Le droit pénal sous les mérovingiens

Infractions et sanctions en droit pénal germanique (droit pénal et loi salique)

En Occident, l’Empire romain s’effondre au cours du v e siècle. L’installation de divers peuples germaniques conduit à de nouvelles structures politiques, les royaumes dits « barbares ». Ce qui caractérise ces royaumes, c’est la juxtaposition de deux sortes de populations : les autochtones, largement majoritaires, que les textes qualifient désormais de « romains » ; et les nouveaux venus, les « barbares ».

  • &1 : Les infractions

La plupart des lois germaniques rédigées intéressent principalement le droit pénal. Ainsi, la loi Salique comporte 340 articles relatifs au droit pénal et 65 sur d’autres matières. 150 de ces articles concernent le vol, 110 concernent les violences contre les personnes. Malgré le nombre de dispositions de droit pénal, les éléments constitutifs des infractions ne sont pas détaillés, si ce n’est à travers quelques circonstances aggravantes liées à la qualité des victimes ou aux dommages subis.

Dans le haut Moyen Âge, la loi salique est un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe et le VIesiècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l’un des premiers rois. Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts au droit romain1, portait surtout sur le droit pénal et les compositions pécuniaires2 car l’objectif de la loi salique était de mettre fin à la faide (vengeance privée) en imposant le versement d’une somme d’argent et établissait entre autres les règles à suivre en matière d’héritage à l’intérieur de ce peuple.

A) Les atteintes aux personnes

  • L’homicide

Il est réprimé qu’il soit commis par un homme libre ou un esclave et que la victime soit un gomme libre ou un esclave. C’est par exemple dans la loi Burgonde au titre 2 et titre 10. La tentative d’homicide est réprimée au titre des blessures par une composition même si aucune blessure n’a été infligée (une flèche empoisonnée ratant sa cible, autrement dit l’infraction manquée par maladresse). Certains cas d’homicide sont spécialement visés par les lois germaniques, c’est le cas de l’empoisonnement et de la noyade.

  • Les coups et blessures

Ils sont également répréhensibles et donne lieu en principe au paiement d’une composition pécuniaire qui est versée au prorata du nombre de coups donnés. On le trouve dans la loi Burgonde au titre 5. Elle varie également en fonction des blessures infligées (l’amputation ou la fracture d’un membre, la perte d’une dent). Cela dépend également de la partie du corps où on porte des coups. Est également sanctionné le fait de saisir une personne par les cheveux voire le fait de lui arracher des cheveux ou de la trainer par les cheveux notamment si c’est une femme libre. Le fait d’utiliser une arme comme un glaive, un bâton, un fouet pour tenter de frapper quelqu’un est également punissable.

  • Les agressions sexuelles

Le crime de rapt est plus sévèrement réprimé lorsque la victime est une femme libre que s’il s’agit d’une esclave. Il existe d’ailleurs un mariage par rapt chez les germains, c’est une pratique qui peut être admise par les parents. Les relations sexuelles consenties hors mariage (fornication) d’une fille non mariée donne lieu au paiement d’une composition par le complice et expose la jeune fille à l’infamie si l’homme ne veut pas l’épouser ou si ce complice est d’un statut inférieur. Il existe dans la loi Burgonde des dispositions spécifiques à l’inceste. Enfin, l’adultère est sévèrement réprimé par la loi Burgonde qui prévoit la peine de mort pour les deux coupables alors que la loi Salique ne prévoit que des compositions pécuniaires.

B) Les atteintes aux biens

  • Le vol

Le vol peut porter sur un esclave, on parle à ce moment-là d’embauchage ou d’enlèvement de serviteurs. Le fait de dépouiller un cadavre est également répréhensible, qu’il soit enterré ou pas. La plupart des textes en matière de vol évoquent le vol d’animaux. Dans la loi Burgonde, on établit une distinction entre le vol de chevaux, juments, bœufs ou vaches qui est passible de la peine de mort et le vol de brebis, moutons, cochons, chèvres (ovins notamment) ou encore de ruches d’abeille qui est passible d’une composition pécuniaire (le triple de la valeur de l’animal) et d’une amende pour les hommes libres mais de la peine de mort pour les esclaves. La loi Salique est très précise et prévoit des compositions différentes pour chaque type d’animal. Chaque catégorie d’animal fait l’objet d’un titre différent, et il y a des subdivisions au sein de chaque catégorie. On distingue également selon le nombre de bêtes volées. Il y a même un titre particulier consacré au vol d’oiseaux (en distinguant épervier, poule, tourterelles etc). On trouve également le vol d’arbres fruitiers, de ceps de vigne ou de bois de construction. On prévoit également des sanctions contre la famille des voleurs ou contre les complices également. Le vol peut être aggravé par l’usage de la violence, d’une arme ou par une effraction. Il existe aussi des infractions connexes au vol qui peuvent être des actes préparatoires du vol, comme par exemple le vol de clochette pendue au cou d’un cheval ou d’un bœuf ou encore le vol des entraves. Est également incriminé le vol d’usage, on interdit par exemple de monter le cheval d’autrui ou de faire travailler le bœuf d’autrui, utiliser la barque d’autrui etc.

  • L’incendie

Seul l’incendie volontaire est réprimé. Elle est réprimée différemment selon le type de bien visé. C’est le titre 18 de la loi Salique. Quand on parle de biens, il peut s’agir d’une maison d’habitation, une grange, une étable ou même une haie. La peine consistera dans une composition pécuniaire ou une amende.

  • Les dégradations

Elles sont assez diverses : ce sont par exemple les dégradations faites aux champs de culture (blé), faites aux enclos notamment lorsqu’ils sont le fait de troupeaux dont on a la garde. Sont également punis les attaques d’habitation, les dommages causés aux animaux par négligence et les violences volontaires aux animaux trouvés sur son champ.

C) Les atteintes à la puissance publique

Sont réprimées les atteintes à l’autorité royale ou à celles de ses proches comme ses compagnons, les comtes appelés aussi les graphions. Sont également sanctionnées les atteintes à l’autorité des juges comme le refus de comparution ou comme le fait de détacher un homme pendu à un arbre ou une potence sans autorisation du juge, le faux témoignage ou encore la calomnie. La loi Burgonde sanctionne le fait de transiger en matière de vol.

  • &2 : Les sanctions : répression et réparation

A) La composition pécuniaire

Elle représente le prix de la renonciation à la vengeance. Son montant était sans doute au départ librement négocié. Puis la coutume l’a fixé, la loi Salique se présente ainsi comme un tarif des compositions. En outre, cette composition est également une contrepartie du dommage subi, ce que les germains appellent « le prix du sang » parce que le tarif de base est constitué par la composition pour meurtre (le Wergeld). Le montant de cette composition varie ensuite selon le dommage causé, la qualité (race, rang social, sexe, l’âge et la fonction). Cela varie également en fonction des circonstances aggravantes. Ainsi, par exemple, la loi Salique prévoit que le meurtre d’un franc coute deux fois plus cher que le meurtre d’un gallo-romain. En matière de vol, la loi Salique prévoit, à titre de composition, la restitution du prix de la chose volée ainsi qu’une pénalité que l’on appelle Dilatura → Elle correspond à la période au cours de laquelle la victime a été privée de l’usage du bien (pour la dédommager des frais engagés). Cette composition devait être payée par le coupable lui-même ou un membre de sa famille. Le droit pénal franc prévoit une solidarité familiale passive et active c’est-à-dire qu’un insolvable transmettait sa dette à son père, ses frères, ses cousins etc. mais si personne ne payait pour lui, au bout de 4 sessions du mallus (à peu près 1an), ce coupable devait « composer de son corps » c’est-à-dire qu’il devenait l’esclave de la victime ou de sa famille ou alors un tiers pouvait payer pour lui (le redemptor) ou enfin il est mis à mort.

B) Les peines

Les droits germaniques connaissent quelques hypothèses de châtiments publics. En droit franc, ces hypothèses étaient assez rares. Mais progressivement, elles se sont répandues. Les compositions pécuniaires recelaient déjà une certaine forme de sanction publique dans la mesure où 1/3 des compositions revenaient au roi, c’est ce que l’on appelait le Friedgeld. En dehors de cette amende, les véritables peines publiques seront les peines capitales infligées pour des actes non rachetables tels que la trahison, la désertion, la lâcheté au combat ou les atteintes à l’autorité du roi. La peine de mort était rarement prononcée contre les hommes libres. Cependant, la législation royale franque a étendu l’application de cette peine par le biais d’un édit, dit édit de Childebert II de 596 et qui rend la peine de mort obligatoire en cas d’homicide volontaire injustifié. Charlemagne et Louis le Pieux ont multiplié les hypothèses de peines de mort et ont également élargi l’éventail des peines. On voit apparaitre notamment l’exil, la confiscation des biens ou encore les mutilations. Ces peines sont généralement afflictives et infamantes, elles portent atteinte à l’honneur. Elles se veulent sévères et dissuasives. On peut par exemple citer un capitulaire datant de 744 qui établit que « à la première fois, le voleur ne mourra pas, mais il perdra un œil ; à la deuxième fois, on lui coupera le nez ; à la troisième faute s’il ne s’est pas racheté, il mourra ». Ce texte sera repris plusieurs fois sous les Carolingiens