La tradition juridique Hindoue.
L’objet n’est pas le droit Indien, mais celui de la communauté Hindoue, celui des personnes qui adhèrent à cette religion, soit plus de 80% de la population Indienne, mais aussi des personnes qui vivent en dehors de l’Inde, dans le Sud-Est de l’Asie.
1) La distinction entre droit indien et hindou, résulte du fait que le droit hindou n’est plus la seule source de l’Inde. En dehors des questions de statuts personnels, des règles séculières s’appliquent et elles s’inspirent de la Common Law.
Pour le droit Indien en général, ce droit a une structure relativement complexe. Il va comporter des règles communes à l’ensemble de la population et dans d’autres manières, les règles vont varier en fonction de la religion de la personne considérée. Ainsi les Hindous vont avoir un statut personnel différent des autres.
L’intérêt à étudier ce droit se justifie par le fait qu’il s’agit d’une des plus anciennes traditions juridiques du monde, qui conserve une part de positivité (d’actualité juridique), de plus, même pour les domaines du droit hindou qui ne sont plus appliqués, cette perte demeure récente et son influence sur la mentalité juridique indienne est toujours visible. L’hindouisme reflète plus encore une conception globale du monde comme celle du comportement que les individus doivent avoir tout au long de leur vie.
2) La différence la plus frappante avec les religions juive, chrétienne, et musulmane c’est qu’il s’agit d’une religion polythéiste. L’hindouisme n’adhère pas à l’idée que l’homme a été fait à l’image de dieu, ainsi il n’y a pas d’égalité entre les êtres humains. Les hommes ne naissent pas libres et égaux en droit, mais avec un rôle bien déterminé à jouer en société, ils ont dès la naissance une place prédéterminée et inaltérable par la suite. Cette place qu’ils occuperont va déterminer leurs droits et devoirs respectifs. C’est le système des castes ou varnas.
Ces castes sont 4 :
- · Brahmanes : ceux qui enseignent.
- · Kshatriya : ceux qui protègent et combattent.
- · Vaishyas : ceux qui commercent.
- · Shudras : ceux qui servent.
Il y a aussi les intouchables, qui sont hors caste.
Il faut ainsi se marier dans sa caste, cette interdiction se justifie par la croyance en la réincarnation. On pense que la naissance est déterminée par sa vie antérieure.
3) Les sources du droit hindou.
Les Vedas : les textes fondateurs de l’hindouisme (connaissance). Il y en a 4, considérés comme la transcription directe des paroles des dieux ; on les nomme aussi les « srutis » (ce qui a été entendu). Ce sont des incantations révélées à des sages qui entrent en communication directe avec les dieux. Leur datation n’est pas précisément déterminée, mais on la situe entre -4000 et -1000. Ils constituent la base de l’hindouisme et du droit hindou. Il ne sont pas d’une grande utilité du point de vue juridique, car ils ne comportent que peut de règles de vie de conduite.
Les Sastras : textes qui énoncent les prescriptions sur la façon dont chacun doit se comporter. Il en existe 3 espèces relatives à la vertu, l’intérêt et le plaisir.
- Ceux fondés sur la vertu, c’est la science du Dharma (comment se comporter pour être juste).
- Ceux fondés sur l’intérêt, enseignent aux hommes l’art de s’enrichir. Pour les hommes qui ne sont pas marchands, ils enseignent le pouvoir de gouverner. C’est la science de l’Artha.
- Ceux qui enseignent la science des plaisirs, c’est le Kama Sutra.
La part de ces types de règles pour les personnes va différer selon la situation des personnes (en fonction du sexe, de la caste, etc.). les commerçants, par exemple doivent suivre l’Artha, les femmes le Kama.
Le Dharma (science du juste), est ce qui correspond le mieux au droit au sens occidental du terme bien qu’il en soit très éloigné. Il n’y a pas de distinctions dans l’hindouisme entre les normes sociales et juridiques. Il régit l’ensemble de la conduite des hommes, sans distinguer les obligations religieuse et juridiques. Il se fonde sur un ordre universel, immuable. Les normes vont ainsi dire ce qu’on doit manger, comment on doit se comporter. Il ne se limite pas à des prescriptions d’ordre juridiques, il prescrit des règles de morale ou encore de politesse (obligation de faire l’aumône), on y trouve aussi des règles successorales ou relatives au mariage. Il impose au souverain, aussi bien de visiter le temple que de garantir la sécurité publique.
Cette absence de distinction entre le droit et les autres normes sociales, se retrouve aussi dans les sanctions prévues. Il énonce les péchés et les pénitences. L’un des péchés le plus grave est le meurtre d’un brahmane, il se trouve sanctionné par un châtiment corporel, une amende, mais aussi par une exclusion sociale et religieuse, de plus le meurtrier sera réincarné en chien, en cochon, en chèvre ou en chameau.
- Les traités qui expriment le dharma sont nommés « dharma sastras», ils ont été rédigés par des sages et les plus connus sont les lois de manou (smritis de manou).
- Il y a aussi les lois de narada. Pour la plupart d’entre eux ils ont été rédigés entre -200 et +400. Il faut étudier l’ensemble de ces lois pour maitriser le dharma.
- Un livre nous intéresse plus particulièrement, le vyavahara; ce livre traite de l’administration de la justice, de la procédure et d’autres catégories de litiges qui relèvent du droit privé et pénal.
Le dharma comprend des régimes juridiques très élaborés et variés (adoptions, mariages, divorces, propriété, succession).
- Ainsi, la règle du « dam dou pat» vient limiter la règle des intérêts dans le cadre d’un contrat de prêt.
- La convention benani est proche de la fiducie ou du trust et est toujours de droit positif. Ce droit comporte aussi des propriétés familiales, il existe jusqu’à 8 espèces de mariages différentes. Ce droit riche est lié aux structures sociales indiennes.
Mais il n’y a pas de véritable droit des obligations. Le fait de payer sa dette est simplement considéré comme un devoir, en cas de défaillance on commet un péché mais il n’y a pas d’obligation au vrai sens du terme. Comme le droit Talmudique, le droit Hindou est fondé sur le devoir plus que sur l’obligation.
Le droit hindou traite de tous les aspects de la vie humaine, mais ce droit est tempéré, car il est appliqué de façon très souple, il y a une articulation flexible du droit religieux et de la législation.
D’autres ouvrages vont éclairer le sens parfois obscur des darma sastras, ce sont les nibandhas rédigés dès le VIIème siècle et pour la plupart d’entre eux entre le 11ème et le 18ème siècle.Ils varient d’une région à une autre, peuvent être particulières ou générales, mais on identifie 2 grandes écoles principales :
- L’école prédominante au Bengale, le Dayabhaga.
- L’école dominante dans le reste de l’Inde, le mitakshara
Le dharma est complété par des coutumes, qui peuvent même être contra legem ; elles varient selon les régions et parfois selon les castes. Les litiges sont réglés en vertu de ces coutumes par des assemblées, les Panchayat. Chacune de ces assemblées est composée de 5 membres qui statuent à l’unanimité. Il y un panchayat par village et parfois il y en a même plusieurs. Le panchayat recherche souvent une solution négociée, c’est lorsqu’on n’y parvient pas qu’on tranche de façon autoritaire. La sanction suprême prononcée par le panchayat est l’excommunication, c’est la mise au ban de la société, ce qui dans cette société est une sanction très forte et dissuasive.
Il y a aussi la raison et l’équité qui vont pouvoir venir combler les lacunes du droit, les dharma sastras invitent eux-mêmes les hommes à agir selon leur conscience en l’absence de règles de droit définies.
Quant à la législation et la jurisprudence, elles peuvent constituer des sources de droit au sens de l’artha, mais pas à proprement parlé au sens du dharma, car il appelle les hommes à suivre les seuls ordres légitimes du prince, cela valant pour les individus mais aussi pour les juges. Ces juges ne peuvent donc appliquer des ordres incompatibles avec le dharma. Inversement les juges n’ont pas d’avantage à suivre strictement le dharma, ils peuvent s’en écarter si les circonstances le justifient, pour peu qu’ils ne portent pas atteinte aux principes fondamentaux du dharma.
Il n’y a pas de hiérarchie univoque entre le droit positif et le dharma. A priori le droit positif doit l’emporter dans la mesure où les principes fondamentaux du dharma ne sont pas atteints.
Les décisions judiciaires sont ainsi le plus souvent casuistiques. On vérifie que l’atteinte qui pourrait être portée au dharma demeure tolérable, sinon c’est le dharma qui prime. Cela limite le rôle de la jurisprudence en tant que source du droit hindou.