Le droit islamique

Les applications actuelles du droit islamique.

Il y a peu d’États musulmans qui appliquent le droit islamique dit classique. Dans la majorité de ces pays, le droit islamique est seulement une source d’inspiration du droit. Dans d’autres états le droit islamique dispose d’une autorité renforcée, car les lois et les règlements ne sont valables que s’ils sont conformes à la charria. Une 3ème catégorie d’état fort rares en ont fait réellement leur droit.

Au 19ème siècle un certain nombre d’état ont décidé de moderniser leur droit par une codification de celui-ci (technique occidentale).

Puis le droit de ces états c’est occidentalisé dans sa substance même, certains pays se sont inspirés du droit français. A l’époque nombre de ces pays étaient dominés par l’empire Ottoman, qui a initié cette occidentalisation, qui s’est poursuivie après le déclin de l’empire Ottoman. A cet égard, L’Egypte fut précurseur en la matière.

https://i.la-croix.com/350x250/smart/2021/04/19/1201151666/finance-islamique-systeme-fonde-principes-droit-musulman-image-dillustration_0.jpg

En 1883, divers codes ont été adoptés sur le modèle français, tant sur la forme que sur le fond. Mais la question du statut personnel restait soumise au seul droit islamique, et les litiges demeuraient tranchés par les cadis ou qadis. Après l’indépendance de l’Egypte en 1936, de nouveaux codes ont été rédigés en renouant avec l’histoire, une tentative d’égyptianisation du droit a donc été opérée. Le code civil date de 1948 ; il va islamiser le droit civil, consacrant le droit islamique en tant que source subsidiaire du droit en cas de lacune de la coutume et de la loi. Tous les pans du droit civil ne seront pas également affectés. En droit des obligations, l’influence du droit islamique est faible, car le prêt à intérêt et le droit des assurances y sont affirmés (interdits en droit islamique, car contrats aléatoires et intérêts interdits). Le statut personnel n’est pas affecté car il reste en dehors du code civil, mais des lois seront adoptées et modifieront par exemple le sort des femmes. Le droit du mari de répudier sa femme sera limité et les femmes pourront obtenir la dissolution du mariage en justice selon diverses hypothèses (mésentente par exemple).

S’agissant de la justice, la justice des cadis sera supprimée en 1955 au profit d’une justice de droit commun organisée à la française (des tribunaux de 1ère instance sont chapeauté par une cour d’appel, elle-même chapeautée d’une cour de cassation). Il est également créé une justice administrative chapeauté par un conseil d’état. Une cour constitutionnelle sera également érigée en 1955.

Le droit islamique retrouvera une certaine importance à partir des années 1980.

Les juges égyptiens auront alors tendance à motiver leurs décisions en faisant aussi appel aux principes du droit islamique en plus de la loi codifiée. Le droit positif moderne apparait alors comme étant insuffisant pour fonder la légitimité des décisions de justice. De plus si une loi est susceptible de recevoir plusieurs interprétation alors que la règle musulmane semble plus explicite et claire, alors ce sera la règle musulmane qui sera appliquée et suivie. Des pratiques contraires au droit positif perdurent aussi et seront sanctionnées notamment en matière de droit de la famille. De nombreux litiges familiaux sont résolus par des notables, les Cheiks, en appliquant le droit islamique.

Ainsi 2 normes juridiques vont coexister en s’ignorant mutuellement.

Il existe dans les années 1980 des projets d’islamisation plus poussés, mais ils ne virent pas le jour.

Les pays qui donnent au droit islamique, valeur constitutionnelle.

Dans certains états le droit islamique n’est pas le droit officiellement applicable puisque le droit applicable résulte de lois ou de règlement, mais ces lois ne sont valables que si elles sont conformes au droit islamique. C’est ainsi que le droit islamique acquiert une valeur constitutionnelle.

Certains état feront un contrôle stricte de la loi au droit islamique, d’autre feront un contrôle plus formel.

Les États au contrôle formel.

La consécration formelle de la charria en tant que corpus de normes de valeur constitutionnelle, ne donne pas forcément lieu à la censure des lois. Tel était le cas de l’Egypte car le prêt à intérêt, l’interdiction du port du voile et la dissolution du mariage à l’initiative de la femme, avaient été déclarés conforme à la charria.

Dans certains cas la Cour Constitutionnelle s’est appuyé sur la non rétroactivité de ses lois, dans d’autres cas elle s’est appuyé sur le défaut de consensus des juristes. Le 18 mai 1996 la loi interdisant le port du voile à l’école s’est imposée face au manque de consensus des juristes, car dans la charria il n’est pas dit que les parties à cacher correspondent au visage ou aux cheveux, et de plus il n’y a pas non plus de consensus au sein des hadiths. Il fut ainsi considéré que c’était une coutume arabe que de se voiler le visage, mais pas une obligation de la charria.

En Egypte depuis la destitution de Moubarak en 2011, l’arrivée des frères musulmans a introduit une nouvelle constitution en 2012.

Les États au contrôle moins formel.

C’est le cas du Pakistan qui obtient son indépendance en 1947. Les 1ères constitution reconnaitront la valeur constitutionnelle de l’islam mais ne la sanctionneront pas fermement au début. Le contrôle de compatibilité des lois sera confié à un conseil islamique qui deviendra conseil de l’idéologie islamique. Ce conseil peut rendre un rapport de contrariété, il s’agit donc au début d’un simple avis. En 1977, le nouveau dirigeant souhaitera renforcer ce contrôle. Une nouvelle juridiction spécialement chargée du contrôle de la compatibilité des lois pakistanaises à la charria sera créé, c’est la cour fédérale de charria. Cette cour s’est montrée très active. Toutes les lois autorisant le prêt à intérêt ont été considérées non conformes. Par la suite elle s’est assagit.

Les États au contrôle strict.

Les états qui font du droit islamique leur droit.

Cela est manifeste en Arabie saoudite. Les juges appliquent la charria islamique telle qu’elle découle du coran et de la sunna (article 48 de la constitution de 1992 qui ne fait que confirmer une situation antérieure).

Les juges n’appliquent les normes édictées par l’état qu’à la condition qu’elles ne contredisent pas la charria. Il est précisé que la charria est applicable en matière pénale et pour la protection des droits de l’homme. Le coran et la sunna sont le fondement de tout pouvoir dans le pays et de la constitution elle-même.

En matière pénale, le vol est puni par amputation de la main, l’apostasie par la mort par décapitation, l’adultère par la lapidation et les relations sexuelles avant mariage par 100 coups de fouet.

Cependant, les règles de preuve islamique sont très exigeantes. Il faut en général plusieurs témoins musulmans et mâles.

Ici la doctrine religieuse se rattache à celle de l’école Hanbalite et plus précisément au Wahhabisme (Al Wahhabb n’a jamais accepté la théorie de la fermeture de la porte de l’effort, pour lui seul le consensus des compagnons du prophète pouvait avoir une autorité particulière et les juristes demeuraient libres d’interpréter les sources premières de l’islam).

L’application direct du droit de l’islam sous-entend que ce droit est d’origine divine et il n’y a donc pas de pouvoir législatif en Arabie Saoudite. Le roi dispose donc d’un pouvoir réglementaire toléré par les théologiens, pour régler des questions modernes auxquelles le droit islamique n’apporte pas de réponse (circulation routière, sécurité sociale…). Mais ceci est toléré à la condition que le droit islamique soit lacunaire sur la question concerné, et à la condition que le roi exerce son pouvoir conformément au bien public. Ces règlements royaux n’ont pas le statut de droit et c’est à l’administration de sanctionner ces règles et non aux juges.

Concernant les juridictions, les juges qui siègent sont des cadis qui doivent avoir une formation en droit musulman. Ce qui est curieux c’est que des cours d’appel existent en Arabie Saoudite, elles sont nommées Conseil de révision et ont un pouvoir de révision limité (elles ne sanctionnent que les erreurs de droit indiscutables). Elles n’ont pas le pouvoir d’amender une décision prise en première instance, elles ne peuvent que l’annuler, et les parties sont alors renvoyées en première instance. Il est possible de négocier avec le juge de première instance pour qu’il modifie sa décision, et ainsi il est rare de recourir à la voie d’appel. Il existe aussi une cassation.

Comme le pouvoir de créer le droit n’est pas reconnu, les décisions judiciaires ne peuvent pas constituer de précédents. Ainsi, les décisions judicaires seront très peu publiées.

Conclusion.

C’est la tradition juridique religieuse la plus vigoureuse aujourd’hui. Sa pérennité n’est pas menacée. Elle pourrait même s’étendre contrairement à la tradition Hindoue qui est stabilisée.

On a pu penser un temps qu’elle était amenée à disparaitre, mais on revient de cette idée. Le droit occidental n’est pas le seul droit ayant vocation universelle à s’appliquer.

Les printemps arabes ont également démontré que ce droit était loin de s’éteindre.

L’étude de ces droits religieux nous apprend à relativiser notre conception du droit. La tradition occidentale n’est pas la seule à avo