La protection des droits et libertés des citoyens

Les droits et libertés fondamentaux :

Les droits et libertés fondamentaux sont des droits reconnus aux citoyens pour garantir leur dignité, leurs libertés et leur participation à la vie démocratique. Bien que leur protection relève de plusieurs disciplines juridiques (droit pénal, droit civil, droit international), le droit constitutionnel joue un rôle central, car il englobe et structure l’ensemble de ces droits, en leur conférant une protection supérieure et universelle.

L’émergence des droits fondamentaux en France : En France, le concept de droits fondamentaux est relativement récent, bien que leurs principes soient ancrés dans des textes historiques comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou le préambule de la Constitution de 1946. Ce concept reflète une approche élargie des droits, avec une reconnaissance croissante de nouvelles catégories de droits, y compris économiques, sociaux, culturels et environnementaux.

 

&1 : Les éléments d’identification des droits et des libertés fondamentaux

A] La définition des droits fondamentaux

Le concept de droits fondamentaux, d’origine allemande, s’est implanté en France depuis une vingtaine d’années et constitue aujourd’hui une notion clé du droit constitutionnel et international. Ces droits désignent les droits et libertés protégés par des normes supérieures, qu’elles soient constitutionnelles, européennes, ou internationales. Ils incarnent les valeurs fondamentales des États démocratiques et jouent un rôle essentiel dans la garantie de l’État de droit.

a) Une définition générale des droits fondamentaux

  1. Caractère générique
    Les droits fondamentaux regroupent un ensemble de libertés et de droits reconnus et garantis par :

    • Les constitutions nationales : par exemple, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ou le préambule de la Constitution de 1946 en France.
    • Les textes internationaux : comme la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ou la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948).
  2. Absence de hiérarchie entre les droits fondamentaux
    Aucun droit fondamental n’est intrinsèquement supérieur à un autre. Cela signifie que :

    • Lorsqu’il y a conflit entre deux droits fondamentaux, le rôle du juge est de trouver un équilibre entre ces droits, plutôt que d’en privilégier un de manière absolue.
    • Exemple : La liberté d’expression peut entrer en conflit avec le droit au respect de la vie privée, et le juge doit alors concilier ces deux droits.

b) Les droits fondamentaux et les notions voisines

Le concept de droits fondamentaux doit être distingué des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) et des libertés publiques.

1. Différence avec les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR)

  • Les PFRLR, définis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, sont des principes dégagés de lois adoptées sous la Troisième République, qui présentent une valeur constitutionnelle (exemple : la liberté d’association).
  • Les droits fondamentaux, en revanche, dépassent ces principes en incluant des normes issues de la Constitution et des engagements internationaux.

2. Différence entre libertés publiques et droits fondamentaux

Les libertés publiques se distinguent des droits fondamentaux sur plusieurs points, que l’on peut résumer en cinq distinctions principales :

Critère Libertés publiques Droits fondamentaux
Opposabilité Protégées surtout contre le pouvoir exécutif Protégées contre tous les pouvoirs : législatif, exécutif, judiciaire
Fondement juridique Basées sur la loi nationale Fondées sur des normes constitutionnelles et internationales
Intervention du juge Protégées par le juge ordinaire Protégées par le juge constitutionnel, européen, ou international
Application Limitées aux relations entre citoyens et administration (relation verticale) S’appliquent aussi aux relations entre citoyens (relation horizontale)
Titulaires Réservées aux individus Peuvent être invoquées par des personnes morales (associations, entreprises, etc.)

c) La distinction entre droits fondamentaux constitutionnels et européens

Bien que complémentaires, les droits fondamentaux constitutionnels et les droits fondamentaux européens présentent des spécificités.

1. Domaine d’application

  • Droits fondamentaux constitutionnels :
    • Leur champ d’application est plus large. Ils incluent les droits civils, politiques, sociaux et économiques (ex. : droit à l’emploi, droit à l’éducation).
  • Droits fondamentaux européens :
    • Ils se concentrent principalement sur les droits civils et politiques, bien que certains droits économiques ou sociaux soient également garantis par des textes comme la Charte sociale européenne.

2. Force et portée

  • Droits constitutionnels :
    • Ils varient d’un pays à l’autre selon les traditions nationales, ce qui leur confère une force normative importante, mais spécifique à chaque État.
  • Droits européens :
    • Ils sont définis sur la base de principes communs aux États membres. Cela les rend souvent plus limités ou généraux dans leur portée.

3. Complémentarité entre les deux systèmes

  • Intérêt pour les justiciables :
    • La coexistence des droits constitutionnels et européens offre une protection renforcée. Les citoyens peuvent invoquer à la fois :
      • Les droits garantis par leur Constitution nationale.
      • Les droits protégés par des traités internationaux, comme la Convention européenne des droits de l’homme.
    • Exemple : Une violation du droit à la vie privée peut être contestée à la fois devant les juridictions nationales (sur le fondement de la Constitution) et devant la Cour européenne des droits de l’homme.

d) Les droits fondamentaux : limites et équilibre

Bien que les droits fondamentaux aient une valeur juridique élevée, ils ne sont pas absolus.

  • Limitations possibles :
    Les restrictions doivent être justifiées par des motifs légitimes (ex. : ordre public, sécurité nationale) et respecter un test de proportionnalité pour éviter une atteinte excessive.

    • Exemple : La liberté d’expression peut être limitée en cas d’incitation à la haine raciale.
  • Droits intangibles :
    Certains droits, comme l’interdiction de la torture ou le droit à la dignité humaine, ne peuvent faire l’objet d’aucune dérogation, même en période d’état d’urgence.

En résumé, les droits fondamentaux englobent les libertés et droits protégés par des normes supérieures, qu’elles soient constitutionnelles, européennes ou internationales. Ils se distinguent des libertés publiques par leur champ d’application plus vaste et leur opposabilité renforcée. Bien que soumis à des limitations dans certains cas, ils jouent un rôle central dans la garantie des valeurs démocratiques et de l’État de droit.

 

B] La nature des droits et libertés fondamentaux

La nature juridique des droits fondamentaux fait l’objet de débats, mais quatre caractéristiques principales permettent de les définir et de les distinguer.

1. Des droits justiciables

Les droits fondamentaux sont invocables devant un juge, qu’il soit :

  • Constitutionnel : En France, le Conseil constitutionnel assure la conformité des lois aux droits fondamentaux.
  • Européen : La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) protège les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.
  • Ordinaire : Les juridictions nationales appliquent ces droits dans le cadre des litiges civils, pénaux ou administratifs.

Ces droits se distinguent des objectifs de valeur constitutionnelle, qui fixent des orientations pour le législateur mais ne confèrent pas directement de droits aux individus (exemple : le principe de préservation de l’environnement).

2. Des droits subjectifs avec des garanties objectives

Les droits fondamentaux sont des droits subjectifs, c’est-à-dire qu’ils protègent les intérêts individuels des citoyens et sont juridiquement opposables à l’État ou à d’autres parties.

  • Garantie objective :
    La protection des droits fondamentaux nécessite la mise en place de structures institutionnelles adéquates. Par exemple :

    • Les juridictions constitutionnelles (Conseil constitutionnel, CEDH).
    • Les autorités indépendantes comme le Défenseur des droits en France.

3. Des droits finalisés et variés

Les droits fondamentaux poursuivent des objectifs spécifiques et se déclinent selon leur statut :

a) Statut négatif

  • Ces droits protègent les individus contre les interventions excessives de l’État.
  • Ils imposent une obligation de non-ingérence à l’autorité publique.
  • Exemples :
    • La liberté individuelle, qui interdit les arrestations arbitraires.
    • La liberté d’expression, qui limite les restrictions gouvernementales sur les opinions.

b) Statut positif

  • Ces droits nécessitent une intervention active de l’État pour garantir certains services ou prestations essentielles.
  • Exemples :
    • Le droit à l’éducation, qui impose à l’État de mettre en place un système éducatif accessible.
    • Le droit à la santé, qui suppose une politique publique en matière de soins.

c) Statut actif

  • Ces droits permettent aux citoyens de participer activement à la vie démocratique et à la formation de la volonté générale.
  • Exemples :
    • Le droit de vote.
    • Le droit d’éligibilité.

4. Des droits limitables, mais parfois intangibles

Les droits fondamentaux, bien que dotés d’une valeur juridique élevée, ne sont pas tous absolus.

  • Limitations possibles :
    Les droits peuvent être restreints pour garantir l’ordre public, protéger les droits d’autrui ou assurer la sécurité nationale.

    • Exemple : La liberté d’expression peut être limitée en cas d’incitation à la haine.
  • Droits intangibles :
    Certains droits bénéficient d’une protection absolue et ne peuvent être restreints, quel que soit le contexte.

    • Exemples :
      • L’interdiction de la torture.
      • Le droit à la dignité humaine.

 

&2 : La typologie des droits et libertés fondamentaux :

Les droits et libertés fondamentaux se définissent par leur diversité et leur importance dans la construction d’un régime démocratique respectueux de l’État de droit. Ces droits, consacrés par des textes nationaux (comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) et internationaux (tels que la Convention européenne des droits de l’homme), peuvent être classés en plusieurs catégories selon leurs finalités et leurs implications.

A) Les droits libertés

Les droits libertés expriment la capacité des individus à agir sans ingérence de l’État, dans le respect des lois.

a) Les droits de l’homme

Ces droits, pilier de tout régime démocratique, visent à garantir la liberté individuelle et collective. Ils incluent :

  • La dignité humaine : Valeur fondamentale qui sous-tend tous les autres droits.
  • La liberté individuelle : Protection contre les arrestations arbitraires ou les intrusions dans la vie privée.
  • La liberté d’association : Droit de se regrouper pour défendre des intérêts communs.
  • La liberté d’enseignement : Possibilité pour des organismes privés ou religieux de participer à l’éducation.
  • La liberté de conscience et de religion : Droit de croire ou de ne pas croire, et d’exercer librement sa foi.
  • La liberté d’expression et de communication : Inclut la presse et les médias, essentielle pour la démocratie.
  • La liberté d’entreprendre : Garantie de créer et gérer une entreprise librement.
  • Le droit d’asile : Protection accordée aux personnes persécutées dans leur pays d’origine.
  • Le droit à une vie familiale normale : Reconnaissance de l’importance des liens familiaux dans l’épanouissement des individus.

b) Les droits du travailleur

  • La liberté syndicale : Droit des travailleurs de s’organiser en syndicats pour défendre leurs intérêts.
  • Le droit de grève : Outil essentiel de revendication, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946.

B) Les droits créances

Les droits créances (ou droits économiques, sociaux et culturels) imposent à l’État une obligation d’intervention pour garantir l’accès aux ressources nécessaires à une vie digne.

Principaux droits créances :

  • Le droit à la protection de la santé : Inclut l’accès aux soins pour tous.
  • Le droit à la protection sociale et à la sécurité sociale : Garanties contre les aléas de la vie (maladie, chômage, vieillesse).
  • Le droit à l’instruction et à la culture : Obligation pour l’État de garantir l’éducation et l’accès aux biens culturels.
  • Le droit à la solidarité nationale : Aide collective aux personnes en difficulté.
  • Le droit à l’emploi : Obligation pour l’État de mettre en place des politiques favorisant l’accès au travail.

C) Les droits garanties

Les droits garanties visent à protéger les individus contre l’arbitraire et à assurer l’équité devant les institutions publiques.

a) Les garanties générales

  • Le droit au juge : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.
  • Les droits de la défense : Ensemble des garanties offertes à toute personne faisant face à une mesure défavorable, qu’il s’agisse d’un procès ou non.
  • La sécurité juridique : Inclut les principes :
    • De légalité : Les actes administratifs doivent respecter la loi.
    • De non-rétroactivité : Les lois ou actes ne peuvent être appliqués rétroactivement s’ils aggravent la situation des citoyens.

b) Les garanties spécifiques en matière pénale ou répressive

Ces garanties, largement issues de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, comprennent :

  • Le principe de légalité des délits et des peines : Une infraction ou une sanction ne peut être établie que par la loi.
  • La non-rétroactivité des lois pénales plus sévères : Les lois ne peuvent pas aggraver rétroactivement la peine d’un individu.
  • L’application rétroactive des lois pénales plus douces : Un adoucissement légal bénéficie immédiatement aux condamnés.
  • Le principe de proportionnalité des peines : Les sanctions doivent être adaptées à la gravité de l’infraction.
  • La présomption d’innocence : Tout individu est présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été légalement prouvée.

D) Le droit à l’égalité

Le droit à l’égalité est l’un des fondements de la démocratie et de l’État de droit. Il est inscrit dans :

  • La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
  • Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
  • La Constitution du 4 octobre 1958.

Caractéristiques du droit à l’égalité :

  • Un droit universel : Bénéficie à toutes les personnes, qu’elles soient physiques ou morales, françaises ou étrangères.
  • Interdiction des discriminations : Basées sur l’origine, la race, la religion, ou les convictions politiques et philosophiques.
  • Application large : Ce droit s’étend aux domaines sociaux, éducatifs, fiscaux, professionnels, et juridictionnels.
    • Exceptions : Les droits politiques, comme le droit de suffrage, restent principalement réservés aux citoyens français.

Discriminations positives

  • Reconnaissance limitée : Le Conseil constitutionnel admet des discriminations positives dans certains cas, notamment pour favoriser des catégories défavorisées (ex. : politiques sociales ou éducatives).

En résumé, les droits et libertés fondamentaux se déclinent en plusieurs catégories : les droits libertés, qui protègent les individus des ingérences de l’État ; les droits créances, qui imposent une intervention étatique pour garantir des besoins essentiels ; les droits garanties, qui protègent contre l’arbitraire ; et le droit à l’égalité, qui structure l’ensemble de ces droits. Ces classifications montrent la diversité des mécanismes de protection et leur rôle dans le fonctionnement des démocraties modernes.

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