Le droit des transports

Cours de DROIT DU TRANSPORT

   Le droit du transport est le droit qui s’applique aux transporteurs, aux clients et utilisateurs des moyens de transport et aux intermédiaires ainsi qu’aux revendeurs de billets.

Les transporteurs peuvent être des transporteurs routiers, des transporteurs ferroviaires , des transporteurs maritimes ou des transporteurs aériens.

 Depuis l’origine, l’Homme pratique la notion de transport. En effet, il lui paraît naturel de se déplacer et de déplacer les choses qui l’entourent et qu’il utilise. De ce fait, l’histoire de l’humanité souligne régulièrement des hypothèses de transport dans le temps ou dans l’espace et chaque grande période historique se réfère à un mode de transport. Ainsi, l’antiquité est marquée, grâce aux grecs et au phéniciens, par l’activité maritime qui peu à peu va céder la place à la route. Le 19ème siècle sera celui du développement ferroviaire et le 20ème celui de l’aviation et de l’aéronautique.

Tout au long du parcours historique, on note le développement important des moyens de transport à l’occasion des guerres. Jusqu’au 20ème siècle, les guerres se traduisent par le développement maritime (radeaux, galères et gros bateaux), les taxis avec la première guerre mondiale, les ponts aériens avec la seconde guerre mondiale pour favoriser le débarquement. Les guerres les plus récentes contribuent au développement du transport aérien. Toutes ces situations de guerre vont certes développer le transport mais permettre également de comprendre l’intérêt du transport pour l’activité commerciale.

Le transport est ainsi devenu l’expression la plus fréquente de l’activité commerciale, il repose sur l’échange et la répartition des richesses et rejaillit sur la vie quotidienne. En effet, l’individu a besoin de se déplacer pour exercer son activité professionnelle. En parallèle, le développement des loisirs et de la notion de temps de travail a donné l’occasion aux individus de voyager seuls, de manière organisée ou ad hoc (croisières, charters). Par ailleurs, la qualité de vie est devenue est concept important, la publicité et la société de consommation suscitent de plus en plus le déplacement des marchandises. L’accès est de plus en plus mis sur les produits naturels ou frais de telle sorte que le consommateur souhaite de tels produits en toute saison ce qui implique des déplacements rapides pour les produits périssables selon les saisons, le climat et le lieu de production. L’activité de transport constitue donc à la fois un facteur de progrès et un critère de développement économique, autant vis-à-vis des personnes que des marchandises. Etant donnée l’importance du transport, les pouvoirs publics s’y intéressent, toute tendance politique confondue. La politique des transports passe par l’amélioration des modes de transport (métro, TGV etc.) et des structures (aéroport, voies ferrées, routes), elle va aussi générer des techniques nouvelles considérées comme des moyens de transport car elles entraînent des circulations: oléoducs et gazoducs. Les recherches spatiales (navettes) sont aussi faites dans une optique de transport. 

Par ailleurs, les transports sont aussi un domaine privilégié d’expression des politiques communautaires ce qui complique souvent les législations puisque les mesures nationales et européennes se juxtaposent. Cette complexité se retrouve dans les sources et l’organisation du droit des transports français. 

 Section 1: L’organisation des transports 

L’organisation des transports repose en France sur des structures administratives et professionnelles chargées de mettre en œuvre la politique française et européenne de transport. Il y a autant de structures administratives et professionnelles que de type de transport, seul le ministère des transports est unique. S’agissant du transport routier: 

1) Le ministère des transports 

Il s’agit souvent d’un ministère autonome mais il peut être doublé de l’équipement. Les interventions du ministre sont nombreuses et dans des domaines variés. Toutes les décisions prises sont susceptibles de recours devant le juge administratif. Le ministre actuel est M. Perben, le ministère se trouve dans l’arche sud de la défense. 

2) Le Conseil national des transports (CNT) 

Créé par la loi du 30 déc. 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI). 

   Composition: représentants du parlement et des collectivités territoriales, représentants des entreprises de transport, représentants des salariés du transport, représentants des usagers et de représentants de l’Etat nommés en raison de leurs compétences. 

Le CNT peut créer des comités régionaux et départementaux, présidés par le préfet. 

    Missions: 

  • rôle consultatif: le CNT émet un avis consultatif sur les questions soumises par le ministre et chaque fois qu’une loi ou un règlement impose sa consultation.
  • surveillance: le CNT surveille le fonctionnement des transports et en particuliers les schémas nationaux de développement des transports et des infrastructures.

Le CNT rédige un rapport annuel et fait des propositions au ministre à condition qu’elles aient été avalisées par au moins 2/3 de ses membres. 

3) Le Conseil national de la coordination tarifaire (CNCT) 

Le CNCT comprend des représentants de la SNCF, de réseaux ferrés de France ainsi que de transporteurs, loueurs et commissionnaires. Ainsi, hormis les représentants de la SNCF, tous sont des représentants d’organismes professionnels d’où une certaine indépendance vis-à-vis de l’Etat quant à l’établissement des tarifs. 

4) Les organes professionnels 

  • A) Le comité national routier (CNR)

Le CNR a été créé par le décret de 1989 qui le qualifie de comité professionnel de développement économique. 

   Composition: 18 membres choisis par le ministre sur proposition des organisations professionnelles représentatives. 

    Mission: observer le prix et le coût des transports afin d’établir à titre indicatif des tarifs de référence. 

  • B) Les bureaux régionaux de fret

Ils ont été créés pour informer les professionnels et les usagers sur les besoins, les ressources, les tarifs et les prix pratiqués dans la région.

Section 2: Les sources du droit des transports 

1) Les sources classiques françaises 

Le droit des transports est défini de manière générale comme la branche du Droit s’intéressant au déplacement des choses ou des personnes, ce déplacement s’opérant grâce à un engin mobile. Le droit des transports décrit les mécanismes juridiques qui assurent et organisent le transport et en jugule les conséquences. 

Le développement constant du transport marchand international a également provoqué en droit interne l’adoption de contrats-types et à l’échelon international de conventions uniformes puisqu’il a fallu passer outre la complexité du droit interne. 

    Le droit commun du transport 

  • Le Code civil considère le contrat de transport comme une espèce principale de louage d’ouvrage et d’industrie Livre 3, Titre 8 Chap. 3. Code Civil Article1782 à 1786 concerne les voituriers par air (ce qui comprend donc la terre) ou par eau. Ces dispositions s’adaptent à tous les types de transport mais font peser sur le voiturier une obligation de résultat tout en laissant une grande liberté au contrat que peuvent passer les voituriers avec les autres personnes, les dispositions du Code Civil étant purement supplétives.
  • Le Code de commerce est plus précis, l’ancien Code s’intéressait à la fois aux commissionnaires de transport et aux voituriers, il envisageait notamment leur responsabilité. L’actuel Code de commerce est issu de l’ordonnance du 18 sept. 2000 Article L132-3 à -9 pour les commissionnaires, L133-1 à -7 pour les voituriers.

Ces dispositions du Code civil et Code de commerce constituent ainsi le droit commun du transport qui va s’appliquer en l’absence de lois spéciales et de textes internationaux ou communautaires. 

    Le droit spécial du transport: il existe une série de lois particulières qui s’appliquent à un type de transport déterminé: 

  • loi du 18 juin 1966, modifiée en 1986 sur le transport maritime
  • loi du 30 déc. 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI) affirme le droit au transport et prévoit des contrats-types
  • loi Gayssot du 6 fév. 1998 a modifié notamment la définition et le régime des contrats de transport (en y intégrant le destinataire)

2) Les sources internationales 

Tous les textes européens et internationaux en matière de transport sont impératifs et directement applicables. Ils édictent des règles matérielles qui se substituent aux textes français régissant la même question chaque fois que le transport est international. Les textes les plus fréquemment appliqués par les tribunaux français sont: 

 Convention de Berne du 14 oct. 1890 concernant les transports ferroviaires de marchandises et s’appliquant à tous les envois de marchandises effectués sur un parcours empruntant les territoires d’au moins deux Etats parties. 

 Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l’unification des règles en matière de connaissement, concernant les marchandises circulant entre des ports d’Etats différents. 

 Convention de Varsovie du 12 oct. 1929 pour l’unification des règles relatives aux transports aériens internationaux de marchandises 

 Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) s’appliquant à tout transport routier de marchandises à titre onéreux fait au moyen d’un véhicule automobile simple ou articulé, remorque ou semi-remorque dont le lieu de prise en charge est le lieu de livraison sont situés dans deux Etats différents dont l’un au moins est contractant. La France a ratifié la CMR, la CMR s’applique donc à tout transport routier international de marchandise ayant pour départ ou arrivée la France.

Le droit des transports présente 3 caractéristiques: 

  • – le droit des transports reste profondément marqué par le droit commun des contrats: les actes de transport (Partie 1) 
  • – le régime de responsabilité s’agissant de l’imputabilité ou de la réparation est spécifique et lié aux opérateurs du transport: les acteurs du transport (Partie 2) 
  • – le contentieux et les voies d’action sont spécifiques et dépendent du type de transport et de l’opérateur: les actions du transport (Partie 3) 

Titre 1: Les actes de transport 

L’acte essentiel est le contrat de transport mais le transport peut faire intervenir d’autres personnes que le transporteur et notamment un commissionnaire. 

Chapitre 1: Le contrat de transport 

La notion de transport est circonscrite, d’une part, par son objet consistant dans le déplacement d’une chose ou d’une personne et, d’autre part, par les moyens utilisés pour réaliser ce déplacement notamment grâce à un engin mobile. En général, un contrat est signé et désigne les obligations juridiques des parties. Les obligations sont fondamentales puisqu’en matière de transport car ce sont elles qui permettront de retenir la qualification de contrat de transport. 

L’obligation principale est celle de déplacer une chose ou une personne d’un lieu à un autre. Le juge est tenu de vérifier cette obligation (Cour de cassation 15 jan. 1988). 

  

Cette définition a été proposée par la doctrine et reprise en jurisprudence mais n’existe pas dans les textes fondateurs du droit des transports. En effet, le Code civil et le Code de commerce créent un statut original au contrat de transport mais n’en donnent aucune définition, ils permettent seulement de distinguer ce contrat des autres contrats de louage d’ouvrage ou d’industrie. 

Le Code de l’aviation civile précise que le transport consiste à acheminer les passagers, les marchandises ou la poste et à titre professionnel, d’un lieu à un autre. Il précise que pour les passagers qu’il n’y a pas de transport en circuit fermé, ainsi, la Cour de cassation depuis 1973 juge que les passagers effectuant leur baptême de l’air ne bénéficient pas d’un contrat de transport puisqu’ils sont embarqués et débarqués au même endroit. 

 L’itinéraire adopté a peu d’importance, toutes les lois spéciales le confirment: le trajet est commandé par le moyen de transport utilisé. Ce qui compte est le point de départ et le point d’arrivée, peu important le chemin emprunté. Ainsi, en matière de transport de personne, deux contrats distincts sont nécessaires pour un voyage organisé: un pour le circuit touristique et un autre pour le transport. 

 La vitesse peut être considérée comme un élément important du déplacement. En effet, le transport peut devoir intervenir dans un délai déterminé notamment par la marchandise elle-même (marchandises périssables). 

 Le transporteur est libre du moyen de transport. 

 Le déplacement va se concrétiser par un acte positif et par un acte matériel: 

  • – L’acte positif permet de distinguer le transport du dépôt. 
  • – L’acte matériel permet de distinguer le transport du mandat et de la commission. 

Depuis Cour de cassation 27 oct. 1958, le contrat de transport ne peut pas être confondu avec le contrat de louage de choses car le transporteur ne s’engage pas seulement à mettre un engin de transport en état de marche à la disposition du client puisque le transporteur s’engage à acheminer à destination. 

 Dans sa définition, le contrat de transport n’apparaît pas comme un contrat onéreux. Le Doyen Rodière a ainsi proposé une nouvelle définition selon laquelle le contrat de transport de marchandise est le contrat par lequel un voiturier de profession promet le déplacement d’une marchandise jusqu’à un point défini et moyennant le paiement d’une somme d’argent. Cette définition n’a pas été reprise dans les textes ultérieurs, elle correspond pourtant à la réalité et à la politique des transports. En effet, le transporteur doit être un professionnel et donc rémunéré. 

 Section 1: Les critères de détermination du contrat de transport 

1) Le déplacement 

Le déplacement est l’objet de tout contrat de transport. Les différents éléments du déplacement permettent de distinguer le contrat de transport de conventions voisines. 

Ces éléments sont importants et précisent la prestation promise par le transporteur et attendue par le cocontractant. 

Cette détermination suppose la stipulation d’un lieu de départ et d’un lieu de destination. Le lieu le plus important est le lieu de prise en charge, il doit être fixé avec précision car il déclenchera le transport. D’ailleurs, en droit international, à défaut de choix s’appliquera la loi de remise au premier transporteur i.e. le lieu de prise en charge. 

  

Ces actes matériels vont faciliter la distinction du transport et du mandat. En effet, le mandat suppose des actes juridiques et n’admet l’exécution d’actes matériels qu’à titre accessoire. En matière de transport, les actes matériels sont fondamentaux. Il peut y avoir cumul de contrats: ainsi l’expéditeur peut demander au voiturier de transporter la marchandise et lui donner mandat d’obtenir le paiement contre remboursement, l’expéditeur peut aussi demander au transporteur de procéder au dédouanement de la marchandise. 

  L’organisation du déplacement permet de distinguer le transport de la commission de transport. Dans les deux contrats, le débiteur est libre du parcours à suivre, il organise le transport à sa guise mais le voiturier va intervenir seul alors que le commissionnaire va recourir à d’autres personnes pour réaliser l’acheminement. 

2) La maîtrise du déplacement 

Le transporteur est entièrement libre techniquement et commercialement, il a l’entière maîtrise du déplacement promis à son client. Il utilise les moyens à sa convenance, seule important l’arrivée à destination dans les délais impartis. 

La responsabilité pesant sur le transporteur née du fait que la garde des marchandises lui soit transmise au regard de Code Civil Article1384. 

Cette maîtrise va permettre de distinguer le contrat de transport du contrat de remorquage et du contrat de location de véhicule avec chauffeur. 

  • A) Transport et remorquage

Le remorquage est une opération courante intervenant dans de nombreux domaines: remorquages de véhicules en panne, remorquage de trains et wagons d’entreprises, remorquage de péniches dans les ports et écluses, convois exceptionnels, remorquage de planeurs, remorquage de caravane etc.
Si le remorqueur est transporteur, il va bénéficier de certains avantages comme la prestation abrégée (1 an) et le privilège de Code Civil Article2102, il va être tenu d’une obligation de sécurité de résultat pour les dommages causés au véhicule remorqué et aux marchandises contenues dans celui-ci.
 

Si le remorqueur n’a pas la qualité de transporteur, il s’agira d’un contrat de location de traction i.e. un contrat d’entreprise ordinaire de telle sorte qu’il ne sera responsable que de ses fautes prouvées. 

La qualification sera aussi importante en matière d’assurance, la Cour de cassation estimant que le fait d’atteler un véhicule assuré à un autre véhicule modifie l’instrument du risque et constitue un cas de non assurance. La compagnie d’assurance peut couvrir cette hypothèse en prévoyant une clause de remorquage dans le contrat. 

La question du remorquage a intrigué la doctrine, certains auteurs estimant que le remorqueur se contente de fournir le moyen d’assurer une traction, d’autres estiment de du fait de la traction il y a déplacement et donc transport. 

En matière maritime, la loi de 1969 règlemente le remorquage et distingue le remorquage hauturier (i.e. en haute mer) du remorquage portuaire. En haute mer, il s’agit d’un contrat de transport car le navire remorqueur maîtrise le déplacement. En revanche, dans les ports, il ne s’agit pas d’un contrat de transport puisque le remorqueur pousse le navire et de ce fait le capitaine du navire principal converse la maîtrise. La Cour de cassation vérifie toujours si l’engin remorqué a ou non un moyen de propulsion utilisé lors de l’opération. 

De même en matière terrestre et ferroviaire, c’est autonomie de direction ou de propulsion conservée ou non par l’engin remorqué qui détermine la nature du contrat. 

  • B) Transport et location d’un véhicule avec chauffeurs

Cette location a pour objet le déplacement d’un point à un autre. Les sociétés de transport offrent souvent ce type de prestation (ex: coursiers). 

La LOTI impose la rédaction d’un contrat précisant les obligations des parties, les conditions d’emploi du conducteur et l’exécution des opérations de transport. Un décret de 1986 a institué un contrat-type. La jurisprudence estime que le loueur n’est qu’un fournisseur de moyens i.e. il a satisfait à ses obligations dès la remise du véhicule. Le locataire devient alors voiturier et le conducteur devient son préposé, c’est donc le locataire du véhicule qui est garant des pertes et avaries survenant lors du déplacement. 

La seule solution est de dissocier contractuellement les contrats en passant un contrat de transport et un contrat de location. 

Il arrive qu’une personne rende service et conduise ainsi son véhicule pour déplacer une autre personne ou des marchandises vers un point déterminé (sans contrat écrit ni rémunération), il s’agit d’un transport bénévole qui pose problème en jurisprudence. 

3) Le caractère professionnel de l’opération 

Tout contrat de transport suppose que le déplacement du passager ou de la marchandise soit effectué par un voiturier professionnel. 

Le Code Civil vise l’entrepreneur de voiture professionnel et le Code de commerce énonce des obligations de la profession de voiturier, ainsi ces textes édictent donc un statut et ce caractère professionnel permet de caractériser le contrat de transport au sein des contrats civils et commerciaux. Malgré tout, il reste toujours des cas de transports non professionnels. 

  • A) Le caractère civil ou commercial du transport

Le contrat de transport a toujours un caractère commercial pour le voiturier puisque les transporteurs ont la qualité de commerçants en vertu de Code de commerce Article L110-1 al.5. 

En revanche, pour l’expéditeur, le caractère civil ou commercial dépendant des circonstances: le contrat est commercial si la marchandise est déplacée pour l’exercice du commerce de l’expéditeur, dans le cas contraire, il s’agit d’un acte mixte qui sera donc commercial pour le voiturier et civil pour l’expéditeur (ex: déménagement). 

Depuis Cour de cassation 1er fév. 1955, la jurisprudence estime que si le contrat est commercial pour l’expéditeur, il l’est aussi pour le destinataire même si celui-ci n’est pas commerçant (ex: vente à distance). Cette jurisprudence n’est pas remise en cause par la loi Gayssot de 1998 qui transforme le destinataire en partie contractante. 

  • B) Les transports non professionnels

1) Le transport non professionnel rémunéré 

Un propriétaire de véhicule s’engage exceptionnellement à transporter une marchandise moyennant rémunération. ex: les grandes surfaces livrent de l’électroménager. 

Cette convention ne peut s’analyser comme un contrat de transport stricto sensu car le voiturier n’est pas un professionnel du transport. Les juges du fond sont partagés, certains estiment qu’il s’agit d’un contrat d’entreprise alors que d’autres retiennent la qualification de transport. En réalité, il semble que les juges qualifient le contrat dans l’intérêt des parties i.e. réalisent une appréciation in concreto. La Cour de cassation semble bienveillante car à chaque fois que la question s’est posée, elle n’a pas eu besoin de la trancher car elle a rejeté le pourvoi pour des questions procédurales. Cour de cassation 1968 avait estimé que le fait qu’une personne déplace des marchandises appartenant à un tiers à titre onéreux pouvait conduire à appliquer les règles du transport, par analogie. 

2) Le transport gratuit 

Il s’agit d’un acte de courtoisie ou de complaisance. Il s’agit ainsi d’un simple fait juridique si bien qu’en cas d’incident s’appliqueront les règles de la responsabilité civile. Ainsi, en matière de transport bénévole de personnes (ex: passager) et de marchandises s’appliqueront Code Civil Article1382 et suiv. Il y a transport gratuit lorsqu’il n’y a aucune rémunération, quelle qu’elle soit. Si la marchandise est détériorée, s’appliquera Code Civil Article1384 al.4. Néanmoins, si le Code civil n’apporte aucune solution, dans le cadre d’une promesse d’apporter la chose à destination peut être envisagé un dépôt tacite ou un mandat tacite. Dans ce dernier cas, l’acte se rapprocherait du contrat d’entreprise mais la responsabilité du transporteur bénévole serait alors appréciée beaucoup plus souplement voire avec indulgence du fait de la gratuité du service rendu. En pratique, les deux voies sont tentées: une action en responsabilité sur la base de Code Civil Article1384 et subsidiairement une action sur le fondement de la promesse.

Section 2: Le contenu légal du contrat de transport: loi Gayssot du 6 fév. 1998 

La loi Gayssot du 6 fév. 1998 a été élaborée en raison des grèves régulières des professionnels du transport terrestre de marchandises. En effet, les grèves annuelles des camionneurs paralysaient tout le réseau routier français et les pouvoirs publics, comme toute la hiérarchie des transports étaient convaincus de la bonne motivation des grévistes à tel point que l’Etat n’a jamais cherché à sanctionner les personnels grévistes alors qu’il aurait suffit de les citer tous devant le tribunal administratif pour leur reprocher de mettre en danger la sécurité publique sur le territoire national. A la suite de ces blocages, des discussions ont abouti à des rapports dénonçant les insuffisances de définition du contrat de transport et constant qu’il fallait assainir la profession. En effet, il y avait trop de transporteurs et pas suffisamment de garanties financières de sorte que lorsqu’un transporteur effectuait sa mission il n’était pas forcément payé. 

Ainsi, la loi du 6 fév. 1998 est intervenue pour améliorer les conditions d’exercice de la profession de transporteur routier: 

  • – Article1 la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire, toute clause contraire étant réputée non écrite. 
  • – il sera fixé par décret la capacité financière minimale requise pour exercer la profession. Ainsi, le rehaussement du seuil a exclu environ 30.000 personnes de l’exercice de la profession de transporteur routier (chiffre déduit des radiations et recours devant le tribunal administratif). 

1) Le destinataire devenu partie au contrat de transport 

Le destinataire est celui a qui est envoyée la marchandise peu importe qu’il soit un professionnel ou non. Depuis la loi Gayssot, le destinataire est partie au contrat de transport du fait de la loi mais il l’était déjà dans les contrats types qui lui imposaient même parfois des tâches notamment lors du déchargement. 

Le destinataire doit signer la lettre de voiture ainsi qu’un document appelé « suivi de l’opération ». 

La loi Gayssot a ainsi éclairci la situation du destinataire vis-à-vis du transporteur et a permis l’assainissement financier de la profession puisque le transporteur dispose maintenant d’une action supplémentaire (contre le destinataire) en cas de non paiement du transport. 

L’ordonnance du 18 septembre 2000 codifiant le Code de commerce n’a pas retouché au texte qui fait l’unanimité. 

2) Le destinataire pleinement associé au contrat de transport 

La Cour de cassation a toujours considéré que le destinataire était associé à l’opération de transport mais ne pouvait en tirer toutes les conséquences. Ainsi, si le nom du destinataire figurait sur les documents, il était considéré comme associé à la bonne exécution du contrat (cour de cassation, 14 mars 1995) mais il ne pouvait être tenu en cas de mauvaise exécution. 

La doctrine estimait que le destinataire devait être considéré comme devenu partie au contrat dès lors qu’il acceptait de prendre livraison de la marchandise. Pour justifier les différentes solutions, les juges avaient tendance à faire appel à la technique de la stipulation pour autrui: en contractant, l’expéditeur demandait au voiturier d’accomplir une prestation au profit du destinataire et du fait de la stipulation pour autrui, ce-dernier bénéficiait d’un droit direct contre le voiturier. Par ce système, le destinataire pouvait exiger du transporteur l’exécution du contrat conclu avec l’expéditeur mais le transporteur ne pouvait pas exiger du destinataire de payer le transport. Ainsi, en intégrant le destinataire parmi les parties au contrat il y a des obligations et responsabilités des deux côtés, il s’agit de l’originalité du contrat de transport: contrat synallagmatique à 3 parties. 

  Section 3: Le régime général du contrat de transport 

Le Code civil considère le contrat de transport comme un contrat de louage d’industrie mais a été enrichi par la LOTI pour créer un véritable statut relayé par le Code de commerce. Néanmoins, les lignes classiques du droit des contrats se retrouvent dans ce contrat. 

1) La formation du contrat de transport 

  • A) Le consentement des parties

Le contrat de transport est un contrat consensuel qui se forme donc par le simple échange des consentements. Les juges sont assez souvent amenés à le rappeler notamment en affirmant que toute fausse déclaration quant à la nature des marchandises est considérée comme constitutive d’un vice du consentement entraînant la nullité du contrat, ainsi le bénéficiaire d’un contrat de transport n’est pas toujours indemnisé en cas de perte ou d’avarie. 

S’agissant d’un contrat consensuel, il n’est pas obligatoire de recourir à un écrit, l’écrit est néanmoins obligatoire légalement en matière de transport fluvial et ferroviaire international. En pratique, l’écrit existe dans une forme très simplifiée puisque que le contrat est conclu par téléphone puis matérialisé par un fax ou un e-mail. Et même si ce n’est pas le cas, la matérialisation existe lors de la réclamation du titre de transport. 

Du fait de la concurrence, les transporteurs sont en état d’offre permanente et disposent de conditions générales ou de contrats type, la notion de contrat d’adhésion a d’ailleurs pris naissance avec le contrat de transport. 

  • B) L’objet du contrat

Code civil Article1108 le contrat doit avoir un objet certain qui forme la matière de l’engagement. Doyen Carbonnier: l’objet du contrat est une ellipse par laquelle on désigne habituellement l’objet des obligations nées du contrat. Le contrat de transport de marchandises par route étant un contrat synallagmatique a pour objet d’une part la prestation promise par le transporteur i.e. l’acheminement de l’envoi et d’autre part, la prestation due par l’usager i.e. le paiement du prix du transport. 

1) L’acheminement de l’envoi 

Tous les contrats types définissent l’envoi comme la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris mise effectivement au même moment à la disposition d’un transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d’ordre pour un même destinataire d’un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l’objet d’un même contrat de transport. Différents lieux de chargement ou de déchargement peuvent être admis si ces lieux sont tous situés dans l’enceinte d’un même établissement ou chantier (on considère alors qu’ils sont aussi uniques). Ainsi, il y a autant d’envoi que de couples expéditeurs/destinataires et il y aura autant de contrats que d’envois. 

Tout objet corporel, toute marchandise et tout animal (ou homme) vivant ou mort peut faire l’objet d’un contrat de transport, cependant la règle n’est pas absolue puisque certaines marchandises ne sont admises que sous certaines conditions: il s’agit du gibier, des explosifs et des matières dangereuses. Certaines marchandises sont aussi purement et simplement exclues de tout transport: l’absinthe (depuis 1915), les produits de pêche sous-marine, les envois postaux en raison du monopôle postal (sous réserve des recommandations européennes). 

2) Le prix du transport 

Tous les prix de transport de marchandises par route relèvent de la libre négociation des parties quelles que soient les caractéristiques de l’envoi. La LOTI de 1982 impose uniquement un juste prix. Néanmoins, la concurrence excessive entre transporteurs a fait chuter les prix entre 1986 et 1992 ce qui a été très préjudiciable aux transporteurs et à la bonne gestion des entreprises de transport. Le législateur a donc dû intervenir mais il a refusé la notion de prix planché en préférant encadrer la concurrence. Il a donc créé en 1995 et 1996 des règles de comportement. En dehors de ces règles de comportement, les dispositions du Code civil s’appliquent. 

En général, le prix est librement débattu entre le donneur d’ordre et le transporteur mais il peut également résulter de l’attitude des parties: ainsi, le fait de ne pas contester une majoration vaut acception du nouveau prix. Par ailleurs, en cas de contestation, le prix peut être fixé par le juge qui statuera en équité au motif que de toute façon le transporteur n’a jamais eu l’intention de transporter gratuitement. 

La LOTI exige que le contrat comprenne une clause relative au prix mais Cour de cassation 1991 a estimé que l’accord des parties sur le prix ne constitue pas un élément essentiel de la formation du contrat qui crée simplement une obligation de faire. Selon la LOTI, le prix convenu concerne le coût réel du service rendu dans des conditions normales d’organisation et de productivité, à défaut, le contrat serait nul de nullité absolue mais en pratique, ce texte ne peut être appliqué dans la plupart des cas car on annulera alors un contrat qui a été exécuté et souvent bien exécuté, la nullité n’est donc pas la sanction appropriée. De plus, la nullité entraîne la restitution et donc un nouveau transport ! Les tribunaux préfèrent donc statuer en équité quitte à réduire le prix stipulé au contrat. 

Sauf stipulation contraire, le prix de ne peut être remise cause (Code civil 1134), lorsque les parties signent le contrat, elles savent quels éléments sont pris en compte pour le calcul du prix (il s’agit du prix réel: coût du carburant etc.). Une entreprise n’est donc pas autorisée à réclamer une rallonge sous prétexte d’une hausse de carburant ou d’une erreur d’évaluation du coût de sa prestation, la Cour de cassation l’affirme régulièrement même si l’entreprise démontre que cela l’a conduit à travailler à perte. Seule une augmentation par l’expéditeur de la quantité de marchandises prévues au contrat pourrait justifier une rallonge  

  • C) La sanction des conditions de formation

La sanction traditionnelle en matière de formation est la nullité du contrat mais cette sanction est inadaptée au contrat de transport en raison des difficultés de remise en état. Sont ainsi préférés les dommages et intérêts et la réduction de prix. 

Selon le droit commun, on constate que les vices du consentement sont rarement invoqués. En outre, depuis Cour de cassation 6 fév. 1922 la Cour de cassation estime que l’erreur sur la qualité de propriétaire de la marchandise en la personne de l’expéditeur n’a aucune influence sur la validité du contrat de transport. Ainsi, seule la question de l’erreur sur la nature de marchandise peut être considérée comme une erreur sur la substance au sens de Code Civil Article1110. Ainsi, Cour de cassation 1998 a estimé que le fait de ne pas signaler le caractère dangereux des marchandises a pu être considéré comme constitutif de nullité d’un contrat de transport ferroviaire. 

Selon la LOTI, la nullité est également prévue en cas d’inobservation de certaines de ses dispositions: 

– Article9 vise la nullité de la clause compromettant la sécurité des transporteurs et des usagers, est ainsi nulle toute clause enjoignant au transporteur de ne pas respecter les règles de conduite et les durées de la sécurité routière. 

– Article32 envisage la nullité de l’entier contrat pour non respect de l’obligation d’estimer les temps nécessaires à l’exécution du contrat. Ici encore cette nullité n’est pas efficace puisque pour savoir si la durée du transport a été mal envisagée, il faut avoir effectué le transport ! 

2) La preuve du contrat de transport 

Le contrat de transport peut être conclu par oral, par téléphone. Cette absence de support textuel, ne saurait priver le contrat de toute existence et de tout effet. La preuve sera seulement plus difficile à apporter. L’administration de la preuve se fait conformément au droit commun même si ici certains documents spécifiques peuvent faciliter les choses. Enfin, les règles vont varier puisque le voiturier est un professionnel et donc dans la plupart des cas le contrat sera mixte, parfois commercial mais jamais civil. 

1) La preuve du contrat de transport commercial 

La Cour de cassation depuis Cour de cassation 18 juill. 1956 rappelle que le contrat de transport revêtant un caractère commercial pour les deux parties peut être prouvé par tout moyen notamment par témoignage ou présomption. Le plus souvent, la preuve se fera par la production du document de transport établi lors de la rencontre des volontés. Il n’est pas nécessaire que l’acte réponde aux conditions Code Civil Article1325, il peut donc être rédigé en un seul exemplaire il vaudra alors commencement de preuve par écrit susceptibles d’être complété par des témoignages ou présomptions de fait comme par exemple l’exécution du contrat par le voiturier. La preuve peut également résulter de la facture établie par le transporteur, arrêt de 1990 qui doit être marqué d’une réserve puisque désormais même entre commerçants une facture est insuffisante pour établir al réalité d’une prestation si elle n’est pas assortie du bon de commande (la Cour de cassation l’a jugé en matière de vente mais la solution peut être étendue au contrat de transport). 

Les juges du fond refusent le simple récépicé de télécopie en l’absence d’autres indices. 

2) Le contrat de transport mixte 

Les règles commerciales et civiles sont appliquées de manière distributive. Le client pourra discuter selon les règles commerciales mais le transporteur selon les règles du Code Civil, il lui faudra alors un écrit, les témoignages et présomptions ne pouvant suffire (Cass 1992, rappelé en nov. 2005). 

3) L’exécution du contrat de transport 

Le contrat de transport est un contrat tripartite mais même lorsqu’il avait un caractère purement synallagmatique, il faisait naître des droits et obligations à la charge de l’expéditeur et du transporteur mais aussi à la charge du destinataire. Ces obligations essentielles sont: l’acheminement de l’envoi et le paiement du prix, le tout pour préserver les droits du destinataire à la livraison. D’ailleurs, les plus gros développements concernent l’acheminement de l’envoi. 

  • A) L’acheminement de l’envoi

Il s’agit de l’obligation principale du transporteur qu’il doit assumer du lieu de départ au lieu de destination. Cela suppose différentes phases: 

1) La présentation de la marchandise par l’expéditeur 

Il s’agit de la première phase, elle déclenche le transport car en l’absence de présentation il ne peut y avoir de transport. Ainsi, le lieu de présentation est le critère de rattachement en droit interne et international. 

L’expéditeur est tenu de fournir certains renseignements pour que le transporteur puisse exécuter le contrat. Il doit préciser la nature de la marchandise car cela peut influer sur le type de véhicule (ex: camion citerne). Il doit l’informer sur la valeur de l’objet transporté surtout s’il est précieux, cela est important car en cas de vol il y aura soit faute lourde soit absence totale de responsabilité du transporteur. 

Le premier acte matériel est la remise de la marchandise au transporteur. La remise conditionne le contrat de transport, les juges estiment que la non-présentation est une rupture unilatérale du contrat de transport entraînant indemnisation sauf force majeure. D’ailleurs, les contrats types contiennent souvent des clauses pénales pour fixer forfaitairement le montant du préjudice subi en cas de non présentation. 

La présentation de la marchandise signifie que l’envoi doit être immédiatement disponible pour le chargement, l’expéditeur n’est pas tenu d’emballer les marchandises car cet emballage n’est imposé que lorsque la nature de la marchandise l’exige. Les tribunaux estiment en effet que l’emballage généralement importe peu puisque ce qui est fondamental est uniquement le fait que la marchandise parvienne en bon état à destination. Lorsque l’emballage est nécessaire, l’expéditeur peut faire appel à un emballeur professionnel mais il s’agira d’un contrat indépendant du contrat de transport. 

Les palettes et les conteneurs sont des emballages et ne peuvent donc pas être considérés comme prêtés, loués ou consignés. Lorsqu’ils font l’objet de restitution, ils constitueront un nouveau contrat de transport moyennant rémunération (ex: d’où les tas de palette dans les cours des transporteurs !). 

L’expéditeur doit, s’il y a des colis, étiqueter chaque colis, l’étiquette indiquant la nature de la marchandise, le lieu de livraison, l’expéditeur et le destinataire, ceci pour faciliter l’indentification en cas de perte et aussi pour permettre le groupage des contrats de transport. 

L’expéditeur doit donc globalement mettre la marchandise en l’état d’être transportée. Il s’agit du corolaire de l’obligation du transporteur de fournir un véhicule adapté. 

Présenter la marchandise pour l’expéditeur signifie aussi charger le véhicule, les textes sont clairs: l’expéditeur est tenu de procéder lui-même au chargement même si celui-ci est supérieur à 3 tonnes, juridiquement ce n’est donc pas au conducteur du véhicule de charger et de décharger (s’il le fait quand même et se blesse il ne s’agit donc pas d’un accident de travail). Le transporteur doit seulement présenter le véhicule à l’opération de chargement et n’est même pas tenu d’un devoir de conseil. L’expéditeur peut demander à une entreprise spécialisée en manutention d’effectuer le chargement mais il s’agira d’un contrat indépendant du contrat de transport. D’ailleurs, Cour de cassation 1981 a estimé que la prescription d’un an valable pour le contrat de transport n’est pas applicable au contrat de manutention. 

Le chargement doit être effectué dans le délai convenu ou fixé dans le contrat type applicable. Si rien n’est prévu, il s’agit d’un délai raisonnable. Le délai court à compter de la mise à disposition du véhicule. D’ailleurs, l’heure de mise à disposition et l’heure de fin de chargement doivent être reportées sur le bulletin de transport. Ce sera un des éléments pris en compte pour vérifier le prix demandé par rapport au coût global du transport. 

L’expéditeur sera responsable des dommages causés à la marchandise lors du chargement puisque l’obligation de charger ne pèse pas sur le transporteur. De même, il sera responsable du dommage survenu en cours de transport mais dû à un défaut du chargement effectué. Si c’est le cas, le transporteur aura 1 an (à compter de la livraison ?) pour agir contre l’expéditeur (qui l’a assigné pour dommage survenu lors du transport). Si le transporteur est blessé à l’occasion du chargement, la responsabilité civile classique s’applique: 30 ans pour agir, l’expéditeur ne pourra opposer le délai d’1 an. 

Il arrive qu’un expéditeur doive indemniser un autre expéditeur: en cas de groupage, lorsque le colis d’un expéditeur endommage ou contamine celui d’un autre qui voyageait dans le même véhicule. 

2) Les obligations du transporteur quant à l’acheminement 

L’obligation essentielle du transporteur est d’acheminer la marchandise à destination, en bon état et à la date prévue. Il est donc garant de la marchandise et de la prise en charge à la livraison. Le transporteur doit donc mettre à la disposition de l’expéditeur un moyen de transport approprié au lieu et à la date convenue. 

Si le transporteur ne se présente pas, l’expéditeur doit attendre 2 heures et ensuite peut rechercher un autre transporteur (le délai correspondant au délai de carence laissé au transporteur), il ne s’agit pas d’heures supplémentaires. L’expéditeur pourra assigner le transporteur défaillant pour obtenir des dommages et intérêts. 

NB: Si le transporteur prévient de son retard dans les 2 heures, l’expéditeur doit attendre jusqu’à l’heure d’arrivée prévue. Le transporteur qui arrive à destination alors que le destinataire n’est pas là interrogera l’expéditeur qui lui demandera soit de laisser la marchandise, soit de la ramener (il y aura alors un nouveau contrat de transport) soit d’attendre sur place (avec indemnisation). 

Le transporteur est tenu de bâcher le véhicule une fois le chargement effectué par l’expéditeur et il doit aussi s’assurer de la sécurité du transport. Le transporteur n’a pas à vérifier le chargement de la marchandise dans le camion mais il doit tout de même vérifier si le chargement ne porte pas atteinte à la sécurité routière (sinon sanction pénale de mise en danger d’autrui). Cour de cassation Crim estime en effet qu’est entièrement responsable le transporteur qui n’émet aucune réserve lors du chargement. Le transporteur a donc tout intérêt à émettre des réserves sur la sécurité du transport quitte à refuser le transport sur ces réserves ne sont pas acceptées par l’expéditeur. 

Pour le transporteur, la prise en charge est un acte juridique mais ce n’est qu’un acte d’exécution du contrat qui deviendra le point de départ de la présomption de responsabilité pesant sur le transporteur. Le transporteur ne devient donc responsable qu’à partir de la fin de la prise en charge de la marchandise puisque l’embarquement est de la responsabilité de l’expéditeur. ex: affaire dans laquelle l’expéditeur a été condamné car les produits pyrotechniques avaient explosé sur le quai d’embarquement avant la prise en charge effective et totale de la marchandise. 

Le déplacement de la marchandise est l’obligation essentielle du transporteur, il a toute liberté pour choisir l’itinéraire et en cas de contentieux sera seulement vérifié s’il a choisi le chemin le plus direct ou le plus praticable. Les textes (Code de commerce, et Code Civil) prévoient que le document de transport doit fixer le délai: doit être indiquée une estimation de la durée du transport. Aucune sanction n’est prévue en cas d’omission. En l’absence de précision, il faudra donc se référer au délai prévu dans les contrats types et l’usage veut que l’on retienne 400 km par jour ouvrable. 

Il arrive qu’en cours de transport l’expéditeur demande au transporteur quelques modifications. C’est interdit pour les contrats synallagmatiques mais le contrat de transport étant un contrat de louage, Article1779 précise que le maître de l’ouvrage peut modifier ou arrêter l’ouvrage à la seule condition d’indemniser l’entrepreneur de ses frais. L’expéditeur peut donc en cours de trajet modifier le lieu de livraison ou demander au transporteur de faire un détour pour récupérer une marchandise destinée au même destinataire. Le transporteur a le droit de refuser pour ne pas contrevenir aux règles de circulation ou de temps de conduite. Tous ces éléments vont être pris en compte lorsqu’un transport est à l’origine d’un accident ayant entraîné la mort ou des blessures involontaires. D’ailleurs, la première application des dispositions sur la mise en danger d’autrui concerne les transports routiers. 

3) La livraison de la marchandise 

Le destinataire est le créancier de l’obligation d’acheminement de la marchandise. C’est pourquoi il a le droit de réclamer au transporteur l’exécution de son obligation de livraison. Néanmoins, le terme de « livraison » ne recouvre pas la même notion qu’en matière de vente. 

  • a) La notion de livraison

L’arrivée de la marchandise à destination vaut livraison en matière de transport, elle vaut en effet exécution du contrat. Il se peut que la livraison coïncide avec la remise de la marchandise au destinataire. En d’autres termes, faut-il une remise juridique (i.e. au lieu convenu) ou une remise effective (i.e. déchargement effectué) ? En pratique, ces deux types de livraison coïncident au lieu où se trouve le destinataire mais la livraison peut durer un certain temps or certains délais courent à compter de la livraison, notamment, le destinataire a 3 jours pour contester en cas d’avarie et donc le délai pour agir ne sera pas le même selon que l’on se réfère à la livraison matérielle ou à la livraison juridique. De même cela influera sur la prescription en matière de responsabilité. La question s’est posée en jurisprudence car les parties agissent souvent tardivement. 

Les deux conceptions ont été mélangées en jurisprudence dans l’intérêt d’une des parties (pas forcément le destinataire). D’après la Cour de cassation, la livraison en matière de transport est l’opération par laquelle le transporteur remet la marchandise à l’ayant-droit qui l’accepte (Cass 17 nov. 1992). Pour qu’il y ait livraison, il faut 3 conditions: 

  • – une acceptation manifeste de la marchandise par le destinataire 
  • – le destinataire doit avoir eu la possibilité de vérifier la marchandise 
  • – le destinataire doit avoir eu la possibilité de prendre matériellement possession de la marchandise 

Ainsi, en matière de transport la livraison implique le déchargement total du véhicule et que le destinataire ait pris possession de la marchandise après en avoir vérifié les qualités. La livraison juridique ne suffit donc pas. En pratique, le destinataire n’est pas forcément l’acheteur. 

  • b) La réalisation de la livraison

Le transporteur doit présenter la marchandise au lieu et à la date convenus et il doit la remettre au véritable destinataire qui devra signer le bon de livraison. Le transporteur a l’obligation de vérifier l’identité de la personne se présentant comme destinataire ou le cas échéant son mandat, à défaut il engage sa responsabilité (et n’aura plus qu’à faire une action en répétition de l’indu, en revendication ou en responsabilité civile 1382). Au déchargement, le transporteur va remettre un récépicé au destinataire afin que celui-ci puisse vérifier la conformer de la marchandise et puisse effectuer d’éventuelles réserves. Ce document lui permettra aussi de prouver la livraison. 

  • c) Les empêchements à la livraison

Il y a empêchement à la livraison lorsque la marchandise arrivée à destination ne peut pas être remise au destinataire désigné (à ne pas confondre avec l’empêchement au transport) i.e. la livraison matérielle est impossible alors que la livraison juridique est réalisée. Il y a empêchement lorsque le transporteur arrive devant un établissement destinataire fermé ou n’a pas été attendu. Le transporteur se réfèrera donc à l’expéditeur. 

Il y a aussi empêchement lorsque le destinataire refuse la marchandise: le laissé pour compte. Lorsque le transporteur se heurte à un tel empêchement, il demeure responsable des marchandises laissées sous sa garde, s’il décharge malgré le refus, il commet une faute lourde. Le transporteur ne peut pas non plus rapatrier d’autorité la marchandise chez l’expéditeur. Le transporteur doit recevoir les ordres de l’expéditeur après lui avoir envoyé un délai de souffrance, il doit veiller à la conservation de la marchandise (aux frais du destinataire ou de l’expéditeur selon le contrat). Le transporteur peut aussi, s’il n’en est pas propriétaire, remettre la marchandise à l’administration des domaines pour que celle-ci procèdent à leur mise aux enchères. 

  • B) Le paiement du prix du transport

Le paiement du prix du transport est l’obligation principale pesant sur le client du transporteur. 

1) Les modalités de paiement 

Traditionnellement, les frais de transport sont payables au comptant. Ce paiement comptant est effectué par l’expéditeur pour les envois en port payé et par le destinataire pour les envois en port dû. La majorité des transports intervient en port payé et le prix est donc acquitté au départ par le donneur d’ordre conformément aux énonciations du titre de transport. Si l’expéditeur a sollicité un mandataire, celui-ci devra bien le faire préciser sur le contrat de transport s’il ne veut pas être inquiété. S’il n’y a aucune précision, il sera en effet redevable des sommes (Cour de cassation, chambre Com 13 mars 1990). 

En général, aucune garantie de paiement n’est insérée dans le contrat car les garanties légales sont souvent suffisantes pour le transporteur. Celui-ci peut en effet se référer au privilège spécial que lui reconnaît le Code Civil en raison du déplacement de la marchandise. Ce privilège va garantir tous les frais occasionnés par ce déplacement. Néanmoins, il faut que les marchandises soient détenues par le transporteur alors qu’elles ne sont pas payées car Cour de cassation 1er juill. 1924 qui interdit au transporteur de retenir des marchandises pour obtenir le paiement d’opérations antérieures terminées. Il y a donc un privilège par opération de transport. 

Le privilège du voiturier est donc moins étendu que celui du commissionnaire qui lui peut refuser un nouveau transport s’il n’a pas été payé des précédents. En fait cela ne gène pas le transporteur pour des raisons commerciales et surtout ce privilège s’accompagnant d’un droit de rétention, le moyen de pression devient très efficace puisqu’il est opposable à tous (propriétaire ou non de la marchandise). 

Les contrats-types prévoient que le prix du transport peut être acquitté jusqu’à la réception de la facture mais tout retard entraîne immédiatement des intérêts légaux. 

2) Les incidents de transport et de paiement du prix 

Le contrat est synallagmatique i.e. la non-exécution d’une obligation par l’une des parties permet à l’autre de ne pas s’exécuter. En matière de transport, cela se traduit surtout au stade du paiement lorsqu’un incident a affecté le déplacement (marchandise ou emballage abimé ou retard). 

Selon la théorie classique des risques, il y a inexécution lorsque la marchandise est perdue en route, si le transporteur ne livre pas le destinataire, le paiement n’a plus de cause. La jurisprudence a étendu la solution aux avaries i.e. aux pertes partielles mais dans ce cas, il faut que l’avarie soit importante et que seule une petite partie de la marchandise a pu être vendue. 

Il arrive aussi que le transporteur soit obligé de modifier son itinéraire ce qui entraine des faits supplémentaires. Là encore, il y aura réajustement si la modification est due au donneur d’ordre et non au transporteur. Finalement, la situation est relativement simple: lorsque toute la marchandise est perdue, pas de paiement, lorsque perdue partiellement ou lorsque frais supplémentaires, le prix sera révisé. Dans tous les cas, le juge devra intervenir, il va notamment se référer au Code Civil Article1290 et 1291 qui permettent la compensation (légale) entre le prix du transport et les dommages et intérêts demandés si les dettes invoquées sont certaines, liquides et exigibles. 

   Chapitre 2: Le contrat de transport CMR 

Il s’agit d’un contrat de transport routier de marchandises régi par la Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR). Il s’agit d’une convention européenne à vocation universelle, elle s’applique entre les Etats suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Suisse et Slovaquie. 

  

Lorsque les conditions d’application sont réunies, les parties n’ont pas le droit d’écarter la Convention CMR, il s’agit d’un texte impératif. 

  

Lorsque la Convention est inapplicable, le contrat de transport international sera régi par les règles de DIP, on retient donc la loi d’autonomie avec à défaut de choix l’application de la loi du lieu d’exécution du contrat. Dans la plupart des cas, s’appliquera la Convention de Rome du 19 juin 1980 qui désigne à défaut d’autonomie la loi du lieu de chargement ou de déchargement si ce lieu correspond avec le siège de l’entreprise de transport, si ça ne correspond pas ce sera la loi du lieu de chargement. 

  

CMR Article1 1. s’applique à tout transport international routier si le lieu de prise en charge et de livraison de la marchandise mentionné dans le contrat sont situés dans des pays différents ET si l’un des 2 pays concernés est un Etat contractant. La CMR ne s’applique donc qu’au contrat de transport international. 

ex: transport de Nice à Paris en passant par l’Italie, l’Allemagne et la Suisse, il s’agit d’un transport interne ! 

Tout contrat international qui part de France ou qui arrive en France sera un contrat CMR dès lorsque le transport a lieu par route, Cour de cassation 8 jan. 1996 reproche à une CA de ne pas avoir appliqué la CMR pour un transport en partance de France pour une destination située dans un Etat non contractant. 

CMR Article1 ajoute que la nationalité et le domicile des parties sont inopérants. 

ex: tchèque domicilié en Russie contracte avec un Danois pour transporter de Russie vers la France, il s’agit d’un contrat CMR. 

  

La CMR s’applique à tout contrat réalisé à titre onéreux au moyen d’automobiles, véhicules articulés, remorques et semi-remorques alors même que le transport serait effectué par des Etats ou organisations gouvernementales. 

  

Il faut aussi que le transport se réalise de bout en bout. En effet, la CMR régit en principe le transport pour lequel un contrat de transport unique a été souscrit d’un bout à l’autre et réalisé par un même transporteur. S’il y a un commissionnaire, la CMR est inapplicable. La jurisprudence applique néanmoins la CMR en cas de transporteurs successifs et en cas de transports combinés à la condition que le véhicule soit transporté sans rupture de charge par mer, par voie navigable intérieure, fer ou air, sur une partie du trajet CMR Article2. 

  

Section 1: La conclusion du contrat CMR 

Pour conclure un contrat CMR, l’expéditeur doit choisir un transporteur public autorisé à effectuer le transport international envisagé, il doit déclarer la valeur de la marchandise, l’assurer et respecter les tarifs. La preuve de la conclusion d’un contrat CMR se fera par tout moyen et notamment par les offres de service et les bons de commande. 

1) Les déclarations 

  • A) La déclaration de valeur

L’expéditeur qui souhaite augmenter le plafond d’indemnité en cas de dommage matériel doit souscrire une déclaration de valeur moyennant supplément de prix. 

Le taux CMR d’indemnisation est de 8,33 unités de compte par kilo du poids brut manquant. Si la marchandise vaut plus de 8,33 euros par kilo, une déclaration de valeur peut être intéressante. Cette déclaration de valeur doit être mentionnée sur la lettre de voiture (tout le monde doit être au courant) et de manière assez régulière les tribunaux écartent des déclarations de valeur unilatérales (non signées ou non tamponnées par le transporteur). A défaut de mention expresse valable, la déclaration ne sera pas opposable aux tiers sauf si elle est confirmée par ailleurs (témoins, reconnaissance du transporteur). Tout document remis par les douanes et qui serait le seul à viser une valeur ne vaut pas déclaration de valeur. 

  • B) La déclaration d’intérêt à la livraison

Pour pouvoir être indemnisé de tout type de préjudice consécutif à une perte, avarie ou un retard, il faut avoir souscrit une déclaration d’intérêt spécial à la livraison sinon ne sera remboursé que le préjudice matériel direct. Il y aura un supplément de prix et cette déclaration doit absolument être jointe au contrat de transport, la seule mention avec date impérative de livraison est insuffisante. De même, s’il y a une déclaration mais sans supplément de prix chiffré, elle ne vaut pas déclaration d’intérêt. 

2) L’assurance 

L’expéditeur peut donner au transporteur toutes les instructions nécessaires à l’assurance de la marchandise par une mention spéciale sur la lettre de voiture. En pratique, il est recommandé de conclure une assurance spécifique surtout si le contrat CMR comporte une phase de transport maritime ou ferroviaire. En effet, grâce à cette assurance, le transporteur CMR pourra plus facilement s’exonérer pour tous les faits (les siens ou ceux d’un tiers) qui se produisent au cours de la phase non routière. 

Les transports publics (i.e. autorisés) routiers de marchandises entre Etats de l’UE sont soumis à des tarifs bilatéraux établis par des règlements communautaires. Ces tarifs ne concernent pas tous les pays mais existent entre la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Entre ces pays, le tarif s’applique d’autant que la Cour de cassation en 1977 a estimé que la méconnaissance des tarifs communautaires entraîne un redressement du prix même si le règlement prévoit des dérogations par contrat. 

  

Section 2: L’exécution du contrat CMR 

1) La présentation de la marchandise 

Avant toute prise en charge de la marchandise, le transporteur est tenu de vérifier l’exactitude des mentions figurant sur la lettre de voiture surtout pour ce qui concerne le nombre de colis, les marques et les numéros. S’il ne peut pas procéder à cette vérification, le transporteur peut inscrire des réserves motivées sur la lettre de voiture et ces réserves seront opposables à l’expéditeur si celui-ci les a acceptées i.e. contresignées. A défaut de réserve, la lettre de voiture est présumée correspondre au contenu exact du transport. 

Le transporteur CMR est également tenu de vérifier l’état apparent de la marchandise et de son emballage avant toute prise en charge à moins qu’on ne l’en empêche et auquel cas, il doit encore faire des réserves. Par ailleurs, la CMR prévoit que l’expéditeur exige à ses frais la vérification du contenu en poids et qualité par le transporteur. 

2) Le chargement et l’arrimage 

La CMR est muette sur le point de savoir à qui incombent les opérations de chargement. TGI Nancy 15 jan. 1987 la CMR ne prévoyant rien, estime qu’il faut se référer au DIP pour déterminer la loi applicable permettant de répondre à la question, il estime qu’à défaut de choix dans le contrat, il faut se référer à la loi du lieu de conclusion du contrat de transport car elle correspond au moment de la rédaction de la lettre de voiture. Le transporteur doit contrôler le chargement même si la loi applicable précise que le chargement doit être opéré par l’expéditeur (loi française). 

La CMR ne contient pas de précision sur le délai de chargement et de déchargement. En l’absence de précision, il est possible de se référer aux tarifs communautaires qui prévoient une indemnisation forfaitaire lorsque le transporteur établit que l’immobilisation est due au donneur d’ordre. C’est aussi ce que prévoit le droit français. Il y a donc une application classique du droit des transports en Europe, qu’il y ait des tarifs ou non. 

  

La CMR ne contient pas non plus de règles sur l’arrimage, il faut donc se référer au DIP et appliquer à défaut de précision la loi du lieu de conclusion du contrat: Cour de cassation 10 oct. 1989 estime que le transporteur CMR doit, selon la loi française désignée par la règle de conflit, vérifier l’arrimage effectué par le client dans un souci de sécurité du transport sous peine d’être déclaré coresponsable de dommages survenus en cours de transport alors qu’il n’a émis aucune réserve. 

3) La prise en charge de la marchandise 

  • A) Avec réserves

Le transporteur qui se trouve dans l’impossibilité de vérifier l’adéquation de la marchandise aux mentions de la lettre de voiture a la possibilité d’émettre des réserves motivées. Ces réserves n’engagent l’expéditeur que dans la mesure où celui-ci les accepte et la Cour de cassation a même estimé que le transporteur CMR peut refuser la prise en charge s’il estime que la marchandise ne supportera pas le voyage. 

  • B) En l’absence de réserve

L’absence de réserve présume une réception de marchandises en bon état apparent i.e. correctement emballées et conformes aux énonciations de la lettre de voiture. Si est livrée à destination une marchandise de moindre qualité ou quantité, le transporteur n’est tenu de réparer cette perte ou avarie que dans la mesure où il n’établit pas que le dommage préexistait à la prise en charge ou qu’il est imputable à un tiers ou que le vice n’était pas apparent. 

  

4) L’établissement de la lettre de voiture 

  • A) Les mentions de la lettre de voiture

CMR Article5 en principe, la lettre de voiture doit être établie par l’expéditeur en 3 exemplaires originaux. Un exemplaire est remis à l’expéditeur, un autre au transporteur et le troisième va accompagner la marchandise et sera remis au destinataire. La lettre de voiture doit être signée ou tamponnée par le transporteur et l’expéditeur. Etant donné qu’il est impossible de se soustraire à la CMR, le défaut de lettre de voiture est considéré comme une faute dolosive ou lourde de la part du transporteur. 

En principe, les parties sont libres de formuler la lettre de voiture comme elles l’entendent mais la CMR après avoir posé ce principe, impose des mentions obligatoires: le lieu et la date de l’établissement de la lettre de voiture, coordonnées des parties, lieux et dates de prise en charge et de déchargement, dénomination courante de la marchandise, nombre de colis, marques et numéros, poids brut, frais de transport, formalités douanières et visa de la CMR. 

En cas d’inexactitude ou d’insuffisance, l’expéditeur est responsable de tout frais et dommage pouvant en résulter. 

  • B) Le dédouanement de la marchandise

L’expéditeur doit joindre à la lettre de voiture tous les documents nécessaires à l’accomplissement des formalités douanières ainsi que tous les renseignements utiles au transporteur. La CMR donne une liste de ces documents et prévoit que l’expéditeur est responsable envers le transporteur de tous les dommages pouvant résulter de l’absence, de l’insuffisance ou de l’irrégularité des documents et renseignements fournis. 

ex: la responsabilité de l’expéditeur a été engagée pour le gel de la marchandise contenue dans un véhicule qui avait été en plein hiver immobilisé au tunnel du Mont Blanc du fait de l’absence d’un document de transit. 

ex: indemnisation d’un retard dû à l’absence d’un certificat d’origine de la marchandise ou pour insuffisance des documents fournis à l’administration des douanes. 

Tout repose donc sur l’expéditeur à moins que le transporteur n’ait perdu ou n’utilise pas correctement les documents qui lui avaient été remis et il y a alors faute lourde de sa part engageant sa responsabilité. 

  • C) La modification du transport prévu

La CMR prévoit que l’expéditeur peut modifier le contrat de transport initial en arrêtant le transport prévu, en modifiant le lieu de livraison ou en modifiant le nom du destinataire. Cela est tout à fait possible dès l’établissement de la lettre de voiture. Néanmoins, il faut respecter certaines conditions: 

– il faut fournir une nouvelle lettre de voiture  

– les nouvelles instructions ne doivent pas entraver l’exploitation normale du transporteur, elles ne doivent pas avoir pour effet de diviser l’envoi 

– le nouveau document doit prévoir le dédommagement du transporteur pour tous les frais et préjudices suscités par ces nouvelles instructions 

5) La remise de la marchandise par le transporteur 

La CMR ne prévoit aucune disposition relative au déchargement. Il faut donc se référer à la volonté des parties: Cour de cassation Civ 12 avril 1938 à défaut, s’appliquera la loi du lieu de destination. S’il y a un empêchement à la livraison, le transporteur doit demander des instructions à son client et à défaut, il peut être déclaré responsable du préjudice subi par l’expéditeur. 

Normalement, le transporteur obéit à l’expéditeur mais le destinataire a la possibilité de demander la livraison tant que le transporteur n’a pas reçu les instructions de son client. 

ex: livraison avec incident: le destinataire est absent. Le transporteur demande à l’expéditeur ce qu’il doit faire, tant qu’il n’a pas d’ordre de l’expéditeur, il attend et si le destinataire arrive il pourra prendre livraison. 

Si la loi locale le lui permet, le transporteur a la possibilité de faire procéder à la vente de la marchandise sans instruction de son client si la marchandise est périssable, si son état ne permet pas d’attendre ou si les frais de garde sont disproportionnés par rapport à la valeur de la marchandise. Dans tous les autres cas, il ne pourra faire procéder à la vente que s’il n’a pas reçu réponse de son client dans un délai raisonnable. 

6) La réception des marchandises par le destinataire 

Le destinataire doit vérifier la marchandise et s’assurer de sa conformité. Si tout se passe bien, il signera la lettre de voiture sans émettre de réserves. Même dans cette hypothèse, en cas de vice caché, il a la possibilité de réagir tant que l’action n’est pas prescrite i.e. dans le délai d’1 an. 

En revanche, en cas de perte ou avarie apparente, il doit formuler des réserves au moment de la livraison. Lorsque les dommages ne sont pas apparents, il a 7 jours ouvrables pour émettre ses réserves. Les réserves doivent être précises sinon elles seront inopérantes. Pour éviter toute difficulté ultérieure, la réserve a intérêt à être contradictoire et d’ailleurs en pratique, on demande souvent l’intervention d’un expert d’assurance pour procéder contradictoirement au relevé des dommages. 

  

Section 4: La réparation des pertes, avaries et retards 

Le transporteur est responsable de la perte ou de l’avarie subie par la marchandise entre le moment de la prise en charge et celui de la livraison, la CMR est donc très claire sur ce point. Les tribunaux ont ajouté par analogie que le transporteur était également responsable des retards susceptibles d’être préjudiciables (il faut donc qu’un dommage soit subi du fait du retard). Cette responsabilité joue à l’encontre du transporteur pour ses propres actes, pour ceux de ses préposés ou de ses sous-traitants mais elle ne jouera que si la loi applicable permet d’invoquer la faute délictuelle du transporteur, de ses préposés ou des tiers dont il répond. Quoi qu’il en soit, les tribunaux estiment que la disposition est inopposable aux tiers complètement étrangers au contrat de transport. 

1) La constatation de la perte, de l’avarie ou du retard 

  • A) L’existence de la perte ou de l’avarie

La perte ou l’avarie de la marchandise est établie dès lors que les réserves régulières n’ont pas été prises par le transporteur lors de la prise en charge. En l’absence de réserve cela signifie que la marchandise était conforme à la description donnée dans la lettre de voiture. Par extension, cela signifie que tout ce qui n’a pas été relevé par le transporteur mais signalé par le destinataire résulte d’un évènement survenu en cours de transport. La Cour de cassation affirme régulièrement que toute avarie même non apparente mais dénoncée par le destinataire est présumée survenue en cours de transport sauf au transporteur d’en établir l’existence préalable. S’il n’y a aucune réserve formulée à la livraison par le destinataire cela prouve que la marchandise était conforme à la lettre de voiture d’où l’importance des réserves à quelque moment que ce soit du transport. 

  • B) La présomption de perte

Rappel : La convention de Genève dite C.M.R. (Convention relative au contrat de transport international de Marchandise par Route) règle les conditions de transport et la responsabilité des différentes parties au contrat de transport (Donneur d’ordre, Chargeur, Transporteur, Destinataire). La C.M.R. fut signée le 19 mai 1956 à Genève et mise en œuvre en 1958.

Selon la CMR, la marchandise doit être considérée comme perdue lorsqu’elle n’a pas été livrée dans les 30 jours de sa prise en charge par le transporteur. Dans cette hypothèse, le destinataire peut réclamer une indemnité pour perte sans formalité particulière. Il peut aussi demander par écrit d’être informé si la marchandise est retrouvée dans l’année du paiement de l’indemnité. S’il a fait la demande et qu’il est avisé du fait que la marchandise est retrouvée, il va disposer d’un délai de 30 jours à compter de l’information pour prendre sa décision finale: prendre la marchandise et restituer l’indemnité perçue ou refuser la marchandise en la laissant au transporteur qui procèdera à sa vente aux enchères ou à sa destruction. 

  • C) L’existence et la constatation du retard

Le destinataire peut demander réparation au transporteur du préjudice que lui cause une livraison tardive surtout si le transporteur a pris l’engagement de respecter un délai déterminé. La CMR est beaucoup plus libérale que le droit français puisqu’elle prévoit quand même une indemnisation en l’absence de délai prévu lorsque la durée effective du transport dépasse le temps que l’on est en droit d’attendre d’un transporteur diligent, condition appréciée par le tribunal (il n’y a pas de notion de délai raisonnable mais une référence au pater familias). Aucune mise en demeure n’est exigée car en cas de retard le destinataire va émettre des réserves et que ces réserves sont obligatoires en cas de retard dans un délai de 21 jours après la date convenue. Ainsi, jusqu’à 21 jours, il s’agit du retard et au-delà il s’agit de perte. Au-delà d’un délai de 21 jours, les réserves deviendraient irrecevables et donc inopposables. 

2) L’exonération du transporteur 

  • A) L’exonération pure et simple

Le transporteur n’est pas tenu de réparer la perte, l’avarie ou le retard si ces évènements sont dus à une faute ou à ordre de l’ayant-droit à la marchandise (CMR Article17). 

Il ne sera pas non plus responsable d’une perte ou avarie qui résulterait d’un vice propre à la marchandise, il en ira de même si la perte, l’avarie ou le retard sont dus à des circonstances que le transporteur ne pouvait éviter et surmonter. En application de la CMR, la Cour de cassation estime que l’exonération joue même si l’évènement irrésistible n’était pas nécessairement imprévisible (Cour de cassation, 27 jan. 1981 à l’époque, la force majeure revêtait encore les 3 caractéristiques cumulées: imprévisible, irrésistible et extérieure, le DIP n’a jamais cumulé les 3 critères). 

  • B) La preuve contraire

Hypothèse de la preuve contraire apportée par l’expéditeur. Grace à la CMR, le transporteur bénéficie d’une présomption d’origine du dommage lorsqu’il établit que la marchandise n’était pas conforme aux prévisions de la CMR ce qui peut être à l’origine du dommage (type de véhicule, emballage, arrimage etc.). L’expéditeur peut établir que le dommage n’est pas entièrement dû à ces éléments. L’ayant-droit peut donc demander réparation sauf cause exonératoire de CMR Article17. 

Conscient qu’il ne pouvait pas toujours y avoir force majeur, CMR Article23 dispose que le montant des dommages et intérêts ne peut en aucun cas dépasser le prix du transport total. La CMR prévoit aussi que les intérêts représentent un taux de 5 %. Ce texte va dans le sens des transporteurs pour pousser à demander réparation dans un délai très bref. La CMR est d’ordre public si bien que les tribunaux estiment nulle toute clause pénale qui adopterait un autre système en vue d’indemniser l’ayant-droit en cas de perte, avarie ou retard. 

  • C) La réparation des pertes ou avaries

1) L’action en réparation 

L’action en réparation est le plus souvent exercée par l’assureur qui a indemnisé l’ayant-droit à la marchandise et dans les droits duquel il est subrogé. Le droit d’action contre le transporteur appartient à chacune des parties au contrat et en principe, seul le transporteur est assigné. 

Cette action doit être intentée dans le délai d’1 an ou de 3 ans en cas de dol ou de faute équipollente au dol selon la loi du juge saisi. La Cour de cassation estime que la notion de faute équipollente au dol correspond à la notion de faute lourde. 

Ainsi, en pratique, il faut agir dans le délai d’1 an car la faute lourde est rarement retenue. 

Ces délais sont impératifs, les parties ne peuvent pas les écarter ou les modifier. Ces délais s’appliquent uniquement aux actions nées de l’exécution du contrat de transport. 

La computation des délais: point de départ: 

  • – le délai commence à courir du jour où la marchandise a été livrée en cas de perte partielle, avarie ou retard. 
  • – en cas de perte totale, les délais commencent à courir à partir du 30ème jour après expiration du délai convenu ou à défaut de délai convenu, à partir du 60ème jour à compter de la prise en charge de la marchandise. 
  • – dans tous les autres cas, les délais courent à partir d’un délai de 3 mois à compter de la conclusion du contrat. 

Pour les délais qui se comptent en jours, le point de départ est minuit (0h00). 

La CMR prévoit que le régime de la prescription est soumis à la loi du juge saisi (suspension, interruption etc.). L’assignation, même devant un juge incompétent, va interrompre la prescription alors qu’ne mise en demeure ne va pas l’interrompre. 

La CMR (antérieure à la Convention de Bruxelles) prévoit que l’action est portée, en l’absence de choix, devant le juge du pays sur le territoire duquel le défendeur a sa résidence habituelle ou au lieu de prise en charge ou de livraison de la marchandise. Idem règlement communautaire du 22 déc. 2000. 

2) Les dommages et intérêts 

En principe, selon la CMR, seul le préjudice matériel doit être indemnisé en fonction de la dépréciation de la marchandise mais le texte fixe des limites: si l’ensemble de la marchandise est déprécié par l’avarie l’indemnisation ne peut pas dépasser le montant prévu pour perte totale. Le texte prévoit aussi les modalités de calcul et d’appréciation de cette indemnisation. 

Quel que soit le montant des dommages et intérêts, il faut se référer à l’unité de compte et l’indemnité ne pourra être supérieure à la somme obtenue en multipliant les kilos manquants par 8,33 (ex: si euros et 100 kg perdus 833 euros d’indemnisation) sauf déclaration de valeur.
Exception: en cas de faute lourde du transporteur, la réparation est intégrale.
 

  

Chapitre 3: Le contrat de commission de transport 

Le contrat de commission est une notion juridique souvent inconnue à l’étranger et ignorée par conséquent par les conventions internationales. Ainsi, la CMR ne peut pas s’appliquer si le transport se réalise grâce à un commissionnaire. Le contrat de commission de transport de marchandises est une figure juridique (française) autonome distincte du contrat de transport même si pendant longtemps, ils étaient confondus. La confusion résulte du fait que ces 2 conventions ont pour objet le déplacement d’une marchandise d’un lieu à un autre, les contrats étant exécutés par des professionnels tenus d’une obligation de résultat. 

Lorsque le déplacement de la marchandise suppose l’utilisation de plusieurs services et de plusieurs types de véhicules, l’expéditeur a tout intérêt à s’adresser à un commissionnaire, c’est plus facile pour lui et sa responsabilité ne sera aussi souvent engagée. 

ex: un commerçant désire expédier ses produits de Lille à Los Angeles, si ce commerçant travaille seul, il devra d’abord passer un contrat avec un transporteur routier ou ferroviaire pour acheminer son envoi par avion ou par bateau. S’il choisit le bateau, il devra contacter un transitaire portuaire puis un transporteur maritime qui acheminera la marchandise jusqu’à New-York. Il devra prendre contact avec un transitaire américain pour que la marchandise soit emmenée jusqu’à un aéroport, il y aura ensuite un transporteur aérien jusqu’à Los Angeles puis un nouveau transport routier. Toute cette opération est très lourde à mener et gérer pour un commerçant, il est donc plus simple de choisir un commissionnaire puisque son travail sera justement d’organiser le déplacement de la marchandise et de faire la jonction entre tous les transporteurs. De plus, en cas de problème, si l’expéditeur a agi seul, il y aura autant de juges compétents que de contrats passés alors que le passage par un commissionnaire permet de n’avoir qu’un seul juge compétent: celui du commissionnaire, peut importe à quel stade du transport le problème survient. 

Pour des raisons de trésorerie il est aussi parfois plus intéressant de passer par un commissionnaire. 

  

Section 1: La détermination de la commission de transport 

La loi ne donne aucune définition du contrat de commission de transport et cette absence de définition a aussi contribué à la confusion entre commission et contrat de transport. Finalement, la Cour de cassation est intervenue le 16 fév. 1988 en jugeant que la commission de transport est la convention par laquelle le commissionnaire s’engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci, les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d’un lieu à un autre, elle se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d’organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout. 

En vertu de cette définition, le contrat de commission comporte plusieurs éléments fondamentaux dont on peut déduire les critères de qualification qui vont permettre de distinguer la commission des conventions voisines. 

1) Les éléments de qualification du contrat de commission de transport 

Pour la Cour de cassation, la définition est importante car depuis 1992, elle affirme régulièrement que l’inscription d’une entreprise au registre des commissionnaires de transport n’est pas suffisante pour établir sa qualité de commissionnaire dans l’opération visée. Même en présence d’un commissionnaire, il faut que l’opération conclue avec lui s’analyse comme un contrat de commission: il faut que la personne soit un intermédiaire, que cet intermédiaire soit un organisateur de transport, il faut qu’il agisse en son nom personnel et qu’il supervise le transport de bout en bout i.e. du début à la fin. Cela signifie que la qualité de commissionnaire ne se présume pas et les tribunaux comme la Cour de cassation affirment que c’est à celui qui se prévaut de la qualifié de commissionnaire ou qui l’attribue à son adversaire qui doit en rapporter la preuve. 

  • A) Le commissionnaire est un intermédiaire

La commission de transport suppose l’interposition d’un troisième personnage entre l’expéditeur et le transporteur qui va superviser le déplacement de la marchandise. L’opération donne donc naissance à 2 séries de rapports contractuels, d’une part existe le contrat de commission conclu entre l’expéditeur commettant et le commissionnaire et d’autre part les contrats de transport, manutention, entreposage etc. qui sont conclus entre le commissionnaire et des auxiliaires de transport pour faire parvenir la marchandise à destination. Ces deux types de rapports juridiques ne doivent pas être confondus. Cette bivalence du contrat se retrouve dans Code de commerce Article L132-8 qui dispose que la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le commissionnaire et le voiturier. L’interposition d’une personne indépendante ne vaut pas systématiquement commission de transport. Ainsi, lorsqu’une entreprise achemine dans l’un de ses véhicules des envois provenant d’expéditeurs différents, il n’y a pas d’intermédiaire, il s’agit d’un envoi groupé, il y a simplement plusieurs expéditeurs groupés pour une opération de transport. 

  • B) Le commissionnaire est un organisateur de transport

Cette caractéristique d’organisateur de transport répond à une exigence psychologique du commettant. L’expéditeur qui s’adresse à un commissionnaire de transport attend de lui un service précis. L’expéditeur va demander au commissionnaire de gérer au mieux le déplacement et donc d’effectuer la soudure entre les différents auxiliaires de transport. Le commissionnaire n’est pas obligé de faire tout lui-même, il peut se décharger sur les transitaires mais ces personnes seront sous sa responsabilité. L’expéditeur cherche aussi à se dégager de cette surveillance lorsqu’il recourt à un commissionnaire. Le commissionnaire promet à son client ce que la Cour de cassation appelle organiser le transport de bout en bout. Cette obligation de soigner le transport de bout en bout est toujours vérifiée par les tribunaux sous le contrôle de la Cour de cassation. La Cour de cassation peut très bien casser un arrêt d’appel au motif que la CA n’a pas expliqué en quoi le transport a été organisé de bout en bout par celui que l’on prétend être commissionnaire. 

Le commissionnaire va avoir en contrepartie toute liberté quant au chemin emprunté et quant aux moyens utilisés pour parvenir à destination. En contrepartie de cette liberté, il assumera la responsabilité du déplacement promis. 

Pour ces différentes raisons, on comprend pourquoi on estime que la commission de transport est un métier impliquant que la commissionnaire soit un professionnel, ainsi, sans caractère professionnel, la qualité juridique de commissionnaire ne peut être reconnue. La doctrine et la jurisprudence s’accordent sur ce point: si un non professionnel se chargeait à titre bénévole ou moyennant rémunération, de soigner un transport de bout en bout, il agirait comme un mandataire ordinaire et sa responsabilité serait appréciée comme celle d’un mandataire gratuit ou salarié. Un transporteur organisant le transport de bout en bout étant un professionnel, pourra se voir reconnaître la qualité de transporteur. 

2) La distinction de la commission et des conventions voisines 

Pour la doctrine, l’histoire de la commission de transport est celle d’une lutte difficile pour conquérir son autonomie à l’égard de certaines conventions voisines avec lesquelles elle a souvent été confondue. Si en droit, la confusion n’est plus possible, en revanche, elle continue à être entretenue en pratique ce qui rejailli sur le contentieux et empêche parfois les actions en réparation ou en responsabilité d’aboutir. 

  1. A) Commission et contrat de transport

Les fonctions économiques du commanditaire et du transporteur sont différentes et vont rejaillir sur leurs statuts juridiques. 

La distinction est fondamentale car Cour de cassation 17 fév. 1998 a jugé que la question de savoir si un opérateur a agit comme commissionnaire ou comme transporteur est une contestation sérieuse empêchant le juge des référés de statuer. 

1) Les intérêts de la distinction 

La distinction présente de multiples intérêts pratiques puisque le commissionnaire peut s’exonérer de sa responsabilité pour les pertes et avaries de la marchandise survenues en cours de transport (Code de commerce Article L132-5). En revanche, dans ce domaine, le voiturier ne peut insérer de clause de non responsabilité (Code de commerce, Article L133-1 al.3). 

  

Le commissionnaire ne peut pas se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de l’expiration du délai de 3 jours (Code de commerce, Article L133-3) alors que le voiturier s’en prévaut régulièrement du fait de son efficacité. 

  

Commissionnaire et transporteur bénéficient tous deux d’un privilège mais celui du commissionnaire a pour fondement le Code de commerce alors que celui du transporteur est édicté par le Code Civil. Ces privilèges ont une assiette différente: le voiturier a un privilège tant qu’il transporte et donc tant qu’il est en possession de la marchandise alors que le commissionnaire peut utiliser le privilège pour obtenir le paiement d’un déplacement antérieur. 

  

En matière de prescription: 

– action contre le transporteur: prescription d’1 an (Code de commerce, Article L133-6) 

– action contre le commissionnaire: 1 an ou 10 ans en fonction de l’acte litigieux. 

En matière aérienne, la prescription est d’1 an contre le commissionnaire et de 2 ans pour le transporteur aérien. 

2) Les critères de distinction 

Dans le transport comme dans la commission, le déplacement repose sur une obligation de résultat, la nature de l’obligation n’est donc pas un critère de distinction, il faut analyser son contenu i.e. la promesse du cocontractant à son client. 

Le commissionnaire promet de soigner le transport de bout en bout. Dans cet objectif, il va conclure pour le compte de son client tous les actes juridiques qui vont permettre à la marchandise d’arriver à destination. Le cadre général des opérations est donc celui du mandat. De son côté, le transporteur agit pour son propre compte et effectue des actes matériels. Ainsi, les conditions d’exécution du déplacement de la marchandise permettent de déterminer la nature juridique du contrat, les juges s’y attacheront donc en cas de litige. 

  1. a) Les conditions d’exécution matérielle du déplacement

Les juges s’intéressent d’abord à l’exécution matérielle du déplacement. Lorsque l’opérateur exécute lui-même le déplacement, il s’agit d’un transporteur, dans le cas contraire, d’un commissionnaire. Cependant, parfois, l’expéditeur ne sait pas, lors de la conclusion du contrat, si le transporteur va transporter lui-même ou s’il va charger une autre personne du transport, il ne va le découvrir qu’après coup et en cas de problème. Ce raisonnement n’est donc pas conforme à la logique juridique. En effet, c’est l’échange des consentements qui fait naître les obligations des parties, une fois le contrat conclu, les obligations qui génèrent sont donc en définitivement fixées. 

La question n’a pas fait l’objet de jurisprudence en France mais les cours d’Anvers et de Bruxelles estiment que lorsque l’entrepreneur accepte un ordre de transport sans faire connaître qu’il entend agir en qualité de commissionnaire, il est automatiquement qualifié de transporteur. 

  1. b) La commune intention des parties

Le juge s’attache aussi à la commune intention des parties. La Cour de cassation semble privilégier cette approche puisqu’elle estime que lorsque la commune intention de partie est clairement affichée, elle doit être seule prise en compte, les conditions matérielles ne pouvant jamais la remettre en cause. Ainsi, celui qui se présente comme transporteur, traite comme transporteur et qui en cours de transport a recours à un autre transporteur, reste néanmoins transporteur (alors qu’il est finalement commissionnaire). 

  1. c) Le critère de l’accessoire

En pratique, des difficultés surgissent du fait que les entreprises de transport cumulent les fonctions de commissionnaire et de transporteur, sont à la fois l’un et l’autre. 

La doctrine s’est posée la question de l’application du principe selon lequel l’accessoire suit le principal ce qui reviendrait donc à déterminer l’activité dominante. Les auteurs estiment globalement qu’il faut distinguer selon les intérêts en jeu ce qui conduit à retenir la qualification la plus caractéristique, la doctrine rejette donc l’application de l’adage accessorium sequitur principale. 

En revanche, les juges du fond appliquent l’adage pour adopter une qualification unique. Ainsi, un commissionnaire conservera cette qualité pour toutes les phases de l’opération même si à un moment donné il a exécuté lui-même le transport. Cette solution permet aux juges de sanctionner le commissionnaire puisqu’il ne pourra invoquer la fin de non recevoir de Code de commerce Article L133-3. Globalement, cette façon de raisonner correspond le plus à l’idée du transport que pouvait avoir l’expéditeur. En effet, juridiquement il n’est pas sain en droit d’une partie contractante puisse choisir telle ou telle qualité selon ce que son propre intérêt lui commande. 

  1. B) Commission de transport et contrat de transit ou de mandat

Dans tous les cas, on est en présente d’un contrat de représentation i.e. d’intermédiaires qui contractent et agissent pour le compte d’autrui. D’ailleurs, la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur les contrats d’intermédiaires concerne notamment ces 3 types de contrats. 

1) Les intérêts de la distinction 

Le transitaire est un mandataire ayant une qualification particulière. 

Le commissionnaire est garant de ses substitués car il les a choisi pour mener à bien la mission qui lui a été confiée. 

Par contre, le transitaire est un simple mandataire et il ne va donc répondre que de ses fautes personnelles prouvées. 

ex: défaut d’arrimage des colis transportés. La faute est peut être imputable au voiturier et s’il y a eu un contrat de commission, au commissionnaire. En revanche, la responsabilité du transitaire ne pourra être mise en cause. 

Le transitaire est seulement tenu d’exécuter les instructions directes de son mandant et il doit préserver les recours éventuels. Ainsi, le transitaire va prendre tous les mesures nécessaires à la conservation de la marchandise. En revanche, il n’est pas tenu de la surveiller physiquement en permanence alors que le transporteur et le commissionnaire doivent avoir vue directe sur la marchandise. 

Par ailleurs, les actions en justice contre le commissionnaire doivent être intentées dans le délai d’1 an alors que celles intentées contre le transitaire sont soumises au droit commun (10 ans). 

De plus, le transitaire ne bénéficie d’aucun privilège particulier pour garantir sa rémunération. 

Enfin, la profession de commissionnaire est étroitement réglementée alors que celle de transitaire est libre puisque. Le transitaire a uniquement besoin d’accomplir une formalité administrative s’il accomplit des formalités en douane. 

2) Le critère de distinction 

Le transitaire est un mandataire salarié alors que le commissionnaire est un intermédiaire indépendant. Ce critère est très efficace. Si l’expéditeur s’adresse à un commissionnaire, c’est pour se libérer de certaines tâches et non pour lui dicter sa conduite point par point. Même si l’expéditeur donne des instructions au commissionnaire, il doit lui laisser une marge de liberté. De son côté, le transitaire obéit à des ordres précis de l’expéditeur ou du commissionnaire qui recourt à ses services. 

Ainsi, si la personne n’a aucune marge de manœuvre les juges la qualifieront de transitaire. 

  1. C) Commission et contrat de courtage

Le courtier se borne à mettre en relation deux contractants, il va les présenter l’un à l’autre et va les aider à s’entendre d’où une obligation de présentation. 

Le courtier rédige parfois le contrat mais il n’agit pas pour le compte d’autrui, le coutier n’est pas un représentant. 

Il y a ainsi une activité de fait puisqu’aucun lien de droit particulier ne se crée. 

Ainsi, courtage et commission ne peuvent être confondus car si le coutier reste étranger à la conclusion du contrat. En revanche, le commissionnaire passe lui-même des contrats pour le compte de son client. Le commissionnaire prend l’opération à son compte et va conclure en son nom personnel tous les actes nécessaires à la réalisation du transport. 

  

Section 2: Les obligations des parties au contrat de commission 

1) Les obligations du commettant 

En général, le commettant est l’expéditeur de la marchandise, il a donc l’obligation de remettre les marchandises au commissionnaire quand ce dernier s’est engagé à la faire parvenir à destination. Le commettant doit ensuite acquitter le prix de la commission dont le paiement est garanti au commissionnaire par un privilège (Code de commerce, Article L132-2). 

  1. A) La remise des marchandises

La remise des marchandises doit s’effectuer aux conditions prévues au contrat ou à celles fixées par le transporteur. Une présentation irrégulière de la marchandise peut entraîner la résolution du contrat s’il a déjà été conclu, s’il n’a pas été conclu, elle empêchera la conclusion du contrat, c’est le cas lorsque le commissionnaire refuse la marchandise avant tout accord de volonté. 

En pratique, le respect de cette obligation ne fait gère de difficulté puisque le commettant a tout intérêt à la respecter. De plus, si une contestation apparaissait, on ne pourrait recourir à l’expertise prévue par les textes puisque Code de commerce Article L133-4 précise que l’expertise ne peut être demandée que par les parties au contrat de commission. Il faut donc à tout prix que le contrat ait été conclu. 

  1. B) Le paiement du prix

La fixation du prix et les modalités de paiement relèvent du contrat. La LOTI prévoit uniquement que cette rémunération est fonction des services effectivement rendus. 

En pratique, on utilise fréquemment le prix au forfait par référence au nombre de tonnes ou de mètres cube. Cette pratique est d’autant plus fréquente que cela permet de distinguer le commissionnaire du transitaire puisque le transitaire, lui, est obligé de facturer de manière détaillée. 

Le prix comprend d’une part le montant de la commission (qui correspond à la mission du commissionnaire de prendre soin de la marchandise) et d’autre part le remboursement des frais que le commissionnaire aura avancés pour le compte du commettant (notamment pour tous les contrats satellites: manutention etc.). 

Une fois convenu, le prix demeure dû même si le commettant ne remet pas la marchandise au commissionnaire sans pouvoir invoquer de motif sérieux. Cela est d’autant plus compréhensible que dans la majorité des cas le paiement du prix intervient dans le cadre d’un compte courant. Ainsi, des juges ont estimé qu’un commettant qui avait confié à un commissionnaire l’acheminement d’une grue est tenu de régler l’intégralité du prix convenu diminué des frais de chargement et cela au motif que ce commettant avait renoncé à l’acheminement 24 heures avant le départ, puisque tout été préparé, le commissionnaire a rempli une partie essentielle de sa mission, le paiement est donc dû. 

Le compte courant permet d’assurer le décompte de tous les frais et débours consentis par le commissionnaire depuis la conclusion du contrat. Si plusieurs affaires sont traités les unes après les autres, entre les mêmes parties, le compte devient un compte courant comprenant d’un côté les créances de commission et les avances de frais consentis par le commissionnaire et de l’autre les acomptes et versements d’argent effectués par le commettant. La Cour de cassation estime qu’un tel compte développe tous les effets d’un compte courant mais il n’y aura de compte courant que si les parties l’on voulut i.e. le commissionnaire ne peut le créer unilatéralement. 

Lorsque le compte courant n’existe pas ou n’est pas suffisant, le paiement résultera du privilège de Code de commerce Article L132-2 qui dispose que le commissionnaire a privilège sur la valeur des marchandises faisant l’objet de son obligation et sur les documents qui s’y rapportent pour toutes ses créances de commission nées même à l’occasion d’opérations antérieures. 

  1. C) Les conditions d’exercice du privilège du commissionnaire

Assiette: tous les biens détenus par le commissionnaire peuvent servir de garantie aux créances qu’il a contre son commettant à condition qu’elles procèdent du contrat de commission. Le commissionnaire n’est pas obligé d’avoir les marchandises, un seul document suffit. Cela constitue un excellent moyen de pression pour obtenir paiement. 

Le commissionnaire peut exercer ce privilège grâce à des documents douaniers, des documents relatifs au crédit documentaire ou encore grâce à un connaissement (en matière maritime). Sans ces documents, l’expéditeur commettant ne peut pas être payé des marchandises qu’il a fait acheminer. Par extension, la Cour de cassation en 1989 a estimé qu’un commissionnaire pouvait valablement retenir des chèques émis à l’ordre de son client et obtenus lors de la livraison contre remboursement. 

  

L’exercice du privilège suppose qu’il y ait identité entre le débiteur et le donneur d’ordre. Il s’agit d’une sûreté légale mais le commissionnaire peut renoncer à son privilège à la condition que cette renonciation résulte d’un engagement formel ou d’un comportement non équivoque. 

  

Il faut aussi que le commissionnaire soit de bonne foi quant à la propriété de la marchandise et quant aux conditions dans lesquelles il en a pris possession. Les tribunaux assimilent la situation au gage de telle sorte que le commissionnaire n’a pas à vérifier si la chose remise est ou non grevée d’une clause de réserve de propriété. Il en résulte que le commissionnaire peut opposer son privilège à quiconque lui réclame la marchandise. La seule exigence est la bonne foi, bonne foi du commissionnaire qui réside dans la croyance sincère et légitime que les marchandises détenues sont la propriété de son débiteur. La bonne foi est présumée et est appréciée au moment de la remise de la marchandise. C’est donc celui qui conteste le privilège qui doit prouver la mauvaise foi. 

  

Quant à la créance garantie, elle est également très largement conçue puisqu’elle doit se rapporter à la commission. Le commissionnaire de bonne foi doit donc être titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible pour pouvoir bénéficier du privilège. Lorsque la créance concerne des opérations antérieures, cela ne pose aucune difficulté on doit simplement vérifier que l’action n’est pas prescrite. 

  

Etant donné que les textes sont clairs, la jurisprudence permet d’agir devant le juge des référés à la condition d’établir l’urgence car la rétention des marchandises peut causer un trouble illicite. C’est le cas par exemple pour obtenir paiement pour le transport d’objets constituant des cadeaux de fin d’année. 

Le juge des référés sera compétent et pourra ordonner une mesure provisoire en présence d’une difficulté sérieuse au fond. Le juge peut également cantonner la rétention et donc ordonner uniquement une main levée partielle du droit de rétention. 

Quand il n’y a pas d’urgence établie, la contestation se fait selon la procédure de droit commun devant le Tribunal de commerce. 

  

Par ailleurs, le commissionnaire, du fait du privilège, peut réaliser le gage c’est-à-dire se faire payer grâce à une vente aux enchères ou grâce à une attribution judiciaire de la marchandise. En pratique, les commissionnaires n’hésitent pas à procéder de la sorte la procédure étant rapide puisqu’elle peut intervenir 8 jours après l’invocation du privilège. De manière générale, le commissionnaire préfère l’attribution judiciaire car du fait du classement des privilèges le commissionnaire est primé par le conservateur de la chose, par les douanes et par le Trésor public. 

2) Les obligations du commissionnaire 

Le commissionnaire a promis d’organiser le transport de bout en bout afin que la marchandise parvienne à destination en bon état et à la date prévue. Il s’agit d’une obligation de résultat. Parfois, les juges acceptent de tempérer la situation et estiment qu’en cas de force majeure, l’obligation de livrer à une date précise devient une simple obligation de moyens. 

Le commissionnaire va devoir exécuter les engagements précis qu’il a pris envers son commettant. Il doit respecter toutes les instructions du commettant car il avait la possibilité de refuser le mandat qui lui est confié lorsque le commettant l’a contacté. 

Le commissionnaire a de nombreuses obligations au départ, en cours de route et à l’arrivée de la marchandise à destination. 

  1. A) Les obligations du commissionnaire au départ de la marchandise

Les moyens utilisés sont en principe à la discrétion du commissionnaire mais celui-ci doit agir au mieux des intérêts de son commettant. On constate que le commissionnaire a en fait 2 obligations au départ: soigner l’expédition et assurer la marchandise. L’obligation d’assurer la marchandise ne peut être que le conseil donné au commettant en vue de prendre cette assurance. 

1) L’obligation de soin 

Le commissionnaire choisit le mode de transport sauf clause contraire. Il doit tenir compte de la nature de la marchandise, de l’urgence du transport et des garanties de sécurité offertes à l’expéditeur. Compte tenu de ces circonstances, il doit choisir le meilleur moyen de locomotion mais aussi les meilleurs auxiliaires de transport. Il doit aussi s’assurer de l’existence et de la régularité des documents qui lui sont remis et qui sont nécessaires au transport. 

En parallèle, le commissionnaire dispose en tant que professionnel d’un devoir de conseil à l’égard de ses clients. La jurisprudence estime ainsi qu’un commissionnaire qui se charge d’un transport international est réputé connaître la réglementation des différents pays traversés car ces législations étrangères peuvent avoir une incidence sur les conditions du transport, sur le temps du transport et sur la réparation en cas d’incident. Ce devoir de conseil est strictement limité à l’organisation du transport, ainsi, Cour d’Appel Paris a estimé que le commissionnaire n’était pas tenu d’expliquer à son client les formalités nécessaires pour éviter la forclusion prévue par la CMR, la CA estime que c’est là « une affaire de juristes et commissionnaires et clients sont souvent des profanes ou professionnels inexpérimentés ». En fait, les juges apprécient le devoir de conseil en fonction des circonstances, de la taille de l’entreprise du commettant et des usages locaux. 

2) L’obligation d’assurance 

Le commissionnaire est tenu de vérifier si les transporteurs auxquels il a fait appel sont convenablement assurés en ce qui concerne leur responsabilité contractuelle. 

On s’est demandé si par prudence il ne devait pas prendre l’initiative d’assurer la marchandise avant de la remettre à ses substitués. La réponse est différente selon que le transport est terrestre ou maritime: 

– lorsque la marchandise est acheminée par voie terrestre, la Cour de cassation depuis 1992 estime que le commissionnaire n’a pas l’obligation d’assurer la marchandise si le contrat de commission ne le prévoit pas. D’ailleurs, en matière de transport terrestre, il est rare que l’expéditeur contracte une assurance spécifique puisque la clause d’intérêt à la livraison peut suffire. 

– en matière maritime, il est d’usage d’assurer la marchandise. La pratique étant différente de celle du transport terrestre, les tribunaux estiment que le commissionnaire de transport maritime ou combiné doit prendre l’initiative d’assurer la marchandise. 

Lorsque le commissionnaire est obligé d’assurer en vertu du contrat, il doit y procéder mais, selon les tribunaux, il doit le faire avec discernement. S’il ne souscrit pas d’assurance, il devra verser à son client une somme égale à l’indemnité que ce dernier aurait reçu de l’assureur, il devient donc assureur. 

Cette obligation d’assurance n’entre toutefois pas dans les obligations normales du commissionnaire, elle fait l’objet d’un mandat spécial et la clause est détachable du contrat de commission, elle subira donc une prescription de droit commun et non la prescription annale applicable en matière de transport. 

  1. B) Les obligations du commissionnaire en cours d’acheminement de la marchandise

En cours de route, l’obligation de soigner existe toujours, le commissionnaire a donc l’obligation d’effectuer les opérations étapes par étapes et veiller au bon déroulement de ces opérations. Il doit rendre compte à l’expéditeur et dans un délai raisonnable des incidents et difficultés qu’il rencontre. 

Au départ, sa mission commence lors de la prise en charge, c’est lui qui doit vérifier l’arrimage car l’expéditeur est réputé profane en matière de transport, c’est lui aussi qui doit veiller aux opérations de chargement, c’est donc lui qui recourra, au besoin, à un manutentionnaire (l’expéditeur et le transporteur ne pouvant eux-mêmes procéder au chargement). 

Ensuite, il va suivre l’acheminement et va donc veiller au respect d’un temps raisonnable et compatible avec la nature et l’objet de la prestation. 

ex: c’est lui qui sera responsable s’il n’a pas tout mis en œuvre pour que la marchandise arrive sur une foire exposition dont il connaît la date. 

S’il y a changement de transport, c’est également le commissionnaire qui surveille la marchandise à la charnière des deux transports (la rupture de charge), il peut se faire aider par une transitaire. 

ex: il est reproché régulièrement au commissionnaire en cas de transport de denrées congelées de ne pas prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir la chaîne du froid. Ce type de condamnation intervient lorsque le véhicule est impliqué dans un accident de la circulation et que le commissionnaire doit affréter un nouveau véhicule pour la suite du parcours, dans l’attente du véhicule il doit gérer les produits congelés. 

Cette responsabilité ne peut concerner que les dommages apparents, il est impossible de demander au commissionnaire de connaître mieux la marchandise que l’expéditeur. 

  1. C) Les obligations du commissionnaire à l’arrivée de la marchandise

Les obligations du commissionnaire ne disparaissent pas lorsque le camion, le train, l’avion ou le navire arrive à destination, elles ne prennent fin qu’avec la livraison de la marchandise au destinataire lui-même. Sur ce point, la jurisprudence est claire et classique: la livraison à quai ne suffit pas à éteindre les obligations du commissionnaire. 

Le commissionnaire doit donc être présent ou représenté au lieu de destination. Si la marchandise est perdue, avariée ou en retard, il doit conserver les recours de son client. Si la marchandise est refusée par le destinataire, il doit en référer à son commettant. Si la marchandise est acceptée sans réserve sa mission s’achève. 

1) La conservation des recours du commettant 

Lorsque la marchandise n’est pas livrée en bon état ou à la date prévue, le commissionnaire doit éviter à son client la forclusion de Code de commerce Article L133-3 ou de CMR Article30. Il doit donc accomplir toutes les diligences nécessaires à la procédure en raison de la confiance qui existe dans tout contrat de commission entre commettant et commissionnaire. 

En pratique, cette conservation n’est pas évidente. En effet, le client qui traite avec une commissionnaire a tendance à adresser ses protestations au commissionnaire alors que les textes prévoient qu’elles soient envoyées au transporteur. D’ailleurs, souvent, l’expéditeur ne connait que le commissionnaire et pas le transporteur. Si le commissionnaire est toujours dans les délais pour le faire, il doit notifier ces contestations au transporteur pour conserver les droits de son client (le délai est de 3 jours). Préserver un recours n’est pas l’exercer, le préserver consiste à tout faire pour mettre le titulaire de l’action en l’état d’agir, le commissionnaire n’a pour mission que de surveiller le transport, pas d’exercer les recours, s’il ne préserve par le recours, il deviendra responsable. La Cour de cassation en 1996 a cassé un arrêt de CA Paris qui avait sanctionné le commissionnaire qui n’avait pas intenté à temps l’action appartenant à son client. 

2) En cas de refus de la marchandise par le destinataire 

En cas de refus du destinataire, le commissionnaire doit en informer le commettant sans délai et par des moyens de communication indiscutables i.e. il ne doit pas se contenter de le faire par téléphone, il faut un écrit (fax, e-mail, lettre recommandée). Si l’expéditeur lui enjoint de ne pas rapparier la marchandise, le commissionnaire devient simple mandataire et ne sera responsable que de ses fautes prouvées. A l’inverse, si le rapatriement est demandé, il donne naissance à un nouveau contrat de transport qui restera sous la surveillance du commissionnaire jusqu’au retour de la marchandise chez l’expéditeur. 

Lorsque la marchandise n’est pas rapatriée, le commissionnaire a, comme les transporteurs, la possibilité de laisser la marchandise à l’administration des domaines qui procèdera à sa mise en vente. 

  

Chapitre 4: Les actes spécifiques de transport 

  

Chaque type de transport connaît des actes spécifiques i.e. des actes propres à sa nature. Les plus connus existent en matière terrestre et maritime, il s’agit du connaissement, du contrat d’affrètement et des différentes lettres de voiture. 

  

Section 1: Le connaissement 

Le connaissement est propre au droit maritime mais les transporteurs peuvent être combinés et donc le connaissement peut exister à ce titre. 

1) La définition du connaissement 

Le connaissement est le document le plus utilisé pour prouver l’existence d’un contrat de transport maritime. La Cour de cassation en donne la définition suivante: le connaissement est un titre représentatif de la marchandise valant essentiellement reconnaissance par le transporteur de sa prise en charge et ne saurait être par lui-même constitutif du contrat de transport, ce dernier résultant du seul accord de volonté des parties à la convention. Le connaissement n’est que probatoire. 

A l’échelon international, la convention de Hambourg du 31 mars 1978 précise que le terme « connaissement » désigne un document faisant preuve du contrat de transport et constatant la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par le transporteur ainsi que l’engagement de celui-ci de délivrer la marchandise contre remise de ce document. 

On reconnait au connaissement un triple rôle: c’est d’abord un reçu de marchandises (si on a le document, c’est que la marchandise a été embarquée), ensuite il s’agit d’un élément de preuve (si on l’a c’est qu’il a un contrat de transport) et enfin il s’agit d’un titre représentatif de la marchandise (le document décrit les marchandises). 

2) Le contenu du connaissement 

Le connaissement est établi en 2 exemplaires originaux au moins: un pour le chargeur et l’autre pour le capitaine du navire. C’est la loi du pays d’émission du connaissement qui va régir ses conditions de forme si le transport est international. 

En fait, la loi française contient peu de disposition, on sait seulement que le connaissement doit fournir des informations précises quant à la marchandise notamment son identification, sa quantité, son poids et son conditionnement. Ces mentions ont une force probante à l’égard de toutes les parties puisque le destinataire est en droit d’exiger une livraison conforme au connaissement. 

Le connaissement doit aussi identifier le chargeur et le transporteur, le nom du destinataire ne sera indiqué que lorsque le connaissement est un connaissement nominatif. 

Chaque original du connaissement doit être daté, la date est essentielle car elle va conditionner l’ouverture d’un crédit documentaire. C’est la raison pour laquelle en pratique, le connaissement est souvent antidaté. L’anti-datage permet d’être certain que les fonds seront provisionnés. En cas de difficulté, l’anti-datage constitue une faute équipollente au dol i.e. une faute lourde engageant la responsabilité de son auteur. 

Le transporteur doit signer le connaissement. Le chargeur en est dispensé mais en pratique, il a tendance à signer également pour montrer qu’il accepte le connaissement. 

3) Les réverses au connaissement 

Le capitaine du navire n’a pas la possibilité de vérifier les déclarations par un examen systématique avant embarquement. Pour cette raison, il est autorisé à émettre des réserves s’il sait ou s’il a des raisons de soupçonner que les indications du chargeur sont inexactes ou encore s’il n’a pas les moyens suffisants d’effectuer le contrôle. 

Pour éviter les abus et les clauses de style, les réserves doivent répondre à certaines conditions, elles doivent être précises et motivées et le transporteur doit donc mentionner les inexactitudes ou la raison de ses soupçons. Ces réserves doivent être inscrites sur le connaissement mais elles peuvent aussi être adressées par voie séparée et dans ce cas, elles ne seront pas opposables au destinataire ou au porteur du titre, elles permettront seulement au transporteur de garantir son action récursoire contre le chargeur. Aucun texte n’impose le caractère contradictoire des réserves, elles peuvent donc être refusées par le chargeur. Enfin, les textes ne prévoient les réserves que sur les marchandises et ne visent pas l’emballage, cependant la jurisprudence raisonne par analogie pour l’emballage car il semble logique qu’un emballage défectueux ou en piteux état pousse le transporteur à émettre des réserves. L’absence totale de réserves vaut présomption de bon état de la marchandise reçue à l’embarquement, cette présomption est simple, elle peut être combattue par tout moyen. 

4) Les autres documents maritimes 

  1. A) Les documents similaires au connaissement

Ces documents émanent d’associations ou de fédérations internationales en matière de transport maritime. 

Il s’agit notamment du document FIATA (Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés), il s’agit d’un document de transport combiné négociable, il suppose donc le transport par au moins 2 modes de transport différent. 

Le transporteur devient un opérateur multimodal et engage sa responsabilité dans les conditions classiques du contrat de transport. 

En présence d’un commissionnaire, sera utilisé le document NVOCC. 

Existe aussi le connaissement avec certificat d’assurance incorporé: ce document complète le connaissement et le rend encore plus attirant et sécurisant pour le cocontractant. 

Enfin est apparu le connaissement électronique, il est très utilisé sur des petits trajets ou des trajets rapides. Le système databank permet de déposer les connaissements auprès d’une banque qui les détient pour le compte de qui il appartiendra et qui recevra notification de tout transfert effectué sur la marchandise. En pratique, le transporteur va enregistrer toutes les informations et va remettre un Code au chargeur et le destinataire à l’arrivée va prendre connaissance du code et dès qu’il aura le code donnera l’ordre de payer. 

  1. B) La lettre de transport maritime

La lettre de transport maritime devrait tomber en désuétude avec le connaissement électronique. En effet, elle est apparue lorsque l’on a constaté que des transports pouvaient être trop rapides et donc inadaptés au connaissement. En effet, le connaissement est quand même un mécanisme lourd et long à mettre en œuvre. 

Le transport peut être plus rapide en raison d’un parcours plus court ou parce qu’il est effectué avec un navire plus rapide. Par exemple, la lettre de transport maritime est très utilisée pour les transports transmanche. Dans ce cas, le chargeur va expédier la marchandise au destinataire désigné et portera sur la lettre de voiture maritime (LVM) la mention « reçu pour embarquement » et non pas la mention « embarqué ». La différence de terme explique la différence de responsabilité: embarqué signifie qu’il y a eu vérification alors que reçu pour embarquement signifie qu’il n’y a pas eu vérification. Le transporteur n’exerçant aucun contrôle de la marchandise, le temps mis pour les formalités diminue et devient raisonnable par rapport au transport. 

  

Section 2: Les lettres de voiture en matière terrestre 

Code de commerce Article L132-8 le contrat de transport est matérialisé par la lettre de voiture qui forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier, le destinataire et éventuellement le commissionnaire. Il y a de fait, autant de lettres de voiture que de type de transport terrestre. 

1) Le document valant lettre de voiture 

Code de commerce Article L132-8 préconise l’établissement d’une lettre de voiture matérialisant le contrat de transport et Code de commerce Article L132-9 en précise le contenu. 

L’établissement de la lettre de voiture a été rendu obligatoire en 1999 à peine d’être sanctionné par une contravention de 5ème classe. 

La lettre de voiture et ses équivalents doivent être présentés sur route à toute réquisition des agents de l’Etat chargé du contrôle des transports (l’expression est très large: police, douane, ministère des transport etc.). 

En outre, ces documents doivent être conservés par l’entreprise de transport pendant un délai de 2 ans car ils peuvent être demandés sur réquisitions des mêmes agents. Ces éléments conservés par l’entreprise doivent permettre aux agents de l’Etat d’accéder aux informations relatives au donneur d’ordre et au prix facturé par l’entreprise de transport. 

2) Le contenu de la lettre de voiture 

La lettre de voiture doit être rédigée en autant d’originaux que de parties et un exemplaire supplémentaire doit se trouver à bord du véhicule. Lorsque le contrat prévoit plusieurs opérations de chargement et de déchargement, il est possible de rédiger une seule lettre de voiture à condition de décliner toutes les phases. 

S’il s’agit d’un transport groupé, le transporteur peut aussi faire une seule lettre de voiture mais en pratique, il fait autant de lettres de voiture que d’envois pour éviter les difficultés en cas de contrôle. Néanmoins, le transporteur qui a fait une seule lettre de voiture disposera de 3 jours pour donner aux agents contrôleurs les détails de l’envoi. 

En pratique, la forme est libre, les textes admettent même son émission par des moyens informatiques à l’intérieur du véhicule. 

Il faut au minimum les renseignements suivants: la date, le nom, l’adresse et le numéro SIREN ou numéro d’identification intracommunautaire du transporteur, les coordonnées complètes de l’expéditeur, la date et l’adresse complète du lieu de chargement, le nom du destinataire et l’adresse complète du lieu de déchargement. 

La lettre de voiture est établie par le transporteur avant le transport et elle va être complétée tout au long du transport, en effet, toutes ces précisions vont permettre la facturation au client, il faudra donc indiquer avec précision les délais, l’heure de départ et celle d’arrivée. 

La lettre de voiture va être signée par tous les intervenants au transport de l’expéditeur au destinataire compris mais il est toujours possible de refuser de la signer à condition de motiver le refus. 

3) La lettre de voiture de déménagement 

Il existe une lettre de voiture spécifique en matière de déménagement (NB: les déménageurs font généralement signer une lettre de voiture classique et non une lettre de voiture de déménagement afin d’éviter ce régime spéciale). 

La lettre comporte obligatoirement: les coordonnées de l’entreprise déménagement, le nom et l’adresse du client, le mode d’exécution du transport, le volume du mobilier, les lieux de chargement et livraison la date limite des opérations et le numéro d’inscription de l’entreprise de déménagement au registre des transporteurs et loueurs. 

Cette lettre de voiture est établie en 4 exemplaires: 

– le premier constitue la souche et est conservé par l’entreprise, 

– le deuxième est le double de la souche qui est remis au client avant le déménagement, 

– le troisième exemplaire va accompagner le mobilier en cours de transport, c’est le bulletin de livraison: c’est sur ce bulletin que le client émettra des réserves ou signera une décharge, ce bulletin est conservé par l’entreprise. 

– le quatrième exemplaire est le double du bulletin de livraison, il est remis au client. 

Pour la jurisprudence, le contrat de déménagement est soit un contrat de service soit un contrat de transport, tout dépend des opérations convenues entre les parties. C’est la raison pour laquelle il faut faire très attention lors de la conclusion du contrat car de la qualification dépendra la procédure applicable et les textes applicables: soit le droit commercial général soit le droit des transport or le particulier a intérêt à l’application du droit commercial général. 

4) Le contrat de transport ferroviaire 

Il s’agit du récépissé de chemin de fer. Le récépissé est le duplicata de la déclaration d’expédition qui et établie et signée par l’expéditeur sur un formulaire spécial fourni par la SNCF. La SNCF est un transporteur comme les autres et ses opérations de transport sont régies par Code de commerce Article L133-1 et suiv. Il s’agit d’un transporteur comme les autres donc la SNCF a le même régime d’obligations et de responsabilité qu’un transporteur terrestre. Ainsi, celui qui traite avec la SNCF n’est pas réputé avoir signé un contrat d’adhésion, il a toujours la possibilité de négocier librement les conditions du transport. Les tribunaux vérifient que les demandes formulées correspondent aux possibilités offertes par la SNCF. L’exemplaire de la SNCF voyage avec la marchandise, le récépissé est remis au client. 

  

Titre 2: Les acteurs du transport 

Chapitre 1: Le commissionnaire 

Selon la Cour de cassation, depuis le 16 fév. 1988, le commissionnaire est un intermédiaire, un organisateur pouvant conclure tout contrat nécessaire à la réalisation de sa prestation. Les deux premiers éléments sont nécessaires, il n’y a commission de transport qu’en présence d’une entreprise intervenant comme intermédiaire avec une marge de manœuvre suffisante pour l’organisation de l’opération. La Cour de cassation estime que l’inscription au registre des commissionnaires de transport ne suffit pas à prouver la qualité de commissionnaire. Cela signifie donc que le commissionnaire bénéficie d’un statut. 

  

Section 1: Le statut de commissionnaire 

Pendant longtemps n’a existé qu’un statut privé ce qui a entraîné des confusions. Depuis quelques années, il existe un statut public qui fait l’objet d’une réglementation très stricte dans l’intérêt général et en parallèle se développe un statut international. 

1) Le statut public du commissionnaire 

L’exercice de la profession de commissionnaire de transport est réglementé par un décret du 5 mars 1990 pris en application d’une directive européenne du 29 juin 1982. Par ailleurs, la LOTI Article8 prévoit que le pouvoir exécutif a la faculté de règlementer la profession de commissionnaire. Cette règlementation a été un peu modifiée en 1999 dans la continuité de la loi Gayssot. 

L’exercice de la profession de commissionnaire est subordonné à des conditions particulières et à la nécessité de s’inscrire auprès des directions régionales de l’équipement (DRE). 

  1. A) Les conditions d’exercice de la profession de commissionnaire

Sont concernées, la capacité professionnelle, la capacité financière ainsi que des conditions d’honorabilité pour soi-même et dans le contrôle des sous-traitants. 

1) La capacité professionnelle 

Cette condition doit être remplie par la personne qui assure la direction effective et permanente de l’entreprise et à tout le moins, dans l’entreprise, celle qui dirige la branche commission de transport. 

Cette personne doit avoir satisfait à un examen écrit (organisé chaque année) ou être titulaire d’un diplôme équivalent. Par ailleurs, les titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur ou technique mentionnant une épreuve relative au transport ont accès direct à la profession. En l’absence de la mention « transport », le diplôme permet d’accéder à l’attestation de capacité s’il est complété par des éléments établissant une connaissance nécessaire à l’exercice de la profession. 

Le décret de 1999 a supprimé la passerelle résultant de l’expérience professionnelle car elle n’était pas utilisée. 

2) La capacité financière 

Cette condition permet de vérifier que le commissionnaire dispose des moyens de faire face à ses engagements. Il faut que le commissionnaire ait les moyens financiers de régler ses fournisseurs de services sans faire dépendre ses règlements de ceux de sa clientèle. 

Les commissionnaires doivent ainsi disposer de capitaux propres, de réserves ou de cautions bancaires pour un montant au moins égal à 100.000 euros. Le montant des cautions bancaires ne peut dépasser 49 % des ressources, il faut donc de la trésorerie. 

Cette condition financière doit exister en permanence: si l’entreprise ne peut plus en justifier, elle sera radiée après mise en demeure de régulariser restée sans effet pendant un délai de 3 à 12 mois. 

Si une entreprise cumule l’activité de transporteur et l’activité de commissionnaire, elle doit aussi cumuler les conditions financières (75.000 pour le voiturier + 100.000 pour le commissionnaire). 

3) Les conditions d’honorabilité 

Le décret de 1990 réputait honorables les personnes qui n’étaient pas frappées d’une interdiction d’exercer une profession industrielle ou commerciale résultant d’une condamnation, d’une déchéance ou d’une sanction administrative et commerciale. 

Le décret de 1999 a considérablement renforcé cette condition d’honorabilité, il donne une liste détaillée des personnes devant répondre à cette condition et énumère les condamnations entraînant la déchéance de l’honorabilité. 

En ce qui concerne les personnes: est concernée la personne assurant la direction permanente et effective de l’activité de commission mais il faut aussi que les conditions soient remplies par le chef d’entreprise, les associés, les gérants, le président du conseil d’administration. 

En ce qui concerne les condamnations: il faut que la personne ne commette pas une infraction entraînant une condamnation mentionnée au bulletin n°2 du casier judiciaire (B2): les infractions relatives à l’alcoolémie (ivresse publique, conduite en état d’ivresse), le refus de se soumettre au dépistage d’alcoolémie, le délit de fuite, le refus d’obtempérer, l’entrave à la circulation, usage volontaire de fausse plaques, trucage des limiteurs de vitesse, défaut de permis correspondant à la catégorie du véhicule, annulation ou suspension de permis, travail clandestin ou dissimulé, usage d’un titre périmé, infractions relatives aux étrangers, et depuis 1995 délit de prix abusivement bas. 

Les personnes résidant en France, françaises ou étrangères, depuis moins de 5 ans doivent prouver leur honorabilité et l’absence de condamnation dans leur ancien pays d’origine ou de séjour. 

4) L’obligation de contrôle des sous-traitants 

Avant de confier une mission, une expédition à une personne, le commissionnaire a depuis 1999, l’obligation de vérifier que cette personne est habilitée à exercer l’activité demandée i.e. il est tenu de contrôler formellement si le sous-traitant choisi est bel et bien inscrit au registre des transporteurs publics. 

Il doit également tenir et conserver un registre des opérations d’affrètement sous pleine d’une amende maximale de 1.500 euros. 

En outre, il doit garder tous les justificatifs des deux derniers exercices comptables. 

Enfin, s’il constate une modification de nature à influer sur l’inscription au registre, il doit dénoncer au préfet ce changement. 

  1. B) Le titre d’exploitation

L’exercice de la profession de commissionnaire de transport suppose une autorisation administrative. A l’origine, il s’agissait d’une licence de commissionnaire, elle était nécessaire et CE 25 juill. 1986 a annulé un acte au motif que le transporteur armateur disposait d’un connaissement direct mais ne justifiait pas être titulaire d’une licence de commissionnaire. Le système de licence était assez lourd, le décret de 1990 confirmé par celui de 1999 a substitué à cette licence, l’inscription sur un registre régional tenu par les directions régionales de l’équipement (DRE). 

1) Le certificat d’inscription 

L’inscription sur le registre est matérialisée par la remise d’un certificat d’inscription. Ce certificat va habiliter l’entreprise à exercer son activité de commissionnaire sur tout le territoire métropolitain. Cette autorisation est personnelle et incessible. Le juge administratif estime qu’en cas de transmission ou de location du fonds de commerce, le bénéficiaire de la transmission ou le locataire doit demander une nouvelle inscription qui ne lui sera accordée que s’il remplit les conditions requises. 

Le refus d’inscription opposé par le préfet peut faire l’objet d’un recours juridictionnel. 

2) Les sanctions 

L’exercice de l’activité de commissionnaire sans le titre d’exploitation est passible de sanctions pénales. De plus, à l’audience, les entreprises régulièrement autorisées peuvent se porter parties civiles et demander la condamnation du commissionnaire fautif au paiement de dommages et intérêts. Cour de cassation Crim estime cependant que la partie civile doit préciser les conditions dans lesquelles l’infraction a pu porter atteinte à ses droits. En pratique, ce sont donc les syndicats, les représentants des différents auxiliaires de transport qui se portent parties civiles et demandent 1 euro de dommages et intérêt à titre symbolique (atteinte à l’honneur de la profession). 

Il existe aussi une sanction administrative : celui qui a exercé sans s’inscrire n’aura aucune chance de s’inscrire ultérieurement, ne pourra régulariser sa situation (il ne remplit pas les conditions d’honorabilité). 

Celui qui est inscrit et qui commet un manquement grave ou qui ne répond plus à l’une des conditions fera l’objet d’une radiation à titre temporaire ou définitif. La radiation est prise par le préfet, il s’agit d’une décision administrative susceptible de recours juridictionnel. La radiation sera temporaire si une personne dénonce au préfet des retards importants ou répétés dans le paiement des transporteurs sollicités par le commissionnaire, le préfet va mettre en demeure de régulariser. 

  1. C) Le domaine de la réglementation

En 1961, les textes ne concernaient que la commission de transport terrestre. Les décrets de 1990 et 1999 règlementent toutes les formes de commission de transport, quel que soit le mode de locomotion utilisé mais des précisions sont données en ce qui concerne les opérations et les opérateurs. 

1) Les opérations 

Les opérations visées sont déterminées de façon large: opérations de groupage, opérations d’affrètement, opérations de bureau de ville, opérations de grande envergure (lorsque le commissionnaire prend en charge des marchandises en provenance ou à destination du territoire national avec le concours de transporteurs publics). Toute l’activité de commissionnaire est prise en compte, qu’il s’agisse d’un transport terrestre, fluvial, maritime ou aérien. 

En revanche, la règlementation ne s’applique pas aux activités exercées par les courtiers de fret et les dépositaires de colis, ce sont des intermédiaires mais pas des commissionnaires. Ne sont pas non plus pris en compte les opérations de transit. 

2) Les opérateurs 

Le décret vise uniquement les entreprises établies en France. Il s’agit d’entreprises ayant leur siège social en France ou un établissement principal en France mais aussi des entreprises étrangères qui ont, sur le territoire français, une agence ou une succursale, ce texte vaut donc loi de police. 

Les ressortissants de l’UE ont accès à la profession dans les mêmes conditions que les français sous réserve de certains aménagements en ce qui concerne les justificatifs de capacité professionnelle et financière. Pour les ressortissants de l’UE, l’honorabilité se limite à la preuve de l’absence de faillite (une condamnation pénale est possible). 

Pour les ressortissants d’Etats tiers à l’UE, leur admission est soumise à la réciprocité mais ils ne bénéficient d’aucun aménagement pour les conditions de capacité professionnelle, financière et d’honorabilité. 

Enfin, la règlementation ne concerne pas les entreprises étrangères qui accompliraient un acte isolé de commission en France. 

3) Les exceptions 

Le décret de 1999 permet de recourir à la sous-traitance sans être inscrit au registre des commissionnaires. Cela concerne les entreprises de transport réunies en coopératives (économie solidaire). 

Une dérogation existe aussi pour les entreprises de déménagement, le transport combiné et les transports inférieurs à 3 tonnes. 

2) Le statut privé de la commission de transport 

Le statut privé de la commission de transport est encore régi en grande partie par le Code de commerce, Titre III Section 2: Des commissionnaires pour les transports, Article L132-3 à -9 et Article L133-6 (concerne la prescription annale et précise qu’il s’applique également au contrat de commission). Ces textes font du commissionnaire un personnage orignal en droit français, ils organisent l’exercice de la profession de manière libre dans l’intérêt d’un acheminement correct de la marchandise à destination. 

Pour parvenir à ce résultat, le Code de commerce fait peser sur le commissionnaire de transport un régime de responsabilité à 2 niveaux : une responsabilité du fait personnel et une responsabilité du fait d’autrui. 

  1. A) La responsabilité du fait personnel du commissionnaire

Ce régime est édicté pour tout auxiliaire de transport. Ainsi, le commissionnaire, comme le voiturier, est présumé responsable des avaries, pertes et retard de la marchandise à l’arrivée lorsque ces dommages sont la conséquence de la violation d’une obligation assumée personnellement par le commissionnaire de transport. Ainsi, l’ayant-droit doit seulement faire la preuve de l’existence du dommage pour mettre en jeu la responsabilité du commissionnaire. 

L’exonération est possible si le commissionnaire prouve que le dommage est dû à un cas de force majeure, aux vices propres de la marchandise, au fait d’un tiers ou à une faute de la victime. 

Le commissionnaire, grâce à Code de commerce Article L132-5 peut se libérer d’avance de sa responsabilité du fait personnel en insérant dans le contrat des clauses de non responsabilité. En effet, la loi cadre Rabier concernant les clauses limitatives n’a pas visé la commission de transport. Ainsi, les clauses limitatives peuvent être insérées dans un contrat par un commissionnaire, mais en pratique le commissionnaire ne le fait pas, pour des raisons commerciales. En pratique, le régime de responsabilité personnelle du commissionnaire est donc identique à celui des autres opérateurs de transport. 

  1. B) La responsabilité contractuelle du commissionnaire du fait d’autrui

Code de commerce, Article L132-6 « le commissionnaire de transport est garant du fait des intermédiaires et autres voituriers auxquels il adresse les marchandises ». Il ne s’agit pas d’une responsabilité délictuelle du fait d’autrui (Code civil Article1384) mais d’une responsabilité contractuelle du fait d’autrui. 

Le commissionnaire va donc répondre de chacun de ses substitués car il les a choisi en toute liberté et leur a confié la marchandise. 

Limite: nemo plus juris ad allium transferere postest quam ipse habet. Ainsi, le commissionnaire va pouvoir invoquer tous les moyens de défense des intermédiaires (prescription annale) et tous les plafonds de réparation chaque fois que sa responsabilité sera recherchée pour le fait d’un de ses auxiliaires. 

3) Le statut international de la commission de transport 

La règlementation française vise l’acte de commission lui-même et non la nature du transport qui doit en découler, elle est donc applicable à au contrat international de commission. Etant donné que la règlementation concerne le transport maritime et aérien, il est logique de l’appliquer au contrat international. Mais le texte s’applique lorsque le contrat est soumis à la loi française. Il n’existe pas de convention internationale unifiant le droit matériel du contrat de commission, un projet avait été déposé en 1967 mais n’a jamais abouti. Il faut donc se référer au droit commun et en Europe à la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur les obligations contractuelles (le projet de règlement Rome I appelé à remplacer cette convention n’est pas encore entré en vigueur). 

 Section 2: Le commissionnaire est un intermédiaire 

1) La distinction avec le transporteur 

La distinction entre le commissionnaire et le transporteur rejaillit sur le statut du commissionnaire. Le commissionnaire peut insérer une clause limitative de responsabilité alors que c’est interdit au transporteur. En contrepartie, le transporteur bénéficie d’avantages refusés au commissionnaire: les fins de non recevoir et le paiement par privilège. 

A l’international, dans le cadre de la CMR, le transporteur peut voir la prescription suspendue en cas de réclamation écrite, cette suspension n’ayant aucun effet sur le commissionnaire. 

2) Le cumul des qualités par le commissionnaire 

  1. A) La sous-traitance

Aujourd’hui, la plupart des entreprises de transport d’une certaine taille exercent les qualités de commissionnaire et de voiturier, elles y sont d’autant plus encouragées que la jurisprudence considère qu’il est d’usage courant pour un transporteur de se substituer un confrère sans en référer au cocontractant. Ainsi, l’expéditeur ne sait pas en quelle qualité va intervenir la société qu’il contacte pour effectuer un transport, il ne le saura que lorsque l’opération sera terminée et qu’en cas de problème. En cas de perte ou avarie, les responsabilités sont néanmoins identiques : lorsque l’entreprise confie la mission à un tiers, elle devient ipso facto commissionnaire mais les tribunaux ont estimé que cela ne valait que dans la mesure où le rôle de l’entreprise de transport n’a pas été précisée lors de la conclusion de l’opération, ils ont entendu privilégier la commune intention des parties, en cas de doute, c’est la qualité indiquée sur le document de transport qui l’emportera. 

  1. B) La succession de qualités

A l’occasion d’une opération, une entreprise peut intervenir en tant que transporteur puis en tant que commissionnaire notamment en cas de groupage. En cas de difficulté, il s’agira de savoir si s’applique l’adage accesorium sequitur principale, dans l’affirmative, toutes les opérations seront rattachées à l’activité dominante. L’autre possibilité est le dépeçage de la situation i.e. on va attribuer à l’entreprise une qualité différente par intervention. La doctrine dominante penche pour le dépeçage mais la jurisprudence préfère l’unité de régime. CA Paris a ainsi retenu que le transport final effectué par le commissionnaire n’était que l’accessoire du contrat principal du contrat de commission de transport. En pratique, le commissionnaire, lorsqu’il est également entreprise de transport, assure généralement le dernier transport. Ainsi, la jurisprudence a tendance à maintenir la qualité de commissionnaire même si pour certaines phases la personne déplace elle-même la marchandise. 

3) Le commissionnaire est un organisateur de transport 

Pour que l’opération soit analysée comme une commission, il faut une liberté suffisante pour choisir les modes de transport et les différents prestataires. Les juges insistent ainsi sur le fait que le commissionnaire de transport n’a pas à recueillir l’accord de son client sur les noms des transporteurs qu’il choisit. A l’inverse, le fait d’avoir sollicité l’accord ne retire pas à l’intermédiaire sa qualité de commissionnaire lorsque celui-ci conserve le choix du mode de locomotion et des modalités du transport. 

En contrepartie de cette liberté, le commissionnaire est responsable de tout le déplacement, cela se justifie par la remonté des parties puisque l’expéditeur s’adresse à un commissionnaire quand il veut traiter avec une seule personne. C’est aussi pour cette raison que le commissionnaire promet de couvrir les opérations juridiques et les opérations matérielles. Le commissionnaire chapeaute l’ensemble des opérations et c’est pourquoi Code de commerce Article L132-6 le déclare garant du fait des intermédiaires et voituriers. Il s’agit d’une responsabilité très lourde qui permet de distinguer le commissionnaire des autres auxiliaires de transports qui ne sont responsables que de leur propre fait. 

 Chapitre 2: Le transitaire 

Le transitaire est un intervenant éventuel au transport qui dispose d’un statut particulier dont va dépendre sa responsabilité. 

 Section 1: Le statut du transitaire 

1) La définition du transitaire 

Le déplacement des marchandises suppose assez souvent, surtout à l’international, des modes de transport différent et toujours des formalités administratives et douanières qui vont nécessiter l’intervention d’un intermédiaire spécialisé: le transitaire. La mission essentielle du transitaire est d’assurer la continuité entre deux transports distincts dans le cadre strict des instructions reçues. Le terme de transitaire est souvent employé à tort. Le transitaire ne fait pas matériellement passer une frontière. De surcroit, une enquête du ministère des transports a révélé que 60 % des entreprises de transport déclarent confier le transport à leur transitaire habituel (ils n’utilisent donc pas les bonnes qualités). Pour cette raison, la fédération française des commissionnaires de transport a modifié ses contrats-types en 1994 car l’ancienne version utilisait le terme de transitaire de manière générique, ce qui ajoutait à la confusion, les contrats types mentionnent maintenant l’organisateur de transport. Une grande partie du contentieux concerne d’ailleurs la qualification de l’intervenant et les juges doivent rappeler que juridiquement, le transitaire n’est pas plus un voiturier qu’un commissionnaire, il est un mandataire et à ce titre, il est soumis au droit commun du mandat et n’a de lien contractuel qu’avec celui qui a requis ses services. Cour de cassation 1998 a ajouté que le fait que le transitaire ait été amené à payer le transporteur pour le compte de son mandant n’est pas de nature à entraîner une modification de sa qualité juridique. 

2) La distinction du transitaire avec le commissionnaire 

– Différence de fonction : La différence essentielle entre le transitaire et le commissionnaire tient au fait que le commissionnaire se charge complètement du transport alors que le transitaire intervient seulement à l’occasion de la rupture de charge ou de la rédaction d’un document administratif ou douanier. Les juges vont surtout apprécier ces deux éléments même si la qualification peut varier en cours de transport. 

– Différence de règlementation : la profession de commissionnaire est réglementée (inscription sur un registre) alors que le transitaire n’a besoin d’aucune autorisation. 

– Différence de responsabilité: le commissionnaire est tenu d’une obligation de résultat et est responsable de son fait personnel et du fait d’autrui. Le transitaire est ignoré par les codes mais la jurisprudence lui a adapté les règles du mandat, il est donc uniquement responsable de ses fautes personnelles prouvées. 

– Différence de rémunération: le commissionnaire est rémunéré par le prix du transport (généralement forfaitaire) convenu avec son client. Le transitaire se fait rembourser les avances qu’il a faites pour le compte de son mandant, il ne peut donc être rémunéré forfaitairement. Le transitaire non payé n’a aucune garantie sauf droit de rétention s’il a toujours les marchandises alors que le commissionnaire bénéficie d’un privilège spécial. 

– Différence de prescription: agir contre le commissionnaire délai d’1 an, alors que pour le transitaire s’applique la prescription de droit commun (10 ans). 

3) La rémunération du transitaire 

Il n’existe pas de tarif réglementaire pour les opérations de transit mais les tribunaux estiment que la facture d’un transitaire se caractérise par son détail et sa ventilation alors que celle des autres intervenants en principe ne fait apparaître qu’un prix global. A défaut d’accord préalable, la rémunération intervient selon les usages en considération des services rendus. Cour de cassation 1999 a rejeté un pourvoi contre un arrêt qui avait admis un abattement du montant de la facture pour insuffisance de prestation, ainsi, les juges ont la possibilité de vérifier poste par poste, le transitaire doit donc avoir une facture détaillée. 

Lorsque le transitaire est agréé en douane et qu’il effectue les formalités douanières, il est en droit de percevoir une rémunération distincte pour cette mission. 

C’est le donneur d’ordre qui paye le transitaire, il arrive parfois qu’un transitaire soit substitué à un autre qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire. La question s’est posée de savoir qui devait payer le transitaire: ce dernier a-t-il une action contre le client donneur d’ordres ou doit-il déclarer sa créance à la procédure de faillite ? Les tribunaux sont partagés, certains estiment que le donneur d’ordres doit payer même s’il a déjà payé l’autre et éventuellement déclarer sa créance. D’autres tribunaux estiment que l’origine de son intervention étant la faillite de son confrère, il doit déclarer lui-même directement sa créance. En pratique, on estime qu’il s’agit de contrat en cours et on se fait garantir en demandant l’autorisation de poursuivre les contrats au juge commissaire. La situation pourrait aujourd’hui se régler facilement au stade de la conciliation. 

 Sur cette facture va d’abord apparaitre le remboursement des frais avancés. Le transitaire est un mandataire, il a donc droit au remboursement des avances et frais (Code civil Article1999). Le transitaire est aussi tenu de préserver les intérêts et les recours de son mandant or cela peut entraîner des frais dont il pourra demander paiement (ex: en cas d’avarie, frais d’entreposage de la marchandise en attente de l’expertise). Néanmoins, le transitaire peut se trouver privé de son droit à remboursement en cas de faute personnelle. Ainsi, un transitaire a été débouté de sa demande de remboursement de frais de stationnement de conteneurs à l’étranger au motif qu’il avait tardé à transmettre les documents nécessaires à leur déplacement. De même lorsque l’oubli d’un document par le transitaire a entrainé le gel de la marchandise dans le camion bloqué au tunnel du Mont blanc. 

Lorsque le transitaire accomplit des formalités en douane, il devient commissionnaire en douane (le transitaire accomplissait des formalités en douane est appelé commissionnaire en douane) et en assume toute la responsabilité, il va donc devoir payer les droits et taxes ainsi que toutes les amendes. 

Si le mandant n’a pas remis à temps les documents exigés par le transitaire, le transitaire n’est pas responsable. 

  

Le privilège et le droit de rétention 

Le transitaire ne peut pas revendiquer le privilège de Code de commerce Article L132-2 puisque ce privilège a été institué au profit du seul commissionnaire. 

En revanche, pour les frais qu’il expose pour la conservation des marchandises, le transitaire bénéficie du privilège général du code civil, ce privilège n’est pas subordonné à la détention de la chose. 

Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît au mandataire de droit commun (et donc au transitaire) un droit de rétention sur les marchandises qu’il détient en vue de forcer son cocontractant à exécuter ses obligations. Les transitaires ont intérêt à introduire dans leurs conditions générales ou contrats une clause de constitution de gage conventionnel ce qui va leur permettre de bénéficier d’une garantie équivalente à celle prévue par le Code de commerce pour les commissionnaires. Grâce à une telle clause, le transitaire aura la possibilité de demander l’attribution judiciaire des marchandises ou faire procéder à leur vente. D’ailleurs, la fédération française des commissionnaires envisage cette possibilité pour les transitaires. 

 Section 2: Les obligations et la responsabilité du transitaire 

1) Les principes de responsabilité du transitaire 

Simple mandataire, le transitaire n’est pas garant de la bonne fin du transport, sa responsabilité n’est engagée que s’il commet une faute personnelle dans l’accomplissement de son mandat. Cette faute peut résider dans la violation des obligations générales ou particulières qui sont mises à sa charge. 

Contrairement au commissionnaire, aucune présomption de responsabilité ne pèse sur le transitaire. Ainsi, sa responsabilité n’est engagée que pour faute prouvée. De même, conformément au droit commun, la faute retenue à son encontre ne peut entraîner sa condamnation que si elle est en relation directe de cause à effet avec le dommage. 

C’est au demandeur de rapporter la preuve de la faute personnelle du transitaire et du lien de causalité entre cette faute et le préjudice qu’il invoque. 

Simple mandataire, le transitaire n’est pas garant des transporteurs car il ne les a pas choisi (il serait alors commissionnaire). En revanche, le transitaire peut répondre de ses propres substitués et il répondra de leurs fautes s’il n’a pas été autorisé, même tacitement, à effectuer cette substitution. Les tribunaux en déduisent aussi que si la substitution a été autorisée, il n’est plus responsable sauf s’il a choisi une personne notoirement incapable ou insolvable. 

2) Les obligations du transitaire 

Etant un mandataire, le transitaire a pour obligation principale l’exécution de la mission qui lui a été confiée mais il s’agit d’un professionnel du transport donc il est également tenu par un devoir de conseil. 

  1. A) L’exécution fidèle des instructions

Le transitaire doit accomplir les actes juridiques et matériels que commande le passage d’un mode de transport à un autre. Il doit le faire conformément aux instructions de son mandant. L’exécution doit être fidèle. Ainsi, a été déclaré coupable d’une faute lourde le transitaire qui avait remis les marchandises à une compagnie aérienne autre que celle imposée par le client. La faute lourde a aussi été retenue contre un transitaire ayant tardé à transmettre un document relatif au contrôle sanitaire, le document était arrivé avec une journée de retard, les juges ont estimé qu’il y avait eu dépréciation de la marchandise. 

Dans certains cas, le transitaire refuse d’exécuter les instructions. Lorsqu’il estime que l’exécution des instructions est impossible, le transitaire doit en rendre compte à son mandant car il commet une faute lourde s’il expédie la marchandise selon « sa propre inspiration ». 

Les tribunaux estiment que le transitaire doit exécuter purement et simplement car il n’a pas qualité pour apprécier le bien-fondé ou l’opportunité de la demande. 

  1. B) Le devoir de conseil

Le transitaire est un professionnel, il est ainsi tenu d’un devoir de conseil envers son client pour les opérations relevant de sa compétence (Cour de cassation, chambre Com 8 déc. 1969 confirmé par Cour de cassation 4 fév. 1986). Le transitaire engage sa responsabilité notamment s’il connaissait le caractère dangereux de la marchandise et n’a pas attiré l’attention de son mandant sur la règlementation du transport de matières dangereuses par mer. Un transitaire doit aussi formuler toute observation utile pour déterminer le véhicule adapté 

Les tribunaux précisent que l’art du transitaire s’exerce dans le transport et non dans le négoce international ou dans le conseil juridique, le transitaire n’a donc pas à informer son client sur la législation étrangère voire douanière car cela fait partie de la commission du commissionnaire. En pratique, le transitaire le fait car il ne sait pas s’il y a ou non un commissionnaire. Il est impossible de lui reprocher de ne pas avoir attiré l’attention sur le fait que le délai pour agir contre le transporteur est d’un an et non 10 (il s’agit de conseil juridique, ce n’est donc pas dans sa mission). 

  1. C) L’obligation de réserver le recours de son mandant

Réserver le recours signifie sauvegarder les conditions à remplir pour l’exercice du recours, cela ne signifie pas exercer le recours. Cour de cassation 1991 a ainsi estimé que l’exercice du recours sauvegardé appartient au client et à lui seul. 

En revanche, étant donné qu’il est un mandataire salarié et spécialisé, la jurisprudence sanctionne sévèrement toute faute ou négligence entraînant la perte du recours contre le transporteur, CA Lyon 2002 a ainsi condamné le transitaire à la place du transporteur. 

Si les dommages sont apparents, le transitaire doit réserver les recours à l’arrivée de la marchandise en formulant des réserves. Il engagera sa responsabilité si les réserves sont imprécises, tardives ou irrégulières. L’absence de réserve est sans conséquence car elle ne va pas priver l’expéditeur d’une action mais sa procédure risque d’être vouée à l’échec, dans ce cas, l’expéditeur engagera la responsabilité du transitaire. 

Si les dommages sont non apparents : lorsque le transitaire n’a pas eu la possibilité matérielle de déceler les dommages ou lorsqu’il y avait vice caché, l’absence de réserve ne constitue pas une faute. Le transitaire peut donc accepter sans réserve des conteneurs normalement plombés et d’ailleurs le plombage est normalement réalisé pour souligner la qualité et la protection de la marchandise. En revanche, si le transitaire relève une température anormale du conteneur ou même à l’intérieur du véhicule où ils sont entreposés, il commet une faute s’il ne signale pas le problème. 

Le transitaire est également chargé de conclure les documents de transport en vue de la réexpédition de la marchandise. C’est le cas aussi lorsque la marchandise est défectueuse. Mais s’il le fait sans l’autorisation de son mandant, il n’est plus transitaire mais devient expéditeur. Le transitaire doit aussi faire procéder dans les meilleurs délais à la rupture de charge pour que la marchandise soit rapidement réexpédiée grâce au nouveau moyen de locomotion et il doit procéder à la vérification de l’état du véhicule. La encore, il doit réserver les droits de son mandant. 

Enfin, lors des opérations de transbordement, le transitaire doit opérer comme si les marchandises lui appartenaient en propre, il va donc vérifier que ce sont bien les marchandises qui lui étaient destinées et doit vérifier leur nature, quantité, poids et qualité, au besoin, il doit tout entreprendre pour la conservation de ces marchandises. A défaut, le transitaire commettra une faute lourde entraînant l’allocation de dommage et intérêts. 

  

Chapitre 3: La responsabilité des acteurs du transport 

Les deux responsabilités les plus fréquentes sont la responsabilité du transitaire ou commissionnaire et la responsabilité du transporteur. Le commissionnaire est responsable en sa qualité d’organisateur du transport de bout en bout, cela ne prête pas à discussion, la discussion porte surtout sur la qualité de commissionnaire. 

 Section 1: La responsabilité du transitaire 

Responsabilité contractuelle ou délictuelle selon la personne visée. 

Selon le droit commun, le transitaire assume une responsabilité délictuelle à l’égard des tiers auxquels il a causé un dommage. Cette responsabilité est engagée sur le fondement de Code Civil Article1382 et suivants. 

Le transitaire est également responsable contractuellement s’il s’est engagé personnellement envers le transporteur. C’est le cas lorsqu’il signe une lettre de garantie concernant la marchandise mais surtout lorsqu’il exécute purement et simplement la mission qui lui a été confiée. ex: véhicules surchargés avec l’accord du transitaire et en matière maritime des cas de responsabilité pour non vérification du connaissement. 

Parce qu’elles sont régies par le droit commun, les actions en responsabilité échappent à la prescription annale et sont donc soumises en principe à une prescription de 30 ans, ramenée à 10 ans en raison de la nature commerciale de la prestation. 

Dans tous les cas, les conditions de la responsabilité sont classiques : la réunion d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité. 

1) La faute 

La faute soulève le plus de difficultés car il faut l’adapter aux conditions du transite. La faute doit être prouvée, sa gravité doit être évaluée. 

  1. A) La preuve de la faute

Le transitaire n’ayant qu’une obligation de moyens, il faut prouver la faute commise. Les tribunaux sont régulièrement amenés à le faire soit en disant qu’il y a obligation de moyen (la faute doit être prouvée) soit en disant que la faute n’est pas établie. Il s’agit d’une question de fait et la preuve peut donc se faire par tout moyen. Le juge va seulement vérifier que le demandeur ne s’est pas mis en situation d’impossibilité de prouver la faute. Il faut rapporter la preuve de la faute, si la faute n’est pas rapportée, le juge va vérifier si vraiment elle ne peut être rapportée. Ainsi, la Cour de cassation a décidé que le demandeur en dommages et intérêts devait être débouté au motif que la preuve de la faute était impossible étant donné qu’il avait exprimé sa satisfaction et ses remerciements au transitaire. 

  1. B) La gravité de la faute

Normalement, n’importe quelle faute engage la responsabilité. Pour le transitaire, Code Civil Article1992 l’affirme tout en invitant le juge à se montrer plus ou moins sévère dans l’appréciation des fautes d’un mandataire salarié, ce qui est le cas du transitaire. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’exiger une faute lourde mais en jurisprudence, on constate que les tribunaux retiennent la qualification de faute lourde lorsqu’ils veulent attribuer des dommages et intérêts importants. 

  1. C) L’appréciation de la faute

L’appréciation de la faute est très variable puisqu’une même faute peut être dans un cas une faute légère et dans une autre hypothèse une faute extrêmement grave. Globalement, ce qui est essentiellement reproché au transitaire est l’absence de réserves surtout lorsqu’elle prive le mandant d’un recours. 

On reproche également un défaut de vérification mais souvent, c’est lorsque la situation est évidente. On considère comme fautif le transitaire qui n’a pas vérifié l’état de la marchandise lorsque la vérification était simple voir nécessaire en raison des circonstances. C’est le cas par exemple si on remet au transitaire des marchandises sensibles au froid alors que la température extérieure a brutalement baissé. Toutefois, on n’impose pas des contrôles délits ou complexes, le transitaire n’est pas un expert. On va simplement lui reprocher une non vérification de bon sens. Finalement, cela rejoint l’idée de défaut de précaution et parfois même le défaut de surveillance. 

Le transitaire est responsable si la marchandise est volée alors qu’il est en train d’accomplir sa mission mais la surveillance va au-delà puisque la Cour de cassation a admis qu’un transitaire soit condamné pour avoir confié la direction des opérations à un agent insuffisamment qualifié ce qui a, par la suite, provoqué un accident. La faute s’apprécie vraiment au cas par cas. 

2) Le dommage 

Il faut que la faute ait causé un dommage à autrui. Le mandant qui a subi un dommage peut agir en réparation lui-même mais dans la plupart des cas, c’est son assureur qui lui sera subrogé après l’avoir indemnisé. Le dommage va être réparé selon le droit commun et non selon le droit des transports, cela signifie que le transitaire ne pourra pas invoquer un plafond de responsabilité. 

Néanmoins, on constate que dans certains cas, les tribunaux ne réparent pas entièrement le dommage lorsque la marchandise n’a pas fait l’objet d’une déclaration de valeur pour son acheminement. De plus, si la marchandise a une valeur supérieure à la valeur déclarée, on estime que le dommage était imprévisible par rapport à la différence de valeur. Dans cette hypothèse pourra s’appliquer Code Civil Article1150 qui exclut la réparation du dommage imprévisible sauf en cas de dol ou de faute lourde. 

Enfin, en pratique, rien n’empêche le transitaire de prévoir une clause limitative de responsabilité (c’est autorisé en droit commun) mais elle ne pourra couvrir que les fautes légères puisque la jurisprudence les considère nulle en cas de dol ou de faute lourde. 

3) Le lien de causalité 

La responsabilité du transitaire suppose que le dommage se soit produit au cours d’opérations dont il avait la charge. Il faut donc prouver une faute en cours de mission, le dommage en résultant découlant immédiatement de cette faute. 

Tout ceci fait qu’en pratique il est assez difficile d’obtenir d’un tribunal qu’il déclare un transitaire responsable car il est très difficile de prouver que le dommage n’aurait pas existé s’il n’y avait pas eu intervention du transitaire. 

 Section 2: La responsabilité du transporteur 

Lorsque le transporteur n’exécute pas ou exécute mal son obligation, il sera déclaré contractuellement responsable du dommage en résultant pour son cocontractant. En principe on devrait également raisonner en termes de faute, dommage et lien de causalité mais le transporteur de marchandises est soumis à un régime de responsabilité plus sévère qui s’explique par son professionnalisme. Le Code de commerce le déclare garant de la perte et des avaries sauf force majeure ou vice de la chose. De plus, il n’est pas exonéré en cas de retard car il devra justifier d’un évènement assimilable à la force majeure. 

1) L’existence d’une présomption de responsabilité 

Cette présomption résulte du fait que les textes prévoient la garantie de la marchandise transportée. L’adjectif « garant » est important car il permet d’aller au-delà d’une responsabilité classique. La seule survenance d’une perte ou avarie durant le transport fait naître à la charge du transporteur une obligation de réparer. 

Pour la même raison, seule la force majeure est tolérée à titre de tempérament. Certains auteurs ont fait valoir que le terme « garant » est une élégance de langage puisque dans les textes internationaux est utilisé l’adjectif « responsable » mais le législateur n’était pas d’accord avec la doctrine et lors de la réforme du Ccom, a été maintenu l’adjectif garant et donc la présomption de responsabilité. 

D’ailleurs, cette présomption de responsabilité s’accompagne d’une présomption de lien de causalité. Le voiturier est tenu de réparer le dommage du seul fait que la perte ou l’avarie a été constatée à l’arrivée. Le transporteur peut rapporter la preuve contraire par tout moyen mais cette preuve est très difficile. 

De surcroit, ce régime de responsabilité a un caractère impératif puisque la loi de 1905 a interdit les clauses de non responsabilité dans les contrats de transport terrestre de marchandise et jusqu’à ce jour, cette règle du Code de commerce n’a jamais été modifiée. 

2) La mise en jeu de la responsabilité du transporteur 

Les textes ont été considérés par la jurisprudence comme faisant peser sur le transporteur une obligation de résultat, ceci toujours dans la lignée du caractère professionnel de l’activité de transport. Il en résulte que la mise en jeu de la responsabilité est facilitée pour le demandeur. Finalement, le demandeur doit simplement apporter la preuve de l’existence du dommage à l’arrivée. Cette preuve étant faite, à priori le transporteur est responsable mais il a la possibilité d’invoquer des causes d’exonération. 

  1. A) La preuve du dommage

Le demandeur peut faire la preuve du dommage par tout moyen. Dans la plupart des cas, il fera appel au témoignage de personnes qui ont assisté au déballage de la marchandise. De plus, en cas de problème, on va souvent recourir au constat d’huissier mais l’huissier n’est pas un professionnel du transport, n’est pas un expert du transport. Finalement, l’huissier va simplement enregistrer les faits matériels vérifiables. Ce n’est qu’un élément de preuve car le constat d’huissier n’est pas forcément établi de manière contradictoire mais c’est une précaution procédurale qui a plus de foi qu’un simple témoignage d’un salarié ayant réceptionné la marchandise. 

Lorsque le destinataire reçoit la marchandise, il doit accomplir des formalités particulières si l’on veut ultérieurement agir contre le transporteur. Il doit ménager les preuves sur place et notamment faire les réserves avant que le camion ne quitte les lieux. Si ce n’est pas le cas, il peut toujours y avoir fin de non-recevoir. La preuve est plus difficile en matière d’avarie alors qu’elle est évidente en cas de perte totale ou en cas de retard. 

  

Les protestations doivent être notifiées aux transporteurs par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée, dans le cas contraire la demande ne peut aboutir. Il faut régir dans les 3 jours et dans certains cas l’exploit d’huissier est préférable car la Cour de cassation estime qu’une grève de la Poste n’est pas un cas de force majeure. 

En principe, la protestation émane du destinataire car c’est lui qui est le mieux placé pour apprécier la situation à l’arrivée mais elle peut également émaner d’un mandataire du destinataire (ex: son assureur). Elle peut aussi émaner de l’expéditeur ou du commissionnaire, bref, de toutes les personnes parties au contrat. 

En pratique, l’expéditeur agit lorsque la marchandise refusée par le destinataire lui a été rapportée. Les tribunaux exigent que la marchandise soit rapportée en totalité. Si le destinataire accepte une partie de la livraison, c’est lui qui doit protester. Cette protestation doit être motivée, elle doit donc contenir en détail les griefs adressés au transporteur. Le fait de se plaindre par téléphone et d’indiquer dans un courrier recommandé que l’on conteste la livraison pour les raisons développées à l’oral ne vaut pas protestation régulière. 

Les griefs doivent également être précis. Il ne suffit pas de viser la température intérieure d’un véhicule, même si elle est manifestement excessive, il faut indiquer que cette température excessive a eu une incidence sur la marchandise. Tout ceci doit être envoyé au transporteur dans les 3 jours, dimanches et jours fériés non compris. Il s’agit des 3 jours à compter de la réception, le délai commence donc à courir le lendemain à 0 heure (le jour même à minuit). La lettre recommandée postée le jour même de la livraison est intervenue dans les délais. Ce délai est préfix i.e. il n’est donc pas susceptible de modification (allongement, suspension, rétrécissement). Si le dernier jour est un dimanche ou un jour férié, les règles générales de la procédure civile s’appliquent, l’échéance est reportée au lendemain. 

La protestation doit être envoyée au voiturier et en pratique, beaucoup de demandes sont mal dirigées, le destinataire a tendance à écrire à l’expéditeur. En cas de pluralité de transporteurs, il faut écrire au dernier, il faut toujours écrire au transporteur qui a fait la livraison. 

Lorsqu’il y a un commissionnaire, c’est le commissionnaire qui doit rédiger la protestation et si le destinataire se trompe, s’il proteste auprès du commissionnaire au lieu de le faire auprès du transporteur, le commissionnaire doit réagir très vite, il doit garantir les recours de son mandant et il n’a que 3 jours pour intervenir. 

  

En cas de contestation, il est toujours possible de solliciter une expertise, il s’agit d’une expertise judiciaire et contradictoire, elle nécessite l’intervention d’un juge pour la désignation d’un expert. Devant un tribunal, c’est cette expertise qui fait foi, une expertise contractuelle qui serait diligenté par des assurances vaudra comme simple document de travail. Comme il s’agit d’un acte judiciaire, la demande est faite par toute personne y ayant intérêt i.e. par toutes les parties au contrat, y compris le transporteur. Cette demande doit être faite dans les 3 jours de la livraison. L’expert va constater et préciser les dommages mais le CODE DE PROCÉDURE CIVILE lui interdit de déterminer les responsabilités (c’est le rôle du juge). 

Tout le monde peut également solliciter une contre-expertise. Les textes prévoient une seule contre-expertise (il faut que ce soit jugé assez vite). Il n’y a pas de délai précis mais la demande se fera par référé justifié par l’urgence puisque les marchandises sont en état de souffrance. 

  

Les réserves doivent être complètes, précises et motivées. Les réserves sont très fiables et la gestion du contentieux rapide lorsque le transporteur accepte les réserves mais en cas de refus le contentieux s’enlisera, il est donc préférable de recourir à l’expertise dès qu’est constatée une réticence du transporteur à accepter les réserves. 

  

Lorsque le dommage résulte d’un retard, les réserves sont toujours possibles. Mais en cas d’inexécution totale ou grave, le meilleur moyen réside en la mise en demeure du transporteur. Cette mise en demeure permettra la mise en œuvre de Code Civil Article1146 qui précise que les dommages ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation. Cette mise en demeure souligne la nécessité d’un certain délai, d’une certaine durée pour le retard. Le simple dépassement n’est pas constitutif d’un dommage (les textes eux-mêmes) laissent une franchise de 2 heures. Il faut que le retard soit préjudiciable. Ce sera surtout le cas lorsque la marchandise est avariée du fait du retard. 

  1. B) Les moyens d’exonération du transporteur fautif

Le transporteur routier peut s’exonérer s’il prouve l’existence d’une cause étrangère, cette cause étrangère ayant influé sur le dommage. En matière de transport, la loi détermine les faits susceptibles d’être considérés comme des causes étrangères libérant le voiturier. Code Civil Article1784 vise le cas fortuit et la force majeure. Le Code de commerce ajoute le vice propre de la chose. La jurisprudence a ajouté la faute de l’usager. Ces éléments doivent résulter de constations matérielles certaines et évidentes, il ne doit y avoir aucun doute pour l’appréciation de cette cause étrangère. Dans la plupart des cas, la preuve va résulter d’une expertise qui aura été demandée par le transporteur. Mais l’expertise ne va pas suffire car l’expert n’a pas le droit de déterminer les responsabilités, il doit seulement donner les éléments permettant d’apprécier le lien entre la cause étrangère et le dommage. Ces éléments de preuve doivent être indiscutables. En pratique, il est souvent difficile de démontrer ce lien. 

La Cour de cassation contrôle très strictement la bonne application des règles de preuve. Par exemple, elle rejette un motif alternatif, une Cour d’appel avait estimé que le dommage pouvait avoir pour origine un vice propre de la chose ou un évènement imprévisible. Pour la Cour de cassation, le motif n’est pas correct ce doit être soit l’un soit l’autre mais pas l’un ou l’autre. 

Enfin, on découvre l’existence de dommages d’origine inconnue, la seule chose qui soit certaine est l’existence du dommage mais son origine. C’est le cas en cas de contradiction d’expertise. Le dommage d’origine inconnue va permettre au transporteur de s’exonérer. Dans cette hypothèse, l’octroi de dommage et intérêt est rare. 

De manière classique, la clause étrangère est tous les évènements imprévisibles et surtout irrésistibles. Ici encore la Cour de cassation contrôle l’appréciation de l’irrésistibilité. Ainsi, le vol du véhicule n’est pas un cas de force majeure mais le vol à main armée est un cas de force majeure, « on ne saurait contraindre le transporteur à l’héroïsme ». Le fait que le camion ne passe pas sous un pont n’est pas un cas de force majeure, il faut démontrer qu’il ne passe pas même en dégonflant un peu les pneus. 

Parmi ces causes étrangères, il peut y avoir le fait du principe i.e. l’Etat par ses règlements peut empêcher un transport d’arriver à destination dans les délais (ex: pic de pollution, réduction de la vitesse etc.). 

Le vice propre de la chose (marchandise) s’analyse comme en matière de vice caché. Le vice propre peut aussi affecter le véhicule (ex: les freins lâchent en haut d’une côte). 

Dans tous les cas, il faudra que le transporteur démontrer cette irrésistibilité et cela pourra entraîner, comme dans les autres cas, la réparation du dommage car en matière de transport, même si le transporteur est exonéré, il y a des plafonds d’indemnisation et le transporteur ne paiera rien mais son assureur paiera. 

 Section 3: La réparation du dommage 

Les textes imposent la réparation du préjudice résultant de l’avarie ou du retard, ce sont les textes du droit commun Code Civil Article1142 la non-exécution d’une obligation de faire se résout par dommages et intérêts. Code Civil Article1149 prévoit aussi une réparation intégrale pour la victime quelle que soit la nature du préjudice. Ces dispositions combinées conduisent à une réparation pécuniaire, il faut donc déterminer le préjudice réparable et fixer le montant de la réparation. En pratique, expéditeur et transporteur concluent aussi des accords en cas de préjudice subi par l’usager. Ces accords prévoient souvent une réparation systématique. Les clauses limitatives de responsabilité sont interdites mais ici la responsabilité n’est pas mise en cause, le transporteur ne limite pas sa responsabilité, il prévoit simplement la condamnation pécuniaire et cette réparation pécuniaire, il peut la limiter. 

1) La détermination du préjudice réparable 

  1. A) Les éléments du préjudice réparable

On parle ici de trouble commercial, il s’agit du préjudice matériel et du préjudice moral. La notion de trouve commercial permet aussi d’englober la jurisprudence relative à Code Civil 1149 perte éprouvée et gain manqué, la jurisprudence a ajouté la perte d’une chance. Toutes ces notions sont réunies sous la notion de réparation du trouble commercial. 

1) La perte éprouvée 

La perte éprouvée est fonction de la nature du dommage occasionné à la marchandise. Si la perte est totale ou partielle, on va se référer à la valeur de la marchandise plus les frais exposés pour la remplacer. Cela est insuffisant car il faut parfois aussi rembourser la clientèle et il faut aussi payer les heures supplémentaires qui seront nécessaires pour réparer ou re fabriquer. En cas d’avarie, la perte éprouvée consistera surtout dans les frais de remise en état des choses transportées et également dans la perte de jouissance pendant la durée de la réparation. 

Si la réparation est impossible, on aura la contrevaleur, si la réparation est partielle, la chose sera dépréciée (baisse du prix) et il y aura donc une compensation pécuniaire.  

En cas de retard, la perte éprouvée résulte dans la privation de jouissance de la chose transportée et parfois dans la baisse de la valeur de la marchandise qui était destinée à la vente (ex: biens consommables). 

2) Le gain manqué 

Le gain manqué apparaît surtout lorsque la marchandise était transportée mais devait être revendue par l’acquéreur. Le gain manque est le bénéfice escompté. En pratique, on va se référer au cours normal de la marchandise et en l’absence de cours officiel, au chiffre d’affaires. 

3) La perte d’une change 

Il s’agit d’une création jurisprudentielle qui vise les cas pour lesquels le préjudice ne peut être établi de manière certaine. Cette notion a été introduite par Cour de cassation Crim 3 avril 1979 en matière de transport, confirmé 15 juin 1982. Il s’agissait dans ces deux affaires d’un accident de la circulation qui s’est produit alors que la marchandise était destinée à une foire exposition, dans les deux cas, plus rien ne pouvait être exposé du fait de la détérioration de la marchandise, les juges ont estimé que le montant de l’indemnité devait correspondre au pourcentage de change estimé perdues eu égard aux expositions précédentes (en plus du préjudice matériel). 

Si l’accident a lieu lors de la première participation à une foire exposition, les juges du fond estiment que la perte de chance existe et ils se réfèrent au pourcentage normal et habituel (pourcentage moyen) des affaires effectuées dans ce type de manifestation. 

  1. B) Les caractères du préjudice réparable

Code civil Article1150 et 1151 le débiteur n’est tenu de réparer que les dommages qui ont été prévus ou que l’on a pu prévoir (i.e. prévus et prévisibles) lors de la conclusion du contrat et qui sont une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention. Ce sont les dommages directs et les dommages prévisibles. 

Sont ainsi exclus, les dommages indirects mais les dommages imprévisibles peuvent parfois quand même être réparés. Selon la Cour de cassation, le préjudice est direct lorsqu’il découle normalement de l’avarie litigieuse, sans l’interposition d’une cause étrangère. On va également prendre en charge l’aggravation du dommage qui va résulter d’un enchaînement de circonstances sans qu’une faute puisse être reprochée au transporteur. Le Code Civil va limiter la réparation aux prévisions lors de la conclusion du contrat, la jurisprudence n’est pas du tout claire puisqu’elle dit que la prévision s’entend des éléments constitutifs et non de leur équivalent monétaire. En matière de transport, on ne sait pas à quelle valeur se référer, en pratique on va se référer aux éléments de fait dont le transporteur a pu avoir connaissance au moment de la conclusion: nature de la marchandise, destination, délais, valeur déclarée etc. 

  1. C) L’évaluation du dommage

Les dommages et intérêts doivent être évalués en argent et correspondre à l’équilibre commercial qui a été détruit du fait du dommage. Il s’agit de remettre en état pour la victime. Il faut prendre en compte le montant de la marchandise car l’acquéreur ne va pas payer le prix. Ce montant est-il le prix de vente ou revient ? La jurisprudence prend en compte le prix réel même si le vendeur avait accordé des ristournes à l’acheteur. Si la victime a réparé elle-même, cela n’affecte pas son droit à réparation et ne diminue donc pas l’indemnité. Finalement, l’auteur du dommage ne peut subordonner le versement de l’indemnité à la justification de la réparation et la valeur va être calculée au jour du prononcé de la décision de réparation. 

  1. D) La preuve du montant du dommage

Le demandeur en réparation doit prouver l’existence du préjudice et son montant Cour de cassation chambre Commerciale 21 déc. 1970 en matière de transport. La Cour de cassation estime aussi que le demandeur doit être débouté s’il ne prouve pas le montant du dommage éprouvé. La preuve du dommage peut être faite par tout moyen (usages, tarifs, catalogues etc.). La seule facture du fournisseur, si elle est un élément important, n’est pas un élément exclusif et décisif. 

Exception à l’obligation de preuve: l’existence d’une clause pénale (évaluation conventionnelle et forfaitaire des dommages et intérêts). Dans cette hypothèse, lorsque la responsabilité du transporteur est engagée, l’usager a droit automatiquement i.e. sans prouver le dommage, à la pénalité prévue dans le contrat. Mais l’usager ne pourra demander plus si le coût du dommage est supérieur au montant prévu par la clause alors que dans l’hypothèse inverse, la clause pénale peut toujours être minorée par le juge qui la trouverait excessive. 

2) La détermination du montant de l’indemnité 

Normalement, il s’agit de la remise en état i.e. réparation intégrale. La profession de transporteur est encadrée en raison de l’importance publique de cette activité économique, une réparation intégrale systématique mettrait en danger la profession. Le législateur a prévu des atténuations, il a renversé le principe: en matière de transport le principe est la réparation limitée et l’exception la réparation intégrale. 

Le législateur parle de responsabilité limitée mais cette responsabilité peut être étendue (mais pas intégrale). 

  1. A) La réparation limitée

La réparation limitée résulte surtout de l’autorisation de clauses limitatives de responsabilité qui ont été introduites en droit français par la loi Rabier de 1905. Ces clauses reposent sur des conditions juridiques et économiques. 

Juridiquement, l’objet de la clause ne doit pas porter atteinte à l’essence du contrat (Cass Chronopost puisque l’activité de l’entreprise est basée sur la célérité, une clause limitative pour les retards est interdite), juridiquement, la clause doit avoir été connue et acceptée par l’expéditeur au moment de la conclusion, il doit en avoir eu connaissance. 

Economiquement, les conditions de la clause concernent l’indemnité, il ne faut pas que l’indemnité soit dérisoire ni par rapport au contrat ni par rapport au dommage. La loi de 1905 ne concerne pas les retards, la clause limitative calquée sur la loi Rabier ne peut concerner que les dommages et avaries. 

C’est celui qui invoque la clause limitative qui doit la prouver. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. La meilleure preuve est lorsque la clause est signée (l’expéditeur en avait connaissance) mais les tribunaux admettent aussi en l’absence de signature que la personne produise une assurance spécifique prise par l’expéditeur pour pallier les effets de la clause. 

Fonctionnement: la clause fixe un plafond mais le plafond n’est pas un forfait, il faut donc établir le montant du dommage, de la réparation. Si ce montant est supérieur au plafond, le plafond sera versé, si elle est inférieure, ne sera versée que la somme correspondant au dommage. 

La clause étant insérée dans l’intérêt du transporteur, celui-ci peut donc toujours y renoncer, même tacitement. Ainsi, si le transporteur propose une indemnité supérieure au montant de la clause, c’est qu’il renonce à cette clause. 

Exception: en cas de faute loure du transporteur, il ne peut bénéficier de la clause, on revient donc au principe de réparation intégrale. 

  1. B) La réparation limitée étendue

Tout en étant limitée, la réparation peut être étendue. En effet, en matière de transport, on peut se prémunir en matière de réparation en faisant une déclaration de valeur ou d’intérêt spécial à la livraison. La déclaration de valeur concerne les pertes et avaries, elle ne modifie pas les conditions de mise en jeu de la responsabilité, son seul but est de faire coller le montant de l’indemnité à la déclaration de valeur. Les compagnies d’assurance ne couvrent pas le retard en l’absence de déclaration d’intérêt spéciale. 

  1. C) La réparation intégrale

Il s’agit de l’exception en droit des transports, elle n’interviendra qu’en cas de dol ou de faute lourde du transporteur ou de son préposé, il s’agit de la pénalité qui va frapper le débiteur qui intentionnellement et délibérément ne va pas s’exécuter. Ainsi, la réparation sera intégrale en cas de vol, d’abus de confiance ou de toute négligence d’une extrême gravité. Il s’agit d’une appréciation des juges, l’erreur commise par un profane peut être une faute lourde pour un professionnel. 

 Titre 3: Les actions du transport 

Chapitre 1: La détermination du juge compétent 

La détermination du juge compétent est un préalable nécessaire pour engager une action relative au transport. 

  

Section 1: La détermination du juge compétent en droit interne 

1) La compétence territoriale 

CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article42 compétence de principe du tribunal du domicile ou siège du défendeur 

CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article46 possibilité de saisir le tribunal du lieu d’exécution de la prestation: en matière de transport, le lieu d’exécution est le lieu de remise de la marchandise au premier transporteur. 

Le transport étant une matière commerciale, il est possible d’insérer une clause attributive de juridiction conforme aux exigences CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article 48. 

Lorsque les deux parties sont commerçantes, il est possible d’insérer une clause compromissoire. 

2) La compétence d’attribution 

La compétence d’attribution: le contrat de transport étant un acte de commerce par nature, le tribunal de commerce sera compétent quel que soit le montant de la demande, le taux de ressort ne permettant que de distinguer le premier et le dernier ressort. 

 Section 2: La détermination du juge compétent en droit international 

Les solutions du droit interne sont transposables (1959 Pelassa et 1962 Scheffel). 

Les privilèges de juridiction Code Civil Article14 et 15 peuvent s’appliquer lorsque l’une des parties est française sauf si cette personne a renoncé au bénéfice du privilège. 

 Lorsque la situation est intégrée à l’UE, le juge compétent sera déterminé par référence au règlement communautaire 44/2001 du 22 déc. 2000. Ce règlement pose le principe de la compétence du juge de la résidence habituelle du défendeur et prévoit qu’en matière de transport, le juge est celui de la remise de la marchandise en vue du transport. 

 La loi applicable est la loi d’autonomie i.e. la loi choisie par les parties, que l’on se réfère au droit commun ou au droit conventionnel (Convention de Rome), la même solution s’impose. A défaut de choix, on se réfèrera à la loi du lieu d’exécution et donc de remise de la marchandise au transporteur. 

 En droit international, la CMR est d’ordre public, elle s’applique à tout transport routier international au départ ou à destination de la France. La loi désignée par les parties n’aura donc qu’un rôle supplétif, elle comblera les lacunes de la CMR. 

 Chapitre 2: Les délais pour agir 

Les délais sont très importants en matière procédurale et particulièrement en matière de transport car le droit commun a été volontairement écarté en vue de la création d’un système plus sévère. Cette plus grande sévérité a pour fondement l’objectif de préserver l’activité économique du transport. 

L’aspect le plus important est la prescription exceptionnelle d’1 an prévue en matière de transport. Auparavant, la prescription ne profitait qu’au plaideur diligent, depuis la réforme du Code de commerce, cette notion a disparue, Code de commerce Article L133-6 dispose de manière générale et maintient la prescription annale. 

La prescription annale vise toutes les actions principales nées du contrat de transport de marchandises. Le législateur voulait à tout prix éviter les procès: protéger le débiteur de bonne foi (idem Code Civil 2277 salaires, si le salarié n’a pas réclamé ses salaires pendant 4, 5 ? ans, c’est que l’employeur avait oublié de bonne foi) mais aussi préserver les preuves et éviter des procédures longues avec des faits anciens de plus en plus difficiles à établir à fur et à mesure que le temps avance et enfin pour ne pas paralyser l’économie. 

 Section 1: Le domaine de la prescription annale 

Le domaine est important puisque la formule est générale. Sont concernées par la prescription annale, les actions auxquelles le contrat peut donner lieu. Code de commerce Article L133-6 al.1 concerne le voiturier et al.2 les autres auxiliaires. 

1) Les actions soumises à la prescription annale 

Ce sont: 

– les actions en responsabilité pour avarie, perte ou retard intentées contre le voiturier soit par l’expéditeur, le destinataire ou le commissionnaire. Cela signifie que tous les usagers peuvent agir mais aussi tous les intervenants et tous les substitués à ces personnes. Cour de cassation 1985 a permis à un assureur d’agir à l’encontre du transporteur mais elle a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par le voiturier sur le fondement de la prescription. 

– les actions en paiement de frais de transport: le voiturier ou le commissionnaire agit contre l’expéditeur ou le destinataire. 

– les actions intentées par ou contre le commissionnaire pour faute personnelle ou faute d’autrui. 

– les actions relatives aux envois contre remboursement: c’est le cas du transporteur qui n’a pas encaissé au moment de la livraison ou qui a encaissé mais s’est fait voler l’argent au cours du voyage de retour. 

– toutes les demandes reconventionnelles: il s’agit de demande incidentes rattachées à la demande principale or la demande principale découle du contrat de transport. Une seule et même affaire, une seule et même prescription. La demande reconventionnelle est une véritable demande et non une demande accessoire, c’est sur ce constat que depuis 1965, la Cour de cassation lie la demande reconventionnelle à la prescription annale. 

– les actions relatives à une convention complexe: la convention complexe intervient lorsqu’il y a transport et logistique, Cour de cassation 11 juin 1996 a estimé que s’agissant d’un contrat composite alliant transport et logistique, la prescription annale s’applique compte tenu du caractère indivisible de la convention et ce, malgré l’importance des opérations de manutention. Pour la Cour de cassation, il n’y aurait pas logistique s’il n’y avait pas transport, le transport emporte la prescription annale quelle que soit son importance. 

2) Les actions échappant à la prescription annale 

  1. A) La nécessité d’un contrat de transport

La prescription ne jouera pas à l’égard d’un tiers au contrat de transport. Ainsi, lorsque l’action est engagée par un tiers ou contre un tiers, la prescription ne s’applique pas. 

Ainsi, l’action du transporteur contre le garagiste dont la mauvaise réparation est à l’origine du dommage n’est pas soumise à la prescription annale (donc prescription de droit commun de 10 ans). 

Il faut un contrat de transport puisque l’action vise les situations auxquelles le transport peut donner lieu. Il faut que ce soit juridiquement un contrat de transport, c’est la raison pour laquelle la prescription annale ne s’applique pas au contrat de déménagement (car le contrat de déménagement est un contrat de louage d’ouvrage et d’industrie). Idem pour le contrat de transit, le contrat de manutention ou de garde-meuble. 

  1. B) Fraude ou infidélité du voiturier

Il est fait référence au comportement du transporteur par rapport au client. La doctrine distingue: la fraude est la mauvaise foi alors que l’infidélité est la cupidité (i.e. pas d’intention de nuire). La jurisprudence ne distingue pas les actes déloyaux des actes normaux ou sans tricherie. Pour la jurisprudence, il ne faut pas que ce soit de la négligence ni de la maladresse car cela est gênant pour un professionnel. La notion est floue ce qui permet une appréciation des situations. 

La notion est plus grave que la faute lourde (qui est cantonnée au transport), prend en considération le contexte. Etant grave, la fraude ou l’infidélité doit être poursuivie au-delà du délai d’un an. Ne va pas être admise l’attitude d’un transporteur qui promet un accord amiable dans le seul but d’acquérir la prescription. 

  1. C) Les actions en réparation d’un dommage corporel

La prescription annale est exclue même si l’accident se réalise en cours du transport. Responsabilité civile, droit commun 30 ans. 

3) L’interversion de la prescription annale 

Il est possible d’interrompre la prescription annale. Normalement, l’interruption fait courir un nouveau délai de même nature et de même durée. En droit des transports, si cette solution était retenue elle ne stabiliserait pas l’économie du transport. 

Ainsi, en matière de transport, s’il y a interruption, la prescription va être intervertie i.e. remplacée par la prescription normale. 

ex: une offre de réparation ne vaut pas interruption de la prescription, le délai d’1 an va continuer à courir mais si un courrier précis indique une date pour le règlement d’une somme déterminée, il y a une sorte de novation, de transaction qui fait que ce document fait quitter le domaine du contrat de transport pour arriver dans le domaine contractuel classique et donc soumis à la prescription de droit commun. 

De manière générale, la prescription en procédure civile est d’intérêt privé, elle n’est pas d’ordre public et doit donc être invoquée pour pouvoir être appliquée, c’est celui qui invoque la prescription qui doit démontrer qu’elle est acquise. Etant d’intérêt privé, la prescription peut être invoquée pour la première fois en appel même si le premier juge a connu le fond. En effet, la prescription est une fin de non-recevoir CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article122 qui est opposable à tous les stades de la procédure. 

La prescription ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation car dans ce cas il s’agirait d’un moyen nouveau donc irrecevable. 

 Section 2: Les actions en réparation d’une avarie ou perte partielle 

Certains points du contrat de transport sont tellement spécifiques que d’autres règles que celle générales et uniformes doivent trouver application. 

Ces règles édictées par le Code de commerce vont s’ajouter à la prescription annale pour procurer au transporteur une protection renforcée, notamment pour les actions en réparation d’une avarie ou d’une perte partielle. D’autres règles vont encore limiter les actions en prévoyant, dans certains cas, une prescription d’1 mois. 

1) Le domaine de la forclusion 

Le transporteur est soumis à un régime de responsabilité sévère en cas de perte ou avarie, il faut donc qu’il soit informé rapidement des intentions de son adversaire d’autant qu’il va devoir aussi réunir des preuves dans la plupart des cas, périssables. Pour cette raison, les textes imposent au destinataire de protester rapidement lorsqu’il constate une perte ou une avarie à la livraison. Pour ce faire, il dispose de 3 jours pour émettre des protestations motivées ou pour recourir à l’expertise. Si ces formalités ne sont pas accomplies, le transporteur pourra opposer une fin de non-recevoir lorsqu’il sera assigné devant le tribunal, cette fin de non-recevoir qui entraîne une déchéance du droit d’agir est la forclusion. 

La forclusion a un domaine précis, il faut préserver les preuves avant qu’un véhicule ne soit réutilisé et c’est la raison pour laquelle la jurisprudence l’applique uniquement aux actions en responsabilité contractuelle. De surcroit, la Cour de cassation les a exclues en matière maritime ce qui entraîne automatiquement son exclusion en cas de combinaison terre/mer. Sinon les textes sont clairs: la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle. 

  1. A) Les actions soumises à la forclusion

La fin de non-recevoir titrée de la forclusion est destinée à permettre au voiturier d’établir que l’exécution du contrat de transport a été correcte, tout au moins en ce qui concerne les dommages dont les preuves sont fragiles et rapidement périssables. Chaque fois qu’une preuve est fragile ou périssable, on fait en sorte que le transporteur puisse opposer la fin de non-recevoir. Les textes prévoient que la forclusion peut être opposée par le voiturier aux actions intentées contre lui par le destinataire ou le commissionnaire. 

En revanche, lorsque la marchandise a été réexpédiée chez l’expéditeur, se pose la question de savoir si le voiturier peut opposer la fin de non-recevoir, cette question remettrait en cause les notions de destinataire, de réception et de contrat unique. En jurisprudence, pour réexpédier la marchandise, il faut un nouveau contrat de transport, on peut donc en déduire que lorsque la marchandise a été réexpédiée, il y a fin de non-recevoir puisque l’expéditeur n’a pas qualité pour contester la livraison. 

  

Sont concernées: 

– l’action en réparation d’une avarie: les preuves de l’existence et de l’importance d’une avarie doivent être rapidement rassemblées pour ne pas prêter à discussion. En France, pour éviter les discussions, on ne distingue pas les avaries apparentes et les avaries occultes. 

– l’action en réparation d’une perte partielle: une partie de la marchandise fait défaut à l’arrivée. Il peut aussi s’agir d’une livraison intacte, le destinataire ayant laissé sur place les marchandises qui ont été endommagées ensuite. Il peut aussi s’agir de la marchandise qui a été sauvée d’un véhicule ayant pris feu à destination. Dans toutes ces hypothèses, il n’y a pas perte totale puisqu’il y a eu présentation à la livraison, c’est la raison pour laquelle la forclusion est possible. 

  1. B) Les actions échappant à la forclusion

Le texte est clair: la fin de non-recevoir peut être opposée par le voiturier uniquement lorsqu’il est assigné en réparation d’une avarie ou d’une perte partielle. 

Sont ainsi exclues: 

– les actions en responsabilité pour perte totale: dans ce cas, il n’y a pas eu réception de la marchandise par le destinataire, le destinataire n’est forcément pas satisfait de l’exécution du contrat de transport. Il est donc normal que la fin de non-recevoir ne s’applique pas. 

– les autres actions en responsabilité: le fin de non-recevoir ne s’applique pas aux actions en responsabilité pour retard ni aux actions en réparation d’une avarie occasionnée par un retard. La forclusion ne concerne pas non-plus les actions relatives au paiement du prix du transport. 

2) Les bénéficiaires de la forclusion 

La forclusion protège les voituriers, elle ne peut donc être invoquée que directement et à titre personnel par les transporteurs. Cependant, parfois, le commissionnaire peut en bénéficier. 

  1. A) Le voiturier

Selon les textes, le voiturier est la seule personne qui puisse invoquer directement la forclusion, il faut qu’il s’agisse d’un voiturier au sens strict i.e. un voiturier professionnel. La forclusion ne peut donc pas bénéficier à une personne qui accomplit un acte isolé de transport, même rémunéré. 

La doctrine estime même que la forclusion ne bénéficie qu’au voiturier de métier dont la protection exige cette règle écrite. 

La jurisprudence y fait très attention. Ainsi, la forclusion est refusée à un hypermarché qui faisait des livraisons dans le cadre de ses contrats de vente (professionnel de la vente et non du transport). 

La fin de non-recevoir ne va pas non-plus opérer entre transporteurs successifs même pour un même transport parce que les textes imposent des formalités mais uniquement au destinataire. Finalement, le seul visé est le transporteur final. Dans une affaire, le juge a noté que le deuxième transporteur était en réalité le destinataire de la marchandise, elle a ainsi permis au premier transporteur d’invoquer la fin de non-recevoir, mais c’est rare, en principe le seul transporteur pouvant invoquer la forclusion est celui recevant les protestations. 

  1. B) Le commissionnaire

Le commissionnaire en principe ne peut pas invoquer la forclusion lorsqu’il est actionné en sa qualité de commissionnaire. Le texte ne vise que le voiturier. Mais le commissionnaire peut indirectement bénéficier de la forclusion lorsqu’il est actionné en tant que garant du transporteur car alors il récupère les droits du voiturier. 

Le commissionnaire peut bénéficier de la forclusion dans 2 cas: 

– le commissionnaire exécute lui-même le dernier transport: il recevra les protestations en tant que voiturier et indirectement en tant que commissionnaire. Si cela est possible en théorie, en pratique, les juges mettent en avant la qualité de commissionnaire et ont tendance à refuser la forclusion au profit du commissionnaire transporteur final. 

– le commissionnaire bénéficiaire indirect: le commissionnaire va bénéficier par ricochet de la fin de non-recevoir lorsque le transporteur l’appelle en garantie mais le commissionnaire doit à tout prix soulever le moyen même si le transporteur l’a déjà fait lui-même. 

3) Les conditions d’opposabilité de la forclusion 

Le voiturier peut opposer la forclusion si le destinataire n’a pas accompli les formalités (dans les délais). La forclusion est une défense au fond, elle peut donc être invoquée pour la première fois en appel et le juge du fond peut la relever d’office car il s’agit d’un moyen de défense de CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article125 i.e. un moyen de défense ayant un caractère d’ordre public. CODE DE PROCÉDURE CIVILE Article125 le juge relève d’office mais ne peut en tirer les conséquences, il doit demander aux parties leurs observations. 

S’agissant d’une défense au fond, la forclusion ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. 

Le voiturier peut être privé de son droit d’invoquer la forclusion en raison de son comportement, il peut avoir, par son attitude, renoncé à l’invoquer ou il peut également avoir commis une fraude envers son client. 

  1. A) La renonciation du voiturier

Cette forclusion n’est pas d’ordre public, plus précisément, seules les formes dans lesquelles les conditions doivent être réunies sont impératives. On ne peut pas modifier le délai par contrat, un voiturier ne peut indiquer dans un contrat que le destinataire serait forclos au bout de 24 heures. En revanche, il est toujours possible pour un voiturier de ne pas invoquer la forclusion, une demande qui serait faite au bout d’une semaine est normalement tardive mais un transporteur peut toujours l’admettre. Les juges ont ainsi retenu une renonciation à la forclusion lorsqu’un transporteur avait demandé au destinataire de passer dans ses bureaux à une date ultérieure pour faire état des réserves, le jour où les réserves ont été faites il était trop tard mais les juges ont estimé que l’entretien qui avait eu lieu entre les parties sur invitation du voiturier valait renonciation à la forclusion. Toutefois, lorsque le voiturier transmet une facture à son assureur, cela ne constitue pour lui qu’une mesure conservatoire et absolument pas une renonciation à la forclusion, il ne fait que préserver ses recours. 

  1. B) La fraude

Le voiturier peut aussi avoir un comportement frauduleux, et ce comportement frauduleux va l’empêcher d’invoquer la forclusion. Cour de cassation 29 avril 1947 estime que la non-opposabilité de la forclusion est une sanction de la fraude commise par le voiturier ou ses préposés. 

La fraude peut être de 2 types: il peut s’agir de la soustraction frauduleuse de la marchandise en tout ou partie ou de la mauvaise foi du voiturier qui fait tout pour empêcher le destinataire de protester en temps utiles (ex: livraison à une adresse volontairement modifiée, intervention d’un tiers pour que le destinataire ne réceptionne pas la marchandise et ne puisse la vérifier dans le délai de 3 jours). Les cas de fraude les plus fréquents sont les silences gardés à propos d’accidents de la circulation, un accident est dissimulé, en apparence la marchandise est parfaite mais en réalité l’accident a eu des conséquences sur la marchandise. 

4) Les effets de la forclusion 

  1. A) Les effets à l’égard du transporteur

La forclusion est à l’égard du transporteur une fin de non-recevoir qui produit un effet catégorique, radical puisqu’elle éteint toute action en responsabilité contre lui fondée sur une avarie ou une perte partielle. Le tribunal ne pourra pas juger l’affaire au fond même s’il est évident que le transporteur est responsable. D’ailleurs, si le transporteur n’a pas invoqué la forclusion, son assureur peut ne pas l’indemniser, il peut lui refuser de le rembourser au motif qu’il aurait dû invoquer la forclusion. Cela s’explique par le fait que l’assureur n’avait pas à garantir le risque puisque la responsabilité du transporteur ne pouvait pas normalement être mise en cause (Cour de Cassation, oct. 2004). 

  1. B) Les effets envers le destinataire

La fin de non recevoir peut avoir pour conséquence d’engager la responsabilité du destinataire envers l’expéditeur. En effet, le destinataire qui réceptionne les marchandises doit vérifier si le contrat a été correctement exécuté et s’il constate une avarie, il doit prendre les mesures nécessaires pour préserver ses droits contre le voiturier or s’il y a forclusion c’est qu’il n’a pas agi correctement, le transporteur sera tranquille mais le destinataire supportera les frais car il n’a pas agi correctement et dans les délais, il sera donc condamné en lieu et place du voiturier pour indemniser l’expéditeur. Il faudra prouver que son attitude, que sa négligence a créé un préjudice à l’expéditeur. 

Section 3: Les actions en garantie 

Les actions en garantie doivent être intentées dans le délai d’1 mois. Il s’agit de toutes les actions récursoires que l’on est amené à mettre en œuvre à l’occasion d’une action principale née du contrat de transport. Ce délai d’1 mois est obligatoire et est de rigueur. On est très strict, si l’expéditeur a assigné le transporteur et le commissionnaire en même temps, cela ne suffit pas, il faut que le commissionnaire assigne en garantie le transporteur. A défaut, ce sera un jugement commun et non un jugement avec substitution de garantie. Le jugement commun signifie que toutes les parties sont tenues et que l’on va se diriger vers la plus solvable pour l’exécution (en principe le commissionnaire, il paiera tout et ne pourra récupérer auprès du transporteur). Sur la garantie, le transporteur pourra être condamné mais aussi le commissionnaire s’il a commis des fautes distinctes, le commissionnaire peut payer le tout mais dans cette hypothèse, il peut se faire rembourser en partie par le transporteur. 

1) Les conditions d’application 

Il faut que l’action principale soit fondée sur un contrat de transport. Ainsi, si l’expéditeur est le vendeur et le destinataire l’acheteur, si la personne agit en tant qu’expéditeur qui ne s’est pas fait payer le prix du transport, ce sera du transport mais si l’action vise à se faire payer le prix de la marchandise, ce ne sera pas du transporteur mais de la vente, aucun appel en garantie ne sera alors possible. 

L’action en garantie doit aussi reposer sur un contrat de transport ou de commission de transport  Peuvent être appelés en garantie un transporteur, commissionnaire ou transitaire mais pas un garde meuble ou un garagiste ayant intervenu sur le véhicule. 

Il faut qu’il s’agisse véritablement d’une action en garantie, ce ne peut être une action contre l’assureur car alors il s’agit d’une subrogation et non d’une garantie. Pour la Cour de cassation, le délai d’1 mois ne vise que les actions incidentes i.e. celles qui se greffent sur la demande principale. 

2) La computation du délai 

Le délai d’1 mois court à compter du jour où l’action principale est intentée contre le garanti et plus précisément le délai court à compter de la signification de l’assignation. 

Il ne faut pas confondre la date de l’assignation et la date de la signification, c’est toujours la date de la signification qui est prise en compte. 

Le délai d’1 mois ne peut être interrompu (délai préfix), la Cour de cassation a estimé que le fait que l’on ait appelé en garantie un deuxième commissionnaire et qu’on l’ait fait dans le délai n’a pas interrompu ce délai de telle sorte que le troisième appel en garantie doit être déclaré irrecevable. Dans cette espèce un expéditeur agit contre un destinataire, le destinataire a 1 mois pour appeler en garantie, il a appelé en garantie le transporteur, dans le délai d’1 mois, le transporteur a appelé en garantie un commissionnaire et au-delà du délai d’1 mois un second commissionnaire en garantie. Le premier appel en garantie n’interrompt pas le délai. 

Rien ne pouvant l’affecter, ce délai va s’ajouter au délai d’1 an, il n’est pas compris dans le délai d’1 an mais cela ne signifie pas que les demandes qui n’ont pas été formulées dans le délai d’1 mois puissent encore l’être dans le délai d’1 an. Par conséquent, si l’on s’est trompé de juge et que l’adversaire soulève l’incompétence territoriale du juge saisi et que le tribunal n’utilise pas la passerelle (i.e. ne transfert pas le dossier au juge normalement compétent), dans ce cas, le défendeur devra être réassigné devant le bon juge et le délai d’1 mois n’a plus à être respecté. 

ex: je devais assigner à Lille, j’ai assigné à Arras, l’appel en garantie avait été fait dans le délai d’1 mois, le juge d’Arras se déclare incompétent et ne transfère par le dossier à Lille car il ne peut transférer d’office (il faut lui demander), le demandeur est obligé de réassigner à Lille mais il n’a pas à appeler en garantie car il l’a fait dans le délai d’1 mois. 

Le délai va expirer 1 mois jour pour jour et aucun report n’est admis. Ainsi, si la personne a changé d’adresse, le délai n’est pas étendu jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée, ce qui compte est que l’on ait essayé de la joindre dans le délai. Le seul cas de report est lorsque le dernier jour est un samedi, un dimanche, un jour férié ou un jour chômé. 

La prescription étant d’intérêt privé, c’est celui qui s’en prévaut qui doit l’invoquer, elle ne peut être relevée d’office par le juge, elle peut être invoquée pour la première fois en appel mais pas en cassation, il est possible d’y renoncer. 

3) Les effets de l’action en garantie 

L’action en garantie est complètement distincte de la demande principale, elle ne crée de lien d’instance qu’entre le garanti et l’appelant, elle ne crée aucun lien entre le garanti et le demandeur principal et donc elle ne sera exécutée que si le demandeur principal exécute contre le garanti. En fait, toutes ces actions en garantie sont relativement rares en droit des transports puisque lorsque la responsabilité est établie, les actions ne sont pas engagées, on préfère avoir un geste commercial quand la somme n’est pas élevée, sinon la compagnie d’assurance interviendra. 

 

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