DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Le droit international regroupe deux principales formes, il s’agit du droit international privé et du droit international public. Alors que le premier régit les échanges entre des agents économiques issus du monde de l’entreprise principalement, le second intervient entre les Etats.
Le droit international public est l’ensemble des règles applicables aux Etats et autres sujets de la société internationales, telles que les organisations internationales, les ONG (ex : les résolutions de l’ONU, la guerre, les coutumes internationales etc.. .). Voici le plan du cours de droit international public :
Introduction au cours de droit international public
- Droit international public
- Le règlement juridictionnel des différends (arbitrage, CIJ)
- Le règlement non juridictionnel des différends internationaux
- Le règlement pacifique des différends internationaux
- L’effet direct du Droit International
- La primauté du droit international sur le droit interne
- Conditions de l’intégration du droit international en droit interne
Le Droit international public occupe une place à part sur l’échiquier politique. Il relève d’une logique qui lui est propre. Il ne faut pas confondre le Droit international public avec le droit communautaire. Il faut également le séparer du droit interne : le droit interne est un système centralisé et donc monopolistique, puisqu’il est monopolisé par l’État. Le droit interne est un droit qui repose sur la contrainte. Ex : une infraction implique une sanction. En Droit international public, c’est différent car l’État est jugé que si cet État y consent, s’il l’accepte. Tous les États sont souverains et ils font ce qu’ils veulent.
- « Tous les hommes naissent égaux mais certains sont plus égaux que d’autres ».
- « Tous les États naissent égaux mais certains sont plus égaux que d’autres ».
Essai de définition du droit international public
Le Droit International sans adjectif renvoie au Droit international public. Si on souhaite parler de Droit International privé, il faut préciser avec l’adjectif privé. Ce Droit International privé, c’est plusieurs droits internes que l’on confronte.
Le Droit international public vient d’une dénomination anglaise ; « international law »= law of Nations. Auparavant, le Droit international public était désigné par des expressions latines. En Droit international public, on trouve beaucoup d’expressions latines. On parlait de Jus Gentium. Il s’agissait de la partie du droit romain qui s’appliquait aux étrangers : gens faisant référence aux gens mais dans le sens de peuple. Au 17ème siècle on est passé de jus gentium à jus gentes, c’est à dire le Droit qui s’applique entre les peuples. Cela procède d’une nouvelle dimension donné au Droit international public. Par ailleurs souvent on dit que le Droit international public est le droit des Relations Internationales.
Le concept de relations internationales
La définition juridique est une définition consubstantielle, qui est liée à la notion même de Droit international public. En effet elle repose sur un critère organique car on se réfère aux organes = aux sujets = aux acteurs pour parler du Droit international public.
Les organes, les acteurs du Droit international public sont les États et les organisations internationales composées d’États (depuis le 19éme siècle). Les Relations internationales ce sont les relations des Droits Internationaux, relations qui ne sont pas placées sous un droit interne, qui ne relèvent pas d’un droit interne ou d’un droit unique. Les RI, c’est tout ce qui échappe au cadre de l’État, à la compétence territoriale et personnelle (sur ses citoyens).
Les individus, les personnes privées n’existent pas en DI. Le Droit international public ne voit que les États et les organisations internationales. En principe, le Droit international public ne nous concerne pas. Cela dit, il y a des relations qui dépassent le cadre d’un seul État mais qui font intervenir des personnes privées. Ce sont des relations qui font intervenir un élément d’internationalité mais ne concernent pas le DI. Cela vient de l’anglais « transnational law ». Il y a un élément d’internationalité. On parle de relations transnationales.
Exemple : une société multinationale passe un contrat avec un État Y dans le but de s’implanter : il s’agit d’un contrat international. L’entreprise va vouloir user des ressources de l’État et va vouloir imposer des relations de droit privé, au contraire l’État va vouloir imposer des relations de droit public. Dans cet exemple, il ne s’agit pas de Droit International car on est face à un organe privé en contrat avec un État.
Exemple : La multinationale qui, ayant une nationalité X, va vouloir malgré cette nationalité se délocaliser dans un État Z. Tout ceci est la conséquence de la mondialisation.
Cela va de pair avec la libre circulation des marchandises, des informations ou encore des personnes. La mondialisation impacte également sur l’activité des mafias. C’est un des aspects négatifs que la mondialisation à du mal combattre. Par opposition, il y a également des aspects positifs de la mondialisation comme l’action des ONG dans le domaine humanitaire ou environnemental puisqu’ils font pression sur les États et les poussent à agir. Mais ce n’est pas du Droit international public. Ce sont des relations avec un élément d’internationalité, cela démontre simplement que les droits internes s’articulent entre eux. Ce type de relation fait intervenir des sujets de droits internes.
Le sujet de droit, c’est celui qui a la personnalité juridique dans un système donné.
En Droit international public, on ne va prendre en compte que les relations qui s’appliquent entre sujets de Droit international public c’est à dire les États et les organisations internationales. Pendant des siècles, les seul sujets on été les États, c’est pourquoi on dit que les États sont des sujets primaires (car ce sont les premiers sujets du DIP) et originaires (car ils ont fait naître le DIP) du Droit international public. Il faudra attendre 1945 pour que l’ONU, qui est une organisation internationale, puisse acquérir la personnalité de Droit international public.
Par conséquent les relations internationales s’exercent entre États, entre organisations et entre un État et une organisation. En Droit international public les organisations, sont appelés OIG (organisations inter-gouvernementales). C’est faux que de croire que les ONG sont des sujets de Droit international public.
Le Droit international public
Le Droit international public est un droit qui a vocation à régir le DI. Il s’agit d’un droit différent des autres. En effet tous les États sont souverains et ils sont égaux dans cette souveraineté. Par conséquent le Liechtenstein aura le même poids que les USA au Conseil des Nations-Unies. Il n’y a au-dessus des États aucune entité supérieure. Expliquer cela permet de comprendre la question de la Syrie. Par ailleurs l’ONU n’est pas un super-Etat.
Le Droit interne par opposition au Droit International est un droit vertical car c’est un droit qui s’impose aux sujets, aux citoyens de l’État. Le Droit International est un droit horizontal car le droit ne peut émaner que de la base. Le Droit international public est une structure décentralisée, sans pouvoirs de contraintes et on ne retrouve pas en Droit international public ce que l’on retrouve en droit interne : le Pouvoir Exécutif, le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Judiciaire.
Il n’y a en effet pas de Pouvoir Législatif puisqu’il n’y a ni lois ni procédure législative. Les règles émanent de deux sources en Droit international public : les traités et les coutumes. Concernant les coutumes : en droit interne, la coutume a tendance à disparaître au profit d’une loi ou d’une règle codifiée. En Droit international public, une coutume n’a pas vocation à disparaître et elle va avoir un poids supérieur à la loi. C’est notamment vrai en droit de l’environnement.
Il n’y a pas non plus en Droit international public, de Pouvoir Judiciaire. Il existe une fonction judiciaire mais encore faut-il que les États reconnaissent cette fonction judiciaire, sinon aucune marge de manœuvre n’est possible. En Droit international public, il y a nécessité d’être consensuel. En effet le Droit international public est un droit consensuel, volontariste. Il naît d’un consensus, d’un compromis.
Il y a néanmoins un point commun entre Droit international public et Droit interne, c‘est que le Droit est un système de paix sociale. Pourquoi crée-t-on des règles de Droit ? Pour avoir la paix sociale. C’est vrai en droit interne, c’est vrai en droit international. Tout système a besoin de règles. Ces règles servent à juridiciser les relations entre les individus/États et donnent lieux des règles juridiques. L’auteur des règles est celui qui va également subir les règles. Là, c’est le même qui crée la règle qu’il s’applique à lui-même. Ce phénomène de double casquette, c’est le dédoublement fonctionnel ( Voir Georges Selle). On a une sorte de diffraction. Le problème, c’est que selon le moment et la casquette que cet acteur endosse, il n’adopte pas toujours la même attitude vis-à-vis des règles.
Exemple : en droit de la mer, il existe deux types d’États. L’État côtier et l’État qui cherche à faire des profits économiques et qui est l’État pavillonnaire. Si il y a des poubelles aux abords des côtes de l’État côtier, ce dernier souhaitera que l’on applique des règles environnementales strictes. Inversement si ce même État est également l’État pavillonnaire et qu’il laisse traîner ses poubelles auprès d’une côte d’un autre pays, il préférera que les règles soient plus souples. Double casquette. C’est le cas de la GB ou encore des USA.
Le Droit international public ne peut exister et s’imposer aux États que si les règles de Droit international public sont acceptés par ces États. Il faut donc que les États considèrent ces règles comme suffisamment acceptables.
Le Droit international public est un ordre juridique différent du Droit interne. Il a de tout temps existé des pensées, des théories négationnistes disant que le Droit international ce n’est pas du droit ou pire qu’il n’existe pas. Cela est plus fréquent chez les politistes et chez les juristes internistes. L’un des arguments les plus fréquemment utilisés c’est de dire que ce n’est pas du droit car les règles ne sont pas de vraies règles car elles sont tout le temps violées.
Argumentation de la prof : la raison même d’une règle de Droit, c’est qu’elle peut être violée. Si une règle n’est pas susceptible d’être violée, alors elle n‘existe pas. Par ailleurs en Droit interne comme en Droit international public, les règles sont également violées. Toute règle de Droit est transgressée.
En Droit international public, il est interdit de recourir à la force. Mais on se rend compte depuis 1945, que si un État recourt à la force, il se justifie en disant que c’est une exception, que c’est de la légitime défense voire de la légitime défense préventive (voir USA contre Irak). Mais si un État se justifie par des règles juridiques, c’est qu’il reconnaît ces règles. Si c’est un État très important, on a tendance à laisser faire. Cela rappelle les personnes riches ou de pouvoir en droit interne.
Approche théorique du droit international public
Le droit est supposé être une science, mais ce n’est pas une science exacte. En Droit, il n’y a pas de vérité objective, le Droit est subjectif. Les vérités ne sont pas objectives mais subjectives, elles sont relatives, évolutives et contingentes. Cela n’est pas vrai ailleurs et en d’autres temps.
La doctrine en Droit international public : historiquement elle a joué un rôle très important. Il faut faire une différence entre la doctrine académique et la doctrine finalisée.
Il existe de principaux courants de pensées : la doctrine classique (plus conservatrice) et il y a ce que l’on appelle le renouveau théorique.
Comment l‘importance de la forme conduit à un intégrisme juridique ? peu importe le contenu du droit.
Il y un minimum de contrôle de conformité des normes. En DI, il y a un système de contrôle qui est structurant. C’est le contrôle de conventionnalité ? Cette théorie fait partie du droit positif depuis un traité 1969. Convention de Genève de 1969 : obligation du contrôle de conventionnalité. En droit interne comme en Droit international public, le positivisme n’est plus conforme à la réalité. Le but des théories est d’expliquer le pourquoi des règle de Droit. Les positivistes n’expliquent pas le Droit. Il l’explique uniquement par des formes. Les États vont adhérer uniquement aux règles auxquels ils consentent. Finalement, cette explication uniquement formelle n’est pas satisfaisante. Ceux qui y adhérent le pensent. Le positivisme est le courant de pensée majoritaire en Droit international public en France.
L’autre théorie : c’est les idéalistes
La doctrine classique du droit international public
Le formalisme juridique
Courants doctrinaux en droit international
Positivisme : l’importance donnée à la forme dans laquelle les actes sont adoptés conduit à considérer que seule la forme compte, et que le contenu des actes juridiques importe peu. C’est contredit par les règles de Droit qui imposent un minimum de contrôle de conformité des normes à des règles supérieures. En Droit international, on a un système de contrôle avec des règles à respecter, si le traité y est contraire il est considéré comme nul et inexistant. Cette théorie contredit la doctrine de l’ultra positivisme qui dit que tant qu’il y a la forme d’un traité, il faut le respecter, peu importe le contenu. Les doctrines du positivismes ne sont pas conformes à la réalité, mais elles perdurent. Le but des théories du droit est d’expliquer le fondement de la règle de Droit, et force est d’admettre que les positivistes n’ont pas réussi à expliquer le fondement parce qu’ils l’expliquent par un fondement de forme.
Au final, cette explication uniquement formelle n’est pas satisfaisante, mais cette doctrine est la doctrine dominante en droit international.
Les objectivistes ne regardent que le fond, au contraire. Le droit d’après eux peut permettre un bon fonctionnement social. Dès que le droit a deux types de composantes, la forme et le fond, il faut l’expliquer en prenant en compte la forme ET le fond, et pas l’un ou l’autre. Mais les deux écoles de pensée se sont rigidifié, et se focalisent sur ce qui les différencie.
L’idéalisme juridique
Il faut contrôler le contenu du droit car il doit respecter la structure sociale et les êtres humains auxquels il se destine. Les objectivistes axent le contenu du droit sur les considérations morales qu’il doit satisfaire. Ils vont chercher le fondement du droit dans ces considérations de finalité morale. Ils vont raisonner par rapport à l’aspect matériel du droit, à son contenu. Ils vont prendre en compte des critères de morale, de valeur sociale des règles. C’est irréaliste, car le droit n’est pas ce qu’on souhaite qu’il soit. Le tort de cette doctrine qui s’est bâtie pour contrer le positivisme est de ne pas du tout tenir compte de la forme, et de relativiser le rôle de l’État et de sa souveraineté. Il ne peut pas y avoir de règle de Droit si les États souverains n’acceptent pas la règle. Si la règle n’est pas inscrite dans un Traité, ce ne sera pas une règle de Droit. Il y a deux courants de pensée :
- Courant du droit naturel (jus naturalistes) : idéalisme métaphysique soit d’origine rationaliste soit d’origine religieuse. Aristote (rationaliste), Saint Thomas D’Aquin (religieux). Le droit internationam a été développé par les premiers théoriciens du droit naturel. École espagnole du droit naturel (Vitoria). Ils commencent à expliquer le droit pas des considérations qui ne sont pas religieuses. Grotius.
20Ème siècle : rénovation du droit naturel, c’est le jusnaturalisme. On entend fonder le droit international sur un ordre rationnel de morale humaine et de valeurs sociales. Il y a dans la société des principes objectifs qui s’imposent à tous, qui sont transcendants et qui sont antérieurs et supérieurs aux États, il faut donc que les États les respectent quand ils adoptent des règles (ex : valeur de la vie humaine, les États ne devraient pas édicter des lois qui portent atteinte à la vie humaine). Ce sont des principes antérieurs aux États : les règles du droit naturel seraient donc intangibles ? La valeur de la vie humaine est consacrée à notre époque, mais il y a plusieurs siècles la vie humaine n’avait aucune valeur, ce n’est donc pas intangible (ex : esclavage).
- Objectivisme sociologique : il s’oppose au droit naturel qui est figé. Ce courant est français → Léon Duguit, et G. Celle (??). Le droit se définit par rapport à la société à laquelle il va s’appliquer, et chaque société a un droit naturel qui lui est propre et qui est dynamique. Le droit applicable à un moment va se définir par référence à ce droit naturel propre à chaque société, parce que ce qui va faire émerger des règles de Droit, c’est les contraintes sociales et les attentes sociales des individus. Ces règles vont assurer la cohésion du groupe puisque chacun va pouvoir être protégé au sein du groupe par les règles de Droit. Objectivisme sociologique : la détermination des règles repose sur une étude sociologique des attentes sociales de la société. L’État est un cadre mais les seules entités à prendre en compte sont les individus, ils nient l’importance de la souveraineté de l’État : la pression sociale va faire naître des règles qui s’imposeront à la souveraineté de l’État. L’État est une fiction juridique, il n’existe pas, seuls les individus sont sujets de l’État en droit interne et en droit international. Le droit va s’imposer aux États, indépendamment de leur volonté. C’est irréel : l’État existe et c’est de l’État qu’émanent les règles de droit.
Ces doctrines ont le défaut inverse du positivisme : elles ne regardent que le fond : il suffirait que les individus souhaitent qu’une règle s’applique pour qu’elle devienne une loi.
Il faut concilier les doctrines.
Un renouveau théorique
Une approche réaliste
La réalité n’est pas seulement juridique, elle est aussi sociologique → socio-juridique. Les grands courants de pensée n’expliquent pas cette réalité car ils n’expliquent qu’une partie d’un système qui est binaire. Ni le formalisme ni l’idéalisme ne peuvent expliquer le Droit, car le Droit est une forme et un contenu. Une explication de ce qu’est le Droit doit reprendre ces 2 dimensions du Droit. Ces deux doctrines se prétendent être des vérités. Le positivisme a en partie raison : le Droit doit correspondre à des formes qui respectent le consentement de ceux qui valident la règle. Le formalisme est une garantie qui empêche de se voir imposer des règles auxquelles on n’a pas consenti. Mais les règles doivent remplir une finalité : il faut garantir la paix sociale. Les règles de Droit doivent organiser les relations entre les sujets (première fonction) pour éviter qu’il y ait des conflits (garantie de la paix sociale : deuxième fonction). Le contenu des règles est donc important aussi. Il y a des choses qui ne peuvent pas être rendues obligatoires par un acte juridique.
Un volontarisme revisité
Ce qui différencie le droit international du droit interne, c’est qu’il est issu sur une base volontaire (le consentement des sujets), qui sont à la fois les créateurs de la règle et ceux à qui la règle s’applique. C’est le consensualisme / volontarisme. Le volontarisme étatique, c’est le fait que le droit naisse de la volonté des États souverains. Le volontarisme caractérise le droit international, et il est nécessaire. L’existence d’un ordre de contrainte supposerait la disparition des États souverains. Il ne faut pas que leur pouvoir se trouve concurrencé par d’autres pouvoirs. Ce qui fait la spécificité du droit international, c’est aussi ce qui fait sa raison d’être en tant que système d’organisation des relations internationales. Les souverainetés sont nécessaires. La nécessité des consentements étatiques est une garantie du fonctionnement du système. Le volontarisme explique le caractère obligatoire du Droit : les États qui y ont consenti vont considérer ce Droit obligatoire. Quand l’État crée la règle, il pense au bénéfice qu’il va retirer de la règle quand il va l’imposer aux autres. À l’inverse, quand la règle lui est imposée, il essaie souvent de la détourner.
Le consentement de l’État est présent à tous les stades de la vie juridique : quand l’État crée la règle, et quand il l’applique. C’est le dédoublement fonctionnel. Il y a un bloc de supranormativité : il y a des principes dont on considère que l’État ne peut pas les transgresser (interdiction de faire la guerre, du génocide, de l’esclavage). Les positivistes ultras considèrent que ces principes n’existent pas. Le jus cogens, donne l’idée d’un droit au dessus du droit, plus qu’obligatoire, des règles ou principes impératifs. Ce jus cogens est imposé par le Traité de Vienne de 1969, qui n’a pas été signé par la France (qui considère que le jus cogens n’existe pas).
La volonté des États est encadrée par le fait qu’ils ne peuvent pas aller à l’encontre de certaines règles qui bénéficient d’une légitimité sociale internationale. À l’échelle de la société internationale, elles paraissent légitimes.
Le volontarisme a favorisé l’émergence d’une nouvelle dimension du droit international.
Dimension historique
Il y a des auteurs qui considèrent que cette évolution est relative et continuent d’avoir une vision du Droit centrée sur l’Europe.
La conception historique du Droit International
- Un courant de pensée pour lequel le droit international est une création moderne (16ème siècle) et l’apanage historique du continent européen. Le système se perpétue à travers la domination de l’Europe sur le reste du monde. Le droit international serait apparu avec les États souverains.
Vision tronquée historiquement : on ne prend pas compte de ce qui était avant le 16ème siècle, alors que de grands mécanismes juridiques sont antérieurs à cette époque. C’est une vision orientée politiquement car elle assimile le droit international à la civilisation européenne. C’est une vision réductrice car le droit international ne se limite pas à l’échelle européenne.
- Un autre courant de pensée pense que le droit international vient des sociétés où des être humains entrent en contact les uns avec les autres, peut importe la forme de l’État souverain, il y a une égale souveraineté de tous les États. L’histoire du droit international est liée à l’évolution des civilisations, parce que le Droit est un des éléments qui fondent une société.
L’évolution historique du Droit international
Les relations internationales existent depuis que les êtres humains se sont groupés, civilisés. On fait remonter le début de l’apparition du droit international à -3000 av JC, avec un Traité mésopotamien, un traité de frontière dont les principes directeurs resteraient valables aujourd’hui en Irak. Plusieurs périodes :
→ Une période antérieure au 16ème avant l’apparition de l’État au sens moderne.
→ Une période commençant avec les temps modernes et qui voit l’apparition d’un système juridicisé entre les États européens.
→ Il y a une 3ème période qui commence en 1838 avec la paix de Westerly, on redistribue les cartes entre les États. Cela va durer jusqu’à la période napoléonienne.
→ Quatrième période : on voit apparaître les grands principes et structures qu’on connaît aujourd’hui, les organisations internationales, on doit régler les différends pacifiquement, on doit encadrer le recours à la guerre. Sous la pression des opinions publiques, les États vont commencer à prendre en compte le fait qu’il faut encadrer le recours à la guerre.
→ La rupture, c’est la seconde guerre mondiale : même si pendant l’entre deux guerres il y a eu la SDN, 1945 sert de rupture sur le plan théorique et sur le plan pratique : mise en œuvre de l’ONU, interdiction du recours à la force dans la société internationale, adoption des conventions contre le génocide. C’est la mise en place du système dans lequel on vit aujourd’hui. La Guerre Froide a apporté des évolutions.
Annonce du plan :
Partie 1 : la dimension structurelle
(Sur le plan organique et sur le plan formel)
Partie 2 : la dimension téléologique (quel est le but du droit international?).
Première partie : la dimension structurelle
Elle est consubstantielle au droit international car c’est ce qui fait sa spécificité. Cette structure est différente de celle du droit interne.
Les sujets du Droit international public
Les États ont de moins en moins de prise sur la vie internationale.
Les États souverains
La souveraineté est l’attribut fondamental de l’État, il n’y a pas d’États qui ne soient pas souverains, et il n’y a pas d’entités souveraines autres que les États. On est souverain à l’intérieur sur ses sujets (droit constitutionnel, administratif, etc), et on est souverain à l’extérieur, c’est la souveraineté de l’État (droit international). Dans l’ordre international, l’État a souvent été le seul acteur, et on a juste récemment vu apparaître les organisations internationales (20ème siècle), et l’État a donc perdu son monopole. L’État joue un rôle prédominant car il crée et compose les organisations internationales. Il y a aujourd’hui d’autres sujets mais les États y occupent une telle place qu’il y a d’autres sujets principaux. Il y a l’État sujet et l’État acteur.
L’État, sujet du Droit International
Il y a aujourd’hui 193 membres de l’ONU, il pourrait y en avoir bientôt 194 avec le Kosovo. L‘État est une organisation politique dotée d’une capacité d’agir sur un territoire donné vis à vis d’une population donnée. Ce sont les éléments constitutifs de l’État (territoire, population, pouvoir politique).
Les éléments constitutifs de l’État
Commission d’arbitrage pour la paix en Ex-Yougoslavie, avis n°1 29 novembre 1991 – Dissolution de la Yougoslavie : « Dans l’ordre international, l’État est communément défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé qui se caractérise par la souveraineté. »
Le territoire
Tous les États possèdent un territoire, mais il est de dimension et de contexture variable. L’espace territorial se compose d’au moins 2 éléments : espace terrestre et espace aérien, au dessus du territoire terrestre. Certains États ont en plus un espace maritime. Aujourd’hui, avoir un territoire maritime est un avantage car on peut exploiter les ressources maritimes.
L’espace terrestre
Le territoire terrestre
Les composantes du territoire terrestre
- Le sol et le sous-sol, les États peuvent donc disposer de toutes les richesses qu’ils contiennent : c’est là qu’on trouve le gaz, le pétrole, le charbon, les matières premières qui sont économiquement valorisées (or, etc) ;
- Les terres émergées;
- Les voies d’eau naturelles : fleuves, rivières, et les canaux (voies d’eau artificielles).
- Les mers fermées: Mer Morte, Mer Caspienne, Mer d’Aral. Sous les mers fermées il y a de grandes richesses, mais les règles de délimitation des frontières en mer ne s’appliquent pas dans les mers fermées.
- Des espaces maritimes qui sont géographiquement des mers mais qui juridiquement, sont considérés comme des terres : les eaux intérieures. Ce sont les eaux qui baignent les côtes d’un État : on trace la « ligne de base », qui marque la frontière entre la terre et la mer. Ces eaux intérieures comprennent les ports, les baies, les rades. L’État côtier est souverain comme sur la terre. Mais comme l’espace est mobile, ça ne se gère pas de la même façon que la terre. On parle parfois du « territoire maritime de l’État », ou de « mer nationale ».
L’importance du territoire terrestre
La configuration même du territoire terrestre conditionne le statut de l’État en droit international et sa place / son rôle dans les relations internationales. Le climat, l’hydrographie, la situation géographique de l’État sont déterminants pour définir l’importance de l’État. Le principal paramètre est la dimension du territoire, elle permet de déterminer les possibles de ressources. Il y a différentes catégories d’États :
- Les grands États : Chine, USE, Canada, Russie, Australie, Brésil, Inde. Il n’y en a aucun en Europe. Ce sont des États fédéraux.
- Les États moyens ou petits : États européens.
- Les États d’une très petite taille, qui ont longtemps été tenus à l’écart des relations internationales et avaient un statut inférieur en droit international : les micro-états ou États Lilliputiens. Ils ne pouvaient pas être membres des organisations internationales. Monaco, San Marin, Andorre, Liechtenstein. Des îles du Pacifique sont apparues dans les années 70-80 : Nauru (21km²), Tuvalu (15km²). Ces îles vivent de la pêche et du tourisme, et sont en grande difficulté. Les îles Fidji, Cap Vert. On les empêchait de rentrer à l’ONU sous prétexte qu’ils n’avaient pas les revenus suffisants pour payer les cotisations, c’est au faux prétexte puisque la cotisation est calculée en fonction du revenu. Ces micro-états ont historiquement une relation particulière avec un pays voisin qui exerçait un protectorat. Jusqu’en 2002, la France s’occupait des relations internationales de l’État de Monaco. Andorre est une co-principauté : deux princes (Président de la République Française et un évêque).
Le territoire terrestre est généralement d’un seul tenant, mais ce n’est pas forcément le cas. Avant 1972 (création du Bangladesh), le Pakistan était considéré comme un territoire, alors qu’il était coupé en deux par l’Inde. Le territoire terrestre peut aussi être en plusieurs morceaux parce qu’il n’est pas forcément métropolitain (France / TOM). Le territoire peut ne pas être forcément continental (France / Corse). C’est un handicap : grandes difficultés de communication, de cohérence.
- Il y a aussi des États dont le territoire terrestre est composé uniquement d’îles : un État insulaire (Malte, Chypre). Le Royaume Uni, le Japon, les Seychelles, l’île Maurice sont des États insulaires. Il y a une Alliance des États insulaires en développement, ils sont sensés avoir un traitement à part.
- Il y a également les États archipels. Le texte fondamental en matière de droit de la mer a été adopté le 10 décembre 1982, c’est une convention dont la négociation a duré près de 15 ans. Une partie de cette Convention concerne les États archipels, qui ont un régime spécial, des avantages juridiques sur la mer. Il faut être un ensemble d’îles, mais il y a des conditions politiques, économiques, il faut avant tout que l’archipel corresponde à un État indépendant. Les îles ne doivent pas être trop éloignées. Indonésie, Philippines, Îles Fidji.
C’est à partir de leur relation à la mer que le droit international distingue d’autres catégories d’États en leur accordant un statut juridique particulier :
- États sans littoral / États enclavés (43 dans le monde) : le non accès à la mer est un facteur pénalisant sur le plan du commerce, de l’industrie. Ils ont le droit de passage sur le territoire des États qui s’intercalent entre eux et la mer. Ils doivent conclure des traités avec ces États. Convention de Montego-Bay en Jamaïque définit le statut particulier de ces États.
- Elle donne aussi un statut particulier aux États géographiquement désavantagés dans leur relation à la mer. Ce sont les États qui se proclament géographiquement désavantagés (Belgique, pays du Golfe Persique, Grèce, Turquie), c’est subjectif.
Les frontières terrestres
La délimitation du cadre spatial se fait par des frontières qui fixent les limites de la souveraineté. Une frontière est une ligne séparatrice des souverainetés et des compétences étatiques et elle délimite où commence et où s’arrête la souveraineté de l’État. On emploie le terme « frontières » pour les espaces terrestres et maritimes. Le droit international distingue la délimitation et la démarcation.
- Délimitation: procédé juridique de détermination de la frontière (on fixe juridiquement où passe la frontière, les deux États font un accord).
- Démarcation : procédé technique matériel (matérialisation sur le terrain par bornage ou abornement). C’est délimiter concrètement, sur le terrain, les frontières.
La délimitation doit se faire par voie conventionnelle, mais ce n’est pas toujours le cas.
La délimitation par voie conventionnelle :
- Elle se fait par un traité de frontière: c’est la délimitation de droit commun. Ça fait environ 5000 ans que l’on sait faire des traités de frontière. La frontière fait l’objet d’un accord entre les États, avec des négociations. Les États concluent un traité qui fixe la frontière. Cela suppose une ratification par les États. Le Traité peut porter sur la délimitation des frontières terrestres, ou des frontières terrestres et maritimes. Cela peut être aussi des dispositions relatives aux frontières dans un traité plus général. Parfois, un juge peut trancher un litige entre les deux États, qui devront reprendre les négociations pour fixer la frontière (le juge peut la fixer lui même ou simplement donner des consignes). Souvent, la frontière est reportée sur une carte.
Les traités de frontière ont un statut juridique spécifique car ils doivent garantir la stabilité et la pérennité des frontières :
Ex 1 : Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités entre États – art 62 sur le changement fondamental de circonstances : si un tel changement apparaît dans un traité, on peut remettre en cause le traité. Mais il y a une exception : dans le traité de frontière, même si les conditions changent, il ne peut pas être remis en cause.
Ex 2 : Convention de Vienne de 1978 sur la succession d’États en matière de traité : un État, quand il accède à l’indépendance, peut faire table rase des traités passés avant son indépendance, SAUF des traités de frontière.
- La typologie des frontières: lorsqu’ils fixent leurs frontières, les États peuvent prendre en compte tous les éléments qui leur semblent pertinents : géographie, histoire, arbitraire.
- Frontières naturelles : elles sont fixées par rapport à des données physiques :
→ le relief (frontières orographiques), on utilise une montagne pour fixer une frontière (les Pyrénées fixent la frontière entre la France et l’Espagne). Historiquement, un État accepte une situation pénalisante parce que c’est dans le cadre d’un rapport de force historique, ou une contrepartie. Soit la frontière suit la ligne des crêtes (sommet le plus élevé qui est à cheval sur les 2 États), soit la frontière va être fixée au pied de la montagne dans la vallée.
→ l’hydrographie (Rhin entre la France et l’Allemagne). Soit la frontière est fixée le long de la rive de l’un des États, donc l’autre État a toute la souveraineté sur le fleuve, c’est très défavorable pour l’État qui n’a aucune souveraineté sur le fleuve ; soit la frontière est au milieu du fleuve, à équidistance, mais si le fleuve est navigable, il est rare que le chenal de navigation se trouve au milieu du fleuve, il est généralement plutôt d’un côté, ça crée des problèmes de navigation ; soit la frontière est fixée en suivant le thalweg : le point le plus profond du chenal de navigation, et on coupe le chenal de navigation au milieu.
→ un lac sépare plusieurs États (France et Suisse avec le lac Léman, Ouganda, Kenya et Tanzanie avec le lac Victoria) : soit on fixe la frontière sur une rive, soit avec équidistance, soit on essaie de répartir le potentiel de navigation de manière équitable.
- Frontières artificielles : elles sont fixées sans qu’on prenne en compte aucun élément naturel. Elles résultent soit d’un parallèle géographique (un méridien) soit d’une ligne droite. On retrouve ces frontières sur les continents américain et africain parce qu’en Europe et Asie on a utilisé des frontières soit géographiques, soit historiques. Les frontières artificielles sont arbitraires, et elles résultent de la colonisation (c’était les frontières que des colonisateurs avaient tracé entre eux), ça peut aussi être des frontières administratives d’États qui sont par la suite devenus indépendants. Que ce soit sur le continent américain ou dans les anciennes colonies, les frontières ne tiennent pas compte des intérêts locaux ou de la population. Lors de leur accession à l’indépendance, les États d’Amérique Latine ont décidé de ne pas remettre en cause ces frontières, ils vont les reprendre pour ne pas créer de conflits. Les États africains en ont décidé de même. Ils ont ainsi appliqué le principe de l’uti possidetis: uti possidetis, uta possideatis : tu continueras de posséder comme tu as possédé, c’est le principe de l’intangibilité des frontières. Beaucoup d’États d’Europe de l’Est ont également décidé de faire pareil, mais ça a donné lieu à des guerres. En théorie, pour la stabilité du droit, il vaut mieux utiliser l’uti possidetis, mais il va à l’encontre du droit des peuples à décider d’eux-même, et cela mène à des guerres, à des génocides (ex : guerre en ex-Yougoslavie, Rwanda). On ne peut pas appliquer ce principe dans toutes les circonstances.
La délimitation par voie juridictionnelle :
- Voie arbitrale : tribunal arbitral créé pour régler le problème.
- Juridiction internationale permanente : Cour Internationale de Justice (La Haye), Tribunal International du Droit de la Mer (Hambourg). On demande au juge de fixer la frontière ou les règles qui permettent de fixer la frontière.
- On peut utiliser l’uti possidetis en mer également. Il y a de moins en moins de questions de frontières terrestres, il reste seulement des ajustements. La majorité des conflits de frontière sont maritimes.
L’espace aérien
Il faut partie du territoire, mais sa délimitation pose problème en altitude, avec l’espace extra-atmosphérique.
La délimitation de l’espace aérien
Délimitation horizontale
L’espace aérien est l’espace sur-jacent au territoire terrestre de l’État et à la partie de l’espace maritime sur lequel l’État exerce sa souveraineté. Il est difficile de matérialiser les frontières aériennes.
Délimitation verticale
C’est une question délicate, parce qu’il faut distinguer entre espace atmosphérique (espace aérien, là où évoluent les aéronefs (avions)) et l‘espace extra-atmosphérique (l’espace dans lequel évoluent les satellites artificiels et militaires). Il n’y a pas d’accord entre les scientifiques sur la limite. Pour certains, c’est la zone à partir de laquelle les satellites tournent autour de la Terre, pour d’autres il faut limiter avec la zone des vols sub-orbitaux, à environ 100km, au-delà de laquelle c’est des vols spatiaux. Les juristes considèrent qu’aucun État ne peut prétendre en vertu de sa souveraineté avoir le droit de fixer lui-même unilatéralement la limite de son espace aérien. On considère que sont soumises au droit aérien les activités qui prennent appui sur l’air (aéronefs), et sont soumises au droit extra-atmosphérique, les activités qui n’utilisent ni l’oxygène de l’air comme comburant ni les courants atmosphériques pour naviguer.
Le régime juridique de l’espace aérien
Sur le plan juridique, l’espace aérien (le territoire aérien) est soumis de façon absolue à la souveraineté de l’État. Cette règle date de 1919. Les États exercent un contrôle rigoureux sur leur territoire, ils sont libres d’autoriser, d’interdire ou de réglementer le survol de leur territoire, sous réserve de respecter le droit conventionnel en vigueur en matière de navigation aérienne et les compétences de l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale). Les aéronefs civils vont bénéficier de 2 libertés techniques et de 3 libertés commerciales :
Libertés techniques :
- Droit de survol ;
- Droit d’escale technique.
Libertés commerciales :
- Transport des passagers ;
- Transport du fret ;
- Transport du courrier.
Au dessus de la mer, il y a un espace aérien international dans lequel il y a des règles.
L’espace maritime
Quand un État est riverain d’une mer, il est un État côtier. La limite est constituée par une ligne fictive juridique : la ligne de base. C’est la ligne de base de la mer territoriale, c’est celle qui sert de base pour calculer les distances de projection vers la mer. Dans le droit international d’aujourd’hui, cette ligne de base peut être déterminée de 2 manières : soit au plus près de la Terre, soit en essayant de gagner de l’espace sur la mer. La première technique est celle de la laisse de basse-mer : ligne sur laquelle se retirent les eaux aux marées les plus basses. La seconde technique est des lignes de base droites : on sélectionne des points là où le littoral s’avance le plus en mer, et on trace des lignes droites. Cette méthode devait être exceptionnelle, mais les États y ont beaucoup recours. C’est à partir de cette ligne que l’on va calculer les distances et largeurs vers le large, et la haute mer. Il y a une succession de zones qui sont à la fois de surface et en sous-sol. Plus on s’éloigne de la côte, moins l’État a de pouvoir.
La mer territoriale
On parle d’eaux territoriales ou de mer territoriale. C’est une zone qui existe depuis longtemps (16-17ème siècle). Tous les autres espaces maritimes datent du 20ème siècle.
La largeur de la mer territoriale
Le principe de la liberté des mers va s’imposer en Droit au 17ème siècle. En contrepartie, les États vont revendiquer le droit d’avoir devant leur côte une mer territoriale pour se protéger → finalité défensive. Au début du 18ème siècle (1702), un auteur pose le principe selon lequel le pouvoir de l’État sur la mer finit là où finit la force de ses armes, jusqu’où ses armes pourront porter. On va dire que la largeur de la mer territoriale va se régler en fonction de la portée des canons. En 1782, un scientifique calcule la largeur de la mer territoriale par rapport à la portée du canon, et dit qu’un canon porte jusqu’à 3 miles marins. Pendant les 2 siècles suivant, on considère que la mer territoriale est large de 3 miles marins, mais on n’en fait pas une règle de Droit. Au 20ème siècle, on crée la SDN, qui réunit en 1930 la première conférence de Codification : on voulait transposer des coutumes dans un traité. Les États ne sont pas capables de se mettre d’accord sur la règle de la largeur de la mer territoriale. L’ONU donne en 1958 la première conférence de codification des Nations Unies à Genève, mais personne ne parvient à se mettre d’accord sur la règle. Deuxième conférence en 1960 à Genève : on ne parvient toujours pas à poser une règle, qui ne sera posée qu’en 1982 à l’issue de la 3ème conférence. On se met d’accord pour un maximum de 12 miles marins.
Le régime juridique de la mer territoriale
D’un point de vue stratégique, la mer territoriale est importante : c’est la zone dans laquelle l’État est souverain, il peut appliquer sa compétence personnelle quasiment dans les mêmes conditions que sur le territoire terrestre. Il est aussi souverain sur l’espace aérien sur-jacent à l’espace maritime en question. L’État a une compétence exclusive sur la mer territoriale (seul lui peut exercer sa souveraineté dans cette zone), mais il a l‘obligation de protéger les droits des autres États dans cette zone. L’État doit aux autres États le droit de passage inoffensif. Ce droit vaut pour tous les navires, y compris les navires de guerre (+ droit de survol + droit de passage des sous-marins qui doivent naviguer en surface). Un passage qui crée une pollution n’est pas inoffensif.
La zone contiguë
Elle désigne la zone contiguë à la mer territoriale : la zone qui touche la mer territoriale. C’est l’espace maritime qui fait suite à la mer territoriale sur une largeur de 12 miles marins. Son origine remonte à des lois douanières de la GB, puis à des lois américaines sur la prohibition. Cette zone se développe dans d’autres pays, elle est d’abord coutumière puis inscrite lors de la Convention de 1958 dans les traités. C’est une zone particulière : avant 1982 elle faisait partie de la haute mer mais l’État y avait des droits, maintenant elle fait partie de la zone économique exclusive. L’État n’est pas souverain et il n’a pas de droit d’exploitation économique propre : il a une compétence fragmentaire qui est limitée. L’État a dans cette zone le pouvoir de prévenir et de réprimer les infractions à ses lois et règlements en matière douanière, fiscale, sanitaire, d’immigration, mais il faut que les infractions aient été commises soit sur son territoire, soit dans la mer territoriale. Il y a un droit de poursuite des navires contrevenants. Depuis 1982, on a donné une autre compétence à l’État : art 303 de la Convention : l’État côtier a des compétences en matière de préservation du patrimoine archéologique sous-marin.
La Zone Économique Exclusive (ZEE)
Elle a fait son apparition dans le Traité de 1982 mais elle était devenue une coutume dès 1976. C’est une notion fictive, qui fait 200 miles marins. Dans cette zone, l’État n’est pas souverain mais il a des droits souverains. Les droits souverains sont finalisés : on donne à l’État des droits pour un but précis. Ce sont des droits essentiellement économiques : droit d’exploiter des ressources naturelles de cette zone. Ce sont des ressources halieutiques (celles qui font l’objet de la pêche). Les États voulaient s’assurer que d’autres ne viendraient pas pêcher leur poisson. EMR (énergies marines renouvelables) : les États ont juridiction pour autoriser la construction de structures permettant une exploitation de ce type.
Le plateau continental
Il passe sous la mer, c’est le seul des espaces à être sous-marin.
Définition
Les fonds marins et leur sous-sol. Géographiquement, il s’étend jusqu’à ce qu’on plonge dans les abysses. Il y a donc des endroits où le plateau continental est très étroit. Les juristes ont adopté une définition visant à compenser les inégalités de la nature. La première fois où le plateau-continental est évoqué, c’est dans un traité de 1942 entre le Venezuela et la Grande-Bretagne (Traité de Paria). En 1945, Truman fait 2 proclamations : une sur le plateau continental et une sur les pêcheries. Il annonce que les USA étendent leur juridiction sur le plateau continental et ses richesses dans le Golfe du Mexique. Les États disent après ça que le plateau-continental est un territoire terrestre et qu’ils ont un pouvoir dessus. Dès 1958, on adopte un traité sur le plateau continental. Le 29 avril 1958, on adopte un Traité qui pose des problèmes de définition et de délimitation.
La définition fait intervenir deux critères :
- Un critère fixe : bathymétrique : la profondeur : 200 mètres.
- Un critère variable : critère d’exploitabilité : au delà de la limite de 200m : jusqu’où l’exploitation est techniquement possible.
Quand le traité entre en vigueur en 1964, on exploite déjà plus profond que 200m. Cela pose beaucoup de problèmes, parce que les États côtiers peuvent étendre leur juridiction sur le fond de la mer très rapidement : on parle de juridictions rampantes (creepy jurisdiction).
On renégocie le droit de la mer, et convoque la 3ème conférence. On relance la négociation dans les années 60 : on aboutit à la signature du Traité de Montego-Bay en 1982, qui entre en vigueur le 16 novembre 1994, et qui donne une nouvelle définition : le plateau-continental, c’est les fonds marins et leur sous-sol au-delà de la mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu’au rebord externe de la marche continentale, ou jusqu’à 200 miles marins des lignes de base lorsque le rebord externe se trouve à une distance inférieure. Ceux qui ont un plateau plus grand que 200 miles marins vont pouvoir le revendiquer jusqu’à environ 350 miles marins.
La délimitation du plateau continental
Ce n’est pas une zone de souveraineté, mais l’État a ses droits souverains qui sont exclusifs et finalisés de manière fonctionnelle (d’exploitation). L’État a des droits souverains sur les ressources qui se trouvent dans la zone. En 1958, on a adopté une règle qui ne convenait pas parce qu’on n’avait pas anticipé les problèmes qu’elle pouvait poser, dont de grandes inégalités. Le premier arrêt rendu en la matière est rendu en 1969, et il y a encore beaucoup d’affaires. Le juge a développé le droit à travers sa jurisprudence. Le droit de ce domaine est entièrement issu de la jurisprudence.
L’État côtier et la Haute Mer
Elle est insusceptible d’appropriation. Elle est libre et ne peut pas être revendiquée par un État. Elle est indissociable du principe de liberté. On peut naviguer, pêcher librement. On peut poser des câbles, des pipe-lines, on peut construire des îles artificielles (éoliennes, plate-formes pétrolières). Il y a des courants écologistes qui disent qu’il ne faut plus que la Haute Mer soit libre.
Depuis 1982, le fond de la mer sous la Haute Mer a un statut particulier : les Fonds Marins : patrimoine commun de l’humanité. Il est géré par une organisation internationale. En Haute Mer, le droit applicable est le droit de l’État du pavillon (l’État qui a implanté l’élément).
Il y a des États côtiers qui disent que la Haute Mer qui passe à côté d’eux doit leur appartenir. Certains États ont développé une théorie à propos des stocks chevauchant (poissons vivant à cheval sur plusieurs États ou sur la zone économique d’un État et sur la Haute Mer) et des grands migrateurs (thon, espadon). Dès 1995 on a adopté un traité obligeant les États a coopérer entre eux dans une zone géographique.
D’autres États ont prétendu appliquer leurs lois sur la Haute Mer. En 1994, le Canada a adopté une loi sur les pêches qui réglemente la pêche, mais prétendent appliquer leur loi canadienne en Haute Mer. Les Canadiens ont tiré sur des navires européens qui pêchaient en Haute Mer.
Le Chili proclame une mer présentielle, de présence, allant jusqu’à 400 miles marins, mais les autres États protestent.
La population
La population au sens juridique diffère des autres définitions. La population serait les gens vivant dans un pays : nationaux et étrangers séjournant dans le territoire. En Droit, la population, ce sont les nationaux de l’État, possédant sa nationalité, même s’ils ne vivent pas sur son territoire.
Le lien de nationalité
Ensemble des individus rattachés à un État national par un lien de nationalité. C’est l’État qui défend sa population à l’échelle internationale.
6 avril 1955 – Cour Internationale de Justice – Nottebohn : la cour regarde s’il y a un lien de nationalité entre Nottebohn et le Liechtenstein. Elle donne la définition de la nationalité en droit international : « La nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêt, de sentiment, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs. »
Le droit international considère que chaque État est libre de donner sa nationalité à qui il veut et de fixer les conditions dans lesquelles on acquiert cette nationalité. Jus Sanguinis : on acquiert la nationalité par le sang de ses parents / Jus Soli : on acquiert la nationalité du lieu où on naît. On peut perdre sa nationalité d’origine, on peut en acquérir une autre, etc. Famille, mariage, naturalisation.
Les effets de la nationalité en droit international
La nationalité est le fondement de la compétence personnelle : parce qu’on a la nationalité d’un État, les lois de cet État peuvent s’appliquer même si on n’y vit pas. Il y a aussi la protection diplomatique : si on a un problème de droit international, notre État national va agir au niveau international pour nous. Un Français à l’étranger a un problème avec un autre État qui lui cause un préjudice, et a été au maximum des tribunaux de cet État : il demande à son État de prendre fait et cause pour lui, et la France va attaquer l’autre État pour obtenir gain de cause. Les individus ne peuvent pas réclamer réparation.
L’État n’est pas obligé d’exercer cette protection : c’est une compétence discrétionnaire de l’État. S’il le fait, il mène cette protection comme il le souhaite. À supposer que la France gagne, elle gagne des dommages-intérêts, elle n’est pas obligée de reverser de l’argent à son national. « L’État fait valoir son droit propre, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants le droit international » – CIJ 5 février 1970 – Barcelona Traction. L’individu peut être une personne physique, ou une personne morale.
Le bénéfice de la protection diplomatique est soumis à 3 conditions dégagées par la jurisprudence :
- il faut avoir vraiment la nationalité de l’État, il faut un lien effectif de nationalité;
- il faut un épuisement des voies de recours interne ;
- « clean hands » : le dommage que l’État fait subir à l’individu ne doit pas être une sanction pour un préjudice que ce dernier a fait subir à l’État.
Le pouvoir politique
Il faut qu’existe un pouvoir politique qui prenne la forme juridique d’un gouvernement. Cette structure gouvernementale est propre à chaque État, elle relève du droit interne (droit constitutionnel). Jusqu’à une époque récente, on considérait que le Droit international n’avait pas à juger le gouvernement. La souveraineté prime → principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État.
Initialement, pour le droit international, il fallait remplir 2 conditions :
- Condition d’exclusivité : le pouvoir politique doit incarner une autorité exclusive (le territoire et la population ne devaient pas être soumis à une autre autorité).
- Condition d’effectivité : le pouvoir politique doit incarner une autorité effective.
Les critères juridiques de l’État
Le principal critère est la souveraineté, mais la question s’est posée de savoir quelle est l’importance de la reconnaissance de l’État.
Le problème de la reconnaissance de l’État
Un État peut toujours apparaître sur la scène internationale : par Sécession (Bangladesh fait sécession du Pakistan en 1972 : ils se séparent), par démembrement, par dissolution d’un État multinational ou fédéral (URSS 1991, Ex-Yougoslavie 1991, Tchécoslovaquie 1992). Parfois des États renoncent à leur indépendance : 1990, le Sud et le Nord Yémen se sont réunifiés en un seul pays. Enfin, il y a l’accession à l’indépendance dans le cadre d’un processus de décolonisation. L’État acquiert-il automatiquement la reconnaissance juridique internationale ?
La controverse théorique
La reconnaissance d’État est le fait qu’un autre État reconnaisse un fait ou une situation juridique (existence d’un nouvel État), accepte cet état de fait et en tire des conséquences juridiques : il reconnaît que le nouvel État lui est opposable. Deux conceptions se sont opposées : soit la reconnaissance est constitutive de l’État en tant qu’acte politique, soit la reconnaissance est un acte juridique qui déclare l’existence de l’État.
La conception constitutive
Droit international classique du 19ème siècle : le droit est volontariste et marqué par la politique. Dans ce système reposant sur la prépondérance des États européens, un nouvel État ne peut apparaître que si ceux qui existent déjà acceptent l’existence de ce nouvel État, parce que dans la mentalité de l’époque, seule la volonté des États déjà existants peut créer de nouveaux sujets de droit. C’est une conception très volontariste. La reconnaissance a un fondement politique : on reconnaît un État parce qu’on a des liens avec lui, etc. Elle a un effet attributif : c’est une forme de cooptation. Aux termes de cette théorie, la formation d’un État n’est complète que si l’État est accepté, coopté. Cette théorie est datée parce qu’elle représente une conception du monde qui est dépassée aujourd’hui. Aujourd’hui, tous les États sont égaux, il n’y en a pas qui prédomine et qui peut décider de qui a le droit d’être État ou pas.
La conception déclarative
Contrairement à la théorie précédente, la théorie déclarative est juridique. Traditionnellement, le droit se considère comme neutre et indifférent à la nature du régime politique. Lorsque les 3 éléments sont réunis, l’État existe en fait, mais aussi en Droit, qui prend seulement en compte un fait juridique préexistant. Les États constatent juste l’existence d’un nouvel État.
Mais dans l’exemple de la Palestine, il y a un frein à la reconnaissance et à l’application du Droit, de par la complexité politique du problème. On ne peut pas nier que la reconnaissance d’un État a un impact, et que certains États ont plus de pouvoir : à l’ONU, il y a 5 pays qui ont un veto, et qui influencent par exemple l’entrée des États à l’ONU.
En 1991, dissolution de l’Ex-Yougoslavie – Commission, Avis n°1 29 novembre 1991 : « L’existence ou la disparition d’un État est une question de fait, la reconnaissance par d’autres États a un effet déclaratif ».
Les formes de la reconnaissance
C’est un acte unilatéral et discrétionnaire. Le droit international n’est pas formaliste, peu importe la forme des actes juridiques. Ce qui compte, c’est la manifestation de la volonté.
La reconnaissance individuelle ou collective
Reconnaissance individuelle : fait d’un seul État à l’égard d’un autre État, ça n’engage que lui.
Reconnaissance collective :
- Plusieurs États sont reconnus en même temps : le caractère collectif désigne les États qui font l’objet de la reconnaissance.
- Plusieurs États se mettent ensemble pour reconnaître : moyen de montrer qu’il existe entre eux une solidarité au niveau de la politique étrangère.
- Plusieurs États reconnaissent en même temps l’existence de plusieurs États, ils ne favorisent pas un État par rapport à un autre : le Communauté Européenne reconnaît collectivement les nouveaux États issus du démembrement de l’URSS et de l’implosion de la Yougoslavie. La reconnaissance collective est une pratique contemporaine liée au développement de l’UE.
La reconnaissance expresse ou tacite
Reconnaissance expresse : c’est la forme la plus courante, elle suppose l’adoption d’un acte juridique qui exprime clairement la reconnaissance d’un nouvel État. Cela peut être un acte unilatéral d’un État qui fait une déclaration officielle de reconnaissance, cela peut être un acte conventionnel, un Traité qui a soit pour objet la reconnaissance de l’État, soit avec un autre objet mais dans lequel on parle de la reconnaissance. Cette forme conventionnelle apparaît notamment quand la reconnaissance est réciproque. Ex : traités d’amitié et de commerce, traités collectifs.
Reconnaissance tacite ou implicite : il n’y a pas d’acte officiel, on déduit la reconnaissance de certains faits ou actes réservés aux relations entre États. Cela résulte du comportement de l’État préexistant, cela traduit la volonté de cet État de traiter l’autre comme un État. Ex : établissement de relations diplomatiques avec des ambassadeurs ; traité qui ne mentionne pas la reconnaissance : un traité ne peut être signé qu’entre États. Cette reconnaissance tacite pose un problème de preuve, et la pratique internationale est assez mal établie,
La reconnaissance inconditionnelle ou conditionnée
Reconnaissance inconditionnelle : elle est faire sans conditions, sans réserves, et en principe, elle doit être inconditionnelle puisqu’elle est discrétionnaire, l’État le fait parce qu’il le veut bien. Quand le Panama a pris son indépendance, les USA ont reconnu le Panama sous des conditions (monopole américain sur le canal etc), les conditions peuvent poser problème.
Reconnaissance conditionnée : ce n’était pas conforme au droit, mais c’est aujourd’hui une pratique légitime sous certaines conditions. Un État exige de l’État reconnu qu’il remplisse certaines conditions. Cela est permis quand les conditions ne vont pas dans l’intérêt de l’État auteur de la reconnaissance, mais quand ce sont des conditions objectives, or quand les USA ont demandé un monopole sur le canal du Panama, c’est subjectif, dans l’intérêt des USA. Conditions : interdiction du recours à la force, respect des frontières et de l’intégrité territoriale, respect des droits des minorités, respect des Droits de l’Homme. Ex : reconnaissances faites par la Communauté Européenne du 16 décembre 1991 des États de l’URSS et de l’Ex-Yougoslavie : tous les États posent ensemble des conditions (Acte Final d’Helsinki, Charte de Paris pour une Nouvelle Europe, Droits de l’ONU, garantie des droits des groupes ethniques et des minorités). Il faut que les reconnaissances conditionnées soient collectives.
La reconnaissance de jure ou de facto
Reconnaissance de jure (de droit) : la seule qui devrait exister puisque la reconnaissance est un acte juridique. Elle est pleine et entière et déclenche les pleins effets juridiques. Elle est définitive et irrévocable.
Reconnaissance de facto : elle est provisoire, révocable, elle ne produit pas les pleins effets juridiques. Ex : les USA reconnaissent l’Israël de facto, et l’URSS reconnaît l’Israël de jure pour se démarquer des USA.
La dimension internationale de la souveraineté
Ce qui la distingue de la dimension interne de la souveraineté, qui est illimitée, c’est qu’elle est limitée.
L’égalité souveraine des États
C’est une égalité juridique, c’est un principe structurel du droit international, mais il y a des exceptions.
Le principe
Le droit international moderne, contemporain, postule des relations entre égales souverainetés, et si on se penche sur l’histoire du Droit International et des relations internationales, on voit qu’à chaque fois qu’un État a eu une conception hégémonique du système, le Droit International a été soit inexistant, soit parodié. À l’époque de Rome, il n’y avait pas de relations internationales, car Rome était au dessus des autres. Au 19ème siècle, les pays européens n’ont pas de relations avec le reste du monde. Ils forçaient certains États à signer des traités : on détourne le droit international de son but.
L‘égalité souveraine est un des grands principes du droit international (dans la Charte des Nations Unies). Sentence arbitrale – 4 avril 1928 – Affaire de l’île de Palmas – Sentence Max Huber : « La souveraineté dans les relations entre États signifie l’indépendance ». L’indépendance apparaît comme le corollaire politique de l’égalité souveraine, c’est sa manifestation concrète.
Elle trouve sa consécration à l’art 1 § 2 de la Charte des Nations-Unies : « l’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres ». Ce principe est plus ancien que la Charte, c’était une coutume, avec une valeur coutumière.
Arrêt de la Cour Internationale de Justice – 27 juin 1986 – Activités Militaires et Paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : Procès opposant le Nicaragua et les USA, la Cour dit que le principe de l’égalité souveraine a une valeur coutumière préexistante à la Charte.
Résolution 2625 du 24 octobre 1970 – Déclaration relative aux principes du Droit International touchant les relations amicales et la coopération entre les États. :
Ce principe dépasse le cadre Onusien, et est repris dans la plupart des chartes internationales.
Les États, parce qu’ils ne sont subordonnés à aucune autorité supérieure, sont nécessairement tous égaux entre eux. Tous les États sont égaux dans leurs droits mais aussi dans leurs devoirs → principe de réciprocité dans leur égale souveraineté. Cela se traduit par la règle « Un État = 1 voix » à l’Assemblée Générale. Ce principe est nécessaire au fonctionnement de notre système, mais l’égalité de Droit doit être capable de prendre en compte les inégalités de fait.
Les exceptions
Le droit international va prendre en compte des inégalités de fait :
- Inégalités de puissance: privilèges accordés aux États en raison de leur puissance. Ce sont des exceptions institutionnelles, que l’on retrouve dans des institutions. Ces exceptions aboutissent à des remises en cause de la règle « 1 État = 1 voix », cela se fait soit au niveau des formations restreintes des Assemblées, soit au niveau des conditions de vote.
Art 23§1 et 27§3 de la Charte de l’ONU : ces dispositions constituent une violation manifeste du principe de l’égalité souveraine. Le Conseil de Sécurité est composé de 15 membres dont 5 permanents dont l’accord est requis pour toute prise de décision. 5 États sont considérés comme devoir bénéficier d’une permanence dans l’organe d’exécution parce qu’ils sont considérés comme importants (art 23). L’art 27§3 leur donne le droit de veto, pour prendre des décisions importantes, il fallait qu’aucun des 5 membres permanents ne vote contre la décision. Ce processus s’est inversé, la décision est adopté si aucun des 5 n’a posé de veto.
En dehors de l’ONU, on retrouve ce système qui est plus focalisé sur la pondération des voix : les systèmes d’exception vont plutôt prendre en compte l’importance de l’État, par exemple en proportion de la population, ou, dans les institutions financières internationales, les États ont un droit de vote en fonction de leur apport au capital. Ces exceptions doivent être prévues par les textes. Ex : les 5 membres permanents ont toujours un juge à la CIJ, en vertu d’une coutume, ce n’est inscrit dans aucun texte.
- Inégalités visant à compenser le fait que des États sont plus forts que les autres → inégalités compensatoires: doctrine qui vise à introduire des correctifs pour compenser les disparités de développement. L’application des qualités souveraines peut conduire à perpétrer les inégalités. Historiquement, ça a été le cas dans les relations entre le Nord et le Sud : en 1964 se réunit la première CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), dont l’objectif était de favoriser l’émergence des pays du Tiers-Monde : on a posé le principe de non-réciprocité (avant quand un État donnait un avantage commercial à un État, l’autre État lui devait un avantage réciproque). Ce principe a été consacré par le GATT, auquel on a ajouté une partie 4 : « Commerce et développement ». [Après 1945, on a voulu créer une organisation internationale du commerce, le traité a été adopté, mais n’a jamais été ratifié par le Sénat Américain, donc on a créé un système plus souple, le GATT (Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce), qui a été transformé en une OMC (organisation mondiale du commerce)].
Ces principes ont été repris dans des accords préférentiels signés par la CEE avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) → on a adopté des tarifs préférentiels pour les pays en développement, et adopté un système généralisé des préférences.
Au sein de ces pays en voie de développement, il y a des procréation médicalement assistée (Pays les Moins Avancés), pour lesquels ont a créé des inégalités compensatrices dans les inégalités compensatrices, mais ça n’est pas efficace.
Les corollaires juridiques
L’égalité souveraine incarne cette dimension internationale de la souveraineté, et trouve sa traduction concrète dans les relations internationales. Elle est indissociable de ses corollaires juridiques qui la déclinent.
Le principe de non-intervention
C’est un principe essentiel dans le droit des relations internationales. Soit il vise la non-intervention des États dans les affaires intérieures et extérieures des autres États, et en tant que tel il n’est pas prévu dans la Charte des Nations-Unies, il a valeur coutumière ; soit il vise le principe de non-intervention d’une organisations internationale (ONU) dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence d’un État (art 2§7 de la Charte).
Relations inter-étatiques : ce principe a été consacré plusieurs fois par la CIJ : CIJ – 9 avril 1949 – Détroit de Corfou ; CIJ – 27 juin 1986 – Activités Militaires et Paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. Ce principe fait partie du droit coutumier.
On parvient à une meilleure définition du principe quant à ses éléments constitutifs et à sa forme. Cela vise les interventions au sens matériel du terme (physiques), mais aussi les interventions pas au sens matériel (pressions) ; ces interventions doivent porter sur la souveraineté ou les droits souverains des États. Il faut une volonté de contrainte de la part d’un État auteur. Pour ce qui est des formes de l’intervention prohibée, elle peut être individuelle, ou collective (pays avec une idéologie commune), elle peut être directe ou indirecte, avec usage de la force (la plus grave, et la non intervention se cumule avec une violation du principe de non-recours à la fonce), ou sans usage de la force.
Parfois, ça peut être licite :
- Quand l’intervention de l’État est sollicitée.
- Dans l’arrêt du 27 juin 1986, la Cour se prononce sur une autre intervention licite : l’intervention sollicitée en matière humanitaire. Pour être admissible, il faut que l’intervention humanitaire respecte des conditions strictes explicitées dans l’arrêt de 1986. Il faut qu’il s’agisse d’une aide strictement humanitaire, et elle doit être impérativement conforme aux deux premiers principes fondamentaux de la Croix Rouge (l’humanité et l’impartialité ou non-discrimination). Une aide humanitaire doit se faire sans aucun usage de la force.
Les immunités de juridiction et d’exécution
Existence au bénéfice des États d’immunités de juridiction et d’exécution : ils bénéficient d’immunités qui interdisent à un autre État d’appliquer son droit interne à l’égard de certaines de leurs activités sur leur territoire. Parce que l’ambassadeur représente son pays, en le protégeant, on protège la souveraineté de son État. Le but est de faire respecter la souveraineté de l’État lorsque ses agents (diplomates), sa législation, ou ses biens (immunité d’exécution) sont en lien direct avec la souveraineté d’un autre État parce qu’ils se trouvent dans le domaine de la compétence territoriale d’un autre État. Ces immunités existent depuis longtemps et trouvent leur fondement dans l’application du principe de réciprocité.
Les immunités de juridiction permettent à un état de ne pas être attrait devant les tribunaux d’un autre État. A l’origine, elles étaient très larges. Distinction du droit administratif entre les actes de puissance publique (de jure imperii) et les actes de gestion privée, on retrouve cette distinction sur cette question de droit international. Il n’y a plus d’immunité de juridiction pour les actes de gestion privée mais pour les actes de puissance publique. Quand un acte se comporte comme un particulier les immunités sont moindres.
Immunités d’exécution : un des cas où l’immunité de juridiction ne joue pas et l‘état est condamné. Se pose la question de savoir si l’état va avoir une immunité d’exécution. Elle a pour but de protéger les biens d’un état placés sur le territoire d’un état étranger. Cela va être le cas à la suite d’une décision de justice prononcée à l’encontre d’un état. Il y a une évolution qui se dessine, en principe l’immunité était absolue mais elle tend à être battue en brèche avec une distinction entre les biens qui sont affectés directement à la fonction de l’état et les biens qui ont plus un usage privé de l’état. La clé de tout cela, c’est la réciprocité.
L’État acteur des relations internationales
L’état possède la personnalité juridique internationale qui lui permet d’être un vrai acteur. C’est une personnalité pleine et entière qui découle de la souveraineté de l’état. Mais le fait que l’état soit souverain ne le dispense pas de respecter le droit international. L’état en tant qu’acteur est auteur des règles mais aussi sujet des règles : c’est le jeu du dédoublement fonctionnel.
L’état a donc des droits et des devoirs définis comme des compétences en droit international, qui constituent sa capacité juridique.
Les compétences internationales de l’État
La souveraineté sous-tend la personnalité juridique internationale de l’état. On parle de compétences internationales mais il ne s’agit pas des mêmes compétences que celles envisagées sous l’angle interniste, il s’agit de celles qui permettent d’entretenir des relations internationales. On peut les articuler autour de trois pôles mais il ne faut pas perdre de vue que jusqu’à 1945, l’état possédait une 4e dimension de compétences internationales, car il disposait pleinement du droit d’user de la contrainte. Ici elle était assimilable à une compétence discrétionnaire de guerre, l’état avait le droit de faire la guerre comme il le voulait. On considérait que le fait qu’un état ait le droit de faire la guerre découlait de sa souveraineté, c’était un attribut de la souveraineté. Aujourd’hui, sauf en cas de légitime défense ou recours à la force autorisé par le conseil de sécurité, il est interdit de faire la guerre mais aussi de recourir à la force et de menacer un état en lui disant qu’on va recourir à la force. C’est l‘article 2 §4 de la Charte des NU. En 1945, les états étaient prêts à l’accepter aussi parce qu’on entre dans l’aire nucléaire, c’est devenu un intérêt commun.
Il y a aujourd’hui le droit de légation (entretenir des relations internationales), le droit de traiter et le droit d’ester en justice.
Le droit de légation
Les relations diplomatiques existent depuis la nuit des temps et le droit de légation correspond de manière générale a la faculté qu’a tout état à entretenir des relations avec d’autres sujets du droit international. C’est un droit encré dans la dimension inter-étatique du droit international « jus legasionis ». Le droit de légation est toujours double : actif et passif. Actif : droit d’envoyer des diplomates de son état dans un état étranger. Passif : droit de recevoir des diplomates étrangers sur son territoire. C’est un droit fortement marqué par le principe de réciprocité.
Le droit de légation est une prérogative liée à la souveraineté, les diplomates et les consuls n’ont rien à voir : un diplomate (ambassadeur) représente son état auprès d’un autre état (représentation de la souveraineté) alors que les consuls veillent à la sécurité de leurs patriotes dans un état étranger. Dans les états à structure fédérale, seul l’état fédéral exerce le droit de légation. Le Québec par exemple n’a pas de droit de légation. Si l’on va plus loin dans l’histoire, il y avait les protecteurs, c’est l’état protecteur qui exerçait les relations diplomatiques de l’état protégé. Dans les cas des micro-états, c’est très récent (Monaco-France 2002) on a mis fin au régime spécial.
On adopte une conception large du droit de légation, aujourd’hui on y inclue les relations consulaires même s’il s’agit simplement de défendre les intérêts des ressortissants dans un état étranger et non de représentation de la souveraineté.
Parmi les disciplines les plus anciennes du droit internationales, les règles ont peu changé depuis l’antiquité. Ce sont des règles qui existent sous forme de coutume. Les conventions en question : conventions des NU sur les relations diplomatiques de 1961 entrée en vigueur en 1964 et équivalent pour les consuls de 1963 entrée en vigueur en 1967. Privilèges et immunités.
Dans le droit contemporain, on considère qu’on peut assimiler le « jus legasionis » aux relations entre un état et une organisation internationale. Cela inclut en théorie le droit d’un état d’être membre d’une organisation internationale ouverte et d’y être représenté. Distinction organisation internationale ouverte et fermée (régionale par exemple telle que l’UE). Le premier niveau de raisonnement, c’est que si on est membre on a le droit d’y être représenté et d’avoir une mission permanente auprès de l’organisation. Assez rapidement, on a admis que même des états qui n’étaient pas membres d’une organisation internationale pouvaient avoir une représentation auprès d’elle. Les états-unis par exemple bénéficient de ce statut depuis 1971 auprès de l’Union Européenne. A l’inverse les organisations internationales vont avoir une représentation dans certains états (bureau de l’UE aux états-unis). Ce phénomène est aussi un phénomène de superposition.
Seule la représentation des états dans leur relation avec les organisations est régie par le droit international, convention de Vienne de 1975. Pour que les états soient membres d’une organisation internationale, il faut qu’ils aient accepté le traité de l’organisation.
Le droit de traiter
Le « jus tractatus » correspond à une compétence extrêmement ancienne. Le plus ancien traité date de -3010 avant J-.C. Au sens stricte du terme, c’est le droit de conclure des traités même si aujourd’hui ce droit est rattaché au droit qu’a un état de participer à la création d’une organisation internationale et d’y adhérer postérieurement par un acte ou traité d’adhésion. C’est une prérogative extrêmement liée à la souveraineté internationale. Ce droit de passer des traités est prévu par l’article 6 de la Convention de Vienne de 1969, traité sur les traités entre états.
Seul l’état fédéral va avoir le droit de traiter. Normalement le droit de traiter est exercé par tous les états et même les micro-états exercent ce droit puisqu’ils sont parties à tous les traités. Comme pour le jus legasionis, on a aujourd’hui une conception extensive du droit de traiter. On considère que c’est le droit de conclure des conventions mais qu’il est aussi lié à l’obligation de respecter le traité auquel l’état est parti. On voit apparaître les deux dimensions du dédoublement fonctionnel, l’état est acteur et sujet. Obligation de bonne foi (charte des nations unies, et convention de vienne de 1969). Jusqu’en 1969, le droit de conclure des traités était discrétionnaire, du moment qu’on concluait le traité dans les bonnes formes, on pouvait y mettre ce qu’on voulait. Le traité de 1969 a posé la règle à l’article 53 selon laquelle on ne peut pas conclure des traités sur n’importe quoi, il dit « est nul tout traité qui au moment de sa conclusion est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Au terme de la présente convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des états dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise ». Ce qui se cache, c’est une sorte de contrôle de normativité qui s’instaure en droit international, on ne peut pas déroger à un de ces principes fondamentaux du droit international. Le droit de traiter n’est plus entièrement discrétionnaire.
On considère qu’à partir du moment où l’état a la capacité juridique de s’engager par traité, il peut aussi s’engager par un acte unilatéral, car il peut être nécessaire pour s’engager dans un traité (dépôt de l’acte d’adhésion à une organisation). Dans la pratique du droit international, un état envoie une lettre à un autre état, ce dernier répond qu’il accepte les termes de la lettre : c’est considéré comme un traité entre les deux états. Cet acte unilatéral peut donc être une lettre, une notification d’adhésion, une protestation.
Le droit d’ester en justice
C’est le droit d’intenter un procès en droit international devant un tribunal international. Il y a un lien fort entre l’interdiction de recourir à la force et l’obligation de régler les conflits pacifiquement. C’est un droit reconnu aux états, parce qu’ils sont souverains, ils auront le droit d’ester en justice, ce qui va supposer cependant qu’on ne puisse ester en justice que contre un état qui accepte le droit de la justice internationale. Il n’y a pas de pouvoir judiciaire en droit international, ils ont la possibilité de ne pas aller devant le juge parce qu’ils sont souverains. Tout le jeu est de faire accepter le principe de la justice par les traités. Mais parce qu’ils sont souverains, tels que la France qui ne reconnaît pas la Cour Internationale de Justice depuis 1974 ou les USA après l’affaire Nicaragua-USA, ils peuvent refuser de reconnaître une justice internationale. On a toujours la possibilité d’y revenir ponctuellement.
Ce droit d’ester en justice est une conséquence directe de la souveraineté et cela explique qu’aujourd’hui encore, dans le système classique, c’est le dernier monopole de l’état en droit international. Dans le système classique de l’ONU, une organisation internationale ne peut pas être partie à un vrai procès. Il y a quand même une évolution qui se dessine, ce droit a pu être reconnu aux organisations internationales, statut de la Cour Internationale de Justice date en fait de 1920 (Cour Permanente de Justice Internationale de la SDN), on a reconduit ce statut, avis de la Cour de 1949 qui reconnaît que l’ONU a la personnalité juridique en droit international (modifier son statut c’est aussi modifier la Charte). Pour un tribunal créé dans l’organisation des nations unies, tribunal du droit de la mer, les organisations internationales peuvent être parties au procès (UE vs. Chili en 2001). C’est très anachronique aujourd’hui que l’ONU ne puisse pas être partie à des procès.
L’état et le droit international
La relation de l’état et du droit international est complexe, c’est lui qui la crée et qui la limite. C’est le « dédoublement fonctionnel », l’état est auteur des normes et le sujet auquel les normes s’appliquent. L’égalité souveraine impose la coexistence de souveraineté.
C’est l’égalité souveraine qui explique le dédoublement fonctionnel. Le droit international ne peut être que consensualiste, volontariste, parce que l’état est souverain il faut qu’il accepte de se lier pour que ses relations internationales soient encadrées. Cette structure différente des structures juridiques internes se déporte sur la physionomie du droit lui même et sur la relation qu’entretient l’état avec le droit international (dialectique).
Question du monisme à primauté du droit international.
L’état va essayer de jouer avec le droit international et d’en profiter, de savoir utiliser les règles lorsqu’elles lui sont favorables et de s’en dégager lorsqu’elles lui sont défavorables. Un état devrait aussi avoir des stratégies juridiques, comme les stratégies économiques.
Le monisme à primauté du droit international
Il s’agit de voir quels sont les rapports entre l’ordre juridique international et l’ordre juridique interne. Il y a trois types de systèmes possibles sur le plan théorique, le dualisme (les deux coexistent), le monisme à primauté du droit international (pyramide de kelsen, droit international supérieur au droit interne) et le monisme à primauté du droit interne (ancienne doctrine, le droit interne est supérieur au droit international).
Aujourd’hui, en tant qu’internationaliste, on se réfère au monisme à primauté du droit international car les états créent la règle et reconnaissent in fine que leur droit doit se soumettre au droit international qu’ils ont créé. C’est une question à laquelle la réponse que l’on apporte dépend de dans quel système juridique on se place et de sa vision personnelle (il existe un nationalisme juridique). C’est une querelle théorique mais il y a aussi des implications classiques concrètes.
C’est une question à laquelle on a une réponse relative.
En droit international, cela fait longtemps qu’on considère que le droit international est supérieur au droit interne puisque l’état doit mettre en conformité ses règles de droit interne au droit international auquel il adhère.
Ce principe a été très anciennement accepté, il signifie que toute règle de droit international a primauté sur toutes règles de droit interne. La jurisprudence a traité de différents cas. Affaire de Wimbledon du 17 août 1923 : la Cour a lié ce monisme à la souveraineté de l’état, l’état est libre de s’engager internationalement donc il doit en supporter les conséquences. Un état ne peut pas s’affranchir de sa soumission au droit international. En droit international, le principe signifie que tout le droit international conventionnel ou coutumier l’emporte sur tout le droit interne qu’il soit constitutionnel ou législatif. On peut citer l‘avis du 26 avril 1988 nommé « affaire dite du bureau de l’OLP à New York » : c’est un principe fondamental en droit international que la prééminence de ce droit sur le droit interne, il est rappelé que cette prééminence a été consacrée par la jurisprudence dès la sentence arbitrale rendue le 14 sept 1872 dans l’affaire de l’Alabama et souvent rappelée depuis lors. Dès la première décision de justice moderne, ce principe a été posé. Dès 1930, la jurisprudence internationale a reconnu le principe : avis du 31 juillet 1930 dans l’affaire « communauté Greco-Bulgare ». Cela va beaucoup plus loin car cela procède naturellement d’un principe fondamental posé dès le 25 mai 1926 CPJ « certains intérêts allemands en Haute Silésie Polonaise » : « au regard du droit international et de la Cour qui en est l’organe, les lois nationales sont de simples faits » 1. la cour se définit elle même comme étant l’organe du droit international ; 2. le droit international ne considère pas le droit interne comme du droit mais comme des faits. Quand le droit international prend en compte le droit interne, il le prend en compte comme un fait qui va pouvoir avoir une influence sur la création du droit international.
Assez tôt dans l’histoire en droit international, on avait résolu la question des relations entre le droit international et la constitution : 4 fev 1932 « traitement des nationaux polonais et des autres personnes d’origine ou de langue polonaise dans le territoire de Dantzig », supériorité du droit international à l’encontre de la Constitution.
Si on regarde par l’optique du droit interne, arrêt du 30 oct 1998 du CE « Sarran Levacher et autres », référendum Nouvelle Calédonie, le CE avait refusé de consacrer la supériorité des traités sur la constitution mais comme il ne pouvait pas dire le contraire il s’est placé dans une position dualiste > art 55 : principe de la supériorité des traités sur les lois, mais « la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle ». Cela montre qu‘un principe qui est intégralement reconnu au niveau international ne va pas être reconnu dans un droit interne (par ex, coutume ne peut pas prévaloir sur une loi – arrêt Aquarone CE).
La notion de politique juridique extérieure
Cette expression est due à un auteur français, Guy Ladreit de Lacharrière (conseiller juridique du gouvernement, conseiller a la CIJ), dans un ouvrage « La politique juridique de l’Etat » de 1983, les états ont une stratégie juridique des règles, il faut que sur le plan international elle soit cohérente. Mais ce n’est pas le cas en France ni dans beaucoup d’autres pays. Les états n’ont pas de stratégies juridiques, mais plus des stratégies politiques.
Cela veut dire que l’état devrait avoir une politique stratégique vis à vis du droit, une vision prospective de ce qu’il veut comme ordre juridique. Cela va dans le jeu du dédoublement fonctionnel : en tant qu’auteur → protéger intérêts qui sont les siens, en tant que sujet → utiliser les règles dans son intérêt.
Cette politique stratégique peut pousser un état à être plutôt favorable aux traités ou plutôt favorable à la coutume, opter pour une règle en fonction de l’intérêt qu’elle peut avoir pour eux. Par exemple, deux règles pour fixer la ligne de base des limites territoriales, on a le choix entre les deux. On peut décider d’aller devant un juge international pour régler un différent avec un autre état, cela peut être stratégique de perdre et de dire que le juge est injuste : 1992 arbitrage France vs. Canada cotes de St Pierre et Miquelon, la France n’aurait pas pu lâcher st Pierre et Miquelon par voie de traité donc elle est allée devant le juge et a accepté des arbitres principalement américain et on a envoyé pour défendre la France des personnes qui n’avait pas étudié le droit de la mer, l’état a dit ensuite que le juge était injuste > rendre acceptable des décisions au niveau interne.
On pourra voir qu’à chaque fois qu’un état viole une règle de droit, il dira qu’il y a une exception, une nouvelle règle de droit international, ils vont essayer de développer une stratégie juridique. Derrière cette notion de politique juridique extérieure se cachent les intérêts des états.
Les organisations internationales
En Grèce antique, il y avait deux types d’organisations internationales : Amphictionies (gestion commune des sanctuaires, organisation territoriale, etc), Symmachies (organisations internationales de défense collective (équivalent de l’OTAN)).
Sous cette réserve, il n’y a que des précédents théoriques (beaucoup d’auteurs ont réfléchi à la question), sur les projets de paix perpétuelle et d’organisation internationale. Il faut qu’il y ait une organisation internationale qui permette de maintenir cette paix. Quelle que soit la notoriété de ces auteurs, ces projets sont considérés comme des utopies, il n’y a pas de suite concrète. C’est avec beaucoup de réticence que les États vont se laisser convaincre à la fin du 19ème siècle, à condition que ça soit limité à des organisations purement techniques : les premières organisations internationales ont été les commissions fluviales (à l’échelle d’un fleuve international pour réglementer la navigation sur ces fleuves : Rhin, Danube), et les Unions Administratives (ancêtres des organisations spécialisées de l’ONU) : Union Géodésique internationale (pour mieux cartographier la planète), Union télégraphique internationale (si on invente le télégraphe, il faut bien que l’information puisse passer les frontières du monde entier). C’est le 20ème siècle qui va voir l’apparition d’organisations politiques et l’institutionnalisation de la société internationale qui va se créer des structures institutionnelles sous la forme d’organisations internationales. La SDN est une organisation politique à vocation universelle (tous les États du monde), et à compétence générale (pas de principe de spécialité), elle a été remplacée par l’ONU qui a les mêmes caractéristiques. L’ONU est-il un sujet de droit international ? Oui, s’il n’a pas de personnalité juridique, il ne peut pas être efficace. Avis du 11 avril 1949 : Réparation pour les services rendus aux Nations-Unies : les relations internationales ont la personnalité juridique internationale.
La théorie des organisations internationales
Elle est de construction récente, et pragmatique. L’ONU est l’Organisation mondiale, l’organisation internationale par excellence. C’est dans le cadre de l’ONU que les avancées du droit se font. Les règles applicables à l’ONU se sont souvent développées dans le cadre de la CIJ (Cour Internationale de Justice). C’est l’organe du droit international, elle a pour mission de le développer. La CIJ pose les règles dans le cadre de l’ONU, mais de façon très générale de sorte que ces règles puissent être adaptables aux autres organisations (à l’exception des organisations spécialisées (UIT : Union Internationale des Télécommunications). Leur action est limitée par le principe de spécialité : un champ d’action limité par référence au principe de spécialité.
La typologie des organisations internationales
La typologie catégorielle
Il y a des OI qui ne sont pas considérées comme de vraies OI au regarde du Droit international public. L’essai de typologie se fait en fonction de différents critères.
Selon le mode de création
Il permet de distinguer les organisations intergouvernementales et les ONG.
Les organisations intergouvernementales
Ce sont des organisations inter-étatiques créées par les États, par un traité, composées d’États (membres représentés dans les organes de l’organisation). Ce sont les seules à posséder la personnalité juridique internationale, et à se voir reconnaître la qualité de sujet de droit international.
Deux éléments sont incontournables :
- Base conventionnelle: l’OI doit être créée par Traité. Nature institutionnelle de l’organisation, le traité institue l’organisation en posant ses règles de fonctionnement et d’organisation interne. Le traité est nécessaire car les États sont souverains. L’OSCE, malgré son nom (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) n’a pas été créée par un Traité, mais par une déclaration.
- Critère de la permanence de l’organe: le critère de la permanence de l’organisation, historiquement, a permis de distinguer les organisations internationales à la fin du 19ème du système des congrès internationaux et des conférences internationales, qui se tenaient de façon périodique. Ex : système des conférences sur la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE, système d’Helsinki). Tous les organismes appelés « organisation … » ne sont pas forcément des OI.
Ce critère va permettre de distinguer les organisations internationales et les ONG.
Les organisations non gouvernementales (ONG)
Ce ne sont pas de vraies organisations internationales, elles n’ont pas le statut juridique d’OI. « Toutes organisation internationale qui n’est pas créée par voie d’accords intergouvernementaux » : définition de l’ONU sur les ONG. C’est une institution qui n’est pas composée d’États ou qui n’est pas composée d’États. Mais il y a parfois des États parmi les ONG (UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature).
Une ONG est une association de droit interne créée et composée par des sujets de droit interne qui peuvent être des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, et qui sont, sauf exception (Comité de la Croix Rouge), de différentes nationalités, et en principe sans but lucratif. Ces organismes ont pour mission d’exprimer une solidarité transnationale : on n’est pas face à des organismes ayant une personnalité juridique internationale. Domaines variés : humanitaire, sport, social (syndicats), politique, touristique, technique, scientifique, médical, religieux, écologique.
Les plus célèbres : UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature, créée en 1948 à Fontainebleau dont le siège se trouve à Gland en Suisse, et qui a plus une fonction de proposition), Comité International de la Croix-Rouge (CICR créé en 1863 à Genève par Henry Dunant et n’est composé que de Suisses, il n’y a pas d’élément transnational dans la composition mais seulement dans les lieux de son action, des missions de droit international lui sont confiées, et puisqu’il intervient au niveau des États, il faudrait penser qu’il a un minimum de personnalité juridique internationale, c’est la transposition au CICR du raisonnement qui a été fait pour l’ONU : on lui reconnaît la personnalité juridique nécessaire pour fonctionner) ; CIO (Comité International Olympique : créé par Pierre de Coubertin en 1894, dont le siège est à Lausanne). La législation suisse est favorable au statut juridique des ONG, c’est pour cela que la plupart des ONG ont leur siège en Suisse. Les ONG sont très nombreuses GreanPeace, WWF, Médecins sans Frontières).
Sur le plan juridique, l’ONG relève du droit national de l’État où se trouve localisé son siège.
24 avril 1986, dans le cadre du Conseil de l’Europe, la Convention de Strasbourg sur la personnalité juridique des ONG a été adoptée. Cela vise à étendre la reconnaissance des ONG à tous les États parties à la convention à partir du moment que l’ONG est reconnue dans l’État du siège. C’es un progrès pour les ONG travaillant en Europe, mais le droit applicable à une ONG est un vrai enjeu.
Dans quelle mesure les ONG sont-elles reconnues au niveau international ? Elles font l’objet d’une reconnaissance partielle de la part de certaines OI : Charte des Nations Unies précise que le Conseil économique et social peut consulter des ONG, et dans certains organismes de l’ONU, certaines ONG peuvent être observateurs : OMI (Organisation Maritime Internationale), UIT (Union Internationale du Travail), UNESCO. On peut participer aux réunions et conférences internationales organisées. On peut dire que les ONG coopèrent avec les OIG (Organisations InterGouvernementales), et ont parfois un statut consultatif et peuvent participer aux travaux, prendre la parole, présenter des exposés, faire inscrire une question à l’ordre du jour.
Derrière les ONG, il y a souvent des lobbys industriels.
Les ONG ne sont pas pour autant dans des sujets de droit international. Seul le CICR peut avoir des missions de type internationales confiées par des traités. Cet organisme va avoir la personnalité dans la mesure ou ça lui est nécessaire pour remplir les missions que les États lui ont confié.
Selon la vocation géographique
Les organisations universelles
Ce sont celles qui ont vocation à l’universalité : elle a vocation a rassembler tous les États du monde. Dans les organisations universelles, la plupart n’ont pas autant de membres que l’ONU. Ce sont des organisations ouvertes : tous les États du monde sont susceptibles de pouvoir rentrer dans l’organisation, et en théorie, le principe c’est d’avoir le plus de membres possibles. L’ONU est l’organisation universelle par excellence, mais elle n’a pas toujours eu le même degré de représentativité qu’aujourd’hui (à l’origine il y avait seulement 50 États). Aujourd’hui, l’ONU incarne la société internationale. Les instances spécialisées ont moins de membres mais s’inscrivent dans la même perspective à vocation universelle.
Les organisations régionales
Doctrine du régionalisme fondée sur la proximité géographique et l’homogénéité sociale qui est censée découler du fait qu’on est dans la même zone géographique. Cela conduit à penser qu’il va y avoir une plus grande solidarité dans un cadre institutionnel régional. Au départ, le régionalisme est géographique, mais en droit international il intègre des paramètres politiques, culturels, religieux ou linguistiques. Chronologiquement, la doctrine régionaliste est apparue en Amérique au 19ème siècle avec le Panaméricanisme. L’OEA est aujourd’hui vraiment panaméricaine (Organisation Économique Américaine).
Elles sont sont développé sur tous les continents, mais il y en a moins en Asie, et il n’y a pas d’organisation groupant tous les États d’Asie. En Europe, il y a beaucoup d’organisations régionales (coopération militaire (OTAN 1949), Conseil de l’Europe (compétence politique), organisations de coopération économique (OCDE 1960, ancienne OECE 1948), organisations de coopération scientifique et technique (Agence Spatiale Européenne, ASE ; CERN, Centre Européen de la Recherche Nucléaire)).
Selon le domaine d’activité
Les organisations à compétence générale
Ce sont celles dont l’action peut s’étendre à tous les domaines de la vie internationale : des organisations politiques. Leur domaine d’activité ne connaît pas de limites (sauf l’intervention dans le domaine des affaires extérieures d’un État). L’ONU incarne le type même de l’organisation à compétence générale et à vocation universelle avec une mission de maintien de la paix. La raison d’être de l’organisation internationale était le maintien de la paix. La paix est la condition du développement de la coopération internationale. Le principe de spécialité ne s’applique pas dans le cadre d’une organisation à compétence générale.
Les organisations à compétence spécialisée
Les compétences sont limitées ratione materiae : en fonction de la matière. C’est non seulement le domaine d’action de l’organisation mais aussi l’étendue de sa compétence juridique qui vont permettre de fixer les compétences nécessaires à la réalisation de sa mission, et l’objet et le but assignés à l’organisation par sa charte constitutive. Les organisations à compétence spécialisée sont des organisations dont l’action n’est pas politique en principe. Elles peuvent être politiques, techniques, culturelles, scientifiques, commerciales, etc. Ces organisations sont beaucoup plus nombreuses que les organisations à compétence générale, à la fois au niveau régionale (Agence Spatiale Européenne) et à la fois au niveau universel (toutes les institutions spécialisées de l’ONU).
Selon l’étendue des pouvoirs
Les organisations de coopération
Si on raisonne en DIPublic, on ne connaît que les organisations de coopération car les États restent souverains et se situent donc sur le plan de la coopération. Elles sont universelles ou régionales, elles sont rassemblées parce que strictement inter-étatiques.
Les organisations d’intégration
C’est l’UE par exemple. Le pas est franchi dans les années 60, parce que l’ordre juridique communautaire a intégré des éléments de supranationalité et dans l’arrêt du 5 février 1963 – Van Gend En Loos – CEDH : « un nouvel ordre juridique international au profit duquel les États ont limité bien que dans des domaines restreints leur droit souverain ». On admet la supranationalité, ce n’est plus un système de droit international classique.
15 juillet 1964 – Costa Contre Enel – CJCE : « C’est un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres ». Il y a une applicabilité directe intégrée au système juridique des États membres, c’est un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes.
L’évolution du système va vers un rapprochement plus grand avec le modèle interne, on consulte moins les peuples. Le droit communautaire n’est pas du droit international parce que l’existence même de cette organisation est totalement inconcevable au niveau universel.
La typologie organique
Toute organisation intergouvernementale possède des organes établis de manière permanente et dont le fonctionnement est régi indirectement ou directement par le traité constitutif. Il y a des critères qui permettent de trouver des catégories.
Suivant le rôle de l’organe
Il permet de distinguer les organes délibérants et les organes fonctionnels.
Les organes délibérants
Ils incarnent l’aspect délibérant des organisations internationales. Ils sont la représentation politique des États membres. Ils sont collégiaux et composés de gens représentant (engageant) l’État : représentants diplomatiques de l’État (ambassadeur permanent de France à l’ONU), chef de l’État, chef du gouvernement, ministre des affaires étrangères, ce sont des organes inter-étatiques qui correspondent aux organes majeurs de l’organisation. Le plus souvent ce sont des organes politiques. On distingue les organes pléniers et restreints.
Les organes pléniers
Composés de représentants de tous les États membres. En principe,ils sont tous sur un pied d’égalité. C’est une assemblée (parfois appelée « conférence »), comme par exemple l’Assemblée générale des Nations Unies qui incarne le principe d’égalité.
Les organes restreints
Ils ne réunissent qu’un nombre limité d’États dont les représentants siège au sein de l’organisation. Il sont élus par l’organe plénier (sauf membres de droit). À l’ONU : 5 membres permanents, 10 membres élus par l’Assemblée Générale. On applique le principe de la représentation géographique équitable : toutes les régions du monde sont équitablement représentées. Il y a beaucoup d’organes restreints aux nations unies (Conseil de Sécurité, CIJ).
Les organes fonctionnels
Ils doivent s’entendre a contrario des organes délibérants, et ne sont en principe pas des organes politiques. Ils se définissent à raison des fonctions particulières qu’ils remplissent (organes administratifs ou techniques, juridictionnels).
Les organes administratifs
Ils incarnent la permanence de l’organisation (secrétariat composé d’agents). Leur mission est d’organiser le fonctionnement régulier de l’organisation : préparer les réunions des organes délibérants, assurer leur déroulement, préparer le budget, assurer l’exécution des décisions prises par les États, entretenir les locaux. Secrétariat général des Nations-Unies.
Les organes techniques
Ce sont des organes consultatifs chargés de préparer le travail et d’assurer l’information des organes politiques. Ils peuvent être occasionnels ou permanents et sont composés de personnalités indépendantes (qui n’engagent par leur État, ce ne sont pas des représentants politiques de l’État) choisies à raison de leur compétence et en tenant compte du principe de la représentation géographique équitable.
Ils interviennent dans des domaines variés : dans tous les domaines où l’organisation interationale intervient : cela peut être des organes scientifiques (à l’ONU : Comité des Utilisations Pacifiques de l’Espace Extra-atmosphérique), juridique (Commission du Droit international de l’ONU).
Les organes juridictionnels
Ce sont des tribunaux internationaux constitués dans le cadre d’une organisation internationale. Ce sont aussi des organes juridiques, mais un peu plus que cela. Cour Internationale de Justice. Ces organes sont composés de juges élus par les organes délibérants (organes politiques). Ces juges ne sont pas les représentants de leurs États, ils sont juridiquement indépendants, mais pas politiquement. Aux Nations-Unies, il y a beaucoup de tribunaux : CIJ, Tribunal Adminsitratif des Nations-Unies (TANU), TPY (Tribunal Pénal pour la Yougoslavie). Il y en a dans d’autres organisations : Tribunal Administratif de l’Organisation Internationale du Travail.
Il y a une tendance à voir apparaître des tribunaux indépendants des organisations : Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM), et la Cour Pénale Internationale (CPI).
Suivant l’origine de l’organe
Cela permet de distinguer deux catégories.
Les organes principaux
Ce sont ceux dont l’existence est expressément prévue par la Charte, ce sont les organes mentionnés par le traité constitutif. Ce sont en général les organes les plus importants, mais pas toujours. Art 7§1 de la Charte de l’ONU : Assemblée Générale, Conseil de Sécurité, Conseil économique et social, Conseil de Tutelle, Cour Internationale de Justice, Secrétariat. Les 3 principaux organes sont l’Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité et la CIJ, mais les autres organes sont moins importants.
Les organes subsidiaires
Ce sont ceux qui ne sont pas créés par le Traité constitutif mais qui vont être créés par les organes principaux. Ce ne sont pas parmi les plus importants : un organe subsidiaire est toujours moins important que l’organe principal qui l’a créé, mais il peut être important. Ils répondent à des besoins de la vie pratique.
Art 7§2 de la Charte des Nations-Unies. L’art 22 prévoit que l’Assemblée Générale peut créer un organe subsidiaire, et l’article 29 pour le Conseil de Sécurité. Il suffit pour l’organe de voter une disposition, c’est le cas du Tribunal Pénal pour la Yougoslavie ou du Tribunal Pénal pour le Rwanda.
Suivant la composition de l’organe
Les organes intergouvernementaux
Ce sont ceux qui regroupent les États et incarnent la dimension inter-étatique des organisations internationales. Composés de représentants des États qui peuvent être des fonctionnaires (diplomates) ou des hommes politiques. Ces représentants engagent les États qu’ils représentent. Les États veulent garder la main-mise dans les décisions prises par les organes politiques.
Les organes intégrés
Dans ces organes, les gens qui siègent ne représentent pas leur État national, ils sont désignés en principe en fonction de leur compétence. Soit ce sont des personnalités recrutées pour leur compétence, soit des personnalités choisies (des experts) en fonction de leur compétence (les États proposent leurs experts), soit des personnalités élues (juges internationaux), c’est un poste très politique. Principe en droit international : indépendance de la Justice. Il est très rare de voir un juge voter contre son propre État.
Les organes techniques composés d’experts sont des organes intégrés : Commission du Droit International, Secrétariat Général des Nations-Unies (organe administratif), Commission Européenne (organe intégré dans une organisation intégrée).
Suivant les pouvoirs de l’organe
Les organes décisionnels
Ce sont les organes auxquels la Charte constitutive a donné le pouvoir de décision. Ils ont reçu la compétence d’engager l’organisation. Lorsque les décisions sont prises par les organes délibérants sont des résolutions (ce sont soit des recommandations si elles ne sont pas obligatoires soit de vraies décisions si elles sont obligatoires). Le Conseil de Sécurité et la CIJ peuvent adopter des décisions obligatoires. L’Assemblée Générale peut adopter des recommandations, mais pas des décisions.
Les organes consultatifs
Ils sont chargés d’apporter des informations nécessaires à l’accomplissement de la mission de l’organe décisionnel. Ce sont essentiellement de organes techniques composés de personnalités indépendants juridiquement et choisies en fonction de leur compétence. Ils peuvent participer de manière occasionnelle à une décision (groupe de travail), ou être permanents et assister un organe délibérant. Ils ne sont consultés que pour avis, généralement technique, mais de plus en plus, les États envoient des fonctionnaires internationaux qui vont s’aligner sur la position de leur État d’origine. Ils ne sont pas habilités à prendre de vraies décisions, mais les États cherchent à les influencer pour faire inscrire leurs vues dans les travaux préparatoires.
Le droit des organisations internationales
Un droit très jeune qui s’est essentiellement développé à partir de 1945, et d’après le droit onusien. La distinction entre droit originaire et droit dérivé est très importante mais le concept fondamental du Droit international est le concept de personnalité juridique internationale.
Le droit originaire et le droit dérivé
On fait une distinction entre le Traité Constitutif (la Charte) et le droit adopté par l’organisation et ses organes (les résolutions).
Le Traité constitutif
Qui dit organisation internationale dit « Traité par lequel les États vont créer l’organisation », c’est l’acte de naissance de l’organisation. Les États créent la nouvelle organisation internationale, et leur volonté va se traduire dans le traité. Il revêt un double aspect sur le plan juridique : c’est une convention multilatérale classique (qui doit respecter le droit des traités), mais c’est aussi l’acte constitutif d’un nouveau sujet de droit international.
La dimension conventionnelle
Le traité multilatéral est la forme habituelle de l’acte constitutif d’une organisation internationale. Rien ne se présume, l’existence d’un tel accord découle du caractère volontariste du droit international. C’est la preuve de la primauté de l’État en tant qu’acteur du droit international. Le droit international est très peu formaliste, peu importe que l’on parle de « Convention » (organisation maritime internationale créée par une convention), un « pacte » (pacte de la SDN), « Charte » (charte de l’ONU), « statut » (statut du conseil de l’Europe), « Constitution » (OIT), « traité » (UE), « accord » (Accord créant l’OMC). Comme n’importe quel traité, il s’agit de réunir une conférence internationale et de tenir des négociations pour établir le texte qui va créer l’organisation. L’adoption et la rédaction d’un traité sont très importantes. L’objet est de créer une structure permanente, il faut être attentif aux pouvoirs et missions confiés à l’organisation, et il faut faire la balance entre ce que l’organisation va apporter et ce qu’elle sous-entend comme sacrifice de souveraineté. L’accord doit être réalisé, il ne doit pas être présumé. On entre dans un formalisme plus grand et permettant de confirmer officiellement le consentement. On signe le traité, mais un traité d’organisme international doit être ratifié. Il n’y a pas d’organisation internationale sans accord de volonté pour les États créateurs ou sans manifestation de la volonté d’entrer dans l’OI pour les États qui vont l’intégrer par la suite.
La dimension constitutionnelle
Ce sont les aspects constitutifs du traité, ils fixent le cadre constitutionnel de l’action à venir de l’organisation. Le traité va définir les structures et les compétences, les principes et les buts. Chaque fois que les États ont donné une compétence à l’organisation internationale, cela veut dire qu’ils ont limité leur souveraineté sur ce point. Pour les organisations qui ne sont pas générales, il y a un principe de spécialité, les États ont la garantie que l’organisation est compétente dans sa spécialité et ne peut pas aller au-delà. Ce caractère constitutionnel du traité a d’autres conséquences : les réserves sont interdites parce que c’est un ensemble, on doit tout accepter sans réserve. On définit la procédure de révision dans la Convention. Il y a aussi des coutumes propres aux organisations internationales. La convention constitutive va hiérarchiser le droit, on va considérer que cette convention constitutive est au dessus des autres conventions qui peuvent être signées. Art 103 de la Charte des Nations-Unies : dans les conventions signées par les États membres, la Charte prévaut toujours sur toute autre convention. On établit une sorte de hiérarchie des normes : toutes les obligations découlant de la charte doivent prévaloir sur les autres obligations internationales.
Les résolutions des organisations internationales
Le droit originaire fixe le cadre dans lequel se développe le droit dérivé qui est le droit adopté par les organes. Il est matérialisé par les résolutions adoptées par les organes. Ces résolutions sont des actes unilatéraux des OI, et la controverse sur leur valeur juridique est politique : on a confondu la question de la valeur juridique et la question de la valeur obligatoire de ces résolutions. Or ce sont deux choses différentes. Les décisions budgétaires de l’Assemblée Générale ont une valeur obligatoire dans le domaine budgétaire, pas ailleurs. En droit interne, on fait un amalgame entre ce qui est juridique et ce qui est obligatoire. Selon les cas, certaines résolutions de l’Assemblée Générale qui ne sont pas obligatoires peuvent avoir une valeur juridique, il faut s’intéresser à leur contenu. Il y a des résolutions sans valeur juridique et sans dimension normative. Dès lors que les résolutions ont une valeur normative, rien n’interdit qu’elles participent au développement du droit. Elles peuvent servir à la création d’une coutume internationale.
CIJ – Avis 8 juillet 1996 – affaire licéité de la menace ou de l’emploi de l’arme nucléaire : « Les résolutions de l’Assemblée Générale, même si elles n’ont pas force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative. Elles peuvent, dans certaines circonstances, fournir des éléments de preuve importants pour établir l’existence d’une règle ou l’émergence d’une opinio juris (sentiment que les États ont qu’une pratique est obligatoire en tant que coutume). Pour savoir si cela est vrai, d’une résolution donnée de l’Assemblée Générale, il faut en examiner le contenu ainsi que les conditions d’adoption ; il faut en outre vérifier s’il existe une opinio juris quant à son caractère normatif. Par ailleurs, des résolutions successives peuvent illustrer l’évolution progressive de l’opinio juris nécessaire à l’établissement d’une règle nouvelle. » La CIJ consacre par cet arrêt la participation des OI à la formation du droit des coutumes. Ça a été un facteur d’accélération de la coutume. Des États peuvent transposer une disposition non obligatoire par voie d’accord. On a d’abord une résolution sur les principes, et ensuite les États décident de faire un traité, ça peut être un moyen de faire avancer le droit conventionnel. La résolution contribue à créer une coutume, mais il y a des organes pour lesquels le droit originaire donne une force obligatoire au droit dérivé. Si le traité constitutif le prévoit, des actes dérivés peuvent avoir une valeur obligatoire (pour l’Assemblée Générale, en matière de budget de l’organisation (art 18), pour le Conseil de Sécurité (art 25 + dispositions spécifiques chap 7) en matière de maintien de la paix).
La personnalité juridique internationale
C’est une question essentielle en droit, appliquée au droit des OI. Détenir la personnalité juridique, c’est être un sujet du droit, c’est exister. Les OI existent depuis longtemps, mais le existence juridique est récente. L’obstacle psychologique venait du fait qu’on ne connaissait que les sociétés où les États avaient le monopole ; on a fait un amalgame entre le fait d’être sujet du Droit international et souverain. Sur le plan juridique, les détracteurs de la personnalité juridique des OI disaient que seuls les souverains peuvent avoir la personnalité juridique. Quand on a créé l’ONU, on était conscient qu’une OI avait besoin d’avoir un statut en droit international, et on avait donné à l’ONU le pouvoir de restaurer la paix y compris par la force armée, mais pas de statut de sujet. Aucun article de la Charte ne dit quel est le statut de l’ONU en droit international. L’art 104 dit que l’ONU a une personnalité juridique interne (elle va pouvoir exister dans le droit interne d’un État dans lequel elle est implantée, être un sujet de l’ordre interne), mais on ne prévoit pas d’existence dans le système international. Les États n’ont pas voulu le prévoir. Dès la fin des années 40, la question s’est posée de manière concrète, parce qu’elle allait être bloquée dans son action. La CIJ a été saisie de cette question, et a rendu un Avis 11 avril 1949 : l’ONU a une personnalité juridique international. C’est la CIJ qui a fait avancer le droit, en des termes très larges qui rendaient ce qu’elle venait de dire à propos de l’ONU généralisable aux autres OI.
Le principe posé par la CIJ dans son Avis du 11 avril 1949
À la fin des années 40, l’ONU a été contrainte d’envoyer des médiateurs en Palestine, et ils ont été assassinés par Israël. L’ONU voulait demander réparation pour ce qui était arrivé à ses agents, mais ils n’avaient pas de protection diplomatique puisqu’ils n’étaient pas présents en tant que représentants de leur État mais en tant qu’agents de l’ONU. Mais pour demander réparation du dommage, il fallait qu’elle puisse intenter une action en responsabilité. Or, une entité qui n’existe pas en droit international ne peut pas intenter d’action contre un État qui en plus n’est pas membre de l’ONU. Cela ne suffit même pas de dire que l’ONU a une personnalité juridique internationale, puisque comme l’Israël ne fait pas partie de l’ONU, il faut que ce soit une personnalité objective s’imposant à tout le monde.
La CIJ consacre la personnalité juridique internationale de l’ONU, en favorisant la généralisation du concept aux autres organisations internationales.
La consécration de la personnalité juridique internationale de l’ONU
Avis de la CIJ rendu à l’Assemblée Générale de l’ONU le 11 avril 1949 : elle reconnaît une personnalité juridique internationale qui est une « qualité déduite nécessairement de la Charte et de l’activité des Nations-Unies ». La CIJ constate que la Charte ne dit rien, mais interprète largement le texte (interprétation téléologique), par référence à son but. Elle va se référer au caractère et à la mission de l’ONU et va se référer aux activités de l’ONU déployées dans le cadre de sa mission pour remplir ces buts. La CIJ utilise 2 techniques classiques de l’interprétation juridique :
- Théorie du faisceau d’indices.
- Théorie des compétences implicites: on considère que l’ONU a forcément ces compétences pour remplir ses missions.
La CIJ affirme la personnalité juridique internationale objective (qui s’impose à tout le monde, même à ceux qui ne veulent pas la reconnaître) de l’ONU. La CIJ peut faire évoluer le droit, elle peut forcer la main aux États tout en ménageant les États et leurs susceptibilités. La Cour va dire :
- Il est indispensable que l’ONU ait la personnalité pour atteindre les buts que la Charte lui fixe.
- L’organisation est une entité distincte des États qui la composent, et si on ne lui reconnaît pas cette personnalité, elle ne pourra jamais être autonome ou indépendante des États.
- L’organisation est donc une personne internationale, un sujet de droit international.
- C’est une personne internationale objective, qui s’oppose à tout le monde.
Or, le Traité ne lie que ceux qui y sont partie, c’est le traité qui crée l’organisation, c’est donc une exception au principe de l’autorité relative des traités.
La généralisation du concept aux autres Organisations Internationales
Cet apport de l’avis est essentiel, parce qu’une bonne partie du droit des OI ne se serait pas développé si on n’avait pas reconnu la personnalité juridique internationale aux OI. Aujourd’hui, cette personnalité est incontestable, elles sont des sujets comme les États, elles peuvent créer du droit et être l’objet de l’application du droit. Beaucoup d’actes constitutifs postérieurs ont pris en compte cette personnalité juridique qui est inscrite dans des Traités Constitutifs. Mais cette personnalité objective n’est pas généralisable aux autres OI. L’ONU a une dimension objective réelle, mais l’opposabilité est très liée à la représentativité, l’opposabilité erga omnes (à l’égard de tous) peut être valable pour les OI universelles, mais la personnalité objective n’est pas admissible pour les organisations régionales, l’opposabilité juridique reste soumise à la reconnaissance des tiers. L’UE joue un tel rôle aujourd’hui, qu’il est difficile d’admettre qu’un État non européen puisse nier la personnalité juridique de l’UE.
Le contenu de la personnalité juridique internationale
Ce n’est pas le même concept que pour les États. C’est une personnalité juridique fonctionnelle.
La conception fonctionnelle de la personnalité
Les États ont perdu leur monopole international, c’est aussi la fin de l’assimilation entre les relations inter-étatiques et les relations internationales (il y a des sujets autres que les États). Il a fallu revoir la définition du sujet de droit international. La CIJ dit que reconnaître la personnalité juridique internationale à l’ONU ne veut pas dire que l’ONU devient un État. « Reconnaître la personnalité juridique internationale n’équivaut pas à dire que l’organisation soit un État ou que sa personnalité juridique, ses droits et ses devoirs soient les mêmes que ceux d’un État. Encore moins cela équivaut-il à dire que l’organisation soit un « super État » ». L’ONU n’est pas un super État.
On peut avoir la personnalité juridique sans être un État, la personnalité juridique n’est pas identique dans son principe et dans son contenu à celle des États. Cela va contribuer à donner une définition différente de la personnalité juridique. Auparavant, tous les sujets avaient la même personnalité. Dans le cas des États, comme souverain, la personnalité est pleine et entière. Dans le cas des OI, ce qui fonde la personnalité, c’est la fonction de l’OI : de là vient l’approche fonctionnelle : l’OI a une personnalité conditionnée par les fonctions et buts de l’OI « tels qu’ils sont énoncés ou impliqués par son acte constitutif et développés dans la pratique ». Selon la CIJ (vision large dûe à 1949). Ils ne faut pas considérer que ça limite la personnalité juridique des OI car c’est ce qui la fonde, mais c’est un fondement différent de celui des Etats. C’est ce fondement qui fait que c’est transposable aux autres OI. La Cour se réfère aux « OI dont l’ONU représente l’exemple suprême ». Mais 2 points peuvent distinguer l’ONU des autres : son caractère universel (pour la transposition du caractère objectif) et son caractère général : la CIJ va dire que de ce fait, l’ONU bénéficie dans une large mesure de la personnalité juridique, les OI spécialisées auront une personnalité plus restreint, conditionnée par le principe de spécialité.
La personnalité juridique est doublement variable : OI/Etat et à l’intérieur de la catégorie des OI, la personnalité de chaque OI va être fonction de ses fonctions.
Les compétences des OI
La CIJ l’a rappelé dans son avis du 8 juillet 1996 – Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé : « Les OI sont des sujets de droit international qui ne jouissent pas à l’instar des États de compétences générales. Les OI sont régies par le « principe de spécialité », càd dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir. » Les compétences des OI vont être plus ou moins vastes selon les cas.
Une capacité juridique minimum
Il y a 7 compétences minimales.
- L’autonomie financière
C’est une garantie de leur indépendance vis à vis des États, ce sont eux qui contribuent au budget de l’organisation. Le budget détermine les moyens financiers propres de l’organisation, et ensuite l‘organisation va avoir la maîtrise de ces moyens. Très peu de ressources propres sont dégagées par les OI elles mêmes.
- Le droit de traiter
Sauf disposition contraire de l’acte constitutif, toutes les organisations internationales peuvent conclure des traités internationaux avec des États et avec d’autres organisations internationales. Les OI négocient de secrétariat à secrétariat, et ensuite les États membres doivent accepter ce que les secrétariats ont négocié.
Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et OI ou entre OI : les traités auxquels au moins une des parties est une organisation. Cela transpose aux OI les règles de la Convention de 1969 sur les États. Si les OI ont une capacité de principe à conclure des traités, cela sous-entend qu’il faut que ce soit dans le cadre de son champ de compétence.
- Le droit de légation
Droit de légation passif : les missions permanentes des États auprès de l’OI (des États membres ou des États non-membres), ce sont de vraies missions diplomatiques.
Droit de légation actif : il fonde la représentation des OI auprès des États membres, c’est l’OI qui entretient de vraies missions auprès des États, même des États non-membres vont pouvoir entrer dans ce jeu diplomatique et envoyer des missions d’observateur auprès d’une organisation. Les OI vont pouvoir avoir des représentations permanentes dans des États non-membres. Depuis 1971, les Communautés Européennes ont une représentation permanente auprès des USA.
- Les privilèges et immunités
Comme les États, les OI bénéficient des privilèges et immunités qui doivent leur permettre d’exercer leurs fonctions en toute indépendance. Ces privilèges et immunités ont e théorie un caractère fonctionnel, mais il y a en pratique beaucoup de similitudes avec les missions diplomatiques étrangères sur le territoire d’un État : inviolabilité des locaux d’une OI, immunité de juridiction pour les fonctionnaires internationaux.
Il y a également des privilèges financiers et fiscaux.
- La responsabilité internationale
Plus qu’une compétence, c’est surtout un droit : c’est l’obligation qui résulte pour les OI du fait qu’elles ont la personnalité internationale. Elles sont responsables de leurs agents dans le système, elles doivent respecter le droit international. Leur responsabilité peut être engagée, soit du fait de l’OI, soit du fait de ses agents.
- Le droit de réclamation
De la même façon qu’une OI est responsable, elle a le droit de réclamer au niveau international, elle peut attaquer quelqu’un. C’est la contrepartie, la réciproque de la responsabilité internationale.
- La protection fonctionnelle
Elle a été consacrée dans l’avis du 11 avril 1949, elle découle du droit de réclamation : dans la mesure où l’OI prend fait et cause pour l’un de ses agents, la responsabilité internationale n’est possible que du fait fait de la protection fonctionnelle. C’est l’équivalent pour une OI de la protection diplomatique d’un État. Cette compétence n’est jamais prévue par les textes, elle résulte toujours de l’application de la théorie des compétences implicites. C’est une théorie très favorable aux OI puisqu’elle leur permet d’étendre leurs compétences.
La théorie des compétences implicites
Théorie d’origine jurisprudentielle, qui vient du droit Constitutionnel américain, pour étendre les compétences de la fédération au détriment des États fédéraux. Théorie transposée dans les années 20 à la Cour Permanente de Justice Internationale (CPIJ), et elle a été reprise et consacrée par la CIJ avec l’avis du 11 avril 1949, cette théorie a fait l’objet d’une application constante, elle est appliquée par d’autres tribunaux internationales (CEDH, CJUE). Elle est utilisée par les juges quand ils interprètent les compétences d’une organisation. Les organes politiques s’en servent pour étendre leurs compétences, et certaines OI l’utilisent pour étendre leurs compétences en faisant des choses qu’elles n’ont pas le droit de faire.
C’est une méthode d’interprétation téléologique (fondée sur le but), on interprète le texte en considérant qu’il est possible de reconnaître à une OI ou à un de ses organes des compétence qui, sans être expressément énoncées dans les textes, apparaissent nécessaires à la réalisation des fonctions et des buts affirmés par ceux-ci.
Cela peut viser des compétences opérationnelles, fonctionnelles. Il ne faut pas que ce soit contraire au droit originaire (texte fondateur), au droit dérivé, et à la pratique de l’organisation. Cela doit entrer dans les limites de la personnalité fonctionnelle qui s’incarne dans le principe de spécialité. Cette théorie est applicable à l’ONU, à toute organisation internationale. Cela a même été théorisé dans l’avis du 8 juillet 1996 sur la licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé : la Cour érige la théorie des compétences implicites au rang de doctrine d’interprétation des chartes constitutives : c’est favorable au développement des OI, la Cour a consacré les compétences implicites des OI.
L’exemple du système onusien
Le modèle onusien est celui de l’organisation mondiale.
L’organisation des Nations-Unies
On l’appelle souvent « l’organisation mondiale ». C’est l’élément central d’un système mis en place en 1945, le système dans lequel on vit. Elle incarne LA communauté internationale des États. Créé par la Charte de San Francisco adoptée le 26 juin 1945 et entrée en vigueur le 24 octobre 1945. L’ONU a succédé à la SDN, et elle est la seule organisation à vocation universelle dans le monde.
La composition de l’ONU
L’acquisition de la qualité de membre
L’ONU comprend 193 États, et être admis à l’ONU a une signification particulière.
Les membres originaires
C’est l’art 3 de la Charte, les membres originaires sont ceux qui ont participé à la conférence de San Francisco ou ceux qui n’auraient pas être présents mais auraient signé antérieurement la Convention des Nations-Unies. Il y a 51 membres originaires : 50 États participent du 25 avril au 26 juin 1945 à la conférence de San Francisco, et un État, la Pologne, est absente.
Parmi ces 51 membres, certains ne sont pas des États :
- L’Inde en 1945 n’est pas un État, elle est encore sous contrôle britannique.
- L’Ukraine et la Biélorussie, en 1945, sont des Républiques Fédérées de l’Ex-URSS, elles n’ont pas le statut d’États.
Ces 51 États membres originaires représentent les alliés en guerre contre l’Axe. A contrario, il y a des États qui sont exclus par principe : les vaincus de la GM2.
Les membres admis
L’ONU a une vocation universelle, mais tous les États n’y entrent pas, il y a des conditions réglementées par l‘art 4 de la Charte.
Cet art 4 comprend 2 paragraphes. Le sens et la portée de ces 2 paragraphes ont été complétés par 2 avis :
- CIJ 28 Mai 1948 – Condition de l’admission d’un État comme membre des NU : sur les conditions de fond.
- CIJ 30 Mars 1950 – Compétences de l’Assemblée Générale pour l’admission d’un État aux NU : sur les conditions de procédure.
Les conditions de fond (art 4§1)
Peuvent devenir membre des NU, tous les autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et au jugement de l’organisation sont capables de les remplir et disposés à le faire. 5 conditions : être un État, être pacifique, accepter les obligations de la charte, être capable de les remplir, être disposé à le faire. Ces conditions sont limitatives, on ne peut pas en ajouter d’autres. Un État ne peut pas faire dépendre l’admission d’un État de l’admission d’un autre État. Un État ne peut pas rajouter d’autres conditions.
- Être un État
C’est la condition de base, cela traduit le caractère inter-étatique et intergouvernemental de l’ONU.
- Être pacifique
Cela vise à exclure les États vaincus de la GM2. La déclaration de 1942 sert à juger des États pacifiques : les États en guerre contre l’Axe, et les États neutres qui n’ont pas prit parti. Les vaincus sont les responsables de la guerre et ne peuvent pas être membres de l’organisation.
- Accepter les obligations de la Charte
Aucun État ne peut se soustraire à ses obligations de membre. Un neutre ne peut pas prétexter du fait qu’il est neutre pour refuser de participer à l’action de l’organisation.
- Être capable de remplir lesdites obligations
C’était un prétexte utilisé pour écarter les micro-Etats (européens notamment) de l’organisation. On leur disait qu’ils ne pouvaient pas supporter une participation financière à l’organisation.
- Être disposé à le faire
C’est subjectif : à partir de quel moment est-on disposé et on ne peut pas ou à partir de quel moment on ne veut pas le faire et on le déguise ? C’est apprécié de façon discrétionnaire par les États. La question des contributions financières en fait partie. Les plus gros contributeurs doivent verser une grosse cotisation et font des difficultés à payer, ils sont mauvais payeurs.
Les conditions de procédure (art 4§2)
L’admission comme membre de tout État remplissant les conditions de fond se fait par décision de l’Assemblée Générale sur recommandation du Conseil de Sécurité. Pendant la Guerre Froide, les admissions étaient paralysées par les veto systématiques des États occidentaux et soviétiques.
Quand le Conseil de Sécurité ne recommande pas l’admission soit parce que l’État n’obtient pas la majorité, soit parce qu’un ou plusieurs États pose un veto, l’AG peut-elle admettre l’État quand même ? Le Conseil de Sécurité est-il juste consultatif ou est-il une procédure obligatoire ?
CIJ avis 30 mars 1950 : l’AG ne peut pas sans le Conseil de Sécurité, parce que les deux actes juridiques (Conseil + Assemblée) sont également nécessaires, et la CIJ définit « la recommandation du Conseil comme la condition préalable de la décision de l’Assemblée par laquelle se fait l’admission ».
La situation ne se débloquera qu’en 1955 : on fait un « package deal » : on fait entrer tous les États occidentaux et soviétiques en même temps. C’est comme ça que l’ONU va réaliser sa vocation universelle.
Deux vagues permettent l’élargissement : la décolonisation, et la deuxième génération du Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : Europe orientale, Ex-URSS. Les nombre des membres de l’ONU a été multiplié presque par 4, aujourd’hui l’ONU rassemble toutes les entités unanimement reconnues comme des États. Il n’y a pas d’organisation universelle qui compte plus d’État que l’ONU.
La perte de la qualité de membre
La suspension est envisageable dans 2 hypothèses et selon 2 modalités :
- Art 5 prévoit la possible suspension de l’exercice des droits et privilèges inhérents à la qualité de membre lorsqu’un État fait l’objet d’une action préventive ou coercitive de la part du Conseil de Sécurité.
- Art 19 : un État va pouvoir voir son droit de vote à l’AG suspendu du fait d’un retard dans le paiement des contributions.
- Exclusion : le retrait est-il possible au sein de l’ONU ?
La question du retrait
Art 1§3 Pacte de la SDN offrait aux États membres la possibilité de se retirer. Délai de préavis de 2 ans à condition qu’ils aient payé leur contribution. Si on regarde la charte on ne trouve pas l’équivalent de cet article. Ce n’est pas un oubli, et si on regarde les travaux préparatoires, on se rend compte qu’il y a une préparation interprétative formulée en commission : il n’est pas possible d’obliger un État à demeurer dans l’organisation contre son gré. En 1964, l’Indonésie s’était présenté pour être au Conseil de Sécurité, et la Malaisie a été choisie à sa place, l’Indonésie a donc manifesté une volonté de se retirer de l’ONU « Pour l’instant et dans les circonstances actuelles ». En 1966, le gouvernement a manifesté sa décision de « se remettre à coopérer pleinement avec les nations-Unies et de participer à ses activités ». L’ONU a juste suspendu la participation de l’Indonésie aux travaux de l’organisation.
La possible exclusion
Art 16§3 de la SDN. En 1939, on a exclu l’URSS lors de l’agression perpétrée contre la Finlande. On a prévu cette possibilité dans la Charte, on utilise la même procédure pour exclure un État que pour l’admettre. Art 6. Si un membre enfreint les principes de la Charte de manière persistante, on peut être exclu de l’ONU par l’AG sur recommandation du Conseil de Sécurité. On applique le principe du parallélisme des formes. Aucun membre du Conseil de Sécurité ne peut être exclu (il va utiliser son droit de veto), et l’exclusion n’a jamais été utilisée, elle reste une mesure théorique, en pratique on n’imagine pas vraiment un cas où un État ne trouverait pas au moins UN membre permanent pour le soutenir. La procédure n’a jamais été utilisée du fait du veto.
En 1974, les États africains avaient demandé l’exclusion de l’Afrique du Sud du fait de l’apartheid. Les 3 membres occidentaux du conseil permanent ont mis leur veto pour pouvoir faire des pressions.
En 1994, on a songé à demander l’exclusion de la Yougoslavie, mais on ne l’a même pas demandé parce qu’on savait qu’il y aurait un veto russe. Ce côté dissuasif du veto est très gênant, on sait que la procédure ne servira à rien.
Les organes principaux de l’ONU
Ceux dont la création est prévue par la Charte. Dans l’esprit de la Charte, ces organes principaux sont pour la plupart d’entre eux les organes principaux de l’organisation. La Charte n’institue pas de prééminence hiérarchique entre les organes permanents. Juridiquement ils sont égaux et indépendants les uns des autres. La lecture officielle de la Charte est qu’il ne peut pas y avoir de litispendance.
L’Assemblée Générale
C’est l’organe plénier de l’ONU, la Charte y consacre son chapitre 4 (art 9 à 22).
La composition de l’AG
Elle traduit le principe fondamental des relations internationales : l’égalité souveraine. Tous les États membres font partie de l’AG sur un pied d’égalité : ils n’ont qu’une voix. Il y a des délégations des États membres, des observateurs qui n’ont pas le droit de vote, des États non-membres, des OI (UE), mouvements de libération nationale, ONG : Union Internationale pour la conservation de la nature est un observateur permanent.
Le fonctionnement de l’AG
L’organisation des travaux
L’AG n’est pas une instance permanente, elle tient une session par an, pendant 4 mois au siège de l’organisation à NY, mais il peut y avoir des sessions extraordinaires. Elle établit son règlement intérieur, elle a à sa tête un bureau, elle élit un Président : tous les ans sur la base de la représentation géographique mais pas parmi les pays du Conseil de Sécurité. Il y a 6 commissions et des présidents de commission. Elles sont spécialisées :
- Questions politiques ;
- Désarmement, questions économiques, questions financières ;
- Questions sociales, humanitaires et culturelles ;
- Questions de tutelle et de territoire non-autonome ;
- Questions administratives et budgétaires :
- Commission juridique des Nations-Unies.
L’AG délibère sur les questions inscrites à son ordre du jour, à la demande d’un ou plusieurs États, et elle délibère dans les 6 langues officielles de l’ONU (Anglais Français Espagnol Arabe Russe Chinois).
La procédure de vote
Chaque État dispose d’une voix, mais l’art 18 fait la distinction entre les questions importantes et les autres questions. La majorité requise n’est pas la même. Art 18§2. C’est une liste des questions importantes qui n’est pas limitative, l’AG peut voter de nouvelles questions qu’elle inscrit sur la liste.
Questions importantes : maintien de la paix, élection des membres non permanents au Conseil de Sécurité, admission ou exclusion des États, questions budgétaires. Pour ces questions importantes, il faut une majorité des 2/3.
Sur toutes les autres questions, y compris la question de déterminer de nouvelles catégories de questions importantes, on prend les décisions à la majorité simple.
Consensus ou procédure de non-objection : on ne vote pas et le texte est adopté sauf si une délégation y fait objection. C’est comme ça que sont adoptées la plupart des résolutions, on ne vote presque plus.
Les compétences de l’AG
C’est le seul organe principal qui soit plénier, il a de très vastes compétences, et notamment, en vertu de l’art 15, il reçoit chaque année les rapports des autres organes, il discute ce rapport et vote le budget pour chacun des organes.
Les limites à la compétences de l’AG
Art 2§7 : elle doit s‘abstenir d’intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État. Ce sont les matières du domaine réservé.
Art 12§1 : elle ne doit faire aucune recommandation à propos d’un différent ou d’une situation dont le Conseil de Sécurité est saisi, sauf si le conseil de sécurité le lui demande.
Art 11§2 : L’AG doit renvoyer au Conseil de Sécurité toute question qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationale dès lors que cette question appelle une action.
L’étendue des compétences de l’AG
- Compétences conjointes : celles que l’AG partage avec le Conseil de Sécurité, il faut que les 2 soient d’accord : composition de l’ONU (admettre de nouveaux membres, suspendre, exclure), élection des juges de la CIJ, élection du secrétaire général de l’ONU.
- Compétences exclusives : compétences propres de l’AG, nombreuses et variées, elles portent sur l’élection des membres de Conseil restreint, les membres du Conseil économique et social, les membres du Conseil de Tutelle. Elles portent également sur la création et la composition des organes subsidiaires. L’AG a également autorité sur le Conseil Economique et Social, sur le Conseil de Tutelle, sur l’Administration de l’ONU. C’est elle qui va coordonner les activités des institutions spécialisées, elle vote le budget et discute des rapports qu’on lui présente.
L’AG peut demander un avis consultatif à la CIJ mais c’est elle qui a le pouvoir d’autoriser d’autres entités que elle et le Conseil de sécurité à demander l’avis de la CIJ.
Le Conseil de Sécurité
C’est l’organe politique, restreint, il est avec la CIJ le seul organe de l’ONU qui peut adopter des décisions obligatoires. La Charte lui consacre son chapitre 5, ce sont les articles 23 à 32.
Composition
L’art. 23 § 1 : il se compose de 15 membres dont 5 permanents. À l’origine, il y avait 11 membres dont 5 permanents, et c’est le seul point sur lequel on ait jamais révisé la Charte, mais on a pris un amendement pour augmenter les membres non-permanents. Les 5 membres permanents sont des membres de droit. Ils sont nommés par la Charte à l’art.23 § 1 : Chine, France, Russie, R-U et États-Unis. Le privilège qui leur est reconnu est une exception au principe de l’égalité souveraine. Il se justifie pare que c’était les 5 puissances victorieuses. Ce sont les 5 puissances nucléaires officielles. Les membres permanents ont en plus un droit de veto. Ça empêche la prise de décision, mais initialement, ça sert à assurer l’équilibre des pouvoirs. Ça paralyse toute réforme de l’ONU. Les 10 membres non permanents sont élus par l’AG pour un mandat de 2 ans pas immédiatement renouvelable. C’est l’art.23 § 1 qui énonce les règles. Pour les choisir, l’AG doit tenir compte de la contribution des membres au maintien de la paix, et de la représentation géographique équitable. En pratique, c’est le deuxième critère qui est déterminant. Sur les 15 membres, il y a 3 États africains, 3 États asiatiques, 2 États d’Amérique latine, 2 État de l’est de l’Europe, et cinq États du groupe WEOG (Europe occidentale et autres États). Si un État est particulièrement affecté par la question traitée par le Conseil, un pays peut venir au Conseil de sécurité.
Fonctionnement
Il fonctionne de manière continue, et non par session.
L’organisation des travaux
Il est organisé de manière à pouvoir exercer ses fonctions de manière permanente et assurer la rapidité et l’efficacité de l’action onusienne. On est revenu sur les méthodes des sessions de la SDN. Le Conseil se réunit lorsque les circonstances l’exigent sur convocation du président. Chaque État va désigner un représentant permanent qui réside à New-York et qui doit pouvoir participer aux réunions n’importe quand. C’est ainsi que se sont constituées les délégations permanentes. Il se réunit en principe au siège de l’ONU, mais il peut le faire ailleurs. La saisine du Conseil doit être demandée au président, et la convocation est immédiate.
La procédure de vote
Cette procédure est la concrétisation de la place et du rôle du Conseil. Formellement, on retrouve l’art.27 § 1 : chaque membre dispose d’une voix. Donc c’est à la majorité qu’on va prendre les décisions. Mais la majorité va être qualifiée suivant les types de question. La Charte va prévoir la procédure de vote. L’art.27 § 2 nous dit que les décisions sur les questions de procédure sont prises par un vote de 9 sur 15. Au terme de l’art.27 § 3, toutes les autres questions sont prises par un vote affirmatif de 9 sur 15 dans lesquelles sont comprises les voix de tous les membres permanents. Donc sur toute question de fond, l’unanimité des membres permanents est requise. Mais c’est vite devenu intenable dans le contexte de guerre froide. S’est développée une coutume qui a consisté à dire que si un membre s’abstient, il n’y a pas de veto. C’est une coutume contra legem. Et cette coutume a été consacrée comme étant le droit positif dans un CIJ avis, 11 juin 1971, Sur la Namibie. Ainsi a été adoptée la résolution 678 qui a permis d’intervenir en Irak au début des années 1990. Ce veto fait encore partie du quotidien de l’ONU.
Compétences
Le maintien de la paix et la sécurité internationale
Il faut se reporter à l’art.24 § 1 qui dit que « les membres de l’ONU confèrent la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale au Conseil ». En fait, le maintien de la paix est clairement identifié comme étant le premier but de l’ONU. En la matière, le Conseil a deux types de compétences : selon qu’elle relève du chapitre 6 ou du 7. Le chapitre 6 (articles 33 à 38) est intitulé « règlement pacifique des différends ». Le Conseil peut adopter des recommandations, intervenir d’office, mais ne peut pas agir. Les résolutions adoptées sur la base de l’article 6 ne sont jamais obligatoires. Le chapitre 7 a pour titre « actions en cas de menaces contre la paix, de rupture de la paix et d’actes d’agression ». On a là trois situations possibles. Si un des cas est avéré, le Conseil peut agir, c’est-à-dire prendre des résolutions obligatoires et prendre des mesures coercitives, et même aller jusqu’à autoriser le recours à la force. C’est dans ce cadre que se trouve l’exception à l’interdiction du recours à la force.
Les autres compétences du Conseil
On retrouve comme pour l’AG des compétences propres et conjointes. Les compétences conjointes sont les mêmes que celles de l’AG. C’est là où l’action coordonnée des deux organes est nécessaire. À côté de cela, on a des compétences propres, essentiellement liées à la CIJ dans le cas du Conseil. Il peut demander un avis à la CIJ sans avoir à passer par l’AG. Il ne l’a fait qu’une fois en pratique : en 1970 sur le veto. Deuxième compétence propre résulte de l‘art.92 § 2 : pouvoir de mettre en œuvre une procédure d’exécution forcée (exequatur). C’est lorsqu’un État refuse d’appliquer un arrêt. L’exemple le plus célèbre est l’affaire Nicaragua / États-unis dans laquelle la Cour condamne les États-Unis et donne raison au Nicaragua. Le Nicaragua saisit le Conseil de sécurité et les États-Unis ont mis leur veto à la résolution qui faisait une exequatur contre eux. L’AG a adopté une résolution, mais elle n’a pas de valeur obligatoire. Après il y a eu un changement de majorité au Nicaragua, pro-américain.
Le Conseil économique et social
C’est le chapitre 10 de la CNU. Il est subordonné à l’AG et placé sous son autorité. Le CES doit adresser un rapport annuel à l’AG. Il n’a pas une grande marge de manœuvre. C’est un organe restreint composé de 54 membres. Des États sont toujours élus, mais le CSE est assez souple parce qu’on peut assister aux travaux sans être membre. En principe, il tient 3 sessions par an, 2 à New-York et une à Genève. Pour se conformer à sa mission, il a créé toute une série d’organes subsidiaires, et notamment six commissions techniques, parmi lesquelles la Commission des droits de l’Homme. Il y a aussi 6 commissions régionales, et des comités. Les « résolutions » ne sont jamais obligatoires, et ça vote à la majorité simple.
Ses compétences sont très vastes. Il est compétent pour ce qui n’est ni politique, ni administratif, ni juridique. Il joue un double rôle de coordination et d’impulsion au sein du système ONU. Il est au centre du réseau relationnel. Il assure la communication entre les organes, entre l’ONU et les organisations des institutions spécialisées, entre l’ONU et le monde extérieur. Il joue donc un rôle important. C’est notamment celui qui assure les relations de l’ONU avec les ONG (art. 71 CNU).
Le Conseil de tutelle
Il est prévu par le chapitre 13 e la CNU et c’est l’organe chargé de mettre en œuvre le régime international de la tutelle instauré par le chapitre 12 de la Charte. Ce système est celui qui remplace les mandats de la SDN. Il fait partie des 7 organes principaux mentionnés par la Charte, mais comme le CES, c’est un organe de moindre envergure placé sous l’autorité de l’AG. Aujourd’hui, il appartient à l’histoire des NU, puisqu’il n’y a plus de territoire sous tutelle. Il est paritaire. Le CT a participé à la décolonisation, mais en a pas été l’organe majeur puisque l’ONU a créé d’autres organes qui n’étaient pas prévus par la Charte et qui ont réalisé la mission de décolonisation de l’organisation.
La CIJ
La CNU consacre en son chapitre 14 la CIJ. S’y ajoute le statut de la Cour annexé à la Charte et qui en fait partie intégrante. Ce statut, qui fait 77 articles, était le statut de l’ancienne cour de la SDN (CPJI). Ce texte a eu 90 ans l’an dernier (1921). L’art.92 dit que la CIJ est l’organe judiciaire principal des Nations-Unies alors que la CPJI, antérieurement, n’était pas un organe de la SDN. La CIJ est le seul des organes principaux de l’ONU qui n’a pas son siège à New-York puisque la Cour est à La Haye. La Haye est traditionnellement la capitale de la justice internationale, et on retrouve aussi le principe de la séparation des pouvoirs.
C’est l’organe par excellence du DI. C’est le tribunal de la société internationale. La Cour incarne la justice internationale mais c’est aussi un organe de référence pour savoir ce qu’est le DI. La Cour a beaucoup contribué au développement du droit international. C’est le seul organe des N-U qui soit à la fois collégial et intégré. Elle est composée de 15 juges élus pour 9 ans et qui sont rééligibles sans limite. Le principe de la représentation géographique équitable joue : la clé de répartition est la même qu’au Conseil de sécurité. Des juges ad hoc peuvent être nommés : juge nommé que pour la durée de l’affaire en question, et ça en dit long sur le caractère indépendant des juges nationaux.
Elle possède deux types de compétences qui correspondent au dualisme des sujets : États et OI. Les États restent les seuls à pouvoir ester en justice au sens propre. Ils sont les seuls à pouvoir être partie à des procès internationaux. Leur consentement est obligatoire : ils sont souverains, et ne sont jamais obligés d’être partie à un procès s’ils n’ont pas consenti. On dit que le consentement des États est le fondement exclusif de la compétence de la Cour. Elle rend des arrêts obligatoires. Les OI, elles, ne peuvent être partie à un procès : elles se voient réservées la juridiction consultative. Ce qu’elles peuvent faire, c’est demander des avis à la Cour. En fait, aujourd’hui, cette séparation n’est plus du tout adaptée au système actuel : la meilleure preuve est que dans des tribunaux, comme dans le droit de la mer (TIDM), des OI peuvent être partie à un procès. Si on ne trouve pas de solution, c’est que le statut de la CIJ est le statut de la CPJI, et que le texte date de 1921. La question ne se posait à l’époque. Il faudrait donc réviser la Charte, mais si on révise la Charte on ouvre la boîte de Pandore. Il y a de grandes similitudes entre les deux fonctions, et la CIJ essaie de travailler de la même manière quand elle rend un arrêt et quand elle rend un avis.
Le secrétariat
Le chapitre 15 CNU y est consacré. À sa tête est placé un secrétaire général, plus haut fonctionnaire de l’organisation. Il est assisté dans sa tache par les fonctionnaires internationaux Au terme de l’art.97, le secrétariat comprend un secrétaire général nommé par l’AG sur recommandation du Conseil de sécurité. La durée du mandat n’est pas fixé par la Charte : il a été fixé à 5 ans par la CIJ en 1946. Si on regarde les huit secrétaires généraux, on se rend compte qu’ils sont tous ressortissants d’un État de petite importance. C’est un poste politique, et on ne veut pas donner un poids supplémentaire au gros.
Sa mission a évolué dans le temps. Il avait au départ une mission purement administrative, comme le secrétaire général de la SDN. Et puis, les relations internationales n’étaient pas très propice à ce qu’il joue un rôle plus politique. En fait, la mission a évolué à la fois quand les relations internationales l’ont permis, et parce qu’il y a eu dans les années 1990 des secrétaires généraux qui avaient une forte personnalité. À la base, si on regarde l’art.99 CNU, on voit que le secrétaire général peut exercer une mission autre que administrative. On a employé la théorie des compétences implicites. La Charte lui confère un rôle pour tirer la sonnette d’alarme lorsqu’il y a une situation qui peut mettre en danger la paix. De même, la Charte dit qu’il peut être chargé de toutes autres fonctions qui inclut notamment des fonctions diplomatiques qui peuvent lui être confiée par ou en relation avec l’un des autres organes. Il est donc amené à jouer un rôle important dans le règlement pacifique des différends internationaux. Il a pu jouer le rôle d’un médiateur. Mais ça reste un mode de règlement non juridictionnel, donc quelque chose de non obligatoire. En matière de maintien de la paix, le SG a aussi un autre rôle : il peut participer à la Constitution et à la direction des forces de maintien de la paix (OMP → opérations de maintien de la paix / casques bleus).
Depuis une vingtaine d’années, sa mission a beaucoup évolué sur le plan politique et diplomatique, ce qui a contribué à lui voir conférer un rôle de gardien des buts et des principes de la Charte. Dans une civilisation de personnification, il incarne aussi les NU. La situation d’unipolarité fait que Ban Ki-Moon fait de la figuration. Les pressions américaines sont très fortes. La réussite ou la non-réussite du SG est très lié à des questions de circonstances.
LA FAMILLE ONUSIENNE
La SDN n’avait pas réussi à fédérer. C’est notamment parce que la plupart des organisations qu’elle souhaitait fédérer étaient plus anciennes qu’elles. On a beaucoup mieux institutionnalisé dans le système de la CNU, pour que soit mis en place un véritable système : la famille onusienne. En fait, ce sont toutes les OI qui font partie de ce système, qui vont être des institutions spécialisées. Juridiquement, on peut en distinguer deux types. Les plus nombreuses constituent les institutions spécialisées, et il y a les organisations autonomes. Les unes et les autres ne sont pas des organes de l’ONU ; elles sont indépendantes. Elles ont elles aussi été créées par des conventions constitutives. C’est toute la différence avec un organe subsidiaire de l’ONU. Certains organes ont acquis une telle médiatisation qu’on croit que ce sont des OI, tels le HCR ou l’UNICEF : ce ne sont que des organes subsidiaires.
Les institutions spécialisées
Statut juridique
« Institutions spécialisées » est une chose qui a une base légale : art.57 § 1. Il dit que « les diverses IS, créées par accords gouvernementaux et pourvues au terme de leur statut d’attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes ». Il y a d’autres dispositions dans la Charte qui y sont consacrées. Ces IS sont des OI à part entière créées par les États en principe indépendamment de l’ONU. En fait l’objet recherché était de s’associer en vue de réaliser des objectifs communs dans des domaines particuliers. Mais, ces OI, qui sont indépendantes, vont quand même entretenir des liens étroits avec l’ONU, qui reposent sur une base juridique : une convention entre l’ONU et l’organisation, l’accord de liaison. Leur statut juridique repose toujours sur deux conventions : la première est la convention constitutive ; la seconde est la convention bilatérale entre OI. Cette convention est appelée un accord de liaison. Bien évidemment, ce qui caractérise ces IS est qu’elles sont spécialisées. Ça veut dire que leur compétence est définie et limitée ratione materiae par référence au principe de spécialité. En fait, certaines de ces institutions spécialisées sont antérieures à l’ONU, et mêmes certaines à la SDN. D’autres ont été créées après l’ONU. Elles concernent maintenant à peu près tous les domaines de la vie internationale.
Les organisations concernées
Elles sont au nombre de 16. Certains ajoutent l’OMT (Organisation mondiale du tourisme). On va les prendre dans l’ordre non pas de leur création, mais de leur accession au statut d’institution spécialisée, date de l’accord de liaison.
L’Organisation internationale du Travail (OIT)
Elle présente la particularité d’avoir été créée par le Traité de Versailles comme la SDN (Partie XIII) en 1919. Elle a été réorganisée depuis notamment en 1944. Mais sur l’essentiel, elle garde la structure de 1920. Elle a son siège à Genève depuis l’origine. C’est une IS depuis le 14 décembre 1946. L’OIT a pour tache d’élaborer une réglementation internationale applicable au domaine du travail, et d’exercer un contrôle sur les conditions d’application des normes qu’elle établit. Comme la plupart de ces OI, elle essaie d’aider les États les moins développés à faire progresser leur législation. La principale originalité est la composition de certains de ses organes et notamment de la Conférence internationale du Travil. En effet, les organes des OI sont composés de représentants des États. Dans l’OIT, la représentation est tripartite. Pour chaque État, 3 représentants : un de l’État, un des employeurs de l’État, un des travailleurs de l’État.
L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
Elle a été créée par une convention adoptée en 1943 aux États-Unis. Elle est entrée en vigueur le 16 octobre 1945. Elle a son siège à Rome. Elle est une IS depuis le 14 décembre 1946. Elle a pour tache de conseiller et d’assister les États dans le cadre de l’action internationale contre la misère, la malnutrition et la faim. L’idée de départ était d’améliorer les ressources alimentaires, et elle a donc commencé à travailler sur l’agriculture, puis sur la pêche. Elle travaille aussi sur les forêts. Un quart de ce qui est pêché est volontairement rejeté à la mer pour faire monter les prix. Il y a donc du boulot.
L’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science, et la culture (UNESCO)
Créée par une convention de 1945 et entrée en vigueur en novembre 1946. Elle a son siège à Paris. C’est une IS depuis décembre 1946. Juridiquement, l’UNESCO a le statut d’IS, mais elle est celle qui a le champ d’activité le plus vaste, avec des thématiques qui permettent de sortir facilement, selon les interprétations, du principe de spécialité. Un de ses directeurs généraux avait dit que l’UNESCO était la conscience du monde. C’est vrai que si on regarde l’acte constitutif : contribuer au maintien de la paix et de la sécurité, en resserrant par l’éducation la science et la culture, la collaboration entre les nations afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des DH et des libertés fondametales pour tous, sans distinction de race, de langue ou de religion que la CNU reconnaît à tous les peuples. C’est le seul acte constitutif qui associe une IS avec les missions de l’ONU, mais c’est aussi une mission très large et très politique. C’est la plus politique des IS. Dans les années 1980, l’UNESCO était même un lieu de polarisation des affrontements politiques est-ouest et puissances-nouveaux États.
L’Union postale universelle (UPU)
Elle existe depuis la fin du XIXe siècle, et a le statut d’IS depuis 1947. Son actuel acte constitutif est une convention de 1964 entrée en vigueur en 1966. Elle a son siège à Bern. C’est une OI vraiment technique à laquelle le principe de spécialité va apporter des limites très fortes. Son objet est de réglementer les relations postales. Aujourd’hui, c’est réduit à peau de chagrin. C’est dans un domaine que l’évolution des moyens de communication ne rend plus aussi primordial.
L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)
La convention constitutive est connue : la Convention de Chicago signée le 7 décembre 1944 et entrée en vigueur le 4 avril 1947. C’est devenu une OI en 1947, et a son siège à Montréal. Sa mission est de développer et réglementer la navigation aérienne, et pour ça l’OACI peut élaborer des conventions sur le droit aérien et sur le transport aérien. Il y a là aussi une coopération technique importante. Il est important que les règles du droit aérien soient appliquées de manière universelle ; la sécurité en dépend. D’ailleurs, l’OACI a des pouvoirs importants, à la mesure de sa mission.
L’Union internationale des télécommunications (UIT)
Comme l’UPU, l’UIT est très ancienne. C’était avant l’Union télégraphique internationale au XIXe siècle. C’est une IS depuis 1947, mais son statut juridique a évolué depuis. On a adopté la Convention internationale des communications qui élargit le champ d’action de l’organisation. Elle a été adoptée à Nairobi en 1982 et entrée en vigueur en 1984. Elle a son siège à Genève. Cette OI a évolué ; elle est plus politique qu’on ne peut l’imaginer. Son rôle est la réglementation internationale des télécommunications. On a jouté à cela tout ce qui concerne les radio-communications spatiales (fréquences hertziennes, etc.). C’est à son AG qu’on attribue l’accès à la communication et à l’information. Ça a été un combat pour les pays en voie de développement que de pouvoir ne pas dépendre des pays développés pour pouvoir communiquer.
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD)
Elle a été créée en 1944 par les accords de Bretton-Woods en 1944, entrés en vigueur en 1945. C’est une IS depuis 1947. Elle a son siège à Washington. La mission initiale de la BIRD est d’aider au développement pour les pays en développement en acheminant des ressources financières produites par les pays développés. Mais aujourd’hui des pays développés sont aussi dans une mauvaise posture.
Le Fonds monétaire international (FMI)
Également créé par les accords de Bretton- Woods. Institution spécialisée depuis 1947, siège à Washington. Son rôle initial est de favoriser la coopération monétaire internationale, la stabilité des changes, et l’élimination des restriction en vue du développement du commerce mondial. Mais ça a évolué sur la gestion des dettes des États. Cette gestion de la dette était depuis plusieurs années conditionnée par le Fonds Monétaire International. Les conditionnements imposées à la Grèce aujourd’hui sont classiques.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
L’acte constitutif de l’OMS est la convention de New-York qui date de 1946 et entrée en vigueur en 1848. Elle une IS depuis 1948 ; elle a son siège à Genève. Sa tache est l’amélioration générale de la santé. Ça suppose des actions concrètes de coopération technique, et une action juridique avec l’adoption de conventions internationales, de recommandations et de décisions obligatoires. C’est rare : c’est ce qu’on appelle les règlements sanitaires internationaux. C’est important en cas d’épidémie. Elle coordonne aussi la recherche médicale. S’agissant du SIDA, le système a ONU a créé un autre organisme spécialisé.
L’Organisation météorologique mondiale (OMM)
Elle existait déjà en 1973. L’acte constitutif de l’OI actuelle est une convention adoptée en 1947 entrée en vigueur en 1950. Elle est devenue une IS en 1951, et a son siège à Genève. Elle est compétente pour la réalisation des observations météorologiques. C’est une organisation technique. Elle joue un rôle actif en matière de recherche, mais n’est pas au premier plan pour les questions climatiques.
La Société financière internationale (SFI)
C’est une filiale de la BIRD dont les statuts ont été adoptés en 1956 dans le cadre de la BIRD. Elle a son siège à Washington, et ses organes sont communs à ceux de la BIRD. Son indépendance est toute relative. Sa mission est de compléter l’action de la BIRD par des prêts consentis à des entreprises, ça sort du champ du DI.
L’Organisation maritime internationale (OMI)
Au départ, elle portait un autre nom (OMCI : organisation maritime consultative internationale). Elle a été créée par une convention à Genève en 1948, mais entrée en vigueur en 1958 C’est une institution spécialisée depuis 1959. Elle ne suscitait pas d’enthousiasme de la part des États, d’où les 10 ans. C’est un domaine où un État peut avoir deux langages, selon qu’il est côtier ou un État de pavillons. En 1975, on a changé le nom de l’Organisation pour lui donner plus de pouvoir. L’amendement de 1975 est entré en vigueur en 1982, c’est devenu l’OMI. Elle a son siège à Londres, et est compétente en matière de sécurité maritime, ce qui inclut la sécurité de la navigation (sécurité en mer). S’est adjoint l’aspect de sécurité de la mer elle-même, avec la prévention de la pollution. S’y adjoignent des éléments qui entrent dans une dichotomie non compréhensible pour des francophones. Ça distingue security et savety. L’OMI a intégré la lutte contre la piraterie et la lutte contre le terrorisme par mer.
L’association internationale de développement (AID)
C’est une institution financière, c’est une filiale de la BIRD, son statut est entré en vigueur en 1960, elle a son siège à Washington (organes communs avec ceux de la BIRD), c’est une institution spécialisée depuis 1960. Son rôle est de compléter l’action de la BIRD en offrant une assistance aux pays développés en matière de prêt. Ce sont des prêts qui en fait sont consentis dans des conditions plus favorables qu’à la BIRD.
Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)
Des antécédents existent depuis le 19ème siècle, l’acte constitutif de l’organisation actuelle est la convention de Stockholm qui date de 1967 et entrée en vigueur en 1970. Elle a son siège à Genève, et l’accord de liaison date de 1974. Sa mission est de protéger la propriété intellectuelle, et de favoriser la coopération entre les États, par l’adoption de conventions internationales, l’harmonisation des législations, et tout le système d’assistance technique classique. Son champ d’action a évolué : œuvres littéraires et artistiques, conventions industrielles, marques de fabrique, protection des appellations d’origine, nouvelles variétés de plantes issues de croisements de manipulation génétique.
Le fonds international pour le développement agricole (FIDA)
Ce fonds a été créé par une Convention de Rome en 1976, entrée en vigueur en 1977, l’accord de liaison date de 1976. Le FIDA a son siège à Rome, en lien avec la FAO. Sur le modèle de l’AID (organisation ayant pour objet de mettre en œuvre des inégalités compensatoires), son rôle est de contribuer au développement agricole des États en voie de développement, et notamment les plus pauvres (ceux avec un déficit alimentaire). Des ressources financières accessibles dans des conditions particulièrement favorables.
L’organisation des NU pour le développement industriel (ONUDI)
Créée en 1966, c’était un organe subsidiaire de l’AG de l’ONU. Ce n’était pas une OI indépendante. L’ONUDI a été transformée en institution spécialisée par un accord de 1979, entré en vigueur en 1985. L’accord de liaison date de 1985. Son objet est de favoriser l’amélioration des compétences techniques, de gestion, pour permettre aux États en voie de développement d’améliorer leur production industrielle. Son siège est à Vienne.
Les organisations autonomes
Ce sont d’autres OI, qui sont universelles mais qui n’ont pas le statut d’institutions spécialisées parce qu’elles ont un statut particulier.
Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)
Les statuts de l’AIEA ont été adoptés par une Conférence réunie par l’ONU en 1656 à Washington (initiative onusienne). Ses statuts sont entrés en vigueur en 1957. Le lien entre l’AIEA et l’ONU réside dans une convention signées entre les deux en 1957. Cet accord prévoit les modalités de la collaboration entre les deux organisations, et place l’AIEA das une situation où elle doit faire des rapports à l’ONU sur son activité, notamment un rapport annuel à l’AG, et des rapports spécifiques au Conseil de Sécurité et au Conseil Economique et Social. Elle a son siège à Vienne, son objectif est l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et la protection contre la radioactivité : le nucléaire civil et ses risques. Aider au développement de la rechercher sur les applications pacifiques de l’énergie atomique, et faire adopter des règles pour la sécurité dans les installations nucléaires, toujours en collaboration avec l’ONU, pour la sécurité en matière nucléaire, d’une part la protection de la santé face aux effets néfastes du nucléaire, la réduction des risques, et les modalités d’une utilisation civile d’une énergie atomique. L’AIEA a aussi pour mission de garantir que l’utilisation du nucléaire est exclusivement civile et pacifique, et donc de s’assurer que des États, sous couvert de développer du nucléaire civil, ne développent pas une arme nucléaire.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC)
Créée en 1994 par les accords de Marrakech, à la fin d’un long cycle de négociation, l’Uruguay Round. Accords entré en vigueur le 1er janvier 1995. Elle intègre le GATT (Accord Général sur les tarifs douaniers et le commerce), qui avait été signé à Genève en 1947, entré en vigueur en 1948, suite à l’échec du projet de création d’une OI du commerce. On avait adopté en 1947 une Organisation Internationale du Commerce, mais le Sénat américain n’a pas ratifié la Convention de La Havane, donc a laissé tomber et on a créé un accord informel qui n’est pas une OI, et qui va pouvoir permettre la participation de ceux qui n’auraient pas participé à l’OI. L’OMC remplace le GATT et intègre l’acquis du GATT, tout ce qui a été fait par le GATT. L’art 2 des statuts de l’OMC la définit comme étant un cadre institutionnel commun, pour la conduite des relations commerciales entre ses membres. Même si les statuts du GATT se réfèrent à des objectifs de développement durable, son objectif est la croissance et le libéralisme. Élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce des marchandises, des services, etc. Libéralisation totale du commerce international.
Il y a un Organe de Règlement des Différends (ORD), qui est un système de conciliation qui dérive vers l’arbitrage.
L’ordre juridique international
Il est marqué par sa spécificité : c’est un système dans lequel les sujets sont directement (relations inter-étatiques) ou indirectement (dans le cadre des OI) les États souverains. Le droit international est un corps de règles, un corpus juris, qui a vocation à régir les relations internationales : à les juridiciser (encadrer par le droit) et les institutionnaliser (dans le cadre des OI). Le Droit international, comme les autres systèmes juridiques, sont forcément un système à double détente, d’élaboration normative et de validation juridique (on établit une norme qui va devenir une règle de droit obligatoire). Le système organise et encadre sa propre formation. Il prévoit la façon dont il va permettre la création de nouvelles règles. Que ce soit au stade de la création des règles ou de leur application, on retrouve le volontarisme étatique, même si on a une conception moins stricte et rigide du volontarisme étatique. Il y a un système de sources, et des règles.
Les règles du Droit international
Comme tout ordre juridique, le Droit international est un ensemble de règles coordonnées dotées de force obligatoire. Ces règles sont à la fois un produit social (le produit de la société qu’elles régissent) et le cadre de développements relationnels de cette société. La doctrine et les philosophes du droit ont cherché à distinguer les catégories de règles. La distinction qui va nous intéresser est opérationnelle, elle existe sur le plan pratique, entre les règles substantielles (de droit international matériel) et les règles procédurales (techniques qui encadrent la production du droit). Ce sont les règles qui sous-tendent l’ordre juridique (comment on crée de nouvelles règles?). Le problème est que les choses sont très complexes, et que la grille d’analyse classique est marquée par le positivisme, par facilité et parce que cette confusion entretenue par les positivistes leur permet de continuer à développer leur théorie. Question de la formation du droit (comment le droit se forme?), et question de la détermination du droit (quel droit le juge va-t-il appliquer?). Peu de gens cherchent à établir la distinction entre les deux.
La formation du droit international
Cette formation des règles, c’est la question dont l’étude est la plus fortement conditionnée par les appartenances doctrinales et par les présupposés théoriques que chaque doctrine comporte. Le débat est généralement tronqué par le fait que le positivisme domine, y compris en France, ce qui a imposé une lecture essentiellement formelle de la formation du droit. Cela n’explique pas pourquoi les États vont consentir ou non. Aujourd’hui, on considère de plus en plus le droit comme un processus (law making process). Cela suppose de distinguer l’élaboration de la norme (maturation de lu’nité juridique) et le moment où cette idée est une règle. Il faudra donc distinguer la juridicité du droit(son caractère juridique) et la normativité du droit (son caractère normatif).
La juridicité du droit international
C’est l’appartenance de ces normes au droit positif, en vigueur. Ce sont les règles qui régissent les comportements et les actes des États et des OI. Il y a des sources, qui sont le passage obligé pour avoir des règles positives, c’est ce qui permet aux règles d’accéder à la positivité), et des règles.
Les sources
On ne peut pas expliquer la formation du droit autrement que par une théorie des sources. En Droit international, on retrouve le clivage entre sources formelle et matérielle.
Les sources formelles
Au sens strict du terme, les seules sources sont les sources formelles. Parce que les États sont souverains, l’ordre juridique est volontariste, consensualiste, et la place des États est prépondérante dans la formation du droit. Les sources formelles sont le moyen par lequel les États contribuent à la création du droit : les modes d’expression du consentement étatique : ce qui assure la validation juridique des normes (simples idées juridiques), qui accèdent ainsi au statut de droit positif. Quand les États consentent à une norme, cette norme devient une règle. Ce sont des procédures, des techniques, des institutions juridiques par le biais des quelles les États peuvent manifester leur volonté normative, exprimer leur consentement. Les États vont le faire formellement : dans le respect de formes juridiquement prédéfinies. Les sources formelles sont encadrées par des règles qui expliquent comment un État va exprimer son consentement et va pouvoir transformer une norme en règle obligatoire.
Par exemple, le droit des traités : comment on fait un traité ? Il faut respecter les procédures. En donnant son consentement dans les formes prescrites par des règles de Droit, les États vont parfaire le processus de création du droit.
La confusion entre formation du droit et détermination du droit prend appui sur le statut de la Cour datant de 1920, parce que les modes de détermination du droit ne sont pas du droit. Les seules vraies sources sont les procédures par lesquelles les États vont exprimer leur consentement. Ce sont le traité et la coutume. Toutes les autres techniques ne prennent leur sens que si elles s’intègrent dans ces deux procédures.
Les sources matérielles
En Droit international, comme dans les autres systèmes juridiques, les sources matérielles sont intégrées dans le système classique. La théorie des sources est dominée par la doctrine positiviste, pour laquelle la juridicité du droit est purement formelle. C’est une question de procédure, de formalisme. Pour les positivistes, l’aspect matériel du droit est indifférent, les positivistes n’attachent pas d’importance au contenu normatif de la règle. Aujourd’hui, on a des règles supérieures, impératives, et toutes les règles qui y seraient contraires sont nulles. Les positivistes refusent de regarder le contenu des règles de droit, ils regardent seulement que les États y ont consenti. Le Droit international ne doit pas regarder la forme du régime politique dans un État. Pour les positivistes, le droit international n’a pas de dimension axiologique (il n’a pas à défendre des valeurs) ni de dimension téléologique (il n’a pas de but). Le droit international serait dépourvu de valeurs intrinsèques. Aujourd’hui, cette théorie est contredite par le droit et la conception qu’on a du droit. Un droit qui peut tout se permettre n’est plus possible aujourd’hui. C’est aussi une vision du droit qui ne permet pas d’expliquer pourquoi à un moment donné les États vont consentir à une règle. En effet, les États sont intéressés par le contenu de la règle, contrairement à ce que pensent les positivistes. Ce qui fait que les États consentent, ce sont les sources matérielles (le contenu). Ces sources matérielles, ces contenus, sont les idées qu’il y a dans les règles de droit. C’est ce qui constitue le fondement social du Droit international. Les idées qui sont contenues, véhiculées par les règle de Droit, sont ce qui fait que les États vont accepter les règles ou pas. Les règles doivent, pour que les États y consentent, répondre aux atteintes et aux besoins des États. Le droit doit correspondre aux nécessités sociales, le droit est évolutif par principe. C’est à la fois sur le plan structurel (les peuples européens sont supérieurs et peuvent dominer les autres), sur le plan moral (esclavage, génocide), sur le plan politique, sur plan économique, stratégique, idéologique, culturelles, etc. Les sources matérielles doivent représenter la société internationale dans sa diversité et sa multiplicité. À défaut d’être une vraie conscience sociale internationale, il faut se dire que les sources matérielles doivent avoir une légitimité sociale, le contenu de la future règle doit sembler socialement légitime à l’ensemble de la communauté internationale. Les sources matérielles participent à la première phase, la phase de l’élaboration normative du droit international.
Ce sont d’abord les sources matérielles qui interviennent et les idées élaborées sont validées juridiquement par les sources formelles.
Les règles
La formation du droit international n’est pas instantanée. C’est un processus d’élaboration du droit dans le temps, combinant l’élaboration normative et la validation juridique par les consentements. On fait émerger la règle de Droit, qui s’intègre dans le corps de droit qui est le droit positif.
La règle de Droit
C’est le produit fini qui est obtenu à l’issue du processus de formation du droit international, sa juridicité suppose à la fois une conceptualisation matérielle (émergence d’une idée) et une sanction formelle (validation par les consentements des États). L’élaboration de la norme précède la validation juridique. L’émergence de la règle suppose que la norme matérielle se soit préalablement dégagée sous le poids des nécessités sociales, et ensuite que cette norme reçoive l’aval des souverainetés et subisse une transmutation formelle pour accéder à la positivité. Cette règle peut être définie par une norme validée par une source au sens de source formelle → une norme qui se retrouve inscrite dans un traité ou qui va être reprise par une coutume.
Le droit positif
C’est le droit en vigueur, l’ensemble des règles du Droit international qui vont être applicables dans les rapports internationaux. Cet ensemble de règles, ce sont les règles qui ont à la fois une valeur juridique et une force obligatoire (on peut avoir une valeur juridique sans force obligatoire). Les normes juridiques qui ne sont pas des sources formelles ne font pas partie du droit positif, mais une norme peut accéder au droit positif par le biais de différentes sources formelles, et alors elles s’incarnent en autant de règles qu’il y a de sources de validation. Cette norme, on la retrouve dans d’autres conventions, régionales notamment. Cette norme peut aussi exister en tant que règle coutumière. Au niveau mondial il y a deux règles qui disent la même chose, une dans la Charte de l’ONU, l’autre dans la coutume. Si on ne peut pas appliquer l’une, on pourra peut-être appliquer l’autre.
Dans l’affaire Nicaragua c. USA, la CIJ ne pouvait pas appliquer la charte de l’ONU, et les USA disaient qu’on ne pouvait pas non plus appliquer la règle coutumière, mais la CIJ dit qu’on pouvait appliquer la règle coutumière.
La positivité fonde le caractère obligatoire de la règle : si elle fait partie du droit positif elle est obligatoire. C’est un critère formel de juridicité du droit, mais ce critère c’est du droit parce que les États y ont consenti et que c’est positif. Il y a des règles de Droit qui n’ont pas de normativité.
La normativité du droit international
Elle a une dimension intrinsèquement matérielle. C’est sa densité normative. C’est le degré (variable) de prédétermination juridique des règles. Pour être une règle de Droit il faut avoir un contenu normatif, une règle de Droit doit répondre à des critères : être générale, abstraite, prévisible, et elle doit prescrire quelque chose. Une règle très normative satisfait à ces critères, une règles moins normative ne va pas forcément satisfaire tous ces critères. En principe, le droit doit avoir un contenu, ça pose la question de la soft law. C’est du droit emprunt d’une flexibilité qui fait qu’il ne remplit pas tous les critères du droit. Elle est défaillante soit du point de vue de son contenu, soit du point de vue de son contenant, ce n’est pas encore de la hard law (droit positif).
La norme
C’est la substance de la norme, son contenu matériel. Au sens strict, la norme est l’expression de la normativité du droit. Le contenu de la règle fait que le droit est plus ou moins normatif. La normativité est aussi un critère de juridicté, on ne peut pas imaginer des normes qui n’ont pas de contenu.
La norme, expression de la normativité
Au sens large, « norme » peut être tenu pour un synonyme de règle, et la CIJ parfois emploie le mot « norme » à la place de « règle ». Cette imprécision du vocabulaire juridique est une mauvaise chose, c’est une source d’interprétations divergentes. Elle peut conduire à des confusions : au sens strict du terme, elle n’a pas le statut de droit positif. Au sens strict du terme, la norme est la substance de la règle de Droit, c’est son volet matériel, son contenu. Une fois que l’idée est validée par les sources formelles, elle devient du droit positif. C’est en ce sens que la norme exprime la normativité de la règle : c’est sa vocation et sa capacité à encadrer plus ou moins précisément les comportements et les actes, c’est son degré de précision juridique. C’est son potentiel d’effectivité et d’efficacité juridique. Plus le contenu de la règle va être normatif et précis, plus la règle va être efficace. Une norme qui n’est pas très normative, elle ne dit rien. La normativité du Droit international est une donnée variable : il y a des règles très normatives, et des règles moins normatives. Le degré de normativité d’une règle donnée est fonction de plein de paramètres substantiels : façon dont c’est rédigé, précision. En principe une norme qui est dans un traité devrait être plus normative, plus précise qu’une coutume, parce qu’elle est écrite. Ce n’est pas toujours vrai : la coutume est parfois plus normative que le traité, notamment en matière de délimitation maritime, parce que quand on a rédigé le traité, on n’était pas très au point. Plus la norme est précise, moins le juge pourra jouer sur la règle. À l’inverse, quand le degré de normativité est faible, le juge peut faire dire à la règle ce qu’il veut.
La normativité, critère de la juridicité
C’est un critère de juridicité quand on veut un système juridique efficace. Pour les positivistes, la norme n’est pas importante parce que le contenu du droit est sans importance. Dans la réalité, si la règle ne dit rien, elle ne sert à rien. Il y a une vision différente ce ce que va être le droit pour les uns et pour les autres. Il y a une forme de supra-normativité en droit international, les autres règles doivent être conformes au règles les plus normatives, parce qu’elles sont structurantes. Le droit positif ne peut pas déroger à ces règles. La normativité est un critère de la juridicité. Le fait d’admettre le contrôle de constitutionnalité en droit interne, c’est reconnaître la normativité d’une règle : il faut vérifier qu’elle est conforme à une norme supérieure, la Constitution.
Comme le droit a pour vocation de régir les rapports sociaux, il faut se garder d’un phénomène qui existe dans tous les systèmes juridiques : l’infra-normativité. Ce sont des règles avec le statut de droit positif, mais qui sont vides. Cela suppose que la norme respecte certaines exigences en termes de prescription (elle doit dire quelque chose), il faut qu’elle soit prévisible (on doit savoir à quoi son application va aboutir), elle doit être certaine (il faut une certitude dans son sens), et générale (elle doit permettre de résoudre tous les problèmes rentrant dans le champ d’application de la norme en question). Une règle qui ne prescrit rien renvoie aux cas d’espèce, elle n’est pas générale, et est dépourvue de normativité, et cette norme est d’une juridicité contestable.
Exemple : quand on a négocié la Convention sur le Droit de la Mer, il y avait la question de la délimitation des frontières maritimes, il y avait 2 possibilités, soit partir du principe de l’équidistance entre les côtes de chaque États, soit des principes équitables pour les États. Aucun des groupes soutenant ces deux hypothèses n’avaient de majorité suffisante pour faire voter une des deux, mais les deux avaient une minorité de blocage. Ils ont adopté un article avec un degré de normativité nul : « il faut aboutir à une délimitation équitable » : ce n’est pas précis, c’est une norme vide. On est face à une règle adoptée pour des raisons de contenu diplomatique, mais qui est vide. Cela laisse une marge d’appréciation immense au juge. Dans le droit de la délimitation maritime, le vrai droit normatif est coutumier. La coutume a développé une règle qui est normative et qui dit comment il faut faire pour être équitable. Les articles qui ne sont pas généraux, prévisibles, certains et prescriptibles n’ont pas de valeur normative. L’échelle de la normativité judiciaire est inversement proportionnelle à l’infra-normativité de la règle, c’est le juge qui devra dessiner les contours de la règle.
La soft law
Lord Mc Nair, juge de la CIJ a défini la notion de soft law, qui est au centre des controverses doctrinales relatives au Droit international contemporain. Cela illustre un autre aspect de la normativité et de la juridicité. Ça renvoie à un phénomène concret apparu au cours de la 2ème moitié du 20ème siècle, dans un contexte d’opposition frontale entre le Droit international classique (États européens) et le nouveau Droit international (nouveaux États devenus indépendants). Ce qui va conditionner l’apparition du droit positif, c’est que les États vont être susceptibles d’accepter ces règles. Le contenu des règles doit être jugé acceptable par tout le monde. Le contenu va être important pour conditionner la normativité de la règle. Durant cette période se développe la soft law : un droit qui ne satisfait pas entièrement aux critères de la juridicité (normativité = contenu, et positivité = validation par les États). Lorsque la flexibilité est celle du contenu, la flexibilité atteint la normativité du droit, on va avoir un droit avec des problèmes de normativité (soft law matérielle). Lorsque la flexibilité concerne la forme, c’est la soft law formelle.
La softlaw matérielle
Elle correspond à des exemples d’infra-normativité ou au moins à des cas où la normativité de la règle de droit laisse à désirer. Sur le plan de la forme, la softlaw matérielle fait partie de la hardlaw, elle fait partie du droit positif. C’est le contenu qui manque. C’est la teneur de la norme qui est soft. Lato sensu (au sens largo) cette qualification juridique est imprécise, elle correspond souvent à une obligation de moyen sans obligation de résultat. Quand dans un traité, il y a l’engagement d’examiner un problème ou d’agir de façon appropriée, raisonnable, équitable, lorsque les États s’engagent à se consulter, à négocier, à coopérer, il n’y a aucune obligation. En droit international économique, dans ce genre de traités, les États ne veulent pas s’engager et se laissent des portes de sortie. Ça se retrouve beaucoup en Droit international de l’environnement, ou en droit de la mer (exemple du droit de la délimitation maritime : les États doivent agir de façon à aboutir à un résultat équitable). C’est souvent dans des domaines politiquement sensibles, parce qu’on n’a pas pu se mettre d’accord. On trouve ça aussi dans des domaines comme la maîtrise des armements où les États s’engagent à réviser leur politique etc etc (ils ne s’obligent à rien), ou dans le domaine des alliances défensives (art 5 du Traité de l’OTAN : ce n’est pas un vrai engagement pour les États, ils doivent juste déterminer si ils peuvent aller aider l’État agressé). Dans ces hypothèses, il y a formellement juridicité (formellement c’est du droit), mais le degré de normativité du droit est très faible. On n’est obligé à rien.
La softlaw formelle
C’est l’inverse : le contenant est soft, et le contenu est hard. On distingue l’instrumentum et le negotium.
- Instrumentum : traité comme insrument juridique (contenant).
- Negotium : fruit de la négociation (contenu).
Ce n’est pas un traité, c’est par exemple une résolution d’une organisation internationale, le contenu correspondrait à une vraie obligation juridique mais comme ce n’est pas dans un traité, il n’y a pas eu de validation formelle (par le biais d’une source : traité ou coutume), ce n’est pas obligatoire. Ce n’est pas juridiquement contraignant.
Une résolution de l’AG des NU interdit la pêche en eaux profondes (au delà de 1000m de profondeur), c’est une vraie interdiction, mais comme c’est dans une résolution, ce n’est pas obligatoire. L’exemple le plus classique de softlaw formelle est antérieur au développement de la softlaw : Acte Final d’Helsinki du 1er août 1975 : accord non contraignant (non biding agreement, gentleman agreement), engagement qui n’est pas juridique, il est politique ou moral et suppose un minimum de bonne foi. On n’est pas juridiquement obligé, et si on ne le respecte pas, les autres États ne peuvent pas faire jouer la responsabilité internationale de l’État. Le compromis de Luxembourg de 1966 sur les modes de votation au sein du Conseil Européen : les États l’ont respecté mais ils n’y étaient pas obligés.
Le champ d’application de la softlaw formelle rejoint celui de la softlaw matérielle : domaine économique (principes directeurs adoptés par les organisations économiques), droits de l’Homme, droit de l’environnement. Souvent, c’est à la fois de la softlaw matérielle et de la softlaw formelle, cela sort du champ de la juridicté. Il faut envisager la softlaw avec une vision de processus de formation du droit : si on adopte une approche dynamique, la softlaw apparaît comme un moment au début d’un processus qui un jour permettra l’apparition d’une règle : processus normatif inachevé. Quand l’idée aura mûri, les États feront un traité sur le sujet. « Petite softlaw deviendra peut être grande hardlaw un jour ».
La détermination du droit international
Souvent, on confond la formation du droit international et la détermination. La formation est une question théorique complexe, ouverte à toutes les controverses. La question de la détermination du droit est plus pratique : identifier les règles existantes pour les appliquer à un cas concret. La dictature du positivisme a conduit à confondre les deux problèmes et à assimiler les sources du droit international et les modes de détermination du droit. Il n’y a pas de texte énonçant les sources, mais il y a un texte énonçant les modes de détermination : statut de la CIJ de 1920. Le monde a changé, et la Cour est aujourd’hui très gênée par le fait que son statut est ancien et n’appréhende pas toutes les situations actuelles.
Par référence à l’article 38 du statut de la CIJ
Pour l’essentiel, cet article 38 date de 1920, et il apparaît daté, et parfois choquant (« Nations civilisées »). La valeur opératoire de cet article tient à une seule chose : il est le seul existant. C’est un texte universel, on s’y raccroche. Une partie du travail de la Cour est d’arriver à appliquer un vieux texte pour prendre en compte des choses qui n’existaient pas en 1920.
L’article 38§1
Il est souvent considéré comme étant la disposition la plus importante du statut.
« 1- La Cour, dont la mission est de régler conformément au Droit International les différends qui lui sont soumis, applique :
- les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant les règles expressément reconnues par les États en litige ;
- la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit ;
- les principes généraux du droit reconnu par les nations civilisées ;
- sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.»
Cette liste n’établit pas de hiérarchie, il n’y a pas de hiérarchie formelle en droit international (le traité est au même niveau que la coutume).
Les conventions internationales
Les conventions sont des traités, c’est le droit conventionnel, et la Convention de Vienne de 1969, sur le droit des traités (art 2§1alA) dit que le mot employé n’a pas d’importance (convention, traité, charte). « L’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le Droit international qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes et quelle que soit sa dénomination particulière ». Pour apprécier l’aspect formel, il faut regarder l’aspect matériel, il ne faut pas s’arrêter au nom.
Un traité doit être par écrit, parce qu’historiquement les traités étaient souvent oraux, et ce qui les garantissait c’était le serment prêté sur le traité. Les traités oraux existent toujours, et la convention de Vienne a voulu privilégier l’écrit, mais elle n’a pas exclu la possibilité d’un accord non écrit, l’art 3 de la Convention consacre la valeur juridique des accords internationaux qui n’ont pas été conclus par écrit.
Le traité peut être dans un Acte unique, mais aussi dans deux ou plusieurs instruments connexes, notamment avec la technique des échanges de lettres. Il y a vraiment un faible degré de formalisme dans le Droit international.
Le traité ne peut être conclu qu’entre des sujets de droit international : entre 2 États, entre une OI et un État, entre 2 OI. Un traité entre un État et une ONG n’est pas un traité, même s’il s’appelle traité. De la même manière, avec un accord entre en État et un État fédéré d’un autre État n’a pas le statut de traité international.
Il existe différentes catégories de traités, et presque autant de typologies. Il y a des critères formels, matériels, et à la fois formels et matériels.
Les critères formels
- Classification fondée sur la qualité des parties :
Il y a deux types de sujets du droit international, et il y a un clivage entre les deux (États et OI). Convention de Vienne de 1969 (traités entre États) + Convention de Vienne de 1986 (sur les traités entre OI).
- Il y a une classification fondée sur le nombre des parties :
- Traités bilatéraux
- Traités multilatéraux
- Une catégorie consacrée dans la pratique et reconnue par les systèmes conventionnels : art 20§2 Convention de Vienne: traités plurilatéraux: les membres sont plus de 2, mais sont en nombre restreints et n’ont pas vocation à s’élargir au delà d’un certain cercle. L’UE est un traité plurilatéral par excellence. On est plus de 2 sans avoir de vocation à l’universalité.
- Critère de la procédure de conclusion: on oppose les traités en forme simplifiée (accord en forme simplifiée) et les traités en forme solennelle (entrée en vigueur soumise à ratification). Dès qu’on signe le traité en forme simplifiée, il entre en vigueur. Le traité en forme solennelle doit d’abord être ratifié.
Les critères matériels
- Distinction entre les traités classiques (normatifs : posent des règles juridiques) et les traités constitutifs d’une OI (on crée un nouveau sujet).
- Différence entre les traités lois (normatifs) et les traités contrats (synallagmatiques). Les traités lois sont multilatéraux, alors qu’un traité contrat est bilatéral, synallagmatique.
- Art 38§1 du statut de la CIJ de 1920 : « Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales ». C’est une typologie mixte qui recoupe l’opposition entre le traité multilatéral et le traité bilatéral qui est spécialisé. Traité général est un traité loi, le traité spécialisé est un traité contrat. En pratique la distinction n’a pas beaucoup d’intérêt parce que le Droit international recouvre plusieurs sens, et son sens a évolué depuis 1920. Dès qu’on touche au statut de la CIJ, il ne fait pas perdre de vue qu’il a presque 100 ans. C’est un critère matériel ET formel.
La coutume internationale
À proprement parler, l’article 38 ne fournit pas de définition de la coutume. L’alinéa B se réfère à la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit. La coutume suppose la réunion de 2 éléments :
- La pratique: une pratique générale.
- L’opinio juris: idée que la pratique est acceptée comme étant le droit. Opinion juridique qui prévaut sur une pratique. Conviction que les États ont de se conformer à une obligation juridique quand les États adoptent une pratique donnée.
Définition négative de la coutume : c’est le droit non conventionnel : c’est ce qui n’est pas un traité, c’est non écrit même quand c’est obligatoire. Le caractère obligatoire de la pratique coutumière la distingue des usages ou de la courtoisie internationale (fait de hisser son pavillon en mer pour saluer un autre navire). Si on ne respecte pas une coutume en droit international en droit de la mer, on peut nous attaquer.
Place importante de la coutume en droit international. Pendant longtemps le Droit international public a été un droit coutumier : jusqu’en 1815 on ne savait pas faire de traités multilatéraux, les conventions étaient bilatérales. Il y avait des recueils de coutumes qui listaient toutes les coutumes. Le Droit international reste très largement coutumier. Jusqu’au milieu des années 80, la coutume a été en déclin, car les nouveaux États ne la reconnaissaient pas. Pendant une période on a souhaité codifier les coutumes dans des traités. Mais ils se sont rendus compte que les coutumes avaient évolué et se formaient beaucoup plus vite, parfois plus vite que les traités (Traité sur le droit de la mer : 30 ans entre le début des négociations et son entrée en vigueur). La coutume permet une évolution très rapide du droit dans des domaines mouvants, car elle est plus rapide que la plupart des traités. Aujourd’hui, la coutume est rapide et est le seul recours lorsque l’on manque de normes. Lorsque des États puissants bloquent le processus, la coutume permet de passer outre. Le principe de l’effet relatif des traités en droit écrit n’a pas d’équivalent en droit coutumier, la coutume s’applique à tous, même aux États qui n’y adhèrent pas, contrairement à un traité. Un État peut être un objecteur persistant : il s’oppose à la coutume, mais cela ne s’applique pas dans des domaines comme l’interdiction du recours à la force, qui sont importants.
Si on parle de prédétermination normative, on se rend compte qu’une coutume est moins prédéterminée normativement parlant qu’un traité, mais ce n’est pas toujours vrai. Aujourd’hui, dans le droit contemporain, beaucoup de coutumes ont des supports écrits. De plus, la coutume ne meurt pas lorsqu’elle est remplacée par un traité.
Dans la délimitation maritime, le droit écrit est infra-normatif, c’est la coutume qui prédomine, d’autant plus que le juge a développé cette coutume. L’appréciation portée sur ces phénomènes est différente selon la personne qui la porte. La coutume est un instrument de progrès du Droit international : les États qui refusent de signer un traité mais commencent à adopter un comportement et finissent par appliquer la coutume.
Les principes généraux de droit
C’est archaïque. « Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ». Ce sont des principes généraux DE droit, et non pas DU droit. En 1920, la formule « nations civilisées » désignait les États européens développés. En 1945, personne n’a souhaité modifier cette formule. Pendant la seconde moitié du 20ème siècle, cette formulation va faire l’objet de critiques très vives. Elle ne reflète plus la structure de la société internationale actuelle. Mais il est impossible de réviser la Charte des Nations Unies. Comme on ne peut pas moderniser le texte, des pratiques se sont développées : on ne mentionne pas la dernière partie de la phrase, et on comprend par « nation civilisée » les grands systèmes juridiques contemporains. Les principes devraient être reconnus dans les différents systèmes et non pas dans un seul.
Il y a des lacunes en Droit international, en 1920 il n’est pas du tout développé, et on s’est demandé comment cela se passerait lorsqu’un juge aurait à trancher un différend sans qu’aucune règle de droit ne le prévoie (lacune) : soit il fait un déni de justice et ne tranche pas = non liquet (s’il n’y a pas de règle de Droit, c’est que les États n’ont pas fait de traité, donc il ne faut pas trancher), soit on cherche quelque chose pour pallier aux manquements des traités et coutumes. Il faut une solution : quand il n’y a pas de traité et de coutume, le juge peut rechercher des PGD. Dès le départ cette formule fait l’objet de controverse : pour les uns, ce n’est pas assez (ce sont des principes de droit interne qui ne sont pas transposables en Droit international), pour les autres c’est trop (on donne au juge un pouvoir lui permettant d’inventer des règles). La Cour ne s’est jamais directement référée à ces principes. En général, quand elle mentionne un de ces principes, c’est qu’un État l’a avancé comme moyen à ses prétentions. Le juge considère que cette notion n’est pas satisfaisante et souffre d’une exiguïté et d’une ambiguïté conceptuelle. Le juge considère que c’est inadapté au Droit international. En plus c’est un concept récessif : plus on avance dans le temps, moins la pertinence de ses principes est réelle. En 1920, le Droit international était fragmentaire. La CIJ n’a visé cette catégorie que pour réfuter les arguments des parties, et quand elle a appliqué des PGD, elle le fait sans dire qu’elle applique des principes de l’art 38.
La CPIJ a développé une nouvelle catégorie de principes généralement reconnus par les États comme existants en droit interne et valant en droit international.
On souhaitait appliquer dans l’ordre international des principes généraux de droit interne généralement reconnus dans les différents régimes juridiques internes. Les principes doivent être transposables du droit interne vers le Droit international, certains principes ne sont pas forcément applicables, comme par exemple l’accès des individus à la justice. Ces principes doivent être inhérents à tous les systèmes juridiques, ils doivent être communs à la plupart des systèmes juridiques, et compatibles avec les spécificités juridiques du Droit international. Ce sont des principes qui incarnent des règles juridiques essentielles, souvent procédurales, notamment les théories générales du droit, la bonne administration de la justice. Ce sont beaucoup de principes qui gravitent autour de la notion de justice. Bonne foi, abus de droit, les droits acquis, etc. Des principes qui régissent des questions de compétences, de procédures, d’autorités judiciaires. Principe de la compétence de la compétence, principe selon lequel nul ne peut être juge de sa propre cause, principe du contradictoire, principe selon lequel le juge connaît le droit, principe de la res judicata : chose jugée.
Principes de fonds : cela suppose qu’il y ait une correspondance entre des domaines de droit interne et de droit international. C’est surtout possible dans 2 domaines : droit des contrats transposé au droit des traités, et droit de la responsabilité internationale. Le droit des traités reprend des principes de droit des contrats. L’effet relatif des traités = effet relatif des contrats. Des principes d’interprétation sont repris : théorie des compétences implicites, de l’effet utile.
Les juges ont eu tendance à dégager une autre catégorie de principes, même si le juge préfère ne pas trop évoquer l’article 38. Il a en effet eu besoin d’appliquer des principes propres au système international, qui ne peuvent être transposés du système interne, mais qui sont généralement reconnus par les États comme valables en droit international. Principe du monisme à primauté du droit international (supériorité du Droit international sur le droit interne), égalité souveraine, indépendance des États, principe du consentement à la juridiction internationale.
Les moyens auxiliaires
Art 38§1alD.
Les décisions judiciaires
On vise les décisions des juridictions internationales, et non pas celles du droit interne. CPJI arrêt du 25 mai 1926 – Certains intérêts allemands en Haute Silésie Polonaise. La décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties qui l’ont voulu. Pendant longtemps, on s’est posé une fausse question : la jurisprudence ne pouvait pas être une source de droit. En réalité il s’agissait de se demander si les décisions de justice pouvaient contribuer à la formation des normes en tant que sources matérielles. Là encore, la doctrine dominante a induit une vision manichéenne de cette question. Les décisions ne sont pas des sources, mais elles peuvent contribuer à la formation de la norme qui sera ensuite soumise à la validation formelle de la part des États. Personnalité juridique des OI : le juge a contribué à la formation d’une norme qui a été ensuite réceptionnée par les États.
La doctrine
C’est la « doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations ». C’est vrai que la doctrine a toujours joué un rôle moins important en droit international qu’en droit interne. C’est un droit qui est plus proche d’autres considérations que les autres disciplines juridiques. Les présupposés intellectuels que l’on a en tant qu’auteur ont plus d’impact. En principe la doctrine devrait être un reflet de la réalité mais elle est en réalité conditionnée. Il est difficile d’accorder plus de d’importance à la doctrine, parce qu’il y a beaucoup de visions différentes du Droit international et des visions qui s’appliquent. Il est difficile d’accorder du crédit à tant de variété. De plus, la doctrine académique est très théorique, abstraite, loin de la pratique et de la réalité, elle ne peut pas influencer sur l’évolution du droit.
Ce qui peut avoir une influence, c’est la doctrine finalisée : des universitaires qui sont des gens engagés dans l’action (juges, diplomates, experts internationaux, avocats). Ils peuvent espérer avoir une influence sur l’évolution du droit international. En général, leur réflexion académique prépare leur action dans le Droit international, mais ils ne font pas partie de cette doctrine académique qui reste dans la théorie pure et ne fait pas de pratique.
À côté des traités et de la coutume, est-ce qu’il n’y a pas des principes généraux du Droit international, source de droit autonome ? Question tranchée en 1996 Avis sur la licéité de l’emploi ou de la menace d’arme nucléaire : ces principes sont des principes intransgressibles de droit international coutumier. La CIJ dit qu’il n’y a pas de 3ème source, et tire cette idée d’un article de doctrine de 1979 (la personne qui a écrit cet article est devenu président de la CIJ et a donc fait inscrire cette idée dans l’avis).
L’article 38§2
Ce paragraphe est encore plus inadapté à la réalité socio-juridique que le reste de l’article. Cette clause n’a jamais été utilisée, et ne le sera sans doute jamais. « La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord, de statuer ex aequo et bono ». Il faut l’accord des 2 parties au litige pour autoriser la cour à s’affranchir du Droit international pour statuer en équité absolue. Ce serait de la part des États renoncer à toute prévisibilité possible, ce serait donner au juge un pouvoir exorbitant. Cela permettrait au juge de s’écarter du droit, mais c’est en contradiction avec la stabilité internationale : les États recherchent une prévisibilité, ils vont devant le juge parce qu’ils pensent qu’ils vont gagner, il est difficile pour eux de se soumettre à un juge totalement aléatoire. C’est une forme d’équité qui ne serait absolument pas juridique. Cela invite à s’interroger sur la relation entre le droit et l’équité.
Au-delà de l’article 38 du Statut de la CIJ
Vu que le droit international a une très grande vitalité, mais qu’on ne peut pas réviser le Statut de la CIJ, le juge international est obligé de dépasser le cadre de l’article 38, mais il n’a en principe pas le droit de le faire. La CIJ a adopté une approche très pragmatique sur un certain nombre de concepts, notamment concernant le rôle des principes en droit international, et sur la question des actes unilatéraux.
Les principes en droit international
On est face à un terme qui peut être utilisé en Droit international avec plusieurs sens. Souvent, on utilise le mot « principe » pour des impératifs d’écriture, dans ce cas il est synonyme de « règle », pour alléger la rédaction et ne pas toujours écrire « règle ». Parfois, il y a derrière ce mot une volonté de synthétisation des règles. C’est surtout vrai lorsqu’on a « les principes et les règles du Droit International ». On emploie le mot principe pour montrer que l’on veut insister sur une règle importante, essentielle. La cour avait dit que dans ces cas là, « l’appellation de principe peut être justifiée en raison de leur caractère plus général et plus fondamental » (12 octobre 1984 – Affaire de la délimitation de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine). La référence au principe peut aller plus loin, et elle peut induire une appréciation axiologique (en termes de valeur), et dans ce cas, le mot principe traduit de la part de celui qui l’emploie une volonté de valorisation normative. Ex : principe de l’interdiction du génocide. Il y a derrière la volonté de promouvoir une règle : principe de l’uti possidetis.
Deux catégories de principes spécifiés par le juge qui sont spécialisées sur le plan matériel : les principes généraux du droit international renvoient au droit humanitaire, et les principes équitables renvoient au droit de la délimitation maritime.
Les principes généraux du droit international
Dans le domaine du droit humanitaire. Spécificité juridique qui se définit en raison de leur valeur intrinsèque. Leur valeur spécifique résulte de leur objet, de leur contenu, ce sont typiquement des règles bénéficiant d’une impérativité matérielle : du fait de leur contenu matériel, elles sont forcément impératives. Elles sont applicables en toutes circonstances. L’existence de ces principes suppose une conception objective du positivisme : il y a un consentement objectif sur leur contenu qui fait qu’on relativise le consentement subjectif qui résulterait de l’expression de la volonté de l’État. On est face à une conception objective du volontarisme puisque ces principes du droit humanitaire ne sont pas tributaires du consentement étatique, ils s’imposent en toutes circonstances de par la nature des valeurs qui les sous-tendent. Ils ne sont pas subordonnés au consentement des États. Ce n’est possible que dans le domaine humanitaire parce que c’est très proche de la doctrine des fins humaines du pouvoir : on encadre la souveraineté pour des raisons liées à ces fins humaines. Dans le domaine humanitaire, c’est très ancien.
CIJ 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : elle rappelle que cette conception de la normativité est extrêmement ancienne dans le domaine du droit humanitaire : elle est unanimement admise dans le cadre de la Clause De Martens énoncée pour la première fois dans la Convention 2 de LA Haye de 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Cette Clause De Martens, qui est centenaire, est une habilitation conventionnelle qu’on retrouve dans tous les traités de droit humanitaire depuis lors : « Dans les cas non prévus par le présent protocole ou par d’autres accord internationaux, les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l’empire des principes du droit des gens (= DI) tel qu’il résulte des usages établi, des principes de l’humanité, et des exigences de la conscience publique. » La positivité (est-ce que la règle est en vigueur?) et l’opposabilité (est-ce que la règle est opposable à tel ou tel?) de ces principes est indépendante de l’expression concrète des consentements étatiques. Cela vaut même pour des cas qui ne seraient pas des conventions internationales. La Clause De Martens est valable indépendamment de la participation des États aux traités qui la contiennent. Cette clause vise le fait que dès cette époque, on avait conscience que l’intelligence humaine était plus rapide pour créer des moyens de destruction que pour créer des moyens de construction. Les techniques militaires pouvaient évoluer très rapidement, et on n’était pas en mesure d’empêcher l’usage de cette arme avant que l’on ait adopté un traité ou qu’une coutume se soit formée. Pour pouvoir intervenir face à une nouvelle technique de guerre, il faut garantir un minimum de règles encadrant l’usage qui pouvait être fait de ces nouvelles armes. Ces principes généraux du Droit international humanitaire (PGDIH) sont applicables en toutes circonstances même s’il n’y a ni traité ni coutume. On s’est donc demandé s’il n’y avait pas de 3ème catégorie juridique.
La CIJ consacre une nouvelle catégorie juridique par 3 arrêts :
- CIJ 9 avril 1949 – Affaire du Détroit de Corfou: la CIJ va catégoriser ses principes : « certains principes généraux et bien reconnus tels que des considérations élémentaires d’humanité plus absolues encore en temps de paix qu’en temps de guerre ». Spécification matérielle (concerne le droit humanitaire), qui concerne des principes généraux et biens reconnus, qui sont d’une application absolue en temps de paix et en temps de guerre → en toutes circonstances.
- CIJ 27 juin 1986 – Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci: en matière humanitaire, il y a des principes qui sont encore plus applicables en temps de paix qu’en temps de guerre. En 1986, la Cour ne peut pas appliquer les traités, seulement les coutumes, elle applique des principes humanitaires avec un autre raisonnement que pour celui de la coutume : est-ce qu’il pourrait y avoir des principes généraux qui seraient une sorte de 3ème source ?
- Avis 8 juillet 1996 – Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : se réfère à la formule de 1949, et la complète et l’explicite. « Lesdits principes constituent des principes intransgressibles du Droit international coutumier ». Ces principes font partie de la coutume, mais on les différencie de la coutume ordinaire parce qu’ils sont intransgressibles, ils sont impératifs en toutes circonstances.
Ce n’est pas une 3ème source formelle, mais c’est la formulation synthétique de coutumes générales et universelles qui sont intransgressibles, mais la Cour explique qu’on peut trouver ces principes dans des conventions. C’est le cas : ce sont des coutumes générales et universelles qui ont fait l’objet d’une large codification dans les Conventions de Genève (sur le droit humanitaire). Leur particularité tient à leur nature intrinsèquement humanitaire et à la légitime sociale qu’elles peuvent avoir parce qu’elles donnent des règles humanitaires. Ces principes ont une impérativité matérielle, et donc leur positivité est inhérente. Ce sont des règles pour lesquelles on a un consentement social communautaire. C’est emblématique d’une vision sociale du Droit international. Ça rejoint aussi la vision la plus progressiste du Droit international, et on la retrouve aussi dans la jurisprudence de la CIJ. Ces règles sont des règles qu’on peut définir avec plusieurs critères, et ces critères conduisent à un collusion entre les sources formelles et matérielles : ces règles impératives, objectives, etc, se situent à la croisée de certaines exigences formelles et de certaines exigences matérielles. Ces règles touchent au cœur du Droit international, aux règles structurantes du système international. Le fait qu’il y ait dans le système des règles objectivées qui s’imposent à tous les États indépendamment de leur consentement n’empêche pas que l’on ait aussi des normes qui soient soumises au consentement des États.
Les principes équitables
Domaine du nouveau droit de la mer : délimitation maritime. Principes dont l’existence et la positivité sont récentes. C’est le juge qui a imposé ce droit dans le domaine international. Il y avait de nombreux différends il fallait donc trouver une solution. Cette catégorie juridique a été inventée en 1969 par la CIJ (20 février 1969 – Plateau continental de la mer du Nord : première affaire de délimitation maritime portée devant un juge international). Cela a été repris par les décisions judiciaires et arbitrales, mais la portée de ces principes dépasse le seul champ de la délimitation maritime juridictionnelle : on n’applique pas uniquement ces principes quand la délimitation est le fait du juge, les États peuvent aussi appliquer des principes équitables dans un traité. Ces principes sont contenus à la fois dans le droit conventionnel et dans le droit coutumier.
Ces principes sont très importants sur le plan pratique, ils permettre de réaliser une délimitation concrète, et pourtant c’est une catégorie juridique très incertaine : il est a priori difficile de définir quels sont ces principes équitables autrement qu’en disant que c’est une synthétisation normative, il y a aussi une part de juridicisation de l’équité (on est dans l’équité juridique). Les règles sont juridiques et donc relativement prévisibles. Moyen d’aboutir à une délimitation équitable en matière maritime. Ces principes sont le moyen qui permet d’aboutir à l’exigence conventionnelle de la délimitation équitable, les principes équitables sont les intermédiaires du général et du particulier : ce qui permet d’appliquer une règle générale de délimitation dans un cadre particulier, il faut des vecteurs juridiques permettant de transformer la règle générale en une solution particulière. En fait, on regarde la situation, le cas concret, et ces principes permettent d’appliquer la règle générale en fonction du cas particulier. On prend en compte les circonstances pertinentes qui sont propres à chaque cas d’espèce, et en fonction de ces circonstances pertinentes, on applique tel ou tel principe qui permette d’arriver à une délimitation équitable. On n’applique pas le même principe quand deux États se font face ou quand il sont côte à côté.
20 février 1969 – Plateau continental de la mer du Nord : cet arrêt introduit dans le droit les principes comme une forme d’équité intra-legem : intérieure au droit, l’équité fait partie de la règle de droit. C’est le Droit international lui même qui prescrit d’appliquer ces principes équitables pour prendre en considération chaque cas d’espèce. La Cour applique des considérations d’équité dans un cadre juridique (équité intra-legem), ce qui est différent d’une équité extra-legem (ex aequo et bono). (CIJ, 24 février 1982, Plateau continentale Tunisie-Libye). l’équité est considérée comme un attribut inhérent de la justice : « l’équité telle qu’elle s’exprime dans son aspect infra legem, c’est-à-dire cette forme d’équité qui constitue une méthode d’interprétation du droit et en est l’une de ses qualités » (CIJ, 22 décembre 1986, Différend frontalier). L’équité infra-legem n’est pas prescrite par le droit mais est inhérente à l’application du droit, alors que l’équité extra-legem est prévue par le droit. Les principes équitables sont de vrais principes juridiques. Les principes équitables sont de vrais principes juridiques, et quand le juge n’en fait qu’à sa tête, il n’applique pas ces principes, mais quand il rend des décisions très juridiques, il s’appuie sur ces principes.
Les actes unilatéraux
Ils ne sont pas mentionnés par l’article 38, mais occupent une place essentielle dans le droit international.
Les actes unilatéraux des États
Sur cette question, il y a une décision qui se distingue, qui donne une conception des actes unilatéraux obéissant à des considérations politiques plutôt qu’à des considérations vraiment juridiques. Ni avant ni après, on n’a jamais repris cette conception des actes unilatéraux.
Deux arrêts du 20 décembre 1974 – Affaire des essais nucléaires : Australie et Nouvelle-Zélande ont attaqué la France parce qu’elle faisait des essais nucléaires dans le Pacifique. La CIJ dit : « il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d’actes unilatéraux peuvent avoir pour effet des obligations juridiques ». Des actes unilatéraux d’un État peuvent créer des obligations juridiques. Idée : un minimum de formalisme suffit pour créer des obligations juridiques grâce à un acte unilatéral si l’État a vraiment eu la volonté d’un engagement juridique. Pour constituer un engagement juridique, un acte unilatéral doit remplir 3 conditions.
- Il doit par son objet et son but respecter les normes impératives du Droit international (ça va dans le sens de l’existence du jus cogens (normes impératives)).
- L‘acte doit émaner d’un organe auquel le Droit international reconnaît la capacité à engager l’État. (Chef de l’État, Chef du gouvernement, ministre des affaires étrangères, diplomates formellement accrédités pour la question, agents de l’État, ministre quand c’est dans son domaine de compétence). Ici, ministre de la Défense. Un simple fonctionnaire de l’administration d’État ne peut pas engager son État.
- L’État doit avoir manifestement eu l’intention de se lier par l’acte en question.
Pas de conditions de forme, sinon que la déclaration, l’engagement, soit public. L’intention de se lier peut être exprimée oralement ou par écrit. Exemple : Ministre Norvégien des Affaires étrangères, Ilhen, qui avait une déclaration par laquelle il laissait au Danemark les mains libres au Groenland, et la Norvège a été considérée comme s’étant engagée à laisser le Groenland au Danemark (CPJI 5 avril 1933 – Statut juridique du Groenland Oriental). La déclaration peut être exprimée n’importe quand du moment que c’est public (dans une procédure judiciaire, dans le cadre d’une négociation diplomatique, dans une publication officielle, par voie de presse). Dans l’affaire de 1974, on avait pris en compte une interview télé. La seule exigence est celle d’une publicité de caractère formel : public ou accessible publiquement. C’est la condition nécessaire et suffisante pour qu’un acte unilatéral puisse être la source d’une obligation juridique.
Une déclaration unilatérale maintenue secrète ne pourrait pas avoir une valeur juridique. Pour créer une obligation à la charge de son auteur, l‘intention de se lier doit être exprimée de façon à ce qu’au moins un sujet de droit en ait connaissance. L’État qui a fait la déclaration ne doit pas pouvoir révoquer son engagement à volonté. La publicité est suffisante, pas besoin de notifier ou de communiquer sous certaines formes cet engagement. Il n’est pas nécessaire que l’engagement s’adresse à un État particulier. C’est le cas dans l’affaire des essais nucléaires. La publicité conditionne l’existence de l’engagement, mais aussi sa portée juridique. En 1974, dans l’affaire des essais nucléaires, l’engagement de la France était de cesser les essais nucléaires à l’air libre, la cours a considéré que cet engagement était pris publiquement en dehors de la Cour, et erga omnes (à l’égard de tous), cet engagement a atteinte automatiquement une dimension planétaire, notamment face aux médias. L’engagement de la France a été pris vis à vis de la communauté internationale, et non pas vis à vis des États qui l’avaient assignée devant la Cour, ce qui lui aurait fait perdre la face.
Du point de vue du fondement de l’engagement, 2 conceptions coexistent : dans la pratique des États et dans la JRP.
En 1974, la Cour a consacré une conception autonomiste des actes unilatéraux : un acte unilatéral peut se suffire à lui même et trouve sa source en lui-même, suffit à créer un engagement juridique.
- Comportement des États susceptible de les engager à leur insu : les États doivent être vigilants à ne pas être liés sur le plan juridique par des déclarations. Par exemple, un État qui ne réagit pas face à un comportement d’un autre État, on peut considérer qu’il y a consenti, c’est l’estoppel.
- Il y a des actes intentionnels : la conception extensive de l’unilatéralisme s’attache aux actes intentionnels des États, reconnaît leur existence, mais réfute leur autonomie en tant que source, pour créer une obligation juridique, l’acte unilatéral doit s’intégrer dans un processus normatif classique qui va être ou conventionnel ou coutumier. L’acte unilatéral doit s’inscrire dans cette démarche, où on va pouvoir considérer que l’acte unilatéral s’inscrit dans un processus coutumier, et que de la convergence des actes unilatéraux va naître une coutume. C’est cette conception qui est retenue par la jurisprudence antérieure (5 avril 1933 – Statut juridique du Groenland Oriental) et postérieure (27 juin 1986 – Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci) à 1974.
Dans l’arrêt du 20 décembre 1974 sur les essais nucléaires, la Cour a considéré que comme la France avait fait des déclarations publiques vis à vis de tout le monde, de par la portée de son engagement, on ne pouvait pas appréhender les choses selon une logique bilatérale, contractuelle. On ne pouvait pas imaginer que la France attende que tous les autres États du monde acceptent son offre → la vocation à l’universalité des déclarations françaises imposait un minimum d’objectivation dans la conception qu’on se faisait du volontarisme. Il fallait trouver un fondement juridique à cet engagement unilatéral dans son origine et multilatéral dans sa portée, la Cour dit que ce qui fonde le caractère obligatoire de l’acte unilatéral, c’est la bonne foi. Il fallait appréhender les choses en terme de confiance réciproque entre l’État auteur et les États destinataires. Par ce biais indirect de la bonne foi et de la confiance que les autres États du monde pouvaient avoir dans l’engagement de la France, la cour essaie de classer cet engagement dans une logique consensualiste : même si on ne peut pas exiger que tous les États y consentent, on suppose qu’il y prêtent foi. « La confiance peut être présumée dans le cadre générale de la sécurité des relations internationales ». La France se retrouve donc encore plus liée et engagée que si elle avait adhéré au traité de 1973 sur les essais nucléaires, qui contenait une clause permettant aux États de se désengager. La Cour a dit que l’engagement unilatéral ne pouvait pas plus lier un État que ne l’aurait lié un engagement conventionnel (traité), qu’il n’y avait pas d’irrévocabilité de principe, et que l’État auteur (la France) bénéficiait d’un pouvoir non arbitraire de révision de son engagement unilatéral. La France ne pouvait pas être plus liée par un acte unilatéral qu’elle ne l’aurait été par un traité. Au vu des cette décision, on se rend compte qu’elle est construite à l’envers. La Cour était très ennuyée par cette affaire, elle ne s’était pas déclarée incompétente comme le lui avait demandé la France, et la France avait retiré sa confiance en la Cour, et la Cour pouvait soit se déclarer incompétente provoquant le mécontentement des États qui n’étaient pas des puissances nucléaires, soit elle se déclarait compétente et ne trouvait pas de règle de Droit applicable, elle aurait eu du mal à statuer. Il n’y avait pas de coutume équivalente au Traité de 1973 auquel la France n’était pas partie. Seule solution : dire qu’il n’y avait plus de différent et qu’elle n’avait pas besoin de se prononcer.
Les actes unilatéraux des organisations internationales
Quelle est la valeur juridique d’une résolution d’une OI ?
Il faut exclure les cas, très rares, où le droit originaire prévoit expressément qu’une résolution (une décision) va avoir force obligatoire et contraignante pour les États membres. Une résolution peut avoir une valeur juridique normative mais pas obligatoire. Il y a 2 cas à l’ONU : les arrêts de la CIJ, l‘art 25 qui prévoit que les décisions du Conseil de Sécurité sont obligatoires (dans le cadre du maintien de la paix), et l’article 18 qui dit que les décisions prises par l’AG en matière budgétaire sont obligatoires.
Dans tous les autres cas, la valeur juridique n’est pas déterminée. Une résolution c’est le terme générique, quand elle est obligatoire c’est une décision, et quand elle n’est pas obligatoire c’est une recommandation. Dans les années 60, les États du Tiers ont pendant un temps eu une majorité absolue au sein de l’AG, et pouvaient donc faire adopter toutes les décisions qu’ils voulaient, mais c’était des recommandations sans valeur obligatoire. Les nouveaux États disent que les résolutions ont une valeur obligatoire, et les États occidentaux disent que non, c’est une simple recommandation. Mais elles ont quand même une valeur juridique que les États occidentaux leur dénient. Par exemple, une résolution de softlaw qui a un contenu juridique fait malgré tout partie du droit. Finalement, la CIJ va trancher la question en 1996 : comme pour les actes unilatéraux des États, les actes unilatéraux des OI peuvent participer à la formation du droit lorsqu’ils vont s’inscrire dans un processus normatif (conventionnel ou coutumier). Il arrive qu’une résolution d’une OI soit transformée en convention. De même, une succession de résolutions peut créer une coutume, à condition d’être respectées. Avis du 8 juillet 1996 – Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : on va reconnaître que les actes unilatéraux des OI peuvent avoir une valeur normative et participer à la formation du Droit international. Le texte d’une résolution peut être transformé en accord en forme simplifiée. Ces résolutions sont supposées systématiser, orienter les comportements étatiques. Exemple : en droit de la mer, des résolutions disent au État de ne pas pêcher à plus de 1000m de fond, et que quand on déploie une activité en mer, il faut procéder à une évaluation de l’impact environnemental. On espère qu’en développant cette pratique, les États auront le sentiment que ce qu’ils font est obligatoire.
Les sources du droit international
La structure volontariste de notre système suppose que pour avoir une règle, les normes soient validées par le consentement étatique. Il y a les cas où forcément il y a une logique classique de consentement subjectif et individuel : pour qu’il y ait une règle, il faut que les États y aient individuellement et subjectivement consenti. Cela vaut pour les règles de base. Si une majorité d’États expriment leur consentement pour une règle, un État qui n’y consent pas ne peut pas être obligé à respecter cette règle. Il va pouvoir empêcher que cette règle lui soit opposable.
Il y a aussi des règles pour lesquelles un État n’a plus la possibilité d’objecter subjectivement, le consentement ne peut plus être la somme des consentements individuels mais doit être vu comme le consentement global du groupe, même si à l’intérieur certains États ne sont pas d’accord. La phase de l’élaboration normative fait intervenir plein d’institutions, d’entités, mais au moment de valider la norme, il faut soit un traité, soit une coutume, c’est les 2 seuls modes par lesquels les États vont exprimer leur consentement.
Le Traité
L’art 38§1 du Statut de la CIJ se réfère aux « Conventions internationales » : le droit conventionnel, les Traités.
Le droit conventionnel
Il faut distinguer codification et développement progressif.
La codification et le développement progressif
Art 13§1alA Charte des NU qui fait référence à ces 2 notions : « L’AG provoque des études et fait des recommandations en vue d’encourager le développement progressif du Droit international et sa codification ». L’AG n’est pas un organe juridique, et pour pouvoir s’acquitter de cette tâche, elle a créé un organe subsidiaire : la Commission du Droit International (CDI) composée d’experts juristes indépendants, en général des professeurs de droit. Depuis 1940, on essaie de faire des projets pour codifier le droit des traités, mais les membres de la CDI n’arrivent pas à se mettre d’accord et on ne parvient à rien.
Art 15 Statut de la CDI : « la codification est la formulation plus précise et la systématisation des règles de Droit international dans les domaines où existe déjà une pratique étatique conséquente, des précédents, et des opinions doctrinales ». C’est la systématisation écrite des coutumes préexistantes.
Le développement progressif vise à « préparer des projets de Conventions sur des sujets qui ne sont pas encore réglementés par le Droit international, ou pour lesquels le Droit n’est pas encore suffisamment développé dans la pratique étatique ». Il n’y a pas de coutume, et on cherche à proposer de nouvelles règles qu’on va dès le départ mettre dans un Traité, et qui ne s’appliqueront pas tant que le traité n’est pas en vigueur, contrairement à la codification puisque les règles peuvent s’appliquer sous leur forme coutumière. La codification et le développement progressif sont extrêmement liés, souvent indissociables, voire complémentaires : ils participent d’un même processus. Souvent une règle peut être du développement progressif au début d’un processus qui dure longtemps, et la règle va devenir une coutume avant la fin du processus. Admettre que la création du droit est un processus suppose de faire la frontière entre le droit en voie d’apparition et le droit existant. Il est parfois difficile de savoir à partir de quel moment la succession répétitive des résolutions (de l’ONU par exemple) par les États passe de volontaire à une conviction par les États que c’est obligatoire.
Lex lata : loi déjà formée.
Lex ferenda : loi en train de se faire.
En pratique, c’est très difficile : en Droit international contemporain, le processus coutumier et le processus conventionnel sont entremêlés, imbriqués. Si les coutumes et règles conventionnelles se développent en même temps, la frontière entre les 2 est de plus en plus difficile à clarifier, notamment parce qu’une opération qui est du développement progressif au début du processus peut devenir du droit coutumier avant la fin de processus. Le processus conventionnel génère des coutumes qui influencent ensuite le processus. Souvent, on trouve le terme codification employé au sens large pour désigner l’ensemble du processus conventionnel.
Le processus conventionnel
De l’initiative du traité à l’adoption du traité, il peut y avoir plusieurs décennies, et encore plus jusqu’à l’entrée en vigueur du traité. Le processus conventionnel est un long cheminement fait de différentes phases de travail.
Exemple : la codification du droit des traités débute en 1949, est adoptée en 1969, et entre en vigueur en 1980 → 31 ans entre le début et la fin.
Exemple 2 : décision de renégocier le droit de la mer : 1967, travaux préparatoires de 1970 à 1973, Convention adoptée en 1982, entrée en vigueur en 1994 → 27 ans. La négociation dure de 1973 ) 1982.
Exemple 3 : Travaux de la CIJ sur la responsabilité internationale durent depuis la fin des années 40, et il n’y a toujours pas de traité en vue.
- Il faut d’abord lancer l’idée de la négociation. Le point de départ peut être le fait d’une OI (c’est par exemple l’ONU qui a lancé la codification du droit des traités, la codification du droit de la mer) ; d’un État (Suisse qui est dépositaire des conventions sur le droit humanitaire et qui a lancé la renégociation du droit humanitaire en 1977), d’une ONG (Comité maritime international pour des conventions sur le transport maritime), d’un particulier (Henry Dunant : fondateau de la Croix Rouge internationale, qui a été à l’origine de l’adoption de la première convention de Genève en 1864).
- Ensuite viennent les travaux préparatoires. C’est supposé faciliter les négociations ultérieures et aboutir à un projet de convention. On va élaborer un texte qui va servir de base à la négociation. Qui est en charge des travaux préparatoire ? Une ONG (CICR en matière humanitaire), un organe (permanent ou temporaire, juridique [CDI] ou politique : dans un organe juridique, les membres ne représentent pas leur État, ils sont beaucoup plus libres), une OI. Dans le cas du droit de la mer, les ambassadeurs s’osaient pas se démarquer et du coup ça n’avançait pas. Quand on va devant la CDI, c’est très très lent, mais pas toujours opportun pour négocier un domaine pas seulement juridique. Aujourd’hui, les organisations qui interviennent dans la préparation des textes ont un pouvoir réel.
- La phase négociation: traditionnellement, cela suppose la réunion d’une conférence diplomatique, mais ce n’est pas toujours le cas, notamment quand l’initiative et la préparation du texte se font dans une OI, parce que dans ce cas là, la phase de négociation va s’insérer dans une réunion de l’OI. Aujourd’hui, c’est très rare qu’une négociation diplomatique ne soit pas liée à l’ONU. Juridiquement, il y a 2 options possibles :
- Si la Convention constitutive de l’OI le lui permet, l’organisation peut, au sein de son organe plénier, négocier des conventions (ONU). L’ONU peut éventuellement adopter des textes au sein de l’AG. Il faut distinguer lorsqu’une AG adopte une recommandation et lorsqu’elle adopte un traité (il est plus simple pour une AG habituée à adopter des résolutions d’adopter par la suite des traités). On dit que le traité est adopté au sein de l’organisation.
- Le plus souvent, on souhaite préserver la dimension solennelle de l’organisation diplomatique, on va convoquer une conférence diplomatique chargé de parfaire la négociation et d’adopter le texte du traité. On dit que le traité est adopté sous les hospices de l’organisation. Le Traité sur le droit de la mer n’a pas été adopté par l’AG de l’ONU, mais lors d’une conférence.
Le droit des traités
C’est l’ensemble des règles de Droit international public qui sont consacrées aux traités. Il y a des dispositions de droit interne qui traitent du droit des traité, mais ça ne nous intéresse pas là. Un État ne peut pas se prévaloir de son droit interne pour échapper à des conventions conclues dans le droit international.
Aujourd’hui le droit des traités est codifié, et figure pour l’essentiel dans la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 avec 79 voix pour, 19 abstentions, 1 voix contre (la France). Entrée en vigueur le 27 janvier 1980. Elle est reflétée et complétée par le droit coutumier, par exemple sur le point de la valeur juridique des accords oraux. Elle est aussi complétée par d’autres traités (Convention de Vienne du 23 août 1978 sur la succession d’États en matière de traités : un État nouvellement indépendant peut faire table rase des traités signés par son prédécesseur, sauf les traités frontaliers ; Convention de Vienne du 21 mars 1986 sur les traités entre États et OI ou entre OI : transpose aux OI les règles du droit des traités entre États).
La Convention de Vienne comprend un préambule, 85 articles et une annexe. Elle est divisée en 8 parties.
Conclusion et entrée en vigueur des traités
C’est la partie 2, les articles 6 à 25. Elle est divisée en 3 sections.
La conclusion des traités
L’élaboration
Tout État a la capacité de conclure des traités. L’élaboration, c’est la phase de négociation et de rédaction du traité. Cela relève du droit constitutionnel de chaque État, mais il y a des règles transversales. C’est l’exécutif qui est en charge de cette phase : il va désigner les négociateurs, les plénipotentiaires (ceux qui ont les pleins pouvoirs).
Art 7 Conv de Vienne : 2 catégories de personnes vont pouvoir négocier :
- Les personnes qui représentent leur État de plein droit. De par leur fonction, elles n’ont pas besoin d’être expressément investies du pouvoir de négociation. Membres de l’exécutif (chef de l’État, du gouvernement, ministre des affaires étrangères). Chef de la mission diplomatique, ambassadeur d’un État dans le cadre d’un traité bilatéral : diplomates accrédités.
- Les personnes qui vont être considérées comme représentant de l’État pour l’adoption d’un texte donné parce qu’elles vont être officiellement investies à cette fin: elles doivent produire les pleins pouvoirs appropriés. Il y a une commission de vérification des pouvoirs : les personnes y montrent leurs pleins pouvoirs. Il peut ressortir de la pratique des États et des circonstances que les autres représentants des États considèrent qu’une personne puisse engager son État sans avoir les pleins pouvoirs. La règle, c’est qu’un État doit fournir les pleins pouvoirs à son représentant, mais on peut y déroger, on peut assouplir la règle. Ainsi, on laisse la possibilité aux États de confirmer ultérieurement un acte qui a été fait sans accréditation.
L’adoption
Elle marque la fin de la phase d’élaboration. Dans le cadre d’un traité multilatéral il y a 2 phases dans l’adoption :
- Levote: art 9§2 Conv de Vienne : le vote se fait à la majorité des 2/3 sauf si les États décident une autre règle. Cette règle a une valeur supplétive.
- L’authentification du texte que l’on a voté : procédure par le biais de laquelle les États vont constater l’adéquation du texte voté à la volonté des rédacteurs, aux intentions des parties. C’est ce qui rend le texte définitif. Mais l’article 10, consacré à l’authentification, est très souple : elle résulte à défaut d’autres procédures soit de la signature, soit de la signature ad referendum, ou paraphe avec les initiales du négociateur. L’État qui a signé un traité ne doit rien faire qui puisse priver le traité de son but et de son objet le jour où il entrera en vigueur. C’est une application du principe de bonne foi. La signature suffit à engager un État dans le cadre d’un accord en forme simplifiée.
Dans un traité bilatéral, il n’y a pas besoin de ces 2 phases, c’est moins solennel.
Expression du consentement
Art 11 Conv de Vienne : « Le consentement d’un État à être lié par un traité peut être exprimé de différentes manières » : soit la signature (voir art 12), soit par l’échange d’instruments constituant le traité (art 13 : échange de lettres), ratification / acceptation / approbation (art 14 : avant entrée en vigueur du traité), adhésion (art 15 : après entrée en vigueur), ou par d’autres moyens.
Peu d’exigences de formalisme.
Distinction entre les accords en forme simplifiée (executive agreements) et les accords en forme solennelle qui suppose qu’il y ait un accord de l’exécutif qui négocie et un accord du législatif qui ratifie.
Les effets du consentement ne sont pas immédiats (immanents), il faut accomplir les procédures formelles qui vont avec : il faut aviser le dépositaire du traité qu’on l’a ratifié. Le dépositaire est en général le secrétaire général de l’ONU pour un traité onusien, ou le secrétaire général de l’organisme à l’origine du traité.
Réserves
Technique apparue en 1890, qui s’est développée au 20ème siècle. Cette technique permet de moduler les engagements conventionnels en permettant une participation à géométrie variable dans laquelle les traités multilatéraux vont pouvoir accueillir un grand nombre de parties parce qu’elles vont pouvoir moduler et différencier les engagements. Cela a permis d’atteindre l’objectif d’universalité des traités au détriment de leur intégrité totale.
Art 2§1 al D : « l’expression « réserves » s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État, quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État. » Les réserves n’étaient possibles que quand elles étaient acceptées par les autres États. C’était encore le cas dans le système de la SDN. Les réserves étaient entendues comme une renégociation d’une clause particulière et non pas comme étant à géométrie variable.
On admet désormais beaucoup plus facilement les réserves. Les articles 18, 19, 20, et 21 sont issus en grande partie de l’Avis du 28 mai 1951 – Réserves sur la prévention et la répression du crime de génocide.
Admissibilité des réserves
L’article 19 de la Convention de Vienne pose le principe de l’admissibilité des réserves sauf si l’on est dans l’une des 3 exceptions posées par l’article 19 :
- Elle est interdite par le traité. Ex : Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer. Si l’on émet des réserves, cela remet en cause la globalité du traité.
- Si le traité dispose que seules certaines réserves déterminées sont admises et que la réserve en question n’en fait par partie. L’article 20 dit que les réserves peuvent être expressément autorisées par le traité. C’est un critère très objectif, soit c’est possible, soit ce n’est pas possible, ce n’est pas discutable.
- Si la réserve est incompatible avec l’objet et le but du traité. Cette réserve a été inventée par la CIJ en 1951 parce qu’elle a fait le choix d’élargir la possibilité de faire des réserves pour promouvoir un droit universel. Il ne fallait pas que les réserves puissent détruire l’engagement (l’État adhère pour des raisons politique puis émet un réserve qui enlève l’impact du traité). Cette clause est un garde-fou contre les réserves abusives, politiques, qui enlèveraient toute la portée de l’engagement.
Une 4ème exception résulte de la jurisprudence : CIJ – 20 février 1969 – Plateau Continental de la Mer du Nord : un État ne peut pas faire de réserves à une disposition codifiant des règles coutumières de droit international général. En effet, l’État ne pourra pas s’affranchir de la règle coutumière, qui a déjà une portée générale. On a déduit une autre exception : une réserve ne peut pas aller à l’encontre d’une norme de jus cogens (règles supérieures dans les traités, comme l’interdiction de l’esclavage).
La formulation des réserves est possible. Comment les autres États peuvent-ils y réagir ? L’attitude des autres États va conditionner l’admissibilité juridique de la réserve. Avant l’avis de 1951, la réserve devait être acceptée par tous les autres États pour être admissible. Aujourd’hui, c’est exceptionnellement le cas, notamment lorsque les États sont très restreints. Exception d’un traité négocié en nombre restreint et dont l’objet suppose qu’il soit respecté intégralement par tous les États parce que cette intégralité de l’engagement est la base même de l’engagement de tous les États → traité plurilatéral (négocié pour fonctionner de manière homogène entre un nombre restreint d’États).
Art 20§3 : dans le cas où le traité crée une organisation internationale, la réserve doit être acceptée par l’organe compétent de l’organisation (le traité doit prévoir quel est l’organe compétent pour valider la réserve).
Lorsqu’on n’est pas dans le cadre de ces traités particuliers, c’est un traité normal, et il suffit qu’un seul État accepte la réserve pour que l’État réservataire devienne partie au traité. Avant, lorsqu’un seul État n’acceptait pas la réserve, l’État réservataire ne pouvait pas devenir partie au traité. Le système a été libéralisé. Le régime de l’acceptation est très faiblement formalisé. La Convention de vienne prévoit un système d’acceptation tacite : si aucun État n’objecte à la réserve pendant 12 mois, alors la réserve est réputée acceptée par les États. On n’a même pas à accepter formellement la réserve, il suffit de ne rien faire.
C’est un système très souple et très favorable à l’État réservataire, qui profite de l’inertie des autres. En pratique, cela aboutit à ce que la clause matérielle qui était la condition supposée être la plus importante (on conditionnait l’acceptation ou le refus de la réserve par l’étude de la réserve, qui doit être conforme au but du traité), ne soit plus appliquée. Ce qui devait être un élément déterminant pour que le Traité ne soit pas atteint dans son objet fondamental, passe dans la pratique totalement à la trappe.
Effet des réserves
Si on fait une réserve, c’est parce que l’on veut moduler l’engagement conventionnel. L’effet peut aller jusqu’à remettre en cause l’existence du traité.
Objection : quand un État fait une réserve, soit les États acceptaient la réserve, soit ils la refusaient. Dans l’esprit de la CIJ, la réserve était l’objet de la négociation. Il fallait laisser la possibilité, si on faisait une objection, pour que l’État qui faisait la réserve ne puisse pas adhérer au traité. La convention de Vienne va revenir sur ça, puisque l’objection ne va plus interdire l’entrée en vigueur du traité pour l’État réservataire, au contraire, l’entrée en vigueur du traité ne sera qu’exceptionnelle, il faut que l’objection soit confirmée pour que le traité n’entre pas en vigueur.
L’objection devait empêcher l’entrée en vigueur du traité, aujourd’hui elle ne l’empêche plus sauf si elle est confirmée.
Il n’y a plus aucune différence matérielle entre l’objection et l’acceptation. On dit que l’objection simple est platonique, parce que ses effets sont les mêmes que l’acceptation. Art 21§1 : prévoit dans quelle mesure la réserve fait varier les engagements conventionnels. Il n’y a que l’hypothèse dans laquelle un État qui fait une objection exige que le traité n’entre pas en vigueur entre lui et l’État réservataire, il faut donc confirmer l’objection. On offre un régime très favorable au réservataire, et cela suppose que les autres États soient très vigilants pour ne pas se voir opposer des choses auxquelles ils ne veulent pas souscrire.
Entrée en vigueur des traités et application à titre provisoire
Les États sont libres de prévoir la façon dont le traité va entrer en vigueur, et éventuellement une application à titre provisoire. Distinguer entre traités bilatéraux (qui entrent en vigueur au moment de l’échange des consentements) et traités multilatéraux : il n’est pas raisonnable d’imaginer une ratification unanime, sauf dans le cas d’un traité plurilatéral. Il y a un nombre minimum de ratifications : « Le traité entrera en vigueur X mois après sa Xème ratification ». Il faut un certain nombre d’États adhérant pour que le traité entre en vigueur, et il faut un certain nombre d’États directement concernés qui ratifient. Il y a donc un critère quantitatif (nombre d’États) et qualitatif (États réellement concernés). Même si l’on n’exige pas l’unanimité, on se rend compte que l’entrée en vigueur est très longue. Avec la Convention sur le Droit de la Mer, il a fallu 12 ans pour obtenir 60 ratifications.
Respect, application et interprétation des traités
Partie 3 de la Conv de Vienne, art 26 à 38.
Respect des traités
Le respect du traité devient une obligation juridique à l’entrée en vigueur du traité, un État ne peut pas invoquer des raisons liées à son droit interne pour ne pas appliquer un traité auquel il a souscrit. L’obligation de respecter le traité est consubstantielle à l’existence du traité. Art 26. « Pacta sunt servanda ». Les traités sont faits pour être respectés. Tout traité en vigueur lie les parties et doit être respecté par elles de bonne foi. C’est un principe inhérent au droit international. Ce principe reste très relatif dans l’application qui en est concrètement faite. Au-delà du droit conventionnel, le principe de bonne foi est un principe qui est censé garantir la fiabilité des relations internationales et leur stabilité juridique.
Application des traités
Dans l’espace
Avant la décolonisation, il y avait la clause coloniale qui permettait à un État d’exclure ses colonies du champ d’application du traité. Actuellement, on peut exclure les Pays et Territoires d’Outre Mer. Sauf exception, le traité lie la partie pour l’ensemble de son territoire.
Dans le temps
Non rétroactivité du droit : art 28. A moins qu’il n’en ressorte autrement, un traité ne s’applique pas à un acte ou à un fait antérieur à la date de son entrée en vigueur ou à une situation qui aurait cessé d’exister à la date du traité entré en vigueur.
Art 30 : application de traités successifs portant sur la même matière.
Interprétation des traités
L’interprétation et l’application sont liés, puisque l’interprétation est le préliminaire obligé de l’application. L’interprétation contribue à définir les contours de la norme, et à les redéfinir. L’opération interprétation obéit à des règles. L’interprète juridique est comme un interprète artistique, une forme de co- détermination se fait. Il y a l’auto-interprétation et l’interprétation par un tiers. Et en fait, dès qu’on admet que toute interprétation est co-détermination.
Il y a dans la Convention une règle générale d’interprétation complétée par d’autres.
La règle générale d’interprétation
Art 31 : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». Le texte consacre d’abord une interprétation qui peut paraître textuelle, qui va respecter la littéralité du texte, mais il présente également une interprétation extensive : « dans son contexte et à la lumière de son objet et de son but ». A première vue la règle générale est plutôt conservatrice, mais en réalité on se rend compte que même en faisant une interprétation littérale, un texte doit être replacé dans son contexte, qu’il faut coller au texte. L’article 31 laisse le choix entre 2 interprétation, mais globalement il faut coller au contexte du texte.
Le contexte c’est : le texte, le préambule, les annexes, les accords, les instruments connexes.
Donc il faut prendre en compte ce qui ancrerait le texte dans son contexte, et le but et l’objet du texte. On prend en compte non pas la volonté originaire des parties, mais leur volonté redéfinie au regard des finalités du texte. La Convention de Vienne a consacré la pratique jurisprudentielle antérieure en matière d’interprétation, il y a globalement une interprétation téléologique, on laisse ouverte la possibilité de faire des interprétations extensives. Il y a des moyens d’avoir une interprétation constructive faisant évoluer le texte en s’attachant plus à son esprit qu’à sa lettre. C’est de la pondération attachée aux différents éléments (texte, contexte, but) que va ressortir la méthode d’interprétation.
Les autres éléments d’interprétation
Moyens complémentaires : art 32. La règle générale prévoit elle-même de recourir à des moyens complémentaires d’interprétation.
On va tenir compte de :
- Tout accord ultérieur que les parties auraient pu passer au sujet de l’interprétation du traité ou de son application. C’est pour ça que par exemple quand il y a une convention cadre et des accords d’interprétation, il faut interpréter la convention cadre au regard de ces accords.
- Toute pratique ultérieurement suivie dans l’application et l’interprétation du traité.
- Toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
Les pratiques sont très importantes lorsque l’on est dans le cadre d’une OI. La pratique de l’ONU sur le vote des membres permanents du conseil de sécurité est contra legem. C’est un exemple de prise en compte de la pratique dans l’interprétation du texte. Mais la Cour ne pouvait pas refuser de prendre en compte une pratique que les États souhaitent développer.
Art 31 §3 al C : cet alinéa est ambigu. C’est la question du droit inter-temporel qui renvoie un problème de l’interprétation ratione temporis (dans le temps). Comment on applique le droit dans le temps et quel système juridique de référence on choisit pour interpréter un texte. Est-ce que les règles pertinentes sont celles qui existent au moment où on conclut le traité ou au moment où on interprète le traité ? Doit-on interpréter un traité au regard du droit en vigueur en moment de sa conclusion ou au regard du droit en vigueur au moment de l’interprétation ? C’est la jurisprudence internationale qui permet de dégager des critères d’application.
Cette question n’appelle pas une réponse unique et univoque. La formule est ambiguë pour laisser à l’interpréte une grande part de codétermination.
Sentence arbitrale 4 avril 1928 – Affaire de l’île de Palmas : rendue par une arbitre unique, le professeur Suisse Max Huber. Cette sentence est le point de départ de la question de l’interprétation dans le temps. 2 critères complémentaires :
- Critère inhérent au principe de contemporanéité: méthode du renvoi fixe: s’il s’agit d’apprécier, d’interpréter la création de droits et d’obligations, on doit le faire par référence au droit en vigueur lors de la conclusion du traité. Méthode du renvoi fixe utilisée pour garantir la non rétroactivité du droit. Sinon on pourrait appliquer au traité des règles qui n’existaient pas à la création du traité. Cela s’applique quand on cherche à interpréter si une règle est créée par le traité. Quand il s’agit de savoir si des droits déjà crées se sont maintenus, on utilise la méthode du renvoi mobile : on applique les règles en vigueur au moment de l’interprétation. Règle différente selon que l’on analyse la création du droit ou le maintien du droit dans le temps.
- Critère lié au caractère volontariste du Droit international et à la configuration géopolitique : à chaque fois que le territoire est en cause, c’est à chaque fois l’interprétation la plus protectrice de la souveraineté du territoire qui est retenue. Il faut déterminer quelle interprétation est la plus protectrice. Cela peut être une interprétation classique ou évolutive. C’est une question d’espèce.
Art 32 : moyens complémentaires d’interprétation. Ils sont associés à la règle mais n’en font pas partie. Il ne donne ni définition ni liste des moyens complémentaires. On peut utiliser les travaux préparatoires et les circonstances de conclusion du traité. Ces moyens peuvent être utilisés pour confirmer le sens qui ressort de l’application de l’art 31 ou, si après application de la règle de l’article 31, le sens est obscur (on ne peut pas dégager de sens), déraisonnable, absurde, on peut utiliser ces moyens.
En pratique les juges internationaux utilisent assez fréquemment les travaux préparatoires et les circonstances, conjointement, sans distinguer ce qui est travaux préparatoires et circonstances.
Traités et États tiers
C’est une grande question du Droit international. Section 4, articles 34 à 38.
Principe de l’effet relatif des traités
Art 34 : un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement. C’est une transposition de l’effet relatif des contrats en droit interne. C’est une règle inhérente à tout système juridique, elle vient du droit romain : res inter alios acta. La chose joue entre ceux qui l’ont actée. La logique de ce principe est conforme au volontarisme du système international, mais il faut distinguer le droit conventionnel, qui est par essence spécial aux parties et le droit coutumier, qui peut être un droit général, qui a vocation à l’universalité. L’article 38 traite de la question du droit coutumier : le principe de l’effet relatif des traités ne s’oppose pas à ce qu’une règle énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un État tiers en tant que règle coutumière de Droit international reconnue comme telle. Si un État est tiers au traité, il n’est pas tenu par la règle conventionnel, mais il va pouvoir être tenu par la règle coutumière équivalente.
Les exceptions à la relativité des traités
C’est un principe, et donc il a des exceptions. Deux d’entre elles ont été codifiées par la Convention de Vienne, il y également des exceptions coutumières.
La première est le cas des traités prévoyant des obligations pour des États tiers : art.35 dit qu’il faut pour cela qu’il y ait une acceptation expresse et écrite de l’obligation par le tiers. C’est une sorte de renégociation, d’accord informel complétant le traité. C’est une exception qui n’en est pas une, puisqu’il y a consentement. De la même façon, la révocation ou la modification d’une telle obligation devra voir le consentement de tout le monde.
Quand le traité est avantageux pour le tiers et prévoit des droits (stipulation pour autrui en droit des contrats), c’est l’article 36§1 : il subordonne le bénéfice du droit créé au consentement de l’État, mais le consentement se présume, à défaut d’expression contraire. Pour modifier ou révoquer ce droit, il faut le consentement de l’État (art 37§2).
Il existe aussi des exceptions coutumières issues de la jurisprudence :
- Clause de la Nation la plus favorisée: certains considèrent que ce n’est pas une vraie exception parce que c’est une hypothèse où il y a deux traités : un premier traité entre A et B, qui contient la clause de la Nation la plus favorisée. Si A passe un autre traité avec C et que le traité avec C est plus favorable que le premier, l’État partie au premier traité (B) pourra automatiquement bénéficier du traité conclu avec C. Souvent en matière commerciale.
- Exception résultant du caractère objectif d’un traité : l’objectivité du traité marque son opposabilité aux autres États. Par exemple la Charte de l’ONU est un traité objectif qui s’impose aux États même s’ils ne sont pas partie au traité. Bien avant le 20ème siècle, il y avait déjà des traités objectifs, qui portaient sur des questions territoriales : c’est nécessairement objectif. Aujourd’hui, les traités d’OI universelles sont objectifs.
Cas des États qui avaient confié par traité à un autre État la conduite de leurs relations internationales et notamment le droit de passer des conventions internationales à sa place. C’est une situation dérogatoire : l’État représenté était directement obligé par le traité passé par son représentant. Exemple des protectorats et des micro-États.
Amendement et modification des Traités
Partie 4, art 39 à 41. La Convention de Vienne distingue les amendements qui concernent toutes les parties au traité et les modifications qui ne concernent seulement que certaines parties au traité. Les deux mots sont souvent synonymes, c’est le problème de la révision des traités. S’il y a accord des parties, le traité peut être amendé, une révision unilatérale n’est pas possible, elle est interdite. La Convention de Vienne n’a pas prévu la modification tacite (par la pratique ou par la voie coutumière), mais cela existe et c’est reconnu par le droit.
Art 40 consacré au cas de l’amendement des traités multilatéraux. L’amendement est ouvert à tous, mais la règle de l’unanimité n’est plus réaliste, il n’est plus nécessaire que les amendements soient acceptés à l’unanimité. Dans ce cas, il y a dissociation des relations conventionnelles entre ceux qui acceptent l’amendement et ceux qui ne l’acceptent pas. L’amendement ne s’applique qu’aux États l’ayant accepté. Un traité peut prévoir l’opposabilité erga omnes de la révision. La révision n’a pas besoin d’être adoptée à l’unanimité, mais une fois adoptée, elle s’impose à tous. Tout État partie au traité devient automatiquement partie à la révision, et tout État qui adhérerait ultérieurement adhérerait au traité révisé.
Tout est question de savoir si un État mécontent peut sortir du traité. Il y a des systèmes qui prévoient l’opting out (tout État en désaccord avec la révision peut sortir du traité), c’est le cas de la plus part des organisations spécialisées, et d’autres qui ne le prévoient pas (ONU).
Art 41 : modification : possibilité que les parties ont de modifier le traité entre elles. Il ne faut pas que la modification porte atteinte aux droits et aux obligations des autres, il ne faut pas qu’elle soit incompatible avec la réalisation effective de l’objet et du but du traité pris dans son ensemble.
Nullité, extinction et suspension de l’application des traités
Partie 5, art 42 à 72, plus longue et plus importante, divisée en 5 sections.
Dispositions générales
Art 43 : distingue les hypothèses de la nullité, extinction ou dénonciation (vise un traité), le retrait d’une partie au traité, ou la suspension de l’application du traité. Dans toutes ces hypothèses, l’État reste soumis aux obligations énoncées dans le traité en vertu du Droit international, indépendamment dudit traité. L’État qui n’est plus partie à un traité, restera soumis aux obligations sous leur forme coutumière si elles existent sous forme coutumière.
Art 44 : question de la divisibilité des traités : en principe proscrite : choisir de supprimer une partie d’un traité et de continuer à appliquer le reste : toute disparition du lien conventionnel entraîne celle de l’ensemble du traité. Elle n’est que très exceptionnellement admise en Droit international. Art 44§3. La divisibilité est admise pour certaines clauses déterminées qui sont seules visées par une cause de nullité. Il faut que ces clauses répondent à certaines conditions : séparables du traité sans que cela remettre en cause le traité, elles ne doivent pas être des clauses dont l’acceptation a été une base essentielle de l’adoption du traité (pas une clause essentielle), et il ne faut pas que ce soit injuste de continuer à exécuter ce qui reste dans le traité. C’est possible seulement si la cause de nullité du traité est le dol ou de la corruption. Ce ne sera jamais possible si le traité a été adopté sous la contrainte ou si il viole une norme de jus cogens.
Art 45 : perte du droit d’invoquer une cause de nullité ou de mettre fin à un traité. Un État ne peut plus invoquer une cause de nullité d’un traité si, une fois qu’il a eu connaissance des faits, il a explicitement accepté que le traité reste en vigueur, ou si à raison de sa conduite il doit être considéré comme ayant acquiescé au maintien en vigueur du traité, ou s’il s’est comporté comme s’il voulait que le traité continue (principe de l’estoppel : principe venant du droit anglais et qui a été consacré en Droit international par la jurisprudence de la CIJ, notion voisine de la forclusion, préclusion, acquiescement, non-contraduction, lien avec le principe de bonne foi → principe d’un État peut être lié par sa seule conduite dès lors que les autres États sont en droit de se fier à son comportement et à fortiori si son changement d’attitude est de nature à leur causer un préjudice, il est lié par son comportement, parce que les autres ont pensé qu’il était de bonne foi).
Nullité des traités
Certaines irrégularités sont sans importance, il y a ensuite des vices du consentement (cause de nullité subjective), et enfin le jus cogens est une cause de nullité objective.
La validité des traités
Elle n’est pas affectée lorsque l’un des États n’a pas respecté son droit interne en matière de conclusion des traités (les autres États ne sont pas tenus de vérifier que la procédure de ratification interne a été respectée). Exception (art 46) : sauf si la violation du droit interne a été manifeste (évidente pour tous parce que contraire à la pratique habituelle) et concerne une règle de droit interne d’importance fondamentale. Art 47 : pour les traités en forme simplifiée, un représentant d’un État dont le pouvoir aurait fait l’objet d’une restriction particulière dont la personne en question n’aurait pas tenu compte, ça ne vicie pas le consentement exprimé, l’État avait qu’à surveiller son représentant, sauf si la restriction de compétence avait été notifiée à tous les autres États (elle était devenue publique).
Les vices du consentement
La théorie des vices du consentement est largement inspirée du droit interne, et notamment du droit des contrats français : art 1108 à 1118CC. Le traité ne peut pas être assimilé à un contrat, parce que les traités sont plus des traités-lois multilatéraux, et pas des traités-contrats bilatéraux. Mais dans le droit des contrats comme dans le droit des traités, il y a un principe de l’autonomie de la volonté qui suppose que s’il y a eu consentement, le consentement est réel et libre. 4 hypothèses sont retenues :
L’erreur (art 48)
Le §1 pose les principes de la théorie internationaliste de l’erreur. L’erreur peut, sous certaines conditions, être considérée comme excusable, et constituer un vice du consentement étatique. L’erreur doit porter sur un fait ou une situation que cet État supposait exister au moment où le traité a été conclu et si ce fait constituait une base essentielle du consentement de cet État. La charge de la preuve (onus provendi) incombe à l’État qui invoque l’erreur, il doit prouver l’existence de l’erreur. Cela ne peut pas être une simple erreur matérielle (§3 : une erreur « vénielle », pas grave, ne peut pas être de nature à affecter la réalité du consentement). On peut en demander la correction au dépositaire du traité (art 79). Un erreur de fait ou de situation peut constituer un vice du consentement étatique si elle porte du un fait essentiel. On exclut l’erreur de droit : qui ne porte pas sur un fait mais sur une règle de Droit. On trouve en Droit international la règle nemo sensetur ignorare legem : nul n’est censé ignorer la loi. Donc un État ne peut pas invoquer une erreur de droit pour invoquer la nullité. Mais cela ouvre la porte d’une erreur mixte : une erreur factuelle qui intégrerait des éléments juridiques.
Deux exceptions :
- Un État ne peut pas invoquer l’erreur lorsqu’il y a contribué par son comportement,
- Lorsque les circonstances ont été telles qu’il devait être averti de la possibilité d’une erreur.
CIJ Arrêt 15 juin 1962 – Affaire du temple de Preah Vihear : une partie ne peut pas invoquer une erreur si elle est en mesure de l’éviter. La CDI (commission du droit international) a considéré que c’était tellement large et subjectif que ça pouvait ne plus laisser de place à la règle. Donc ce n’est pas une exception, on peut invoquer une erreur même si on avait pu l’éviter.
Le dol (art 49)
Fraus omnia corumpit : la fraude corrompt tout. On a consacré le dol malgré le fait qu’il n’y avait quasiment pas de pratique. Si un État a été amené à donner son consentement par une conduite frauduleuse d’un autre État, il pourra invoquer le dol comme vice du consentement. Dans le dol, il y a une intentionnalité frauduleuse, il faut des comportements délibérés portant atteinte à la confiance mutuelle dans les relations internationales et au principe de bonne foi. Par exemple : conclure un traité en sachant qu’on ne va pas le respecter. Pas beaucoup de pratique, mais position du Tribunal de Nuremberg qui a considéré que lors de la conclusion des accords de Munich en 1948, il y avait une intention frauduleuse de l’Allemagne qui n’avait jamais eu l’intention de les respecter.
La corruption (art 50)
Elle a été créée de toute pièce à l’initiative de la CDI. La corruption est propre au droit des traités : corruption du représentant d’un État : si le consentement d’un État a été obtenu par la corruption de son représentant par l’action directe ou indirecte d’un autre État ayant participé à la négociation, l’État peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement. Elle est très difficile à prouver en Droit international, même si elle est très fréquente. L’article ne parle que de la corruption par un autre État, il fait l’impasse sur la corruption faite par un lobby ou une société.
La contrainte (art 51-52)
Double hypothèse :
- Contrainte sur le représentant de l’État: c’est assez rares. François 1er, après la bataille de Pavie, est fait prisonnier, est est contraint à signer le traité de Madrid cédant à Charles Quint toute la Bourgogne pour être libéré. Dès que le traité est signé, François 1er va demander au pape à ce que soit prononcée la nullité du Traité pour contrainte. Autre exemple : en 1939, le Président et le ministre des affaires étrangères de la Tchécoslovaquie avaient été enlevés par l’Allemagne hitlérienne et avaient été sommés de signé un traité instaurant un protectorat sur la Bohème-Moravie. Le Tribunal de Nuremberg, dans un jugement du 1er octobre 1946 déclare le traité du protectorat nul.
- Contrainte sur l’État lui-même (art 52) : menace ou emploi de la force. Cette hypothèse est plus fréquente, mais est beaucoup plus grave : violation de l‘article 2§4 de la Charte de l’ONU interdisant de recours à la menace ou à l’emploi de la force. La Convention de Vienne retient la solution classique : menace ou emploi de la force en violation des principes de Droit international incorporés dans la Charte des NU. Au sens de la convention de Vienne, la définition de la contrainte est classique : violence qui emporte recours à la force armée. Mais on fait référence aux principes incorporés dans la Charte: on introduit la possibilité d’interdire des formes de contrainte un peu différentes (mot « principe » au pluriel : pas uniquement le principe de l’interdiction du retour à la force). Par exemple, atteinte à l’égalité souveraine (par des pressions).
Autre dimension de la nullité : nullité pour violence, pour recours à la force. Ce vice du consentement est distingué des autres : l’État victime du dol peut l’invoquer comme vice du consentement. Dans le cas d’un traité signé sous la contrainte, le vice du consentement emporte la nullité du traité, parce que c’est très grave.
Le jus cogens
Art 53-64 : consécration du jus cogens. La problématique du jus cogens a dépassé le cadre de la Convention de Vienne.
La consécration du jus cogens
Aux termes de l’article 53 est consacré le jus cogens qui est l’ultime hypothèse de nullité du traité, c’est une nullité objective du traité, qui n’est pas un vice du consentement mais un vice du traité. Le but et l’objet lui-même du traité est considéré comme illicite à cause du contenu des règles conventionnelles. C’est un traité adopté dans les formes, mais dont le contenu est contraire à une sorte « d’ordre public international » : certains principes structurants du système : des normes impératives censées s’appliquer en toutes circonstances. Ces normes ont une valeur plus importante. Dans tout système juridique aujourd’hui, il y a une supra-normativité qui est liée à la doctrine des fonctions humaines du pouvoir.
Art 53 : « Traité en conflit avec une norme impérative du droit international général (jus cogens) ». Art 53 est mal rédigé : la notion était tellement nouvelle et controversée qu’il n’y avait pas de définition, et donc la formule est très complexe. Ils ne savaient pas trop ce que c’était, mais ils savaient que ça existait parce que la CIJ avait rendu plusieurs décisions dans lesquelles elle parlait de règles supérieures à toutes les autres. Le jus cogens ne s’est pas développé dans le cadre du droit des traités, il a trouvé à s’épanouir en dehors du droit des traités.
Art 53 : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative de Droit international général. Aux fins de la présente convention, une norme impérative du Droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du Droit international général ayant le même caractère ». On passe d’une dimension subjective du volontarisme où on va regarder que tous les États sont d’accord à une dimension objective où on prend la volonté générale des États, mais peu importe si un des élèves n’est pas d’accord. C’est une norme qui est considérée comme une norme impérative par le biais d’une coutume acceptée et reconnue. Ça peut être aussi une convention multilatérale générale. Il faut se rappeler que le jus cogens n’est pas une 3ème source formelle, c’est une source matérielle, donc une norme de jus cogens est logiquement coutumière ET conventionnelle, elle est tellement importante qu’elle est consacrée par la coutume et les traités. Elle ne peut être modifiée que par une autre norme de droit de jus cogens (caractères évolutif du jus cogens : ce n’est pas du droit naturel fixe, il évolue en fonction de l’évolution du Droit international général).
Art 64 : nouvelle norme impérative càd une nouvelle norme de jus cogens. Caractère évolutif mais non rétroactif du droit. Le jus cogens peut se rapprocher du droit naturel, sauf que le droit naturel a soit un fondement religieux soit un fondement rationnel. Idée d’une super-légalité qui serait incarnée dans des normes qui seraient plus importantes que les autres. Le jus cogens introduit en droit international l’existence d’une hiérarchie normative. On a dans le système des normes « normales », obligatoires, faisant partie du droit positif (jus dispositivum) = le droit ordinaire, et le jus cogens, que les autres normes doivent respecter.
Controverses doctrinales et intérêts pratiques du jus cogens, les courants de doctrine les plus conservateurs se trouvent là où il y a des intérêts politiques. La doctrine peut être un vecteur de la politique. Le clivage est celui entre les positivistes formalistes qui sont opposés au concept et qui sont dans les pays occidentaux, et les jus naturalistes, et les objectivistes, partisans de l’objectivation du système et qui sont favorables à cette évolution.
Dans le contexte de l’époque, il y avait le débat entre les États occidentaux favorables au maintien du Droit international classique et les États émergeants qui étaient pour un nouveau Droit international naissant du jus cogens. Les États occidentaux se montrent plus conciliants, et lorsqu’on vote, l’article 53 est adopté par 87 voix pour, 8 contre, 12 abstentions, et l’article 64 : 84 pour, 8 contre, 16 abstentions. Le Traité est adopté par 79 voix pour, 19 abstentions, 1 contre : il n’y a qu’un seul État qui s’oppose systématiquement aux articles sur le jus cogens (la France). Le concept du jus cogens réfute les thèses positivistes françaises.
On a également reproché au jus cogens le manque de précision de l’article : pas de définition, mais si on n’avait rien fait, on n’aurait jamais avancé. Pas de critère simple dans le texte permettant de reconnaître une norme de jus cogens. Mais il y a des éléments importants : impérativité (absence de dérogation possible), la norme doit être acceptée et reconnue comme telle par la communauté internationale des États dans son ensemble (évolution vers un volontarisme objectivé, on a une approche globale de l’acceptation des États, et non pas une approche subjective où on recherche le consentement de TOUS les États). On a reproché à l’article de ne pas mentionner d’exemples, mais si on regarde le projet de traité de la CDI, l’article 53 porte le n°50, en dessous il y a un commentaire de l’article que donne des exemples. Parmi les exemples, elle cite « à titre d’exemple » : « certaines des règles les plus frappantes et les mieux établies du jus cogens, afin de préciser la nature et la portée générale de la règle contenue dans l’article ».
Exemples :
- a) Traité qui envisage un emploi illicite de la force contraire aux principes de la Charte.
- b) Traité qui envisage l’exécution de tout autre acte constituant un crime au regard du Droit international. (le jus cogens va de paire avec l’émergence de la notion de crime au regard du Droit international).
- c) Traité qui envisage ou tolère l’accomplissement d’actes tels que la traite des esclaves, la piraterie, le génocide.
La Commission donne d’autres exemples possibles : traités violant les droits de l’Homme, l’égalité des États, ou le principe d’autodétermination.
Pour la CDI, la meilleure solution est supposée être celle de renvoyer au juge international la détermination des normes de jus cogens. Le juge devait déterminer les normes, les identifier, et assurer le développement d’une partie intégrante du Droit international de l’avenir. Un premier projet de la CDI prévoyait de donner à la CIJ une compétence exclusive en la matière. Les États n’ont pas souscrit à cette proposition, ils avaient peur que ça laisse trop de pouvoir au juge. Finalement, il reste la lettre de cette proposition, puisque c’est la solution qui est inscrite dans le traité sous un mode volontaire (pas une obligation et exclusivité de la CIJ).
Art 66 al A : s’il y a un différend sur une question liée au jus cogens, si ce différend n’est pas réglé dans un délai de 12 mois, toute partie peut le soumettre à la CIJ.
La problématique du jus cogens
Après presque 45 ans, l’existence du jus cogens apparaît comme une donnée effective, difficilement contestable, seulement réfutée par quelques irréductibles faisant partie du courant le plus intégriste du positivisme (essentiellement des français). Le jus cogens s’est progressivement imposé dans le Droit international positif. La Convention de Vienne n’a pas servi de base à ce développement juridique, mais c’est principalement dans le Droit international général que le jus cogens a trouvé son domaine d’élection. Le paradoxe c’est que le jus cogens, prévu comme une cause de nullité des traités, n’a jamais été consacré comme tel. Il a été reconnu par la CIJ en dehors du droit conventionnel et en dehors de cette logique de nullité. Là où le concept a pris tout son sens, c’est sous l’ange de l’intérêt axiologique qui s’attache à ce concept : il a conforté juridiquement d’une part la prohibition de certaines comportements étatiques, et d’autre part la suprapositivité, l’impérativité matérielle de certaines exigences fondamentales, en matière de droits de l’Homme, de droit humanitaire notamment.
Le jus cogens épouse l’évolution du Droit international contemporain, il rejoint d’autres courants qui vont dans le sens de plus de positivisme. Émergence de notions proches du jus cogens : la notion de crime international de l’État (on a transformé cette notion en « responsabilité aggravée des États ») notamment.
La problématique du jus cogens demeure aujourd’hui moins sur la question de son existence, qui ne pose pas de problème, mais plutôt sur le contenu du jus cogens.
La CIJ n’a pas été saisie sur la base de l’article 66, mais dans l’exercice de sa fonction de suppléance normative, elle a permis de cerner les perspectives et contours du jus cogens. Avant 1969 (quand la CDI s’est emparée du concept), la Cour avait déjà posé des jalons qui permettaient le développement de ce concept. Sur le plan conceptuel, elle a défini ce qu’était le jus cogens, et sur le plan matériel, elle a défini ce qui en fait partie. Mais le juge doit être très prudent et diplomate, c’est le seul vrai jalon objectif que l’on ait, plutôt que d’extrapoler sur ce qui pourrait faire partie du jus cogens, c’est mieux de se fonder sur la CIJ.
La CIJ ne s’est pas souvent référé expressément au jus cogens : elle n’en a pas parlé explicitement, sauf dans 3 ou 4 cas.
- §83 de l’avis du 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires: la CIJ se réfère au concept pour dire que que l’interdiction des normes de nucléaires n’est pas une norme de jus cogens parce qu’on ne sait même pas si c’est une norme.
- §190 arrêt du 27 juin 1986 sur les activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci: la CIJ se réfère à l’interdiction du recours à la force comme étant une norme de jus cogens, mais elle dit que les deux parties au présent procès (USA et Nicaragua) reconnaissent que l’interdiction du recours à la force est une norme de jus cogens, et que la CDI, dans son commentaire de l’art 53, a considéré que l’interdiction du recours à la force est une norme de jus cogens. En 1986, la CIJ ne pouvait pas se permettre de dire « c’est une norme de jus cogens », elle s’est contenté de dire que les États reconnaissaient cette norme de jus cogens. Le plus souvent, le mot jus cogens n’est pas utilisé par la Cour.
- §64 arrêt 3 février 2006 – Affaire des activités armées sur le territoire du Congo : première fois que la Cour qualifie comme une norme de jus cogens l’interdiction du crime de génocide. Dans toutes les autres hypothèses, elle va se référer à des normes impératives, mais pas au concept de jus cogens.
La Cour a toujours essayé de déterminer des critères permettant de savoir si on est face à une norme de jus cogens ou pas. Elle a utilisé des périphrases qui désignaient le jus cogens ou cherché à mettre le focus sur le fait qu’on est face à une situation d’objectivation du Droit international général qui correspond à la notion de jus cogens. Elle se réfère à l‘impérativité juridique d’une norme. Elle va montrer qu’elle se trouve dans une démarche objectivée, elle ne va pas prononcer le mot de jus cogens, elle peut aussi parler d’obligation erga omnes. Les obligations ont un caractère non dérogeable, intransgressible, applicable en toute circonstance, applicable en temps de paix comme en temps de guerre, ce sont des normes applicables même en l’absence de tout lien conventionnel. La Cour s’est aussi référée à des principes essentiels ou fondamentaux pour le système juridique, ce sont des principes qu’elle a inventés.
Une vingtaine de décisions ont été rendues avant comme après 1969, et si ces décisions ont permis de mieux comprendre comment la Cour s’y réfère, elles ont aussi permis d’avoir une vision plus concrète du jus cogens. Contenu des normes de jus cogens :
- Interdiction du recours à la force, et notamment la forme la plus grave du recours à la force : agression (interdiction d’un comportement).
- Proscription du crime de génocide (interdiction d’un comportement).
- Protection des droits fondamentaux de la personne humaine (garantie), cela rejoint le droit européen.
- Interdiction de l’esclavage, interdiction de l’apartheid, de toute forme de discrimination raciale.
- Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
- Principes généraux du droit international, notamment en matière de droit humanitaire.
Les normes les plus incontestables tiennent soit à l’interdiction du recours à la force de par les dommages humains qu’elle va causer, et les règles protectrices des droits de l’Homme.
La CIJ a été très prudente sur ces questions, car elle a un rôle très important, elle doit forcer la main aux États sans qu’ils s’en aperçoivent réellement, mais si elle va trop loin en essayant de leur faire adopter des règles, les États vont se bloquer et figer le processus.
La Cour a été épaulée dans sa démarche par d’autres institutions judiciaires. La jurisprudence arbitrale n’est pas plus bavarde à ce sujet, mais dans l’affaire sur la frontière de Guinée-Bissau, la sentence dit : « du point de vue du droit des traités, le jus cogens est simplement la caractéristique propre à certaines normes juridiques de ne pas être susceptibles de dérogations par voie conventionnelle ». On considère que cette sentence a contribué à la reconnaissance de la valeur impérative du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
La Commission d’arbitrage pour la paix en ex-Yougoslavie (31 juillet 1989) s’est plusieurs fois référé à la notion de normes impératives. Pendant longtemps, le seul tribunal à s’être référé aux normes de jus cogens était un tribunal pénal international : la Chambre de 1ère instance n°2 du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie – 10 décembre 1998 – Affaire Furundzijia : la Chambre de 1ère instance qualifie l‘interdiction de la torture comme étant une norme de jus cogens, mais il faut relativiser, c’est une décision de première instance, et la Chambre d’appel n’a pas repris cela. Cette décision a contribué à ouvrir la voie.
Extinction des traités et suspension de leur application
L’extinction est définitive, la suspension est temporaire.
Les principes généraux
L’extiction / suspension d’un traité, ou le retrait d’une partie à un traité, sont possibles si le traité le permet, ou si les parties, après consultation, y consentent. À moins que ça ne soit précisé par le traité lui-même, un traité multilatéral ne prend pas fin parce que le nombre d’États adhérant au traité tombe (par retrait) en dessous du nombre requis pour l’entrée en vigueur du traité. Il faut veiller à ce que, si le retrait n’est pas permis, il puisse au moins être déduit des termes du traité que les parties pourraient s’en retirer si elles s’y opposent.
Si la suspension ne vise que certaines parties seulement, il faut que le traité le prévoie ou ne l’interdise pas, et que cette suspension ne porte pas atteinte aux droits des autres et ne soit pas incompatible avec l’objet et le but du traité.
Cas où la suspension ou l’extinction va résulter de la conclusion d’un traité postérieur, notamment si les règles du traité postérieur sont tellement incompatibles avec les règles du traité antérieur qu’on ne pourrait pas continuer d’appliquer les 2 en même temps.
Les cas particuliers
Art 60 prévoit l’extinction ou suspension d’un traité comme conséquence de sa violation : principe de l’exception d’inexécution. Il faut qu’il s’agisse d’une violation substantielle (rejet du traité non autorisé, ou violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité). Ces violations sont appréciées différemment dans le cadre d’un traité bilatéral ou multilatéral. Quand il y a une violations substantielle d’un traité bilatéral, l’autre partie peut invoquer pour mettre fin au traité, et dans le cas d’un traité multilatéral, c’est plus compliqué, il va falloir que les autres parties agissent par accord unanime pour pouvoir mettre fin au traité, tel qu’il les lie à l’auteur de la violation, mais aussi entre elles. Lorsqu’une partie est spécialement affectée par la violation, elle pourra invoquer cette violation comme motif de suspension de l’application du traité avec l’État auteur de la violation. Toute partie autre que celle qui a commis la violation peut invoquer cette violation pour suspendre l’application du traité mais seulement si ce traité est d’une nature telle que l’exécution ultérieure des obligations conventionnelles a été modifiée radicalement par la violation. Il faut être affecté, au moins indirectement.
Il y a deux exceptions :
- Nul ne peut se prévaloir de sa propre faute. La partie qui a violé le traité ne pourra pas invoquer ce comportement pour se libérer du traité. Toute disposition du traité spécifique applicable en cas de violation reste toujours applicable (art 60§4).
- Art 60§5: exceptions liées à l’objet ou à la valeur des normes concernées. La clause d’inexécution n’est pas valide, et les dispositions restent applicables : dispositions relatives à la personne humaine dans les traités de caractère humanitaire.
Art 61 : hypothèse de la survenance d’une situation rendant l’exécution impossible. Impossibilité d’exécuter le traité si cette impossibilité résulte de la disparition ou de la destruction définitive d’une objet indispensable à l’exécution du traité. Si l’impossibilité est temporaire, il pourra y avoir une suspension. Ex : un traité visant à faire un barrage sur une rivière, la rivière s’assèche. Nul ne pouvant se prévaloir de sa propre faute, l’art 61§2 prévoit que l’impossibilité d’exécution ne peut pas être invoquée si elle résulte d’une violation opérée par la partie qui l’invoque soit d’une obligation du traité lui-même soit de toute autre obligation internationale qui la lie à une autre partie au traité.
Art 62 : changement fondamental de circonstances. Toute dénonciation unilatérale est en principe interdite, un changement fondamental de circonstances non prévu par les parties ne peut pas être invoqué pour mettre fin au traité, sauf exceptions et sous réserves de 2 conditions.
Conditions de l’exception :
- L’existence de ces circonstances constitue une base essentielle du consentement à être lié.
- Ce changement a pour effet de transformer radicalement la nature des obligations restantes.
2 exceptions aux exceptions, on ne peut pas se prévaloir du changement fondamental de circonstances quand :
- Art 62§2 : il s’agit d’un traité de frontières.
- Le changement résulte d’une violation fondamentale commise par la partie qui l’invoque.
Procédure
Art 65 prévoit la procédure à suivre pour faire suspendre ou annuler un traité : il faut une notification formelle, et le respect d’un délai de préavis de 3 mois. Pendant ce préavis, une objection peut être soulevée par une autre partie. Si tel est le cas, on a un différent, et les parties devront rechercher une solution par les moyens invoqués dans la Charte des Nations Unies : les moyens pacifiques de règlement des différends.
Art 66 : procédures de règlement judiciaire d’arbitrage et de conciliation. Délai de 3 mois pour faire une objection, et si dans les 12 mois qui suivent l’objection il n’a pas été possible de trouver une solution pacifique, on va avoir 2 situations possibles selon que l’on vise le cas spécifique du jus cogens (art 66§1 : intervention de la CIJ sauf si on s’entend pour l’arbitrage), ou tous les autres cas (procédure de conciliation).
Conséquences de la nullité, de l’extinction, ou de la suspension de l’application d’un traité
Section 5, art 69 à 72. Cela vise les conséquences de la nullité sur le traité et sur les actes qui en dérivent. La nullité ou l’extinction du traité marque la fin des obligations conventionnelles, et la suspension est seulement une interruption temporaire de ces obligations.
Le sort des actes accomplis sur la base du traité (qu’un État va prendre pour mettre en application le traité) ou des situations qui naissent de l’exécution du traité est beaucoup plus complexe, en particulier en cas de nullité. Ils ne sont en principe pas affectés par une suspension, et ils se maintiennent en principe en cas d’extinction. La règle pour une nullité normale (vice du consentement), est que les actes accomplis de BF ne sont pas illicites du fait de la nullité du traité, mais la Convention de Vienne considère qu’il faut autant que possible rétablir le statu quo ante (comme c’était avant la conclusion du traité), mais les actes accomplis de BF ne sont pas illicites en tant que tels. Lorsque la nullité est une nullité pour jus cogens (art 71), la Convention de Vienne exige de rétablir le statu quo ante.
La coutume
C’est une source formelle, volontariste (rien ne peut devenir une règle coutumière si les États n’adoptent pas une pratique conforme et n’ont pas la conscience qu’en adoptant cette pratique ils respectent une norme obligatoire). Pas de définition de la coutume, seulement une référence à l’art 38§1alB du staut de la CIJ. « La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ». C’est la jurisprudence qui écrit le droit coutumier. La coutume est une source formelle, mais c’est un phénomène informel qui résulte d’une pratique et d’une conviction étatique. La coutume en droit international n’a rien à voir avec la coutume en droit interne. La coutume n’est pas une source inférieure au droit écrit, elle a la même valeur juridique, en Droit international il n’y a pas de hiérarchie formelle. Elle a joué un rôle déterminant dans la construction du système juridique international. Jusqu’en 1815, la coutume était le seul moyen d’avoir des règles multilatérales. Elle continue d’avoir une place essentielle dans l’architecture normative et dans le développement du Droit international. En effet, le traité est fixe dans le temps, quand la coutume est vivante. Ces dernières décennies, elle a connu un renouveau et un essor spectaculaire qui font d’elle la plus dynamique des sources. Dans ce contexte, la coutume a été au cœur de plein de controverses et d’affaires portées devant la CIJ, car le droit coutumier est plus largement applicable que le droit conventionnel. En effet, on peut faire des réserves au droit conventionnel, mais pas au droit coutumier. Le juge international a contribué à la théorie générale de la coutume, et a permis de définir le concept même de coutume internationale, qui a évolué avec le temps.
Le concept de coutume internationale
En 1804, on a commencé à faire des traités multilatéraux, mais beaucoup pensaient que la coutume, qui était bilatérale, ne pouvait pas être multilatérale. Ce n’est pas vrai.
L’autonomie juridique de la coutume
Un des traits caractéristiques du Droit international contemporain, c’est que ses sources interagissent. Ses sources s’influencent et se développent conjointement. La codification postule que la coutume s’inscrit dans le traité, et pendant longtemps on a dit que la codification était le fait de mettre la coutume par écrit. À la fin du 20ème siècle, on a découvert que ce principe était réversible, et que ce qu’on appelait « processus conventionnel » était un vecteur de développement coutumier.
Art 38 Convention de Vienne : « Rien ne s’oppose à ce qu’une règle énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un État tiers en tant que règle coutumière de Droit international reconnue comme telle ». Même l’État resté en dehors du traité va pouvoir se voir appliquer la règle coutumière. Des évolutions ont renforcé ce phénomène, parce que les procédures d’élaboration du Droit international ont changé. Quand les discussions sur un traité sont très longues, parfois la coutume naît avant que le traité ne soit adopté. Entre le processus coutumier et la négociation conventionnelle, de nouvelles procédures se mettent en place, et il va y avoir des « passages de relais » normatifs. Des auteurs ont parlé de « ping-pong » normatif. L’accélération du droit résulte de cette nouvelle relation entre le développement de la coutume et celui du traité. En outre, ce phénomène n’est pas univoque. Le processus est réversible : on met une coutume dans le traité qui génère une nouvelle coutume. Le mécanisme est réversible. La question de l’autonomie a continué de se poser mais de façon différente : l’autonomie n’est pas un isolement juridique, c’est simplement une autarcie normative, les 2 processus sont liés mais dans certains cas on ne peut pas appliquer des règles conventionnelles. Dans l’affaire Nicaragua contre USA, on ne pouvait pas appliquer la Charte des Nations-Unies ni aucun autre traité multilatéral, on s’est demandé si on pouvait appliquer la coutume alors même qu’on ne pouvait pas appliquer le traité, les USA ont dit que la coutume n’était pas autonome juridiquement, mais la Cour a dit que si, les deux avaient une vie propre, bien qu’elles se ressemblent beaucoup.
L’intrication des processus conventionnel et coutumier
Dans sa dimension moderne la codification postule par principe cette intrication des 2 processus. Originellement, on pensait que ça s’arrêtait là, mais on s’est rendu compte que les relations plus complexes et susceptibles de s’inverser.
20 février 1969 – Affaire du plateau continental de la Mer du Nord : la Cour distingue 3 hypothèses.
- Convention multilatérale qui consacre une règle coutumière préexistante. Hypothèse classique de la codification, le Traité a un effet déclaratoire à l’égard du droit international.
- Règle de Droit international coutumier est seulement en voie de formation. On dit que la règle est in statu nascendi : le processus conventionnel va cristalliser la règle et va la faire devenir de droit positif. Cette règle va résulter du traité lui même, au moment où il est adopté, ou du processus d’élaboration du traité (par ex le Traité sur le Droit de la Mer). La coutume et le droit conventionnel, dans ce cadre, évoluent conjointement. Une conférence diplomatique qui échoue mais qui permet l’émergence d’une coutume (2ème conférence des NU sur le droit de la Mer).
- Apparition d’une nouvelle règle coutumière postérieurement à l’adoption de la convention, sous l’influence génératrice de la convention. En pratique, les hypothèses 2 et 3 sont similaires, surtout lorsque le processus conventionnel est long. Ex de la zone économique exclusive, qui n’existe pas avant le début de la conférence, et qui, 3 ans après le début de la conférence, est devenue une coutume.
Il vaut mieux établir la réversibilité des 2 systèmes :
- Codification de la coutume par le droit conventionnel.
- Développement de la coutume sur la base du processus conventionnel (négociation + adoption du traité).
C’est une dichotomie. C’est une phénomène de réversibilité du mécanisme traditionnel, puisque à l’origine, on envisageait seulement la codification d’une coutume, l’évolution du droit a montré que le processus était réversible.
Dans le cas du droit de la mer, le processus est triple : processus conventionnel, coutumier, jurisprudentiel. Intrication mise en exergue par la CIJ, notamment en droit de la mer et en droit de l’usage de la force et les corollaires de l’usage de la force (affaire des activités militaires et paramilitaires aux Nicaragua et contre celui-ci).
Ce qui est en jeu, c’est les relations entre la Charte des Nations-Unies et le droit international général. Dans l’hypothèse du droit de la mer, il y a une interaction entre 2 processus en mouvement. Pendant la conférence, il y a une interaction entre 2 processus toujours en mouvement.
Dans l’hypothèse du droit à l’emploi et à la menace de la force, il n’y avait pas de coutume qui l’interdisait. La convention a été à l’origine de coutumes, mais la convention est un pivot fixe, et la coutume ne pourra pas la faire évoluer. La logique intellectuelle est la même, elle postule dans le cas que le droit conventionnel peut être coutumier, mais à l’inverse que la coutume est également susceptible de s’alimenter du processus conventionnel, chacun peut nourrir l’autre. Si les 2 processus se développent conjointement en s’influençant individuellement, ça renforce l’unité du droit. L’équivalence normative peut être totale.
Une existence et une applicabilité distinctes
Cette réversibilité est récurrente. Cela entraîne un rapprochement du contenu des règles, un rapprochement normatif. L’identité est même chose possible entre les règles conventionnelles et coutumières. La première consécration est théorique : arrêt 20 février 1969 – Affaire du plateau continental de la Mer du Nord : la Cour dit que c’est possible que les règles coutumière et conventionnelle peuvent être identiques.
Arrêt du 27 juin 1986 – Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : rappelle ce qu’elle a dit dans l’arrêt de 1969.
Sentence arbitrale, 30 juin 1977 – Délimitation du Plateau continental entre la République Française et le Royaume-Uni et Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, dite de la Mer d’Iroise : on applique en pratique cette identité des 2 normes, et c’est développé autour du concept de norme fondamentale.
L’identité des règles de Droit n’est pas une hypothèse d’école, c’est une réalité juridique, et cela souligne l’intérêt pratique des développements consacrés à la question de l’autonomie juridique de la coutume internationale.
CIJ 24 mai 1980 – Personnel Diplomatique et Consulaire des États-Unis à Téhéran : l’arrêt a implicitement sous-entendu qu‘un phénomène d’équivalence normative n’exclue pas l’existence et l’applicabilité des règles coutumières quand elles ont été codifiées par des conventions multilatérales. Même si on ne pouvait pas appliquer la Convention, ça n’empêchait pas que la règle coutumière pouvait s’appliquer.
Ce principe a été consacré par l’arrêt du 27 juin 1986 – Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : la Cour peut trancher cette question à propos des règles régissant l’usage de la force et ses corollaires par les USA. La Cour va s’exprimer en termes suffisamment généraux pour que ce qu’elle dit à propos de l’usage de la force puisse être applicable à n’importe quelles règles de Droit. Dans cette affaire, le Nicaragua a intenté un procès aux Américains, qui ont fait une réserve à l’intervention de la Cour : réserve Van Den Berg qui empêchait à la Cour d’appliquer les Conventions multilatérales dans cette affaire : si il y a un différent entre 2 États, on ne peut appliquer les conventions multilatérales que si les États parties au traité sont aussi parties au procès. Les Américains peuvent avec cette réserver échapper à la compétence de la Cour à n’importe quel moment. On ne pouvait appliquer que des traités bilatéraux et des coutumes. Mais pour les américain, on peut en théorie appliquer la coutume, mais en l’espèce la coutume est identique à la règle conventionnelle qu’on ne peut appliquer, et elle n’est pas autonome, donc pas applicable. La CIJ dit : « Quand bien même la norme coutumière et la norme conventionnelle auraient exactement le même contenu, la Cour n’y verrait pas une raison de considérer que l’incorporation de la norme coutumière au droit conventionnel doive lui faire perdre son applicabilité distincte. Plus généralement, on ne voit aucune raison de penser que, lorsque le droit international coutumier est constitué de règles identiques à celles du droit conventionnel, il se trouve « supplanté » par celui-ci au point de n’avoir plus d’existence propre. » La Cour se prononce en faveur de l’existence et de l’applicabilité distinctes de règles substantiellement identiques.
La portée géographique de la coutume
Art 38§1alB du Statut de la CIJ se réfère à « la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ». Jusqu’en 1815, toute règle autre que bilatéral est coutumière. En dépit de cela, il y a des coutumes autres que générales dont des coutumes universelles. Pendant longtemps on a pensé qu’il ne pouvait pas y avoir de coutumes bilatérales ou locales. Il existe des coutumes géographiquement limitées, qui vont être soit locales soit générales.
Les coutumes générales
Quand on lit dans le statut de la Cour la référence à la pratique générale, ça a une portée plus grande que la portée seulement spatiale. Il y a une idée de continuité de l’application effective de la coutume dans le temps, la généralité est spatiale, mais aussi temporelle. On a longtemps considéré que les coutumes générales seraient les seules mentionnées par le statut de la Cour. Quand on parle du « Droit international général », cette expression peut être synonyme de « droit coutumier ». Les coutumes ont toujours incarné la dimension universelle du droit international général. La jurisprudence a plus souvent appliqué des coutumes générales que bilatérales.
L’expression « Droit international général » entendait une acception relativement neutre, et la jurisprudence contemporaine a donné un nouveau sens à cette terminologie. Arrêt de 1969 marque sur cette notion une influence décisive : elle va donner le sens et la portée de cette expression, elle va donner à l’expression de généralité un sens nouveau. La CIJ va définir la généralité de la coutume. En effet, la Cour va dire que le Droit international général ne suppose pas l’unanimité, mais, « une participation très large et représentative à condition toutefois qu’elle comprenne les États particulièrement intéressés ». La généralité va être appréhendée par référence à la formation de la règle et à l’existence de la règle. À ce moment là, on ne dit rien de l’opposabilité de la règle. Est-ce qu’une règle existante est directement opposable ? La Cour ne recherche pas le consentement de l’État en cause, et elle admet implicitement l’hypothèse d’une « règle de Droit international coutumier liant tous les États ». Il n’y a plus d’objection persistante possible, on entre dans une logique objectiviste. Dans la même décision, la Cour se prononce en faveur de l’inadmissibilité des réserves « dans le cas de règles et d’obligations de Droit général ou coutumier qui par nature doivent s’appliquer dans des conditions égales à tous les membres de la communauté internationale et ne peuvent donc être subordonnées à un droit d’exclusion exercé unilatéralement et à volonté par l’un quelconque des membres de la communauté à son propre avantage ». Pas d’objection persistante contre ces règles. Dès 1969, le Droit coutumier, assimilé au Droit international général, va apparaître indissociablement lié aux conventions multilatérales. La vocation universelle de ces conventions multilatérales s’est affirmée. Toute la jurisprudence postérieure a contribué à développer cette conception contemporaine. Cela se démontre bien dans le domaine du droit de la mer, et notamment du droit de la délimitation maritime, où le droit coutumier, compte tenu du droit conventionnel, a acquis une dimension universelle très vite, et a bénéficié d’une opposabilité générale très vite, avant la fin des négociations. Il est normal que le droit international général apparaisse comme un droit s’appliquant à la communauté internationale dans le cadre de l’ONU. La CIJ a également consacré ce phénomène dans les autres domaines où elle a eu l’occasion de le faire : droit de l’usage de la force et ses corollaires.
Arrêt du 27 juin 1986 – Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : le droit coutumier est défini par référence à la Charte. La généralité de la Charte est universelle, et la Cour va conférer une dimension impérative au principe de la prohibition, de l’emploi de la force, et elle le considère comme étant non seulement un principe de Droit international coutumier mais encore un principe fondamental ou essentiel de ce droit. Cela n’empêche pas de distinguer le droit international général et le droit international particulier à un système juridique (en l’occurrence le système inter-américain).
Les coutumes locales
Le Droit international public d’aujourd’hui admet le relativisme géographique des normes coutumières, même si la question a longtemps prêté à controverse, jusqu’à ce que la CIJ dise clairement qu’il existe des coutumes locales. À partir de ce moment, on a consacré la géométrie variable de leur portée géographique : fait qu’il existe des coutumes régionales mais aussi des coutumes bilatérales.
Les coutumes régionales
La notion de coutume régionale renvoie à la doctrine du régionalisme, et en premier lier à une approche continentale. Historiquement, c’est ça. On part du principe qu’il pourrait exister un droit particulier à un continent. C’est à propos du continent américain que la Cour a consacré pour la première la possibilité théorique d’une telle coutume locale : CIJ 20 nov. 1950 – Droit d’asile : la cour a même admit la juridicité éventuelle d’une coutume qui ne serait ni bilatérale ni continentale, mais qui ne lierait que certains États latino-américains. L’existence de droit international coutumier propre au système inter-américain ne sera consacré par la Cour que 36 ans plus tard, avec l’arrêt du 27 juin 1986 dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
Une communauté géopolitique se formant à l’échelle d’un continent. La coutume régionale n’est pas une coutume propre à un continent : elle peut exister entre certains États seulement d’un continent, elle peut être plus retreinte. La jurisprudence postérieure va le consacrer.
- Coutumes localisées: développées dans un cadre spatial géographiquement restreint: c’est possible en Droit international. Arrêt CIJ 8 décembre 1951 – Affaire des Pêcheries : entre RU et Norvège. Raisonnement ambigu : relativiste et universaliste. Les Norvégien avaient tracé des lignes de base droit en travers des fjord et incluant les îles devant les côtes norvégiennes, pour étendre leur zone vers le large, mais ça a été contesté par les Anglais. La Cour consacre l’existence d’une coutume localisée sur le territoire d’un État donné (système de la méthode des lignes de base droite, système propre à la Norvège), mais en se laissant la possibilité que cette coutume localisée devienne une coutume universelle.
- Confirmation de l’arrêt de 1951 : CIJ 27 août 1952, droit des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc : est-ce qu’une coutume donnait des droits favorables au ressortissants américains : ce n’est pas le cas en espèce, mais ce type de coutumes localisées sur un territoire donné d’un État est possible.
Les coutumes bilatérales
CIJ – 12 avril 1960 – Affaire du droit de passage sur le territoire indien : affaire opposant l’Inde et le Portugal, posant la question de l’admissibilité théorique et de l’existence pratique des coutumes bilatérales. Le Portugal avait gardé des enclaves en Inde, et un arrondissement côtier. L’Inde contestait le droit de passage des portugais sur son territoire pour aller d’une de leur enclave à l’autre, et les Portugais considéraient qu’ils avaient un droit de passage, consacré par une coutume bilatérale qui se serait développée au fil des siècles. Pour l’Inde, aucune coutume locale ne saurait se constituer entre 2 États seulement. Elle plaidait l’impossibilité de principe. Dans l’arrêt, la Cour va réfuter la thèse indienne, et elle va en profiter pour dire que les coutumes bilatérales bénéficient de la même juridicité que les autres coutumes. « On voit difficilement pourquoi le nombre des États entre lesquels une coutume locale peut se constituer sur la base d’une pratique prolongée devrait nécessairement être supérieur à 2. La Cour ne voit pas de raisons pour qu’une pratique prolongée et continue entre 2 États, pratique acceptée par eux comme régissant leurs rapports, ne soit pas à la base de droits et d’obligations réciproques entre ces 2 États. En se référant à la pratique, le juge en profite pour affirmer la théorie des 2 éléments constitutifs de la coutume.
La théorie générale de la coutume
Sur le plan théorique, l’art 38§1alB évoque la coutume comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit. Cette formule, qui est ambiguë, a donné lieu à des interprétations contradictoires, qui chacune prétendait fonder en droit des conceptions antagoniques de la coutume. C’est la Cour de La Haye qui va contribuer à établir la théorie générale de la coutume. Elle repose sur la théorie des 2 éléments (les éléments constitutifs de la coutume), et cette théorie a évolué dans la jurisprudence.
Les éléments constitutifs de la coutume
Cette théorie des 2 éléments est apparue au 19ème siècle, elle a d’abord été contestée, et elle s’est progressivement affirmé dans la jurisprudence de la Cour de La Haye et en Droit international public en général. Aujourd’hui, le Droit international appréhende la coutume internationale comme une pratique générale motivée par la conscience d’une obligation juridique. La Cour a toujours eu une approche binaire de la coutume, que l’on retrouve dans l’article 38 : pratique générale / acceptée comme étant le Droit. La Cour a toujours raisonné en 2 temps, mais la doctrine des deux éléments n’a été consacrée que très récemment (CIJ 20 février 1969 – Plateau continental de la Mer du Nord / CIJ 27 juin 1986 – Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci). Fusion juridique d’un élément matériel (la pratique) et d’un élément psychologique (opinio juris).
La pratique (ou consuetudo)en Droit international public
Elle est considérée comme le premier élément constitutif de la coutume : le plus évident, incontestable, et facilement identifiable. Ces caractéristiques de la pratique supposent l’antériorité chronologique de la pratique par rapport à l’opinio juris, et ça a supposé la prépondérance conceptuelle de la pratique sur l’opinio juris (ce n’est plus le cas aujourd’hui). La pratique doit être étatique et pertinente.
Une pratique étatique
La pratique est nécessairement une pratique des États. Cette pratique étatique renvoie à 2 choses : elle est positive, mais aussi négative.
→ Des comportements positifs : une pratique, c’est quelque chose de concret : positivement on doit la voir, elle suppose une action, et elle est constituée par des usages, des comportements, une attitude, une conduite, ou des actes. Ils émanent de l’État ou de ses organes. On imagine que ces pratiques vont avoir une portée externe dans la mesure où elles vont déployer leurs effets dans l’ordre international. La pratique internationale c’est la pratique externe des États dans l’ordre international. Par exemple les actes unilatéraux d’États qui forment le faisceau d’une pratique internationale, par exemple une pratique bilatérale (2 États avec des habitudes), mais cette pratique peut aussi être interne. Une pratique essentiellement interne peut quand même constituer un comportement étatique propre à être une pratique coutumière.
Pratique interne : décisions de justice de tribunaux nationaux, ce sont des décisions internes qui peuvent constituer une pratique : CPermanenteJI 7 septembre 1927 – Affaire du Lotus : on peut déduire une pratique des décisions de justice interne. Cela peut être aussi des lois nationales : CIJ 6 avril 1955 – Nottebohm : on a pris en compte les lois nationales de différents États en matière de nationalité.
→ Des comportements négatifs : la cour a considéré qu’une pratique négative, passive, peut être pertinente. La Cour prend en compte l’abstention, l’inaction, le non-exercice, la non-contestation, la tolérance. Une pratique négative a été prise en compte notamment dans l’arrêt du 8 décembre 1951 sur les pêcheries parce que la Norvège avait tracé ses bases droites, et le fait que les États n’aient pas contesté, c’était une pratique passive. En ne s’opposant pas à la méthode de délimitation, ils l’avaient acceptée en tant que pratique. Il y a des cas où la pratique étatique conforme est nécessairement passive : elle ne peut s’incarner que de manière négative. C’est le cas des règles prohibitives. Arrêt du 27 juin 1986 – Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : règles de jus ad bellum (celles qui régissent l’usage de la force), interdiction de recourir à la force. Un État qui respecte la règle ne fait rien, mais comment savoir si l’abstention est passivité ou expression d’un consentement juridique ?
Dans tous ces cas, ce n’est pas tant la pratique l’absence de pratique concrète qui est pertinente, et il n’y a pas de comportement tangible qui soit susceptible de matérialiser une interdiction de faire. Dans ces hypothèses, les seuls comportements tangibles sont des contraventions à la règle, des atteintes ou des exceptions à la règle. Quand un État a recours à la force (comportement tangible), il faudra déterminer s’il a violé consciemment l’interdiction du recours à la force ou s’il a simplement réagi à une agression. L’élément psychologique est le seul permettant de déterminer l’intention de l’État.
Une OI peut-elle générer une coutume ou être le cadre dans lequel une coutume se développe ? Il ne s’agit pas de coutumes directement formées entre États, parce qu’elles impliquent les organes de l’OI, et si on reconnaît les pratiques comme coutume, elles ne vont pas seulement lier l’État, mais aussi l’organisation. Avis CIJ 21 juin 1971 – Avis dit de la Namibie : dans cet avis, la CIJ s’est prononcée le mode de votation des membres permanents du Conseil de Sécurité « la pratique de l’abstention volontaire d’un membre permanent a toujours et uniformément été interprétée comme ne faisant pas obstacle à l’adoption de résolutions. La procédure suivie par le Conseil de Sécurité a été généralement acceptée pas les membres des NU et constitue la preuve d’une pratique générale de l’organisation. » La Cour parle d’une pratique des membres permanents mais qui a toujours été interprétée unanimement comme ne faisant pas obstacle à l’adoption. C’est la preuve d’une pratique générale de l’ONU. La CIJ reconnaît la juridicité de ces règles coutumières qui se développent dans les OI, on a une coutume opposable à l’ONU mais aussi à ses membres. C’est une pratique étatique, développée au sein du Conseil de Sécurité, elle est acceptée par les autres États, les États qui pratiquent ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui donnent leur opinio juris.