période d’observation.
Néanmoins, la loi du 10 juin 1994, bien que réaffirmant un objectif principal de sauvegarde de l’entreprise, repris par la loi du 26 juillet 2005, a admis la possibilité d’ouvrir sans période d’observation la liquidation judiciaire de l’entreprise en cessation de paiement quand le redressement est manifestement impossible. Il en va de même lorsqu’en cas d’échec de la procédure de conciliation le tribunal constate à la fois la cessation des paiements et l’impossibilité manifeste de redressement.
Section 2 – La durée et la fin de la période d’observation
Bien que la loi n’ait pas imposé une durée minimale de la période d’observation, elle n’en a pas moins fixé une durée maximale.
Cette période d’une durée initiale de 6 mois renouvelable peut être exceptionnellement prolongée à la demande du procureur pour une durée n’excédant pas 6 mois au lieu de 8 dans l’ancienne procédure.
Le tribunal statue sur la prolongation de la période d’observation aux vues du rapport du juge commissaire après avoir recueilli les remarques du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire et des contrôleurs.
Lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, cette durée peut être prolongée jusqu’au terme de l’année culturale en cours, compte tenu des usages spécifiques aux conditions d’exploitation.
L’activité de l’entreprise est maintenue au cours de la période d’observation qui s’achève au jugement qui arrête le plan ou qui prononce la liquidation judiciaire.
Le tribunal peut mettre fin à la procédure lorsque disparaissent les difficultés ayant justifié l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou, pour le redressement judiciaire, s’il apparaît que le débiteur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et dettes afférentes. Cette décision a pour conséquence de faire cesser la période d’observation.
En toute hypothèse, le tribunal statue dans les mêmes conditions que pour le prononcé de la cessation partielle d’activité.
Sous-titre 3 – Situation des partenaires pendant la période d’observation
On se retrouve en présence d’un dilemme ; d’un côté la phase d’observation devrait être une période d’immobilité, l’entreprise bénéficie notamment de la suspension des poursuites susceptibles d’être intentées contre elle sinon sa situation continuerait de se dégrader et seule une liquidation pourrait être envisagée ; de l’autre côté, l’intérêt de l’entreprise postule une continuation de l’activité.
La période d’observation n’est ouverte que dans la mesure où l’entreprise fonctionne et se trouve en mesure de se redresser, sinon le tribunal pourrait prononcer immédiatement la liquidation. Or il serait absurde d’arrêter l’entreprise pour ensuite lui faire reprendre ses activités. Une telle interruption risquerait d’entraîner la disparition de la clientèle, elle serait mal supportée par les salariés du fait du chômage temporaire.
Le législateur à tenter de résoudre ce dilemme en distinguant d’une part la situation de l’entreprise et du salarié pour qui la période d’observation est une période préparatoire durant laquelle l’activité se poursuit et d’autre part la situation des créanciers pour qui le statisme prévaut puisqu’ils se voient imposer, en particulier, un arrêt de leurs poursuites.
Chapitre 1 – La situation de l’entreprise
Durant la période d’observation, la société continue en principe son activité. Cependant le tribunal peut à tout moment prononcer la cessation partielle de l’activité ou convertir en redressement ou liquidation judiciaire la procédure de sauvegarde qui a été ouverte, ou encore convertir en liquidation judiciaire la procédure de redressement dans la société a fait l’objet.
En dépit de la poursuite d’exploitation, le chef d’entreprise subit quelques contraintes temporaires ou durables.
Section 1 – Les mesures conservatoires
Dès le jour du jugement d’ouverture tout est mis en oeuvre pour préserver les intérêts et le patrimoine de l’entreprise.
Ces mesures visent non seulement l’entreprise elle-même mais aussi celui ou ceux qui se trouvent à sa tête.
I – Les mesures relatives au patrimoine du débiteur
Dès son entrée en fonction, l’administrateur doit prendre les dispositions nécessaires pour sauvegarder l’intégrité de l’entreprise, plus précisément, pour conserver ses droits contre ses propres débiteurs et conserver ses capacités de production.
À cette fin, il a qualité pour procéder à l’inscription ou au renouvellement au nom de l’entreprise, des hypothèques, nantissements, gages et privilèges que le chef d’entreprise avait négligé d’effectuer.
De plus, en vue d’un examen de la situation de l’entreprise, il peut demander au débiteur ou à un tiers détenteur la remise des livres comptables.
Dès l’ouverture de la procédure de sauvegarde, afin de permettre une exacte évaluation de l’actif du débiteur et d’éviter d’éventuels détournements, un inventaire des biens est dressé. Il ne s’agit pas seulement des biens de l’entreprise mais aussi des biens propres au chef d’entreprise en cas d’entreprise individuelle et même de ses ayants droits connus, présents ou appelés.
Aussi, incombe t-il au débiteur de remettre à l’administrateur et au mandataire judiciaire, outre la liste certifiée de ses créances et montant de ses dettes, la liste des principaux contrats et des instances en cours.
L’inventaire présente un intérêt majeur pour un créancier réserviste ; en effet, dès lors que la teneur des biens de l’entreprise est déterminée à l’ouverture de la procédure, la revendication des marchandises vendues avec réserve de propriété se trouve facilité.
Quand le débiteur exerce une profession libérale, l’inventaire est dressé en présence d’un représentant de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont il relève. Cet inventaire ne saurait porter atteinte au secret professionnel auquel doit obéir l’intéressé.
II – Les mesures relatives au dirigeant de la personne morale –
Malgré l’amélioration apportée à leur condition, la loi du 25 janvier 1985 suivie par celle du 26 juillet 2005, méfiante à leur égard, a aménagé des dispositifs de sécurité destinés à paralyser les dirigeants de personnes morales dont l’action ou l’inaction pourrait nuire au redressement de l’entreprise.
A / Les mesures spécifiques à la procédure de redressement judiciaire.
Dans une telle procédure, dès le jugement d’ouverture, il est interdit au dirigeant de droit ou de fait, rémunéré ou non, de céder, à peine de nullité, leurs droits sociaux dans des conditions différentes de celles fixées par le tribunal.
Les actions sont virées sur un compte spécial bloqué, ouvert par l’administrateur au nom du titulaire et tenu par la société émettrice (titre nominatif) ou par un intermédiaire financier (titre au porteur).
Aucun mouvement ne peut y être effectué sans l’autorisation du juge commissaire. À moins d’être privé du droit de vote, les dirigeants sociaux peuvent obtenir un certificat leur permettant de participer aux assemblées de la société.
Sauf décision contraire du tribunal, il est mis fin à ce compte spécial à la demande de la personne intéressée la plus diligente après adoption du plan de redressement ou la clôture des opérations en cas de liquidation.
Dans l’hypothèse d’une cession forcée, il est mis fin au compte spécial après que la décision ordonnant la cession soit passée en force de chose jugée.
B / Les mesures communes aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.
En pareille circonstance, peut être mis en oeuvre des dispositions de mise hors circuit des dirigeants dont la présence ou l’influence néfaste pourrait entraver la survie de l’entreprise.
L’administrateur peut ainsi subordonner l’adoption du plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants à la demande du procureur sauf lorsque le débiteur exerce une profession libérale.
L’éviction des dirigeants sociaux ne sanctionne pas leurs erreurs passées mais constitue une mesure de sauvegarde de l’entreprise.
Afin de neutraliser complètement les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, qui par l’usage de leurs droits de vote en tant qu’associé pourrait nuire à la nouvelle politique mise en place, le tribunal peut adopter 2 types de mesures radicales :
– il peut prononcer l’incessibilité de leurs droits sociaux et confier pour la durée qu’il fixe les droits de vote qui y sont attachés à un mandataire de justice désigné à cet effet qui est le plus souvent l’administrateur. Ces mesures sont généralement prises pour la période du plan c’est-à-dire de 10 ans maximum.
– Il peut ordonner, à un prix fixé par un expert, la cession forcée des droits sociaux.
Dans ces différents cas d’éviction, retrait du droit de vote et cession des droits sociaux, le tribunal ne peut se prononcer qu’après avoir entendu ou dûment appelé les dirigeants et représentants du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel.
Les dirigeants et les actionnaires peuvent faire appel de la décision ordonnant la cession de leurs droits sociaux.
Section 2 – La gestion de l’entreprise
I – Les modalités de gestion de l’entreprise
Pendant la période d’observation, les actes de disposition étrangers à la gestion courante de l’entreprise, les constitutions d’hypothèque ou de nantissement sur les biens sociaux, les compromis ou les transactions sont autorisés par le juge commissaire.
L’entreprise est placée sous l’autorité de l’administrateur judiciaire, cette tutelle étant moins étendue quand la société bénéficie d’une procédure de sauvegarde.
Mais même s’il nécessitait l’intervention de l’administrateur judiciaire, les actes de gestion courante, accomplis par les dirigeants sociaux seuls, sont réputés valables et engagent la société à l’égard des tiers de bonne foi.
Dans les sociétés de petite taille, un administrateur judiciaire est nommé que si le tribunal l’estime nécessaire.
En toute hypothèse et à tout moment, le tribunal peut modifier sa mission à sa demande personnelle, à la demande du mandataire judiciaire, du ministère public, ou d’office en cas de redressement judiciaire.
A / La gestion dans la procédure de sauvegarde.
Le risque de se trouver dessaisi de l’administration de l’entreprise conduit parfois les chefs d’entreprise ou les dirigeants de personne morale à retarder le dépôt de bilan.
Aussi, dans la procédure de sauvegarde, il conserve la gestion de l’entreprise. L’administrateur judiciaire ne se trouve donc pas investi d’une mission d’administration mais seulement de surveillance et d’assistance.
Tout comme dans l’ancienne procédure simplifiée du redressement judiciaire, le code de commerce détermine pour la sauvegarde les règles applicables aux procédures ouvertes sans désignation d’un administrateur judiciaire. Toutes les dispositions régissant la sauvegarde s’appliquent dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec l’absence d’administrateur judiciaire. Ainsi, des comités de créancier ne peuvent se constituer. Certains pouvoirs de l’administrateur judiciaire sont confiés au débiteur, par exemple, la poursuite des contrats en cours, l’acquiescement aux demandes de revendication ou de restitution avec l’accord du mandataire judiciaire, l’établissement du projet de plan comportant les propositions de règlement du passif.
D’une manière générale, le débiteur conserve sur son patrimoine l’exercice des actes de disposition et d’administration ainsi que les droits et actions non compris dans la mission de l’administrateur.
Cependant, le principe de gestion de l’entreprise par son dirigeant est atténué par la multiplicité des missions confiées à l’administrateur judiciaire. Celui-ci exerce des pouvoirs propres déjà prévus dans le cadre du redressement judiciaire :
– acquiescer aux demandes de restitution ou en revendication de biens appartenant à des tiers ;
– décider de la poursuite ou de l’arrêt des contrats en cours ;
– utiliser les comptes bancaires sans sa signature en cas d’interdiction bancaire du débiteur ;
– se substituer au débiteur négligent pour inscrire les sûretés et lui demander ou faire lui-même les actes nécessaires à la conservation des biens de l’entreprise ;
– effectuer un acte de gestion étranger à la gestion courante sous réserve de l’autorisation du juge commissaire ou payer les créances antérieures pour en tirer un gage nécessaire à la poursuite de l’activité.
B / La gestion de la procédure de redressement judiciaire.
La présence d’un administrateur judiciaire est obligatoire sous réserve de conditions relatives au nombre de salariés et au chiffre d’affaire hors taxes et les pouvoirs du débiteur sont déterminés en fonction de ceux confiés à l’administrateur judiciaire.
L’étendue de cette mission dépendant du degré de dessaisissement du débiteur, 3 situations sont envisageables :
– la mission de l’administrateur consiste à surveiller les actes du débiteur qui continue à assurer la gestion de son entreprise ;
– l’administrateur judiciaire assiste le débiteur pour tous les actes de gestion ou seulement certains d’entre eux ;
– il dispose des pleins pouvoirs et administre seul une partie de l’entreprise. Il remplace alors le débiteur qui se trouve entièrement dessaisi.
Il est détenu au respect des obligations légales et conventionnelles qui incombent au chef d’entreprise.
II – Les règles de gestion de l’entreprise
2 séries de règles :
– d’une part, la continuation des contrats en cours,
– d’autre part, l’interdiction de certains actes.
La gestion ne peut plus s’opérer dans le cadre d’une location-gérance désormais reléguée dans la procédure de liquidation judiciaire.
A / Le sort des contrats en cours.
Tout espoir de sauvegarde d’une entreprise en difficulté demeure vaine lorsque les partenaires contractuels refusent de poursuivent leurs prestations eu égard à la situation financière délicate de leur cocontractant. Aussi l’article L 622-13 Code de Commerce règle le sort des contrats en cours en mettant à la disposition de l’administrateur judiciaire un droit d’option de continuer ou non les contrats en cours.
1 ) La notion de contrat en cours.
Un contrat en cours s’entend d’un contrat conclu ce au jour du jugement d’ouverture mais qui n’est pas totalement exécuté ou dont les effets juridiques essentiels ne sont pas encore produits à ce moment-là.
Cela peut être aussi bien un contrat en cours d’exécution, qu’un contrat en cours d’existence, c’est-à-dire né à la vie juridique, antérieurement au jugement d’ouverture et dont l’existence n’a pas encore pris fin à la date de ce jugement.
En revanche, un contrat n’est plus en cours dès lors qu’il a été entièrement exécuté et par conséquent a épuisé ses effets. Ainsi, les contrats à exécution successive tel que le crédit-bail, le contrat de concession exclusive ou l’ouverture de crédits qui ne sont pas parvenus à terme ou ne sont pas résolus avant le jugement d’ouverture, constituent des contrats en cours.
Cependant, il arrive qu’un contrat à exécution instantanée n’ait pas produit tous ses effets avant l’ouverture de la procédure ; c’est le cas du contrat de vente dont le prix est payable par mensualités ou dont le transfert de propriété se trouve différé par le jeu d’une clause de réserve de propriété :
En ce sens, un contrat de vente en viager ne cesse pas d’être un contrat instantané par le simple fait que les parties ont convenu d’un échelonnement partiel du prix, le transfert de propriété ayant eu lieu le jour de la vente ; il ne constitue donc pas un contrat en cours.
S’agissant d’un contrat de prêt, il n’est pas un contrat en cours si les fonds ont été remis à l’emprunteur avant l’ouverture de la procédure collective ; c’est en effet la remise des fonds qui constituent la principale prestation. Il s’agit d’un contrat en cours dès lors que les fonds n’ont pas été intégralement remis à l’emprunteur avant le jugement d’ouverture.
La question s’était posée de savoir si les contrats conclus intuitu personae relevaient du domaine d’application de l’article L 622-13 ; la cour de cassation a considéré dans un arrêt de principe du 8 décembre 1987 que l’administrateur judiciaire à la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours lors du prononcé du redressement judiciaire sans que l’on puisse distinguer selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne.
Il s’ensuit que lorsqu’il le demande, l’administrateur judiciaire peut obtenir la continuation pendant la période d’observation des conventions de comptes courants, des conventions d’ouverture de crédit, de découvert ou d’autorisation d’escompte au jour du jugement d’ouverture sauf pour l’établissement financier à bénéficier des dispositions de l’article L 629-17 Code de Commerce et, s’il y a lieu, des dispositions de l’article L 313-12 al 2 CMF. Cette solution ne comporte aucune ambiguïté car la créance née de la continuation du contrat bénéficie du régime privilégié de l’article L 622-17 Code de Commerce. Par ailleurs, cet arrêt apporte quelques précisions relatives à l’application de l’article L 313-12 al 2 CMF. Ce texte autorise l’établissement de crédit à résilier sans préavis toute ouverture de crédit consentie à un client dont la situation s’avère irrémédiablement compromise.
2 ) L’exercice de l’option.
L’administrateur judiciaire doit choisir avec précaution les contrats qu’il décide de poursuivre. Son droit d’option n’est enfermé dans aucun délai ; le cocontractant a cependant la faculté de lui adresser une mise en demeure qui, si elle reste sans réponse pendant plus d’1 mois, a pour conséquence la résiliation de plein droit du contrat.
Néanmoins avant l’expiration de ce délai, le juge commissaire peut impartir à l’administrateur judiciaire un délai plus bref ou lui accorder une prolongation pour prendre partie sans que celle ci puisse excéder 2 mois.
3 ) Les conséquences de l’option.
Lorsque l’administrateur judiciaire opte pour la continuation du contrat, le cocontractant doit remplir ses obligations malgré l’inexécution du débiteur antérieurement au jugement d’ouverture. Il peut cependant obtenir des dommages et intérêts pour défaut d’exécution contractuelle dont il doit déclarer le montant au passif dans les délais légaux. Il se trouvera alors en situation de créancier privilégié car il bénéficiera des dispositions avantageuses de l’article L 622-17 Code de Commerce pour les créances nées de cette inexécution contractuelle postérieurement au jugement d’ouverture.
Néanmoins, si le contrat a été poursuivi conformément aux dispositions de l’article L 622-13 et se trouve résilié ultérieurement, les indemnités et pénalités ne bénéficient pas du 3e rang de l’article L 622-17, contrairement à la créance principale issue de la continuation du contrat sous réserve que le cocontractant ait consenti un délai de paiement.
Lorsque la prestation due par le débiteur attrait au paiement d’une somme d’argent, celui-ci doit se faire comptant. Néanmoins l’administrateur judiciaire peut demander au cocontractant des délais de paiement. À défaut de paiement ou d’accord de celui-ci, le contrat est résilié de plein droit, auquel cas le parquet, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le contrôleur peuvent saisir le tribunal en vue de mettre fin à la période d’observation.
Si en revanche, l’administrateur judiciaire décide expressément ou tacitement de ne pas continuer le contrat, une mise en demeure du cocontractant, adressée à l’administrateur judiciaire et restée sans réponse pendant 1 mois, entraîne la résiliation de plein droit du contrat. L’entreprise en difficulté devient alors redevable de dommages et intérêts à l’égard de son cocontractant qui devra les déclarer au passif de la procédure collective.
L’option prise par l’administrateur judiciaire ne peut être mise en échec pas une clause résolutoire.
Sa décision peut être déférée par le cocontractant au juge commissaire qui statue par voie d’ordonnance. Il en va de même lorsque le cocontractant refuse de continuer l’exécution du contrat ; l’appel contre les ordonnances du juge commissaire est porté devant le tribunal.
4 ) Les contrats dérogeant au régime de l’option.
L’article L 622-13 Code de Commerce, qui a une portée générale, ne supporte qu’une exception : les contrats de travail.
Dès lors que le second objectif des procédures collectives est le maintien des emplois, il apparaît logique que les contrats de travail soient continués de plein droit en période d’observation.
Parallèlement, certains contrats, bien que non exclus de l’article L 622-13, connaissent un régime particulier : le contrat d’assurance, contrat de bail et contrat de vente de marchandises en cours de livraison.
B / Les actes interdits ou contrôlés.
1 ) Les actes interdits.
L’article L 622-7 interdit le paiement de toute créance née avant le jugement d’ouverture. Le débiteur, pas plus que l’administrateur judiciaire, n’est autorisé à régler une semblable créance quelle soit chirographaire ou privilégiée, échue ou ait une échéance postérieure au jugement d’ouverture. En effet, un tel acte s’opposerait au principe d’égalité des créanciers et risquerait de nuire au redressement de l’entreprise.
Tout paiement qui contrevient à cette interdiction est sanctionné. Sur le plan civil, il est annulable à la demande de tout intéressé, exprimé dans le délai de 3 mois à compter du paiement ; sur le plan pénal, cet acte est puni d’une peine de 2 ans de prison + 30 000 €. Ces sanctions sont encourues aussi bien par la personne qui a effectué le paiement prohibé que par celle qui l’a reçu en connaissance de la situation du débiteur.
Cette interdiction de principe supporte 3 exceptions :
– le juge commissaire peut autoriser le paiement d’un créancier antérieur au jugement d’ouverture pour retirer une chose remise en gage ou légitimement retenue dès lors que ce retrait se justifie par la poursuite de l’activité ;
– s’il dispose des fonds, l’administrateur judiciaire à l’obligation sur ordonnance du juge de payer le super privilège des salariés dans les 10 jours du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde. Or ce super privilège couvre les créances antérieures au jugement d’ouverture ;
– cette interdiction ne fait pas obstacle au paiement par compensation des créances connexes. Cette disposition consacre la jurisprudence déjà en vigueur sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967 et reconduite sous celui de la loi du 25 janvier 1985.
La jurisprudence a admis qu’il existe un lien de connexité entre 2 dettes lorsqu’elles sont nées au cours d’un même contrat. Plus récemment, elle a reconnu l’existence d’un tel lien entre 2 dettes émanant de contrats distincts mais économiquement liés.
À ces trois exceptions, la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 en a ajouté 2 autres qui concernent le paiement des créances liées aux besoins de la vie courante du débiteur personne physique et des créances alimentaires.
2 ) Les actes contrôlés.
En période d’observation, certains actes graves subissent un contrôle étroit du juge commissaire. Ainsi les actes étrangers à la gestion courante de l’entreprise ne peuvent être accomplis par le chef d’entreprise ou l’administrateur judiciaire qu’après l’autorisation du juge commissaire.
De même, le juge commissaire peut autoriser certains organes à consentir une hypothèque ou un nantissement, à conclure un compromis ou une transaction.
Là encore, le maintien des emplois étend le second objectif du droit des entreprises en difficulté, les licenciements sont interdits en période d’observation de la procédure de sauvegarde.
Section 3 – La reconsidération de l’entreprise
À compter du jugement d’ouverture, des dispositions sont prises en vue de connaître la situation exacte de l’entreprise et de déterminer ses chances de redressement. Aussi est-il impératif d’évaluer le patrimoine de l’entreprise et de dresser un bilan économique et social de celle-ci afin d’élaborer un plan de sauvegarde ou de redressement.
Sous section 1 – La reconstitution de l’actif de l’entreprise soumise à un redressement judiciaire
La date de cessation des paiements peut être fixée au jour du jugement d’ouverture.
Dans la pratique, il est rare que ces deux dates coïncident. Un débiteur se sachant en cessation des paiements peut avoir accompli des actes préjudiciables à l’entreprise ou aux créanciers en favorisant certains d’entre eux au détriment des autres.
Cette atteinte au principe d’égalité peut être réparée par les actions en nullité de la période suspecte qui s’écoule entre la date de cessation des paiements et celle du jugement d’ouverture.
À l’examen de la gestion passée de l’entreprise, certains actes apparaissent manifestement inutiles ou contraires à certains créanciers. Ces actes sont nuls de plein droit.
En revanche, il n’est pas exclu que certains créanciers aient traité en toute bonne foi avec le débiteur, il serait alors injuste qu’ils subissent une telle sanction, ces actes ne sont donc exposés qu’à une nullité facultative qui ne devient effective qu’en présence de certaines conditions.
Les actions en nullité sont exercées par l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le commissaire d’exécution du plan, le liquidateur ou le ministère public. Elles visent à reconstituer l’actif du débiteur. Aussi les biens recueillis vont réintégrer le patrimoine de l’entreprise.
La décision d’annulation émane de la juridiction qui a prononcé le jugement d’ouverture du redressement judiciaire de l’entreprise.
I – Les nullités de droit
Elles sont prévues par l’article L 632-1 du Code de Commerce.
Les actes qu’elles concernent peuvent être regroupés en 3 catégories.
A / Les actes sans contrepartie.
Ces actes sont incontestablement suspects puisqu’ils appauvrissent le débiteur alors même qu’il ne fait pas face à ses engagements.
1 ) Les actes à titre gratuit translatif de propriété mobilière ou immobilière.
Le code de commerce vise ici toutes les donations portant sur des meubles ou des immeubles, déguisés ou non.
Une remise de dette se trouve ainsi exposée à la nullité dès lors qu’est établie la preuve de l’intention libérale. En conséquence, le bénéficiaire demeure tenu de restituer le bien reçu et éventuellement les fruits perçus si l’acte est annulé, quand bien même serait-il de bonne foi. Cette sanction est lourde de conséquences pour le sous-acquéreur en cas d’aliénation du bien reçu par le donataire ; il est également soumis à l’obligation de restituer le bien acquis même de bonne foi. En effet, l’acte initial étant annulé, le bénéficiaire de la donation n’a pu transmettre plus de droit qu’il n’en avait sur la chose et le sous-acquéreur n’a pu valablement acquérir celle-ci.
La principale difficulté réside dans la preuve de l’intention libérale lorsque la donation est déguisée sous l’apparence de certains actes notamment un cautionnement fourni sans contrepartie par le débiteur. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
Figure parmi les actes suspects, la constitution d’une dot au profit d’un enfant qui se marie, parce qu’elle constitue un acte à titre gratuit qui appauvrit le constituant et par conséquent contrarie l’intérêt de l’entreprise. Cependant, une prime d’assurance sur la vie contractée au profit d’un tiers bénéficiaire qui reçoit ainsi une libéralité constitue une dépense normale et non une donation sous réserve qu’elle ne soit pas manifestement exagérée par rapport aux facultés normales de l’assuré. En conséquence, le capital décès alloué au tiers bénéficiaire échappe aux créanciers de l’assuré.
2 ) Les contrats commutatifs déséquilibrés.
Le code de commerce signale tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notamment celles de l’autre partie.
Un contrat est dit commutatif quand chaque partie connaît dès sa conclusion l’importance des prestations réciproques tenues pour équivalentes.
La référence à la définition du terme « notable » implique que les obligations du débiteur soient manifestement excessives par rapport à celles qui pèsent sur l’autre partie. Il faut voir dans cette disposition une application particulière de la lésion au débiteur en cessation des paiements. Ainsi est nulle la vente faite par un débiteur à un prix très inférieur à la valeur réelle du bien au moment de la conclusion de l’acte.
Il appartient au tribunal d’apprécier l’importance du déséquilibre et donc de déterminer la valeur objective des prestations ou des biens.
B / Les paiements.
L’un des principaux intérêts des nullités de la période suspecte réside en ce qu’elles peuvent viser les paiements, lesquels ne peuvent jamais être remis en cause par l’action paulienne du droit civil.
Il ne faut pas perdre de vue que les actions en nullité de la période suspecte concernent des actes accomplis par le débiteur qui se trouve en état de cessation des paiements. Il est donc normal que les paiements effectués par ce débiteur puissent être annulés dans la mesure où ils confèrent aux créanciers qui en bénéficient un avantage exorbitant préjudiciable aux autres créanciers.
Le principe d’égalité des créanciers exige que de tels actes soient frappés de nullité.
1 ) Le paiement pour dettes non échues.
Il convient de s’interroger sur les motifs du débiteur qui, confronté à des difficultés financières, paie par anticipation un créancier. Cette hâte est suspecte, d’autant plus qu’elle avantage anormalement ce créancier en le réglant avant l’échéance, alors qu’il n’était pas encore fondé à réclamer le paiement.
Aussi tous ces paiements sont sanctionnés par la nullité de droit.
Néanmoins, échappe à cette nullité, le paiement d’effets de commerce ou des chèques émis pour une dette non échue.
2 ) Le paiement pour dettes échues par des procédés anormaux.
La souplesse des relations commerciales commande de ne pas frapper de nullité tous les paiements de dettes échues, réalisés en période suspecte sauf à établir la mauvaise foi du bénéficiaire et par conséquent de sanctionner l’acte litigieux par une nullité relative.
Le code de commerce vise uniquement les paiements des dettes échues par des procédés anormaux. Il considère comme procédés normaux les paiements effectués en espèce, les effets de commerce, les virements, les bordereaux de cession de créance (Dailly) et tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaire.
Aussi, revient-il au juge de déterminer, d’une part, si les parties sont en relations d’affaire, d’autre part, si le mode de paiement est communément utilisé dans les relations d’affaire considérées. En effet, ce qui est valable dans tel secteur d’activité, ne l’est pas nécessairement dans tel autre.
Parmi les procédés jugés normaux, il faut comprendre également, la compensation légale ou conventionnelle dès lors qu’existe un lien de connexité entre les 2 dettes. Cela signifie que ces dettes doivent provenir d’un même contrat à moins d’établir que la convention est intervenue après la cessation des paiements, laissant entendre une intention frauduleuse de la part des parties destinée à favoriser les créanciers bénéficiaires aux dépens des autres créanciers.
Certains modes de paiements sont considérés comme anormaux en droit des entreprises en difficulté car ils rompent l’égalité entre les créanciers en réduisant par avance l’actif du débiteur ; il s’agit en particulier des cessions de créance autre que les créances professionnelles à un établissement bancaire ou de crédit qui soutient financièrement l’entreprise cédante. Est considéré également comme anormale la dation en paiement par laquelle le débiteur fourni à son créancier qui accepte de le recevoir, une prestation différente de celle prévue, tel que le transfert de propriété d’un bien meuble ou immeuble. Est en principe nul de plein droit le paiement par délégation grâce auquel le débiteur charge un de ses propres débiteurs de payer son créancier.
C / Les garanties.
Le créancier initialement chirographaire qui parvient ensuite durant la période suspecte à obtenir une garantie sur un actif de son débiteur échappe anormalement à la loi de l’égalité.
À propos des garanties ainsi acquises, l’article L 632-1 Code de Commerce considère comme nul de plein droit tout dépôt ou toute consignation de sommes d’argent effectué en vertu de l’article 2115-1 cciv en l’absence d’une décision de justice ayant acquis autorité de la chose jugée. Le code de commerce en fait de même pour toute hypothèque conventionnelle, judiciaire, ainsi que l’hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement constitué sur les biens du débiteur pour des dettes antérieurement contractées. Une sûreté est en principe consentie conjointement à l’opération génératrice de la créance ; elle devient suspecte lorsqu’elle est constituée postérieurement à la dette garantie. De deux choses l’une, soit le créancier négligent, redoutant une dégradation de la situation de son débiteur, revendique après coup une garantie en paiement de son dû, ou bien le débiteur désireux de calmer l’impatience de ses créanciers impayés leurs propose une sûreté afin qu’ils s’abstiennent d’introduire une action en paiement qui constaterait sa défaillance. Dans ce dernier cas, l’acte qui a pour seul objet l’ouverture d’une procédure collective crée une inégalité entre les créanciers en réduisant leur gage futur.
Le code de commerce rend également nulle toute mesure conservatoire sous réserve que l’inscription ou l’acte de saisie ne soit pas antérieur à la date de cessation des paiements. Par conséquent, est nulle la saisie conservatoire de créance pratiquée en période suspecte alors que cette saisie a été convertie en saisie attribution avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.
II – Les nullités facultatives
A / Le régime général de la nullité.
À l’inverse des nullités de droit qui s’appliquent lorsqu’il existe les conditions nécessaires, à savoir l’accomplissement de l’acte en période suspecte et son insertion dans la nomenclature de l’article L 632-1 Code de Commerce, les nullités facultatives peuvent ne pas être prononcées alors même que les conditions sont remplies.
1 ) Les conditions de la nullité.
– 1e condition : article L 632-2 Code de Commerce : réside dans la connaissance de la cessation des paiements par le cocontractant du débiteur qui de ce fait est de mauvaise foi. Néanmoins, l’intention frauduleuse n’est pas exigée.
– 2e condition : elle découle des principes généraux du droit et implique un préjudice en vertu de l’adage « pas d’intérêt, pas d’action ». En effet, les personnes habilitées à agir en nullité c’est-à-dire l’administrateur, le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le commissaire à l’exécution du plan, doivent justifier d’un préjudice causé aux personnes qu’elles représentent (soit l’entreprise, soit les créanciers).
2 ) Les actes visés.
a ) Les actes annulables sous condition : l’article L 632-2 Code de Commerce indique les actes susceptibles d’annulation si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissances de la cessation des paiements.
Il y a d’une part, les paiements pour dettes échues intervenus en période suspecte. L’article L 632-2 permet ici d’attaquer des paiements faits par un procédé normal tandis que l’article L 632-1 s’en tient aux paiements réalisés par des procédés anormaux.
Il y a d’autre part, les actes à titre onéreux accomplis en période suspecte. Leur nullité vise à réintégrer dans le patrimoine de l’entreprise les biens ou sommes d’argent ainsi dispersés.
A ces 2 actes, la loi du 26 juillet 2005 ajoute, tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition, lorsqu’il a été délivré ou pratiqué par un créancier après la cessation des paiements et en connaissance de celle-ci.
Ces cas des nullités facultatives sont justifiés par la volonté d’assurer l’égalité des créanciers.
La connaissance de la cessation des paiements justifie que le cocontractant du débiteur ne bénéficie d’aucune protection particulière et que puisse être annulés même les paiements effectués à l’échéance prévue et par un mode normal.
La preuve de cette connaissance peut être rapportée par tout moyen. Elle se trouve facilitée par l’existence de relations d’affaires entre les parties à l’acte ou ceux qui ont reçu les paiements.
b ) Les actes annulables sans condition : l’article L 632-1 qui traite en principe uniquement des nullités de droit énonce pourtant une nullité facultative. Au regard de ce texte, le tribunal peut annuler les actes à titre gratuit accomplis dans les 6 mois précédant la date de cessation des paiements. Il dispose ici d’un pouvoir d’appréciation contrairement aux actes effectués pendant la période suspecte proprement dite.
B / Les cas particuliers.
L’article L 632-3 Code de Commerce exclut du régime des nullités les chèques et les effets de commerce c’est-à-dire les lettres de change et les billets à ordre. Ainsi, le paiement effectué au profit du porteur de l’un de ces effets échappe aussi bien aux nullités des droits qu’aux nullités facultatives. N’est donc pas remis en cause, le paiement fait par le débiteur en cessation des paiements au porteur de l’effet, notamment le banquier escompteur. Cette exception résulte des règles du droit cambiaire qui sont imprégnées de l’idée de sécurité.
Ce texte apporte cependant une dérogation ; l’administrateur ou le mandataire judiciaire peut exercer une action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cadre du tirage pour compte, contre le donneur d’ordre ainsi que contre le bénéficiaire d’un chèque s’il est établi qu’ils ont eu connaissances de la cessation des paiements. En conséquence, celui qui aura tiré avantage de la mise en circulation du titre bancaire ou cambiaire après la cessation des paiements et aura eu connaissance de celle-ci pourra être tenu de restituer les sommes ainsi perçues. On parvient alors à un résultat identique à celui qu’aurait produit la nullité.
Sous section 2 – La détermination de l’actif de l’entreprise soumise à toute procédure collective
L’actif du débiteur constitue normalement le gage des créanciers présents et futurs. Cet actif initial peut toutefois s’amenuiser par l’effet des actions en revendication mise en oeuvre par certains créanciers. Afin d’arrêter à une certaine date l’évaluation des biens possédés par le débiteur, la revendication ne peut être exercée que dans le délai de 3 mois suivant la publication au BODACC du jugement ouvrant la procédure collective.
Le bien qui ne fait l’objet d’aucune demande en restitution peut être vendu à l’expiration du délai d’un mois après la mise en demeure adressée au propriétaire. Le prix de vente est alors consigné à la caisse des dépôts et consignations par l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le liquidateur et est tenu à la disposition des créanciers.
Après la clôture de la procédure, le montant ainsi consigné est restitué au créancier ou à ses ayants droits sur ordonnance du président.
On peut distinguer 3 hypothèses…
I – La revendication des biens dont le débiteur est possesseur
La prise de position des biens par le débiteur peut altérer notablement les droits et actions du créancier vendeur ou dépossédé, qui se trouve alors ramené au rang de créancier chirographaire. Le créancier dispose cependant d’un droit de revendication.
A / La résolution du contrat de vente.
1 ) Avant le jugement d’ouverture.
Le créancier vendeur peut exercer son droit de revendication dès lors que la résolution du contrat de vente est prononcée antérieurement au jugement d’ouverture, soit par une décision de justice, soit par le jeu d’une condition résolutoire.
Les biens devront toutefois se retrouver en nature chez le débiteur ; cela signifie que le vendeur d’objets destinés à être transformés ou de marchandises difficilement individualisables, ne pourra pas les revendiquer.
2 ) Après le jugement d’ouverture.
Les actions en justice sont en principe suspendues à l’encontre du débiteur dès le jugement d’ouverture de la procédure collective.
Certaines actions peuvent toutefois se poursuivre à condition qu’elles ne visent pas à condamner le débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à prononcer la résolution des contrats pour défaut de paiement d’une somme d’argent. C’est pourquoi l’article L 624-12 al 2 Code de Commerce admet la revendication bien que la résolution de la vente ait été prononcée postérieurement au jugement d’ouverture ; encore faut-il que l’action intentée par le vendeur avant ce jugement soit fondée sur une autre cause que le défaut de paiement du prix. Dans cette hypothèse, le délai pour exercer la revendication court à partir de la résolution du contrat ou du terme du contrat.
B / La consignation des marchandises.
Certaines marchandises peuvent être consignées chez le débiteur, soit à titre de dépôt, soit pour être vendues pour le compte du propriétaire. Le débiteur n’est alors qu’un détenteur précaire et le véritable propriétaire peut faire valoir ses droits si les marchandises se retrouvent en nature.
C / La revendication des titres.
Elle est prévue par l’article L 624-15 Code de Commerce aux termes duquel peuvent être revendiqués s’ils se trouvent encore dans le portefeuille du débiteur, les effets de commerce ou les autres titres non payés remis par le propriétaire pour être recouvrés ou spécialement affectés à des paiements déterminés.
D / La clause de réserve de propriété.
La mise en oeuvre d’une telle clause peut restreindre le risque pour le vendeur impayé de ne pas récupérer ses biens.
En effet, le transfert de propriété est subordonné au paiement intégral du prix, ce qui donne la possibilité au vendeur d’exercer son droit de revendication sous certaines conditions.
Cette clause peut cependant être mise en échec dans certaines hypothèses.
1 ) La mise en oeuvre de la clause de réserve de propriété.
a ) Les conditions de validité et d’opposabilité de la clause : l’une des conditions de validité de cette clause réside dans sa mention dans un écrit établi au plus tard au moment de la livraison. Elle peut par conséquent être stipulée après la conclusion du contrat tant que les marchandises n’ont pas été livrées. Cette disposition est inscrite dans l’article L 624-16 al 2 Code de Commerce selon lequel ladite clause peut figurer dans un écrit régissant un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties. Une telle clause inscrite dans un contrat cadre et acceptée sans équivoque par les parties est donc valable.
Pour produire ses effets et permettre au vendeur de revendiquer les marchandises, ce texte exige qu’au moment de l’ouverture de la procédure, elle se trouve en nature dans le patrimoine du débiteur, que celui-ci les détienne lui-même ou que ces marchandises soient détenues par un tiers pour le compte du débiteur. La preuve de l’identité des marchandises ou des biens qui donnent lieu à revendication est donc indispensable.
Afin de déterminer la teneur des biens du débiteur et permettre une éventuelle identification, le code de commerce émet l’obligation de faire l’inventaire des biens de l’entreprise dès l’ouverture de la procédure collective.
Pour sa part, la jurisprudence soumet la revendication à l’exigence que les biens soient identifiables c’est-à-dire qu’il n’ait été ni transformés, ni modifiés, ni incorporés par l’acquéreur. La revendication demeure cependant possible quand les marchandises ont été intégrées à un autre bien et que leur reprise ne nécessite qu’un simple démontage ou que la marchandise, bien incorporée à d’autres, reste identifiable, dissociable de l’ensemble auquel elle a été intégrée.
L’article L 624-16 consacre cette solution jurisprudentielle dès lors que la récupération peut être effectuée sans dommage pour les biens eux-mêmes et celui dans lequel ils sont incorporés. Ce texte dispose également que la revendication en nature peut porter sur des biens fongibles s’ils se trouvent entre les mains de l’acheteur des biens de même espèce et qualité. La fongibilité des biens revendiqués relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
b ) Les conditions d’exercice de la revendication : la demande en revendication ou en restitution d’un bien s’effectue auprès de l’administrateur ou à défaut du mandataire judiciaire par lettre recommandée avec AR dans le délai de 3 mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective.
L’administrateur ou le débiteur, après accord du mandataire judiciaire, acquiesce à la demande. À défaut d’accord ou à la suite d’une contestation, la demande est portée devant le juge commissaire qui statue sur le sort du contrat aux vues des observations des créanciers, du débiteur et du mandataire de justice.
La revendication ou la restitution doit en principe être faite par le vendeur initial. Elle peut également intervenir au profit de l’entrepreneur qui a réalisé l’ouvrage dans le cadre d’un contrat d’entreprise incluant la vente de fournitures.
De plus, la cour de cassation, admettant que la clause de réserve de propriété, assimilée à une sûreté réelle, est un accessoire de la créance, conçoit qu’une autre personne puisse s’en prévaloir sans qu’il y ait donc lieu de distinguer selon que la demande provient du vendeur lui-même ou d’un tiers subrogé dans ses droits.
La cour de cassation a également décidé que le bénéfice de la clause est transmis de plein droit au porteur de la lettre de change qui acquiert la propriété de la provision et de ses accessoires.
La revendication est privée de tout fondement lorsque le prix est immédiatement payé. Cependant, le juge commissaire peut, avec le consentement du créancier requérant, octroyer un délai de règlement auquel cas le paiement du prix est assimilé à celui d’une créance née régulièrement après le jugement d’ouverture.
c ) Les effets de la clause : la réunion des conditions légales rend le vendeur, bénéficiaire de la clause, apte, comme tout propriétaire, à revendiquer et récupérer le bien qui échappe donc à l’actif saisissable de l’entreprise.
La restitution de ce bien vaut paiement en nature du prix de la vente à concurrence de la valeur du bien repris.
Au cas où cette valeur ne couvrirait pas la totalité de la créance du vendeur, ce dernier conserverait la faculté de produire au passif de la procédure pour ce qui lui reste dû.
Si l’administrateur décide, conformément à l’article L 622-13 Code de Commerce, de continuer la vente, le prix du bien doit être immédiatement versé au vendeur.
2 ) La mise en échec de la clause de réserve de propriété.
Certaines conditions liées à la validité de la clause de réserve de propriété peuvent en empêcher l’exercice. En effet, les marchandises revendiquées doivent se retrouver en nature chez le débiteur, mais en cas de revente des biens couverts par la clause, le vendeur initial ne peut plus se prévaloir de cette clause ; l’acquéreur de bonne foi se trouve alors protégé par l’article 2279 cciv « en fait de meuble, possession vaut titre » et n’a donc pas à restituer les marchandises au vendeur initial qui peut toutefois lui en réclamer le prix si celui ci n’a pas été versé au débiteur. La revendication ne peut non plus être exercée en cas d’impossibilité d’individualisation des marchandises.
Enfin, le vendeur réserviste peut se trouver en conflit avec un créancier gagiste entré en possession des marchandises de bonne foi. Ce dernier tirant profit de l’article 2279 cciv l’emporte alors sur le vendeur initial.
II – La revendication des biens dont le débiteur n’a pas la possession –
La prise de possession fait obstacle à toute revendication au profit du vendeur. L’article L 624-13 n’autorise la revendication des marchandises qu’à condition que la tradition des marchandises, expédiées au débiteur, n’ait pas été effectuée dans ses magasins ou dans ceux d’un commissaire chargé de les vendre pour son compte. Le vendeur peut donc se prévaloir de certains droits aussi longtemps que les marchandises ne sont pas expédiées ou arrivées.
A / L’exercice du droit de revendication.
Dans la vente au comptant, le vendeur qui se trouve encore en possession des marchandises vendues peut exercer un droit de rétention en vue d’en obtenir le paiement. Peu importe que le droit de propriété ait été ou non transféré car le droit de rétention repose sur la possession.
2 possibilités :
– soit le bien vendu est nécessaire à la poursuite de l’exploitation : l’administrateur peut, à l’appui de l’article L 622-13, exiger la livraison des marchandises à condition de payer le prix au comptant sauf à obtenir l’acceptation de délais de paiement de la part du cocontractant du débiteur. L’administrateur doit donc s’assurer, au moment où il revend l’exploitation, qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet.
– soit l’administrateur ne peut pas payer et le cocontractant refuse de poursuive les relations contractuelles. Le contrat est alors résilié de plein droit et le parquet, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou un contrôleur, peuvent saisir le tribunal en vue de mettre fin à la période d’observation.
B / L’exercice du droit de revendication.
Le vendeur peut revendiquer les biens tant qu’ils ne sont pas parvenus au magasin du débiteur ou de ceux du commissaire chargé de les vendre pour son compte.
L’action en revendication peut être neutralisée en cas de revente des marchandises.
1 ) L’arrêt des marchandises en cours de revente.
Pendant la durée du transport, le vendeur peut revendiquer les marchandises jusqu’à leur prise de possession par l’acquéreur. Quand bien même elles se trouveraient entre les mains d’un transporteur indépendant, celui-ci se voit contraint de suspendre leur livraison sur le commandement du vendeur.
Cependant, l’article L 624-12 al 2 déclare la revendication irrecevable si les marchandises ont été revendues sans fraude sur facture ou titre de transport régulier.
2 ) La revendication du prix en cas de revente des marchandises.
Il est fréquent que le débiteur acquéreur ne possède plus les marchandises bien qu’il les ait achetées à un vendeur titulaire d’une clause de réserve de propriété. Dans ce cas, la dépossession devrait bloquer l’action en revendication, le créancier vendeur se heurtant aux dispositions de l’article 2279 cciv invoqués par le tiers acquéreur de bonne foi.
La rigueur de cette solution est atténuée par les prescriptions de l’article L 624-18 Code de Commerce qui permettent au vendeur impayé de revendiquer le prix, la partie du prix, du bien qui n’a pas été payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant à la date du jugement d’ouverture.
À ce sujet, la cour de cassation, mettant fin à une controverse doctrinale, considère que le droit de revendication sur la créance du prix de revente appartient au débiteur d’origine malgré la cession de créance à un banquier ; si ce dernier s’est acquitté de son paiement, toute action en revendication est éteinte.
III – Les droits du conjoint du débiteur
Ces droits doivent être examinés avec d’autant plus d’acuité que la procédure collective touche une entreprise individuelle.
Pendant longtemps, le conjoint a subi le même sort que son époux, commerçant ou artisan, mis en faillite.
Sa situation s’est sensiblement améliorée au fil du temps ; on peut craindre malgré tout que l’époux débiteur transfert des biens dans le patrimoine de son conjoint en vue de les soustraire aux poursuites de ses créanciers. C’est sur le fondement de cette présomption de fraude que certains actes accomplis par eux peuvent être remis en cause.
Le conjoint peut cependant apporter la preuve de ses droits afin d’éviter que ses biens personnels soient saisis par les créanciers de son époux.
De plus, aucune décision autorisant la vente d’un bien commun ou indivis ne peut intervenir sans que le conjoint du débiteur ait été entendu ou dûment convoqué y compris en cas de dissolution de la communauté en cours de procédure.
A / La reprise des biens personnels par le conjoint.
1 ) La preuve du caractère propre des biens.
Quel que soit le régime matrimonial, le conjoint dispose en principe librement de ses biens personnels. Cependant, en cas de procédure de sauvegarde de son époux débiteur, il n’est admis à les reprendre que s’il en établit la consistance.
Les régimes matrimoniaux distinguent 3 catégories de biens (propres du mari, propres de la femme et biens communs).
Le conjoint est fondé à exercer son droit de reprise dès lors qu’il apporte la preuve que les biens revendiqués ne sont ni communs, ni propres à son époux débiteur.
Sous le régime de la communauté, le juge retient souvent l’impossibilité morale d’apporter la preuve requise. Aussi écarte-t-il fréquemment les règles de la preuve préconstituée généralement exigée au profit d’autres modes de preuve tels que les écrits, témoignages ou présomptions.
Sous le régime de la séparation des biens, la preuve du caractère propre des biens peut résulter de tout moyen.
2 ) La disparition de la présomption de fraude.
L’ancien droit de procédure collective se montrait très sévère à l’égard du conjoint du commerçant car il présumait ses biens acquis pendant le mariage de l’avoir été avec des deniers provenant de l’activité commerciale.
Cette présomption présentait l’intérêt d’éviter que l’époux commerçant puisse diminuer le gage de ses créanciers en acquérant des biens au nom de son conjoint par l’effet de son commerce. Les biens visés devaient alors retrouver leur place dans l’actif de la faillite, sauf pour le conjoint à établir la preuve contraire.
La loi du 13 juillet 1967 ainsi que la loi du 25 janvier 1985 ainsi que la loi du 26 juillet 2005 ont amélioré la situation du conjoint en supprimant cette présomption.
Malgré tout, la tentation demeure grande pour le commerçant de dissimuler certains biens et les mettre ainsi à l’abri des risques de son activité. Cela justifie la possibilité de démontrer l’existence de la soustraction frauduleuse de ces biens. C’est au mandataire judiciaire ou à l’administrateur judiciaire, qui invoque la réinsertion dans l’actif de la procédure collective des acquisitions du conjoint, de prouver par tout moyen qu’elles ont été effectuées à l’aide des valeurs fournies par l’époux débiteur.
B / La révocation des libéralités et avantages matrimoniaux.
La suspicion du législateur l’a conduit à adopter des mesures drastiques à l’égard du débiteur, tenté de soustraire à l’action des créanciers des biens en les faisant passer, en cours de mariage, sur la tête de son conjoint.
L’article L 624-8 Code de Commerce dispose que le conjoint du débiteur, qui était commerçant ou immatriculé au registre des métiers ou agriculteurs ou exerçant toute autre activité professionnelle indépendante lors de son mariage ou l’est devenu dans l’année de celui-ci, ne peut exercer, dans la procédure de sauvegarde, aucune action en raison des avantages faits par l’un des époux à l’autre dans le contrat de mariage ou pendant le mariage.
Le conjoint du débiteur ne jouit donc pas de la faculté de revendiquer les biens qui lui ont été offerts par son époux ou qui lui ont été dévolus au titre d’un avantage matrimonial.
Seuls les biens personnels du conjoint tels que les cadeaux et primes d’assurance-vie n’excédant pas les facultés normales de l’assuré vont échapper à un retour dans l’actif du débiteur.
Les créanciers ne peuvent se prévaloir des avantages faits par l’un des époux à l’autre.
Section 4 – Le bilan économique et social et le projet de plan de sauvegarde ou de redressement de l’entreprise
Avant d’envisager un traitement destiné à sauvegarder ou redresser l’entreprise, il faut connaître la situation de celle-ci le plus rapidement et le plus exactement possible. C’est l’objectif du bilan économique et social qui va permettre d’élaborer le projet de plan de sauvegarde ou de redressement de l’entreprise en difficulté.
Dans ce domaine, le débiteur, les institutions représentatives du personnel et le mandataire judiciaire sont informés et consultés sur le rapport présentant le bilan économique et social et sur le projet de plan qui leur est communiqué par l’administrateur judiciaire.
Ce rapport est simultanément adressé à l’autorité administrative compétente en matière de droits du travail. Celle-ci ainsi que le tribunal reçoivent également le procès-verbal de la réunion à l’ordre de laquelle a été inscrite la consultation des représentants du personnel.
Le ministère public reçoit communication du rapport.
I – Le bilan économique et social
A / L’élaboration du bilan par l’administrateur judiciaire.
1 ) Les modalités d’élaboration du bilan.
L’administrateur judiciaire, avec le concours du débiteur et l’assistance éventuelle d’un ou plusieurs experts, est chargé de dresser, dans un rapport, le bilan économique et social de l’entreprise.
Ce bilan comporte un double aspect :
– l’analyse économique de l’entreprise vise, outre à dresser un rapport d’état sur la situation d’actif et de passif, à prendre en considération l’environnement économique de l’entreprise.
À cet égard, le texte applicable précise que dans le cas où l’entreprise exploite une ou des installations classées (au sens du titre 1 livre 5 du code de l’environnement), le bilan économique et social est complété par un bilan environnemental que l’administrateur judiciaire fait réaliser dans les conditions prescrites par décret ;
– l’analyse sociale a pour but de déterminer le climat social de l’entreprise, le nombre de salariés, la rentabilité des postes, le montant des salaires dus…. Ce bilan peut également déceler l’origine, l’importance et la nature des difficultés auxquelles l’entreprise est confrontée.
L’évaluation de cette importance se fait non seulement en ce qui concerne l’ampleur mais aussi la durée des difficultés. Si la situation est inextricable, il convient de proposer l’ouverture d’une procédure de redressement voire de liquidation judiciaire tandis que dans l’hypothèse inverse la sauvegarde peut-être envisagée.
2 ) Les moyens mis en oeuvre pour l’élaboration du plan.
L’exigence de transmission de l’information entre les différents intervenants paraît plus cruciale au cours de l’élaboration du bilan économique et social puisque le sort de l’entreprise en dépend. C’est en effet aux vues de ce bilan que l’administrateur judiciaire proposera un plan de sauvegarde ou de redressement.
En dehors de la consultation du débiteur, l’administrateur judiciaire peut tirer profit de tout renseignement et documents utiles à l’accomplissement de sa mission et de celle des experts qu’il reçoit du juge commissaire qui n’est donc pas lié par le secret professionnel qui s’impose à certaines professions.
Par ailleurs, le juge commissaire dispose d’un large pouvoir d’investigation puisqu’il peut obtenir des renseignements auprès des commissaires aux comptes, experts-comptables, institutions représentatives du personnel, administrations et organismes publiques, organisme de prévoyance et de sécurité sociale, établissements de crédit et de services ; tous ces renseignements vont lui permettre d’avoir une connaissance plus précise de la situation économique, financière, sociale et patrimoniale de l’entreprise.
B / L’élaboration du bilan par le débiteur.
En l’absence d’administrateur judiciaire, le débiteur établit pendant la période d’observation un projet de plan avec l’assistance éventuelle d’un expert nommé par le tribunal.
Le débiteur communique au mandataire judiciaire et au juge commissaire des propositions de règlement du passif. En outre, il procède aux mêmes informations et consultations que l’administrateur judiciaire.
II – Le projet de plan de sauvegarde ou de redressement
Le contenu du projet de plan doit répondre aux objectifs visés par l’article L 620-1 Code de Commerce dans le cadre de la nouvelle procédure de sauvegarde destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise en vue de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
A / L’aspect économique du projet de plan.
Ce projet détermine les perspectives de sauvegarde ou de redressement au regard des possibilités et des modalités de l’activité, de l’état du marché et des moyens de financement disponibles. Il tient compte des travaux recensés par le bilan environnemental ; de plus, il recense, annexe et analyse les offres d’acquisition sur une ou plusieurs activités présentées par des tiers. Enfin, il indique le ou les activités, dont sont proposés l’arrêt ou l’injonction.
Quand le débiteur est une société, hormis l’éviction des dirigeants dont la présence ou l’influence néfaste pourrait entraver la survie de l’entreprise sociétaire, le rétablissement de l’entreprise implique nécessairement un assainissement de sa situation financière. D’où, par conséquent, une augmentation de capital ou tout au moins une reconstitution de ses capitaux propres à concurrence du montant proposé par l’administrateur judiciaire qui ne peut être inférieur à la moitié du capital social.
En cas d’adoption du plan, les associés ou actionnaires sont tenus de libérer le capital qu’ils souscrivent dans le délai fixé par le tribunal.
L’administrateur judiciaire, qui envisage de proposer au tribunal un plan de sauvegarde ou de redressement, prévoyant une modification du capital, doit préalablement demander au comité d’administration, au directoire ou au gérant de convoquer l’assemblée générale extraordinaire ou l’assemblée des associés. Il peut, si nécessaire, convoquer lui-même l’assemblée.
En l’absence d’administrateur judiciaire, l’assemblée est convoquée à la demande du juge commissaire qui fixe le montant de l’augmentation du capital.
L’assemblée compétente peut également décider la diminution ou l’augmentation du capital en faveur d’une ou plusieurs personnes qui s’engagent à exécuter le plan.
Les engagements pris par les associés, actionnaires ou nouveaux souscripteurs sont subordonnés dans leur exécution à l’acceptation du plan par le tribunal.
B / L’aspect social du projet de plan.
Le projet expose et justifie les perspectives d’emploi ainsi que les mesures sociales envisagées pour la continuation de l’activité. S’il prévoit des licenciements économiques, il récapitule les dispositions déjà prises et détermine les activités à venir en vue du reclassement et de l’indemnisation des salariés dont l’emploi est menacé.
Les licenciements sont en principe interdits en période d’observation compte tenu de l’objectif poursuivi du maintien de l’emploi. Cependant, cette question se pose de manière plus pressante au stade du projet de plan du fait que la sauvegarde ou le redressement de l’entreprise impose parfois des cessations partielles d’activité entraînant des licenciements.
C / L’aspect financier du projet de plan.
Le projet de plan définit les modalités de règlement du passif et les garanties éventuelles que le chef d’entreprise doit souscrire pour en assurer l’exécution.
Les créanciers sont alors sollicités pour accorder des délais de paiement et des remises de dette. Ils sont consultés par l’intermédiaire du mandataire judiciaire sur ces délais et remises inscrits dans le projet de plan.
Les propositions pour le règlement des dettes sont communiquées au fur et à mesure de leur élaboration par l’administrateur judiciaire au mandataire judiciaire, au contrôleur et au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel sous la surveillance du juge commissaire.
Le mandataire judiciaire est chargé de recueillir l’accord individuel ou collectif des créanciers qui ont déclaré leur créance sur les délais et remises qui leur sont proposés. Il informe ensuite l’administrateur judiciaire des réponses au fur et à mesure qu’elles lui parviennent.
En cas de consultation par écrit, le défaut de réponse dans le délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire vaut acceptation de la part des créanciers défaillants.
À l’issue des différentes consultations, ce mandataire judiciaire dresse un état des réponses faites par les créanciers qu’il adresse ensuite au débiteur, au contrôleur et à l’administrateur judiciaire en vue de l’établissement de son rapport.
Chapitre 2 – La situation des créanciers
À titre individuel, les créanciers disposent de prérogatives non négligeables notamment celle de demander l’ouverture d’une procédure collective (sauf la sauvegarde), celle de faire appel de la décision rendue ou celle de demander le remplacement de leur représentant et d’intervenir dans la désignation du liquidateur.
En revanche, sur le plan collectif, ils perdent toute influence sur le sort de l’entreprise qui leur échappe complètement.
Le législateur a quelque peu amélioré leur situation en modifiant les modalités de déclaration des créances, en restaurant les droits des créanciers titulaires de sûretés dans le contexte d’une liquidation judiciaire, en associant les créanciers au déroulement de la procédure par l’intermédiaire des contrôleurs dont la présence semble obligatoire et dont le rôle s’avère désormais accru.
Comme auparavant les créanciers sont répartis en 2 catégories ; ceux antérieurs au jugement d’ouverture et ceux postérieurs à ce jugement. Tandis que les 1ers occupent une place peu enviable, les 2nd sont traités avec plus de considération. Cette disparité s’explique aisément. La sauvegarde ou le redressement de l’entreprise se traduit nécessairement par la poursuite de son activité, aussi, afin d’inciter des partenaires anciens et nouveaux à contracter avec l’entreprise défaillante, ils bénéficient d’un régime privilégié.
Section 1 – Les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture
Il faut entendre par créanciers antérieurs, ceux dont la créance est née avant le jugement d’ouverture de la procédure collective indépendamment de son exigibilité qui peut être postérieure à ce jugement. On prend donc en considération la date de naissance de la créance et non sa date d’exigibilité.
Les créanciers antérieurs sont sacrifiés sur l’autel des entreprises en difficulté puisqu’ils subissent une forte restriction de leurs prérogatives et un accroissement de leurs obligations.
Néanmoins, au régime auparavant applicable en la matière, la loi de sauvegarde des entreprises a apporté des aménagements et des améliorations.
I – L’accroissement des obligations –
A / L’obligation de déclarer les créances.
1 ) Les créanciers soumis à l’obligation de déclaration.
a ) Le principe : l’obligation de déclaration des créances incombe à tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture. Leur situation diffère de celle des créanciers postérieurs dont le régime de faveur les dispense de cette formalité.
Toutefois, la seule déclaration ne leur confère pas le droit de participer ultérieurement aux diverses modalités d’apurement du passif. En effet, les créances déclarées sont soumises à la procédure de vérification avant d’être admises ou rejetées.
La loi de 2005 assimile aux créanciers antérieurs au sens strict et assujettis à l’obligation de déclaration, les créanciers autres que les créanciers postérieurs, définis par l’article L 622-17 et ceux titulaires de créances alimentaires nées régulièrement après le jugement d’ouverture.
Les créanciers concernés doivent effectuer la déclaration auprès du mandataire judiciaire ; il s’agit de tous les créanciers sans distinguer entre les privilégiés et chirographaires.
La déclaration des créances doit être faite, quand même ne serait-elle pas établie par un titre. Ainsi une créance contestée doit être déclarée afin d’appréhender le plus largement possible l’étendue du passif.
Les créances du trésor public et des organismes de sécurité sociale doivent être déclarées. Elles sont admises à titre provisionnel si elles n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de la déclaration.
La déclaration peut émaner du créancier lui-même ou de tout préposé ou mandataire de son choix.
b ) Les exceptions : il existe 2 exceptions :
– la première concerne les salariés qui bénéficient d’un régime de faveur et ne sont pas astreints à déclarer leur créance.
En revanche, l’assurance garantie des salaires (l’AGS) doit déclarer les sommes qu’elle a avancées et qui lui seront remboursées dans les conditions prévues pour les créances nées antérieurement au jugement ouvrant la procédure.
– la seconde intéresse les obligataires de la masse dont les représentants doivent s’acquitter de l’obligation de déclaration à leur place. L’emprunt obligataire est en effet considéré comme une créance unique qui, à ce titre, doit être déclarée globalement, ce qui évite les déclarations des obligataires pris individuellement.
2 ) Le montant de la déclaration.
En présence d’un débiteur unique, le créancier déclare le principal de sa créance éventuellement augmenté des dettes échues au jour du jugement d’ouverture. Si la créance n’est pas entièrement échue, la déclaration doit indiquer les sommes à échoir et leur date d’échéance ; elle précise également la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.
Le créancier a fréquemment plusieurs co-débiteurs solidaires, appelés co-obligés ou dispose d’un cautionnement en garantie de sa créance ; c’est le cas des associés d’une SNC ou des signataires qui sont tenus entre eux d’un engagement solidaire.
La procédure collective ouverte à l’égard d’un des co-débiteurs l’oblige à déclarer sa créance.
En principe, la procédure collective de l’un des débiteurs ne modifie pas les droits des créanciers à l’encontre des cautions ou des co-débiteurs. Ainsi, en cas de redressement judiciaire du débiteur principal, le créancier ne perd pas la possibilité de poursuivre la caution solidaire sauf si celle-ci est une caution personnelle, personne physique, vis-à-vis de laquelle toute action est suspendue pendant la période d’observation.
Le problème se pose lorsque tous les co-débiteurs ou plusieurs d’entre eux sont successivement mis en procédure collective. L’article L 622-31 Code de Commerce adopte dans ce cas des mesures favorables au créancier ; il lui reconnaît le droit de déclarer sa créance pour la valeur nominale de son titre dans chaque procédure. Etant ainsi admis pour l’intégralité de sa créance dans la répartition des dividendes au sein de chaque procédure, le créancier multiplie ses chances d’obtenir un paiement intégral.
3 hypothèses peuvent se présenter :
– selon la 1ère, le créancier n’a reçu aucun paiement avant la mise en procédure collective des co-débiteurs ; il déclare entièrement sa créance dans toutes les procédures collectives ;
– dans la 2nd hypothèse, le créancier a obtenu un paiement partiel, préalablement à l’ouverture des différentes procédures collectives ; il déclare sa créance, déduction faite de l’acompte perçu dans toutes les procédures ;
– selon la 3e hypothèse, le créancier a perçu un dividende dans l’une des procédures ouvertes contre l’un des co-obligés ; il déclare totalement sa créance dans toutes les autres procédures jusqu’au paiement complet. Cette solution, qui se révèle fortement intéressante pour le créancier, déroge aux règles de droit civil.
En revanche, les co-obligés soumis à une procédure collective les uns contre les autres ne disposent d’aucun recours pour les paiements effectués sauf si la réunion des sommes allouées en vertu de chaque procédure dépasse le montant total de la créance en principal et accessoire; auquel cas cet excédent est attribué selon l’ordre des engagements à ceux des co-obligés qui auraient les autres pour garant.
3 ) Les formalités de la déclaration.
Le mandataire judiciaire doit, dans le délai de 15 jours à compter du jugement d’ouverture, avertir les créanciers connus d’avoir à lui déclarer leur créance dans le délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.
Ce délai est augmenté de 2 mois pour les créanciers domiciliés hors de la France métropolitaine.
Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont personnellement avertis. À cette fin, le débiteur lui communique la liste certifiée de ses créances et du montant de ses dettes dans les 3 jours suivant le prononcé du jugement d’ouverture.
Ceux qui déclarent hors délai ne sont pas admis dans les répartitions des dividendes sans pour autant que leur créance soit éteinte.
Le juge commissaire peut toutefois relever les créanciers retardataires de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste de ses créances. Ils ne peuvent donc concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
L’exercice de l’action en relevé de forclusion doit intervenir dans le délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture. Ce délai est porté à 1 an pour les créanciers placés dans l’impossibilité de connaître l’existence de leur créance avant l’expiration du délai de 6 mois.
La décision du juge commissaire, statuant sur le relevé de forclusion, est susceptible d’un recours porté devant la cour d’appel.
B / La vérification et l’admission des créances.
1 ) La vérification des créances.
Cette vérification, qui permet d’évaluer le passif exact qui sera soumis à l’admission du juge commissaire, ne semble revêtir une importance relative.
Il est en effet possible de décider du sort de l’entreprise avant même de connaître le montant réel du passif. C’est la raison pour laquelle, l’article L 626-24 énonce qu’à la suite du plan arrêté par le tribunal, le mandataire judiciaire demeure en fonction pendant le temps nécessaire à la vérification des créances. Ce mandataire de justice procède à ladite vérification en présence du débiteur et de l’administrateur s’il a pour mission d’assurer l’administration, avec l’assistance des contrôleurs s’il en a été nommés.
Toutes les créances, y compris les créances salariales, sont vérifiées par le mandataire judiciaire sauf toutefois les créances faisant l’objet d’un contentieux avant le jugement d’ouverture. Ce jugement interrompt ou interdit en effet les poursuites individuelles qui reprendront lorsque le créancier poursuivants aura déclaré sa créance.
Si une créance autre que fiscale ou résultant d’un contrat de travail est discutée en tout ou partie dans son existence, son montant ou ses accessoires, le mandataire judiciaire en informe le titulaire par lettre recommandée avec AR, en l’invitant à faire connaître ses explications. L’absence de réponse dans le délai de 30 jours met fin à toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire.
À l’issue de ces vérifications, ce mandataire de justice établit dans le délai fixé par le tribunal, après avoir sollicité les observations de la juridiction, la liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il remet cette liste au juge commissaire et la communique à l’administrateur et le cas échéant au commissaire à l’exécution du plan.
2 ) L’admission des créances.
Aux vues des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide d’admettre ou de rejeter les créances ou encore constate, soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
Ces différentes décisions relatives aux créances sont portées sur l’état des créances. Le greffier fait publier au BODACC une insertion précisant que l’état des créances est constitué et déposé au greffe.
Le délai pour porter réclamation est de 15 jours à compter de ladite publication. Toute contestation est ouverte au créancier concerné, au débiteur ou à l’administrateur judiciaire s’il a en charge l’administration de l’entreprise et au mandataire judiciaire.
En revanche, le créancier dont la créance est discutée en tout ou partie par le mandataire judiciaire et qui n’a fourni aucune explication requise dans le délai imparti ne dispose pas de recours contre la décision du juge commissaire si celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire.
II – La restriction de droit
Pendant la période d’observation, les créanciers antérieurs subissent une restriction de leur droit afin d’éviter que, par leur poursuite intempestive, ils compromettent la sauvegarde ou le redressement de l’entreprise.
En outre, le jugement d’ouverture n’entraîne plus la déchéance du terme contrairement aux solutions admises antérieurement ; les créances non échues ne sont donc plus exigibles, toute clause contraire étant réputée non écrite.
Les prérogatives des créanciers subissent 3 catégories de restriction…
A / L’interdiction ou l’interruption des poursuites individuelles.
L’interruption ou l’interdiction des poursuites individuelles est une conséquence traditionnelle des procédures collectives ; celles-ci revêtent un aspect collectif et égalitaire.
La règle est d’ordre public. Il y a un triple but de l’arrêt des poursuites individuelles :
– il accélère le déroulement de la procédure en concentrant toutes les actions entre les mains du mandataire judiciaire ;
– il garantit l’équité des paiements qui ne sont plus le prix de la course, les personnes lésées ou avantagées par rapport au créancier ayant des droits égaux ;
– il évite que les biens essentiels à l’entreprise soient vendus prématurément.
Il permet l’élaboration d’un plan de sauvegarde ou de redressement.
Cet aspect s’applique également en cas de liquidation.
Cette mesure d’interruption s’impose à tous les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective sans distinction de leur situation, chirographaires ou privilégiés. Il s’agit du principe d’égalité des créanciers face à la diversité. Seuls les salariés connaissent un meilleur sort et échappent à cette mesure.
L’article L 622-21 prévoit l’interruption ou l’interdiction des actions en justice et des voies d’exécution.
1 ) L’interdiction des actions en justice.
a ) Les actions visées par la mesure : conjointement à l’interdiction des instances en cours, toute introduction d’action en justice nouvelle est prohibée à compter de l’ouverture de la procédure collective.
L’article L 622-21 interrompt ou interdit expressément 2 catégories d’action en justice :
– celle tendant à la condamnation du débiteur au paiement du son argent,
– celle tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement du prix.
L’interdiction ou l’interruption se justifie dans la mesure où le maintien de certains contrats est nécessaire à la sauvegarde ou au redressement de l’entreprise.
Le créancier conserve son droit de résolution si l’inexécution, antérieure au jugement d’ouverture, consiste en autre chose qu’un défaut de paiement d’une somme d’argent.
De même, l’interdiction des poursuites individuelles ne fait pas obstacle au jeu d’une condition résolutoire acquise avant le jugement d’ouverture.
L’interdiction des actions en justice est limitée dans le temps ; elles reprennent de plein droit après que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance ; mais elle tend seulement à la constatation de cette créance ou à la fixation de son montant.
Le créancier peut se prévaloir de ces droits afin que sa créance soit admise dans l’évaluation du passif, mais il ne peut pas pour l’instant en obtenir le paiement.
Lorsqu’une instance visant à la reconnaissance d’une créance est reprise après l’interruption liée à la mise en procédure collective du débiteur, la juridiction saisie doit vérifier que le demandeur a déclaré la créance qu’il invoque. Elle doit le faire, au besoin d’office, sans se contenter du fait que le mandataire judiciaire ou l’administrateur ne conteste pas la régularité de la créance. Cette précision donnée par la cour de cassation répond à la volonté de limiter le plus possible le passif.
b ) Les actions exclues du domaine de la mesure : 3 catégories :
– en 1er lieu, l’interruption ou l’interdiction des poursuites ne concerne pas les instances en cours devant les juridictions prud’homales. Les créances des salariés obéissent à un régime particulier ;
– en 2e lieu, l’interruption ou l’interdiction des poursuites s’attache à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement du prix. Les actions en résolution contractuelle fondées sur une autre cause, notamment l’action en résolution pour vices cachés, peuvent se poursuivre.
Pareillement, peuvent être introduites, les actions en nullité par l’intermédiaire du mandataire judiciaire ou les actions en revendication, car elles n’ont pas pour objet de condamner le débiteur au paiement d’une somme d’argent mais de faire revenir un bien dans son patrimoine ou de faire valoir le droit de propriété d’un créancier.
De même, sont recevables, les actions tendant à la remise d’un document, les actions tendant à l’annulation d’un contrat ou à la résolution d’un contrat pour défaut de création des emplois promis.
– en 3e lieu, l’article L 622-21 ne fait pas obstacle à l’exercice des actions des créanciers contre les tiers. Cette solution, particulièrement intéressante pour le créancier prudent qui a auparavant pris la précaution d’assortir sa créance d’un cautionnement, l’est moins depuis la loi du 10 juin 1994. Dorénavant, le créancier titulaire de cette garantie de personnel ne peut plus poursuivre la caution du fait que le jugement d’ouverture interrompt jusqu’au jugement arrêtant le plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la liquidation, toute action contre les cautions personnelles, personnes physiques.
Cette disposition a pour but d’inciter les dirigeants à saisir plus rapidement les tribunaux d’une action en sauvegarde ou en redressement d’une entreprise en difficulté pour laquelle ils se sont portés caution ; n’étant plus exigible, ils n’attendront peut-être plus la dernière minute pour déposer le bilan. Le tribunal pourra leur accorder des délais ou différer le paiement dans la limite de 2 ans.
Pour autant, les créanciers bénéficiaires de ces cautionnements pourront prendre des mesures conservatoires pour se prémunir contre une dissimulation pendant la période d’observation. Par conséquent, seul le cautionnement consenti par une personne morale offre quelques avantages. Pour détourner la règle des poursuites à l’encontre des cautions personnes physiques, certains sont tentés d’adopter des stratagèmes qui consistent à consentir directement un prêt au dirigeant qui met les fonds à la disposition de la société tenue au remboursement sans pour autant que le dirigeant débiteur déléguant soit déchargé, conformément au principe de la délégation imparfaite.
2 ) L’interruption ou l’interdiction des voies d’exécution.
L’article L 622-21 interrompt ou interdit toute voie d’exécution sur les meubles ou immeubles de la part des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective.
Il est nécessaire d’arrêter ces actions qui permettent au créancier qui les intente d’obtenir rapidement son paiement par une opération de saisie portant directement sur le patrimoine du débiteur.
Ces dispositions se justifient, car contrairement à une action en justice, une voie d’exécution vise à obtenir le paiement forcé d’une somme d’argent. Elle ne peut donc pas être reprise lors de la procédure, à l’exception des saisies immobilières qui peuvent être reprises en cas de liquidation judiciaire.
L’interruption des voies d’exécution ne prive pas d’efficacité celles qui ont déjà produit l’effet légal au moment du jugement d’ouverture.
B / L’interdiction des inscriptions.
Le jugement d’ouverture d’une procédure collective immobilise le patrimoine du débiteur afin de ne pas le dépouiller et ainsi compromettre la poursuite de l’exploitation et rompre l’égalité entre les créanciers.
Afin de conférer à cette mesure sa pleine efficacité, l’article L622-30 al 1 interdit les inscriptions d’hypothèque, de nantissement et de privilèges postérieurement au jugement d’ouverture d’une procédure collective.
Ne sont interdites que les inscriptions nouvelles, ce qui n’est pas le cas du renouvellement d’une inscription antérieure afin d’en éviter la péremption. Ce n’est aussi pas le cas d’une inscription définitive d’hypothèques ou de nantissement judiciaire qui rétroagit au jour de l’inscription provisoire ; si l’inscription provisoire est intervenue avant le jugement d’ouverture, l’inscription définitive peut être prise après ce jugement. En revanche, l’inscription des actes et décisions judiciaires, constitutifs et translatifs de droits réels, qui était interdite avant la loi du 10 juin 1994, est désormais autorisée après le jugement d’ouverture.
Les créanciers voient ainsi leur situation s’améliorer, mais ils risquent de se livrer à des fraudes, notamment d’antidater des actes constitutifs ou translatifs de droits réels.
Le défaut d’inscription rend les actes et droits inopposables aux tiers.
Une inscription prise en dépit de l’interdiction légale entraîne la nullité de la demande de l’intéressé.
L’article L 622-30 al 2 et 3 prévoit 2 exceptions :
– concerne le trésor public qui peut inscrire son privilège dans le délai légal,
– profite au vendeur de fond de commerce qui dispose d’un délai de 15 jours à compter de l’acte de cession, pour inscrire son privilège même si entre-temps son acheteur se trouve confronté à une procédure collective.
C / L’arrêt du cours des intérêts.
Conformément à l’article L 622-28 al 1, le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous les intérêts de retard et de majoration. Le principe d’égalité des créanciers contribue à justifier cela.
Des raisons pratiques commandent de geler le passif à une date donnée. Si des intérêts continuaient de courir, il faudrait constamment le réévaluer.
Cette mesure va également participer à l’éventuelle sauvegarde ou redressement en empêchant notablement l’augmentation du passif d’autant plus que la créance du trésor public ou de la sécurité sociale subit cette restriction.
Seuls échappent à l’arrêt du cours des intérêts, les contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à 1 an ou les contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus.
Les intérêts continuent donc à courir même si les modalités d’apurement du prêt contenues dans le plan de sauvegarde ou redressement arrêté au profit du débiteur ne stipulent pas d’intérêt.
Cette exception, applicable au crédit à moyen et court terme, vise à ne pas décourager les banques et à ne pas pénaliser les fournisseurs qui auraient accordé des délais de paiement.
En revanche, contrairement à ce qui était admis dans la loi du 10 juin 1994, les cautions et obligés ne peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts.
Cette faveur ne confère pas pour autant aux créanciers antérieurs la situation privilégiée des créanciers postérieurs au jugement d’ouverture pour les intérêts dus à compter de ce jugement.
Les intérêts, étant accessoires à la créance principale antérieure au jugement d’ouverture, sont soumis au même régime.
L’arrêt du cours des intérêts se prolonge pendant tout le temps de la procédure.
Les créanciers bénéficiaires de cette garantie peuvent prendre des mesures conservatoires.
Section 2 – Les créanciers postérieurs au jugement d’ouverture
À l’inverse des créanciers antérieurs dont les intérêts sont sacrifiés, ceux postérieurs au jugement d’ouverture connaissent un sort infiniment plus intéressant.
Au terme de l’article L 622-17, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture sont payées à leur échéance lorsque l’activité est poursuivie. Quand elles ne sont pas payées à l’échéance, ces créances le sont par priorité, à l’exception des créances garanties par le super privilège dès salariés et celles garanties par le privilège des frais de justice.
I – Le fondement et les limites du droit de priorité
A / Le fondement.
Les procédures collectives ayant pour objectif premier de faciliter la réorganisation de l’entreprise en vue de permettre la poursuite de l’activité économique, il faut trouver les moyens d’y parvenir. C’est pourquoi, l’activité continue de plein droit au cours de la période d’observation.
Pour cela, il faut que l’entreprise se procure des crédits, or les partenaires d’entreprises en difficulté vont hésiter à poursuivre ou entreprendre de nouvelles relations avec elle. Ils ne vont accepter de contracter que s’ils ont l’assurance d’être payé ; c’est ce qui explique leur droit de priorité sur les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture même s’ils sont des créanciers hypothécaires.
B / Les limites.
La situation privilégiée des créanciers postérieurs comporte 2 limites :
– l’une, commune à toutes les procédures, se rapporte aux créances salariales super privilégiées,
– l’autre, propre à la liquidation judiciaire, concerne les créances antérieures garanties par certaines sûretés réelles spéciales : les faveurs conférées aux créanciers postérieurs ne jouent que dans le cas d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. En effet, en cas de liquidation judiciaire, ces créanciers s’effacent devant les créanciers antérieurs titulaires de sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d’un droit de rétention ou constituées en application de la loi du 18 janvier 1951 ; l’idée était que le sacrifice de ces sûretés ne se justifie qu’en cas de sauvegarde ou redressement de l’entreprise mais pas de raison de l’être quand l’entreprise est liquidée. Cette réforme a cependant pour conséquence d’inquiéter les éventuels dispensateurs de crédit qui peuvent craindre de s’engager pendant la période d’observation aux côtés d’une entreprise en difficulté ; ils risquent de ne pas être payés si la liquidation est prononcée au cours ou à l’issue de la période d’observation.
II – La mises en oeuvre du droit de priorité
Bien qu’instaurant un droit de priorité au profit des créanciers postérieurs au jugement d’ouverture, l’article L 622-17 à un domaine limité.
Pour en bénéficier, la créance doit remplir certaines conditions ; de plus, ce texte établit un ordre dérogatoire au droit commun entre les créanciers bénéficiant de cette priorité.
A / Les conditions d’exercice du droit de priorité.
La mise en oeuvre de ce droit requière 2 conditions :
– d’une part, la créance doit être née après le jugement d’ouverture de la procédure collective,
– d’autre part, elle doit être née de manière régulière.
1 ) La date de naissance de la créance.
L’exigence d’une créance née postérieurement au jugement d’ouverture ne soulève pas de difficultés particulières, si ce n’est qu’il convient de retenir l’origine de la créance et non sa date d’exigibilité.
Le fait générateur de la créance n’est pas déterminé par la date de conclusion du contrat, mais par celle de la prestation. Il peut donc s’agir aussi bien de nouveaux contrats conclus postérieurement au jugement d’ouverture.
Dans les 2 hypothèses, le privilège de l’article L 622-17 s’attache à toutes les prestations fournies au débiteur après le jugement d’ouverture. La date d’exigibilité de la créance importe donc peu. Ainsi, le fait générateur d’une créance de l’URSSAF est la prestation de travail fournie et non le paiement des salaires qui les rend pourtant exigibles.
Plus précisément, si les cotisations sont dues pour une période de travail antérieure au jugement d’ouverture et que le salaire correspondant est versé après celui-ci, elles ne bénéficient pas du privilège de l’article L 622-17. L’organisme social doit déclarer sa créance de cotisations afférentes aux salaires se rattachant à une période de travail antérieur au jugement d’ouverture, même s’ils sont versés après.
En revanche, la créance de cotisations URSSAF, relative aux indemnités de congés payés et de préavis, consécutives aux licenciements prononcés pendant la période d’observation, bénéficie des dispositions de l’article L 622-17 puisqu’elle est née régulièrement après le jugement d’ouverture et cela même si le fond national de garantie des salaires a réglé les indemnités en question en lieu et place de l’employeur.
2 ) L’origine régulière de la créance.
Les créances qui ont une origine irrégulière ne sont pas protégées par l’article L 622-17 d’où l’exigence d’une créance régulière quant à son origine.
Une créance est régulière quand elle émane d’un contrat ou d’un acte accompli par l’un des intervenants de la procédure en vertu des pouvoirs qui lui sont dévolus et dans le respect des règles de dessaisissement du débiteur.
Pour l’essentiel, ces personnes sont, l’administrateur judiciaire, le débiteur et le juge commissaire habilité à autoriser certains actes.
Il appartient au juge du fond de rechercher si une créance délictuelle postérieure est née régulièrement, c’est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur, ou, le cas échéant, les pouvoirs de l’administrateur judiciaire.
Les créances concernées peuvent être aussi bien d’origine contractuelle qu’extra contractuelle ; c’est en particulier le cas de la créance en réparation d’un tiers, victime d’un dommage d’origine délictuelle ou quasi délictuelle causé par entreprise.
En revanche, certaines créances sont exclues notamment celles issues d’actes non professionnels du débiteur ou irrégulièrement accomplis en dépit d’une interdiction ou des créances relatives à une activité nouvelle du débiteur et étrangère à l’entreprise mise en procédure collective. À ce propos, la doctrine considère que ne peuvent être déclarées irrégulières que les créances relatives à l’entreprise en difficulté et au déroulement de la procédure collective. Reste à savoir si un créancier dont le contrat se poursuit postérieurement au jugement d’ouverture, en attendant la décision de l’administrateur judiciaire, peut se prévaloir de l’article L 622-17 pour les prestations effectuées pendant cette période. La jurisprudence a répondu positivement à cette question au motif que l’ouverture de la procédure n’ayant pas entraîné la résiliation du contrat, l’exécution de ses obligations par un loueur de voiture jusqu’à la renonciation de l’administrateur judiciaire (du débiteur) à la continuation du contrat, avait généré une créance de loyer qui était la contrepartie de la jouissance du véhicule pendant cette période postérieure au jugement déclaratif. Cette solution, peu conforme à la finalité de ce texte qui a pour but de financer la période d’observation, a été vivement critiquée.
B / Le concours entre les créanciers postérieurs.
Toutes ces dispositions ne mettent pas les créanciers postérieurs à l’abri d’une insuffisance d’actifs.
Aussi, lorsque plusieurs d’entre eux sont en concours pour être payé sur les fonds disponibles de l’entreprise, l’article L 622-17 3e établit, pour les départager, un ordre de paiement impératif qui distingue 5 catégories.
Ces créanciers ne sont donc pas placés sur un pied d’égalité.
III – Les conséquences du droit de priorité
L’affirmation du principe du paiement à l’échéance des créanciers postérieurs ne résout pas le problème de l’insolvabilité du débiteur pour cause d’insuffisance de fonds disponibles.
Quant au principe du paiement prioritaire, sa portée pratique se trouve, en dépit de son intérêt, altérée par la concurrence du principe du paiement à l’échéance.
A / Le paiement à l’échéance.
Tandis que les créanciers antérieurs ne peuvent être payés pendant la période d’observation, les créanciers postérieurs échappent à l’interdiction des paiements.
L’administrateur judiciaire ou le débiteur doit, sur les fonds disponibles, payer intégralement les créanciers postérieurs au fur et à mesure de leur exigibilité, c’est-à-dire de leur échéance, sans que leurs titulaires aient à subir la procédure de déclarations et de vérification des créances. Il importe peu à cet égard que les fonds disponibles ne permettent pas de payer d’autres créances de rang préférable mais non encore exigibles. Le paiement s’effectue alors selon le prix de la course.
La solution est logique dans la mesure où la sauvegarde ou le redressement judiciaire d’une entreprise ne devrait pas engendrer un nouveau passif, issu du défaut de paiement des créanciers postérieurs, qui s’ajouterait au passif antérieur à cause de l’ouverture de la procédure collective.
Si l’entreprise n’était pas viable, sa liquidation judiciaire serait immédiate, empêchant ainsi la constitution d’un nouveau passif. Dans le cas contraire, où l’activité serait maintenue pendant la période d’observation, l’administrateur judiciaire ou le débiteur ne devrait poursuivre des engagements ou en contracter de nouveaux qu’après s’être assuré de l’existence de fonds nécessaires pour les honorer.
Néanmoins, le législateur, conscient de la difficulté de payer tous les créanciers, a organisé un classement entre eux en cas d’insuffisance de fonds pour les régler intégralement.
Contrairement aux créanciers antérieurs qui subissent le régime de la procédure collective, les créanciers postérieurs peuvent, en cas d’impayés, exercer des poursuites individuelles à l’encontre du débiteur ou de l’administrateur judiciaire. À ce titre, ils peuvent utiliser le référé provision pour obtenir sa condamnation au paiement. S’ils disposent d’un titre exécutoire, ils peuvent exercer les voies d’exécution notamment la saisie d’attribution ou l’avis à tiers détenteur sauf s’il porte sur les sommes déposées par le mandataire à la caisse des dépôts et consignations.
B / Le paiement prioritaire.
Les créanciers postérieurs, impayés à l’échéance, bénéficient d’un véritable privilège général qui porte sur l’ensemble des meubles et immeubles du débiteur. Étant titulaires d’un droit de préférence mais pas d’un droit de suite, ils doivent être payés prioritairement aux autres créanciers.
On trouve cependant certaines créances qui les devancent :
– créance garantie par le super privilège des salaires, invoquées par les ASSEDIC qui gèrent l’ags, subrogées dans les droits du salarié : cette créance doit être payée en priorité absolue, même devant un créancier postérieur titulaire d’un titre exécutoire ;
– créance garantie par le privilège des frais de justice ;
– créance garantie par le privilège de la conciliation.
Chapitre 3 – La situation des salariés
Le législateur se préoccupe de la situation des salariés dans la mesure où le maintien de l’emploi constitue le 2e objectif des procédures collectives.
Il est certes impossible d’éviter tout licenciement, mais les salariés bénéficient d’une certaine protection grâce à des garanties.
Par ailleurs, ils prennent part au déroulement de la procédure et se voient même conférer des prérogatives. Ainsi sont-ils régulièrement informés et consultés aux différents stades de la procédure et peuvent parfois exercer des voies de recours par l’intermédiaire de leur représentant.
L’enjeu revêt pour les salariés un double aspect :
– le paiement des salaires,
– la sécurité de l’emploi.
Section 1 – Le paiement des salaires
Pendant la période d’observation, l’exploitation étant maintenue, les salariés continuent de travailler dans l’entreprise. Ils ont donc le droit d’être payés. De ce fait, les créances salariales sont assorties de privilèges et bénéficient d’un mécanisme d’assurance qui en garantie le paiement.
I – La protection privilégiée
A / La situation privilégiée des salariés.
1 ) L’établissement du relevé des créances salariales.
À l’origine, comme tout créancier de l’entreprise débitrice, les salariés étaient obligés de produire leur créance.
L’omission de cette formalité se traduisait par une perte de leurs droits pour la partie non couverte par l’AGS.
Afin d’effacer cette iniquité, la loi du 25 janvier 1985 a initialement instauré au profit des salariés un régime dérogatoire. Ils ne sont donc plus astreints à déclarer leur créance et il appartient au mandataire judiciaire de vérifier les créances issues des contrats de travail et d’en établir le relevé, le débiteur ayant été préalablement entendu ou appelé.
Ce relevé est soumis à la vérification du représentant des salariés par le mandataire judiciaire qui doit tenir à sa disposition tous les éléments à partir desquels il a établi ces relevés notamment le livre de payes et le registre du personnel.
En cas de difficultés, le représentant des salariés peut s’adresser à l’administrateur judiciaire et saisir éventuellement le juge commissaire.
Tout salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur le relevé peut saisir, à peine de forclusion, le conseil des prud’hommes, dans les 2 mois suivant la publication, dans un journal d’annonces légales, d’un avis indiquant que l’état des relevés des créances est déposé au greffe du tribunal.
Il peut, à cette occasion, demander l’assistance ou la représentation par le représentant des salariés.
2 ) L’exception au principe de l’interdiction des poursuites individuelles.
Contrairement aux autres créanciers, les salariés ne sont pas obligés d’interrompre leurs poursuites. Les instances en cours devant le conseil des prud’hommes sont effectivement poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l’administrateur judiciaire lorsque ce dernier a pour mission d’assurer l’administration de l’entreprise.
À cette fin, l’administrateur judiciaire ou le débiteur communique toutes les informations utiles sur les instances en cours devant le conseil des prud’hommes, à la date du jugement d’ouverture, au mandataire judiciaire. Ce dernier informe alors dans les 10 jours la juridiction saisie et les salariés, parties à l’instance, de l’ouverture de la procédure collective.
B / Les créances privilégiées.
1 ) Les créances antérieures au jugement d’ouverture.
Les salariés bénéficient d’un privilège général sur les meubles et immeubles qui couvre notamment les salaires dus pour les 6 derniers mois de travail précédant immédiatement ou non le jugement d’ouverture.
Le paiement de ces créances privilégiées s’effectue sur les fonds disponibles dans les 3 mois du jugement d’ouverture, faute de quoi l’AGS en fera l’avance.
Ce privilège ne garantit pas pour autant avec certitude le paiement des créances concernées, car il entre en concours avec deux créances privilégiées comme les créances de la sécurité sociale et se trouve devancé par les frais de justice et les avances du trésor. C’est pourquoi, un super privilège a été instauré en garantie des rémunérations de toute nature dues aux salariés et apprentis pour les 60 derniers jours de travail et d’apprentissage, déduction faite des acomptes déjà perçus, jusqu’à concurrence d’un plafond égal à 2 fois celui retenu pour les cotisations de sécurité sociale.
Les créances salariales, super privilégiées, arrivent au 1er rang de toutes les créances, si bien que l’administrateur judiciaire, s’il dispose des fonds nécessaires, doit en effectuer le paiement sur simple ordonnance du juge commissaire dans les 10 jours du jugement d’ouverture.
Avant même l’établissement du montant de ces créances, dans la mesure des fonds disponibles, l’administrateur judiciaire doit, avec l’autorisation du juge commissaire, verser immédiatement aux salariés, à titre provisionnel, une somme égale à 1 mois de salaire impayé sur la base du dernier bulletin de salaire, dans la limite du plafond imposé.
En cas d’insuffisance des fonds disponibles pour assurer les paiements des créances super privilégiées, les sommes dues doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds. À défaut, le paiement est effectué par l’AGS.
2 ) Les créances postérieures au jugement d’ouverture.
Comme tout créancier, les salariés bénéficient du droit de priorité conféré par l’article L 622-17 aux créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture.
Cependant, en cas de poursuite de l’activité, les créances salariales sont payées à leur échéance par préférence aux autres créanciers postérieurs. En effet, ce texte place au tout 1er rang, les créances salariales dont le montant n’a pas été avancé par l’AGS, d’où leur paiement quasiment assuré.
Si l’actif de l’entreprise se révèle insuffisant, l’AGS assure le paiement des créances visées mais seulement dans la limite 1.5 mois de travail.
II – La protection garantie
Pour pallier la défaillance des entreprises, le législateur a mis en place un système d’assurance : l’AGS.
A / Le régime de l’AGS.
Tout employeur, doté du statut de commerçant, artisan, agriculteur, personne morale de droit privé… est tenu d’assurer ses salariés contre le risque de non-paiement, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail.
Cette obligation d’assurance implique le versement par l’employeur de cotisations aux ASSEDIC fondées sur les rémunérations servant de base aux cotisations de l’assurance-chômage. Tous les salariés de ces employeurs bénéficient de la garantie quelle que soit la nature de leur contrat de travail, qu’ils soient en France, détachés à l’étranger ou expatriés.
B / La détermination des créances garanties.
Conformément à l’article L 143-11-I du code du travail, l’assurance couvre 3 choses :
– les sommes dues aux salariés à la date d’ouverture de la procédure collective,
– les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d’observation et ceci dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde ou de redressement ou dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien de l’activité, autorisé par le jugement de liquidation judiciaire,
– dans la limite d’1.5 mois de salaire, les sommes dues en exécution des contrats de travail poursuivis, en cas de liquidation judiciaire, pendant la période d’observation et dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l’activité, si celui-ci est autorisé par le jugement de liquidation.
C / Le paiement des créances garanties.
Si avant l’expiration des délais prévus, les créances ne peuvent être entièrement ou partiellement acquittées sur les fonds disponibles, le mandataire judiciaire, sur présentation des relevés, demande à l’AGS de faire l’avance des fonds nécessaires.
L’AGS, qui assure les salariés contre la défaillance de leur employeur, a droit au remboursement des sommes avancées.
Pour le recouvrement de celles-ci, l’AGS est subrogée dans les droits du salarié : elle bénéficie donc du rang et des garanties des salariés auxquels les sommes avancées ont été allouées pour couvrir les créances garanties par le super privilège et, en cas de liquidation judiciaire, pour couvrir les sommes issues de la continuation des contrats de travail.
L’AGS est remboursée par priorité aux autres créanciers, dans le premier cas et occupe le 4e rang de l’article L 622-17 dans le second cas.
Section 2 – La sécurité de l’emploi
Conformément à la préoccupation majeure du maintien de l’emploi, le principe directeur de la période d’observation est la continuation des contrats de travail, les licenciements étant l’exception.
De plus, le plan de sauvegarde ou de redressement doit indiquer et justifier les perspectives d’emploi et les conditions sociales envisagées pour la poursuite de l’activité.
Dans la perspective d’une cession d’entreprise, le tribunal retient l’offre la plus susceptible d’assurer l’emploi dans les meilleures conditions et le plus durablement possible.
Toutefois, le redressement de l’entreprise suppose presque toujours des mesures de restructuration, source inévitable de licenciements, d’où des dispositions destinées à en atténuer les conséquences.
I – La protection légale
Une protection minimale existe par le biais des informations, des consultations préalables et par l’exigence d’une autorisation judiciaire.
Par ailleurs, certains salariés particulièrement exposés bénéficient d’une protection renforcée.
A / La protection minimale.
Le maintien de l’activité de l’entreprise au cours de la période d’observation a pour corollaire la poursuite des contrats de travail.
Cependant, la réalité économique impose parfois un allégement des coûts assumés par l’entreprise. Aussi, des licenciements ne sont pas interdits en période d’observation, mais demeurent entourés de conditions strictes.
L’article L 631-17 exige qu’ils présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable.
En plus de ces conditions, les licenciements doivent obéir à une procédure rigoureuse. Ainsi, sous peine de sanctions pénales, l’administrateur judiciaire va consulter le comité d’entreprise ou les délégués du personnel sur les licenciements envisagés et informer l’autorité administrative compétente c’est-à-dire la direction départementale du travail.
Il peut par la suite saisir le juge commissaire afin d’obtenir l’autorisation d’effectuer les licenciements. Sa demande doit s’accompagner de mesures destinées à faciliter l’indemnisation et le reclassement des salariés.
B / La protection renforcée.
L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’une entreprise ne met pas fin à la protection spécifique dont bénéficient habituellement les délégués syndicaux, membres du comité d’entreprise et délégués du personnel. Le licenciement de ces personnes protégées, envisagées par l’administrateur judiciaire, l’employeur ou le liquidateur, ne peut être prononcé qu’après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel et l’obtention de l’autorisation de l’inspecteur du travail.
Le représentant des salariés bénéficie d’une protection identique en ce qui concerne les modalités de licenciement.
Toutefois, en cas de faute grave, l’administrateur judiciaire, l’employeur ou le liquidateur, a la faculté de prononcer immédiatement la mise à pied de l’intéressé dans l’attente de la décision définitive. Cette mesure est annulée et ses effets supprimés de plein droit en cas de refus licenciement. Cette protection est cependant limitée dans le temps et dépend des fonctions dévolues à ce représentant :
– si son rôle consiste simplement à vérifier la créance salariale, la protection prend fin lorsque le mandataire judiciaire a reversé aux salariés les sommes reçues de l’AGS ;
– si, en l’absence de comité d’entreprise et de délégués du personnel, il exerce des fonctions réservées en principe à ces organes, sa protection cesse à l’issue de la dernière audition ou consultation prévue par la procédure collective.
II – La protection planifiée
Indépendamment des mesures de reclassement et de départ à la retraite qui l’accompagne, le redressement de l’entreprise entraîne fréquemment des licenciements économiques dont le prononcé est subordonné à des conditions et à un contrôle judiciaire sans exclure des voies de recours.
A / Les conditions préalables.
En premier lieu, les organes représentatifs du personnel, le comité d’entreprise ou délégués du personnel, où, à défaut, le représentant des salariés doivent être informés et consultés sur les licenciements économiques envisagés.
Le résultat des délibérations ou l’avis du représentant des salariés doit être produit auprès du tribunal.
En second lieu, l’autorité administrative compétente doit être informée.
B / Le contrôle judiciaire.
Lorsque les conditions préalables sont remplies, le tribunal arrête le plan qui donne l’autorisation des licenciements après vérification des formalités.
Le plan indique les licenciements qui doivent intervenir dans le mois suivant le jugement.
Compte tenu de leur caractère d’urgence, ces licenciements ont lieu sur simple notification de l’administrateur judiciaire ou du débiteur.
Quant aux autres licenciements prévus par le plan postérieurement au délai d’un mois, ils obéissent à la procédure de droit commun des licenciements pour motifs économiques.
C / Les voies de recours.
Les salariés ne disposent d’aucunes voies de recours contre le jugement qui arrête le plan de sauvegarde ou de redressement ; contrairement au comité d’entreprise ou délégués du personnel qui peuvent faire appel de cette décision et des jugements qui rejettent ou modifient le plan.
En revanche, aucun recours possible de leur part en présence d’un plan de cession.
Titre 2 – L’issue des procédures de traitement des difficultés
L’issue des procédures collectives est marquée par un jugement qui contient 2 séries de disposition ; à titre principal, il fixe le sort de l’entreprise et arrête en conséquence les modalités de paiement des créanciers ; le cas échéant, le jugement se prononce également sur les sanctions personnelles infligées au débiteur personne physique ou sur les conséquences de la procédure à l’égard des dirigeants ou des associés quand le débiteur est une personne morale.
Normalement, le jugement définitif intervient au terme de la période d’observation et se distingue donc du jugement d’ouverture.
Toutefois, depuis la loi du 10 juin 1994, la liquidation peut être ordonnée immédiatement si l’entreprise a cessé toute activité ou si le redressement est manifestement impossible.
La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 consacre cette disposition.
La phase définitive doit être envisagée sous un double aspect.
Sous-titre 1 – Le sort de l’entreprise
Il constitue le principal enjeu des procédures collectives. La solution idéale est la sauvegarde de l’entreprise ou à défaut le redressement judiciaire.
La sauvegarde suppose que l’entreprise ne se trouve pas en état de cessation des paiements tandis que le redressement suppose que l’entreprise, bien que confrontée à cet état, soit viable c’est-à-dire susceptible de réaliser des bénéfices, que le passif ne soit pas trop important et que le débiteur ou les dirigeants soient suffisamment compétents.
Si ces conditions font défaut, le tribunal décide la liquidation. Celle-ci est également ordonnée si l’entreprise à un objet illicite ou immoral car le tribunal ne saurait participer à son redressement.
Quelle que soit la solution choisie le tribunal décide seul.
Chapitre 1 – La sauvegarde ou le redressement judiciaire de l’entreprise
Les procédures collectives donnent lieu à un plan arrêté par le jugement à l’issue d’une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de 2 comités de créanciers.
Le plan est adopté s’il existe une sérieuse possibilité pour l’entreprise d’être sauvegardée ou redressée. Cette solution consiste à faire opérer la mesure par le débiteur lui-même qui doit établir à cet effet un projet de plan.
Elle suppose à la fois que les dirigeants soient aptes à réussir ce maintient et que le passif puisse être payé dans des conditions satisfaisantes, faute de quoi, le tribunal peut ordonner la cession, totale ou partielle, de l’entreprise aux vues du rapport de l’administrateur.
Section 1 – Le jugement arrêtant le plan de sauvegarde ou de redressement
Le tribunal prononce le jugement aux vues du rapport de l’administrateur judiciaire après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et les institutions représentatives du personnel.
De plus, il doit recueillir l’avis du ministère public et les débats doivent avoir lieu en sa présence lorsque la procédure touche un débiteur qui emploie au moins 50 salariés ou qui justifie d’un chiffre d’affaire supérieur à 3,1 million d’euros hors taxes.
Les modalités de sauvegarde ou de redressement sont concrétisées dans un plan d’entreprise. Le tribunal en fixe librement la durée dans la limite de 10 ans dans le cas général et de 15 ans si le débiteur est un agriculteur.
Le tribunal désigne également l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l’exécution du plan. Il peut, en cas de nécessité, nommer plusieurs commissaires.
La sauvegarde ou le redressement de l’entreprise nécessite des mesures de réorganisation et un apurement du passif.
I – La réorganisation de l’entreprise
Le plan arrêté par le tribunal peut être le moyen d’insuffler un changement de politique au sein de l’entreprise. Celle-ci peut en effet connaître des difficultés à cause d’un manque de rentabilité de certaines branches d’activité, du coût d’autres branches ou d’une perte de vitesse sur le marché de la concurrence. C’est pour cela que la réorganisation de l’entreprise s’accompagne souvent de l’arrêt ou de l’adjonction ou de la cession de certaines branches d’activité.
Dans le jugement qui arrête ou modifie le plan, le tribunal peut décider, pour une durée qu’il fixe, que certains bien indispensables au maintien de l’entreprise ne pourront être aliénés. Cette durée de non aliénation ne peut excéder celle du plan.
Le plan expose et justifie le niveau et les perspectives d’emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite d’activité.
Il n’empêche que si le tribunal va retenir la solution susceptible d’assurer au mieux le maintien de l’emploi, la restructuration de l’entreprise impliquera probablement des licenciements.
Le plan proposé par l’administrateur judiciaire peut prévoir des modifications de capitaux.
De plus, le tribunal peut poser comme condition à l’adoption du plan, la mise à l’écart des dirigeants sauf lorsque le débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire. Mais au lieu de cela, il peut prononcer l’incessibilité des actions ou des parts sociales et décider que le droit de vote sera exercé par un mandataire de justice qui peut être l’administrateur judiciaire.
La juridiction peut également ordonner la cession des droits sociaux à un prix fixé par un expert.
Le plan mentionne les modifications des statuts nécessaires à la réorganisation de l’entreprise.
Dans cette perspective, le jugement qui arrête le plan confère mandat de à l’administrateur judiciaire de convoquer l’assemblée compétente (assemblée générale ordinaire ou l’assemblée générale extraordinaire).
Le tribunal peut cependant imposer d’emblée une modification substantielle dans les objectifs ou les moyens du plan.
Bien qu’il soit seul à pouvoir le décider sur le rapport du commissaire à l’exécution du plan, il faut une demande préalable et exclusive du débiteur.
II – L’apurement du passif
Le plan définit les modalités de règlement du passif et les garanties éventuelles que le chef d’entreprise doit souscrire pour en assurer l’exécution.
Les modalités d’apurement du passif, prescrites par le plan, ne concernent pas les créances nées régulièrement après le jugement d’ouvertures qui sont payées à leur échéance lorsque l’activité se maintient. Elles s’adressent donc aux créanciers antérieurs et précisent les engagements du débiteur portant sur l’avenir de l’activité, sur les modalités du maintien et du financement de l’entreprise.
Le chef d’entreprise s’expose à des sanctions s’il ne respecte pas ses obligations.
A / Les modalités d’apurement du passif.
Parmi les créanciers antérieurs, certains sont soumis à un régime de faveur.
1 ) Les créanciers concernés.
Tous les créanciers chirographaires et privilégiés sont sollicités afin de participer à l’effort commun destiné à sauver l’entreprise.
Ils sont consultés sur les propositions relatives au règlement des dettes et le mandataire judiciaire recueille individuellement ou collectivement l’accord de chacun.
En cas de consultation écrite, le défaut de réponse dans le délai d’1 mois à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire vaut acceptation.
Le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers. S’il juge trop important l’effort consenti, il peut procéder à la diminution des délais et remises.
Bien que l’accord des créanciers soit requis, il n’est pas nécessaire à la mise en œuvre des propositions de règlement du passif.
Le tribunal a la possibilité d’imposer des délais de paiement aux créanciers non acceptants. Afin de respecter le principe d’égalité des créanciers, ces délais sont uniformes. Cependant le premier paiement doit intervenir dans le délai d’1 an.
De plus, compte tenu du risque d’érosion monétaire auquel est soumis leur créance, les créanciers peuvent opter pour un paiement plus rapide mais assorti d’une réduction proportionnelle du montant de la créance.
2 ) Les créanciers favorisés.
Certains bénéficient d’un régime de faveur.
Tout d’abord, les délais et remises prévus par le plan ne s’appliquent pas aux créances salariales ainsi qu’aux créances nées d’un contrat de travail garanti par le privilège général des salariés et dont le montant n’a pas été avancé par l’AGS.
L’AGS profite de ce régime, dans la mesure où elle est subrogée dans les droits des salariés, pour les sommes avancées à hauteur du super privilège.est qui
Ensuite, ne peut faire l’objet de remises ou délais, les créances des plus faibles dans la limite de 5 % du passif exprimé et dont le montant n’excède pas environ 150 €.
Enfin, en cas de vente d’un bien grevé d’un privilège général, d’un nantissement ou d’une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires de ce privilège général, sont payés sur le prix après le paiement des créances garanties par le super privilège des salariés.
Par ailleurs, à l’exception des personnes morales, les cautions solidaires, les garants autonomes et les co-obligés peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde mais non du plan de redressement. Dans ce dernier cas, ces personnes restent donc intégralement tenues à l’égard du créancier sous réserve que celui-ci est déclaré sa créance.
B / Les sanction de l’inexécution du plan.
1 ) L’inexécution par le débiteur de ses engagements dans les délais fixés par le plan.
Le tribunal peut d’office ou à la demande d’un créancier, après avis du ministère public, prononcer la résolution de ce plan. Il peut être saisi par le commissaire de l’exécution du plan ou par le procureur de la république.
Cette disposition est intéressante pour les créanciers car l’un d’eux peut demander la résolution du plan sans être titulaire d’un quelconque pourcentage du montant des créances. Cela permet au tribunal d’apprécier au cas par cas la gravité de l’inexécution.
Si la résolution est prononcée, elle met fin aux opérations et emporte échéance de tout délai de paiement.
Après l’ouverture du prononcé de la nouvelle procédure, les créanciers, soumis au plan, sont dispensés de déclarer les créances et sûretés. Leurs créances sont perçues de plein droit.
Si le tribunal ne prononce pas la résolution du plan et que l’inexécution résulte d’un défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l’exécution du plan procède à leur recouvrement.
2 ) La survenance de la cessation des paiements du débiteur au cours de l’exécution du plan (de sauvegarde).
Indépendamment de l’exécution ou non du plan des autres engagements du débiteur, après avis du ministère public, le tribunal décide de la résolution du plan et prononce la liquidation judiciaire. La juridiction n’a aucun pouvoir d’appréciation ; on peut s’interroger sur l’intérêt de requérir l’avis du ministère public sauf pour celui-ci de contester l’état de cessation des paiements.
Pourtant, il avait été judicieux de permettre au tribunal d’ouvrir une procédure de redressement judiciaire avec avis du ministère public ; or ce n’est pas le cas, la liquidation judiciaire s’impose à lui.
Section 2 – L’adoption des plans de sauvegarde et de redressement en cas de constitution de comité de créanciers
La sauvegarde ou le redressement judiciaire aboutit à la constitution de 2 comités de créanciers qui est obligatoire pour le débiteur dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés est supérieur à 150 à la date de la demande d’ouverture de la procédure ou dont le chiffre d’affaire est supérieur à 20 millions d’€ hors taxes, apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable.
En dessous de ce seuil, le juge commissaire peut autoriser la constitution de ces comités à la demande du débiteur ou de l’administrateur.
Le premier comité est composé des établissements de crédit ; le deuxième comité est composé des principaux fournisseurs de biens ou de services.
Si ces derniers présentent 5 % du total des créances des fournisseurs, ils sont membres de droit ; s’ils n’atteignent pas ce seuil, ils peuvent en faire partie dans la mesure où les créances des fournisseurs ne sont pas forcément quantitatives.
Les collectivités territoriales et établissements publics ne peuvent pas être membres des comités des fournisseurs.
Si l’élaboration du projet de plan suppose une négociation entre les comités et le débiteur, ce dernier dispose seul d’un pouvoir de proposition. Cette solution est logique dans la procédure de sauvegarde dont l’ouverture relève de la seule initiative du débiteur. À cet égard, il doit faire des propositions en vue d’élaborer un projet de plan dans le délai de 2 mois à partir de la constitution de ces comités, ces délais étant renouvelables une fois par le juge commissaire à la demande du débiteur ou de l’administrateur. Les discussions peuvent en partie portée sur l’octroi de nouveaux crédits, sur les avances, les conversions de créances, les délais de paiement et remises de dettes.
Le plan établi peut avoir une durée supérieure à 10 ans. Les comités doivent se prononcer sur le projet de plan dans le délai de 30 jours après la transmission des propositions du débiteur. Le projet doit être adopté à la majorité des membres représentant au moins les 2/3 du montant des créances de l’ensemble des membres du comité.
Si c’est le cas, le tribunal s’assure que les intérêts de tous les créanciers sont assez protégés, en particulier les intérêts des créanciers minoritaires membres de ces comités, des créanciers qui n’en font pas partie et des salariés.
Le tribunal ne peut en aucun cas modifier le contenu du plan adopté. S’il accepte ces propositions, sa décision rend applicable celle-ci à tous les membres du comité. Les créanciers qui ne sont pas membres de ce comité sont également consultés.
Si l’un ou l’autre de ces comités ne s’est pas prononcé ou s’il a refusé la proposition du débiteur ou si le tribunal a refusé le plan parce que les intérêts de tous les créanciers ne sont pas suffisamment protégés, la procédure est reprise pour préparer le plan dans les conditions prévues en l’absence de constitution de comité des créanciers. De même, si le débiteur n’a pas présenté ses propositions de plan aux créanciers dans les délais.
Chapitre 2 – La liquidation judiciaire
La liquidation judiciaire signe le constat d’un échec. Deux des objectifs de la procédure collective ne sont pas atteints. L’entreprise disparaît et l’emploi n’est pas sauvegardé.
Le passif est apuré mais généralement dans des conditions peu satisfaisantes car les créanciers, surtout les chirographaires, ne vont percevoir qu’une faible part de leur dû.
Section 1 – L’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire
Le tribunal peut d’emblée ouvrir une procédure de liquidation faisant l’économie d’une période d’observation. Il suffit que l’entreprise soit en cessation des paiements et que le redressement soit manifestement impossible ou qu’elle ait cessé toute activité professionnelle ou que tout ou partie de son passif provienne de cette activité.
Le tribunal est alors saisi dans les mêmes conditions que pour la demande d’ouverture de la procédure de redressement et il s’applique aux mêmes personnes. Cette disposition constitue une des principales innovation de la loi du 10 juin 1994 rendant possible le prononcé immédiat de la liquidation laquelle a acquis une certaine autonomie avec la loi du 26 juillet 2005. Elle est devenue une procédure à part entière de traitement judiciaire des difficultés des entreprises.
Auparavant, la procédure de liquidation judiciaire faisait suite à une demande de redressement ; le tribunal la prononçait d’entrée car le redressement était impossible ou en cours de procédure car il rejetait le plan de redressement.
Aujourd’hui, la liquidation judiciaire peut être demandée directement dans des conditions analogues à celles du redressement judiciaire.
La liquidation judiciaire sanctionne l’échec d’un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal à la fin de la période d’observation.
Si en cours d’exécution du plan, la cessation des paiements du débiteur est constatée, le tribunal décide la résolution de ce plan et prononce la liquidation judiciaire après avis du ministère public. Pour cela, il se saisit d’office ou à la demande d’un créancier, à la demande du commissaire de l’exécution du plan ou du ministère public.
Après la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement, l’état de cessation des paiements du débiteur conduit le tribunal à prononcer la liquidation.
L’ouverture d’une telle procédure peut aussi résulter d’une action en extension fondée sur la confusion de patrimoine ou la fictivité. Si la procédure initiale est la liquidation judiciaire, le débiteur, à l’encontre duquel cette procédure est étendue, va être mis en liquidation judiciaire aussi.
En toutes circonstances, le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire donne lieu à des publications susceptibles de voies de recours.
Section 2 – La réalisation de la liquidation judiciaire
Sous section 1 – Le liquidateur
I – La nomination et remplacement du liquidateur
A / En cas de liquidation immédiate.
Dans le jugement qui ouvre d’emblée la liquidation judiciaire, le tribunal désigne le juge commissaire et en qualité de liquidateur, un mandataire judiciaire inscrit ou une personne physique justifiant d’une expérience ou d’une qualification particulière au regard de la nature de l’affaire.
Ce tribunal peut après procéder au remplacement du liquidateur ou lui adjoindre un ou plusieurs autres liquidateurs soit d’office, soit sur proposition du juge commissaire ou à la demande du ministère public. Le débiteur ou un créancier a la faculté de demander au juge commissaire de saisir le tribunal à cette fin.
De plus, lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève éventuellement peut saisir le ministère public aux fins de procéder au remplacement.
Un représentant des salariés est désigné et remplacé dans des conditions similaires à celles de la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire. De même, les contrôleurs sont obligatoirement désignés pour la liquidation judiciaire.
B / En cas de liquidation judiciaire subséquente.
Le tribunal qui prononce la liquidation judiciaire au cours de la période d’observation d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, nomme le mandataire en qualité de liquidateur.
Il peut toutefois désigner à ce titre une personne dotée d’une expérience ou d’une qualification particulière à la demande de l’administrateur, créancier, débiteur ou ministère public. Cette substitution de personne paraît revêtir un caractère exceptionnel car en pareille circonstance le tribunal doit motiver sa décision.
C’est également le tribunal qui prononce le remplacement du liquidateur ou lui adjoint un ou plusieurs autres liquidateurs dans les mêmes conditions que dans le cadre de l’ouverture d’une procédure immédiate.
L’ordre ou l’autorité compétente dont relève le débiteur a la possibilité de saisir le tribunal aux mêmes fins.
L’appel contre les jugements relatifs à la nomination ou au remplacement du liquidateur n’est ouvert qu’au ministère public.
Quant à la tierce opposition et au recours en cassation, ils ne sont pas possibles.
II – Le rôle du liquidateur
Le législateur lui a conféré un rôle essentiel : lors du jugement ouvrant la liquidation, le débiteur se trouve dessaisi de plein droit de l’administration et disposition de ses biens tant que la liquidation n’est pas clôturée ; pendant la période de liquidation, il exerce les droits et actions inhérents au patrimoine du débiteur.
A / En l’absence de période d’observation.
Le liquidateur joue un rôle plus important quand la liquidation est immédiate car il accomplit certains actes et remplis certaines fonctions dévolues en principe à l’administrateur judiciaire ou au mandataire judiciaire en période d’observation.
Il vérifie les créances déclarées et en dresse le relevé avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente.
Il transmet la liste de ces créances au juge commissaire et il prend des mesures conservatoires et obtient la remise des lettres adressées au débiteur.
Il peut, sous réserve d’en apporter la preuve, demander au conjoint débiteur la restitution des biens qu’il a acquis avec les valeurs fournies par son époux.
Il effectue l’inventaire des biens du débiteur et peut exiger la continuation des contrats en cours et continuer le bail ou le céder.
B / En présence d’une période d’observation.
Le rôle du liquidateur est varié en fonction de la diversité de ses fonctions.
Le liquidateur est d’une part, un organe de la procédure et un mandataire puisque lorsque la liquidation est prononcée au cours de la période d’observation d’une procédure de sauvegarde ou de liquidation, le liquidateur procède aux opérations de liquidation, achève la vérification des créances et établit l’ordre des créances. Il poursuit les actions engagées par l’administrateur ou le mandataire judiciaire avant le jugement de liquidation et peut en déclencher de nouvelles qui relève des prérogatives du mandataire judiciaire.
Le liquidateur est un chef d’entreprise car il assure le service minimal de gestion et d’administration. Il exerce les droits et actions attachés au patrimoine du débiteur pendant la durée de la liquidation judiciaire. Il peut donc soit faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires et postaux du débiteur pendant un délai de 6 mois à compter du jugement de liquidation judiciaire. Au-delà de cette période, l’utilisation de ces comptes est soumise à l’autorisation du juge commissaire et à l’avis du procureur de la république.
En cas de maintien de l’activité après une cession totale ou partielle de l’entreprise, le liquidateur assure l’administration de l’entreprise avec la faculté d’exiger la poursuite des contrats en cours et d’exercer les prérogatives de l’administrateur judiciaire.
Avec l’autorisation du juge commissaire et après avoir consulté le comité d’entreprise ou les délégués du personnel et informé l’autorité administrative compétente, il procède aux licenciements pour motifs économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable.
Sous section 2 – Les opérations de liquidation judiciaire
I – La réalisation de l’actif par la cession de l’entreprise
A / La cession immédiate de l’entreprise.
Cette cession vise à assurer le maintien de l’activité susceptible d’exploitation autonome, le maintien de tout ou partie de l’emploi et l’apurement du passif. Elle peut être totale ou partielle et dans ce dernier cas porte sur un ensemble d’éléments d’exploitation qui forme une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activités.
Si le débiteur est membre d’une profession libérale, la cession ne peut porter que sur des éléments corporels mais quand il s’agit d’un officier public ou ministériel, le liquidateur peut exercer le droit du débiteur de présenter son successeur au garde des sceaux et de la justice.
1 ) Les offres de reprise.
Le tribunal fixe les délais où elles sont adressées au liquidateur si il estime envisageable la cession totale ou partielle de l’entreprise.
Le repreneur éventuel doit mentionner dans l’offre, les informations relatives à ses prévisions d’activité et de financement, relatives aux perspectives d’emploi, aux garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre.
Le liquidateur ou l’administrateur informe le débiteur, le représentant des salariés et les contrôleurs du contenu des offres reçues.
Ces offres sont déposées aux greffes où peut en prendre connaissance tout intéressé, en particulier les autres candidats à la reprise. C’est une innovation qui met fin à la confidentialité des offres de cession.
L’offre est irrévocable puisque après son dépôt elle ne peut être enlevée.
En outre, en cas d’appel de la décision arrêtant le plan, seul le cessionnaire demeure lié par son offre.
Des modifications de l’offre sont possibles mais dans un sens plus favorable c’est-à-dire par rapport au prix et au nombre d’emplois.
Le débiteur, les dirigeants de droit ou de fait, ainsi que certains parents et alliés ne sont pas admis directement ou par personne interposée à présenter une offre. La loi de sauvegarde ajoute celles ayant ou ayant eu la qualité de contrôleurs au cours de la procédure. Le législateur déroge à ces interdictions dans le cadre d’une exploitation agricole ou, à l’exception des contrôleurs, le tribunal peut autoriser la cession à ces différentes personnes.
2 ) L’adoption du plan de cession par le tribunal.
La prééminence du tribunal s’exprime dans 3 domaines.
a ) Le choix du tribunal : le tribunal peut se trouver dans une situation de choix entre plusieurs offres de reprise auquel cas il va retenir celle qui permet à la fois d’assurer dans les meilleures conditions et le plus durablement possible l’emploi attaché à l’ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution.
Son choix doit être dicté par la préoccupation d’atteindre les objectifs légaux et ne doit pas donc s’appuyer seulement sur des considérations de prix.
En effet, les modalités de garantie de paiement, la renommée du repreneur et l’avenir des salariés constituent autant de paramètres importants dans la prise de décision du tribunal.
La substitution d’un tiers au cessionnaire choisi par le tribunal demeure possible à condition de ne pas nuire aux dispositions du plan ; l’auteur de l’offre restant solidairement garant de la réalisation des engagements qu’il a souscrits. En effet le caractère intuitu personae l’emporte dans le contrat de cession au point que le tribunal va retenir l’offre la plus apte à satisfaire les objectifs légaux.
Le tribunal arrête un ou plusieurs plans de cession puisque la cession peut être totale ou partielle. Il statue notamment aux vues des éléments que le liquidateur ou l’administrateur judiciaire lui transmet, en particulier ceux permettant de vérifier le sérieux de l’offre et la qualité de tiers de son auteur et d’apprécier les conditions d’apurement du passif notamment au regard du prix offert, des actifs résiduels à recouvrer ou à réaliser, des dettes de la période de poursuite de l’activité et, le cas échéant, des autres dettes restant à la charge du débiteur.
Avant de se prononcer, le tribunal va recueillir l’avis du ministère public et entendre ou appeler le débiteur, le liquidateur, les représentants du comité d’entreprise ou les délégués du personnel et les contrôleurs. Les débats doivent avoir lieu en présence du ministère public lorsque la procédure est ouverte au profit de personnes morales ou personnes physiques dont le nombre de salariés est supérieur ou égal à 50 ou dont le chiffre d’affaire est supérieur à 3,1 million d’euros ; l’objectif étant de permettre au ministère public d’exercer son rôle de contrôle sur les opérations de cession.
b ) L’adoption d’un plan prévoyant des licenciements économiques : un tel plan ne peut être arrêté qu’après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel et information de l’autorité administrative compétente.
Il précise notamment les licenciements devant intervenir dans le délai d’un mois après le jugement sur simple notification du liquidateur sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail.
c ) L’application du jugement arrêtant le plan : le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous et emporte cession des contrats en cours c’est-à-dire des contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou de services nécessaires au maintien de l’activité.
3 ) La réalisation du plan de cession.
Il appartient au liquidateur de conclure tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession en exécution du plan arrêté par le tribunal notamment les actes authentiques relatifs à la cession de biens immobiliers ou les publications préalables à la cession de fond de commerce.
Dans l’attente de l’accomplissement du plan, le tribunal peut, à la demande du cessionnaire et sous sa responsabilité, lui confier la gestion de l’entreprise. Celui-ci doit justifier de la consignation du prix de cession ou d’une garantie équivalente. De plus, toute surenchère est interdite si la cession contient un fond de commerce.
Le plan arrêté peut être modifié substantiellement dans ses objectifs ou ses moyens, mais non en ce qui concerne le prix de cession. Cette modification peut intervenir sur décision du tribunal à la demande du chef d’entreprise c’est-à-dire du cessionnaire et sur rapport du CEL.
4 ) Les effets de la cession.
a ) Les pouvoirs du cessionnaire : il ne devient effectivement propriétaire qu’au paiement intégral du prix de cession. Il ne peut donc librement disposer des biens acquis tant que le prix de cession n’est pas entièrement payé.
Il en résulte, qu’à l’exception des stocks, les biens cédés corporels ou incorporels ne peuvent être aliénés ou donnés en location-gérance. Cette mesure vise à éviter que certains repreneurs se servent des éléments d’actif de l’entreprise défaillante pour réaliser des plus-values dont le produit permettrait de payer le prix de la reprise.
Cependant, une rigueur excessive risquerait de compromettre la cession de l’entreprise en empêchant le repreneur de financer l’opération en cédant les biens acquis ou en donnant des garanties sur les éléments d’actifs cédés. Aussi, le tribunal peut autoriser l’aliénation totale ou partielle des biens acquis, leur affectation à titre de sûreté, leur location ou location-gérance après rapport du liquidateur qui doit consulter auparavant le comité d’entreprise ou les délégués du personnel.
Le tribunal doit prendre en considération les garanties proposées par le cessionnaire.
Les pouvoirs du cessionnaire peuvent être limités par l’insertion dans le plan d’une clause de non aliénation de tout ou partie des biens cédés pour une durée fixée par le tribunal.
b ) Les sanctions encourues : le cessionnaire rend compte au liquidateur de l’application des dispositions prévues par le plan de cession. En l’absence d’exécution de ses engagements par le cessionnaire, le tribunal peut, sans préjudice de dommages et intérêts, prononcer la résolution du plan soit à la demande du ministère public, soit d’office ou à la demande du liquidateur, d’un créancier ou de tout intéressé après avoir recueilli l’avis du ministère public.
Le juge peut également prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan résolu, le prix payé par le cessionnaire étant acquis.
Par ailleurs, tout acte passé en violation de la clause de non aliénation des biens cédés est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présenté dans le délai de 3 ans à compter de sa conclusion.
B / La cession différée de l’entreprise : la location-gérance.
La loi de sauvegarde des entreprises a conservé les conditions dans lesquelles se réalise la location-gérance dans le contexte d’un plan de cession.
Ainsi, malgré une clause contraire, notamment dans le bail de l’immeuble, le tribunal peut par le jugement qui arrête le plan de cession, autoriser la conclusion d’un contrat de location-gérance au profit de la personne qui a présenté l’offre d’acquisition permettant dans les meilleures conditions et le plus durablement possible le maintien de l’emploi et le paiement des créanciers.
La location-gérance ne constitue que la mesure transitoire entre le jugement qui arrête le plan et la réalisation de la cession. Elle s’assimile à une période d’essai pour le repreneur en vue de se familiariser avec l’entreprise ; à cette différence que l’essai doit être transformé à l’échéance du contrat.
Celui-ci, en effet conclu pour une durée maximale de 2 ans, comporte l’engagement pour le locataire d’acquérir le bien à son terme, faute de quoi le tribunal, d’office ou à la demande du liquidateur ou du ministère public, va ordonner la résiliation du contrat de location-gérance et la résolution du plan sans préjudice de dommages et intérêts.
Il faut relever davantage de rigueur sous le régime actuel en raison des précédents abus des repreneurs qui, sous prétexte de poursuivre l’activité sous la forme d’une location-gérance, vidaient en réalité l’entreprise de sa substance.
Cependant, afin de ne pas rebuter les éventuels repreneurs, le législateur confère une certaine souplesse à la location-gérance. En effet, quand le locataire gérant démontre qu’à défaut d’acquérir aux conditions initiales pour une cause qui ne lui est pas imputable, il peut solliciter en justice la modification de ces conditions sauf concernant le montant du prix et le délai d’acquisition.
II – La réalisation de l’actif par la cession des actifs du débiteur
Le liquidateur prend des dispositions destinées à vendre au meilleur prix les actifs du débiteur parmi lesquels il distingue les immeubles et les autres biens.
A / La vente des immeubles.
Le régime en vigueur prévoit 3 modalités de vente :
– l’application des formes prescrites pour la saisie immobilière ;
– la vente par adjudication amiable ;
– la vente de gré à gré.
Le juge commissaire fixe la mise à prix, les principales conditions de la vente et détermine les modalités de publicité après avoir recueilli les observations des contrôleurs et entendu ou dûment appelé le débiteur et le liquidateur.
Il choisit la solution la plus appropriée en considération de la teneur, de l’emplacement des biens ou des offres reçues.
Ce juge prend sa décision par ordonnance dont il détermine la forme et la notifie, à la diligence du greffier, au débiteur et aux créanciers inscrits.
Les ventes par voie d’adjudication amiable peuvent faire l’objet de surenchères. Les adjudications réalisées emportent purge des hypothèques.
Le liquidateur répartit le produit de la vente et règle l’ordre entre les créanciers, sous réserve des contestations qui sont portées devant le TGI.
En cas de liquidation judiciaire d’un agriculteur, le tribunal peut, en considération de sa situation personnelle et familiale, accorder au débiteur des délais de grâce dont il détermine la durée pour quitter sa maison d’habitation principale.
B / La vente des autres biens.
Le juge commissaire dispose de la faculté de décider des modalités de vente des autres biens de l’entreprise. Il a le choix entre la vente aux enchères publiques et la vente de gré à gré. Il prend sa décision après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur et recueilli les observations du contrôleur. Il fixe le prix et les conditions de la vente et peut demander que lui soit soumis le projet de vente amiable afin de vérifier si ces conditions ont été respectées.
Les biens donnés en gage et ceux faisant l’objet d’un droit de rétention ne peuvent être vendus. Dans cette hypothèse, le juge commissaire peut autoriser le liquidateur à payer la dette afin de retirer le bien gagé ou la chose retenue. À défaut de retrait, le liquidateur doit, dans les 6 mois du jugement de liquidation judiciaire, demander à ce juge de réaliser ce bien. Le créancier ainsi dépossédé ne se trouve pas pour autant lésé car le droit de rétention est reporté de plein droit sur le prix.
L’inscription éventuelle prise pour la conservation du bien est radiée à la diligence du liquidateur.
De son côté, le créancier gagiste peut demander avant la réalisation de la vente, l’attribution judiciaire du bien même si sa créance n’est pas encore admise. Si celle-ci est rejetée en tout ou partie, il doit alors restituer au liquidateur le bien ou sa valeur, déduction faite du montant admis de sa créance.
III – L’apurement du passif
Il implique le règlement des créanciers.
Le jugement de liquidation judiciaire va modifier certains droits des créanciers. Pour sa part, le liquidateur doit réaliser les opérations de liquidation et répartir le produit de vente selon un ordre établi entre les créanciers.
1 ) Les modifications des droits des créanciers.
a ) La déchéance du terme : le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend exigible les créances non échues.Cette exigibilité immédiate se justifie par le fait que l’accumulation soudaine d’un passif ne peut plus nuire à l’entreprise dont le redressement est définitivement compromis.
Pour autant, la déchéance du terme encourue par le débiteur principal ne touche pas la caution et le débiteur solidaire. Ces derniers restent tenus à l’égard du créancier aux échéances normales. Cela s’explique par le fait que la déchéance du terme convenu résulte de la liquidation judiciaire du débiteur et ne saurait donc, sauf décision contraire, s’étendre à la caution ou au débiteur solidaire.
Cependant, quand le tribunal autorise la poursuite de l’activité parce que la cession partielle ou totale de l’entreprise est envisageable, les créances non échues sont exigibles à la date du jugement prononçant la cession.
b ) Le droit de poursuites individuelles : le jugement de liquidation judiciaire ne fait pas normalement recouvrer aux créanciers leur droit de poursuites individuelles préalablement suspendu par le biais du jugement d’ouverture.
Cependant, les créanciers munis de certaines sûretés vont connaître le rétablissement de ce droit. Ainsi, les créanciers titulaires d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque ainsi que le trésor public pour ses créances privilégiées, peuvent exercer leur droit de poursuites individuelles dès lors qu’ils ont déclaré leurs créances mêmes si celles-ci ne sont pas encore admises. Mais cette prérogative est subordonnée à la condition que le liquidateur n’ait pas entrepris la liquidation des bien grevés dans le délai de 3 mois à compter du jugement de liquidation.
C’est posé le problème de savoir ce qu’il convient d’entendre par «entreprendre la liquidation». La cour de cassation a considéré que le liquidateur doit avoir manifestement un commencement d’exécution. Ainsi ne constitue une simple mesure préparatoire, l’obtention de l’autorisation du juge commissaire de procéder à toutes expertises et à toutes recherches en vue de déterminer avec précision la consistance et l’évaluation des biens.
2 ) La répartition entre les créanciers.
Certains créanciers sont exclus de la répartition des dividendes, il s’agit de ceux qui n’ont pas déclaré leurs créances et non pas été relevés de leur forclusion sans toutefois que ces créances soient éteintes.
Par ailleurs, le juge commissaire peut décider qu’en cas de cession ou de liquidation judiciaire, il n’est pas procédé à la vérification des créances chirographaires s’il apparaît que le produit de la réalisation des actifs est entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées.
Les créanciers ainsi évincés ont pour seule possibilité, par l’intermédiaire du mandataire judiciaire, de mettre à la charge des dirigeants de la personne morale tout ou partie du passif social par le biais de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs.
La répartition des créanciers admis et reconnus se fait en fonction d’un classement et le paiement s’effectue selon des modalités bien précises. À cet égard, le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu’il achève éventuellement la vérification des créances et qu’il établit l’ordre des créanciers.
Section 3 – La clôture des opérations de liquidation judiciaire
Le tribunal met fin à la liquidation judiciaire en rendant un jugement de clôture.
À cet égard, la loi de sauvegarde des entreprises, soucieuse d’accélérer les procédures, a prévu que, dès l’ouverture de la procédure, le tribunal fixe un délai au terme duquel doit être examiné la possibilité de clôture.
I – La clôture pour extinction du passif exigible
Le tribunal saisi par le liquidateur, le débiteur, le ministère public ou d’office, peut, à tout moment, prononcer la liquidation judiciaire lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou lorsque le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers.
Tout créancier peut également saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure à l’expiration du délai de 2 ans à compter du jugement de la liquidation judiciaire.
Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
Le jugement de clôture pour extinction du passif met fin au dessaisissement qui atteignait jusque-là le débiteur. De plus, il rétablit le chef d’entreprise ou les dirigeants de la personne morale dans tous leurs droits. Il les dispense ou les relève des différentes déchéances, interdictions ou incapacités dont ils sont atteints.
L’inscription du jugement de liquidation judiciaire d’une personne physique au bulletin n° 2 du casier judiciaire est alors effacée.
II – La clôture pour insuffisance d’actifs
Hypothèse la plus fréquente qui empêche la poursuite des opérations de liquidation judiciaire.
Les créanciers assistent à l’apurement du passif sans avoir été payés et à la libération complète de leur débiteur.
A / Le rétablissement du débiteur dans ses droits.
Lorsque le débiteur est une personne morale, notamment la société, la clôture pour insuffisance d’actifs provoque la disparition de sa personnalité juridique qui ne survivait, depuis le jugement de liquidation judiciaire, que pour les besoins de la liquidation.
Lorsque le débiteur est une personne physique, il se trouve complètement libéré par le jugement de clôture pour insuffisance d’actifs.
De plus, il n’est plus dessaisi et recouvre l’intégralité de ses droits et actions sous réserve des sanctions éventuellement prononcées à son encontre.
Il peut alors reprendre une activité sans craindre d’en voir les fruits prélevés par ses anciens créanciers.
Pour autant, on ne saurait tolérer qu’un débiteur personne physique puisse indéfiniment et impunément effacer les traces de ses dettes en profitant à chaque fois d’un jugement de clôture pour insuffisance d’actifs. Aussi, pareil débiteur ne bénéficie que d’un seul droit à l’erreur ; il n’a qu’une seule fois la possibilité de reconstituer son patrimoine. En effet, les créanciers recouvrent leur droit de poursuites individuelles quand le débiteur s’est déjà trouvé en état de cessation des paiements et que la procédure a été clôturée pour insuffisance d’actifs.
B / La paralysie des droits des créanciers.
Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.
Les poursuites demeurent tout de même possibles contre les cautions et co-obligés. Ces derniers peuvent alors se retourner contre le débiteur pour lequel ils ont payé en lieu et place. Ce droit de poursuites individuelles recouvre toute sa vigueur dans certaines circonstances :
– en premier lieu, recouvrent leur droit de poursuites, les créanciers dont la créance résulte d’une condamnation pénale ou de droits attachés à leur personne comme les créances alimentaires.
Lorsqu’il s’agit d’une fraude fiscale, seul le trésor public bénéficie de cette prérogative.
– en deuxième lieu, les créanciers recouvrent ce droit en cas de fraude à leur égard, de faillite personnelle, d’interdiction de diriger ou de contrôler une entreprise commerciale ou une personne morale, de banqueroute ou lorsque le débiteur de la personne morale dont il a été dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actifs moins de 5 ans avant l’ouverture de celle à laquelle il est confrontée.
Les créanciers dont les créances ont été admises et qui recouvrent l’exercice individuel de leurs actions peuvent obtenir un titre exécutoire par ordonnance du président du tribunal ou, si leurs créances n’ont pas été vérifiées, les mettre en oeuvre dans les conditions de droit commun.
III – La réouverture de la procédure collective
La clôture pour insuffisance d’actifs met fin en principe aux opérations de liquidation.
Cependant, des éléments nouveaux peuvent être découverts après coup alors qu’ils auraient modifié le cours des événements s’ils avaient été connus alors que la liquidation était en cours.
Aussi, l’article L 643-13 prévoit donc des possibilités de réouverture de la procédure.
Si la clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée pour insuffisance d’actifs et qu’il s’avère que des actif non pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers non pas été engagées, la procédure peut être reprise d’office ou à la demande du liquidateur, du ministère public ou de tout créancier intéressé. Mais dans ce dernier cas, le créancier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal, les fonds nécessaires aux frais de l’opération. Le montant de ses frais lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.
La charge de la preuve repose sur celui qui allègue la fraude.
Le cas échéant, la procédure reprend à l’instant où elle a été arrêtée et le liquidateur retrouve ses fonctions.
Quant au débiteur qui aurait vraiment dissimulé des actifs, il encourt des sanctions telles que la banqueroute, la faillite personnelle et, pour un dirigeant de personne morale, il s’expose à une obligation aux dettes sociales.
Section 4 – La liquidation judiciaire simplifiée
L’une des principales innovation de la loi de sauvegarde des entreprises a été l’institution d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée qui devrait concerner un nombre important de procédures collectives et mettre rapidement fin à la liquidation de petites entreprises.
Cette procédure simplifiée s’applique à tout débiteur remplissant les conditions suivantes :
– l’actif ne comprend pas de biens immobiliers,
– le nombre de salariés au cours des 6 mois précédant l’ouverture de la procédure collective est égale ou inférieure à 5 et n’a pas dépassé ces 5 au cours des 6 mois,
– le chiffre d’affaires hors taxes apprécié à la date du dernier exercice est inférieur ou égal à 750 000 €.
En outre, cette procédure a vocation à s’appliquer, en cas de reprise de la procédure de liquidation judiciaire, après sa clôture, si des actifs non réalisés consistent seulement en une somme d’argent.
La juridiction saisie conserve toutefois la faculté d’apprécier et peut décider de ne pas recourir à ce régime même si les conditions de seuils sont remplies.
En cas de liquidation judiciaire subséquente, il semble que le tribunal puisse prendre la décision de recourir à la procédure simplifiée dès le jugement de conversion s’il dispose des informations nécessaires.
En cas de liquidation judiciaire immédiate, il est peu probable qu’il soit en possession de tous les éléments pour prendre une pareille décision. Aussi, le liquidateur va établir un rapport sur la situation du débiteur dans le mois de sa décision ce qui permettra au tribunal de statuer sur cette question.
Le tribunal peut toutefois décider à tout moment par un jugement spécialement motivé de revenir à la procédure de liquidation judiciaire de droit commun.
S’agissant de la procédure simplifiée, le tribunal doit en prononcer la clôture après avoir entendu ou appelé le débiteur au plus tard un an après son ouverture sachant qu’il peut, par une décision spécialement motivée, proroger la procédure pour une durée maximale de 3 mois.
Après la vérification et l’admission des créances, le liquidateur établit un projet de répartition qu’il dépose au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et le contester devant le juge commissaire.
Par la suite, le liquidateur procédera à la répartition conformément au projet ou à la décision rendue et le tribunal statuera sur la clôture de la procédure.
Sous titre 2 – Le sort des dirigeants de l’entreprise
Le débiteur personne physique, commerçant, artisan, agriculteur ou professionnel indépendant, engage l’ensemble de ses biens dès lors qu’il est mis en redressement ou en liquidation judiciaire.
La confusion entre le patrimoine de l’entreprise et son patrimoine personnel empêche la distinction entre les biens dont l’ensemble représente le gage d de es créanciers d’où la possibilité de vendre les biens personnels du débiteur afin de désintéresser ses créanciers.
Quand la procédure collective touche une personne morale, ses membres (associés ou dirigeants) se trouvent à l’abri des conséquences pécuniaires quand bien même se seraient-il immiscés et la gravement dans la gestion de l’entreprise ou auraient-ils conduit celle-ci à la cessation des paiements.
Cette exonération de sanction patrimoniale a paru injuste au législateur de 1985 qui, en reprenant les dispositions antérieures et en les améliorant, a prévu des sanctions patrimoniales propres aux dirigeants de la personne morale.
Le législateur prescrit également des sanctions communes à tous les dirigeants sans distinguer les entreprises individuelles des personnes morales. Ces sanctions sont tantôt personnelles, destinées à écarter du circuit économique des personnes indignes, tantôt pénales, visant à les punir sévèrement.
La loi de sauvegarde des entreprises n’a pas manqué d’apporter sa touche personnelle, elle tend à trouver un juste milieu entre, d’une part, des actions en responsabilité trop faciles à intenter et qui sont lourdes de conséquences pour les partenaires de l’entreprise et, d’autre part, des sanction trop sévères qui risquent d’inciter les débiteurs à retarder par tout moyen le recours à une procédure judiciaire. Eux
En outre, les actions en responsabilité ne doivent pas et trop difficiles à intenter sous peine de ne pas sanctionner certains agissements délictueux ou excessifs.
Cette recherche d’équilibre vaut aussi bien pour les responsabilités et sanctions patrimoniales que pour les responsabilités personnelles et pénales.
Chapitre 1 – Les responsabilités et sanctions patrimoniales
Ces sanctions ne frappent que les dirigeants de personne morale et tous les dirigeants sans exception.
En effet, l’article L 651-1 Code de Commerce dans sa version de la loi de sauvegarde des entreprises dispose que les sanctions patrimoniales s’appliquent aux dirigeants de personne morale de droit privé ainsi qu’aux personnes physiques, représentants permanents des dirigeants de personne morale.
Ces sanctions revêtent 2 aspects.
Section 1 – La responsabilité pour insuffisance d’actifs
La responsabilité d’un dirigeant peut être mise en oeuvre à la suite, soit d’une action du droit des sociétés, soit d’une action en comblement de passif devenue l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs avec la loi de sauvegarde des entreprises et régie par les articles L 651-1 à L 651-4 Code de Commerce. Ces deux actions ne se cumulent pas.
S’agissant de l’action propre au droit des entreprises en difficulté, la loi du 13 juillet 1967 avait créé une présomption de responsabilité au détriment des dirigeants sociaux dès lors que le redressement judiciaire ou la liquidation immédiate d’une personne morale relevait une insuffisance d’actifs. Les intéressés ne pouvaient se dégager de la responsabilité qu’en démontrant qu’ils avaient apporté à la gestion des affaires sociales toute l’activité et la diligence nécessaire.
Les nouvelles dispositions du code de commerce conservent la condamnation au paiement pour insuffisance d’actifs mais ne présume plus la faute de gestion des dirigeants ; il appartient donc au tribunal de prouver cette faute.
Par ailleurs, le produit de l’action ne profite plus aux créanciers puisqu’il tombe dans le patrimoine du débiteur et non plus dans celui de la masse des créanciers.
I – Les dirigeants soumis à la responsabilité pour insuffisance d’actifs
A / La qualité des dirigeants.
Sont visés les dirigeants personne physique ou personne morale ainsi que les personnes physiques représentants permanents des dirigeants personne morale.
La sanction frappe donc, outre les personnes morales dirigeantes, le représentant permanent personne physique dont le patrimoine est en péril.
Elles touchent également les personnes membres ou associées de la personne morale en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire quand elles sont solidairement et indéfiniment tenues des dettes sociales.
Quant au dirigeant retiré, il doit supporter les conséquences pécuniaires de sa gestion défectueuse et s’expose à assurer le passif social si l’insuffisance d’actifs a pris naissance alors qu’il était alors en fonction.
Pour le dirigeant décédé, la jurisprudence comblant le mutisme des textes résout cette question dans les mêmes conditions que le dirigeant retiré. Ainsi, la charge issue de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est transmise par succession aux héritiers qui, pour s’en affranchir, doivent prouver que cette insuffisance n’a pas pour cause une faute du dirigeant décédé.
Si le décès précède le jugement d’ouverture, il doit avoir lieu à une époque où existait déjà la situation génératrice de l’insuffisance d’actifs.
B / Le statut des dirigeants.
1 ) Les dirigeants de droit.
Ce sont les dirigeants qui occupent des fonctions directoriales régulièrement conférées par la loi dans les statuts.
Sont considérés comme tels, le gérant de société, le président du conseil d’administration, le directeur général, le directeur général délégué et l’administrateur de la SA classique, membres du directoire et le directeur général unique de la SA dualiste et enfin le président et le dirigeant de la SAS.
En revanche, les membres du conseil de surveillance, les directeurs techniques liés à la personne morale par un contrat de travail et il le commissaire aux comptes ne sont pas considérés comme dirigeant de droit. Ils n’encourent donc pas de sanctions patrimoniales à ce titre mais éventuellement en tant que dirigeant de fait.
2 ) Les dirigeants de fait.
Il arrive que d’autres personnes physiques ou personnes morales gèrent effectivement l’entreprise aux lieux et places des dirigeants de droit ou sous le couvert de ceux-ci ; elles sont considérées comme dirigeants de fait.
La doctrine ainsi que la jurisprudence qualifie de la sorte ainsi ceux qui, en toute indépendance et souveraineté, exercent une activité positive de gestion et de direction.
Les dirigeants de fait peuvent être condamnés au paiement de l’insuffisance d’actifs quand celle-ci leur est imputable.
3 ) Les dirigeants rémunérés ou non.
Bien que les nouvelles dispositions issues de la loi de sauvegarde des entreprises ne le précisent pas, l’absence de rémunération n’influe pas sur le prononcé des différentes sanctions patrimoniales à l’égard des dirigeants de droit ou de fait.
Le tribunal peut toutefois atténuer la portée de la sanction compte tenu de la gratuité des fonctions du dirigeant. Auquel cas, les dirigeants bénévoles vont contribuer à l’insuffisance d’actifs dans de moindres proportions que s’ils avaient perçu une rémunération.
II – Les conditions d’exercice de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs –
A / Les conditions de fond.
Cette action est soumise à 2 conditions issues de la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou encore de la liquidation judiciaire d’une personne morale.
1 ) L’insuffisance d’actifs.
Elle existe dès que le passif excède l’actif.
Son appréciation exige de tenir compte de l’intégralité de l’actif et du passif mais non du caractère privilégié ou chirographaire des créances ni de leur exigibilité.
Il n’est pas nécessaire que le passif soit entièrement chiffré ou que l’actif ait été réalisé. Il faut qu’existe une différence entre le passif et l’actif au moment où l’action est engagée.
À cet égard, les textes ne subordonnent pas la recevabilité de l’action à la vérification des créances chirographaires mais font de celle ci une conséquence de mise à la charge des dirigeants de tout ou partie du passif social.
Le passif retenu pour apprécier l’insuffisance d’actif est celui né antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire et non celui né postérieurement du fait de la continuation de l’activité.
2 ) La faute de gestion.
En l’absence de définition légale de la faute de gestion, les tribunaux disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour en établir l’existence. Cette faute a des origines diverses. Elle peut résulter de la violation de la loi, d’un dérèglement des statuts, de la poursuite d’une exploitation déficitaire, de l’emploi de moyens ruineux pour permettre à la société, dont l’actif est insuffisant, de se procurer des fonds, de l’absence d’une tenue régulière de comptabilité et enfin du non-respect de l’obligation légale de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire dans le délai de 45 jours à dater de la cessation des paiements en laissant s’accumuler les pertes ou encore du désintérêt pour les affaires sociales.
Cette liste n’est pas limitative et tout acte de gestion ayant un lien même ténu avec l’insuffisance d’actifs peut-être un fait générateur de l’action en responsabilité.
La faute de gestion ne doit pas être la seule cause d’insuffisance d’actif mais constituer une des causes de défaillance de l’entreprise.
La contribution à l’insuffisance d’actifs suppose que le dirigeant y a participé sans en endosser l’entière responsabilité même s’il doit en supporter les conséquences.
B / Les conditions de forme.
L’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs, exercée contre les dirigeants, relève de la compétence de la juridiction qui a résolu le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la personne morale ou qui a prononcé sa liquidation judiciaire.
Les personnes habilitées à saisir le tribunal compétent sont limitativement énoncées par l’article L 651-3 Code de Commerce.
Il s’agit du mandataire judiciaire, du liquidateur et du ministère public, le tribunal ne pouvant plus se saisir d’office.
Le tribunal peut également être saisi dans l’intérêt collectif des créanciers par la majorité des créanciers nommés contrôleur quand le mandataire judiciaire, ayant qualité pour agir, n’a pas engagé les actions nécessaires après une mise en demeure restée sans suite.
En revanche, ni les créanciers individuellement, ni les salariés, individuellement ou par leurs représentants, ne peuvent saisir le tribunal alors même que l’insuffisance d’actifs leur porte directement préjudice.
Le refus d’une action individuelle des créanciers tient au fait que leur préjudice est collectif, ce qui implique une réparation au moyen d’une action introduite par le mandataire judiciaire.
Le représentant des salariés ne peut agir, car le préjudice se trouve réparé par les créances salariales avancées par l’AGS.
L’action se prescrit par 3 ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ou résout le plan.
Par ailleurs, le président de la juridiction saisie peut, d’office ou à la demande d’un des initiateurs de l’action, charger le juge commissaire ou un membre du tribunal d’obtenir communication de tous documents ou informations sur la situation patrimoniale des dirigeants de la part des administrations et organismes publics, des organes de prévoyance et de sécurité sociale et des établissements de crédit. Il peut également prendre toutes mesures conservatoires utiles à l’égard des biens des dirigeants poursuivis.
III – Les conséquences de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs
A / Les conséquences à l’égard du dirigeant concerné.
Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la sanction à l’égard du dirigeant.
Quand bien même seraient remplies les conditions de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs, il n’est pas tenu de prononcer la sanction.
Le tribunal fixe le montant de la réparation due. A ce propos, il décide que les dettes de la personne morale sont entièrement ou partiellement supportées, conjointement ou avec solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains seulement. Il établit enfin la part de responsabilité de chacun d’eux selon la gravité de leur faute et la somme qu’ils doivent verser qui ne peut excéder le montant de l’insuffisance d’actifs.
Le tribunal peut assortir cette sanction patrimoniale du prononcé de la peine personnelle des personnes physiques,dirigeant de droit ou de fait de la personne morale confrontée à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et des personnes physiques, représentant permanent de personne morale dirigeante.
Le tribunal peut, à la place de celle-ci, opter pour l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement une entreprise commerciale ou artisanale ou toute exploitation agricole et toute personne morale, ou une ou plusieurs d’entre elles.
Enfin, s’exposent aux peines de la banqueroute, les dirigeants qui ont notamment détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur c’est-à-dire de la personne morale soumise à la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
B / Les conséquence à l’égard des créanciers de la personne morale.
A priori, le produit de l’action devrait profiter aux créanciers de la personne morale confrontée à la procédure collective, or il n’en est rien.
Les sommes versées par le dirigeant entrent dans le patrimoine du débiteur c’est-à-dire la personne morale.
Le produit de l’action est réparti au mark le franc entre tous les créanciers. On procède entre eux à une distribution égalitaire proportionnelle au montant de leurs créances sans tenir compte du caractère privilégié.
Section 2 – L’obligation aux dettes sociales
En principe, l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’égard d’une personne morale n’a aucune répercussion sur les dirigeants mêmes s’ils sont membres ou associés de la personne morale, indéfiniment et solidairement responsables du passif social, car la loi de sauvegarde des entreprises a mis fin à l’extension vis-à-vis de ces derniers de la procédure collective ouverte à l’encontre des groupements auquel ils appartiennent.
Cette loi a également institué une obligation aux dettes sociales à la place de la mise personnelle en redressement ou liquidation judiciaire des dirigeants qui se sont servis de la personne morale à des fins personnelles ou ont commis des fautes préjudiciables à celle-ci.
I – Les conditions de l’obligation aux dettes sociales
A / Conditions de fond.
Cette obligation concerne les dirigeants de personne morale confrontée à une procédure de liquidation judiciaire mais non à une procédure de sauvegarde ou de redressement dès lors qu’ils ont commis des fautes ayant contribué à la cessation des paiements.
L’action peut être intentée contre tout dirigeant de droit ou de fait, rémunéré ou non (mêmes personnes que celles exposées à la condamnation au paiement pour insuffisance d’actifs).
Pour que l’action soit fondée, il faut que l’intéressé ait commis un des actes de l’article L 652-1 al 1 Code de Commerce. Ce texte énumère 5 cas d’obligation aux dettes sociales.
Il va de soi que l’obligation aux dettes sociales, mise à la charge d’un dirigeant, implique la mise en évidence d’un des 5 faits évoqués.
En outre, ces faits sont exclusifs de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif qui ne peut donc se cumuler avec l’obligation aux dettes sociales.
B / Conditions de forme.
Lorsqu’en vertu de l’article L 652-1, l’obligation aux dettes sociales est prononcée à l’égard d’un dirigeant, la procédure se déroule devant le tribunal qui a initialement ouvert la liquidation judiciaire de la personne morale.
Le tribunal est saisi dans des conditions identiques à celles de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs et les mêmes prérogatives sont conférées au président du tribunal notamment concernant ses pouvoirs d’investigation quant aux informations relatives à la situation patrimoniale des dirigeants et à la prise de mesures conservatoires à l’égard de leurs biens.
L’action se prescrit également par 3 ans à compter du jugement qui prononce liquidation judiciaire.
II – Les effets de l’obligation aux dettes sociales
Comme la responsabilité pour insuffisance d’actifs, les dirigeants de droit ou de fait vont assurer en totalité ou en partie les dettes sociales.
Cependant, en présence de plusieurs dirigeants obligés à ces dettes, le principe de proportionnalité de l’article L 652-2 commande à la juridiction de prendre en considération la faute de chacun afin de déterminer la part des dettes sociales mise à sa charge. Cela n’empêche pas qu’elle puisse par une décision motivée les déclarer solidairement responsables.
Contrairement aux sommes versées en cas de responsabilité pour insuffisance d’actifs, celles recouvrées dans le cadre de l’obligation aux dettes sociales ne revêtent pas un caractère indemnitaire. Elles ne rentrent donc pas dans le patrimoine du débiteur mais sont affectées au désintéressement des créanciers selon l’ordre de leurs sûretés c’est-à-dire en fonction des privilèges généraux et … sociaux et fiscaux.
Chapitres 2 – Les responsabilités et sanctions personnelles
Ces sanctions n’ont pas pour objet d’atteindre les dirigeants ou le débiteur personne physique dans leur patrimoine, mais dans leur capacité.
Le tribunal peut prononcer à leur rencontre, soit la faillite personnelle, soit l’interdiction de diriger ou de contrôler une entreprise.
Section 1 – La faillite personnelle
I – Le prononcé de la faillite personnelle
A / Les conditions de fond.
1 ) Les personne visées par la sanction.
L’article L 653-1 indique les personnes passibles de faillite personnelle. Seules les personnes physiques sont concernées par cette sanction dans la mesure où les déchéances d’ordre civil ou professionnel ne se conçoivent pas pour les personnes morales.
Tout d’abord, la faillite personnelle peut être prononcée contre les personnes physiques exerçant la profession de commerçant, d’agriculteur ou immatriculées au registre des métiers ou ayant une activité professionnelle indépendante.
Il s’ensuit que sont exposés à la faillite personnelle, les associés dotés de la qualité de commerçant mêmes s’ils ne sont pas gérants. Encourent également cette sanction, les personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personne morale. Enfin, peuvent se voir condamner à la faillite personnelle, les personnes physiques, responsables permanents de personne moral dirigeant de personne morale.
À l’image des sanctions patrimoniales depuis la loi de sauvegarde des entreprises, la sanction personnelle s’adresse aux dirigeants de toute personne morale sans exigence d’une activité économique.
2 ) Les personnes physiques visées par la sanction.
Il faut différencier les personnes physiques selon qu’elles remplissent des fonctions de chef d’entreprise individuelle ou de dirigeant de personne morale.
a ) Les cas généraux : il s’applique à tout chef d’entreprise, détenteur sans distinction de la qualité du débiteur personne physique ou personne morale. L’article L 653-5 Code de Commerce prévoir 6 cas de portée générale.
b ) Les cas spécifiques :
– avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements. L’intérêt personnel n’est pas ici requis.
– avoir détourné est dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenter le passif.
Il s’agit d’une part du dirigeant qui, en vertu de l’article L 652-1, s’est rendu coupable des actes donnant lieu à une condamnation à payer les dettes sociales, d’autre part du dirigeant qui n’a pas acquitté les dettes de la personne morale mises à sa charge.
Le tribunal peut décider d’aggraver les sanctions patrimoniales par le prononcé de sanctions personnelles.
B / Les conditions de forme.
Le tribunal qui prononce le redressement ou la liquidation judiciaire de la personne morale peut décider de frapper ses dirigeants, soit de la faillite personnelle, soit de l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise.
Tout comme les sanctions patrimoniales, la demande tendant au prononcé de mesures personnelles n’est recevable qu’autant qu’une procédure collective est ouverte.
Afin d’encourager le recours à la procédure de sauvegarde, la loi de sauvegarde des entreprises s’est abstenue d’envisager ces sanctions personnelles pour cette procédure.
En toute logique, le tribunal compétent doit être celui qu’il est saisi de la procédure. Cependant, le tribunal répressif qui déclare coupable de banqueroute une de ces personnes visées peut, sous certaines conditions posées par la loi de sauvegarde, prononcer sa faillite personnelle.
Le tribunal autre que la juridiction répressive est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public. Là encore, comme pour les sanctions patrimoniales, le juge peut être saisi à tout moment de la procédure par la majorité des créanciers nommés contrôleurs en cas de carence du mandataire judiciaire.
Le délai de prescription destiné à prononcer la peine personnelle et les autres interdictions est de 3 ans à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Cependant, la faillite personnelle est une sanction facultative qui relève de la libre appréciation du tribunal.
II – Les effets de la faillite personnelle
La faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante.
Ainsi, le failli ne peut plus exercer une activité commerciale, artisanale ou agricole, pas plus qu’il ne peut occuper le poste de gérant, d’administrateur, de directeur général, de membre du directoire ou du conseil de surveillance, ni être commissaire aux comptes d’une société commerciale ou d’une personne morale ayant une activité économique.
La disposition prévoyant l’incapacité pour la personne condamnée d’exercer une fonction publique élective, qui avait été abrogée par le conseil constitutionnel, a été réintroduite par la loi de sauvegarde des entreprises ; l’incapacité peut être prononcée pour une durée égale à celle de la faillite personnelle dans la limite de 5 ans.
Lorsque la décision est devenue définitive, le ministère public notifie à l’intéressé, l’incapacité qui produit effet à compter de cette notification.
L’indignité qui frappe le failli le prive du droit de porter des décorations telle que la Légion d’honneur.
Enfin, le droit de vote des dirigeants atteints de faillite personnelle est exercé, dans les assemblées de personne morale, soumise à la procédure collective, par un mandataire désigné par le tribunal à la requête de l’administrateur judiciaire, du liquidateur et du CEP. Celui-ci peut même ordonner la cession forcée de leurs actions ou parts sociales après une expertise éventuelle. Le produit de la vente est affecté au paiement des dettes sociales mises à la charge des dirigeants.
III – Le régime de la sanction
Le tribunal détermine librement la durée de la faillite personnelle qui ne peut être supérieure à 15 ans. Les déchéances et interdictions cessent de plein droit au terme fixé.
Par ailleurs, la mesure prend fin par anticipation dans 3 cas :
– par le jugement de clôture de la procédure pour extinction du passif y compris après exécution de l’obligation aux dettes sociales prononcées à l’encontre de l’intéressé. Le chef d’entreprise ou le dirigeant est alors rétabli dans ses droits et il est mis fin aux déchéances, interdictions et incapacités ;
– par la demande présentée par l’intéressé au tribunal de le relever en tout ou partie des déchéances et interdictions et de l’incapacité d’exercer une fonction publique élective s’il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif ;
– par la présentation, par la personne condamnée, de toute garantie démontrant sa capacité à diriger ou contrôler une ou plusieurs des entreprises visées.
La décision du tribunal emporte réhabilitation de l’ancien failli.
Section 2 – L’interdiction de diriger
Il existe 2 cas d’interdiction :
– en 1er lieu, l’interdiction est une sanction accessoire à la faillite personnelle en ce sens qu’elle emporte interdiction de diriger un certain nombre d’entreprises ;
– en 2nd lieu, elle est une sanction qui peut être prononcée en substitution à la faillite personnelle sans que la durée de la sanction fixée par le tribunal puisse excéder 15 ans. Dans cette hypothèse, l’interdiction prononcée à la place de la faillite personnelle s’applique non seulement à la même entreprise ou exploitation, mais aussi à toute personne morale et pas seulement celle ayant une activité économique, ou seulement une ou plusieurs d’entre elles.
Cette interdiction peut également être prononcée à titre principal à l’encontre, d’une part, de toutes personne mentionnée à l’article L 653-1 qui, de mauvaise foi, n’a pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur et au liquidateur les renseignements qu’il est tenu de lui communiquer, d’autre part, à l’encontre d’une telle personne qui a omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, sans avoir demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
La portée et l’étendue de l’interdiction varient donc selon qu’elle constitue une sanction principale ou accessoire de la faillite personnelle. Dans la première hypothèse, l’interdiction est générale puisqu’elle porte sur toute entreprise individuelle et toute personne morale alors que dans la seconde elle peut être limitée à une ou plusieurs catégories d’entreprise.
De même que pour la faillite personnelle, le dirigeant interdit perd son droit de vote à l’assemblée et peut être contraint de céder ses actions ou parts sociales.
L’intéressé peut également être rétabli dans ses droits ou réhabilité dans les mêmes conditions qu’en cas de faillite personnelle.
Chapitre 3 – Les responsabilités et sanctions pénales
En dehors de la banqueroute, d’autres délits peuvent être accomplis au cours de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, non seulement par le dirigeant de l’entreprise en difficulté, mais aussi par les organes de la procédure, les parents du débiteur, les créanciers ou des tiers.
Section 1 – La banqueroute
I – Les éléments de la banqueroute
Ce n’est qu’en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire que les faits visés par l’article L 654-2 sont constitutifs de banqueroute.
Ce texte fait de l’ouverture d’une telle procédure non pas une simple condition de la poursuite, mais un élément constitutif du délit. Il s’agit d’une règle de fond et non de procédure.
Outre que l’entreprise débitrice doive faire l’objet de cette procédure, l’un des 5 faits de la banqueroute doit être établi à l’encontre de son dirigeant.
La banqueroute étant un délit, dans le silence des textes, la tentative n’est pas punissable.
Les faits répréhensibles sont les suivants :
– les achats en vue d’une revente en dessous du cour ou l’emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds et ceci avec l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure, de redressement ou de liquidation judiciaire.
La mauvaise foi de l’auteur du délit est exigée puisqu’il doit avoir commis les faits répréhensibles en connaissance de l’état de cessation des paiements ;
– le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l’actif du débiteur ;
– l’augmentation frauduleuse du passif du débiteur ;
– le fait d’avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait une obligation ;
– la tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales.
II – La répression de la banqueroute
A / Les personnes punissables.
Il s’agit des personnes suivantes :
– tout commerçant, agriculteur, toute personne immatriculée au registre des métiers et des personnes physiques exerçant une activité professionnelle et indépendante ;
– toute personne qui a directement ou indirectement, en droit ou en fait, dirigé ou liquidé une personne morale de droit privé. Sont ainsi visés non seulement les dirigeants mais également le liquidateur de la personne morale ;
– toute personne physique représentant permanent de personne morale, dirigeant des personnes morales de droit privé. Par ailleurs, sont punissables les personnes qui ont aidé ou facilité la réalisation du délit. En effet, elles se rendent coupables de complicité de banqueroute peu importe qu’elles disposent ou non des qualités exigées chez l’auteur principal ; ainsi un simple comptable peut être déclaré complice de banqueroute.
B / Les peines applicables.
La personne coupable de banqueroute s’expose à une peine de 5 ans de prison et de 75 000 € d’amende.
Dès lors que l’auteur principal ou le complice est un dirigeant d’une entreprise prestataire de services d’investissement, les peines sont élevées à 7 ans de prison et 100 000 €.
Le tribunal peut prononcer des sanctions complémentaires :
– la privation des droits civiques, civils et familiaux ;
– l’interdiction pour une durée de 5 ans ou plus, d’exercer une fonction publique ou l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise sauf si une juridiction civile ou commerciale a déjà définitivement prononcé une pareille mesure ;
– l’exclusion des marchés publics pour une durée maximum de 5 ans ;
– l’interdiction pour la même durée d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par un tireur auprès du tiré ou des chèques certifiés ;
– l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal.
La juridiction répressive peut condamner la personne reconnue coupable de banqueroute, soit à la faillite personnelle, soit à l’interdiction de diriger à moins qu’une juridiction civile ou commerciale est déjà prononcée une telle mesure par une décision définitive.
Il faut signaler que les personnes morales peuvent également être déclarées responsables de banqueroute ou de complicité de banqueroute auquel cas la peine d’amende s’élève au quintuple de celle infligée aux personnes physiques.
Section 2 – Les autres infractions
Le législateur a érigé en infraction certains actes accomplis par le débiteur ou par les dirigeants de l’entreprise en difficulté.
Sont passibles de l’emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 30 000 € les mêmes personnes que celles susceptibles d’être poursuivies pour banqueroute et qui, pendant la période d’observation, ont accompli les actes suivants :
– soit avoir consenti une hypothèque ou un nantissement ou fait un acte de disposition sans l’autorisation du juge commissaire ou payé en tout ou partie une dette née avant le jugement d’ouverture ;
– soit avoir effectué un paiement en violation des modalités de règlement du passif prévues au plan ou avoir effectué un acte de disposition sans l’autorisation du tribunal ou encore avoir cédé un bien rendu inaliénable dans le cadre d’un plan de cession.
Il en va de même de toute personne qui pendant la période d’observation ou d’exécution du plan a, en connaissance de la situation du débiteur, effectué les différents actes visés ou en a reçu un paiement irrégulier.
S’expose également aux mêmes peines que celles de la banqueroute, 3 catégories d’individus :
– ceux qui ont soustrait, recélé ou dissimulé tout ou partie des biens des personnes exposées à la banqueroute et dans l’intérêt de celle-ci ;
– ceux qui ont frauduleusement déclaré dans la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, soit en leur nom, soit par interposition de personnes, des créances supposées ;
– ceux qui, exerçant une activité commerciale, artisanal, agricole ou toute autre activité indépendante, qui sous le nom d’autrui ou sous un nom supposé, se sont rendus coupables d’un des faits énoncés par l’article L 654-14.
L’article L 654-10 prévoit également des peines d’abus de confiance c’est-à-dire 2 ans de prison et une amende de 45 000 € contre le conjoint, les descendants, les ascendants, les collatéraux ou les alliés du débiteur ou du dirigeant de la personne morale qui ont détourné, diverti ou recélé les effets dépendant de l’activité du débiteur soumis à la procédure collective.
Enfin, des peines maximales de 10 ans de prison et de 75 000 € d’amende sont prévues contre les organes de la procédure ; il s’agit des administrateurs, des mandataires judiciaires, des liquidateurs et des commissaires à l’exécution du plan qui ont effectué les actes suivants :
– le fait d’avoir porté volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur, soit en utilisant à leur profit des sommes perçues dans l’accomplissement de leur mission, soit en se faisant attribuer des avantages indus ;
– le fait d’utiliser les pouvoirs dont il disposait pour un usage qu’il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur ; il en va de même lorsque ces personnes, ainsi que toute autre personne, à l’exception des représentants des salariés, se sont rendues acquéreur pour leur compte, directement ou indirectement, des biens du débiteur ou encore les ont utilisés à leur profit.
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