Le droit hindou et le droit indien

Le droit hindou et le droit indien

Ce droit a subi une forte altération du fait de la colonisation de l’Inde par les anglais. Profondément transformé, son champ d’application s’est trouvé restreint par le développement d’un droit indien laïque qui s’applique sur l’ensemble du territoire.

252,756 Indou Photos libres de droits et gratuites de Dreamstime

A. Les transformations du droit hindou lui-même.

Elle furent induites par la colonisation.

La première vague date du 16ème siècle, le Nord et le Centre passe alors sous domination musulmane et les tribunaux étatiques n’appliqueront que le droit musulman. La majorité des litiges échapperont aux tribunaux étatiques, les justiciables continuant de solliciter les Panchayat. Ainsi le droit hindou garde une autorité mais officieuse. Il ne seront donc pas altéré par le droit musulman.

A partir du 17ème siècle, l’Inde est colonisée par les britanniques, ce qui marquera un retour en force du droit hindou mais aussi sa déstabilisation. Le droit hindou retrouve aussi son officialité. Les britanniques ont cependant une mauvaise compréhension du droit hindou, il feront l’erreur d’assimiler le dharma au droit positif de l’Inde (comme si c’était la jurisprudence et la législation), ils envisageront même de le codifier, ce qui est contraire à l’esprit du dharma qui se laisse mal résumer à un code.

Les britanniques vont en outre recourir à des experts, les pundits, qui sont nommés par les britanniques et ont pour mission d’assister le juge en lui donnant les règles du dharma sastras et des nipandas. Le juge britannique aura alors un simple rôle d’enregistrement des décisions prises par les pundits qui ont bien le pouvoir de jugement. On leur reprochera d’être incompétents et inféodés aux britanniques. Le fait d’appliquer le dharma aux litiges contrevenait à la souplesse inhérente au dharma.

Au 19ème siècle on commence à rédiger des ouvrages sur le droit hindou et ainsi, les juges vont prendre conscience de leurs erreurs, par le fait d’appliquer trop strictement le dharma. Ces juges vont devenir capables d’appliquer eux-mêmes le droit hindou, et ils vont pouvoir se passer des pundits. Les diverses provinces, largement indépendantes les unes des autres, feront que les juges agiront un peu différemment. Dans le Sud on continuera de suivre les précédents qui se sont établis sous le régime des pundits, contrairement au Nord et au Centre, ce de par le fait qu’on estimait dommageable de bouleverser un droit établi depuis des décennies.

En définitive, même dans les provinces du nord et du centre le droit hindou a quand même été déformé par les juges britanniques ; les ouvrages étaient incomplets et inexacts du fait du barrage de la langue qui entrainait une déformation des concepts du droit hindou. Les Juges s’écartaient aussi des solutions du droit hindou, car elles les choquaient.

Les décisions rendues en application du droit hindou se voyaient conférer l’autorité de précédent obligatoire alors même que la logique du droit hindou devait demeurer privée d’une telle autorité. Les juges anglais apportèrent aussi des principes de Common Law, qu’ils mélangèrent au droit hindou, ainsi l’application des règles s’altéra.

Mais cette altération ne fut pas totalement regrettable. Cette influence a permis de rendre le droit hindou plus égalitaire, là où il était trop rigide ou inéquitable (statut des femmes notamment).

Peu à peu le droit hindou s’est en outre trouvé cantonné à certains domaines, où il était bien développé, à l’inverse par exemple en droit des obligations, la Common Law s’est imposée, pour donner un régime propre et commun à l’ensemble du territoire. La propriété intellectuelle et le droit commercial n’avaient pas d’équivalent en droit hindou et se sont imposés à la totalité de la population Indienne.

Les cours indiennes ont maintenu la règle du dam dou pat (les intérêts ne peuvent dépasser le capital).

A l’indépendance en 1947, une œuvre de redressement et d’unification du droit hindou sera menée. Une cour suprême chapotant l’ensemble des juridictions du pays sera créée. Une œuvre de modernisation du droit hindou sera aussi entreprise et donnera lieu à l’adoption de nombreuses lois qui réformeront le doit et les coutumes hindoues. On interdira les discriminations fondées sur le critère des castes. Le sort des femmes a été amélioré, avant le mariage était une donation de la future épouse faite par ses parents au futur gendre, l’épouse n’était que l’objet du mariage, le divorce était interdit et la polygamie tolérée. Désormais la polygamie est interdite en droit, le divorce est autorisé et les époux doivent consentir au mariage. En droit successoral, les femmes n’avaient pas de droit et avec le déclin de la propriété familiale qui autrefois protégeait les femmes, le droit des femmes à accéder à la succession de leurs proches a été reconnu.

Si le droit hindou est toujours applicable à la communauté hindoue qui vit en Inde, le droit hindou qui s’applique est désormais un droit renouvelé et unifié par rapport aux coutumes locales qui venaient autrefois compléter le dharma. Toutefois on peut dire que l’esprit du dharma n’est pas trahit, il s’est toujours accommodé des modifications qu’il subissait, ainsi ces altération font en fait partie de la nature même du dharma. Les gouvernements successifs font toujours référence à leur attachement au droit hindou.

Cependant ce droit ne reflète pas forcément la réalité sociale, ainsi les castes perdurent encore aujourd’hui, notamment dans les campagnes, il en est de même du sort des femmes qui subissent toujours des mariages forcés.

B. Le développement du droit Indien.

Il s’est peu à peu développé en marge du droit hindou, comme droit commun au territoire et à la population. Ce droit a été rendu au départ nécessaire en raison de l’existence de relations intercommunautaires. Ce développement a donc été désordonnés. Les provinces de Calcutta, de Madras et de Bombay était sous contrôle de cours royales sous influence du droit anglais. Le reste de l’inde, appelé Mofussil, échappait lui à l’influence droit anglais du fait d’une moindre présence des anglais.

En droit patrimonial de la famille et du statut personnel, on appliquait le droit hindou ou musulman selon les populations concernées. Dans les autres domaines, les cours avaient pour missions de statuer selon les principes de la justice, de l’équité et de la conscience. Si le juge le pouvait il s’inspirait alors de la coutume, du droit, hindou ou musulman, ou simplement selon son bon sens.

Vers 1830 on codifia le droit indien, l’objet étant d’adopter 3 codes ; un codifiant le droit hindou, l’autre le droit musulman et le dernier le lex loci (un droit territorial commun à l’ensemble de l’Inde et applicable lorsque les droits hindous et musulmans ne le sont pas). Ce dernier code étant inspiré largement du droit de Common Law. Ce projet ne va pas voir le jour, car le principe de la codification soulevait d’importantes objections, tant à l’égard des droits hindous et musulman, qu’à l’égard du droit censé s’inspirer du droit anglais. On s’est alors concentré sur la lex loci, et dans les années 1860 et 1870, un code de procédure civil, un pénal, et un de procédure pénale et un ensemble de lois (successions, contrats, preuves, trust) seront adoptés. Les dernières lois seront largement inspirées du droit anglais, et les juge se référeront à la manière anglaise d’appliquer les lois. Ces juges dans les cours royales étaient souvent des juristes de Common Law. Cela était aussi vrai dans le Mofussil, et c’est ainsi que le droit anglais s’y est développé, car, ici les juges vont se mettre à considérer que la référence aux principes de la justice, de l’équité et de la conscience (auxquels les juges devaient se référer à défaut), doit être comprise en référence au droit anglais.

Le droit (jurisprudence anglicisante) qui va ainsi se développer et apparaitre à certains égard comme plus moderne que le droit anglais lui-même. En effet si les codes et les lois s’inspirent du droit anglais, les juges vont l’adapter aux réalités de la société indienne, on l’assouplit là où il est trop rigide.

Les codes indiens vont aussi s’inspirer de droits étrangers, comme le code pénal qui est inspiré de son idem français

En dépit de ce caractère législatif, le droit indien reste un droit de Common Law, par les concepts et la terminologie qu’il utilise. La règle du précédent va être reçue et est applicable, même si cette applicabilité est plus flexible qu’en Angleterre. Ainsi la version indienne du précédent se rapproche de la version américaine plus qu’anglaise. La conception de la procédure, de l’administration de la justice et de la perception de la fonction judiciaire se rapproche de celle de la Common Law. Ici, il n’existe pas non plus de distinction entre droit privé et public.

L’accès de l’Inde à l’indépendance n’a pas altéré ce constat. Le droit en vigueur avant la décolonisation a été maintenu par la constitution de 1950. De nos jours, l’Inde fait toujours partie du Commonwealth, mais ce n’est pas un pays de Common Law comme les autres.

Les principales différences sont :

  • Le fédéralisme Indien, il est original du fait de la diversification et du peuplement de ce pays.
  • Il n’y a pas de véritable unité linguistique en Inde.
  • L’Inde n’adhère pas aussi dogmatiquement à l’idéologie libérale que les autres pays de Common Law, du fait de sa plus grande pauvreté et des civilisations plus collectiviste. Ainsi des penchants socialistes y sont assez prononcés.
  • On note aussi que l’inde n’a pas hésité à planifier son économie, ou à nationaliser certains secteurs de son économie. Il y eu aussi de grandes réformes agraires, qui ont exproprié de grands propriétaires et provoqué une redistribution des terres.

Conclusion :

En dépit d’une certaine uniformisation du droit Hindou et de la naissance d’un droit commun Indien, le droit de l’Inde continue de se caractériser par sa grande complexité. Le statut personnel des individus est variable selon la confession des individus, le droit religieux applicable peut être contredit par l’existence de coutumes contraires. Le fédéralisme génère de multiples autorités aptes à trancher et à gérer.

Ce droit est dit post moderne, car il a renoncé à toute prétention à l’universalité, il est le reflet de la société indienne. Vu la superficie du territoire et le nombre d’habitants, il n’est pas étonnant que ce droit soit complexe et protéiforme. Mais on constate qu’il est possible de faire cohabiter de façon assez harmonieuse des contraires, voire des droits hétérogènes. On s’aperçoit qu’il est aussi possible qu’une tradition juridique s’accoutume de coutumes contradictoires. Ce droit, nous apprend qu’il est possible de faire cohabiter tradition et modernité.