Droit fiscal européen et international

Droit fiscal : les sources européennes et internationales du droit fiscal

Autorité supérieure des traités et des conventions internationales aux lois ratifiés. Art. 55 de la Constitution : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie ».

Principales sources internationales sont :

  1. Les conventions fiscales internationales

= nom donné à des traités dont l’objet est exclusivement fiscal. Environ 100 conventions internationales signées par la France qui est l’un des Etats qui en a signé le plus. Souvent les conventions reprennent une convention modèle de l’OCDE sur le revenu et la fortune, elle-même régulièrement modifiée.

Leur principal objectif est d’éviter et de résoudre les problèmes de double imposition = protection du contribuable. Mais aussi lutte contre fraude et évasions fiscales.

  1. Objet de la convention : éliminer les doubles impositions entre 2 Etats contractants pour leurs ressortissants nationaux à l’étranger.

Elles règlent les relations fiscales entre 2 Etats. Les Etats en présence dans une convention fiscale sont ainsi désignés :

– L’Etat de la source = d’où proviennent les revenus. Ex : lieu de situation de l’immeuble, lieu d’activité du contribuable bénéficiaire du revenu.

– l’Etat de la résidence = lieu où le bénéficiaire du revenu a son domicile ou son siège social. Application d’un certain nombre de critères pour l’IR : foyer, centre des intérêts, lieu de séjour principal, nationalité

Pour IS : lieu de l’établissement stable= installation fixe d’affaires ou agent indépendant. On y reviendra.

Méthodes :

– soit prévoir une imposition exclusive. Dans ce cas, exonération dans l’autre Etat. Ex : les revenus perçus à l’étranger sont exonérés d’impôt en France.

– soit prévoir une imposition partagée = système des imputations. Ex : l’impôt acquitté à l’étranger est imputé sur l’impôt dû en France.

  1. Objet de la convention : lutte contre évasion et fraudes fiscales qui sont facilitées par l’existence de paradis fiscaux. Conventions prévoient alors un échange d’informations et/ou une assistance au recouvrement. Fixent cadre de coopération entre Etats.
  1. Objet de la convention : protection des contribuables en leur permettant de connaître à l’avance leur régime fiscal ou en leur permettant de ne pas subir de discriminations fiscales dans l’autre Etat du fait de leur nationalité.

Certes principe constitutionnel supériorité des conventions mais cela ne doit pas aboutir à aggraver la situation fiscale du contribuable.

Compétence du CE depuis arrêt 20 oct. 1989, Nicolo, sur conformité d’une loi postérieure à un traité.

=) FICHE portée d’une convention fiscale bilatérale franco-suisse

Note Olivier Fouquet, Président de la Section des finances du Conseil d’Etat, Rev. Sociétés 2002, p. 538, Les dispositifs internes de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales soumis à l’épreuve des conventions fiscales bilatérales

CE, 28 juin 2002, req. n° 232276, Sté Schneider Electric

La décision prise le 28 juin 2002 par l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat dans l’affaire Schneider Electric est incontestablement un grand arrêt de la jurisprudence fiscale=) sur la combinaison des dispositions anti-abus édictées par le droit fiscal interne et des stipulations des conventions fiscales bilatérales.

D’un côté : L’article 209B du code général des impôts. Le I de l’article 209 B du CGI, en cause dans l’affaire Schneider Electric, date d’une loi de 1980. Les autorités françaises avaient noté que les groupes français internationaux constituaient parfois dans les paradis fiscaux des sociétés holdings jouant le rôle de centrale de trésorerie pour les filiales étrangères. La trésorerie des filiales anciennes en excédent était recyclée hors impôt via la société holding pour financer les besoins de financement des filiales plus jeunes. Grâce à ce montage, les flux financiers qui auraient dû transiter par la société mère française, évitaient l’impôt français.
Pour contrer ce type de montage, le législateur a imaginé un dispositif anti-abus, consistant à imposer entre les mains de la société mère française les bénéfices réalisés par celles de ces filiales détenues à 25 % au moins qui sont établies dans un Etat au régime fiscal privilégié.

Pb : un Etat peut-il déterminer unilatéralement n’importe quel dispositif anti-abus, quelles que soient les stipulations des conventions fiscales bilatérales qu’il a signées ?

 

Respect de la règle de droit international : pacta sunt servanda

 

=) Combinaison de la loi interne et de la convention fiscale bilatérale

Traditionnellement, la doctrine affirme que la convention fiscale a un caractère subsidiaire particulier. Le juge vérifie d’abord si le contribuable est passible de l’impôt sur le fondement du droit interne, avant d’examiner s’il existe une clause de la convention faisant obstacle à l’application de l’imposition prévue par le droit interne.

=) Seules des dispositions claires de la convention peuvent faire échec à l’application du droit fiscal interne. Or, les conventions ne définissent pas la majorité des termes qu’elles utilisent, de sorte que le juge les interprète, soit que la convention le stipule expressément, soit même qu’elle garde le silence sur ce point, par référence au droit interne. Le plus souvent la qualification du droit interne sera celle qu’utilisera le juge pour interpréter la convention. La combinaison du droit fiscal interne et de la convention laisse en définitive une assez grande marge de manoeuvre au premier par rapport à la seconde.

La marge de manoeuvre du droit fiscal interne par rapport à la convention est-elle totale lorsqu’ est en jeu un dispositif interne anti-abus ? Cette thèse était défendue par le ministre des finances dans l’affaire Schneider Electric

Certes, les commentaires actuels sous l’article 1er du modèle de convention de l’OCDE indiquent que les conventions ne devraient pas faciliter l’évasion et la fraude fiscales. Mais l’objet de ces conventions n’en reste pas moins l’élimination de la double imposition internationale et non la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

 

 

Pour déterminer si la convention franco-suisse faisait obstacle à l’application de l’article 209 B du CGI, encore fallait-il savoir si cet article avait pour objet et pour effet d’imposer la société mère française sur les bénéfices réalisés par sa filiale suisse.

 

Le ministre des finances soutenait que l’article 209 B n’avait pas pour objet et pour effet d’imposer directement en France entre les mains et au nom de la société mère française les bénéfices réalisés en Suisse par la filiale suisse, mais qu’il se bornait à prévoir l’imposition au nom de la mère de revenus qui lui étaient distribués par sa filiale. Selon le ministre l’article 209 B instituait une présomption de distribution à la mère par sa filiale des bénéfices que celle-ci réalisait en Suisse. La différence de qualification peut apparaître subtile. Mais si la société mère française est imposée directement sur les bénéfices réalisés par sa filiale suisse, l’imposition se heurte aux stipulations du 1° de l’article 7 de la convention qui répartit entre les Etats contractants le droit d’imposer, sous réserve de l’élimination de la double imposition juridique.

Le Conseil d’Etat, interprétant l’article 209 B, s’en est tenu à sa méthode habituelle. =) regarde l’article 209 B comme ayant pour objet et pour effet d’imposer directement au nom de la société mère française les bénéfices réalisés par la filiale étrangère.

=) contradiction entre l’article 209 B et le 1° de l’article 7 de la convention franco-suisse qui attribue l’imposition des « bénéfices d’une entreprise » à l’Etat dont le résident exploite cette entreprise.

Pour terminer, nous observerons que pour aboutir à la conclusion « révolutionnaire » que le 1° de l’article 7 de la convention franco-suisse, antérieure à l’avenant du 22 juillet 1997, s’opposait à l’application de l’article 209 B du CGI, le Conseil d’Etat s’est borné à recourir à ses méthodes traditionnelles d’interprétation : des textes pour l’article 209 B du CGI, des conventions internationales pour la convention fiscale franco-suisse

 

=) la France s’efforce désormais de faire inscrire dans les conventions une stipulation l’autorisant à appliquer l’article 209 B. Tel est le cas de l’avenant du 22 juillet 1997 à la convention franco-suisse

 

2. Le droit communautaire (en bref)

Depuis, les arrêts Jacques Vabre de la Cour de cassation et Nicolo du Conseil d’Etat, véritable primauté du droit communautaire, primaire et dérivé, sur les lois ordinaires dans l’ordre interne français

+ droit communautaire dérivé échappe au contrôle du Conseil constitutionnel. =) à voir cours sur sources du droit.

=) contraintes du droit communautaire, restrictions des choix du Parlement en matière fiscale.


Objectif : harmoniser les règles fiscales applicables au sein de l’Union européenne. Deux volets :

– Respect des piliers du droit communautaire par la fiscalité interne.

* Liberté d’établissement. Art 43 Traité Amsterdam : il est interdit aux Etats de prévoir des conditions d’exercice différentes de celles prévues pour les ressortissants lorsqu’un ressortissant de l’UE s’établit dans l’Etat en question. Ex : France condamnée en 1986 par CJCE car l’avoir fiscal avait été réservé aux seules personnes ayant un domicile réel ou social situé en France, et non pas notamment aux succursales françaises de sociétés d’assurance ayant leur siège social dans un autre Etat. (CJCE 28 janv. 1986, Commission contre France, RJF 11/86, déc. 1120).

Autre ex : condamnation par CJCE le 11 mars 2004 de l’ancien article 167 bis du CGI qui imposait les plus values latentes lorsqu’un ressortissant quittait territoire français. Application ensuite de cette jp par CE en cas de changement de domicile fiscal puis législateur a supprimé art. 167 bis.

Autres libertés :

*Liberté de circulation des travailleurs (Art. 39 Traité Amsterdam). Eviter toute discrimination par le biais de la fiscalité.

* Liberté de circulation des capitaux (Art. 56 et 58 du Traité).

* Liberté de prestation de services (Art. 49)

CJCE affirme régulièrement que si « la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, il n’en reste pas moins que ces derniers doivent l’exercer dans le respect du droit communautaire ».

– Obligation d’intégrer dans la législation nationale les directives. Le droit communautaire dérivé.

Art. 93 Traité de Rome =) Compétence de UE pour harmoniser les législation relatives à la TVA, droits d’accises et autres impôts indirects dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer établissement et fonctionnement du marché intérieur =) pour assurer respect des 4 piliers que l’on vient d’évoquer.

Peu importe le moyen mais le résultat doit être atteint. Directives surtout importantes en matière de TVA. C’est en matière de TVA que l’harmonisation est la plus aboutie. Principalement, 6ème directive du 17 mai 1977 = harmonisation des règles d’assiette en matière de TVA.

En matière d’imposition directe, directives se multiplient : le droit fiscal des sociétés (par ex. directive du 17 juill. 1969 concernant les rassemblements de capitaux ; directive CE n° 90-435 du 23 juill. 1990 concernant le régime mère-fille, D. 1990, Lég. p. 377 ; directive CE n° 90-434 du 23 juill. 1990 concernant les fusions, D. 1990, Lég. p. 374).

=) CE décide que le législateur ne peut laisser subsister des dispositions internes contraires aux directives européennes et que l’Etat peut être condamné à la répétition de l’indu.

CE contrôle conformité des lois postérieures avec les directives mais refuse de soulever d’office l’incompatibilité d’un texte fiscal interne avec le droit communautaire.

+ un requérant peut invoquer l’incompatibilité d’une disposition interne même avec une directive non encore transposée. Juge a l’obligation d’interpréter les dispositions fiscales en fonction du texte et des finalités de la directive.

Juridictions administratives peuvent saisir CJCE pour toute question préjudicielle (interprétation du traité). Ex : en matière d’aide d’état. Savoir si telle ou telle disposition doit ainsi être analysée. L’interprétation du droit fiscal communautaire est avant tout l’oeuvre de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) saisie par voie de questions préjudicielles – dont les décisions s’imposent au juge français.

En outre, la non transposition d’une directive engage la responsabilité de l’Etat défaillant. Action en manquement engagée par la Commission. Ou un contribuable peut intenter une action en responsabilité et demander à la CJCE de condamner l’Etat à réparer le préjudice subi.

  1. La Convention européenne des droits de l’homme et la CEDH

La Convention EDH énonce des droits individuels fondamentaux et des libertés fondamentales (le droit à la vie, le droit à la liberté d’opinion, le droit au respect de la vie privée, le droit au respect des biens, le droit à un procès équitable, le droit au recours devant un juge) et vise à la protection effective de ces droits. Une fois les voies de recours épuisées devant le Conseil d’Etat, devant la Cour de cassation, le justiciable peut porter le litige devant les organes de Strasbourg

Depuis un arrêt de la Cour EDH du 24 févr. 1994 (Bendenoun c/ France, RJF 4/94, n° 503 ; J.-P. Le Gall et L. Gérard, A propos de l’arrêt Bendenoun, Dr. fisc. 1994, p. 879) les sanctions fiscales (mauvaise foi, manoeuvres frauduleuses, abus de droit, procédure d’office) revêtent un caractère pénal au sens de l’art. 6, paragraphe 1, de la Convention EDH. Le caractère pénal de ces sanctions a été finalement reconnu par le Conseil d’Etat en 1995. Jusqu’alors, le Conseil d’Etat considérait que l’art. 6, paragraphe 1, de la Convention ne trouvait pas à s’appliquer en matière fiscale. =) application du droit à un procès équitable

Ex de contrôle : La Cour de Strasbourg a pu connaître des opérations de perquisitions et considérer que les anciens textes sur les perquisitions douanières offraient des garanties insuffisantes et violaient les principes énoncés par la Convention.

+ Droit au procès équitable s’applique. Ex : Condamnation de l’exercice du droit de préemption par adm. fiscale car procédure contraire au principe du contradictoire =) depuis abrogation des dispositions fiscales en question (art. 18, LPF).

Mais a jugé que art. 6-1 ne s’applique pas aux litiges fiscaux car « droits et obligations de caractère civil » visés par cet article n’englobe pas les impôts. Attendu : « Article 6 1 de la même Convention, qui, en l’absence de toute accusation en matière pénale, n’est pas applicable au contentieux fiscal, lequel échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu’il a nécessairement quant à la situation des contribuables » : importante décision CEDH 12 juillet 2001 Y… c/ Italie. Confirmation par CEDH 23 févr. 2006 Stere et a c/Roumanie, Droit fiscal 2007,n°9, comm. 224. =) C. cass. 12 juillet 2004, Consorts Pelat, Droit fiscal 2004, n°42, comm. 764.