Droit pénal spécial : les infractions contre les personnes.
On ne peut pas faire de droit pénal spécial sans maitriser les principes du droit pénal général. Il y a plusieurs façons d’appréhender la matière pénale. Ici, l’étude des infractions sera identique sur les deux semestres, elle sera calquée sur la présentation du Code pénal de 1992.
Le principe de responsabilité pénale est important. Pour être responsable, il faut une infraction qui peut être imputée. Deux grandes théories : théorie de l’infraction et théorie de l’imputation. Lorsqu’on étudie la théorie de l’infraction, il y a toujours un élément matériel et un élément moral. L’élément matériel suppose toujours un acte voir un résultat pour certaines infractions. Il y a également un élément moral. L’imputation pose des problèmes particuliers : à qui j’impute ? Un auteur, un complice, une personne morale, une personne physique ?
Ce sont les modes de participation criminelle qui posent problème puis les personnes à qui l’on impute. Se pose des problèmes d’imputation également au niveau de l’acte : ce sont les faits justificatifs.
Les infractions contre les personnes se trouvent dans le livre II du Code pénal : Des crimes et des délits contre les personnes, complété par une partie réglementaire se trouvant dans le livre V du Code pénal.
- Droit pénal des infractions sur les personnes
- Les justifications de la violation du secret professionnel
- Le secret professionnel et sa violation
- Le secret des correspondances téléphoniques
- Le secret des correspondances
- La violation du domicile : définition, sanction
- L’atteinte à la vie privée (article 226-1 du code pénal)
On oppose les infractions contre les personnes aux infractions contre les biens. C’est relatif car les infractions contre les biens peuvent avoir des conséquences sur les personnes.
Ce livre II du Code pénal contient plusieurs titres :
Des crimes contre l’humanité : non traité.
Titre II : Des atteintes contre les personnes. Sept chapitres. Le législateur a mis des valeurs sociales en avant :
– Des atteintes à la vie de la personne.
– Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne.
– De la mise ne danger de la personne.
– Des atteintes aux libertés de la personne.
– Des atteintes à la dignité de la personne.
– Des atteintes à la personnalité.
– Des atteintes aux mineurs et à la famille.
C’est une liste peu pédagogique, elle ne correspond pas à l’esprit du juriste qui raisonne de façon binaire. On peut mettre de l’ordre, en se disant qu’une personne c’est d’abord un corps puis un esprit. Il n’est pas anormal que le Code pénal veule protéger d’abord le corps de la personne, puis ensuite l’esprit, l’intégrité morale. On peut ainsi diviser la matière de cette façon. On trouve des atteintes à l’intégrité physique et des atteinte à l’intégrité morale. On peut diviser le cours en deux parties : les infractions contre l’intégrité corporelle et les infractions contre l’intégrité morale.
Voici le plan du cours de droit des infractions pénales contre les personnes sur www.cours-de-droit.net :
- Partie 1 : Les infractions contre l’intégrité corporelle
- Titre 1 : Les infractions matérielles contre le corps humain
- Chapitre 1 : Les atteintes intentionnelles
- Section 1 : Les homicides intentionnels
- § 1 – L’incrimination
- A. L’élément matériel
- 1. L’acte
- 2. Le résultat
- A. Le meurtre consommé
- B. Le meurtre tenté
- 3. La causalité
- B. L’élément moral
- 1. La définition de l’intention
- 2. La preuve de l’élément psychologique
- § 2 – La répression du meurtre
- A. Le meurtre simple
- B. Le meurtre aggravé
- 1. Le meurtre aggravé par plusieurs infractions
- 2. L’aggravation tenant à la psychologie du délinquant
- 3. L’aggravation tenant à la qualité de la victime
Section 2 : Les violences
- § 1 – L’incrimination de la violence
- I – L’élément matériel
- A. La nature des actes de violence
- B. Le résultat des violences
- 1. L’élément subjectif du résultat : la victime
- 2. L’élément objectif du résultat
- II – L’élément moral
- 1. La volonté de l’acte de violence
- 1. L’atteinte à l’intégrité physique
- § 2 : La répression des violences
- A. La neutralisation par des faits justificatifs
- 1. L’autorisation par la loi
- 2. L’autorisation par la coutume ou l’usage
- B. Les sanctions (donc les qualifications)
- A. L’infraction simple
- B. Les infractions aggravées
- Sous-section 2 : Les violences particulières
- § 1 : Les violences physiques particulières.
- I – Les actes de torture et de barbarie
- A. La norme d’incrimination
- 1. L’acte de barbarie en tant qu’infraction autonome
- 1. L’acte de barbarie en tant que circonstance aggravante d’autres infractions
- B. Les éléments constitutifs
- 1. L’élément matériel
- 1. L’élément moral
- C. La répression de ces actes
- II – L’administration de substances nuisibles
- A. La norme
- B. Les éléments constitutifs
- 1. L’élément matériel
- 2. L’élément moral de l’infraction
- § 2 : Les violences morales qualifiées de particulières
- I – Les agressions sonores
- A. L’élément matériel
- B. L’élément moral
- II – Les menaces
- A. Les menaces sans injonction
- B. Les menaces avec injonction
- III – Le harcèlement moral
Chapitre 2 : Les infractions non-intentionnelles
- Section 1 : Les éléments constitutifs
- Paragraphe 1 : Le résultat
- Paragraphe 2 : La causalité
- Paragraphe 3 : La faute d’imprudence
- Section 2 : La répression
- Paragraphe 1: Les peines
- Paragraphe 2 : L’imputation des atteintes non intentionnelles
Titre 2 : Les infractions formelles contre le corps humain
Chapitre 1 : Les infractions de commissions
- Section 1 : L’attentat à la Vie par Empoisonnement
- Paragraphe 1 : L’élément matériel
- Paragraphe 2 : L’élément moral
- Section 2 : L’infraction d’exposition d’autrui à un risque
- Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
- Paragraphe 2 : La répression
- Section 3 : Les provocations
- Paragraphe 1 : La provocation au suicide
- Section 4 : Le délaissement des personnes vulnérables
- Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
- Paragraphe 2 : La répression
Chapitre 2 : L’infraction d’abstention : La non-assistance à personne en danger
- Section 1 : Les éléments constitutifs de ces qualifications
- Paragraphe 1 : L’élément matériel
- Paragraphe 2 : L’élément moral
- Section 2 : La répression
- Paragraphe 1 : Les observations à l’action publique
- Paragraphe 2 : Les observations à l’action civile
Livre 2 : Les Infractions contre la Liberté Corporelle
Chapitre 1 : Les infractions contre la liberté sexuelle
- Section 1 : Les infractions sexuelles physiques
- Sous-section 1 : Les agressions sexuelles
- Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs des agressions sexuelles
- Paragraphe 2 : La répression des agressions sexuelles
- Sous-section 2 : Les atteintes sexuelles
- Paragraphe 1 : L’incrimination d’atteintes sexuelles sur mineur
- Paragraphe 2 : La répression de l’atteinte sexuelle sur un mineur
- Section 2 : Les infractions sexuelles morales
- Paragraphe 1 : L’exhibition sexuelle
- Paragraphe 2 : Le harcèlement sexuel
- Paragraphe 3 : Les messages sexuels ou outrageants
Chapitre 2 : Les infractions contre la liberté d’aller et venir
- Section 1 : Les incriminations des infractions de séquestration
- Paragraphe 1 : L’élément personnel
- Paragraphe 2 : L’élément matériel
- Paragraphe 3 : L’élément moral
- Section 2 : La répression des infractions de séquestration
- Paragraphe 1 : Les règles générales
- Paragraphe 2 : La règle particulière de l’excuse atténuante
Partie 2 : Les infractions contre l’esprit
Titre 1 : Les atteintes à la personnalité
Chapitre 1 : Les atteintes à l’inimité de la vie privée
- Section 1 : La protection pénale de l’information intime
- Sous-section 1 : L’espionnage
- Paragraphe 1 : L’élément matériel
- Paragraphe 2 : L’élément moral
- Paragraphe 3 : Faits justificatifs
- Sous-section 2 : Le délit d’exploitation de l’espionnage
- Paragraphe 1 : L’élément matériel
- Paragraphe 2 : L’élément moral
- Section 2 : La violation du domicile
- Paragraphe 1 : La définition de la violation de domicile
- Paragraphe 2 : La répression
Chapitre 2 : L’atteinte au secret
- Section 1 : Le secret des correspondances
- Sous-section 1 : La violation des correspondances matérialisées
- Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
- Paragraphe 2 : Les faits justificatifs
- Sous-Section 2 : Les atteintes au secret des correspondances téléphoniques
- Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs des délits
- Paragraphe 2 : La justification de l’atteinte
- Section 2 : La violation du secret professionnel
- Sous-section 1 : Les éléments constitutifs
- Paragraphe 1 : Le secret professionnel
- Paragraphe 2 : Le comportement de violation du secret professionnel
- Sous-section 2 : La justification de l’infraction
- Paragraphe 1 : L’ordre ou l’autorisation de la loi
- Paragraphe 2 : Les causes de justification
Partie 1 : Les infractions contre l’intégrité corporelle
On raisonne par rapport au type d’atteinte au corps humain, ce qui revient aux distinctions des infractions en droit pénal général. Lorsqu’on étudie la théorie de l’infraction, plus exactement l’élément matériel, il existe deux types d’infractions en fonction de leur résultat.
- Certaines infractions sanctionnent une atteinte effective à la valeur protégée : ce sont des atteintes réelles à la valeur protégée : ce sont des infractions matérielles. La valeur est matériellement atteinte. On dit qu’il y a alors un résultat dans ces infractions, le résultat est l’atteinte à la valeur.
- On trouve une seconde catégorie d’infractions qui ne supposent pas une atteinte à la valeur protégée, ce sont des atteintes éventuelles à la valeur : infractions formelles ou infractions de comportement. Ce que l’on sanctionne c’est directement le comportement indépendamment de ses conséquences. Le seuil de la répression est avancé.
Si le législateur sanctionne dans ces deux cas, c’est qu’il considère que la vie et le corps humain sont des valeurs fondamentales que l’on doit protéger le plus tôt possible dans le chemin du crime.
Titre 1 : Les infractions matérielles contre le corps humain
Les infractions matérielles supposent une atteinte au corps, atteinte physique ou psychologique : c’est le résultat. Dans le Code pénal, aux articles 221-1 et suivants, le législateur distingue entre les atteintes volontaires et les atteintes involontaires. On est sur le terrain de l’élément moral. On va d’abord raisonner suivant les valeurs morales, puis on distingue suivant l’élément moral requis. La gravité de l’infraction diffère selon que l’atteinte est volontaire ou involontaire. D’un point de vue technique, volontaire et involontaire n’est pas très juste, il faudrait plus parler d’atteinte intentionnelle ou non-intentionnelle. Une atteinte peut être non-intentionnelle bien que volontaire. Ex : je veux conduire et je percute un piéton : je n’ai pas voulu blesser.
Chapitre 1 : Les atteintes intentionnelles
Le Code pénal procède en fonction de la valeur atteinte. Soit on atteint la vie, valeur sacrée, soit on atteint simplement le corps sans atteindre la vie. Dans le premier cas, on parle d’homicide, dans le second cas on parle de violence. Le terme violence est un terme moderne, de 1992, il correspond à l’ancienne notion de « coups et blessures ».
Lorsque l’on étudie une incrimination, on trouve la plupart du temps un texte de base, qui donne la définition de l’infraction, voir sa sanction en tant qu’infraction de base. Mais ce texte de base n’épuise pas toutes les modalités de l’infraction, des textes complémentaires vont évoquer des modalités particulières de répression. Ce sont des infractions aggravées. Il faut pour cela la réalisation de l’infraction simple mais dans des circonstances aggravées qui permettent d’accroitre la répression.
Section 1 : Les homicides intentionnels
Il a un nom : le meurtre : article 221-1 du Code pénal. C’est le fait de donner volontairement la mort à autrui.
- §1 – L’incrimination
Dans une incrimination, il y a toujours un élément matériel et un élément moral.
A) L’élément matériel
a) L’acte
Il faut étudier l’acte et le résultat.
S’agissant de l’acte : il est illicite. Selon le Code pénal, c’est « le fait de donner ».
- Le meurtre suppose un acte matériel. Il n’y a pas meurtre par l’effet d’un sortilège qui ferait que la victime se suicide. L’acte meurtrier est toujours un acte matériel. On ne parle pas d’homicide moral.
- Le meurtre est un acte positif. L’acte décrit par le texte d’incrimination est « le fait de donner » donc le meurtre est toujours une infraction de commission, on ne connait pas un meurtre par une abstention. Ex : l’affaire de la séquestrée de Poitiers. Il y a une privation de soin mais pas un acte positif, la qualification adéquate ne peut pas être le meurtre. Le principe de la légalité criminelle fait que la qualification de meurtre ne correspond pas à cette hypothèse.
- Le meurtre est une infraction qui peut supposer un acte unique (donner un coup de couteau) ou plusieurs actes successifs (piquer la victime tous les jours, elle perd son sang : meurtre. Alors qu’une seule piqure ne constitue pas un meurtre).
Quant au résultat : c’est la mort d’autrui. Il y a dans le résultat une double composante. Lorsqu’on raisonne sur le résultat, on peut raisonner par rapport à un résultat qui est atteint. On dit alors que l’infraction est consommée : un meurtre consommé. Mais on peut se demander si l’individu pourrait être punissable à un stade où le meurtre n’est pas encore consommé mais où il est en train de se consommer. S’est posée la question de la tentative.
b) Le résultat
- 1) Le meurtre consommé
Le résultat, c’est la mort d’autrui. La mort est l’atteinte à la vie, mais se pose ici la question de savoir s’il conviendrait de distinguer entre la mort consentie et la mort non-consentie. Lorsque la mort n’est pas consentie par la victime, il y a meurtre consommé. Mais peut-on parler de meurtre consommé quand la victime a consentie à l’acte ? On s’est posé la question au XIXe siècle dans les duels : le gagnant était suivis dans les tribunaux pour meurtre de l’adversaire, pour lui la mort était consentie car chaque adversaire avait consentie l’hypothèse de la mort. La question se pose aujourd’hui quant à l’euthanasie. Dans les deux cas, la réponse est la même. La vie est une valeur qui est protégée en tant qu’élément de l’ordre public et pas en tant qu’objet d’un droit subjectif, alors on peut comprendre que la vie échappe à chacun d’entre nous, et on considère que cette valeur n’est pas disponible, c’est une valeur sacrée. Le législateur n’a pas pu ignorer que la question de la fin de vie de personnes malades se posait une question importante : Loi LEONETI. Dans le Code de santé publique se trouve des dispositions qui tendent à distinguer entre l’euthanasie passive et l’euthanasie active. L’euthanasie active est punissable au titre du meurtre ou de l’empoisonnement. Administrer une substance mortelle à un individu en fin de vie c’est un empoisonnement. En revanche, sur l’euthanasie passive, c’est-à-dire le laisser-mourir, le Code de la santé publique admet de prendre en considération la volonté de la personne : article L.1111-4 : le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informé des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. A l’article L.1111-10 du Code de la santé publique : lorsqu’une personne en phase avancée ou terminale d’une infection grave et irrécurable … décide d’arrêter les traitements, le médecin respecte sa volonté … : ce n’est pas un meurtre puisque le meurtre n’est pas commis par abstention. Cette disposition n’est pas nécessaire.
Ce dispositif est conforme à la CEDH : l’article 2 de la CEDH consacre le droit à la vie. Ce n’est que pour indiquer que la vie doit être protégée contre les atteintes perpétrées par l’Etat ou des particuliers. La CEDH a eu l’occasion d’affirmer que l’article 2 de la CEDH n’implique pas un droit à la mort : CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/RU. Il n’y a donc pas au sens de l’article 2 un droit à la mort des personnes en fin de vie. S’il n’y a pas de droit à la mort, il n’y a pas de créances envers l’Etat consistant à mettre en oeuvre un système permettant l’euthanasie active.
- C’est de la mort d’autrui qu’il s’agit. C’est la seconde composante du résultat. Il y a meurtre que si l’acte d’homicide est dirigé contre autrui. Deux observations à formuler : autrui est semble-t-il une personne humaine (cf titre du Code pénal). On ne peut pas parler de meurtre sur un animal. L’animal, en droit français, est une chose. Ce n’est pas autrui. Cette constatation permet d’observer que si c’est la personne humaine qui est protégée, c’est la personne humaine indépendamment de ses qualités. Il y a meurtre que l’on tue une personne âgée, mineure, c’est toujours un meurtre. Ce qui ne veut pas dire que la qualité de la victime ne rentrera pas en considération dans les modalités de la répression, c’est autre chose.
Autrui est un tiers, il n’y a donc pas de meurtre sur soi-même. Avant, le suicide était incriminé : le meurtre sur soi-même était une infraction pénale. Autrui, c’est l’autre, ce qui ne veut pas dire que le législateur ne s’occupe pas du meurtre sur soi-même, le suicide, mais sous une autre qualification : la provocation au suicide.
- 2) Le meurtre tenté
Ici le résultat n’a pas été atteint, mais la tentative est incriminable car il s’agit d’un crime. article 121-4, 2). Définition de la tentative : article 121-5.
Dans la tentative il faut :
- un élément matériel de la tentative : commencement de l’exécution
- un élément moral : une intention (pas d’abstention)
Comment la jurisprudence définit-elle le commencement d’exécution ?
C’est un acte qui tend immédiatement et directement au résultat de l’infraction. Il faut toujours raisonner sur le résultat.
Il faut se demander ce qu’est le meurtre : un crime, un délit ou une contravention ? Ce qui indique la qualification, c’est la peine (réclusion criminelle : crime, emprisonnement : délit). Le meurtre est un crime, alors la tentative est toujours punissable. La tentative est constituée par un commencement d’exécution, et une absence de désistement volontaire. La résolution criminelle (penser faire une infraction) n’est pas punissable.
les actes préparatoires peuvent être punissables mais pas dans le meurtre. Lorsqu’on porte le coup, il y a commencement d’exécution du meurtre : il faut être en train de porter un acte qui a pour effet de consommer l’infraction, c’est-à-dire de tuer autrui. Avant, il n’y a pas tentative, après, il y a consommation de l’infraction.
La question de la tentative de meurtre pose une question particulière à deux tentatives :
- Lorsque certains actes sont qualifiés d’actes préparatoires, ils ne sont pas des commencements d’exécution, pourtant ces actes peuvent paraître choquant. Ex : affaire Lacourt, 1962 : il remet des fonds à un tueur à gage, qui ne s’exécute pas. Il n’y a pas de meurtre consommé, y-a-t’il tentative ? Non, car il n’y a pas d’acte qui tende à la consommation, il n’y a pas complicité non plus car il faut un fait principal punissable, mais ici il n’y a rien. D’où l’idée qu’il faut incriminer à titre particulier : le législateur a choisit d’incriminer ce comportement à titre autonomie : mandat criminel : article 221-5-1 du Code pénal.
- Concernant le meurtre impossible ? Peut-on admettre des poursuites pour tentative de meurtre ?
- Affaire Perdereau. arrêt Crim. 16, janvier 1986. Dans cette affaire, il y a une rixe entre plusieurs personnes. Une personne est blessée, rentre chez elle. Celui qui n’a pas porté les coups se rend chez la personne blessée et lui assène des coups. Sauf que la victime est déjà décédée.
- La jurisprudence a été confrontée à cette question, et elle l’a résolue en appliquant la solution suivante : certes le meurtre est impossible puisqu’on ne peut pas tuer une personne déjà décédée. Mais les actes qui consiste à porter des coups en vue de tuer peuvent permettre de qualifier une tentative de meurtre. Dans cet arrêt du 16 janvier 1986, la Cour de cassation déclare qu’il importait peu pour que soit caractériser la tentative d’homicide volontaire que la victime soit déjà morte, cette circonstance étant indépendante de la volonté de l’auteur.
- La première question porte sur l’élément légal de la tentative. Pour qu’il y ait tentative, il faut qu’il y ait une qualification identifiable. S’il faut une qualification préalable, il faut que cette qualification soit possible, envisageable. Si le meurtre est impossible, la qualification n’existe pas et la tentative se greffe sur rien. La tentative n’a plus de support légal en quelque sorte. C’est la critique qui est proposée par une certaine partie de la doctrine.
- C’est un argument qui a été repoussé par une autre partie de la doctrine. On ne peut pas ici commettre l’impossible mais on peut tenter l’impossible. Dans les éléments constitutifs de la théorie de la tentative est le commencement d’exécution. Ce commencement d’exécution est toujours possible, contrairement au résultat. Dans cette perspective, certes un élément de qualification ne pourra pas être retenu qui est la mort, mais un élément de qualification est identifiable à savoir le commencement d’exécution.
- Le deuxième élément de discussion se déporte sur l’élément moral. La Cour de cassation sanctionnerait la pure intention criminelle. C’est l’intention de tuer qui justifie la solution. Mais la critique est peut être excessive. Il ne s’agit pas de punir une personne pour une simple intention, on ne va pas punir la personne parce qu’elle a eu l’intention de tuer, mais parce qu’elle a porté des coups (et élément moral qui est l’intention de tuer). La Cour de cassation n’a pas seulement sanctionner une intention de tuer.
- L’intention criminelle pour être qualifiée doit retenir que la personne croyait la personne encore vivante et qu’elle a eu l’intention de la tuer.
- Depuis 1986, la solution n’est plus contestée en jurisprudence. Il est donc possible d’appliquer la théorie de la tentative alors même que l’infraction n’aurait pas pu être consommée.
- La causalité
Cette question est induite par la coexistence de l’acte et du résultat. Toutefois, il y a en quelque sorte une raison de fond qui permet d’évoquer la question de la causalité et une question de preuve.
Sur le fond, il faut observer qu’il est possible que l’acte d’homicide ait participé à la mort de la victime, mais avec d’autres actes ; avec d’autres actes qui sont éventuellement qualifiables pénalement ou pas. On est dans le cas où plusieurs faits générateurs de la mort sont envisageables (cf. responsabilité civile). En matière pénale, le principe est l’indivisibilité de la responsabilité : lorsqu’on peut constater qu’une personne a commis un acte d’homicide et que celui-ci a participé même partiellement au résultat, alors elle est responsable. Si la causalité est partielle, cela suffit pour retenir la qualification.
Cet élément pourra entrer en distinction durant la délibération des jurés pour envisager la peine. On sera peut être moins sévère avec celui qui n’a fait que participer. Mais au niveau de la qualification on ne divise pas la responsabilité pénale.
Elle ne sera écartée que si on constate une cause étrangère : en réalité c’est une cause étrangère à l’origine de la mort d’autrui. Il faudra démontrer un fait extérieur qui absorbe la causalité.
Sur la preuve, a priori et dans la plupart des cas la preuve est induite par les faits. La question est celle des infractions de groupe.
exemple concret : Plusieurs personnes portent des coups à un individu qui décède. Rationnellement la poursuite et ensuite l’arrêt de C.Ass devra pour chaque auteur préciser la qualification retenue et les éléments constitutifs. Si on part sur l’idée qu’il y a trois participants à ces coups, pour chacun il faudra dire qu’il y a bien eu un acte d’homicide et que cet acte a bien été à l’origine de la mort d’autrui. Sauf que dans l’hypothèse visée, on n’arrive pas à déterminer quel coup a été fatal. Si on se tient à une segmentation pour chaque individu de la poursuite, on arrivera à la solution qu’il faut acquitter tout le monde car pour chaque participant on ne pourra pas déterminer le lien de causalité entre la mort et le coup. Peut-on globaliser, peut-on envisager l’ensemble des coups portés comme une scène unique ?
C’est précisément ce qu’a fait la C.Cass. On a imaginé la scène unique de violence en imaginant la chose suivante : nous avons une scène qui est à l’origine de la mort d’autrui, trois participants à cette scène. Il va y avoir une présomption : chaque coup a été à l’origine de la mort de la victime.
C’est une présomption de causalité, en matière pénale la preuve peut s’établir par tout moyen, y compris par présomption. La seule limite est que cette présomption soit compatible avec la présomption d’innocence. La Cour de cassation et la Cour EDH admettent l’existence de présomption de culpabilité. Chaque individu peut en effet se défendre en démontrant qu’il n’a pas participé à la rixe ou parce qu’il n’a pas pu porter le coup fatal. Cette présomption de culpabilité n’est donc pas irréfragable.
La scène unique de violence est en réalité plus complexe : ce qui a été évoquée ici c’est la présomption de causalité. On pourrait envisager une situation un peu plus différente, bien que comparable qui est celle où un seul acte mortel a été accompli mais on ne sait pas qui l’a accompli.
C’est un problème un peu différent car il n’y a pas constatation de plusieurs actes, mais à qui on va pouvoir imputer l’acte. C’est plus une présomption d’imputation qu’une présomption de causalité. La jurisprudence le résout au XIXè siècle qu’elle a créé de toutes pièces. Il s’agit de la théorie de la complicité co-respective : chaque participant à une rixe sont co-respectivement complices. Certes on ne peut pas identifier l’auteur mais on peut au moins dire qu’ils se sont aidés respectivement. On ne va pas punir l’auteur, mais on peut au moins les qualifier de complice.
Aujourd’hui dans une perspective moderne on aurait une autre possibilité qui est la théorie de la co-action. Donc, si on veut parler de co-auteur d’un meurtre dans cette perspective : il va falloir dire que le premier a porté un coup mortel et le second aussi. Ils ont commis le même acte tel que décrit par le texte d’incrimination. Mais certains auteurs modernes ont développé l’idée qu’on peut envisager d’être co-auteur qu’en commettant une partie de la qualification. Il faut que tous les éléments soient réunis pour que la qualification soit retenue mais elle peut être scindée entre plusieurs personnes. Parce que ces personnes participent à une scène commune, ils sont co-auteurs. Pas encore de jurisprudence sur cette théorie.
Lorsque plusieurs personnes participent à la réalisation d’un meurtre et qu’il est difficile d’identifier l’auteur des coups, soit on applique la théorie de la scène unique de violence, soit un seul coup a été porté et on ne sait pas qui a porté ce coup et on utilise la théorie de la complicité co-respective.
B) L’élément moral
Comment sait-on qu’une infraction est intentionnelle ou non ? Article 121-3 du Code pénal : article de droit pénal général qui contient l’élément moral de l’infraction. Les crimes sont toujours intentionnels. Les délits le sont quand c’est prévu par le législateur. Normalement, en matière contraventionnelle l’élément moral est indifférent. Mais il arrive que le législateur le prévoit. Le meurtre est un crime, le crime étant une infraction intentionnelle, il faut se demander ce qu’est l’intention et comment la prouver.
- La définition de l’intention
Définition positive de l’intention : l’intention dans le meurtre c’est l’intention de tuer, l’animus necandi. On dit que le meurtre suppose l’intention de tuer, ce qui ne doit pas masquer que l’intention est en réalité double. D’une part, l’individu doit avoir la volonté de commettre l’acte homicide, cette volonté de l’acte se double de la volonté du résultat, la mort d’autrui. C’est là où on va parler de dol. Le dol est l’intention. On parle de dol général : c’est ce qui consiste à vouloir l’acte et le résultat.
L’intention de tuer est un dol général, et pas un dol spécial. Il y a une concordance entre l’élément moral et l’élément matériel. C’est ce qui va constituer le critère de qualification entre le meurtre d’un côté et d’un autre côté les homicides non intentionnels ; étant observé qu’il y a une infraction intermédiaire qui s’appelle les violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner. Dans le meurtre il y a toujours intention de tuer.
C’est ce qui permet au parquet et à la juridiction de jugement de qualifier correctement les faits.
Le meurtre suppose donc l’intention de tuer, donc la volonté d’un acte et d’un résultat. Cette intention de tuer va permettre de distinguer le meurtre d’autres infractions qui pourraient le ressembler. Le meurtre est donc distinct des violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner : article 222-7 du Code pénal (ancien coups mortels). C’est distinct du meurtre, elles sont incriminées dans le Code à un autre endroit. C’est également un crime mais c’est distinct du meurtre du point de vue de l’élément moral. L’auteur de l’acte de violence à la volonté de commettre l’acte de violence mais pas la volonté de tuer.
L’intention de tuer permet également de distinguer le meurtre et l’homicide involontaire : article 221-6 du Code pénal (il vaudrait mieux dire homicide non-intentionnel). Ici, l’individu n’a assurément pas la volonté de tuer, il se peut d’ailleurs qu’il n’ait pas la volonté de commettre un acte.
Le meurtre est donc l’intention de tuer, mais c’est l’intention de tuer une personne humaine abstraitement considérée. Il n’y a pas, dans l’élément moral du meurtre, à prendre en considération la qualité de la victime, tout au moins à ce stade. Lors d’un attentat, peu importe la volonté de tuer telle ou telle victime, peu importe la victime. Òn parle donc d’intention d’atteindre le résultat de tuer. On parle ici de dol indéterminé.
Définition négative de l’intention : D’un point de vue négatif, l’intention ce n’est pas le mobile. Peu importe qu’on ait eu l’intention de tuer par vengeance, par plaisir, par intérêt financier, par ambition politique, etc… Le mobile en droit pénal n’est pas un élément à prendre en considération quand on qualifie l’intention sauf exceptionnellement lorsque le législateur le prévoit.
Lorsque le législateur prévoit qu’un mobile s’incorpore à la qualification, on appelle cela un dol spécial. Dans l’abus de biens sociaux, il faut agir dans un intérêt personnel. Cette intention particulière est un dol spécial.
Dans le meurtre, il n’y a pas de dol spécial : on ne prend pas en considération le mobile.
De la même manière il n’y a pas à prendre en considération l’intention spécifique de tuer une victime déterminée. Si par exemple on tue une personne que l’on croit être une autre, donc par erreur. Il est totalement indifférent pour la qualification de mettre en avant cette erreur. Cette erreur de fait n’affecte pas la qualification.
Donc, l’erreur de fait est indifférente. Étant observé qu’on peut se tromper également sur le résultat. Lorsqu’on se trompe sur l’acte, il n’y a pas d’intention.
- La preuve de l’élément psychologique
Sur la preuve de l’intention, la plupart du temps l’individu tente de se défendre par tout moyen, notamment qu’il n’a pas voulu tuer. La preuve est délicate, le ministère public doit prouver un élément, par définition psychologique. Comment prouver un fait psychologique ? La véritable personne qui peut prouver c’est la personne elle-même, par l’aveu. On a donc d’autres moyens. On peut utiliser les présomptions : si la victime a reçu 40 coups de couteaux, on peut être sur de l’intention. La jurisprudence va donc résonner par présomption de fait. La preuve incombe au demandeur, le ministère public, mais ça ne veut pas dire que le ministère public doit donner entièrement la preuve. Le ministère public va prouver des faits qui correspondent à l’élément matériel de l’infraction. Mais ensuite c’est la juridiction qui va déduire des faits finalement l’intention ou non.
- §2 – La répression du meurtre
Certains meurtres sont qualifiés de simples, d’autres d’aggravés car ils sont attachés d’une circonstance aggravante.
A) Le meurtre simple
Le meurtre ordinaire ou simple → c’est celui défini à l’article 221-1 et puni d’une réclusion criminelle de 30 ans. L’article 131-1 prévoit une peine minimale de 10 ans.
Il y a des peines complémentaires : article 221-8, -9, etc… comme l’interdiction d’exercer une activité professionnelle dans laquelle le meurtre a été accompli
B) Le meurtre aggravé
La plupart du temps, le meurtre n’est pas simple mais aggravé. On parle des meurtres aggravés, il y a beaucoup de circonstances qui peuvent aggraver le meurtre simple. Ces circonstances aggravantes se distinguent autour de plusieurs critères : pluralité d’infractions, psychologie du délinquant, qualité de la victime. L’effet de la circonstance aggravante est une augmentation de la peine encourue. Le texte légal prévoit une aggravation de la peine du meurtre, de 30 ans, on passe à la perpétuité.
- Le meurtre aggravé par plusieurs infractions
Le Code pénal prévoit deux hypothèses, ce qui correspond à un concours réel. Un concours réel c’est l’accomplissement d’actes distincts pouvant donner lieu à des qualifications distincts. On l’oppose au concours idéal (un même acte, plusieurs qualifications). Dans le cas du concours réel, ça donne lieu à un cumul de peines ou le prononcé de la peine la plus élevée lorsque les peines sont de même nature : article 132-3 du Code pénal.
a. Meurtre concomitant d’un autre crime
- l’article 221-2 du Code pénal
- C’est le meurtre qui s’accompagne d’un autre crime, qui précède un autre crime ou qui est suivi d’un autre crime. Par exemple : viol sur une personne, et meurtre. On a deux actes distincts, la peine encourue sera la réclusion criminelle à perpétuité.
- Les infractions doivent être concomitantes c’est-à-dire se succéder dans le temps et dans l’espace. Les crimes doivent se succéder dans le temps et dans l’espace mais on peut envisager une concomitance entre une infraction consommé et une infraction tenté. Un tiers intervient à l’acte d’homicide à la suite d’un viol consommé. Cela suffit pour rentrer dans la circonstance d’une aggravation.
- L’aggravation tient à la nature des faits accomplis.
b. Meurtre connexe à un autre ou délit
Art. 221-1 alinéa 2 : c’est le meurtre qui a pour objet de préparer ou de faciliter un délit ou de favoriser la suite pour assurer l’impunité de l’auteur.
Le fait qu’il y ait cette connexité, ce projet criminel fait que la peine est aggravée à la réclusion criminelle à perpétuité.
- On va le poursuivre pour meurtre aggravé, alors même que l’infraction de base est le vol. Il faut qu’il
- existe un lien de corrélation entre les deux infractions, il faut que le meurtre soit utile à l’aggravation du délit.
- L’aggravation tenant à la psychologie du délinquant
Article 221-3 du Code pénal. On fait référence à l’assassinat. C’est un meurtre particulier, aggravé, parce qu’il suppose un élément moral spécifique, une préméditation. Prémédité signifie, selon l’article 131-72 du Code pénal, qu’il faut qu’il y ait un dessein (but) formé avant l’action. La préméditation est le dessein formé avant l’action, ça suppose d’avoir réfléchit avant l’acte. Il faut une réflexion organisée du crime et il faut que ça se situe préalablement aux actes d’homicide. On punit plus sévèrement car il y a une différence entre celui qui tue de manière spontanée et celui qui prépare son crime, pourrait changer d’avis mais maintien son intention : ça explique que l’on aggrave la peine. On est face à une circonstance aggravante mixte, elle prend sa source dans la personne, mais elle produit un effet sur la matérialité de l’acte, la façon dont se déroule l’acte.
- L’aggravation tenant à la qualité de la victime
Elle s’est beaucoup développée maintenant car on cherche à protéger certaines catégories de personnes. Article 221-4 du Code pénal : 9 cas d’aggravation. On trouve par exemple la minorité de 15 ans, la qualité d’ascendant légitime ou naturel de la victime, … Commettre un meurtre sur son père ou sa mère : parricide ou marricide et c’est une circonstance aggravante du meurtre. Au delà de ces 9 cas, il faut observer qu’une question particulière se pose s’agissant de l’état d’esprit requis par le délinquant pour punir un meurtre aggravé en raison de la qualité de la victime.
Le législateur a voulu considérer comme plus grave des meurtres accomplis sur certaines personnes. On peut envisager à partir de là deux questions :
1) l’individu doit-il avoir eu conscience de la qualité de la victime pour être punissable d’un meurtre aggravé ?
2) La juridiction de jugement doit-elle différencier selon que l’auteur a eu conscience de la victime ou n’a pas eu conscience de cette qualité de victime ?
Le législateur précise que l’auteur doit avoir eu connaissance de la qualité de la victime. Ex : article 221-4 3°du Code pénal : le meurtre est aggravé « lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité … est apparente ou connue de l’auteur » : il y aura meurtre aggravé si l’individu soit connaissait l’état de grossesse soit ne pouvait pas l’ignorer en raison de l’apparence. En revanche, si ce n’est pas le cas, pas d’aggravation, on reste au meurtre simple.
Faut-il en déduire la même chose pour toutes les autres circonstances aggravantes liées à la qualité de la victime ? Actuellement c’est le raisonnement des magistrats pour les meurtres de mineurs, la circonstance ne joue que sur la seule base de la constatation de la minorité.
On peut avoir une autre position : cette position résulte de l’analyse de ce qu’est une infraction aggravée. L’infraction aggravée peut être une infraction complexe dans laquelle on trouve les éléments constitutifs de l’infraction simple sur lesquelles viennent se greffer les circonstances aggravantes.
Cette idée est soutenue par certains auteurs : lorsqu’on poursuit une infraction aggravée, on poursuit pour un ensemble d’infractions. Elle n’a pas donné lieu pour l’instant à de la jurisprudence.
Si l’agent se trompe de victime : il a cru tuer une victime particulière et ce n’est pas cette victime qu’il a tué. Doit-on prendre en considération cet élément ? La seule intention de tuer une victime particulière ne permet pas la qualification. Le meurtre simple sera retenu sans la circonstance aggravante. Dans cette optique, il devrait être soutenu que l’agent n’est punissable que si il a eu la volonté de tuer un mineur de 15 ans.
Section 2 : Les violences
- Ce sont d’autres formes d’atteintes à l’intégrité corporelle et à la vie si violences mortelles. Ces violences sont des infractions tout à fait particulières. Nous allons parler de violences et le mot est ambigu parce qu’il a une double signification : il peut désigner un acte (l’acte de violence), mais il peut aussi désigner le dommage corporel de la victime c’est-à-dire le résultat.
- Le législateur va graduer les qualifications en fonction du résultat subi par la victime. Le dommage corporel va être un élément constitutif des infractions que l’on va étudier. Dans les infractions matérielles, il y a une sous catégorie qui sont les infractions de résultat qui dépendent de l’intensité du dommage subi par la victime.
- Le Code Pénal va distinguer entre deux types de violence :
- – les violences ordinaires
- – les violences particulièrement grave : soit par les moyens employés, soit par le résultat atteinte.
Regarde-t-on les violences en raison de l’acte commis ou du résultat obtenu ? Ce sont les articles 222-1 et suivants et 222-7 et suivants du Code pénal.
Sous-section 1 : les violences ordinaires
Les violences ordinaires se trouvent aux articles 222-7 et suivants. Les violences peuvent être des crimes, délits ou contraventions (majoritairement des délits).
Articles 222-7 et suivants du Code pénal. Le législateur les présentent dans un ordre de gravité. Dans les textes, on a toujours une infraction de base et après l’infraction aggravée. Ca se mélange.
- §1 – L’incrimination de la violence
Elle suppose d’étudier l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction.
I – L’élément matériel
A) La nature des actes de violence
- On peut les appréhender de deux façons : au regard de leur nature. Il y a dans le code un pluriel de violences, mais en réalité il concerne la pluralité de résultat possible. Mais lorsqu’on regarde l’acte, peu importe qu’il y ait un ou plusieurs actes, on peut poursuivre une personne pour un seul acte.
- C’est un acte positif, on est face à une infraction de commission, ce qui nous renvoie à l’affaire de la séquestrée de Poitiers. 20 novembre 1901 : homme qui séquestre sa jeune sœur handicapée dans sa cave. Cet individu est poursuivi à l’époque pour coups et blessures volontaires. La CA de Poitiers est confrontée à la chose suivante : cet homme n’a pas accompli d’actes positifs. La qualification n’est donc pas recevable, cela impose de relaxer la personne sous le chef de sa qualification. A l’époque il n’y a pas d’infraction correspondante.
- Ensuite, les violences supposent un acte physique qui peut être accompli soit directement soit indirectement (instrument). La jurisprudence considère que l’instrument peut être non animé ou animé (comme un chien).
- Peut-on admettre au titre des voies de fait, des actes certes accomplis avec une certaine matérialité mais qui n’avait pas eu pour effet un contrat sur la victime ? C’est ce que l’on appelle les violences psychologiques. Individu qui commet un acte pour impressionner une personne, lui faire peur. Il n’y a pas de contact physique, de voie de fait. La jurisprudence, dès 1892, va assimiler les violences dites psychologiques aux violences physiques. Ce sont des « violences qui sans atteindre matériellement la personne sont cependant de nature à provoquer une sérieuse émotion ».
- Le législateur s’est intéressé aux violences psychologiques puisqu’il a été introduit dans l’article 222-16 une agression psychologique qui est l’agression téléphonique sonore.
- L’acte reste physique mais c’est le résultat qui ne l’est pas.
- Le législateur dans une L9 juillet 2010 a introduit l’article 222-14-3. Ce texte est étrange car ou bien il s’agit de valider la jurisprudence évoquée, mais on peut interpréter le texte comme allant plus loin : finalement il y a une extension du périmètre des violences. Les violences psychologiques ne seraient pas seulement l’acte physique qui entrainerait le résultat psychologique, mais aussi l’acte purement psychologique.
- C’est d’autant plus ennuyeux qu’il existe d’autres qualifications qui semblent appréhender la situation de l’acte de violence purement psychologique (harcèlement moral).
B) Le résultat des violences
Il n’est pas précisé par les textes. Mais on devine qu’il faut d’abord une victime, et qu’il y ait une atteinte, physique ou psychologique.
- L’élément subjectif du résultat : la victime
Deux questions classiques : quelle victime et quel est l’effet du consentement de la victime ?
- La victime :
c’est une personne humaine et de ce point de vue là il y a une parenté entre le meurtre et la violence : cela porte toujours sur une personne humaine. Les violences ne s’appliquent pas aux animaux, cela relève d’autres qualifications. Pour que les violences soient caractérisées il faut qu’elles portent sur une personne, sans qu’elles soient déterminée. En effet, La question de la tentative de violences n’est pas concevable. On ne peut pas transposer la théorie issue de l’affaire Perdereau pour une raison technique et compréhensible. La tentative, pour être punissable, doit être incriminée en matière de délit, et elle est toujours punissable en matière de crime. C’est la qualification de l’infraction qui permet de déterminer si la tentative est punissable. Or, la qualification de la violence dépend de la consommation du résultat. Si le résultat est la mort, la qualification de violence est un crime. Si le résultat consommé est une ITT supérieure à 8 jours, la qualification des violences est un délit
Mais pour déterminer la peine, la qualité de la victime peut jouer (cela peut devenir une circonstance aggravante).
Il faut que la personne soit vivante. On ne trouve pas de violences sur un cadavre.
Évidemment se repose la question si on peut appliquer la théorie de l’infraction impossible. Ce n’est pas possible parce que la notion de tentative de violence n’existe pas. À ce moment là il faut se porter sur l’atteinte à l’intégrité du cadavre, envisagée par le Code Pénal (art. L225-17) ; c’est une infraction à part entière.
- La volonté de la victime :
la question qui se pose ici est de savoir si la volonté de la victime est ou non un élément constitutif de l’infraction. De ce point de vue là, cela revient à savoir si l’intérêt protégé par la loi pénale est un intérêt disponible ou indisponible. L’intérêt protégé est ici le corps. Lorsqu’on lit le texte, il n’est pas fait référence au consentement de la victime.
En sorte qu’on en déduit que le consentement, comme en matière de meurtre, est indifférent.
Le corps est pénalement protégé en tant qu’intérêt social, en tant qu’intérêt qui dépasse la victime. C’est la raison pour laquelle les auteurs d’actes sadomasochistes restent punissables alors même que la victime a accepté ces violences.
La question du droit pénal interne s’est déportée vers le droit pénal européen, les auteurs ont essayé de faire valoir que la pénalisation de leurs actes étaient une atteinte au respect de leur vie privée et familiale.
La Cour EDH a considéré dans l’arrêt du 19 février 1997 que la réglementation pénale est une restriction qui peut paraître nécessaire dans une société démocratique, nécessaire à la santé publique, la peine est proportionnée. On peut répéter ce raisonnement pour les violences pratiquées dans le cadre de pratiques religieuses, alors même qu’elles auraient été consenties par l’intéressé. Les seules justifications légales des violences sont des justifications fondées sur une justification thérapeutique.
Tout acte qui consiste à atteindre l’intégrité d’un Homme, sont des violences qui dans notre droit sont punissables, alors même qu’elles auraient été autorisées.
- L’élément objectif du résultat
Si on s’en tient à l’élément objectif du résultat, c’est-à-dire l’atteinte : l’atteinte à l’intégrité physique ou psychologique ; les violences sont des infractions matérielles ce qui signifie que dans leur constitution ces infractions supposent de caractériser une atteinte soit au corps, soit à l’esprit.
Toutefois, on peut se demander d’abord en quoi consiste l’atteinte, et on peut ensuite essayer de voir si l’atteinte n’a pas été caractérisée.
- → Sur l’infraction consommée
Il faut distinguer au sein de cette notion d’atteinte entre une approche abstraite et concrète. Une personne a pris un coup, on constate qu’il y a atteinte à son intégrité physique. C’est ce qu’en responsabilité civile on appelle le dommage, qui est l’atteinte à l’intérêt protégé par la loi (simple atteinte, pas mesuré dans son quantum).
Au minimum, les violences supposent une atteinte. C’est toujours vrai alors même que dans certains cas on pourrait avoir des hésitations, il y a deux cas :
1° Les violences dites légères : qui sont des violences contraventionnelles à l’article R624-1. Elles sont constituées alors même que la victime ne va avancer aucune incapacité de travail
- Finalement on pourrait croire qu’il n’y a pas de dommage, mais il y a un dommage parce qu’il y a atteinte, en revanche il y a un préjudice.
- Il y a bien une atteinte à l’intégrité physique, mais il n’y a pas de préjudice quantifiable si ce n’est un préjudice moral suite à cette atteinte.
- 2° Les violences dites psychologiques. Dans le cadre des violences psychologiques, la Cour de cassation emploie la formule suivante depuis les années 50 « la violence est caractérisée
- suffisamment par un geste ou une attitude de nature à impressionner une personne raisonnable ». Cette formule peut poser question car on a l’impression que par la même la
- Cour de cassation transforme les violences en infractions formelles.
- Cette façon de raisonner n’est pas tout à fait exact, en fait ce que fait la Cour de cassation c’est qu’elle pose une sorte de présomption : elle présume qu’un acte qui est de nature à
- impressionner une personne raisonnable a donc dû impressionner la victime en l’espèce.
- C’est une présomption fondée sur la nature de l’acte et qui peut tout à fait être renversée par les évènements en cause et la qualité de la victime. 27 octobre 1999 : la Cour de cassation a
- admis à propos d’une victime qui était un préfet que les violences psychologiques n’étaient pas caractérisées. Une personne avait fait
- paraître une fausse annonce de décès du préfet
- en lui souhaitant un repos éternel. La Cour de cassation a constaté que la parution de cette annonce n’a pu impressionner la victime et provoquer un
- choc ou un trouble psychologique. La
- Cour de cassation demandait de vérifier à la CA que le préfet avait bien eu connaissance de l’annonce et s’il avait bel et bien été atteint dans son
- intégrité psychologique.
Ce dommage est tel qu’il est objectivement constaté par les juges du fond. La quantification du préjudice est un élément de qualification de l’infraction. Il faut quantifier le préjudice pour qualifier l’infraction. C’est pour ça que l’on parle des violences en tant qu’infraction de résultat. Le Code pénal distingue trois grandes catégories de violences :
La loi distingue entre plusieurs degrés de préjudice :
- soit la victime n’a pas subi de préjudice corporel, il n’y a pas d’incapacité temporaire de travail
- soit la victime avance une ITT < 8 jours : violences contraventionnelles, partie réglementaire du Code : articles R.624-1 et R.625-1 du Code Pénal.
- soit la victime avance une ITT > 8 jours : violences délictuelles. Prévues dans la partie législative du Code Pénal : article 222-11 du Code Pénal.
- Les violences criminelles : c’est un résultat mortel (article 222-7 du Code Pénal) ou une infirmité ou une mutilation permanente commise sur une victime particulière (article 222-10 du Code Pénal). Attention : la mutilation ou l’infirmité permanente commise sur une personne non visée par le législateur dans l’article 222-10 du Code pénal n’est qu’un délit.
Les juges du fond sont obligés de quantifier le préjudice pour appliquer le texte. Ils vont le faire sur la base de certificats médicaux. Il faut d’ailleurs ici ne pas confondre l’arrêt de travail et l’incapacité de travail.
L’incapacité de travail est le temps nécessaire à la consolidation des blessures. Pour que les coups se résorbent complètement, il va falloir tant de jours. Ce que dit le Code Pénal est que l’on va qualifier le préjudice et donc l’infraction en fonction de l’ITT.
Ce préjudice va être constaté dans le jugement et c’est un préjudice qui est constaté de manière définitive avec cependant une question qui est celle de l’évolution possible du préjudice pendant la procédure pénale. Un individu victime de violence, la procédure pénale se déclenche, mais durant ce temps le préjudice s’aggrave.
C’est le préjudice définitif qui va fixer la qualification.
Dans les violences, il y a au minimum une atteinte à l’intégrité physique, mais après il faut quantifier le préjudice pour qualifier l’infraction.
Au delà de cette constatation, deux difficultés peuvent se poser en pratique :
- L’impossibilité de constater le préjudice définitif parce qu’un fait extérieur, une cause étrangère, modifie la situation juridique de la victime. Ex : une victime a été agressée, quelques temps après son agression, et avant que les médecins n’aient pus terminer leur expertise (deux temps : voir les blessures puis voir le temps de consolidation), la victime a subit un accident de la circulation dans lequel elle a été soit tuée soit gravement blessée, en sorte que les blessures de l’agression soient absorbées dans l’accident. Il y a impossibilité de qualifier le préjudice de la victime, ce qui pose la difficulté de qualifier l’infraction applicable à l’auteur. Dans ce cas, la Cour de cassation a admis parfois que l’on raisonne de manière prospective, en admettant que les médecins se prononcent sur la base de ce qu’aurait pu être l’incapacité au regard des coups portés. Ex : Crim., 4 février 1965 : une victime est décédée moins de 8 jours après les violences pour des raisons extérieures. La Cour de cassation admet que les juges du fond peuvent malgré tout condamner l’auteur des violences au titre des violences ayant entrainé une ITT de plus de 8 jours, parce que les médecins avaient conclus, au titre de la première expertise, que les blessures supposaient un repos de 3 semaines. Ca a permis de qualifier l’infraction.
- Particularité physique de la victime. Pour constater le préjudice, il faut tenir compte des particularités de la victime. Faut-il, pour qualifier l’infraction, tenir compte de la vulnérabilité de la victime, ou au contraire de sa supériorité physique ? La réponse est positive. Ce qui compte, c’est le préjudice concrètement subis par la victime, indépendamment de la nature de l’acte de violence. Le juge ne raisonne pas par rapport à la nature de l’acte mais par rapport à l’importance du préjudice. Un petit acte peut produire de grandes conséquences si la victime est vulnérable.
Les violences sont donc des infractions de résultat, le résultat permet la qualification, ce résultat est le résultat en tant que préjudice constaté par expertises médicales.
- → Sur l’infraction tentée
Ici il n’y a pas eu d’atteinte. Il y a une première qu’il faut écarter qui est celle de la tentative de violence. Le Code Pénal ne prévoit pas la tentative de violence et on est devant une impasse conceptuelle, parce que si le Code ne prévoit pas d’incriminer la tentative, cela veut dire que la tentative ne peut être concevable qu’en matière de crime (il faut que le législateur prévoit expressément la tentative en matière de délits).
Pour qualifier une violence de crime, il faut qualifier un préjudice. Il n’y a que deux cas où la violence devient criminelle :
- lorsque les violences entrainent la mort sans volonté de la donner, article 222-7
- lorsque les violences ont entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, lorsque commis sur certaines victimes énoncées par le Code.
Donc pour qualifier de crime, il faut qualifier le résultat. On ne peut donc pas envisager de tentatives de violences.
Cela étant, est-ce que malgré tout on ne peut pas envisager une forme de punition de ceux qui préparent ou commencent à exécuter des violences sans recourir à la théorie de la tentative ?
La première est de raisonner sur une tentative de meurtre. Il se peut que la personne ait commis volontairement des violences pour commettre un meurtre. Il se peut que cette personne soit arrêté : on n’est pas sur une période de tentative de violences criminelles, mais sur une tentative de meurtre. Il y a une ressemblance des actes, mais l’acte d’homicide embrasse différents types d’actes, y compris les violences.
La deuxième situation est l’incrimination directe d’un acte préparatoire de violence. C’est une des évolutions récentes du droit positif, dont on peut ou non se féliciter. Il y a un clivage politique incontestable. Dans cette logique on a instauré une disposition dans le Code Pénal à l’article 222-14-2 de la L2010 : incrimination de bandes violentes. Cela incrimine l’acte préparatoire de violences. Est incriminé le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de destruction ou de dégradation de biens. Ce fait est puni d’un an d’emprisonnement et de 15k euros d’amende. C’est un texte qui a passé le cap du contrôle de constitutionnalité, d’une manière discutable.
Ce qui est intéressant dans la rédaction de ce texte c’est que d’abord le législateur vise un groupement (au moins deux personnes) et ce qu’il incrimine c’est la participation à ce groupement. Ensuite, il vise des faits matériels mais des faits matériels qui caractérisent la préparation d’actes de violences. C’est le fait de participer à l’acte préparatoire qui est incriminé. Il n’y a aucune jurisprudence sur ce texte depuis 3 ans (du moins qui soit remontée jusqu’à la Cour de Cassation).
Il faut donc un fait matériel qui caractérise la préparation d’actes de violences ou de dégradation de biens. Il y a des faits matériels facilement identifiables comme le fait de détenir une arme, si le texte était absent il n’y aurait pas de GAV.
C’est un texte qui permet aux agents de police judiciaire de placer en GAV des personnes dont ils pressentent qu’ils vont commettre des actes de violences. Ici il n’y a pas besoin de qualifier ces actes.
- Le lien de causalité s’agissant des violences
S’agissant du lien de causalité, le principe en droit pénal est que la causalité doit être certaine, sans qu’elle soit selon la jurisprudence classique immédiate ou directe.
Il est possible que dans une affaire, plusieurs causes de préjudices soient identifiables mais dès lors que l’acte de violence accompli par l’auteur est une des causes de ce préjudice définitivement constaté, alors l’auteur répond de l’entier préjudice et non de la qualification.
Le coup et la particularité de la victime peuvent être deux causes. Malgré tout, il faudra répondre de la qualification qui va découler de la quantification du préjudice. On ne prend pas en compte la prédisposition de la victime.
On applique la théorie d’équivalence des conditions : sans le coup le dommage ne serait pas intervenu. Il faut répondre de l’entier dommage, sans diviser la causalité avec d’autres éléments.
Cela ne veut pas dire que la question de la causalité ne se pose jamais : s’il y a une cause étrangère qui absorbe la totalité de la causalité, on peut imaginer une exonération pénale.
Un coup à une personne mais cette personne décède ensuite à la suite d’une erreur médicale grossière. Cela risque d’absorber la causalité, et c’est le médecin qui sera poursuivi.
On peut appliquer ici la théorie de la scène unique de violence : plusieurs personnes ont porté des coups à un individu, il n’y a pas à découper entre chaque participant. Chacun répond du préjudice total résultant des coups.
C’est important car cela veut dire que lorsqu’on participe à des violences de groupe, on ne pourra pas se défendre en avançant un coup unique. Tout le monde répond des préjudices qui vont définir la qualification pénale.
II – L’élément moral
Les infractions de violences sont des infractions intentionnelles, même si le législateur n’a pas précisé pour chaque infraction l’élément moral. Mais en vertu du droit commun, article 121-3, les violences sont des infractions intentionnelles.
Ce qui pose difficulté cependant, c’est de définir cette intention avec précision. En DPG, ce que l’on appelle le dol général c’est la volonté des actes décrits dans le texte d’incrimination. Puisque les violences sont des infractions matérielles (actes + résultat qui est une atteinte à l’intégrité physique au moins), la volonté est donc de commettre ces actes dans le but d’une atteinte.
Dans une analyse intellectuelle, on peut dire que l’élément moral de violence est de commettre l’acte de violence doublé de la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui.
Mais les choses ne sont peut être pas aussi simple que l’analyse intellectuelle peut laisser croire.
- a) La volonté de l’acte de violence
Cette première composante ne fait aucun doute, on ne peut pas parler de violence au sens du législateur, s’il n’y a pas au moins l’acte de violence. À chaque fois que l’individu poursuivi n’aura pas eu la volonté de commettre l’acte de violence, il aura été par exemple simplement négligent, on ne pourra pas envisager une poursuite pour violences volontaires, mais vers les autres qualifications qui sont les violences involontaires.
On a ici un élément qui ne fait aucun doute : pour parler de violences volontaires il faut au minimum un acte de violence volontaire.
- b) L’atteinte à l’intégrité physique
Ici, les choses peuvent paraître plus compliquées car la jurisprudence emploie une formule qui peut faire l’objet d’interprétation variable depuis les années 50 (1958) l’infraction est constituée dès lors qu’il « existe un acte volontaire de violence, quel que soit le mobile qu’il l’est inspiré et alors même que son auteur n’aurait pas voulu causer le dommage qui en résulte ».
La Cour de cassation nous dit que le mobile est indifférent. Cette indifférence du mobile n’est finalement qu’une application du droit pénal général, sauf si le législateur l’a prévu (on parle de dol spécial), le mobile n’est pas une composante de la qualification pénale, de l’élément moral.
Au titre de la justification, par des buts légitimes on peut évoquer la légitime défense qui neutralise l’infraction dans ses éléments justificatifs.
C’est la fin de la définition qui pose difficultés parce que certains destinataires de la solution, dont la doctrine, n’ont pas toujours compris la solution avec la rigueur nécessaire. La Cour de cassation nous dit que l’intention requise dans les violences ne suppose pas la volonté de causer un dommage déterminé.
En d’autres termes, il suffit de constater que l’auteur avait la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui mais en revanche il n’est pas nécessaire de constater que l’auteur recherchait un préjudice particulier.
Au titre du résultat, il faut distinguer l’atteinte abstraite et le préjudice concret. Au stade de l’élément moral on nous dit que l’élément requis est la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique et non pas de causer un préjudice particulier. On peut punir une personne alors même que le préjudice a dépassé ses prévisions.
On parle de dol indéterminé : on ne recherche pas un préjudice particulier. La loi exige uniquement que l’agent ait eu la volonté du dommage abstrait à savoir la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique.
La difficulté est que parfois la Cour de cassation a été un peu plus loin : elle a semblée se contenter au titre de l’élément moral des violences d’un simple acte volontaire de violence ; sans caractériser (ou sans exiger des juges du fond) une volonté de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui.
Les violences commises sur les choses qui portaient atteinte à l’intégrité physique d’autrui. Individu qui à la suite d’une altercation verbale dans un bar, claque la porte violemment, la porte vitrée explose et des bris de verre vont venir blesser des personnes à proximité.
Pour faire le choix de la bonne qualification au titre de l’élément matériel : il y a bien un acte de violence qui a été la cause d’un résultat identifiable qu’il faudra quantifier pour chaque personne pour qualifier l’infraction. Il y a bien un acte volontaire de violence, mais il n’a pas envisagé un seul instant de porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui. Dans ce type de situation il faudrait poursuivre sur le fondement de violences involontaires, parce que certes il y a la volonté d’un acte mais pas de porter atteinte à l’intégrité d’autrui.
La Cour de cassation va valider les condamnations pour violences volontaires. Dans l’esprit des juges du fond, l’agent a eu la volonté de commettre l’acte et il aurait dû prévoir que cette acte pouvait avoir des conséquences sur l’intégrité physique d’autrui. On lui reproche de ne pas avoir été assez prudent. On reproche à l’individu son imprudence. En réalité, on finit par présumer qu’il a eu nécessairement conscience de cet événement parce que l’acte était nécessairement dangereux.
D’un point de vue juridique ce n’est pas totalement exacte et brouille ce qui peut être poursuivi pour violences intentionnelles et les violences non intentionnelles. Il peut y avoir, si on suit cette jurisprudence, un flottement/zone d’ombre entre des violences mortelles et l’homicide involontaire.
1- Les violences mortelles : atteindre autrui sans intention de donner la mort. Cela suppose un acte de violence qui entraine la mort d’autrui. L’élément moral est l’intention de commettre un acte en ayant conscience que cet acte peut causer un préjudice corporel. Il y a bien une double volonté.
2- L’homicide involontaire a priori peut être un acte volontaire ou involontaire mais ne se double pas d’une intention de tuer. La différence entre ces deux infractions : la violence mortelle suppose l’intention d’atteindre autrui. Mais avec la jurisprudence évoquée, il peut y avoir confusion. Si l’élément moral des violences est la simple volonté d’un acte, il peut y avoir confusion entre les deux infractions.
- §2 : La répression des violences
Elle est source de deux types de difficultés. La première difficulté est celle de l’existence d’un fait justificatif : l’infraction est neutralisée. La seconde difficulté : quelle est la peine applicable ?
A) La neutralisation par des faits justificatifs
En matière de violences, la question de la justification est intéressante lorsqu’on évoque le fait justificatif de l’autorisation de la loi ou de la coutume. Deux types de violences sont autorisées soit par la loi soit par la coutume.
- L’autorisation par la loi
Par la loi, on trouve au moins deux exemples d’autorisation de violences :
- L’arrestation de l’auteur d’un crime ou délit par toute personne est possible pour remettre l’individu aux forces de police : article 73 du Code de Procédure Pénale. Dans ce cas, il se peut que des violences soient commises sur le présumé délinquant, ne serait-ce pour le neutraliser. Une jurisprudence s’est développée sur le fait de savoir quelle était l’ampleur de la justification : il faut que les violences soient nécessaires à l’immobilisation du délinquant. Ca ne justifie pas des violences gratuites ou une séquestration arbitraire.
- Les violences justifiées par un acte thérapeutique. C’est la nécessité médicale qui justifie les violences. Cette autorisation de la loi est autant prévue par le Code civil On peut citer l’article 16-3 du C.Civ qui envisagent l’atteinte à l’intégrité physique d’autrui justifiée par la nécessité médiale mais avec la condition du consentement éclairé du patient.
- L’autorisation par la coutume ou l’usage
Par la coutume, c’est-à-dire par les usages : plusieurs faits de société peuvent être évoqués.
- L’usage sportif : situation de sports dans lesquels des violences sont admises par autorisation de la loi ou de la coutume. Il suffit de se référer à la réglementation sportive dans la matière. Il faut constater qu’il y a eu violation anormale des règles du jeu pour engager la responsabilité pénale et / ou la responsabilité civile. Il faut que l’on se situe en dehors du cadre de l’autorisation de l’usage. Ex : match de rugby des coups sont portés lors d’une bagarre générale, ce n’est pas prévu par les règles du jeu. On est hors du jeu, donc les participants peuvent êtres poursuivis pour violence. Mais les coups portés lors d’un placage sont autorisés par l’usage, ça neutralise les poursuites pour violences.
- L’usage éducatif / parental : la question est plus complexe : gifle, fessée. Il s’agit d’une question fonction des moeurs et de l’évolution de la psychologie. Mais du point de vue de la jurisprudence, lorsque des poursuites sont engagées contre des parents pour violence en réunion commise sur leurs enfants, les juges du fond admettent des condamnations qui sont fondées sur le critère de la proportionnalité. Il est évident que certains actes ne sont pas conformes à la fonction parentale. Ex : Crim., 21 février 1990 : fait de plonger la tête d’un enfant pendant plusieurs minutes dans la cuvette des WC. Le principe même d’un acte de violence commis sur un enfant est un acte qui est justifié par l’autorisation de l’usage voir de la loi, car le droit de correction peut apparaître comme étant un élément de l’autorité parentale. Sont condamnés les violences qui par leur nature et leurs conséquences dépassent les limites du droit de correction.
- L’usage corporatiste : bizutage. S. Royal : article 226-16-1 du Code Pénal : sur le bizutage, ne sert à rien. Il n’a jamais fait de doute que les auteurs d’un bizutage pouvaient être condamnés pour violences lorsque les actes dépassent la mesure, méritent cette qualification.
B) Les sanctions (donc les qualifications)
Les sanctions des violences dépendent de la qualification. Il faut distinguer suivant que l’on se situe face à une infraction principale (de base, simple), ou une infraction aggravée.
- 1) L’infraction simple
C’est la gravité du préjudice qui qualifie l’infraction et donc la peine.
- Violences légères :
- – La violence n’introduit aucune ITT : contravention de 4e classe, prévue par l’article R.624-1 du Code Pénal. On renvoie à un texte qui se trouve dans le livre I, qui définit une liste des contraventions avec des peines d’amende correspondantes : article 131-13 du Code Pénal. Contravention de 4e classe : 750€ d’amende.
- – L’ITT est inférieure à 8 jours : contravention de 5e classe, prévue à l’article R.625-1 du Code Pénal. Contravention de 5e classe : 1500€ d’amende (article 131-13 du Code Pénal), avec un doublement en cas de récidive.
- Violence délictuelle : deux hypothèses
- – Le résultat est une ITT supérieure à 8 jours : article 222-11 du Code Pénal : 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.
- – La mutilation ou l’infirmité permanente : article 222-9 du Code Pénal : 10 ans et 150 000€. Ex : couper une oreille, ou ablation du clitoris (religieux mais ne peut pas s’apparenter à une autorisation de la loi française).
- Violences criminelles :
- – Violences mortelles : article 222-7 du Code pénal : 15 ans de réclusion criminelle.
Possible d’avoir des peines complémentaires : articles 222-44 -45 -47 -48 du Code Pénal.
- 2) Les infractions aggravées
On part du plus grave. On peut raisonner d’abord sur la circonstance aggravante elle-même puis évoquer le quantum.
Les circonstances aggravantes : articles 222-8 -10 -12 -13 du Code Pénal. Dans tous ces textes, on retrouve les trois types de circonstances aggravantes suivantes :
— Tenant à la qualité de la victime : particulière vulnérabilité, minorité de 15 ans.
— Tenant à la qualité de l’auteur : conjoint, ascendant.
— Tenant aux circonstances des violences : préméditation, l’habitude des violences, commises aux abords d’un établissement scolaire, usage d’une arme.
Quel est le quantum de l’aggravation ? De combien va-t-on pouvoir aggraver ? Il faut distinguer 4 niveaux, en raisonnant sur l’infraction de base.
- 1- L’infraction de base prévoyait une ITT de moins de 8 jours ou une absence d’ITT (contravention). La circonstance aggravante transforme la qualification : la violence légère devient une violence délictuelle, punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende. Aggravation prévue par l’article 222-13 du Code Pénal. Ex : individu commun un acte de violence sur un mineur de 15 ans, entrainant une incapacité de moins de 8 jours. On passe de contravention à délit.
2- L’infraction de base correspond à une ITT supérieure à 8 jours. En principe, le texte de base est l’article 222-11 du Code Pénal : 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende. On aggrave au regard de l’article 222-12 du Code Pénal.
si les violences sont exercées sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité. En raison de la qualité de la victime et la qualité de
l’auteur, on sur-aggrave. C’est également le cas lorsque deux circonstances aggravantes sont effectuées : 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende.
– Peine de 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende si on a 3 circonstances aggravantes effectuées.
– « 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € pour trois circonstances aggravantes réunies mais également lorsque les violences sont exercées par des ascendants ou des personnes ayant autorité, sur un mineur.
- 3- L’infraction de base est une mutilation ou une infirmité permanente. L’aggravation est à l’article 222-10 du Code Pénal. Il y a un changement de qualification. En principe, des violences entrainant une mutilation ou une infirmité permanente sont des violences délictuelles qui deviennent des violences criminelles dans le cas prévu par l’article 222-10 du Code Pénal : peine de 15 ans de réclusion criminelle. Sur-aggravation : 20 ans de réclusion criminelle lorsque ces violences sont commises sur un mineur par un ascendant ou une personne ayant autorité.
- 4- L’infraction de base est la mort sans intention de la donner : article 222-7 du Code Pénal. En principe, 15 ans de réclusion criminelle, mais l’article 222-8 du Code Pénal prévoit des causes d’aggravation qui permettent de porter à 20 ans. Sur-aggravation : 30 ans de réclusion criminelle lorsque les violences mortelles sont commises sur un mineur par un ascendant.
Sous-section 2 : Les violences particulières
Elles sont qualifiées de particulières. Il y a des violences particulières physiques et d’autres psychologiques.
- §1 : Les violences physiques particulières.
I – Les actes de torture et de barbarie
On les retrouve aux articles 222-1 et suivants du Code pénal. Ces textes d’incrimination méritent une remarque quant à la norme elle-même.
A) La norme d’incrimination
Il faut avoir a l’esprit que la notion d’acte de tortures et de barbaries peut être appréhender de deux manières dans le Code Pénal. Il est possible que la norme consacre une infraction autonome ou une circonstance aggravante.
- 1) L’acte de barbarie en tant qu’infraction autonome
Article 222-1 du Code Pénal : consacre une infraction autonome définie comme le fait de soumettre une personne à des tortures ou des actes de barbarie. Cet acte est puni de 15 ans de réclusion criminelle, c’est donc un crime. Cette infraction autonome est distincte des violences évoquées aux articles 222-7 et suivants du Code Pénal. Son autonomie s’explique par la volonté du législateur français de concrétiser un interdit absolu que l’on retrouve dans les conventions internationales : l’interdiction de la torture, prohibée de manière absolue dans plusieurs conventions :
— Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants : 1987.
— Convention contre la torture et les traitements inhumains et dégradants
— Article 4 de la Conv.EDH : « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ». Ce principe trouve son prolongement concret dans l’article 222-1 du Code Pénal. Le législateur se conforme à ses engagements internationaux.
Cette infraction, bien que qualifiée d’autonome, se rapproche fortement des infractions de violences avec lesquelles elle peut entretenir une proche parenté, elle peut se confondre avec. On peut s’interroger sur des questions de concours.
- 2) L’acte de barbarie en tant que circonstance aggravante d’autres infractions
Certaines infractions sont aggravées par la commission d’actes de torture et de barbarie. Ex : viol : article 222-26 du Code Pénal pour la circonstance aggravante, agression sexuelle : article 222-3, du meurtre : article 222-1, séquestration : 222-4 et 7, proxénétisme : 222-5, vol : 311-10, extorsion : 312-7. Dans ce cas, nous sommes face à une infraction de base qui est aggravée par la commission d’un acte de torture et de barbarie. Ex : le viol accompagné d’actes de torture. On retient ici la qualification de viol aggravée et non pas d’acte de torture. On ne retient pas deux infractions distinctes. On retient une seule infraction, celle de viol aggravée, car le législateur a spécialement prévue cette circonstance aggravante, la peine prévue est celle qui regroupe les deux infractions.
B) Les éléments constitutifs
- L’élément matériel
A la lecture du texte, l’infraction est vague. Le législateur vise le fait de soumettre une personne à une torture ou des actes de barbarie. Le législateur ne dit pas ce que c’est. La Cour de cassation n’a jamais véritablement donné de ligne directrice, en précisant que la détermination de ces actes est abandonnée à la lumière des jurés (Crime → Cour d’assises compétente donc avec un juré d’assises). On peut essayer d’identifier l’acte, c’est-à-dire la violence, et le résultat, c’est-à-dire l’atteinte à l’intégrité corporelle, en constatant que la violence d’un côté et le résultat d’un autre côté sont par définition graves. C’est le critère de la gravité qui va permettre de qualifier.
a) L’acte de violence
C’est une super-violence. C’est un acte de violence particulièrement grave, manifestant une cruauté particulière. La torture suppose un supplice physique voir moral, la barbarie s’analyse comme une attitude cruelle et féroce. C’est la gravité. La formule torture et acte de barbarie est employée de manière unitaire. C’est un vocabulaire que l’on emploi de manière unique. La jurisprudence des juges du fond peut utiliser la formule d’acte de gravité exceptionnelle qui dépasse de simples violences. Ex : fait de taillader le visage est qualifié d’acte de torture, à noté qu’elle était aussi taillader sur les bras et roués de coups de poings auparavant. Ex : Crim., 3 novembre 1975 : fat de ligoter une personne pour la rouer de coups de points et lui introduire un objet dans le sexe. Ex : fait d’avoir, au cours d’une séance de désenvoûtement, flagellé les pieds de la victime, lui avoir enfoncé une serviette dans la bouche, lui plonger la tête dans une bassine d’eau, lui faire avaler beaucoup d’eau salé. C’est donc la gravité de l’acte qui manifeste l’acte de torture et de barbarie. C’est un acte physique dont il s’agit.
b) Le résultat
On peut l’étudier en tant que résultat consommé et se demander si la tentative est punissable.
- L’infraction consommée
L’acte de torture et de barbarie suppose une atteinte à l’intégrité corporelle qui manifeste une certaine gravité au regard de la douleur subie par la victime. Il ne suffit pas d’avancer un préjudice corporel, il faut un préjudice d’une intensité particulière. Ex : infection cutanée superficielle provoquée par l’introduction d’un bâton dans l’anus de la personne : on a pas retenu la qualification d’acte de torture et de barbarie.
Les conséquences du dommage sont appréciées au regard de la victime : appréciation in concreto. On prend en compte la vulnérabilité de la victime, son âge, son sexe, son état de santé.
La question pose difficulté lorsqu’on se demande si la qualification d’acte de torture et de barbarie est qualifiable s’agissant de la pratique du sadomasochisme. Les adeptes de ce principe sont consentant, mais avance un plaisir sexuel dans les actes pratiqués. Il y a semble-t-il contradiction puisque d’un côté l’infraction d’acte de torture et de barbarie suppose de constater une souffrance aiguë chez la victime, d’un autre côté la victime à un plaisir sexuel en pratiquant. Ces deux éléments ne sont pas compatibles. Il semble donc que l’élément de qualification fasse défaut ici. On doit admettre que la seule qualification envisageable est celle de violence ordinaire. On appliquera donc l’infraction de violence ordinaire au regard du préjudice corporel subit par la victime. De plus, le texte vise de soumettre une personne à un acte de torture et de barbarie. Mais dans cette pratique la victime se soumet volontairement, elle n’est pas soumise par l’auteur. La qualification est donc ici difficile à admettre.
- L’infraction tentée
L’acte de torture et de barbarie est un crime, la tentative est donc punissable. Il faut donc qualifier un commencement d’exécution, en observant que l’acte doit être suffisamment parlant, grave pour présenter le potentiel causal exigé par le texte, qui est la possibilité d’une souffrance particulièrement aiguë de la victime.
- L’élément moral
Il s’agit ici d’un crime. L’acte de torture et de barbarie est une infraction intentionnelle, c’est confirmé par le texte par le terme « soumettre ». L’agent doit avoir eu la volonté, d’une part, d’accomplir un acte de violence grave et, d’autre part, d’atteindre l’intégrité corporelle de la victime afin de la faire souffrir. C’est donc une intention plus précise, ce n’est pas véritablement un dol spécial : l’intention de faire souffrir la victime, d’obtenir une souffrance ou une douleur aiguë, cette intention est suffisante.
Peu importe les mobiles de l’auteur, la qualification peut être retenue, avec toute fois une réserve, celle où les actes sont commis dans un but religieux. Ex : excision. On peut se demander ici si l’auteur n’agit pas pour satisfaire une coutume ancestrale que pour faire souffrir la victime. Dans ce cas là, la volonté d’atteindre le résultat particulier ne semble pas être établie, en sorte qu’on admet que la qualification la plus adéquate dans cette hypothèse est celle de violence ordinaire. Dans ce cas, il n’y a pas autorisation de la coutume car elle ne correspond pas aux moeurs françaises. A part cette réserve, les mobiles sont indifférents. Ex : personne qui se livre à des actes de torture et de barbarie pour extorquer de l’argent à une victime. Ce but particulier n’empêche pas de constater l’existence d’un acte de torture et de barbarie. Ex : la volonté de faire sortir le démon de la victime n’a pas été accepté comme mobile permettant d’éviter la répression.
C) La répression de ces actes
Il existe des particularités de procédure, qui tiennent à la compétence et au débat d’assises.
- En vertu du principe de compétence universel qui est posée par la convention de l’ONU et intégrée à l’article 689-1 du Code Pénal, les juridictions françaises sont aptes à juger les actes de torture et de barbarie commis par des auteurs qui se trouvent en France alors même qu’ils n’ont pas la nationalité française et qu’ils n’ont pas commis leurs actes en France.
- Le débat d’assises, le huit clos, peut être exigé par la victime.
S’agissant des peines : les peines applicables sont des peines criminelles avec 4 degrés :
- Peine de base : 15 ans de réclusion criminelle. Mais le Code prévoit des hypothèses d’aggravation.
- 20 ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est commise dans un des cas prévus par l’article 222-3 du CP, comme la minorité de la personne.
- 30 ans de réclusion criminelle : articles 222-4 et 222-5 du Code Pénal. Le premier vise notamment l’habitude. Le second vise lorsque l’infraction a eu pour effet une mutilation ou une infirmité permanente.
- Réclusion criminelle à perpétuité : article 222-2 du Code Pénal. Lorsqu’ils précèdent, accompagnent ou suivent un crime autre que le meurtre et le viol. Car lorsqu’il y a meurtre ou viol et acte de torture et de barbarie, on s’appuie sur la qualification de meurtre aggravé ou de viol aggravé.
- On trouve une hypothèse intéressante à l’article 222-6 du Code Pénal : réclusion criminelle à perpétuité, lorsque ces actes ont entrainé la mort de la victime sans intention de la donner. L’intention est bien dirigée vers un résultat (souffrance et préjudice corporel) mais pas vers la mort donc on est pas dans le meurtre.
II – L’administration de substances nuisibles
A) La norme
L’administration de substances nuisibles est une infraction prévue à l’article 222-15 du Code Pénal. La norme d’incrimination est une norme qui procède par renvoi. Le législateur vise un comportement particulier, mais il renvoi ensuite aux distinctions évoquées dans le cadre des violences dites ordinaires. Il y aura des administrations de substances nuisibles de nature délictuelle et des administrations de substances nuisibles de nature criminelle, en fonction du résultat constaté sur la victime. Cette qualification est particulière, pas par le résultat, mais par rapport aux moyens employés. C’est le moyen employé qui justifie l’incrimination. On peut se demander à quoi ça sert. La notion de violence est devenue si large, compréhensive qu’on peut se demander si elle n’absorbe pas ce moyen particulier. On peut se demander quel est l’intérêt de cette qualification. Curieusement, la Cour de cassation s’est saisie de cette qualification pour résoudre un problème de société ennuyeux. Elle l’a utilisé de manière inapproprié pour résoudre ce problème.
B) Les éléments constitutifs
- L’élément matériel
Il suppose une analyse à la fois d’abord de ce que l’on peut appeler l’objet de l’administration, la substance nuisible, ensuite l’acte d’administration, enfin, le résultat.
a) L’objet de l’administration : la substance nuisible
L’objet de l’administration est la substance nuisible. Le terme de substance est employé à deux endroits dans le Code : substance nuisible (article 222-15 du Code Pénal) et substance de nature à donner la mort dans le crime d’empoisonnement (article 221-5 du Code Pénal). Le critère de distinction est la capacité du produit à produire soit une nuisance corporelle, soit la mort. Quand on parle de la capacité du produit, on vise un pouvoir causal abstrait. Ex : Le cyanure est un produit qui a un pouvoir causal abstrait de donner la mort. En revanche, un champignon non qualifié de mortel a un pouvoir abstrait de rendre malade la personne, donc de nuire à l’intégrité physique de la personne. Par conséquent, lorsqu’on veut qualifier cette substance, on regarde le pouvoir causal abstrait que peut avoir cette substance.
Cette opération intellectuelle doit être distinguée d’une seconde opération intellectuelle qui est la causalité concrète de la substance. On peut donc distinguer la causalité abstraite et la causalité concrète. Ex : si on administre à une personne une substance abstraitement inoffensive, mais que cette personne décède. Deux opérations intellectuelles sont différentes : qualifier la nature de la substance et préciser que la substance a causé un résultat particulier, la mort. Lorsque l’on raisonne sur le caractère nuisible ou mortel d’une substance, on raisonne indépendamment du résultat qu’il y a eu sur la victime : appréciation in abstracto. Ca ne veut pas dire pour autant que l’on ne tient pas compte de facteurs circonstanciels. Ex : on tient compte du dosage du produit et des circonstance de son administration pour en conclure à son pouvoir nuisible. Il se peut qu’un produit soit, a priori, inoffensif, mais que son dosage le rende nuisible, cela indépendamment du résultat produit sur la victime.
A partir de cette constatation, on peut douter de la position de la Cour de cassation pour résoudre du problème de la contamination dite volontaire de personnes atteintes du VIH, par relation sexuelle. La personne se sait atteinte du virus et a des relations sexuelles non protégées sans en avertir son partenaire. La poursuite pour empoisonnement n’aboutit pas, au regard de la jurisprudence de la CC° actuelle, donc la qualification retenue est celle d’administration de substances nuisibles ayant causé une mutilation ou une infirmité permanente : Crim., 10 janvier 2006. Mais jusqu’à preuve du contraire, le virus présente un caractère mortel. Donc on ne peut pas dire que c’est une substance seulement nuisible. Il y a donc une erreur de qualification. Cette qualification revient à nier l’évidence scientifique. Au delà de la notion de substance, le texte vise également l’acte d’administration.
b) L’acte d’administration
C’est un acte de commission, pas d’omission (le terme l’exclus en lui-même). Administration par tout moyen : boisson, gaz, piqure ou relation sexuelle (la Cour de cassation l’admet). Pour l’empoisonnement, c’est le même terme qui est employé mais le texte vise également l’emploi. S’agissant de l’empoisonnement, il est admis que l’on peut administrer soit directement (donner des comprimés à la victime) ou indirectement, c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un tiers qui peut être soit de bonne ou de mauvaise foi. Lorsque le tiers est de bonne foi, il ne sait pas qu’il administre une substance nuisible, celui qui administre le produit directement est le tiers de bonne foi, mais comme il est de bonne foi, du point de vue de l’élément moral l’intention fait défaut. Par défaut, celui qui a remis la chose peut-il être poursuivis pour administration de substance nuisible ? Oui, en tant qu’auteur d’un acte d’administration par l’intermédiaire. On ne poursuit pas pour complicité mais sur le fondement de l’auteur d’un acte d’administration.
c) Le résultat
Nous sommes face à une infraction de résultat. Elle suppose l’existence d’un préjudice, moral ou corporel, préjudice qui va permettre la qualification de l’infraction. Mais il faut constater un dommage corporel ou psychologique, plus précisément un préjudice pour que l’infraction soit consommé.
- L’élément moral de l’infraction
A priori, ça ne pose pas de difficulté. On est face à une infraction dont la qualification varie en fonction du résultat atteint, donc ça peut être un crime ou un délit. Par contre, le renvoi ne vise pas les contraventions. Donc l’administration de substances nuisibles ayant entrainé une ITT inférieure à 8 jours ou pas d’ITT n’est a priori pas visée par le renvoi, car l’article 222-15 ne renvoi qu’à la partie délictuelle et à la partie criminelle des violences. L’infraction pour les crimes est intentionnelle (forcément). Pour le délit, elle l’est aussi. L’intention repose dans la volonté d’administrer la substance et dans la volonté de nuire à l’intégrité corporelle d’autrui.
- La volonté d’administrer la substance
Elle suppose la conscience dans le caractère nuisible de la substance et la conscience dans l’acte d’administration lui-même. On peut envisager qu’une erreur de fait empêche la qualification et donc l’intention. Celui qui se trompe sur la substance administre certes une substance nuisible mais l’élément moral fait défaut car il y a une erreur de fait sur le caractère nuisible de la substance. Ex : donner un médicament pour soigner une personne, et se tromper de boite. Ex : une infirmière se trompe de produit. Au delà de la volonté d’administrer une substance nuisible, il faut également une volonté de nuire à la santé.
- La volonté de nuire à l’intégrité corporelle
On a un acte d’administration d’une substance nuisible qui doit entrainer un résultat particulier, qui est l’atteinte à l’intégrité corporelle. La volonté doit à la fois porter sur l’acte d’administration de la substance, il serait logique de dire qu’il faut une volonté d’atteindre ce résultat, qui est de nuire à l’intégrité corporelle.
Mais, en pratique, dès le moment que l’on a la volonté d’administrer une substance nuisible à une victime, celle-ci doit forcément emporter la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime. La volonté du résultat se déduit dans la volonté de l’acte en pratique. Mais cette présomption n’exclut pas des difficultés, on peut envisager trois difficultés :
— Un individu administre volontairement une substance dont il connait le caractère nuisible mais il s’en remet à la chance pour éviter le résultat et ne recherche pas véritablement la nuisance d’autrui. Ca correspond à l’hypothèse d’une personne atteinte du virus VIH qui a des relations sexuelles non protégées mais qui s’en remet à la chance pour ne pas contaminer son partenaire, donc ne pas en parler et ne pas se protéger. L’individu a bien eu la volonté d’avoir des relations sexuelles donc la volonté d’administrer, il a conscience du caractère nuisible de la substance qu’il administre mais il ne souhaite pas atteindre l’atteinte à l’intégrité corporelle de la personne. Il manque le second aspect de la volonté. Est-ce-que ça suffit à exonérer de sa responsabilité l’individu ? C’est un dol éventuel. On a voulu un acte mais le résultat n’apparait qu’éventuel et on a pas voulu la réalisation de ce résultat. Crim., 2006 et 2009 : elle considère que l’infraction est constituée dans ses éléments matériel et moral. On revient à assimiler celui qui veut prendre un risque et celui qui veut nuire volontairement.
— Un individu a la volonté d’administrer une substance nuisible en ayant conscience du caractère nuisible de la substance mais il va atteindre un résultat qui va dépasser ses prévisions. Ex : on veut rendre malade la victime mais on a pas tenu compte soit du dosage soit d’une particularité de la victime la rendant vulnérable à ce produit, elle est décédée. La personne a eu la volonté d’administrer le produit en ayant eu conscience du caractère nuisible, elle a eu la volonté de nuire à autrui mais elle n’a pas eu la volonté du préjudice effectivement réalisé : dol indéterminé. Peu importe. Ce qui compte, c’est l’atteinte en tant que dommage. Le préjudice effectivement causé par l’acte est important car il permet de qualifier l’infraction, mais il ne rentre pas en ligne de compte pour qualifier la volonté de l’auteur. C’est une donnée étrangère à l’infraction. On peut le poursuivre pour administration de substances nuisibles ayant entrainé la mort sans intention de la donner. C’est également intéressant du point de vue matériel : il ne faut pas confondre la définition de la substance (causalité abstraite) et le résultat concret (causalité concrète).
— L’individu a administré une substance objectivement nuisible avec l’intention de tuer. Il pensait la substance mortelle alors qu’elle ne pouvait être que nuisible. Mais son intention de tuer est manifeste. On peut répondre à cette question qu’en voyant le crime d’empoisonnement. On ne peut pas être sur l’empoisonnement car, par définition, la substance n’est pas mortelle mais nuisible. On peut constater qu’il y a administration de substances nuisibles, celui qui veut tuer doit nécessairement vouloir nuire à autrui. On va punir une personne que d’un délit alors qu’elle avait une intention criminelle. Le droit pénal punit des comportements, pas simplement des intentions.
- §2 : Les violences morales qualifiées de particulières
Agression sonores, menaces, harcèlement moral.
I – Les agressions sonores
C’est une infraction envisagée à l’article 222-16 du Code Pénal : « les appels téléphoniques malveillants réitérés, ou les agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d’autrui, sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». Le texte vise une infraction différente des violences car la qualification ne dépend pas de la gravité du préjudice. On parle d’atteinte à la tranquillité d’autrui, c’est donc un préjudice abstrait.
- a) L’élément matériel
S’agissant de l’agression sonore, il s’agit de la production d’un bruit qui, par définition, est agressif, atteint un volume sonore important. L’appréciation est libre pour le juge pour qualifier l’agression sonore, une agression suffit. Le terme réitéré n’est utilisé que pour les appels.
S’agissant des appels téléphoniques malveillants (hypothèse du corbeau, de l’amant, …), la condition de qualification est la réitération. L’infraction doit supposer plusieurs actes (au moins deux) pour être qualifiée. La malveillance est caractérisée à la fois par la réitération et par le contenu de l’appel, qu’il soit enregistré sur une boite vocale ou pas (question de preuve). C’est retenue facilement par la jurisprudence : appel, sms, dès lors que la réception se manifeste par un bruit sonore.
- b) L’élément moral
L’agression suppose la volonté de l’agression sonore ou de l’appel téléphonique mais également une volonté de troubler la tranquillité d’autrui, le texte vise ce but particulier. C’est donc un dol spécial, un but particulier. Ce but particulier est l’atteinte à la tranquillité d’autrui, ce qui permet de faire la différence entre celui qui multiplie les appels dans un but commercial et celui qui multiplie les appels dans un but de nuire à la tranquillité. L’apport du mobile est délicat. On peut présumer que celui qui utilise une corne de brume à côté d’une habitation agit dans le but de porter atteinte à la tranquillité d’autrui. Ce n’est pas le cas en revanche d’organisateurs d’une rave party qui ont recherché un lieu isolé pour la manifestation, le plus loin possible d’une habitation. On peut éventuellement se tourner vers d’autres qualifications comme le tapage nocturne qui est une contravention.
II – Les menaces
Ca mériterait d’être plus souvent appréhendé et puni. Elles sont appréhendées par le Code de différentes manières. Les menaces sont une modalité particulière de la provocation et aussi de la complicité. Les menaces peuvent également constituer l’élément d’une autre infraction que l’infraction de menace. Ex : les menaces peuvent être une circonstance de commission d’agression sexuelle. Alors, la menace s’intègre à l’infraction de base pour devenir une infraction aggravée. Il faut en troisième lieu observer que les menaces sont incriminées à titre autonome. Dispositions particulières :
— Menaces contre les biens.
— Menaces contre les agents publics : articles 433-3 et 434-8 du Code Pénal.
— Menaces qualifiées de violences morales : ce sont des menaces contre les personnes. On va les étudier. On distingue les menaces sans injonction et les menaces avec injonction.
- a) Les menaces sans injonction
Les articles 222-17 et R.623-1 du Code pénal prévoient cette infraction.
- L’objet des menaces
Ces articles se distinguent au regard de leur domaine, en fonction de la menace. L’article 222-17 vise la menace de commettre un crime ou un délit sur une personne ; la tentative de cette menace (crime ou délit) doit être incriminable. Si l’on menace une personne d’un délit dont la tentative n’est pas punissable, ce n’est que l’article R.623-1 qui est applicable.
- La réitération des menaces
Il faut que les menaces soient réitérées. Les 2 textes subordonnent la menace à la réitération ou à l’écriture.
Les sanctions varient en fonction de leur objet : si elle est contraventionnelle ce sera une amende, si la menace est délictuelle, il y aura emprisonnement. Il peut y avoir des aggravations notamment la menace avec mobile discriminatoire (article 222-18-1).
Une particularité : menace accompagnée d’un mobile discriminatoire : peine sur-aggravée : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende en cas de menace simple, 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de menace de mort : Article 222-18-1.
- b) Les menaces avec injonction
L’article 222-18 du Code pénal prévoit cette menace. L’objet de la menace est crime ou un délit contre les personnes, mais la notion de tentative est écartée ici. Il faut un élément particulier, celui de remplir l’ordre d’une condition. La menace de violence résulte de l’accomplissement ou non d’un acte (frapper si la personne n’accomplit pas un certain acte). La répression est prévue avec des hypothèses d’aggravation.
C’est une infraction intentionnelle, ça suppose la volonté de commettre l’acte de menace en ayant conscience que la menace porte sur un crime ou un délit sur les personnes. L’objet de la menace suffit à établir l’intention.
Répression :
— Infraction simple : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
— Peines aggravées sur menace de mort : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.
— Article 222-18-1 du Code Pénal applicable pour sur-aggraver dans les mêmes conditions que précédemment, comme par exemple quand le mobile est discriminatoire.
III – Le harcèlement moral
Le harcèlement moral est introduit à l’article 222-33-2 du Code pénal par la loi du 17 janvier 2003. Cette infraction trouve écho dans le Code du travail mais dans une forme législative différente. Il envisage des normes substantielles sous forme d’interdit pouvant être sanctionnés civilement. Si le Code du travail s’en tient à une simple condamnation sans sanction pénale, cela irait, mais le législateur a tendance à incriminer doublement la personne. Il faut toujours se référer au Code pénal alors que les textes et les thèmes sont différents dans les 2 Codes (notion de renvoi). Les magistrats appliquent toujours le Code pénal en cas de doute.
- Les éléments constitutifs du harcèlement moral : art 222-32-2
Le harcèlement moral est limité dans le texte dans les relations de travail. Mais il y a différentes formes de relation de travail, professionnelles, ou ajouter bénévoles, associatives et familiales. Si le texte est imprécis, mais fait référence aux droits de la victime. Selon le Code civil, les droits de la victime renvoie à l’article L 1121-1 du Code du travail. Il faut donc en conclure que le débit ne peut viser que des relations de travail professionnelles.
Il ne vise pas toutes les autres relations, comme les relations familiales et de voisinage.
Le législateur est intervenu afin d’incriminer particulièrement le harcèlement conjugal article 222-33-1. Les éléments constitutifs de cette infraction sont similaires à ceux du harcèlement moral.
- Le comportement incriminé dans le harcèlement moral et conjugal
Il faut des agissements répétés. Le législateur reprend aussi cette exigence dans le harcèlement sexuel. Mais le harcèlement moral n’est pas une infraction d’habitude. C’est une infraction présentant un caractère continu, c’est le comportement qui continue, pas le résultat.
- Le résultat
Le texte dit que les actes répétés doivent avoir pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime. La Cour de cassation en 2011 précise que le harcèlement moral est une infraction formelle, donc il ne requière pas que les conditions de travail soient avérées.
Le harcèlement conjugal est une infraction matérielle, une infraction de résultat.
Mais si le harcèlement conjugal est une infraction matérielle rien ne le distingue alors des violences volontaires psychologiques et donc cette nouvelle incrimination est inutile.
- L’élément moral
On est face à deux types de délit intentionnels, il faut avoir la volonté de commettre les agissements répétés, qui se double ici de la conscience que ces actes répétés vont dégrader la santé de la victime.
Sur le terrain du droit du travail les articles L 1152-1 et suivants du Code du travail, la chambre sociale peut considérer qu’au plan civil il n’est pas nécessaire que le harcèlement moral soit intentionnel, arrêt du 10 novembre 2009. Pas besoin ici d’élément moral. Cette solution est justifié en droit social et permet des conséquences civiles, mais n’est pas justifié en droit pénal ou l’intention, de commettre les actes volonté et de les faire pour porter atteinte à une victime, est obligatoire.
Depuis 2010 le harcèlement moral est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
Chapitre 2 : Les infractions non-intentionnelles
Dans le Code pénal sont incriminés des comportements non intentionnels. On devrait plutôt parler d’atteinte non intentionnel à l’intégrité physique, car le terme de violence sous-entend qu’elles sont intentionnelles.
On évoquera ensemble l’homicide involontaire (article 221-6), les violences non intentionnelles ayant entraîné une atteinte à l’intégrité physique (article 222-19), puisqu’elles sont constituées de la même manière et que seul le résultat diffère. Il n’y a pas de violences involontaire ayant entraîné la mort, mais directement un homicide involontaire car on ne constate que le résultat.
Section 1 : Les éléments constitutifs
Jusqu’à maintenant comme on s’intéressait aux infractions intentionnelles on distinguait élément matériel et moral de l’infraction. Mais pour les infractions non intentionnelle l’élément moral se défini au regard de l’élément matériel et les même questions se posent. On parle d’infraction d’imprudence. On a été imprudent dans un acte accompli volontairement. Mais pour savoir qu’il y a imprudence il faut constater l’infraction matérielle. Le moral et le matériel se mélangent dans la faute. Cette faute doit avoir un résultat. Mais on n’a pas voulu le résultat de cet acte accompli volontairement.
On va inverser la dynamique pénale en s’intéressant pas à l’auteur mais au résultat, car le législateur en sanctionnant ces infraction veut défendre la valeur protégée considérer politiquement comme très importante.
Paragraphe 1 : Le résultat
C’est une atteinte à la vie ou au corps d’autrui (articles 221-6, 222-19). On est face des infractions matérielles pour 221-6, et pour 222-19 une infraction de résultat.
- 1) Le dommage
C’est une nécessité, il n’y a pas d’infraction d’imprudence contre la vie ou le corps humain sans dommage, sans atteinte à la vie ou le corps. Il faut donc soit constater le décès, soit constater une atteinte à l’intégrité corporelle, articles R622-1 et R 625-2 pour les atteintes légères.
S’il n’y a pas d’atteinte, l’infraction n’est pas consommée. Il n’y a donc pas de tentative s’il n’y a pas d’acte volontaire. La jurisprudence refuse la tentative pour les infractions d’imprudence.
Mais cette position est critiquée. On pourra distinguer selon la nature de l’imprudence, selon qu’elle repose sur des actes involontaires, ou un acte volontaire. Mais ce n’est pas la position de la jurisprudence. D’ailleurs il y a le texte de mise en danger de la vie d’autrui (article 223 du Code pénal).
Il faut ensuite apprécier le dommage, le juge doit alors à l’aide de certificats médicaux, quantifier le dommage et le transformer en préjudice. Il va permettre la qualification de l’infraction. Deux questions se posent, d’abord si le préjudice évolue selon la procédure, et ensuite si le préjudice évolue après l’infraction pénale.
Pour la première, le juge retiendra le préjudice définitif au moment où il statut. Si la victime décède de ses blessures pendant la procédure, l’auteur d’abord jugé pour violences involontaire sera jugé pour homicide involontaire. Mais il faut respecter les droits de la défense, la défense doit pouvoir se justifier sur la nouvelle infraction. Et le délai de prescription peut aussi changer en cours de procédure en même temps que la qualification de l’infraction.
La question qui se pose est l’autorité de la chose jugée. Il faut distinguer deux situations.
- Premièrement la décision n’est pas irrévocable car susceptible de recours. La nouvelle qualification pourra être discutée dans ce recours.
- Deuxièmement la condamnation est irrévocable, donc la décision a autorité de la chose jugée. Serait-il possible de recommencer une poursuite avec une nouvelle qualification.
Mais principe Non bis in idem, un même fait ne peut être jugé deux fois sous une qualification différente. C’est précisé dans le Code de procédure pénale.
Dans la jurisprudence antérieure au Code de procédure pénale, dans l’affaire TIBAULT de 1954, une personne était morte brûlée vive sans qu’on prouve que l’intention du mari était volontaire. Jugement et condamnation pour homicide involontaire. Mais un élément et nouveau prouve l’intention de tuer la femme. La Cour de cassation avait admis une nouvelle poursuite pour meurtre. Ce qui ne pourrait aujourd’hui être possible. Mais en réalité c’est plus compliqué, tout dépend de l’interprétation des mots mêmes faits.
- 2) La victime
Approche Subjective de la victime : la victime est autrui. Ce n’est donc pas l’animal mais l’homme. Mais il faut envisager l’homme, soit en tant que personne juridique, pas l’être humain physique et donc la protection pénal ne s’entend pas avant la naissance.
S’agissant de l’atteinte non intentionnel à l’intégrité physique, il est possible d’envisager de poursuivre une personne causant des dommages à un fœtus qui naîtra ensuite vivante et viable. L’acte initial n’atteint qu’un fœtus. Mais la consommation de l’infraction non intentionnelle n’est réalisée qu’au moment où tous les éléments qualifications de l’infraction sont réunis. Il sera donc alors possible de poursuivre.
Mais si on parle d’homicide involontaire. Un acte d’homicide est accompli avant la naissance et ne produit son résultat qu’après la naissance. Ex on percute par erreur une femme enceinte, qui transporté à l’hôpital accouche, cet enfant vie quelque instants et décède des suites de ses blessures. Le raisonnement sera alors identique à celui de l’atteinte involontaire à l’intégrité physique.
Mais dans un arrêt du 2 décembre 2003, la Chambre criminelle accepté d’appliquer l’homicide involontaire né vivant suite à une infraction de la circulation donc les séquelles étaient si grave que cet enfant ne pouvait être viable. Mais malgré la viabilité la Cour a appliqué l’homicide involontaire.
Si le résultat n’intervient donc qu’après la naissance, il est tout à fait envisageable d’appliquer l’homicide involontaire.
Seconde question y a-t-il homicide involontaire si l’enfant ne né pas ? Les éléments de l’infraction ne sont constatables qu’avant la naissance car l’enfant décède dans le ventre de sa mère.
La Cour de cassation a été saisie dans plusieurs arrêts depuis 99, qui ont donné lieu à une saisine de l’assemblée plénière le 19 juin 2001. Tous ces arrêts visent conjointement l’article 111-4 du Code pénal, la loi pénale est d’interprétation stricte, et l’article sur l’homicide involontaire : « le principe de légalité des délits et des peines s’oppose à ce que l’incrimination d’homicide involontaire s’applique à l’enfant qui n’est pas né vivant. Le régime juridique d’atteinte à l’embryon relève du CSP ». Si l’enfant est né vivant il suffit de le constater et les poursuites pour homicide involontaire sont possible. Si l’enfant est mort-né la qualification n’est pas applicable. (Question de l’avortement).
Mais pour un juriste il serait possible de dire que l’homicide d’un fœtus est possible, mais qu’il existe des exceptions comme loi sur l’IVG. Comme quand on impliquait la peine de mort alors que le meurtre était interdit. Comme le droit pénal protégé des enfants né vivant mais pas viables, il protège donc la vie et non la personne juridique. Dans l’homicide involontaire autrui vise donc autrui au sens du droit pénal, pas civil (qui exige vivant et viable).
On pourrait aussi mettre le décès de l’enfant dans le préjudice subi par la mère, et en faire une circonstance aggravante.
Paragraphe 2 : La causalité
La question de la causalité est une question qui se dédouble. Dans l’ancien Code pénal et dans le Code pénal de 92, jusqu’à la loi du 10 juillet 2000 il n’y avait qu’une seule question banale de causalité. C’était la causalité dans l’infraction, causalité entre l’acte et le résultat.
Dans la loi du 10 juillet 2000, le législateur ajouter la question de l’intensité du lien de causalité, afin d’imputer la responsabilité pénale et en déterminer les conditions.
C’est la causalité au regard de la notion de responsabilité.
- La causalité dans l’infraction
Dans une infraction d’imprudence comme dans toute infraction il y a un acte, un résultat, et un lien de causalité entre les deux. Ex homicide involontaire le fait de causer la mort d’autrui, un fait et un résultat et un lien entre les deux.
Cette causalité s’apprécie selon le principe de certitude. Il suffit selon la jurisprudence que le fait ait été la cause certaine du dommage, sans nécessairement être une cause immédiate ou directe. Pas besoin de cause directe, la plus proche, ou exclusive. Si plusieurs personnes participent à la causalité de la mort d’autrui, chacun répondra à la question de l’homicide inventaire. Ici indivisibilité de la responsabilité pénale.
- La causalité en tant que détermination des causes de responsabilité
Dans la loi du 10 juillet 2000, le législateur a modifié l’article 121-3 du Code pénal relatif à l’élément moral de l’infraction.
Le législateur a voulu en distinguer deux et déterminer le régime de responsabilité pénale applicable. Il a voulu distinguer la causalité directe et indirecte.
- Causalité directe : la responsabilité pénale sera soumise à la constations d’une faute de quelque nature que ce soit. Une faute pénale pouvant être une faute simple.
- Causalité indirecte : la responsabilité sera soumise à la preuve d’une faute qualifiée, qui sera soit délibérée soit caractérisée. Il suffit juste d’imputer que l’acte a été la cause de la mort d’autrui. Les personnes morales qui n’ont pas causé directement le dommage, qui ont créé la situation ou n’ont pas pris les mesures.
Question de causalité directe ou indirecte : Ici, la jurisprudence depuis toujours emploie une formule classique : en matière pénale, la causalité doit être certaine, c’est-à-dire sans être nécessairement immédiate ou exclusive. Le critère de la certitude est l’équivalence des conditions.
Ceux qui créent ou contribuent à créer la situation qui cause le dommage, ou ceux qui n’ont pas pris les mesures permettant d’éviter la situation, causalité indirecte. Donc une faute d’abstention serait suffisante. Mais ça ne tient pas la route.
Donc on ne peut rien tirer du texte en le lisant. La jurisprudence est venue développer des critères prétoriens permettant de dire qu’une causalité est directe ou indirecte. Il y a deux façons d’analyser la jurisprudence :
- Elle apprécie la causalité directe ou indirecte à travers la causalité adéquate en faisant référence à la notion de paramètre déterminant (pas suffisant)
- Elle utilise un autre critère qui est spatiotemporel pour distinguer le direct de l’indirect
Si la causalité est directe la responsabilité peut être engagée pour une faute simple et si la causalité est indirecte il faudra une faute plus grave.
Sur le critère du paramètre déterminant, c’est un critère utilisé par la Cour de cassation, que l’on a cru pouvoir relever dans un arrêt du 25 septembre 2001 : un automobiliste viole les règles de circulation routière (vitesse) et un sanglier surgit et pour l’éviter il percute un autre automobiliste qui arrive en face qui va décéder. Pour déterminer sa responsabilité il faut déterminer la relation causale. Pour l’automobiliste l’intervention du sanglier l’avait placé dans une situation de causalité indirecte car la cause directe était l’intervention du sanglier. Le débat était placé en termes d’efficience de la cause. La Cour de cassation répond que l’excès de vitesse a été un paramètre déterminant de l’accident et donc la causalité est directe. La Cour de cassation en disant que l’excès de vitesse a été le paramètre déterminant, elle dit que la causalité existe et se sert à la fois de cet argument pour dire que la causalité est directe : donc cause certaine et directe. La causalité appliquée ici ressemble à la causalité adéquate.
Cette façon de raisonner résout les deux questions de causalité par le même critère. Cela pose problème car cela veut dire que la causalité est soit certaine et directe ou bien elle est incertaine et indirecte : ou bien elle est déterminante ou bien elle ne l’est pas.
Le juge pénal se pose la question suivante : le dommage serait-il survenu sans l’imprudence ? Le dommage est-il la conséquence nécessaire de l’imprudence ? S’il répond oui : la causalité est certaine. S’il répond non : la causalité est incertaine. La Cour de cassation dit qu’il suffit que la causalité soit certaine, sans qu’elle soit nécessairement immédiate, exclusive
Or on a des cas ou on peut imaginer que la cause soit certaine et indirecte. Par exemple, une décision d’un élu local : maire d’un village qui décide d’organiser une fête de village et à cette fin il demande à monter une tribune mais ne le fait pas dans de bonnes circonstances de sécurité. La tribune s’écroule et des personnes décèdent. On peut dire que la décision du maire a participé de manière certaine à la réalisation de l’accident et donc de la mort des personnes donc en terme de certitude causale il n’y a pas de difficulté. Mais son intervention a-t-elle été la cause directe du dommage alors que le maire est intervenu avant l’accident ? Si on utilise le paramètre déterminant on devrait dire que la cause est directe car elle est certaine.
C’est pourquoi ce critère n’est pas pertinent. Il faut alors se tourner vers un autre critère qui était celui que le législateur avait en tête dans la loi de 2000 : critère de la proximité spatiotemporelle. Ou bien la faute a été commise dans le même temps et dans le même espace que le dommage : on a une proximité spatiotemporelle entre la faute et le dommage. On parle alors de « faute dans la situation » et donc la causalité est directe. Mais au contraire, quand il n’y a pas de proximité spatiotemporelle entre la faute et le dommage (prise de décision en amont par exemple) alors la causalité est indirecte.
Le législateur a voulu distinguer la faute qui est dans la situation de celle qui ne l’est pas. Le maire qui prend une décision et qui delà commet une faute car n’a pas fait appel à une société professionnelle, a créé ou contribué à créer le dommage. Or, ceux qui ont créé la faute sont en situation de causalité directe.
Mais ce critère ne pourra pas être utilisé à chaque fois car parfois on pourra hésiter. Le raisonnement du juge est de rechercher si la faute est grave et peu importe que la causalité soit directe ou non car l’auteur sera puni.
Il ne faut pas confondre ces deux questions : la question de l’existence du lien de causalité (cause certaine ou non), et la causalité en tant qu’élément constitutif (question de l’intensité de la causalité : causalité directe ou indirecte). Dans ce dernier cas on vise le critère de participation, de qualification de l’auteur.
Paragraphe 3 : La faute d’imprudence
Pour qualifier une infraction d’imprudence, il faut une faute d’imprudence. Cette faute d’imprudence on va essayer de la qualifier en distinguant deux hypothèses :
- La faute d’imprudence est une faute simple = imprudence simple
- La faute d’imprudence est une faute qualifiée c’est-à-dire grave (article 121-3 alinéa 4)
Confrontation avec le civil car une grande majorité des actions en droit civil sont jugées par un juge pénal (on se porte partie civile devant le juge pénal)
A) La faute d’imprudence est une faute simple
La faute simple d’une manière générale peut être comprise comme un comportement imprudent mais la question qui se pose est de savoir comment déterminer l’illicéité pénale. Comment un comportement devient pénalement illicite ? La réponse va dépendre d’une distinction entre deux situations qui va nous permettre de fixer l’élément matériel de l’imprudence.
La faute pénale n’est pas seulement un comportement illicite appréhendé d’une manière matérielle, il faut voir que même la faute simple impose un certain état esprit du délinquant.
- L’élément matériel
L’illicéité pénale dépend de deux critères : légal et prétorien.
Ces critères sont alternatifs. Le critère légal est l’existence préalable d’une norme légale ou réglementaire qui définit un comportement ou qui interdit un comportement. Les articles 221-6 et 222-19 disposent qu’est une imprudence la violation d’une obligation prévue par la loi ou le règlement. Il faudra donc identifier la norme préalable et constater que la norme a été violée.
Deux questions se posent ici : lorsqu’on parle de norme légale ou réglementaire on ne fait référence qu’à deux types de sources : la loi et le règlement au sens constitutionnel du terme : ne sont pas visés les règlements professionnels, circulaires etc…
De plus, l’obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement peut être sanctionnée en elle-même indépendamment de l’atteinte qu’elle provoque. Si on commet un excès de vitesse c’est une violation à l’obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement par elle-même. Mais dès lors que l’excès de vitesse va provoquer la mort d’autrui ou une atteinte à son intégrité physique va entrer en compte les articles 222-6 ou 222-19. Donc on se trouve face à un concours idéal d’infractions (contravention + délit) car c’est le même fait (excès de vitesse) qui engendre deux infractions. La particularité ici est qu’il s’agit d’envisager un concours entre une contravention et un délit. L’article 221-6 ou 222-19 vise dans leur élément constitutif la violation d’une loi ou d’un règlement donc on aura des concours idéal d’infractions.
Mais il est envisageable de porter atteinte à autrui en dehors de toute activité réglementée. C’est ici qu’intervient le critère prétorien : celui de l’appréciation de la faute d’imprudence par référence à une norme de comportement standard (le bon père de famille). Il faut donc comparer le comportement de la personne poursuivie avec celui du bon père de famille placé dans les mêmes circonstances.
En 1996 le législateur a ajouté un alinéa 3 à l’article 121-3 : il y a délit lorsque la loi le prévoir en cas de … les diligences normales compte tenu … dont il disposait ». Le législateur a voulu écrire une directive pour les juges du fond pour juger l’imprudence : tenir compte des missions, fonctions, compétence et des pouvoirs de la personne que l’on juge. Ce texte a été introduit car des maires se plaignaient qu’ils étaient trop concernés par les poursuites pénales (construction de rondpoint). Le législateur va indiquer au juge qu’il faut qu’il tienne compte des missions etc… de la personne. Le législateur n’a pas apprécié in concreto (comparer à la norme habituelle de comportement, ce que l’individu que l’on juge a l’habitude de faire) à ce qu’on pourrait le croire mais à apprécier de manière in abstracto (comparer à un standard).
Note : Ce que veulent dire les auteurs qui utilisent le terme de in concreto veut dire que le juge doit prendre en considération les circonstances précises de l’affaire, or c’est ce que les juges ont toujours fait.
Il faut donc que les juges doivent apprécier au regard d’une norme de comportement qui doit être adaptée aux circonstances (bon père de famille). Si on doit juger un médecin, il faudra le comparer avec le comportement d’un bon père de famille médecin au regard des mêmes circonstances : il faut adapter la norme aux mêmes circonstances. Or, ça le juge l’a toujours fait. La loi de 1996 n’a donc rien changé.
- L’élément moral
Le droit pénal est un droit de la punition et pour punir quelqu’un il faut prendre en considération son état d’esprit. C’est là qu’en pratique la difficulté survient car qu’est-ce que l’élément moral d’une imprudence ?
D’un point de vue théorique, l’imprudence c’est le contraire de l’intention donc c’est celui qui n’a pas voulu le comportement et/ou le résultat du texte d’incrimination. On lui reproche de ne pas avoir prévu :
- Que son comportement était susceptible de causer un résultat dommageable : imprévoyance du dommage (conduite inattentive, percute piéton)
- L’imprudence porte sur l’acte = je n’ai pas prévu mon comportement, j’ai commis une erreur sur mon comportement
Le code propose une liste qui englobe les deux situations ; il parle : maladresse, inattention, négligence, imprudence.
Tous ces termes d’un point de vue juridique, les juges et la Cour de cassation n’ont jamais accordé un sens particulier à chacun des termes et quand on juge on ne va pas apporter une définition de chaque terme.
Une maladresse = on se rend pas compte que son comportement est dangereux (ouvrage qui tombe sur une personne et la blesse au pied) = on ne prévoit pas l’acte lui même
Dans la négligence et l’imprudence, on a conscience du comportement mais on ne se rend pas compte que ça peut être la cause d’un résultat dommageable.
Ce qui est important de constater est que la faute pénale qui est punissable au regard de ce que dit le législateur peut être une faute légère. Le texte d’incrimination envisage la pénalisation de toute sorte de comportements imprudents car son incriminés de simples erreurs, maladresses. Pourquoi le législateur est si dur ? Ils se sont penchés sur le résultat qui est une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique donc il faut sanctionner lorsqu’il y a une atteinte. Il serait possible de réécrire les articles 221-6 et 19.
Lorsque nous sommes dans une situation de causalité directe, il suffit de prouver une faute simple qui est celle que l’on vient de décrire : donc toute faute.
B) La faute qualifiée
C’est une faute qui existe que depuis la loi du 10 juillet 2000. Ce qu’on envisage est une hypothèse que l’on peut nommer l’imprudence consciente.
Note : on a trois grandes catégories dans l’élément moral :
- Intention : je veux acte + résultat
- Imprudence consciente : je veux un acte, j’ai conscience du résultat que cet acte pourrait causer mais je ne recherche pas ce résultat
- Imprudence simple : le commets un acte et je ne prévois même pas que cet acte pourrait être la cause d’un résultat illicite
Je commets un acte et je ne prévois pas que cet acte peut causer un dommage = imprévoyance de l’acte
Dans le cadre de l’imprudence consciente, le législateur est intervenu avec l’article 121-3 alinéa 4. On a deux types de faute : délibérée et caractérisée.
- 1) La faute délibérée
Cette faute on peut l’appréhender d’un point de vue matériel et moral.
- D’un point de vue matériel
Le comportement incriminé est la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement. À partir de là, on peut reprendre le développement de la faute simple. Le législateur vise une obligation PARTICULIERE ce qui veut dire que la particularité de l’obligation peut être dépendante de plusieurs critères :
elle peut être fonction d’une activité (activité de circulation routière, transport aérien etc..)
Il ne suffit pas de constater que l’obligation soit prévue par la loi mais il faut que cette obligation soit particulière. Elles ne sont pas toutes particulières parce que prévues dans la loi
norme prévues dans le cadre de normes professionnelles : un décret prévoit que dans certains chantiers de construction un matériel de blindage est nécessaire pour éviter les éboulement / obligation de porter un casque sur un chantier = obligations particulières prévues par la loi ou le règlement
mais le seul excès de vitesse, même fut il important n’est pas a lui seul constitutif d’une violation particulière car ce respect s’impose a tous les usagers de la route donc cette obligation est dotée d’une certaine généralité
Le juge n’est pas libre de qualifier une faute délibérée.
- Du point de vue moral
L’article vise une violation MANIFESTEMENT délibérée : il faut que la violation soit volontaire et consciente. Le texte ne dit rien sur la conscience du résultat : il y a une sorte de présomption. Lorsqu’un individu viole de manière manifeste une obligation de prudence ou de sécurité on présume qu’il a conscience des conséquences de cette violation.
→ ex : un chef d’entreprise de manière volontaire accepte que ses salariés ne respectent pas les obligations de sécurité et de prudence, cette violation manifeste fait présumé qu’il a conscience qu’un accident puisse arriver.
Il n’est pas nécessaire de prouver autre chose que la violation manifestement délibérée.
- 2) La faute caractérisée
- L’aspect matériel
La formule est complexe car la faute visée est la faute caractérisée et qui expose autrui à une ? Qu’il ne pouvait éviter. La faute visée est une faute caractérisée, qui correspond à un comportement grave (faute lourde en civil). C’est une faute dont les éléments sont bien marqués d’une certaine gravité, il s’agit d’une imprudence ou d’une négligence qui se manifeste de manière évidente.
→ Quelqu’un laisse une personne conduire un engin alors qu’il n’a pas le permis
- L’aspect moral
Le juge va recouvrir la qualité de l’infraction. Il peut dire qu’il y a une faute caractérisée alors qu’il n’y avait pas de violation préalable. Elle est beaucoup plus souple sur l’élément matériel. Mais pas sur l’élément moral car le texte dit que la faute doit exposer un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer. Donc cette faute consiste en une conscience du risque. Où est la frontière de la preuve ? L’auteur ne pouvait ignorer qu’il expose un risque à autrui. Donc il va falloir prouver cette conscience du risque. Il faudra prouver que l’auteur savait que son action ou son omission était susceptible de créer un risque d’une particulière gravité.
En pratique, on peut faire état d’une sorte de présomption de l’état du risque fondée sur la gravité du comportement. Celui qui commet volontairement un comportement dangereux ne peut pas ignorer que ce comportement est susceptible de causer un risque pour autrui.
→ conduite de l’engin : comportement grave du chef d’entreprise il ne pouvait ignorer que cette faute créait un risque pour autrui
La présomption est fondée sur la gravité de l’acte mais aussi sur la qualité de l’auteur ; le fait que ce dernier soit un professionnel permet de retenir plus facilement une faute caractérisée.
→ garagiste prête une voiture avec des pneus lisse, l’emprunteur cause un dommage a un tiers. Le client qui conduisait qu’on utilise le critère de la proximité spatiotemporelle ou du paramètre déterminant, on va voir que la cause est directe, donc il faudra une faute simple. Concernant le garagiste, il a créé une situation dangereuse, sa causalité est indirecte. Il faut prouver une faute délibérée ou caractérisée. On écarte la faute délibérée car on n’a pas de texte. Le faute de fournir un véhicule alors qu’on est professionnel qui a les pneus lisse : comportement grave + présomption = risque causé à autrui. Ce fut le cas dans un arrêt du 4 février 2003.
- Le rapprochement entre la faute pénale et civile
En matière d’imprudence, le droit a pendant longtemps été dominé par le principe dit de l’identité des fautes pénales et civiles. Ce principe, en matière d’imprudence, était posé par la Cour de cassation depuis un arrêt du 18 décembre 1912. Ce principe d’identité des fautes civiles et pénales a deux explications, à la fois d’ordre procédural et d’ordre substantiel :
- Explication d’ordre procédural : le criminel tient le civil en l’état. De ce principe de primauté du criminel sur le civil découle deux règles :
- – Le juge civil doit sursoir à statuer lorsque le juge pénal est également saisi de faits identiques.
- – La décision du juge pénal a autorité de la chose jugée au civil. Ce sont des règles procédurales notamment prévues dans l’article 4 du Code de Procédure Pénale. Cette jurisprudence était lié au principe de l’autorité de la chose jugée : le juge civil n’a pas à contredire le juge pénal+ en matière d’imprudence, l’interprétation faite de la faute d’imprudence par les deux juges est la même. Mais l’inconvénient de cette jurisprudence était que le juge avait peur que si il ne condamnait pas la victime n’aurait pas de réparation puisque identité des fautes pénales et civiles (autorité de la chose jugée au criminel sur le civil). Alors le juge pénal a eu tendance à condamner pour des poussières de faute.
- Explication au plan substantiel : l’identité des fautes civiles et pénales s’expliquait par la constatation que lorsqu’une infraction pénale est constatée, il est par la même constatée que la personne en cause ne s’est pas comportée comme un bon père de famille, c’est donc qu’elle commet une faute civile, car le critère de la faute civile (articles 1382 et 1383 du Code civil) le critère normal au regard du bon père de famille.
Ce système a pour partie été abandonné depuis la loi du 10 juillet 2000, et d’un point de vue procédural par d’autres réformes. D’un point de vue procédural, l est envisagé dans l’article 4 du Code de Procédure Pénale que le juge civil ne soit pas obligé de sursoir à statuer
Il existe deux règles dans le Code de procédure pénale qui s’appliquent dans le cadre de la relaxe :
- L’article 470-1 Code de procédure pénale : si le juge pénal a été saisi de l’action publique et civile relaxe la personne poursuivie d’une infraction d’imprudence, il reste compétent pour statuer sur les DI sur le fondement d’une responsabilité sans faute « en application des règles du droit civil ». Donc, ça veut dire qu’on peut condamner au civil sur le fondement d’une responsabilité sans faute ou pour faute
- L’article 4-1 Code de procédure pénale : le juge pénal a été saisi de l’action publique simplement, il relaxe et dit que la victime peut saisir une juridiction civile en application de l’article 1383 du code civile et des règles du code de sécurité sociale
Donc apparemment il n’y a plus d’identité des fautes pénales et civiles. Sauf qu’après il y a la rationalité pratique, car en pratique tout dépend de la situation appréhendée. Il faut distinguer :
- Identité positive : le juge pénal a condamné et en pratique le juge civil ne va pas dire le contraire et donc l’autorité de la chose jugée du criminel sur le civil est toujours là
- Identité négative : le juge pénal dit qu’il n’y a pas faute et alors la il semble qu’il n’y a plus d’identité. Mais il y a deux cas dans lesquels on peut relaxer :
- Il n’y a pas faute qualifiée alors qu’elle était nécessaire car il y avait causalité indirecte : il y a relaxe pour cette absence mais le juge civile lui, pourra constater une faute simple
- Lorsque le juge pénal relaxe pour une faute simple, si le juge pénal dit qu’un comportement in abstracto est un comportement normal alors ce sera difficile pour le juge civil de dire le contraire, dire que le comportement est anormal. Car même en droit civil il faut prouver une faute objective (= comportement du bon père de famille placé dans les mêmes circonstances)
Section 2 : La répression des infraction non-intentionelles
Paragraphe 1: Les peines
Les peines sont fonction de deux facteurs : le préjudice subi par la victime et la faute commise par l’auteur.
Lorsqu’on raisonne sur l’infraction simple (222-6 et 19) ce qui conditionne la peine c’est le préjudice alors que dans le cadre des infractions aggravées, c’est l’acte qui intéresse ;
A) L’infraction simple
Le préjudice doit être déterminé de manière fixe lors du jugement. Or, ici le comportement a été imprudent, le droit positif distingue :
- Contravention : R622-1 : 2ème classe en cas d’absence d’ITT ; R 625-2 : ITT inférieur à 3 mois
- Délit : lorsque l’ITT est supérieur à 3 mois et lorsque le dommage est la mort (221-6)
Si on met de côté les contraventions, on est face à des infractions graves.
B) L’infraction aggravée
Le législateur envisage deux hypothèses d’aggravation :
- L’infraction de circulation routière : l’homicide involontaire comme les violences involontaires sont aggravées lorsqu’elles sont commises par l’utilisation d’un VTM
- Puis on a plusieurs degrés de sur aggravation si on a des circonstances particulières par la faute du conducteur : si on cause la mort d’autrui en utilisant un VTM et en faisant un excès de vitesse supérieur à 50km/h ; Si on a 2 circonstances aggravantes : conduite en état d’ivresse + excès de vitesse + 10 ans et 150 000
Donc le législateur a voulu en matière délictuel frapper plus fort ceux qui ont des comportements dangereux.
Au-delà de l’aggravation par l’utilisation d’un véhicule, le législateur engage à titre autonome la violation par la faute délibérée. C’est la même notion qui est utilisée à la fois pour engager la responsabilité pénale non intentionnelle en matière de causalité indirecte et pour ici aggraver la répression. Lorsqu’on commet une faute délibérée (violation manifeste obligation etc…) : elle a pour effet d’aggraver l’homicide ou l’atteinte non intentionnelle (221-6 alinéa 2 et 222-19 alinéa 2). On parlera d’homicide délibérée (forme d’homicide aggravé) et de violences involontaires délibérées.
Lorsqu’on est en matière de causalité indirecte, la faute délibérée entraine la responsabilité de l’auteur mais aussi de l’aggravation de l’infraction.
Paragraphe 2 : L’imputation des atteintes non intentionnelles
- A) La matérialité de l’imputation
Il arrive souvent que la mort d’autrui ou les blessures d’autrui aient été causées par une pluralité d’évènements et par une pluralité de personnes. Peut se poser la question de la qualité de la personne responsable. Est-elle qualifiée d’auteur ou peut-elle être qualifiée de complice ?
Lorsqu’il y a des fautes successives, juxtaposition de fautes :
Exemple : un cafetier sert un client ivre, il continu de le servir. Ce client, lorsqu’il va reprendre la route, va provoquer un accident mortel. On a une conjonction d’évènements. Un événement proche du dommage : la faute que commettra le client ivre en conduisant son véhicule, et la faute du cafetier, plus loin, à servir un client manifestement ivre.
Première question : les éléments constitutifs de l’infraction sont-ils réunis ? Faute, lien de causalité, dommage.
Après il faut essayer d’imputer une infraction à une personne responsable.
- Conducteur : l’imputation se fait en tant qu’auteur. Personne dans une situation spatio-temporelle proche du dommage, c’est un auteur direct.
- S’agissant du cafetier deux voies envisageables :
- Théorie de l’auteur : ce cafetier est un auteur que l’on va qualifier d’indirect, il créé ou contribue à créer une situation. De ce point de vue, on peut hésiter sur l’existence même de la causalité, est-elle certaine, il n’y a pas rupture de la causalité ?
- On peut se demander si on ne peut pas plutôt le poursuivre pour complicité. Il fournit des moyens : complicité par fourniture de moyens. Il n’y a pas de jurisprudence sur la question de la complicité d’une infraction d’imprudence. La plupart des auteurs considèrent que la complicité paraît difficilement envisageable mais c’est une erreur de raisonnement car si la complicité suppose un acte de complicité et une certaine intention mais cette intention n’est pas dirigée vers le résultat final mais vers l’acte d’imprudence. Ici, il fournit des moyens, en ayant conscience que l’individu peut reprendre la route et provoquer un accident. Donc on peut penser à cette hypothèse.
Mais depuis la loi du 10 juillet 2000, on aura plus tendance à raisonner sur l’auteur indirect, sauf qu’il faut prouver une faute qualifiée. Sur le terrain de la complicité, on n’a pas cette exigence de faute qualifiée, ça peut être un moyen pour contourner cette exigence (Crim 12 janvier 2010).
Lorsqu’il y a des fautes conjuguées : cas des chasseurs qui tirent avec les mêmes plombs ; on applique la théorie de la co-action.
- B) La légitimité de l’imputation
De plus, on ne peut imputer une infraction involontaire s’il y a un fait justificatif. Mention d’une jurisprudence classique : la légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire d’une infraction : Cousinet, 16 février 1967. Il faut donc prouver qu’un fait était intentionnel pour justifier la légitime défense ; il faut donc s’accuser par exemple de meurtre pour justifier la légitime défense et non la mort non-intentionnelle.
Lorsqu’on caractérise une imprudence, on caractérise une disproportion entre l’acte de défense et l’acte d’attaque. L’un des critères de la légitime défense est que la réponse doit être proportionnée à l’attaque. Question d’une personne qui va, en se défendant, commettre une imprudence qui va causer un dommage largement supérieur à ce qu’elle pensait. Est-ce-que cette imprudence est justifiée par la légitime défense ? Selon la jurisprudence, non.
Titre 2 : Les infractions formelles contre le corps humain
Parmi celles-ci, une est emblématique : l’empoisonnement. C’est une infraction phare, qui est une infraction de commission. Or, dans les infractions formelles contre le corps humain on trouve d’autres infractions d’abstention. On fait une distinction au sein des infractions formelles entre les infractions de commissions et les infractions d’abstention (ex : non-assistance à personne en danger).
Chapitre 1 : Les infractions de commissions
Section 1 : L’atteinte à la Vie par Empoisonnement
Infraction ancienne, prévue à l’article 221-5 du Code pénal.
Cette infraction a toujours été traitée à part, même dans l’ancien Code pénal, en raison du procédé particulier utilisé par l’auteur, manifestant un certain particularisme au plan criminel. Il utilise un procédé astucieux, lâche. On a toujours considéré que celui qui empoisonne est plus blâmable. Donc l’infraction de meurtre et l’infraction d’empoisonnement sont distinctes. Peine de base dans l’ancien Code pénal pour l’empoisonnement : peine de mort. Alors que pour le meurtre c’était la réclusion criminelle à perpétuité.
En 1981, lorsque la peine de mort a été supprimée, l’empoisonnement est descendu d’un cran dans la hiérarchie des peines, elle est devenue une infraction en termes de peine équivalente au meurtre. De ce point de vue de la peine, l’empoisonnement a perdu sa spécificité, et même s’agissant de ses éléments constitutifs.
La Cour de cassation, par une jurisprudence contestable, va considérer que l’empoisonnement est une variété de meurtre, ce qui nous amène à nous demander à quoi sert cette qualification, alors qu’elle aurait pu trouver un nouvel intérêt. Il y avait de grande potentialité pour la qualification à travers d’évènements sociaux malheureux : la contamination par le VIH, la contamination lors de chaine alimentaire lors de circonstances qui pouvaient s’apparenter à des empoisonnements. La Cour de cassation n’a pas saisi l’opportunité de cette qualification, elle utilise une qualification plus basse. D’un point de vue pratique, cette infraction ne représente plus rien.
Paragraphe 1 : L’élément matériel
Le texte dispose « le fait d’intenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort constitue un empoisonnement ». Il est puni de 30 ans de réclusion criminelle, à perpétuité lorsqu’il est commis dans une circonstance aggravante du meurtre, applicables à l’empoisonnement.
Le législateur incrimine un procédé particulier : « l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort ». On observe ensuite que le texte ne fait pas tellement référence à un résultat, et encore moins à un lien de causalité. C’est logique car nous sommes dans le cas d’une infraction formelle, ce qui la caractérise est que le résultat n’est pas un élément de la consommation de l’infraction.
1) L’acte
L’acte c’est l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort. Dans cet acte, il y a deux éléments : l’acte lui-même, mais cet acte doit porter sur un objet particulier : la substance mortifère ou léthifère.
2) La substance mortifère ou léthifère
On peut utiliser deux méthodes pour appréhender cette notion : définir objectivement une substance de nature à entrainer la mort, tenté de tenir compte de la victime : définir subjectivement cette substance.
- Définition objective
A priori, la substance visée par le texte est une substance qui objectivement doit être dotée du pouvoir de donner la mort. C’est donc ce que l’on peut appeler le pouvoir causal de la substance qui est déterminant. Ou bien la substance à objectivement le pouvoir de donner la mort ou elle ne l’a pas. C’est ce qui permet d’osciller entre les deux qualifications. Dans cette perspective, il va de soit que cette appréciation in abstracto conduit à ne pas tenir compte de la victime puisque c’est la substance que l’on apprécie en elle-même.
Dans cette perspective, si une substance objectivement mortifère est administrée à une victime, mais que cette substance se révèle sans effet sur la victime, parce qu’elle est immunisée, il n’y a pas a priori d’empoisonnement consommé, mais on peut au moins envisager une tentative d’empoisonnement.
A l’inverse, lorsqu’une substance n’est pas objectivement mortelle mais provoque malgré tout le décès de la victime en raison d’une particularité de cette dernière a priori et parce qu’on est dans la définition objective, on devrait conclure que l’empoisonnement n’est pas applicable parce que la substance in abstracto n’est pas de nature à donner la mort. A partir de là, où bien l’auteur n’a pas eu l’intention de tuer, on va s’orienter vers l’infraction d’administration de substances nuisibles. Où bien l’auteur avait l’intention de tuer, il a administré une substance non mortelle dans le but de tuer autrui. Si je savais qu’autrui était sensible, et qu’on estime, car on apprécie objectivement, que l’empoisonnement n’est pas applicable, on se dirige vers le meurtre.
On se réfère à une liste des substances mortifères, des poisons. On trouve des listes de substances qualifiées de poisons dans le Code de la santé publique. Cette façon de faire a été complétée par la jurisprudence dans une approche objective. Une substance peut être mortifère car elle est contenue dans une liste de poison mais il est possible aussi que la substance soit objectivement mortelle en raison des circonstances de son utilisation. Notamment, il a pu être jugé que des allumettes phosphoriques ne sont pas sur une liste des poisons mais elles peuvent devenir des substances de nature à provoquer la mort dès lors qu’on procède à une infusion de celles-ci. Donc même dans le cadre d’une approche objective de la substance on peut qualifier soit par référence à une liste soit par une utilisation objective de la substance pour qualifier de substance mortifère et donc d’empoisonnement.
- Définition subjective de la substance
Les exemples que l’on trouve en jurisprudence concernent une prise en considération moindre de la victime mais de la croyance de l’auteur. Une personne croit au pouvoir mortel d’une substance, qu’il administre dans le but de tuer, à autrui. Il n’y a certainement pas empoisonnement consommé, puisque la substance n’est pas de nature à donner la mort, a produit aucun effet. Peut-on au moins envisager qu’il y ait ici tentative d’empoisonnement ? On distingue ici deux situations : l’impossibilité était relative ou l’impossibilité était absolue.
- Si l’impossibilité était relative, l’agent a mal utilisé par exemple la substance, elle aurait pu être mortelle mais elle ne l’a pas été car l’auteur a mal dosé, a mal préparé. De ce point de vue, certes l’empoisonnement consommé ne peut pas être retenu mais le fait d’avoir administré une substance qui peut donner la mort dans le but d’empoisonner une victime peut être qualifié de commencement d’exécution au sens de l’article 121-5 du Code pénal, donc on peut envisager de poursuivre ici l’individu pour tentative d’empoisonnement.
- Lorsque l’impossibilité est absolue, on administre une substance dans le but de tuer mais cette substance, par hypothèse, ne peut jamais être mortelle. Dans ce cas-là, il n’y a pas empoisonnement consommé, on se situe dans une hypothèse où la qualification elle-même est impossible. Il n’y a aucune matérialité, pas de commencement d’exécution, il y a qu’une intention. La tentative est inconcevable ici.
L’état de la jurisprudence et de la doctrine est plutôt d’envisager la définition de l’empoisonnement d’un point de vue objectif, en tenant compte éventuellement des circonstances mais indépendamment des particularités de la victime. Beau droit, sauf que la Cour de cassation adapte à la réalité quotidienne. Elle va malgré tout appliquer à la contamination intentionnelle par voie sexuelle du VIH une qualification qui n’est pas l’empoisonnement mais l’administration de substances nuisibles aggravées, depuis 2006. Or, le VIH n’est pas une substance seulement nuisible, c’est une substance qui est bien de nature à donner la mort. On choisit une qualification qui n’est pas la bonne intellectuellement mais qui, d’un point de vue social, est apparu plus souhaitable.
3) L’emploi ou l’administration de la substance
Deux méthodes d’analyse, que l’on peut qualifier d’objective et de subjective.
- Approche objective
On qualifie le mot d’administration en lui-même : administrer une substance revient à faire pénétrer la substance dans l’organisme de la victime. Dès lors qu’il n’y a pas de pénétration de la substance dans la victime il n’y a pas administration. Mais le mode d’administration est très variable : piqure, nourriture, gaz, … et même relation sexuelle.
- Approche subjective
On se demande si le texte d’incrimination, à travers les termes employés, indique qualifier l’auteur. L’infraction d’empoisonnement a permis de distinguer plusieurs situations, plusieurs auteurs, ce qui a permis la distinction doctrinale entre auteur matériel et auteur moral. On peut dire que l’auteur d’une administration est celui qui physiquement fait pénétrer le produit dans le corps de la victime.
Ex : faire boire une boisson à une personne : on est auteur physique de l’acte d’administration. Mais on peut dire que c’est la victime qui ingère le produit, et donc on n’est pas l’auteur de l’acte d’administration car c’est la victime qui s’administre la substance elle-même. Mais le texte vise aussi le mot emploi. En tendant la boisson à la victime, on lui tend le poison, on l’emploi. En partant de la constatation qu’on est rarement l’auteur direct, s’est posée la question connexe de savoir si l’administration par l’intermédiaire d’un tiers autre que la victime permet-elle de qualifier l’auteur. De ce point de vue on ne raisonne plus sur l’auteur physique mais sur l’auteur intellectuel ou moral.
Ex : une personne remet un poison à un tiers pour qu’il l’administre à la victime. Peut-on dire que celui qui remet un poison à un tiers est auteur d’un acte d’administration ? La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur cette question. Permis d’identifier une hypothèse d’instigation, distingue selon que le tiers est de bonne ou mauvaise foi.
- Tiers de bonne foi, il ne connait pas la nature de la substance qu’il remet à la victime. Dans ce cas-là ce tiers de bonne foi ne peut pas être qualifié d’auteur d’un acte punissable car l’infraction fait défaut, il n’a pas connaissance du caractère mortel de la substance. On peut dans ce cas atteindre l’instigateur en tant qu’auteur. C’est l’intérêt de la théorie de l’auteur moral, pouvoir atteindre une personne en tant qu’auteur. On se le permet car le texte d’incrimination le permet, il est suffisamment compréhensif, il vise l’emploi et l’administration pour admettre que celui qui remet un poison à un tiers de bonne foi est auteur d’un emploi ou d’une administration.
- Tiers de mauvaise foi, il sait que le poison est dans le verre et le remet consciemment à la victime. Il devient auteur matériel d’un acte d’administration d’une substance de nature à donner la mort. Pour atteindre celui qui a remis le poison, on peut envisager deux situations :
- il est coauteur d’un empoisonnement mais pas tout à fait du même acte que le tiers. Le tiers serait auteur d’un acte d’administration et l’instigateur serait auteur d’un acte d’emploi. Ce n’est pas la solution de la jurisprudence.
- Elle va poursuivre l’instigateur en tant que complice. C’est ce que propose certains auteurs classiques en prenant appui sur de la jurisprudence ancienne, que l’on peut interpréter parfois différemment. C’est un complice par fourniture de moyens.
Donc l’empoisonnement est un emploi ou une administration, portant sur une substance objectivement mortifère, de nature à donner la mort. On est donc a priori dans le cadre d’une infraction formelle.
4) Le résultat
C’est une infraction formelle. Par raccourci, certains auteurs disent que nous sommes face à une infraction sans résultat. Ca ne traduit pas assez subtilement la réalité. Il y a, même dans les infractions formelles, un résultat. Ce résultat, c’est ce que l’on appelle le résultat matériel, qu’il convient de distinguer du résultat juridique.
Le résultat matériel est la conséquence matérielle immédiate de l’acte d’exécution. Raisonnement sur l’empoisonnement : l’acte est l’administration, ça suppose que la victime ingère. Le résultat matériel, la conséquence immédiate de l’administration est que le poison commence à produire ses effets dans le corps de la victime. Ce résultat est évidemment une composante de l’infraction consommée. Il n’y a d’empoisonnement consommé (dans tous ses éléments constitutifs) que si la victime a bien été empoisonnée.
En revanche, le résultat juridique est l’atteinte effective à la valeur protégée. L’empoisonnement est une infraction se situant dans le livre II du titre II chapitre 1 : des atteintes à la vie. Le résultat juridique de cette infraction, la valeur protégée, est la vie humaine. La mort d’autrui dans cette infraction n’est pas une composante de l’infraction. C’est pour ça que l’on dit que l’infraction est formelle. Lorsqu’on analyse l’enchainement des évènements, il faut distinguer l’acte d’administration, qui suppose l’ingestion du produit par la victime, c’est l’ingestion qui consomme l’acte d’administration. La conséquence immédiate de cet acte d’administration est l’empoisonnement (résultat matériel). L’empoisonnement peut entrainer la mort d’autrui (résultat juridique).
Les éléments constitutifs sont donc l’acte d’administration et le résultat matériel. Mais la mort est en dehors de ces éléments constitutifs. C’est important de distinguer parce que, s’agissant d’un crime, la tentative d’empoisonnement est toujours punissable. Or, dans la tentative, il faut distinguer entre ce qui constitue un acte préparatoire et ce qui constitue un commencement d’exécution. Le commencement d’exécution c’est l’acte qui tend directement et immédiatement (jurisprudence) à la production du résultat que l’incrimination veut prévenir.
De là une observation : on peut dire qu’il y a commencement d’exécution lorsque l’acte d’administration est accomplie mais que la victime, pour une raison, n’est pas empoisonnée, car l’acte d’empoisonnement tend directement et immédiatement à l’empoisonnement. On commet donc une tentative d’empoisonnement dans ce cas.
Mais peut-on considérer qu’une personne qui emploi un produit, une substance, qui ne conduit pas à un empoisonnement, en est déjà au stade du commencement d’exécution ? C’est le cas posé en jurisprudence d’une personne qui va polluer une rivière volontairement ou qui va jeter dans un puits une substance mortelle, sauf que personne ne va boire d’eau du puits avant de s’apercevoir qu’il est empoisonné. Il n’y a pas acte d’administration mais acte qui se situe en amont. La jurisprudence considère que ce n’est pas qu’un acte préparatoire mais déjà un commencement d’exécution. Elle a raison car un commencement d’exécution est un commencement de l’acte d’administration. Si la victime ne boit pas l’eau du puits, c’est un événement qui est indépendant de la volonté de l’auteur. On peut envisager plusieurs hypothèses :
- Utilisation d’un poison mal dosé, impossibilité d’empoisonner qui tient à un événement relatif.
- Lorsqu’un produit est administré à une victime, mais que celle-ci ne va pas l’ingérer, alors que ce produit lui avait été proposé par un tiers de bonne foi.
Peut-on rechercher la responsabilité de celui à l’origine de a situation, qui a remis le poison au tiers de bonne foi ? Dans ce cas-là, l’instigateur peut être condamné pour tentative d’empoisonnement, puisque, il y a commencement d’exécution selon Crim., 2 juillet 1886 : la remise d’un poison contenant un breuvage empoisonné à un tiers constitue un commencement d’empoisonnement. La mort n’est donc pas une composante de l’infraction (résultat juridique) mais que malgré tout il y a bien un résultat dans l’empoisonnement, le résultat matériel. De plus la tentative de l’empoisonnement est punissable.
Paragraphe 2 : L’élément moral
Source de difficultés, et d’une jurisprudence contestable. Apparemment, c’est simple. C’est un crime, article 121-3 du Code pénal : les crimes sont intentionnels donc il faut analyser l’intention au regard des éléments décrits par les textes d’incrimination : a priori pour qu’il y ait intention dans l’empoisonnement il faut avoir la volonté de l’acte et la volonté du résultat. Principe de concordance entre l’élément moral et l’élément matériel.
- La volonté d’administrer la substance mortifère
Donc on peut définir le dol dans cette infraction en disant que pour être punissable l’auteur doit avoir eu la volonté d’administrer une substance de nature à donner la mort dans le but d’empoisonner autrui. De manière plus simplifiée, l’intention dans l’empoisonnement est la volonté d’administrer une substance mortifère en connaissance de cause.
- La volonté de résultat
Ça n’a pas posé de difficultés pendant longtemps, jusqu’à l’affaire du sang contaminé. Dans cette affaire nationale importante, qui a donné lieu à plusieurs procédures, mettant en cause des médecins, les directeurs du centre national de transfusion sanguine et des ministres. La question était la suivante : années 80, période où on identifie une nouvelle maladie : le VIH, dont on sait que cette maladie peut avoir un effet mortel, mais on est juste au début des conclusions scientifiques. Le centre national de transfusion sanguine est confronté à la question suivante : il y a des stocks de sang, et il semble que certains stocks soient contaminés. Le problème est qu’il est difficile d’identifier les stocks contaminés d’une part et d’autre part si on arrive à les identifier et qu’on les met de côté, on prend un risque sanitaire et médical important car on aura plus assez de sang pour faire face à toute la demande en France. On met en danger la vie humaine. La décision va être prise de prendre le risque de malgré tout utiliser ce sang. A la suite de transfusions sanguines, des personnes seront contaminés.
A partir de là, les procédures sont orientées d’abord vers le délit de tromperie (existe depuis 1905), que l’on trouve dans le Code de la consommation, qui consistait à retenir une qualification de tromperie, c’est-à-dire le fait de fournir à ne personne un produit en le trompant sur les qualités substantielles du produit. On se demande si finalement on ne peut pas envisager l’empoisonnement. La cour de cassation va avoir l’occasion de se prononcer une première fois sans comprendre très bien sa réponse : Crim 22 juin 1994 et Crim., 2 juillet 1998, elle va censurer une chambre d’accusation qui avait renvoyé le prévenu devant une Cour d’assises, au motif que « la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance incriminée ne suffit pas à caractériser l’intention d’homicide ». Cette formule est ambiguë. D’abord elle semble dire que l’intention de tuer est une composante de l’empoisonnement. Ensuite, elle dit qu’on peut administrer une substance dont on connait le caractère mortel sans l’intention de tuer. C’est paradoxal. La discussion était ouverte en doctrine et jurisprudence. Crim., 18 juin 2003 : règle la question. Retient que les médecins qui ont prescrit l’administration de produits sanguins ne sont pas responsables d’empoisonnement, qu’en effet « le crime d’empoisonnement ne peut être caractérisé que si l’auteur a agi avec l’intention de donner la mort, élément moral commun à l’empoisonnement et aux autres crimes d’atteinte volontaire à la vie de la personne ». Cette formule est claire. D’abord, on constate que la Cour de cassation considère que l’empoisonnement est un meurtre particulier. Or, c’est inexact car la différence entre le meurtre et l’empoisonnement est que le second ne prend pas en compte comme élément constitutif la mort d’autrui. Comme l’empoisonnement est un meurtre, il suppose l’intention de tuer. Or, les médecins qui ont pris un risque en utilisant des stocks de sang contaminé n’avaient pas l’intention de tuer leurs patients mais ils voulaient utiliser le sang pour les sauver. L’intention de tuer n’est donc pas caractérisée donc exit les poursuites d’empoisonnement.
Mais dans ce cas on peut dire la même chose s’agissant de toutes les situations dans lesquelles il y a simplement une prise de risque. Ça correspond à l’hypothèse de contamination volontaire par voie sexuelle du VIH, il n’a pas l’intention de tuer. De même ceux qui vont dans des chaines alimentaires prendre le risque d’utiliser des produits dont le risque sanitaire 0 n’est pas établis, ils prennent le risque mais n’ont pas l’intention de tuer. De cette solution, on fait de l’empoisonnement une infraction qui n’a plus d’intérêt. Il s’agit en réalité d’une erreur d’interprétation de ce qu’est un attentat. En vérité le problème aurait dû être pris dans sa globalité, c’est-à-dire d’abord en se demandant ce qu’est l’élément matériel de l’infraction puis l’élément moral. Or, on s’intéressait qu’à l’intention.
Qu’est-ce que l’élément matériel de l’empoisonnement ? Il faut se demander si une prise de risque est un comportement qui est envisagé par l’élément matériel de l’empoisonnement. Ici, à la vérité, il y a plusieurs situations à distinguer, qui correspondent à des mises en danger de la vie d’autrui. Celui qui met sur le marché un produit mortel a un comportement qui peut s’apparenter à ce qui est prévu par le texte d’incrimination qui dit qu’il faut employer ou administrer une substance de nature à donner la mort.
Lorsqu’on met sur le marché un produit dont on connait le caractère mortifère, on emploi pas une substance de nature à donner la mort ? Il semble que si. La personne qui met sur le marché un produit contenant une substance à caractère mortifère est caractéristique de l’infraction d’empoisonnement. Si la mort d’autrui est hors de l’infraction d’empoisonnement, on ne peut pas dire que l’absence de mort n’entraine pas l’empoisonnement. Celui qui met sur le marché un produit dont il connait le caractère mortel a bien l’intention requise par le texte d’incrimination. Cette question ne s’était jamais posée avant, on avait jamais pu observer d’hypothèse sociale où il fallait distinguer volonté d’administrer une substance à caractère mortelle et l’intention de tuer. L’intérêt de ces phénomènes sociaux est de montrer qu’on peut avoir la volonté du premier élément mais pas du second. Il faut s’intéresser au droit positif : prise de risque, l’empoisonnement est hors-jeu. Il faut se tourner vers une autre infraction.
Section 2 : L’infraction d’exposition d’autrui à un risque
Le délit de risque causé autrui est envisagé à l’article 223-1 du Code pénal. C’est une innovation du législateur en 1992 car avant on n’avait pas d’infraction qui avait pour objet d’appréhender celui qui prend un risque susceptible de provoquer une atteinte à l’intégrité physique d’autrui. Cette intervention de la loi pénale à un stade antérieure à l’atteinte peut être attentatoire à la liberté individuelle. Il ne faut pas que le principe de précaution empêche toute activité. Le législateur a voulu trouver une voie médiane entre les personnes qui prennent un risque délibéré et le souci de ne pas bloquer toute activité.
Le texte essai de qualifier le risque et les conditions de son apparition sur la formule suivant : « le fait d’exposer directement autrui … et de 15 000 euros d’amende ».
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
Cette infraction qui vise un risque est une infraction que l’on va qualifier de comportement car l’élément matériel est nettement identifié autour d’un comportement particulier qui est la source d’un risque. S’agissant de l’élément moral, il se caractérise par une faute délibérée.
A) L’élément matériel
Le texte vise d’un côté la violation d’une obligation qui va exposer autrui à un risque : on identifie donc l’acte et le résultat.
1) L’acte
L’acte est une violation d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, étant précisé que cette obligation est particulière. On peut découper ce texte en deux.
- L’obligation violée
C’est une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement. Concernant la source de l’obligation, il faut que la source soit légale ou réglementaire, au sens constitutionnel du terme. Les règlements professionnels déontologiques ne sont pas des obligations prévues par la loi ou le règlement par exemple.
On peut observer ensuite que l’obligation doit porter sur la sécurité ou sur la prudence donc l’obligation quant à son objet est toujours relative à l’intégrité physique.
Ce qui est indiqué c’est que l’obligation doit être particulière et c’est sur ce point qu’on a un débat. Donc si c’est particulier ça veut dire que ce n’est pas une obligation générale : on ne peut pas retenir l’infraction si l’auteur a violé une obligation générale de sécurité ou de prudence, on se retourne vers d’autres qualifications si un préjudice a lieu. La question s’est posée de savoir comment définir cette particularité car plusieurs critères sont envisageables :
- Elle est particulière à raison de la qualité de la personne (particularité subjective)
- Mais la Cour de Cassation envisage le particularisme de l’obligation en raison de la précision de celle-ci : il faut que l’obligation ait un contenu assez précis et par exemple si on raisonne sur le code de la route, une règle particulière qui impose au conducteur de se porter suffisamment à gauche lorsqu’il dépasse (R14 alinéa 5 du code de la route), cette règle est jugée suffisamment précise par la CA de Bordeaux notamment. En revanche, il a été jugé plus récemment par la chambre criminelle dans un arrêt du 18 mars 2008 que la méconnaissance par un médecin d’obligation générale déontologique qui sont imposés par le code de déontologie sont trop générales, n’ont pas un contenu précis et ne peuvent pas servir de base au délit que nous étudions. Mais la chambre criminelle le 18 mai 2010 considère que l’obligation faite à un chirurgien qui lui impose l’assistance d’infirmiers qualifiés est une obligation particulière au sens de l’article 223-1.
Donc on a une casuistique parfois difficile à suivre mais ce que retient la Cour de Cassation c’est la précision de la norme. Souvent ils identifient la norme générale et tout autre obligation qui ne s’inscrit pas dans cette norme paraît plus précise.
- La violation elle-même de l’obligation
L’acte de violation dépend du contenu de l’obligation. Si l’obligation était une obligation de faire alors la violation consiste à ne pas avoir fait : c’est une abstention. Mais si l’obligation était une obligation de ne pas faire, on formulait un interdit et que l’agent à fait alors c’est une faute de commission dont il s’agit. Finalement le délit bien que classé dans les infractions formelles de commission, on aurait pu le mettre dans les infractions formelles d’abstention. On a vu cela quand on a invoqué l’homicide et les violences non intentionnelles car elles peuvent être de commission ou d’abstention.
Donc le délit de risque causé à autrui peut être une infraction d’abstention ou de commission.
2) Le résultat de l’infraction
Il faut d’abord indiquer que nous sommes dans le cadre d’une infraction formelle, donc le résultat n’est pas compris comme une atteinte à l’intégrité physique mais compris comme un risque d’atteinte. Le résultat est matériel.
- Premier questionnement sur le risque
Le risque est-il un risque abstrait ou un risque concret ? On veut dire que deux conceptions du risque sont possibles. Un individu va emprunter une piste fermée car elle est dangereuse et l’individu viole cette obligation de sécurité qui est prévue par la loi ou règlement, ici par arrêté préfectoral. L’individu déclenche une avalanche. Si on veut le poursuivre pour le délit de mise en danger il faut qualifier le risque.
La première théorie est celle du risque abstrait : elle suppose que l’agent ait violé une obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement et le risque est impliqué par cette violation de l’obligation. Dans cette analyse peu importe que l’on cherche à identifier des personnes qui ont été effectivement été en danger puisqu’il suffit que des personnes aient pu se trouver là. Donc ici le simple fait d’avoir violer l’obligation de sécurité fait naître un risque abstrait même il n’y avait personne sur les lieux. Cette approche rejette tout moyen de défense qui repose sur la chance qu’il n’y avait personne. La répression est plus forte.
La théorie du risque concret exige pour qualifier le risque qu’une personne ait été effectivement en danger : c’est autrui qui était effectivement là.
Dans les faits il n’y avait personne, alors le skieur devrait être relaxé car il a mis en danger personne. D’un point de vue politique ce n’est pas facile de choisir parmi les deux théories. Le texte parle d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures. On a l’impression que ce que dit le texte est qu’il faut qu’une victime potentielle soit présente sur les lieux de la prise de risque. Donc à lire le texte, il n’y aurait pas de mise en danger à chaque fois qu’aucune victime potentielle n’était présente sur les lieux. Ainsi on limite le texte. La CA de Grenoble en 1999 avait lu le texte dans ce sens : il faut qu’autrui soit effectivement mis en danger et donc le skieur ne peut être puni.
La cour de cassation n’a jamais répondu à cette question mais on peut déduire d’un certain nombre d’arrêt qu’elle se place dans une logique répressive et elle semble avoir choisi la théorie du risque abstrait qui consiste à appliquer le délit alors même qu’il n’y aurait pas de victime potentielle sur les lieux car une victime aurait pu être là et ça suffit. Par exemple elle envisage un risque abstrait pour un risque pour un village (30 octobre 2007) ou une population (4 octobre 2005). Cette tendance de la jurisprudence ne permet de conclure que sur l’élément matériel il suffit de constater une violation de l’obligation de sécurité ou de prudence qui implique ipso facto un risque abstrait.
- Deuxième questionnement sur le risque
Le risque envisagé par le code est un risque qualifié ce qui veut dire que ce n’est pas de n’importe quel risque dont il s’agit mais d’un risque grave, soit de mort soit de mutilation ou infirmité permanente. On ne va admettre une qualification pénale que lorsque le risque sera particulièrement grave. Si le risque est un risque léger alors même qu’il y a une obligation de prudence ou de sécurité, alors l’infraction n’est pas applicable.
- La causalité
On a un acte, qui est la violation et un résultat qui est le risque (abstrait) et il faut un lien de causalité entre les deux. C’est ce que rappelle le code puisqu’il parle d’exposition directe d’autrui à un risque immédiat. Dans cette formule, il y a deux références à la causalité : directe et immédiat.
Lorsqu’on évoque le mot « directe » il faut que l’exposition soit directe, qui est un premier critère appliqué par la jurisprudence et qui renvoi à la théorie de la causalité adéquate. Il faut un rapport de nécessité entre la violation et le risque qui est compris comme une adéquation.
La question de la causalité peut réapparaître lorsqu’il y a pluralité de faits. On peut identifier deux situations de pluralité de faits :
- les faits sont successifs : violation d’une obligation + un autre fait qui participe à la réalisation du risque qui peut être un fait de la victime fautif ou non. Cette situation peut donner lieu à un jugement sur la causalité par le juge pénal et il se peut que malgré la violation il en conclu que le risque n’a pas été directement causé par cette violation. En jurisprudence, on a un exemple dans un arrêt du 6 octobre 2009 où un infirmier est chargé de faire des injections à un patient, il lui donne des doses supérieures à celles prescrites pour venir moins souvent. Une expertise établie que le surdosage pouvait entraîner des complications mais qui était réversibles si le patient était traité et qui dépendait des prédispositions du patient. La cour de cassation va casser l’arrêt de la CA au motif qu’il n’est pas établi de lien direct et immédiat entre la violation de l’obligation particulière et le risque de mort ou de blessures. Donc on a des situations ou a on a pas de questions sur la causalité car l’obligation entraîne le risque sans aucun problème. Pour la cour de cassation le lien n’est pas direct et que l’infraction n’est pas qualifiée
- les faits sont concomitants : la cour de cassation juge dans un arrêt du 30 octobre 2007 que le délit peut être retenu alors même que la faute délibérée du prévenu n’est pas la faute exclusive. Donc dire que le lien de causalité doit être direct ne veut pas dire qu’il doit être nécessairement exclusif. Il faut que le risque soit immédiat qui renvoi au critère de la causa proxima. La causalité est plus facilement établie lorsqu’il y a une proximité temporelle entre la violation et le risque. C’est important quand on veut juger de l’impact de faits de pollution ou on peut envisager un laps de temps au moment où des règles ont été violées et le moment ou est apparu le risque. Ce critère de la causa proxima est facilement compréhensible. On aura tendance a considéré qu’il y a un lien de causalité lorsque le risque et la violation sont proches dans le temps et a ne pas retenir une telle causalité lorsqu’il y a un long laps de temps entre le risque et la violation. Ce critère n’est pas autonome et se rattache au premier car la question peut être répondu avec la causalité proxima et adéquate si un fait s’intercale.
B) L’élément moral
Il est très délicat à comprendre. Il y a en effet une première question qui est une question de droit pénal général et cette question on peut l’évoquer au regard de l’article 121-3 dont on se souvient qu’il est relatif à l’élément moral. L’alinéa 2 dispose que « … ». le seul cas ou on envisage la notion de faute délibérée en tant qu’élément constitutif d’une infraction c’est le délit que nous allons étudier. Il y a un autre cas qui est un peu différent : lorsque la faute délibérée est envisagé comme une circonstance aggravante des violences ou homicides involontaires. Là on va évoquer la faute délibérée en tant qu’élément constitutif du délit de risque causé à autrui.
Donc l’élément moral c’est la faute délibérée de l’article 121-3 alinéa 2. Donc ça veut dire qu’on se situe dans le cadre d’une infraction ambiguë parce que si on parle de faute délibérée c’est qu’on est pas dans de l’intentionnel car l’agent n’a pas voulu atteindre la victime mais qu’on est pas non plus dans de l’imprudence simple puisque l’agent a voulu le comportement donc on est dans une situation intermédiaire : l’imprudence consciente.
Les choses semblent simples mais on peut envisager l’élément moral de cette faute sous deux angles :
- la faute délibérée suppose la volonté de l’acte : le texte parle d’une violation délibérée et même de violation manifestement délibérée. Par conséquent celui qui viole par erreur une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ne peut pas commettre d’infraction.
- ex : un chasseur à qui il est interdit de chasser près des maisons, mais qui n’a pas pu connaître cette interdiction car les panneaux avaient été enlevés. Il commet une erreur et il n’a pas violé de manière manifestement délibérée l’obligation
- ce qui pose problème c’est la deuxième approche : la conscience du risque. Il faut que l’agent ait eu conscience du risque provoqué par son acte. On retrouve le débat mené sur l’élément matériel car tout dépend du risque sur lequel on raisonne :
- si on raisonne sur un risque abstrait il faudrait prouver que l’agent a eu la volonté de violer de façon manifestement délibérée en ayant conscience d’un risque abstrait : ne pose pas de difficulté car s’il viole manifestement délibérée une obligation alors il sait qu’il prend un risque abstrait. Donc l’élément moral est assez simplifié car de la première composante découlera nécessairement la seconde
- si on raisonne sur le risque concret, une chose est de violer de manière manifestement délibérée une obligation et autre chose est d’avoir conscience du risque. Dans l’arrêt de la CA de Grenoble c’est ce que les juges soulevaient. Comme il n’y avait pas eu conscience de mettre quelqu’un en danger, il n’était pas responsable.
Pour la cour de cassation, elle a tendance à raisonner sur le risque abstrait. Mais pour l’élément moral elle considère que c’est un délit simple qui est constaté par la seule violation délibérée de l’obligation. Pour la cour de cassation l’élément moral du délit est constaté par la violation de l’obligation. On a cette formulation dans un arrêt du 9 mars 1999 ou la chambre criminelle statue sur l’affaire de ski : pour elle l’élément intentionnel (dans le sens élément moral) de l’infraction résulte du caractère manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement »
Dans un arrêt de 1999 elle déclare que la faute constitutive du délit est caractérisée par la violation manifestement délibérée de l’obligation et ajoute que ce texte n’exige pas que l’auteur ai eu connaissance du risque effectivement causé par son manquement. On peut déduire qu’on retient la théorie du risque abstrait.
Donc, il suffit de prouver la violation manifestement délibérée de l’obligation et cette violation implique nécessairement une conscience du risque abstrait. En revanche il n’est pas nécessaire que la poursuite démontre que l’agent avait connaissance d’un risque particulier pour une victime. Si les faits permettent de démontrer que l’agent avait conscience du risque, alors l’élément moral est établi.
Paragraphe 2 : La répression
Il y a une problématique dans le cadre de la répression qui est celle des concours de qualifications. En effet, deux types de concours sont envisageables : réels ou idéal.
Il se peut que le concours soit réel parce que l’obligation de sécurité est sanctionnée à titre autonome. Par exemple, l’obligation est prévue par le code de la route, sa violation est sanctionnée par une contravention mais en même temps autrui a été exposé à un risque donc le délit à vocation à s’appliquer. Il se peut qu’on soit en concours réel car tous les éléments ne sont pas réunis au même moment et que le risque est apparu plus tard. Les faits sont successifs et on peut envisager plusieurs déclarations de culpabilité dès lors qu’on constate des infractions distinctes.
Mais la plupart du temps le concours sera idéal car ce sera le même fait qui sera qualifié deux fois. Dans ce cas-là, on applique en droit commun la règle de la qualification la plus haute dès lors que la même valeur sociale est en cause.
Mais ce qui pose difficulté c’est la situation ou plusieurs victimes sont envisageables parce que à la suite d’un comportement dangereux certaines ont été atteintes et d’autres n’ont pas été atteintes. Ici on a un même fait, l’obligation de prudence ou de sécurité mais qui donne des résultats distincts car des victimes ont été atteintes et d’autres ont courus un risque. Pour la jurisprudence on peut appliquer cumulativement les qualifications dès lors que les parties sont distinctes. Pourront se constituer partie civile les victimes soit pour H ou B I ou pour délit de risque causé à autrui en fonction des situations. En revanche, si on a plusieurs victimes qui ont subi la même atteinte, il n’est pas possible de prétendre poursuivre l’auteur pour le délit de risque causé à autrui car on a été au-delà du risque car on a une atteinte. Aussi on ne peut pas prévoir en même temps une infraction formelle et matérielle pour une même victime : soit la victime a été atteinte soit elle n’a pas été atteinte car a « juste » subi un risque. Si on a un dommage, alors il n’y a plus de risque.
Section 3 : Les provocations
La provocation est appréhender par le droit positif comme une forme de complicité et donc, la plupart du temps c’est par cette technique qu’on appréhende la provocation mais cette technique suppose un préalable car il faut un fait principal punissable. Et donc, la question peut se poser pour le législateur d’envisager d’incriminer des actes de provocation qui se greffent sur des faits qui en eux-mêmes ne seraient pas qualifiables. Il se peut que l’acte soit légal mais malgré tout l’intérêt général commande que ce type d’acte ne se réalise pas. On a deux types d’actes :
- acte de provocation à la mort (suicide)
- produit dangereux pour la santé dont l’usage est libre mais dont on va empêcher la consommation
Paragraphe 1 : La provocation au suicide
Elle est punie à l’article 223-13 mais la loi française n’appréhende pas le suicide en tant qu’infraction. Avant la réforme du code pénal et avant l’ouvrage « suicide mode d’emploi » des années 80 s’est posé la question d’incriminer la provocation au suicide car il est d’intérêt général que la vie de chacun soit préservée.
A) L’infraction principale
- L’élément matériel
On a un acte de provocation qui est illicite mais il n’est pas défini par le législateur en sorte que toute incitation quel que soit sa forme d’expression peut être qualifiée de provocation (écrit, image, geste etc..). Ce qui va qualifier l’acte de provocation est le pouvoir causal. On le comprend bien lorsque la jurisprudence considère qu’un simple conseil n’est pas suffisamment incitatif pour être qualifié d’acte de provocation. Il faut que l’acte soit suffisamment contextualisé pour être doté d’un pouvoir sur une personne raisonnable.
La provocation doit avoir eu un effet : provocation suivie d’effet ou non suivie d’effet. Ici on est dans le cadre d’une provocation suivie d’effet car il faut soit une tentative soit un suicide consommé. Ce qui donc nous place dans la même situation technique que si on raisonnait sur la complicité. Donc la poursuite ne sera pas envisageable si l’auteur principal s’est désisté. Il faudra constater soit la mort d’autrui soit un commencement d’exécution.
La provocation doit viser une personne humaine mais pas une personne déterminée. De ce point de vue on peut envisager d’incriminer ceux qui provoque publiquement au suicide ce qui était le cas dans l’affaire « suicide mode d’emploi »
- L’élément moral
C’est une infraction intentionnelle qui suppose la volonté de l’acte et du résultat. Une personne qui remet un couteau a un individu dont elle connait le comportement suicidaire mais en lui interdisant de s’en servir n’a pas l’intention requise par le texte.
B) L’infraction complémentaire
Elle est visée par l’article 223-14 : « … ».
- L’élément légal
Elle porte atteinte à la liberté d’expression et l’article 10 de la CEDH est en cause et on peut se demander si la qualification pénale est conforme à la CEDH. L’article 10 §2 prévoit que des restrictions peuvent y être apporté si elles sont prévues par la loi, si …. . La Cour de Cassation n’a jamais été saisie de cette question. L’objectif légitime ici est la protection de la vie et l’infraction ne paraît pas disproportionnée dans sa rédaction et dans sa sanction au regard d’autres qualifications contenues dans la loi du 29 juillet 1981 relative à la loi sur la presse.
- L’élément matériel
Nous sommes face à une infraction qui suppose que l’acte peut viser une personne déterminée ou le public et le fait d’avoir réédité l’ouvrage est punissable et cette fois ci l’éditeur a été condamné dans un arrêt du 18 janvier 2001 par la CA de Paris.
La publicité doit concerner des produits, objets, méthodes mortifères mais il n’est pas interdit de parler du suicide ce qui serait une atteinte disproportionnée a la liberté d’expression. Ce qui pose question c’est l’apologie du suicide en tant que méthode expiatoire car elle pourrait s’analyser comme un acte de provocation si elle est suivie du fait. Si l’apologie du suicide n’est pas suivie d’effet alors n’entre pas dans le cadre de l’infraction.
On est face à une infraction formelle, donc on n’a pas de résultat particulier.
On peut distinguer la provocation d’adulte et de mineur.
- La provocation d’adulte
Ce qui est envisagé est la provocation a l’usage illicite de produits stupéfiants alors que cette provocation n’a pas été suivie d’effet : article L321-4 ? Du code de la santé publique. Sont donc visés les actes de provocation directe mais également les actes médiatiques. L’objectif de l’infraction est de prévenir l’usage de la drogue. C’est à ce propos que la jurisprudence est intervenu pour juger que cette incrimination était conforme à l’article 10 de la CEDH. Le débat était porté car ont été poursuivi des personnes qui au titre de la liberté d’expression présentait par des signes favorables à la consommation de stupéfiants (teeshirt, cartes postales etc..). Dans toutes ces hypothèses l’infraction est applicable et la plus médiatique qui a donné lieu à un arrêt en 1998 a été celle d’une manifestation publique qui incitait à la consommation d’usage illicite de stupéfiant.
Les peines sont de 75 000 euros d’amende et de 5 ans d’emprisonnement. Lorsque la publication est faite par la voie de presse on applique les règles de responsabilité en cas prévue par l’article 41 ??? de la loi de 1981. en premier lieu on a la responsabilité directeur publication à défaut imprimeur à défaut le ????. Donc l’auteur de l’infraction est qualifié par la loi donc n’a pas a être recherchée.
- La provocation des mineurs
Le code envisage 3 délits de provocations de mineurs :
- 227-17 : « … »
- 227-18-1 : « … »
- 227-19 « … » : la consommation de boisson alcoolique n’est pas incriminée en France mais la provocation à la consommation le devient s’il s’agit d’un mineur
Ce sont toutes des infractions matérielles c’est-à-dire qui supposent un effet.
Section 4 : Le délaissement des personnes vulnérables
C’est une infraction de commission depuis 2012. On trouve cette infraction à 2 endroits dans le Code. On peut délaisser un adulte qualifié de personne vulnérable (article 223-3 du Code pénal) ou délaisser un mineur (article 227-1).
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
A) La condition préalable
Il faut isoler une condition préalable : dans certaines infractions, on peut isoler un élément préalable à l’infraction alors que cet élément renvoyait à d’autres disciplines. Cette condition est en quelque sorte dépénalisée. Mais cette théorie ne reflète véritablement le droit. Lorsque le juge apprécie cet élément, il l’apprécie d’un point de vue pénal et non vis-à-vis de la définition faite par d’autres disciplines ; c’est la spécificité du droit pénal.
La condition préalable est ici la victime ; il faut que cette victime soit vulnérable. Cette vulnérabilité peut être définie de 2 façons :
- La vulnérabilité peut être définie au regard de la minorité de 15 ans : article 227-1. Il n’y a pas d’appréciation concrète sur la capacité d’adaptation ou de résistance.
- La vulnérabilité peut être définie par des critères lorsque la personne est adulte. On fait une appréciation in concreto : âge, état physique ou psychique de la personne : article 223-3. Le juge pénal doit qualifier in concreto la vulnérabilité et il ne s’agit pas de toute vulnérabilité : la vulnérabilité sociale n’est pas prise en compte par le texte ; de même pour la prise d’alcool ou de stupéfiants.
La victime est alors identifiée.
B) L’acte de délaissement
- La matérialité
Ce critère fait débat. Délaisser serait abandonner sans secours ni soin. On pourrait concevoir que l’on abandonne en s’abstenant. La Cour de cassation en 2000 et en 2012 a affirmé que le délaissement suppose un acte positif ; les magistrats retiennent que le délaissement est une infraction de commission.
Pour définir l’illicite, on peut identifier 2 types de situation :
- Celui qui délaisse était chargé d’une obligation de soins (infirmière) : l’acte de délaissement est assez facilement identifiable (il fallait agir mais on ne l’a pas fait).
- Celui qui délaisse n’avait aucune obligation de soin : l’infraction est plus difficile à concevoir sauf si les circonstances permettent de qualifier une obligation d’agir : lieu dangereux par exemple ; mais finalement, on identifie une personne qui omet de porter secours à une personne vulnérable et non une personne qui abandonne positivement une personne vulnérable.
- Le résultat
C’est une infraction formelle qui ne suppose pas une atteinte positive à l’intégrité physique de la personne. Il y a délaissement du seul fait de l’abandon même si un tiers apporte un secours à cette personne vulnérable. On est dans une infraction de mise en danger. La personne encourt un risque non qualifié.
- L’intention
Ces infractions sont intentionnelles, il faut la volonté d’abandonner une personne vulnérable en ayant conscience de la mettre en danger. Il faut une volonté d’abandon et une conscience de la vulnérabilité de la victime.
Il a été jugé que le fait de laisser vagabonder des enfants n’était pas un acte de délaissement.
Paragraphe 2 : La répression
Sur le délaissement de l’article 223-3, l’infraction devient criminelle lorsque le délaissement a produit un résultat juridique qualifié. C’est la mutilation ou l’infirmité permanente ou la mort (15 ans ou 20 ans de réclusion criminelle). En dehors de ces cas l’infraction est un délit ; il y a donc modification de la qualification.
Sur le délaissement de l’article 227-1 l’infraction est punissable de 7 ans et 100 000 € d’amende mais l’infraction devient criminelle dans les mêmes cas (20 ans ou 30 ans de réclusion criminelle).
Chapitre 2 : L’infraction d’abstention : La non-assistance à personne en danger
Il y a 2 qualifications présentent à l’article 223-6 du Code pénal. Le Code sanctionne 2 abstentions délictueuses :
- L’omission d’empêcher une infraction contre l’intégrité corporelle
- L’omission de porter secours stricto sensu
L’incrimination d’une abstention dans le Code pénal pose 2 problèmes.
L’un politique portant sur le choix du législateur. Il est toujours beaucoup plus attentatoire à la liberté individuelle d’incriminer une abstention par rapport à l’incrimination d’une commission. Dans une société libérale, formuler un interdit est un facteur de liberté ; au contraire, lorsque l’on incrimine l’abstention on oblige quelqu’un à agir. C’est donc attentatoire à la liberté. La valeur qu’il convient de protéger est particulièrement importante ce qui implique cette obligation d’agir il faut une atteinte à la vie.
Le second pose un problème technique s’adressant au juge ; il y a un problème de causalité. Si l’on s’abstient, on ne cause rien. La question de la causalité est mise de côté. Le juriste n’est pas scientifique et n’a pas à prendre en considération la causalité scientifique ; il peut prendre en compte une causalité morale consistant à porter un jugement de valeur sur ce qui aurait pu être. L’inaction d’une personne permet la continuité du fait causal ; si une personne intervient, elle peut empêcher le processus de se poursuivre ; la causalité est alors négative au point de vue du juriste.
Section 1 : Les éléments constitutifs de ces qualifications
Paragraphe 1 : L’élément matériel
L’infraction d’abstention suppose d’inverser le raisonnement par rapport à l’infraction de commission. Il faut identifier une obligation d’agir. Ensuite, il faut constater que la personne poursuivie n’a pas agi, elle s’est abstenue ; on ne qualifie une abstention que par rapport à un préalable.
A) L’obligation d’agir
Cette obligation peut être fondée sur 2 types d’éléments :
- La potentialité d’un crime ou d’un délit contre l’intégrité corporelle : article 223-6 alinéa 1er. On doit qualifier au préalable l’infraction. Cette infraction est qualifiée de crime ou délit contre l’intégrité corporelle. Celui qui s’abstient d’empêcher une contravention n’est pas punissable.
Cette infraction doit être potentielle ; on situe dans une phase qui est antérieure à la consommation et même au commencement d’exécution. On peut envisager de punir celui qui s’abstient d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle qui n’en est qu’à l’état de projet dès lors que ce projet est certain (arrêt 1951). Cette nécessité d’une infraction potentielle subit des tempéraments dans 2 cas :
- On peut se trouver face à une infraction renouvelée (cas de l’inceste dont la mère s’abstient l’infraction).
- On peut se trouver face à une infraction continue (acte d’exécution dure) ou d’habitude (acte se répète) : il convient de sanctionner celui qui s’abstient d’empêcher la continuation ou la répétition.
- L’obligation d’agir fondée sur l’existence d’un péril pour une personne : article 223-6 alinéa 2nd. Il faut une personne et il faut un péril.
- La personne doit-elle être entendue comme être humain ou personne juridique ?
La cour de cassation a jugé en 1992 que l’infraction était applicable à un enfant à naitre. L’omission de porter secours pourrait viser l’enfant né vivant mais l’enfant qui serait décédé avant accouchement ne serait pas viser. On remettrait en cause la décision de 1992.
Si la personne est décédée, on peut se poser la question en raisonnant sur l’infraction impossible. Peut-on s’abstenir de porter secours à une personne que l’on croit vivante mais qui est décédée ? La tentative n’est pas punissable et une tentative d’abstention n’est pas envisageable.
Il faut donc une personne né vivante et qu’elle soit en vie.
- La personne doit être en péril. C’est une situation critique faisant craindre de graves conséquences. On peut envisager 2 types d’hypothèses concernant la source du péril.
- Il peut trouver sa source dans un fait de la victime. La victime s’est placée elle-même dans une situation de danger. Elle peut le faire en commettant une faute. Cette situation correspond à de multiples hypothèses ; l’infraction est applicable alors même que le péril a été provoqué par la victime. Dans le cadre médical, si le patient refuse des soins ; la loi du 4 mars 2002 donne une autorisation de la loi : « les médecins sont autorisés à ne pas soigner de patient qui s’y refuse dès lors que ce patient a été informé des conséquences de son choix et que le médecin à tout mis en œuvre pour soigner le patient ».
- Il peut trouver sa source dans l’auteur de l’omission : une personne porte des coups à une victime ; elle commet donc un 1er acte délictueux. Cette personne omet d’apporter des secours à la personne qu’elle a blessée. Y a-t-il concours d’infraction ?
Il peut être légitime d’admettre qu’une obligation d’assistance s’impose et que le fait de s’abstenir soit répréhensible lorsque l’infraction est non intentionnelle : la cour de cassation admet ce principe.
Lorsque l’infraction d’origine est intentionnelle, la question est plus discutable. L’infraction d’origine sera punie plus sévèrement que l’omission ; le seul intérêt de cumuler les infractions serait lorsque les conséquences de l’infraction d’origine sont légères, mais on se demande alors s’il y a vraiment un péril.
Dans tous les cas on ne peut pas vouloir frapper et vouloir secourir ; donc dans le fait de punir l’infraction de violence, on incrimine également le fait de ne pas porter secours. Cette notion est développée par une partie de la doctrine. Il est possible que l’on admette de poursuivre d’abord pour violence puis pour omission de porter secours par la suite. L’arrêt du 24 juin 1980 indique que l’infraction de violence ayant entrainé la mort sans intention de la donner n’est pas exclusive de l’omission de porter secours ; l’idée d’un cumul ne serait alors pas impossible.
Concernant la nature du péril, il faut que le péril vise un risque corporel qui va se produire ou qui va se reproduire. Le péril doit également être immédiat et constant. La potentialité d’un dommage corporel doit être suffisamment forte pour que l’on oblige à agir. Le péril doit être réel et non hypothétique. Le péril doit être constant donc continu.
L’obligation d’agir est fonction d’un péril qui vise une personne déjà né et qu’il doit être immédiat et constant.
B) Le comportement d’abstention
Ce qui est visé dans l’article 223-6 c’est le simple comportement indépendamment du résultat. C’est une infraction formelle. Le comportement est un fait qui est illicite.
- 1) Le fait d’abstention
S’abstenir, c’est ne rien faire. L’alinéa 1er de l’article 223-6 précise que le fait d’abstention est le fait de ne pas faire obstacle à la commission d’une infraction contre l’intégrité corporelle. C’est un fait simple ou le fait de ne pas utiliser suffisamment de moyens (cas de la dissuasion). L’alinéa 2 de l’article précise que l’abstention doit être pure et simple. Mais lorsque la personne agit et que l’on peut discuter les modalités de l’assistance. Le texte exige 2 types d’actions ; on peut soit agir soit même, soit provoquer les secours.
- 2) Le fait illicite
Le législateur est plus précis. L’abstention décrite par l’article 223-6 alinéa 2 est précisée puisque le texte vise soit le fait de s’abstenir de porter secours par son action personnelle soit le fait de s’abstenir de provoquer un secours. Il y a deux membres de phrase mais il n’y a pas une option pour le délinquant.
La jurisprudence précise que les deux possibilités légales ne sont pas alternatives. Celui qui se contente d’appeler le SAMU alors qu’il pourrait agir lui-même avec plus d’efficacité reste punissable. La jurisprudence a même jugé en 1954 que celui qui trouve un enfant nouveau-né dans une poubelle et s’abstient de le ramasser mais se contente d’appeler un tiers pour le ramasser est coupable d’omission de porter secours. Ces deux possibilités ne sont donc pas alternatives, elles peuvent être cumulées. Deux éléments de l’assistance sont précisés par la jurisprudence
- D’abord, il faut que l’assistance soit possible. Il n’y a abstention que si une action était possible. Cette possibilité d’assistance est appréciée en tenant compte des capacités de l’auteur, notamment de ses aptitudes. C’est une appréciation in abstracto malgré tout. Ex : on voit une personne se noyer, on ne sait pas nager cette aptitude d’omission est prêtée au bon père de famille qui ne sait pas nager. Il faut donc que l’assistance soit possible.
- Il faut dire ensuite que le résultat de l’assistance est indifférent. On n’est pas tenu d’une obligation de résultat mais d’une simple obligation de moyen. Celui qui tente de porter assistance mais par maladresse n’est pas efficace ne commet pas le délit d’omission de porter secours.
Une fois que cette abstention dans sa matérialité est constatée, la loi ajoute une appréciation de la légitimité de l’abstention, qui est appréciée à travers une notion légale : l’absence de risque. On est coupable lorsqu’on s’est abstenu d’agir alors qu’il n’y avait aucun risque soit pour soit même soit pour les tiers. Cette formule fait penser à une hypothèse de justification. S’il existait un risque pour la personne ou pour un tiers, l’abstention n’est pas punissable. S’il n’existait aucun risque elle devient punissable.
La jurisprudence considère que le risque visé doit être un risque sérieux pour la vie ou pour la santé. Lorsqu’une intervention est trop risquée pour l’auteur ou pour les tiers, l’abstention n’est pas punissable à condition que ce risque soit sérieux. Il a par exemple été jugé que le simple risque moral pour un éducateur de perdre la confiance des jeunes délinquants qu’il a sous sa responsabilité, ce simple risque moral ne constitue pas un risque au sens de l’article 223-6, risque qui serait susceptible de l’exonérer de sa responsabilité lorsqu’il s’abstient d’interrompre des violences commises par ces jeunes délinquants sur d’autres jeunes. Bien sûr, il y a toujours un risque dans une intervention. C’est le risque majeur qui doit justifier l’abstention.
Paragraphe 2 : L’élément moral
Il est simple et compliqué en même temps. Simple : on est face à une infraction intentionnelle, qui est formelle donc l’intention se résume à la volonté de s’abstenir, mais en ayant conscience d’un péril justifiant une obligation d’agir ou en ayant conscience d’un crime ou d’un délit potentiel contre l’intégrité corporelle. Or cette conscience du péril ou de l’infraction potentielle pose difficulté lorsque l’auteur de l’omission n’est pas le témoin direct du danger. La jurisprudence distingue ainsi celui qui apparait comme le témoin direct du danger, pour lequel on impose la preuve de la bonne foi.
Mais lorsqu’on est qu’un témoin indirect (médecin au téléphone) on ne constate pas le péril en lui-même. Dans ce cas-là, la Cour de cassation juge d’abord que le médecin reste le seul juge de son intervention, c’est lui, en fonction des informations qu’il obtient qui décide en sa qualité de professionnel de l’utilité de son intervention. Mais la Cour de cassation juge qu’il est possible de reprocher à un médecin une abstention lorsqu’il ne s’est pas suffisamment informé et qu’il n’a donc pas pris toutes les mesures pour prendre la connaissance du péril immédiat et constant.
Jurisprudence subtile qui a un effet pervers. Mais alors on reproche l’imprudence, la négligence, or on n’est pas dans une infraction d’imprudence mais dans une infraction d’abstention intentionnelle. Donc il faudrait punir un médecin qui n’agit pas volontairement. Mais moyen de défense trop simple. La Cour de cassation condamne donc un médecin qui n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour prendre conscience du péril et donc intervenir.
Section 2 : La répression
Paragraphe 1 : Les observations à l’action publique
Le législateur n’a pas envisagé de circonstances aggravantes. Quant à l’action publique, les délits sont punis de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Les peines sont plus importantes que celles retenues pour les violences par imprudence.
Sur les personnes responsables, les personnes morales peuvent être responsables de ces infractions. Peut-on être complice d’une telle infraction ? Ce n’est pas possible, il y a nécessaire co-action. Les personnes sont co-actrices de l’infraction d’omission.
Paragraphe 2 : Les observations à l’action civile
Sur l’action civile, il y a une distinction entre les infractions d’intérêt privé et les infractions d’intérêt général.
Pour les infractions d’intérêt général, la Cour refuse une constitution de partie civile, on peut se demander si l’infraction de l’omission de porter secours ne sanctionne pas un devoir de solidarité, qui est un devoir d’intérêt général. Il y a eu une hésitation. Pendant longtemps, la Cour a considéré que cette omission de porter secours était d’intérêt général et par conséquent la constitution de partie civile était irrecevable.
Cette position a évolué, la Cour déclare, dans un arrêt du 16 mars 1972, repris le 19 juin 1996, que les dispositions ont pour objet l’intérêt général de la collectivité et réprime le trouble causé à l’ordre public, elles ont aussi pour but la protection des intérêts de la vie privée. L’action civile doit réparer le préjudice. L’abstention n’a pourtant pas causé le préjudice corporel, mais elle a permis la réalisation de ce préjudice ; cela suffit au sens de l’équivalence des conditions. La jurisprudence admet de réparer tous les préjudices que les victimes soient immédiates ou par ricochet.
Livre 2 : Les Infractions contre la Liberté Corporelle
La liberté corporelle peut renvoyer à deux types de droits fondamentaux, le droit pénal va assurer la protection concrète de ces droits. La 1ère liberté est la liberté physique d’aller et de venir, elle est reconnue par notre corpus et l’article 5 de la convention européenne. Elle est garantie par l’interdiction d’une séquestration arbitraire. En second lieu, la liberté corporelle c’est aussi la liberté sexuelle qui renvoie à l’article 8 de la convention européenne, au droit et respect de la vie privée.
Chapitre 1 : Les infractions contre la liberté sexuelle
Les infractions sexuelles sont une catégorie extrêmement vaste d’infractions. Le sexe peut être envisagé de manière duelle. En effet, cela peut être une question physique et alors on peut envisager qu’un certain nombre de comportements soit punissable parce qu’ils se traduisent par un contact physique avec la victime qui n’est consenti, l’infraction phare c’est le viol mais à côté on va pouvoir envisager les autres agressions sexuelles. Cette 1ère catégorie est celle des agressions sexuelles dont le viol et les autres agressions. Le sexe peut aussi être une question morale, on va parler d’infractions contre les mœurs. On ne sera plus dans le cadre de l’incrimination d’un comportement physique mais un comportement qui impose à la victime une situation dont elle ne souhaite pas.
Section 1 : Les infractions sexuelles physiques
Il y a deux catégories dans les infractions sexuelles physiques. On peut agresser physiquement la victime ou on peut atteindre la victime sans agression, dans ce cas, c’est punissable en raison de la qualité de la victime par exemple un mineur. On va distinguer les infractions qui supposent une agression et celles qui ne supposent pas d’agressions.
Sous-section 1 : Les agressions sexuelles
Elles sont définies de manière générale à l’article 222-22 du Code pénal. C’est un texte qui présente une particularité puisque c’est un texte de définition, ce n’est pas un texte d’incrimination contenant une peine. Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte et surprise. Dans cette définition, on oriente le projecteur vers l’auteur, il faut qu’il soit violant, menaçant, surprenant et qu’il contraigne dans le but d’atteindre la victime. On peut distinguer entre deux types d’agressions sexuelles avec le viol d’un côté et les autres agressions sexuelles de l’autre.
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs des agressions sexuelles
On peut isoler l’infraction phare le viol et ensuite les autres agressions.
- I) Le viol
Le viol, tout le monde a l’impression de savoir ce que c’est. L’ancien code pénal ne le définissait pas. L’article 222-23 dit que c’est tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle.
A) L’élément matériel
On est face à une infraction qui suppose un acte et un résultat.
- 1) L’acte
On peut l’envisager en tant que acte consommé ou tenté.
- L’acte consommé
Le code à l’article 222-23 nous dit deux choses. D’abord, l’acte de viol c’est un acte de pénétration sexuelle. Ce qui suppose une pénétration active de l’auteur dans la victime. Il y a deux conséquences, tout acte sexuel non consenti qui n’est pas une pénétration de la victime n’est pas un viol. Cela constitue une différence entre le langage commun et le langage juridique. La 2ème conséquence, l’auteur doit réaliser cet acte de pénétration sur la victime, ce qui est important lorsque l’on raisonne sur la fellation qui a fait l’objet d’une jurisprudence importante de la Cour de cassation. Il fut affirmé que tout acte de fellation constitue un viol lorsqu’il est imposé avec menace, contrainte, et surprise, arrêt du 16 novembre 1997. Cette affirmation était fausse, tout acte de fellation n’est pas un viol, il faut en effet distinguer deux situations. La 1ère une fellation qui est imposée et pratiquée par l’auteur sur la victime n’est pas un viol, ce n’est pas un acte de pénétration de la victime mais de l’auteur. En revanche, une fellation imposée par l’auteur à la victime peut être considérée comme étant un viol. Il ne faut pas dire que le viol ne concerne que les hommes en tant qu’auteur. C’est vrai que dans la pratique judiciaire, c’est une infraction qui est plus commise par des hommes, mais cela ne veut pas dire que l’infraction ne peut pas être commise par une femme.
Le 2ème élément est de quelque nature qu’il soit. La nature de l’acte de pénétration est indifférente, le texte permet d’envisager tous les moyens de pénétration corporels mais même matériels. On peut même d’ailleurs dire que la partie pénétrée de la victime est également indifférente que l’on raisonne sur un rapport sexuel normal ou différent, la qualification est envisageable avec une réserve c’est que la pénétration soit de nature sexuelle.
- L’acte tenté
Parce que le viol étant un crime, la tentative est nécessairement incriminée. Le viol en tant que commencement d’exécution c’est un acte qui tend directement et immédiatement à la pénétration de la victime. C’est une définition théorique. La plupart du temps les choses ne sont pas simples, il est parfois assez délicat de qualifier une tentative de viol. D’autres qualifications peuvent alors apparaître comme étant plus opportunes ou plus faciles à qualifier, notamment la qualification de d’autres agressions sexuelles ou d’exhibition sexuelle.
- 2) Le résultat
Le résultat c’est évidemment la conséquence immédiate de l’acte, la victime est matériellement pénétrée. Mais au plan juridique, c’est une atteinte à la liberté sexuelle d’une personne. C’est ça le bien juridique protégé. On peut distinguer en isolant la personne et ensuite en constatant en quoi consiste cette atteinte.
- La personne
Pour que l’on puisse constater un viol, il faut que cet acte se réalise sur une personne. Cette personne doit revêtir deux caractéristiques. C’est une personne humaine. Il n’y pas viol sur un animal. L’infraction de viol ne concerne que les personnes humaines. Mais en revanche, toute personne juridique peut subir un viol, contrairement à l’idée reçue, il n’y pas de ségrégation. On peut parler d’un viol entre époux, sur un homme, sur des enfants.
La personne doit être vivante. Est-il possible d’envisager un viol sur un cadavre. Des situations entre le meurtre impossible et le viol impossible ne distinguent pas de la même façon. Pour le meurtre, le fait de porter un coup de couteau sur un cadavre, on peut punir pour tentative. Ici, la pénétration de la victime donc du cadavre, consomme toute l’infraction, on ne peut pas isoler l’acte de son résultat, c’est par la pénétration que le viol se consomme. Lorsque le cadavre est pénétré par l’auteur, le viol est consommé, donc on ne pas raisonner sur la tentative. Une autre infraction applicable c’est l’atteinte à l’intégrité d’un cadavre.
- Le résultat à l’atteinte sexuelle
Ce qui vient à l’esprit c’est que l’atteinte est dépendante du consentement de la victime ou plus exactement de son absence de consentement, on est face à une infraction qui fait de cette absence de consentement un élément constitutif. Il n’y a pas viol si le rapport sexuel est consenti. Cette évidence qui fonde l’incrimination doit être nuancée lorsqu’on appréhende l’infraction d’un point de vue technique. Dans la définition du viol, le mot consentement n’apparaît nulle part. Cela montre que le droit pénal ne s’intéresse pas à la victime mais à l’auteur, ce qui nous intéresse c’est le comportement de l’auteur. Le droit pénal est un droit pragmatique, concret, il est beaucoup plus simple de prouver des éléments positifs (violence, contrainte, menace, surprise), que de prouver un élément négatif, la victime n’a pas consenti. Pour prouver l’absence de consentement de la victime, il va falloir établir légalement que l’auteur a été soit violent, contraignant, menaçant ou surprenant. C’est très important, si la question (question que l’on pose aux jurés, ils peuvent répondre par oui et non et n’ont pas à motiver, il y a notamment une question sur la qualification, X a-t-il commit sur Y un acte de pénétration avec violence, surprise, menace et contrainte) qui est posée à la Cour d’Assises ne précise pas ses éléments, la question est nulle et donc l’arrêt peut être cassé ou annulé. Il faut définir les termes. Le législateur emploie quatre termes qui en réalité ne renvoient pas forcément à des réalités distinctes. A travers ces quatre comportements, on démontre l’absence de consentement. La violence c’est une pression physique sur la victime.
La contrainte viserait plutôt une pression morale. Les violences sont devenues morales par l’effet de la jurisprudence. Puis le législateur à l’article 222-22-1 dit que la contrainte de l’article 222-22 peut être physique ou morale. Quant aux menaces, on peut dire que c’est une forme de contrainte morale. On peut dire que contrainte, menace et violence renvoient à peu après à la même réalité. Il y a par ces trois moyens une atteinte à la liberté du consentement de la victime. La victime a été surprise, c’est à dire que son consentement a été surpris, la victime a été trompée, cela peut renvoyer à des hypothèses assez marginales. Hypothèse de l’individu qui s’introduit dans la chambre où dort une femme, qui s’introduit dans le lit, cette femme croit que c’est son mari qui est revenu et s’aperçoit après coup avoir commis une erreur, il y a surprise ici du consentement.
Ces éléments permettent d’envisager un grand nombre d’atteintes au consentement. Loi du 8 février 2010, le législateur ajoute que la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur de fait et de l’autorité de droit ou de fait que l’auteur exerce sur la victime. Cet ajout législatif pose une difficulté technique. Article 222-22-1. Ce texte participe d’un objectif de lutter contre la pédophilie. Il était admis depuis toujours que la contrainte devait s’apprécier in concreto en tenant compte de la vulnérabilité de la victime. Le législateur pose une présomption, la contrainte peut résulter soit de la différence d’âge, ou d’une autorité de fait ou de droit. La Cour de cassation avec raison affirme le principe qu’un même fait ne peut pas être constitutif à la fois d’un élément de l’infraction et d’une circonstance aggravante. On ne peut pas qualifier par un même fait deux éléments juridiques distincts. Or c’est ce qu’il risque d’arriver avec une présomption, hypothèse d’un viol commis sur un mineur par une personne ayant autorité sur lui. Il faut vérifier les éléments constitutifs menace, contrainte, surprise, violence et que la victime est mineur et / ou contre l’auteur exerce une autorité (circonstance aggravante du viol). Il faudrait identifier les éléments constitutifs et la circonstance aggravante. Le problème c’est qu’on fait les deux en même temps. C’est un même fait qui va permettre de qualifier les deux éléments.
Dernière question qui a à une époque agité les esprits, c’est la question du viol entre époux et plus exactement de la présomption du viol entre époux. Dans un optique 19ème siècle, le mariage implique un devoir de fidélité, et ce devoir impose une abstention mais aussi une action, c’est aussi le fait d’avoir des relations sexuelles avec son époux, le fait de ne pas entretenir de relations sexuelles c’est de ne pas respecter son droit de fidélité. Puisqu’il y a ce devoir, il a une présomption de consentement à toute relation sexuelle, de sorte qu’il ne peut y avoir de viol entre époux (position du 19ème siècle). Cette vision a évolué, à partir du 20ème siècle, la Cour de cassation a commencé à admettre que la présomption de consentement était une présomption simple. Dans un arrêt du 19 juin 1992, elle a affirmé que la présomption ne joue que jusqu’à preuve contraire. Arrêt CEDH de 1995, la Cour disait que l’incrimination du viol entre époux n’est pas une intrusion illégitime dans le droit au respect de la vie familiale. L’idée que l’on puisse condamner une personne pour violence de son époux, épouse, est une idée qui fait son chemin. Le législateur intervient en 2006 et consacre cette présomption, l’article 222-22 dans son alinéa 2 dit « quel que soit la nature des liens, y compris les personnes liées par le mariage ». En 2010, le législateur a abrogé la dernière phrase, « la présomption ne vaut que jusqu’à preuve contraire », pour dire qu’il ne faut plus juger différemment un viol selon que c’est un viol entre des personnes liées par le mariage et les autres. Il n’y a pas à présumer le consentement mais à établir que l’auteur a commis des actes de violences, soit une contrainte, menace, surprise et c’est tout. Il n’y a plus besoin de faire référence à cette présomption de consentement.
b) L’élément moral
Conscience de porter atteinte à la volonté sexuelle d’autrui. Volonté de commettre l’acte en ayant conscience de porter atteinte à la liberté sexuelle d’autrui. Une difficulté peut apparaître lorsque le mobile de l’auteur n’apparaît pas comme un mobile sexuel, il commet certes un acte de pénétration sexuelle en ayant conscience de porter atteinte à la liberté sexuelle d’autrui mais dans un but qui ne correspond pas à l’esprit du viol, c’est à dire dans un but qui n’est pas de nature sexuelle. Un groupe de collégiens vont s’en prendre à un autre collégien, lui introduisent un bâton dans l’anus afin de percevoir une rançon hebdomadaire, incontestablement si on regarde l’élément matériel, il y a un acte de pénétration par l’auteur sur la victime. Il y a bien un acte contraignant, menaçant ou violent, il y a bien un résultat, une atteinte à la liberté sexuelle. Mais si on regarde l’élément moral, on n’a pas l’impression que l’auteur agit dans un but sexuel. Soit on retient que l’agent a bien voulu l’acte, ou faut-il constater que l’agent a eu une intention sexuelle, qu’il a agi dans un but sexuel. C’est se demander s’il y a un dol spécial dans le viol. Si on regarde le texte d’incrimination, il n’y a pas de dol spécial.
La Cour de cassation a eu à se pencher sur ce type d’hypothèses. Elle a jugé que dans deux affaires qui étaient très proches, la 1ère correspond aux collégiens, des jeunes gens pour extorquer de l’argent à un camarade efforcent un bâton dans son anus, l’intention sexuelle n’est pas avérée et donc la qualification la plus opportune n’est pas celle de viol mais celle d’extorsion aggravée par un acte de torture et de barbarie. L’intention de l’auteur est un élément de choix de la qualification. La 2ème hypothèse, toujours un bâton mais on a mis un préservatif dessus, on l’enfonce dans l’anus de la victime. La simple présence de ce préservatif manifeste l’intention sexuelle de l’auteur et on va retenir l’infraction de viol, c’est l’intention sexuelle de l’auteur plutôt que de l’intention de faire souffrir (actes de tortures).
Le viol ne suppose qu’un dol général, la volonté de commettre un acte de pénétration sexuelle afin de porter atteinte à la liberté sexuelle de la victime. Il arrive que l’on prenne en considération le mobile sexuel de l’auteur, le but de procurer une jouissance sexuelle, pour faire le choix entre des qualifications.
- II) Les autres agressions sexuelles
On n’a pas trouvé de mots. C’est tout le reste. La césure, le point de distinction, ou bien il y a pénétration (viol) ou pas. C’est à l’article 222-27 que l’on trouve ces autres agressions, elles sont punies de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euro d’amende.
1) L’élément matériel
On peut raisonner sur l’agression sexuelle consommée ou tentée (article 222-31).
- a) Une agression sexuelle consommée
Il faut un acte et un résultat.
- L’acte
Il se définit négativement, est un acte d’agression sexuelle, tout acte de nature sexuelle suppose un contact physique avec la victime mais qui n’est pas un acte de pénétration. Si on essaye de positiver la définition, il faut bien comprendre que ce qui permet de qualifier l’agression sexuelle autre que le viol c’est la nature sexuelle de l’acte. Or cette nature sexuelle de l’acte suppose que le contact physique vise une partie sexuelle soit de la victime, soit de l’auteur. Sinon, c’est un acte physique mais qui n’est pas qualifiable en lui-même. Le seul contact ne suffit pas à qualifier l’agression sexuelle. Il faut qu’il se caractérise par un acte de nature sexuelle.
- Le résultat
C’est comme pour le viol, une atteinte à la liberté sexuelle de la victime. Ce qui suppose donc de constater que la victime est une personne humaine et vivante et surtout que la victime a été atteinte dans sa liberté ou sa lucidité de consentement par un des moyens prévus par le texte d’incrimination, c’est à dire, la violence, la contrainte, la menace ou à la surprise.
- b) L’acte tenté
Article 222-31 déclare punissable la tentative. Certains auteurs estiment que cette incrimination de la tentative est inutile. Ce qui manifeste une mauvaise compréhension de l’infraction. Lorsqu’elle est consommée elle suppose un contact physique. Par conséquent, la tentative correspond à un acte antérieur au contact physique, qui tend immédiatement et directement à ce contact physique de nature sexuelle. Celui qui se soumet à des gestes obscènes antérieures à un contact physique. Ces actes peuvent être réprimés par d’autres infractions, on peut se demander s’il n’y a pas harcèlement ou exhibition. La tentative d’agression sexuelle c’est tout acte qui tend immédiatement et directement à un contact physique de nature sexuelle.
2) L’élément moral des autres agressions sexuelles
On est face à une infraction intentionnelle. Ce qui suppose d’une part comme pour le viol, la volonté d’un acte physique de nature sexuelle en ayant conscience de porter atteinte à la liberté sexuelle de la victime. Cela suppose que l’auteur ait compris la teneur sexuelle de son acte. Sinon, il y a erreur, au plan de la preuve cependant, il est assez normal de présumer cette conscience sexuelle à partir de la nature des actes commis. Le fait de toucher le sexe d’autrui est un fait objectif qui permet de présumer la conscience de l’auteur de la nature sexuelle de son acte. De ce point de vue, cette présomption est irréfragable. Il y a une attraction de l’élément moral par l’élément matériel.
Paragraphe 2 : La répression des agressions sexuelles
On est face à une catégorie d’infractions qui vont l’objet de dérogations sur le fond et la forme. A titre préalable, la loi française est applicable aux relations sexuelles qui sont commises en France mais également aux infractions qui sont commises sur un mineur à l’étranger par un Français ou une personne résidant habituelle en France. On peut punir en France une personne qui n’est pas de nationalité Française. On pose une règle particulière qui peut ressembler à de la compétence universelle.
- 1) La mise en mouvement de l’action publique
On peut faire 4 séries d’observations.
- La dénonciation
Il faut que les faits parviennent au parquet. On peut observer que la plainte de la victime n’est pas nécessaire. On peut poursuivre pour viol l’auteur, alors même que la victime ne s’est pas plainte. Toute personne ayant connaissance d’un viol est tenue d’une obligation juridique de le dénoncer à peine de sanction pénale. Obligation de dénoncer les crimes, or le viol est un crime, article 434-1. Cette obligation s’applique à tous même pour les personnes de la même famille. De même, un médecin peut être confronté à la constatation d’un viol lorsqu’il examine un patient. Les choses sont plus compliquées, puisque le médecin est tenu au secret professionnel, article 226-13. Deux textes se confrontent dont les objectifs sont différents. Technique de l’autorisation de la loi, elle est prévue pour les médecins, c’est une autorisation de parler à certaines conditions, avec l’accord de la victime, avec l’autorisation du procureur de la république, le médecin n’est pas obligé par le texte de dénoncer, il peut le faire. Il y a une clause de conscience.
La constitution de partie civile : Elle se constitue partie civile, article 2 du Code de procédure pénale, elle doit avancer un dommage personnel et direct, la victime d’un viol est celle qui souffre personnellement du dommage, directement causé par l’infraction. D’autres personnes peuvent elles se constituer partie civile ? Dans une lecture littérale, cela ne devrait pas être possible. Toute autre personne n’est qu’une victime indirecte au sens de l’article 2. Pour des raisons tenant à l’indemnisation des victimes, la jurisprudence a admis un élargissement des personnes qui peuvent se constituer partie civile et notamment les victimes par ricochet, il en résulte alors qu’est admis à se constituer partie civile, l’enfant qui serait issu d’un viol.
Les règles de prescription en matière sexuelle sont dérogatoires au droit commun. Elles ont fait l’objet de différentes réformes. Le délai de prescription est un délai qui est allongé par rapport au droit commun, puisque s’agissant des crimes sexuels, le délai est porté à 20 ans et pour les délits sexuels le délai est porté à 10 ans : articles 7 et 8 du Code de procédure pénale. Le législateur ne s’est pas arrêté là. C’est le point de départ du délai de prescription qui est reporté à la majorité de la victime lorsque les faits ont été commis sur un mineur. Il existe également des règles particulières s’agissant des personnes vulnérables, il est indiqué que le point de départ du délai de prescription dépend de la connaissance de l’infraction, plus exactement du moment où l’action publique peut être exercée, ce qui correspond à la théorie des infractions clandestines invoquée en procédure pénale.
Au-delà de ces questions de prescription, une quatrième question se pose, concernant pendant l’enquête l’audition d’un mineur qui est victime d’agressions sexuelles. Celui-ci peut être atteint par la situation, il ne faut pas que l’enquête se rajoute une difficulté, raison pour laquelle législateur admet que l’audition d’un mineur victime d’une agression sexuelle puisse faire l’objet d’un enregistrement audio-visuelle, qui sera ensuite opposable à la personne poursuivie durant l’enquête ou l’instruction : article 706-52 du Code de procédure pénale.
- Le jugement des agressions sexuelles
La question qui est posée à la Cour d’assises doit contenir tous les éléments de l’infraction, à peine de cassation. X est-il coupable d’avoir à telle date et à tel lieu intentionnellement commis par violence, contrainte menace, ou surprise un acte de viol sur Y ? Il y a une question sur la culpabilité et ensuite il y a une question distincte sur la question des circonstances aggravantes. Sur la minorité par exemple il faut poser une question distincte.
La publicité de la justice est en la matière limitée. Le principe de publicité de la justice est un principe qui a été consacré par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel mais également il résulte de l’article 6 de la CESDH, qui a eu l’occasion de rappeler ce principe. En matière pénale, se principe s’applique sous réserve de certaines dérogations. Ce principe de publicité de la justice se dédouble : publicité des débats et publicité de la décision elle-même. Ici, c’est la publicité des débats qui peut être limitée. Certes, l’article 306 du Code de procédure pénale pose le principe d’une publicité, mais immédiatement après il envisage le huit clos de droit à la demande de la victime qui s’est régulièrement constituée partie civile. Ensuite, sur la publicité des débats, le compte rendu d’audience qui serait fait par un journaliste est possible, sous réserve de ne pas révéler l’identité ou l’image de la victime : article 39 quinquès de la loi du 29 juillet 1881.
- 2) Les sanctions
Le viol est une infraction criminelle : punissable de 15 ans de réclusion criminelle de base, mais il y a des circonstances aggravantes :
- On passe à 20 ans de RC dans les cas prévus à l’article 222-24 du Code pénal : mutilation ou infirmité permanente, minorité de la victime de 15 ans.
- On passe à 30 ans de RC lorsqu’on se trouve dans le cas de l’article 222-25 du Code pénal : mort de la victime.
Il faut distinguer le cas où le viol aurait été commis avec l’intention de tuer et le cas où le viol entraine la mort sans intention de tuer.
* Dans le cas où on est en présence d’un viol commis avec l’intention de tuer, on est plus dans le cas d’un meurtre que d’un viol, éventuellement d’un meurtre aggravé. On peut dire que l’acte de pénétration est constitutif de l’acte d’homicide. Se poserait la question de savoir si cet acte de pénétration peut être en même temps considéré comme constitutif de l’infraction de viol, mais ce n’est pas évident car on est face à un concours idéal. On prendrait la qualification la plus haute, le meurtre de toute façon.
* Si en revanche il n’y a pas intention de tuer, dans ce cas-là, on est face à un viol aggravé, la mort de la victime n’a pas été intentionnellement recherchée : 30 ans de réclusion criminelle.
- La réclusion criminelle à perpétuité : article 222-26 du Code pénale : lorsque le viol est précédé, accompagné ou suivis d’actes de torture et de barbarie.
Si on observe les autres agressions sexuelles qui sont a priori des délits, les peines sont, pour les agressions sexuelles commises sur une victime ordinaire, de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, c’est l’infraction de base : article 222-27 du Code Pénal. Le code envisage des hypothèses d’aggravation :
- Article 222-28 du Code Pénal : 7 ans et 100 000 € dans les cas prévus par le texte : a entrainé une blessure ou une lésion de la victime ou commise avec l’usage d’une arme.
- Article 222-29 du Code Pénal : même peine, 7 ans et 100 000€. Mais les circonstances aggravantes sont ici relatives à la personnalité de la victime : mineur de 15 ans ou personne vulnérable, l’aggravation est automatique.
- Article 222-30 du CP: 10 ans et 150 000€ d’amende : agression sexuelle commise sur un mineur ou une personne vulnérable mais avec une circonstance aggravante, ex : lésion ou blessure de la victime. C’est une sur-aggravation de l’article 222-29 du Code Pénal.
Donc les agressions sexuelles impliquent un contact physique avec la victime, qui constitue une agression sexuelle. Mais ce contact physique est imposé à la victime par certains moyens : violence, menace, contrainte, surprise.
On passe à une seconde catégorie qui suppose également un contact avec la victime mais sans que l’un des moyens invoqués pour les agressions sexuelles ne soit utilisé. On les appelle plus des agressions sexuelles car il n’y a pas de violence, …. Donc on les appelle des atteintes sexuelles.
Sous-section 2 : Les atteintes sexuelles
Il s’agit bien d’un contact sexuel également, mais cette fois sans comportement particulier de violence, menace, contrainte ou surprise. C’est une catégorie d’infractions sexuelles non agressives. Pourquoi incriminer des atteintes sexuelles qui ne sont pas agressives ? Si l’auteur n’a commis ni violence, ni menace, ni contrainte, ni surprise, n’est-ce pas car la victime est consentante ? Alors pourquoi punir cet auteur pour avoir eu un contact physique de nature sexuelle avec cette personne ? L’explication se trouve dans la personnalité de la victime, qui est un mineur. Et s’il n’y a pas d’agressions envers ce mineur, on peut se demander si cependant ce mineur a véritablement été libre et conscient de ces actes. C’est l’immaturité du mineur qui va impliquer sa protection pénale, presque contre lui-même. La question à résoudre est de savoir quel est le seuil de l’illicite. Si l’illicite ne réside plus dans l’agression, où se trouve l’illicite, quel est le critère de l’atteinte sexuelle ?
Paragraphe 1 : L’incrimination d’atteintes sexuelles sur mineur
C’est une incrimination que l’on retrouve dans une partie du Code pénal réservée aux mineurs, le siège des incriminations se trouve aux articles 227-25 et 227-27 du Code pénal. On envisagera ces textes conjointement, en mettant en avant leurs différences.
- L’élément matériel
- Article 227-25 du Code Pénal : « Le fait par un majeur d’exercer sans violence, sans contrainte, sans menace, sans surprise, une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende ».
- Article 227-27 du Code Pénal : « Les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de 15 ans et non émancipé par le mariage sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende :
- 1° Lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
- 2° Lorsqu’elles sont commises par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ».
Dans ces deux textes sont visés un acte, à travers son sujet et son objet, et un résultat que l’on doit identifier.
1) L’acte
- L’objet
L’objet de l’acte c’est une atteinte sexuelle. Pour qu’il y ait atteinte, il faut nécessairement qu’il y ait contact. Une atteinte sexuelle suppose donc un contact physique avec la victime. De ce point de vue, l’acte d’atteinte sexuelle peut s’analyser comme l’acte constitutif d’un viol, ou comme un acte d’agression sexuelle. Mais tout acte qui présenterait une connotation sexuelle mais qui ne présente pas d’acte de contact avec la victime n’est pas une atteinte sexuelle. On est dans le cadre d’infractions supposant un contact physique. Le texte vise d’ailleurs que l’atteinte sexuelle sans envisager la tentative, donc de ce point de vue, l’atteinte sexuelle sur mineur n’est punissable que si elle est consommée.
- Les sujets
C’est ce qui caractérise l’infraction. Les deux textes envisagent les sujets particuliers. D’un côté, c’est la victime qui est particulière, d’un autre côté c’est l’auteur qui est particulier. Le législateur vise l’atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans : article 227-25 du Code pénal. Ce texte ne vise que les atteintes sexuelles commises sur des mineurs de 15 ans, quel que soit le type de rapport, consentie, homosexuel ou hétérosexuel. Mais dans ce cas, c’est aussi l’auteur qui est visé de manière particulière puisque l’infraction n’est commise que si l’auteur est majeur. Donc ce qui est punissable c’est le rapport de nature sexuelle entre un majeur et un mineur de 15 ans. Ça veut dire deux choses : le rapport sexuel entre mineurs est licite, et le rapport sexuel entre un majeur et un mineur âgé de plus de 15 ans est licite, sous réserve de l’article 227-27 du Code pénal. Le Code envisage ici les atteintes sexuelles sur un mineur de plus de 15 ans. Les sujets sont particuliers, le texte vise le mineur âgé de plus de 15 ans, et un auteur particulier, puisqu’il n’y a infraction que si l’auteur de la relation de nature sexuelle est soit un ascendant ou une personne ayant autorité de droit ou de fait sur le mineur ou une personne qui abuse de l’autorité que lui confère ses fonctions.
- Le résultat
C’est l’atteinte, comprise d’un point de vue purement matériel. Le résultat c’est que le mineur ait été touché par un majeur, cela indépendamment de la question du consentement, puisque les atteintes sexuelles envisagées dans les deux articles précisent que l’infraction est constituée lorsque l’atteinte est constituée sans violence, menace, contrainte ni surprise. Il n’est donc pas opérationnel d’avancer le consentement du mineur à l’acte sexuel, parce que le législateur estime que le mineur n’est pas apte à consentir à une relation sexuelle, et que son consentement en toute hypothèse n’est pas libre face à un adulte. Le mineur finalement, soit est trop inconscient du phénomène sexuel, soit contraint moralement, même si l’auteur n’a pas matérialisé des actes de contrainte.
2) L’élément moral
Il est de nature intentionnel, ces délits sont commis de nature intentionnelle, ça suppose que le majeur ait eu conscience de la nature sexuelle de l’acte et de la minorité de la victime. C’est sur ce second point que le débat va se concentrer, l’auteur avançant qu’il n’a pas eu connaissance de la minorité de la victime. Peut-on relaxer une personne dès lors qu’elle avance une erreur de fait sur l’âge de la victime ? Cette erreur de fait est opérationnelle d’un point de vue juridique mais il faut que ce débat se porte sur un point de vue pratique de la preuve. On se tient à un critère d’appréciation de la bonne foi qui tient compte de toutes les circonstances et de toutes les apparences, notamment si le bon père de famille placé dans les mêmes circonstances aurait pu croire en la minorité de 15 ans ou non. C’est l’apparence qui permet de connaître de la bonne foi de l’agent. Au-delà, toute autre justification est étrangère. Le mobile est indifférent, l’infraction est constituée.
Paragraphe 2 : La répression de l’atteinte sexuelle sur un mineur
3 observations. Le texte de l’article 222-27 du Code Pénal envisage un fait justificatif spécial. En effet, lorsqu’il y a mariage, l’infraction ne peut pas être réprimée, pour deux raisons :
- Raison opérationnelle : le mariage émancipe le mineur et que l’article 227-27 du Code Pénal n’envisage que l’atteinte sexuelle commise sur un mineur de plus de 15 ans non émancipé par le mariage. S’il y a émancipation, on considère que le mineur est suffisamment mature.
- Le mariage permet de présumer la licéité de contacts physiques, réalisés sans violence, contrainte, menace ou surprise.
Les poursuites : s’agissant des atteintes sexuelles, les règles de poursuites sont calculées sur celles évoquées s’agissant du viol et des agressions sexuelles. Notamment les règles de prescription sont identiques. C’est sévère car ces infractions sont moins graves en ce qu’est le comportement de l’auteur car il n’y a pas d’agression, mais ça mérite la même répression car on veut protéger le mineur.
Les sanctions : on distingue entre les victimes qui sont des mineurs de 15 ans ou âgés de plus de 15 ans.
- Victimes mineures de 15 ans : 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende.
- Victimes âgées de plus de 15 ans : 2 ans d’emprisonnement et 30 00€ d’amende.
Ce sont les mêmes peines que celles pour les agressions sexuelles.
Section 2 : Les infractions sexuelles morales
Autrefois appelées infractions sexuelles contre les mœurs. On envisage des infractions qui présentent toutes la même caractéristique qui sont négative : ne pas impliquer un contact physique avec la victime. De ce point de vue, ce n’est pas le sexe en tant que corps qui est protégé, et ce n’est pas la liberté sexuelle en tant que liberté de disposer son sexe qui est en cause mais c’est la liberté de ne pas être contrainte par un spectacle de nature sexuelle ou d’un environnement sexuel, ni une contrainte ou un chantage sexuel. On peut ranger dans cette catégorie différentes infractions qui ont pour caractéristique commune de ne pas s’analyser comme des infractions violentes :
- Exhibition sexuelle.
- Harcèlement sexuel.
- Messages sexuels ou outrageants.
Les deux premières sont les plus importantes.
Paragraphe 1 : L’exhibition sexuelle
Article 222-32 du Code pénal. C’est ce que l’on appelait autrefois l’outrage public à la pudeur. L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu public est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.
1) L’élément matériel
C’est une infraction qui peut paraître complexe, elle suppose d’abord un acte de nature sexuelle, l’acte d’exhibition sexuelle, mais en même temps un acte de publicité.
- a) Un acte d’exhibition sexuelle
On peut décortiquer la formule.
- L’exhibition
C’est un acte physique. Il n’y a pas d’exhibition sexuelle par de simples paroles, ou par un simple geste, voir par une simple attitude. L’acte d’exhibition ne suppose pas non plus contact avec la victime. S’il y a contact, on est sur le terrain d’une autre qualification. Mais il faut que cet acte d’exhibition qui consiste sur le fait de se montrer porte sur le sexe.
- Un acte de nature sexuelle
Est-ce-que cet acte de nature sexuelle suppose nécessairement la nudité ? On peut raisonner par pallier. Il est certain que le fait de se présenter nu constitue en soi un acte d’exhibition sexuelle. Mais peut-on envisager qu’une personne puisse être punissable au titre de l’exhibition sexuelle alors même qu’elle n’est pas dénudée ? Crim., 4 janvier 2006 : l’exhibition sexuelle suppose que le corps ou au moins une partie du corps soit exposé au regard du public ou au moins apparaisse. Certains auteurs ont critiqué cette conception restrictive de la Cour de cassation, on pourrait envisager une situation de relation sexuelle simulée habillée de deux personnes, elle apparaît comme significative. Elle serait considérée comme un acte d’exhibition à connotation sexuelle, pourquoi on l’exclurait du champ d’application de l’article ? La Cour de cassation confond la nullité et la connotation sexuelle. C’est regrettable.
- b) Un acte de publicité
Le texte envisage une exhibition publique. Ce qui est sanctionné n’est pas l’acte impudique en soi mais l’acte impudique public. On voit l’aspect social que revêt cette infraction. Ce qui est protégé c’est chacun d’entre nous dans une conception morale de ce qu’est les mœurs. Cette notion de publicité apparaît dans le texte à deux endroits, puisque le texte évoque l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui d’une part et dans un lieu accessible aux regards du public d’autre part. Il y a donc deux éléments distincts.
- Il faut d’abord que l’exhibition soit imposée à la vue d’autrui, ce qui semble indiquer que l’infraction ne peut être constituée que s’il existe un public. De ce point de vue, on peut cependant envisager que le public soit effectivement présent ou susceptible d’être présent. Une personne qui se livrerait à une relation sexuelle sur une place, alors qu’a priori il existerait personne, mais des personnes étant susceptibles de passer sur cette plage suffit à caractériser la présence du public. Le témoin peut ensuite être volontaire ou involontaire, mais avec cependant une réserve. Si le témoin est volontaire car il assiste à un spectacle d’exhibition volontaire, alors il y a consentement, dans ce cas-là un élément du texte fait défaut car le texte impose l’exhibition sexuelle qui est imposée à la vue du public. Donc en vérité l’infraction ne vise que l’exhibition imposée à la vue du public, donc le témoin involontaire. Enfin, on vise le public en tant qu’il voit quelque chose et pas en tant qu’il entend quelque chose. Donc il n’y a pas exhibition sexuelle lorsque deux personnes se livrent à une relation sexuelle sonore dans une chambre d’hôtel.
- Il faut ensuite que l’exhibition se réalise dans un lieu accessible aux regards du public. On peut penser que cette seconde composante de l’infraction vient s’ajouter à la première. Il faut donc un public et il faut ensuite que la scène se passe dans un lieu accessible au regard du public. Cette formule semble renvoyer d’abord à un lieu public, c’est-à-dire à un lieu qui est ouvert à quiconque sans autorisation. Mais la notion de lieu public est particulièrement définie par la jurisprudence. On connait des lieux publics par nature mais également des lieux publics par destination (ex : un centre commercial, ouvert à quiconque). Mais le texte ne vise pas le lieu public mais le lieu accessible aux regards du public. On peut donc envisager un lieu privé qui est accessible au public. Un acte sexuel réalisé dans un domicile devant une baie vitrée peut donc être qualifié d’exhibition sexuelle.
Ce qui compte donc est bien la publicité de l’acte d’exhibition. Cette seconde condition de publicité vient s’ajouter à la première donc. Mais étrangement, la Cour de cassation ne l’entend pas de cette façon, elle donne au délit une dimension plus importante : Crim., 12 mai 2004 : elle affirme que le délit est caractérisée dès lors qu’une partie des faits se serait-elle déroulée dans des lieux privés, tous les actes ont été imposés par surprise à la vue de témoins volontaires. En d’autres termes, la Cour de cassation dans une affaire qui concernait un rendez-vous dans un cabinet d’avocat, sont imposés à des clients la vue d’une attitude ou d’une relation sexuelle. Certes, il y a bien réunion de la première condition de publicité ici, l’acte a bien été imposé à la vue du public, mais il manque la seconde, il ne s’agissait pas d’un lieu accessible aux regards du public. On a l’impression que ce qui compte c’est l’absence de consentement du témoin, c’est que l’acte d’exhibition ait été imposé à la vue d’un témoin, ce qui transforme la finalité du délit en délit privé.
2) L’élément moral
C’est celui d’un délit intentionnel, ce qui veut dire que d’un côté l’auteur de l’acte doit avoir eu conscience de s’exhiber et conscience de la publicité de son acte. Il peut y voir difficulté sur le second point, car dans certaines hypothèses, on peut être tenté de distinguer entre l’existence réelle d’un témoin et simplement l’existence potentielle d’un témoin.
- Première situation : une personne a une relation sexuelle devant des témoins. L’individu ne peut pas avoir conscience que l’acte qu’il commet est public.
- Deuxième situation : couple relation sexuelle en pensant être seul dans un lieu qui peut être accessible au public.
D’un point de vue psychologique, ce qui compte c’est la conscience des individus de pouvoir être vu, c’est ça qui peut permettre d’admettre la poursuite de ces personnes.
Paragraphe 2 : Le harcèlement sexuel
C’est une infraction qui est envisagée à l’article 222-33 du Code pénal, et qui a fait l’objet de mouvements législatifs. C’est une infraction qui a été modifiée à plusieurs reprises, et qui a vu son périmètre progressivement s’élargir. D’abord, une première modification par la loi de modernisation sociale de 2002, qui fut la plus essentielle : dans un premier temps, le texte visé le harcèlement sexuel dans des relations de travail. De ce point de vue, ce qu’avait envisagé le législateur dans la rédaction originelle était le harcèlement dans un rapport de supériorité. Il fallait alors constater l’existence d’une autorité de l’auteur de l’abus et puis le texte ajoutait l’exigence d’une violence, menace ou contrainte. On visait finalement une hypothèse spécifique que l’on appelait le harcèlement vertical. Cette définition était conforme au principe de la légalité criminelle, mais car elle était précise, elle présentait une limite : elle n’envisageait le harcèlement sexuel que dans un cas particulier, qui pouvait paraître comme étant trop limité, certains considérant qu’il fallait prendre en compte également le harcèlement horizontal, pour des personnes qui ne sont pas en rapport de subordination. La loi de 2002 va modifier la rédaction initiale en supprimant les deux composantes invoquées (menace, violence, contrainte) et le rapport de supériorité. Restait alors la formule « le harcèlement sexuel est le fait harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs sexuels ». Ce n’est pas précis. Ce texte poserait des difficultés au regard du principe de légalité criminelle qui implique la clarté de la loi pénale. Une QPC a été posée. Le Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 4 mai 2012, a constaté que cette disposition pénale contrevenait au principe de la légalité criminelle et devait donc être abrogé avec effet immédiat. Des associations de protection des femmes ont demandé de combler ce vide juridique. Le législateur a voté le 6 aout 2012 un nouveau texte, que l’on trouve sur legifrance (autorisé à l’examen). La numérotation de l’article reste la même : article 222-33 du Code pénal : « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne de façon répétée des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit, porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Est assimilé au harcèlement sexuel le fait non répété d’user de toute forme de répression grave dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles … ». Le troisième paragraphe distingue quant aux peines.
Cette même loi du 6 aout 2012 a modifié les peines applicables au harcèlement moral pour les aligner à celles sur le harcèlement sexuel : 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. Le harcèlement moral n’est incriminé maintenant que dans le Code pénal.
S’agissant du harcèlement sexuel, il faut faire une remarque sur l’effet de l’abrogation par le Conseil constitutionnel : elle est d’effet immédiat. Toutes les poursuites engagées sur le fondement de l’ancien texte sont dépourvues de base légale. Une circulaire du ministère de la justice dispose que les parquets peuvent requalifier les faits. Mais en revanche une poursuite exclusivement fondée sur harcèlement sexuel ne peut aboutir, les prévenus doivent être relaxés. Le moyen le plus facile serait d’envisager une tentative d’agression sexuelle.
Quant aux éléments constitutifs, on va distinguer comme le fait le législateur entre le harcèlement sexuel exigeant des actes répétés et le harcèlement sexuel n’exigeant pas un acte répété donc résultant d’un acte unique.
- 1) Le harcèlement sexuel exigeant des actes répétés
On peut distinguer l’acte lui-même de son résultat.
a) L’acte
Il présente plusieurs caractéristiques. C’est un acte tout d’abord d’asexué, au sens où l’acte de harcèlement peut être le fait d’un homme ou d’une femme, et corrélativement la victime peut être un homme ou une femme. Ce n’est pas car socialement le harcèlement est plutôt le fait d’un homme envers une femme que le contraire ne serait pas une infraction. C’est également un acte imposé. On est face à une infraction qui suppose l’absence de consentement de la victime. S’il y a consentement, l’infraction est alors inapplicable. C’est ensuite un acte répété. C’est important, ça donne de la précision à l’infraction antérieure, enfin c’est relatif car quand on se réfère à la notion de harcèlement dans un dictionnaire implique la répétition. Il faut donc une conjonction d’actes : propos, gestes, envoies de courriers, de SMS, des attitudes, … Ensuite, il faut que ces propos ou ces comportements aient une connotation sexuelle, c’est le plus important. Il faut être clair. On parle de propos ou comportement à connotation sexuelle. Ça ne veut pas dire que le harcèlement sexuel suppose une relation sexuelle, ni un contact sexuel.
Ex : mettre une main aux fesses de sa secrétaire n’est pas un harcèlement sexuel mais une atteinte sexuelle.
De plus, cela n’impose pas la nudité. Il n’est pas nécessaire que l’acte soit explicitement ou directement de nature sexuelle, il suffit qu’il soit suffisamment suggestif. Au-delà, les propos ou comportements de nature sexuelle peuvent être variés. Mais, et c’était la difficulté sous l’ancien texte, ce qu’il y a à débâtir est le véritable acte d’harcèlement et l’acte de séduction.
b) Le résultat
Le texte, dans ce premier paragraphe, vise ensuite un certain résultat, que le législateur a défini dans des périphrases infligentes, même si on retrouve cette formule dans une directive européenne. Il n’est pas certain que la formule du législateur soit si précise que cela.
Il faut que l’acte soit porte atteinte à la dignité, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. D’abord, un problème de principe : une première question, quel est le bien juridique protégé par l’infraction ? Le fondement de l’infraction ? Puis une question technique : le résultat est-il exigé, c’est une infraction matérielle ou formelle ?
- Première question : a priori, le harcèlement sexuel est une infraction contre les mœurs. Mais en faisant référence à la dignité de la personne et à son honneur on crée un malaise quant au bien juridique protégé et on se demande quelle est la différence entre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, car la formule de ce nouveau texte est proche voir identique à celle sur le harcèlement moral. De plus cette infraction ne se trouve pas dans la partie du Code pénal s’intitulant des atteintes à la dignité. C’est flou. Est-ce une conception des mœurs ? Un attribut personne de la victime ?
- Une question technique : les périphrases s’ajoutent-elles à la commission d’un acte à connotation sexuelle ou ça résulte seulement de la constatation de l’acte d’harcèlement ? C’est la jurisprudence qui doit le dire. En tant que juriste on peut penser être face à une infraction matérielle, et donc constater d’abord un acte et ensuite un résultat, c’est-à-dire une atteinte. Mais à la place du parquet ou du juge correctionnel, face à une hypothèse, il faut démontrer d’un côté un acte d’harcèlement (imposé, répété, à connotation sexuelle) et il faut au surplus constater que la victime a été atteinte à la dignité ou placée dans une situation offensante. Ce n’est pas évident.
Exemple : 15 fois par jour SMS à un collègue : c’est un acte imposé, répété, et à connotation sexuelle car les propos sont de nature sexuelle. Le premier élément est rempli. Mais ensuite : qu’en est-il du second élément ? Ça n’apporte rien à la précision du texte. Il faudrait que la jurisprudence déduit de l’atteinte à la dignité de la constatation du caractère de l’acte imposé et répété à connotation sexuelle, sinon on risque de ne jamais pouvoir engager cette infraction. C’est donc confus.
- 2) Le harcèlement assimilé au harcèlement sexuel : le harcèlement résultant d’un acte unique
C’est intéressant. C’est juste de dire que c’est un harcèlement qui est assimilé. Car par sa définition le harcèlement suppose une répétition. Ici on a pensé à l’acte unique qui est très grave, qui s’analyse comme un chantage. C’est ce chantage que le législateur a envisagé. Il a eu raison de le faire dans une disposition particulière.
Deux éléments apparaissent dans cette partie du texte : d’abord, il faut une pression grave, ce qui résultera de l’existence d’une contrepartie, qui peut être de double nature, un gain ou une perte évitée. Ensuite, au-delà de la pression grave, c’est la finalité de la pression qui est envisagée par le texte. Le texte vise le but d’obtenir d’un acte sexuel, recherché au profit de l’auteur ou d’un tiers. Il faut donc que la pression grave est une certaine finalité, de nature sexuelle. D’abord, la finalité n’est pas forcément une relation sexuelle. C’est un acte simplement de nature sexuelle qui est envisagée. Donc, la relation sexuelle consommée ou un simple contact physique. Ensuite, et de ce point de vue, c’est une infraction formelle dans cette hypothèse, il suffit que la finalité existe, l’infraction sera caractérisée alors même que l’acte de nature sexuelle n’a pas été consommé. Enfin, le texte envisage celui qui harcèle à son profit ou qui harcèle au profit d’un tiers. Cette précision figurait auparavant dans l’article L.1151 du Code du travail. Il n’y a pas encore de jurisprudence sur cette infraction.
Les peines ont été portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende, donc elles ont été doublées par rapport aux peines prévues auparavant. C’est une infraction plus grave, et elle se confond avec le harcèlement moral du point de vue des peines.
Le législateur a prévu des circonstances aggravantes : 3 ans et 45 000 € dans 5 cas. Ex : harcèlement commis sur un mineur ou sur une personne vulnérable.
Le principal apport de la loi est d’avoir envisagé la répétition et d’avoir rappelé que l’absence de consentement est une composante de l’infraction.
La discrimination suite à un refus sexuel sera également punie en vertu de l’article 225-1-1 du Code pénal.
Paragraphe 3 : Les messages sexuels ou outrageants
Ces infractions concernent principalement les mineurs.
Chapitre 2 : Les infractions contre la liberté d’aller et venir
. La séquestration a un double fondement. Dans le code, il y a distinction entre l’auteur de l’atteinte (particulier ou agent de l’autorité publique), et l’infraction de séquestration est concernée : par particulier (article 224-1 du Code pénal) et par un agent de l’autorité publique (article 432-4 du Code pénal). Ces deux infractions ont la même finalité : protéger la personne contre des comportement attentatoires à sa liberté d’aller et venir.
Section 1 : Les incriminations des infractions de séquestration
Paragraphe 1 : L’élément personnel
Ces incriminations visent des auteurs qu’il faut distinguer. L’article 224-1 du Code pénal vise toute personne en tant que auteur et en tant que victime. Cette infraction est a priori générale. Mais si on s’oriente vers l’article 432-4 du Code pénal vise toute personne en tant que victime, et plus spécialement le particulier, mais l’auteur de cette infraction est un auteur qualifié, il doit revêtir une certaine qualité : une personne dépositaire de l’autorité publique, ou chargé d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission. Il y a donc deux critères qui permettent de qualifier l’auteur d’une atteinte à la liberté d’aller et de venir.
- Article 224-1 du Code pénal : Séquestrations et enlèvements par particuliers. La qualité de la personne elle-même (dépositaire ou chargé d’une mission de service public). Ce critère est abstrait, fonctionnel (certaines personnes sont abstraitement dépositaires de l’autorité publique ou chargées de service public, comme l’OPJ).
- Article 432-3 du Code pénal : atteinte à la liberté réalisée par dépositaire de l’autorité publique. L’acte commis par le dépositaire de l’autorité publique doit s’inscrire dans l’exercice ou à l’occasion des fonctions. Donc le comportement punissable est un comportement professionnel, fonctionnel, et non pas un comportement accompli en dehors du temps et du lieu de travail, à titre personnel.
On voit donc la répartition, l’article 224-1 vise les particuliers, et l’article 432-4 vise les dépositaires de l’autorité publique. On peut donc envisager qu’un OPJ soit coupable d’un acte de séquestration sur le fondement de l’article 224-1 dès lors qu’il n’agit pas dans le cadre de ses fonctions.
Paragraphe 2 : L’élément matériel
L’article 224-1 dit : « le fait, sans ordre des autorités constituée, et hors les cas prévus par la loi, d’enlever, d’arrêter, de tenir ou de séquestrer une personne est punie de 20 ans de réclusion criminelle ». Ce texte définit les comportements, mais particulier car réserve les cas prévus par la loi et les autorités constituées. L’article 432-4, quant à lui, a une rédaction différente et est plus concis : « le fait, pour une personne dépositaire (…), d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle … ». On va identifier cette infraction en distinguant l’acte et le résultat.
1) L’acte
Lecture des 2 textes d’abord. Article 224-1 : texte particulier mais c’est son alinéa premier qui nous intéresse ici. Définit des comportements. Article 432-4 on voit que la rédaction n’est pas la même, parce que ce texte est plus concis. Il faut essayer de définir de manière générale en traversant les textes, le comportement incriminé et on isoler selon le texte les éléments de l’infraction.
a) Définition générale de l’acte
Les actes qui sont une atteinte à la liberté d’aller et de venir présentent trois caractères.
- Ce sont des actes de commission. L’article 224-1 vise bien des actes positifs : enlever, tenir, séquestrer, arrêter, et l’article 432-4 prévoit d’incriminer une abstention : celui qui prévoit de mettre fin à une atteinte à la liberté individuelle. Peut être puni en tant qu’auteur d’une infraction d’abstention (article 232-5 du Code pénal) celui qui a connaissance et qui s’abstient d’y mettre fin. Celui qui ne fait rien alors qu’il voir que son collègue commet une atteinte à la liberté est auteur.
- Ensuite la Cour de cassation a précisé que les actes de séquestration et d’enlèvement sont des actes distincts et sont constitutifs d’autant d’infractions. L’article 242-1 vise 4 comportements distincts : arrêter, enlever, détenir ou séquestrer une personne. On peut condamner une personne parce qu’elle a arrêté quelqu’un puis elle l’a séquestré.
- Ces actes sont limitatifs. Interprétation stricte et principe de légalité. La surveillance par exemple ou l’espionnage d’une personne ne sont pas constitutifs d’une séquestration arbitraire. De même, le fait de provoquer la séquestration n’est pas, en soi, constitutif de l’infraction, sous réserve de la complicité par provocation de de séquestration, soit d’une incrimination spéciale (article 232-4).
b) Définition spéciale de l’acte
- Article 224-1 du Code pénal
L’arrestation c’est appréhender corporellement une personne, arrêter au corps. Dans cette notion d’arrestation, il y a deux éléments :
- Atteinte physique à la liberté corporelle de la personne : critère physique
- Atteinte brève à la liberté corporelle : critère temporelle (si ça dure c’est une séquestration).
C’est donc une infraction instantanée.
L’enlèvement : c’est le déplacement géographique d’une personne, avec cette précision que l’enlèvement se distingue de l’arrestation au sens où la victime n’est pas la même. On parle d’arrestation pour un adulte et d’enlèvement pour un enfant, un mineur. On estime, comme en matière d’infraction sexuelle, que pour un adulte, c’est la liberté d’aller et venir qui est en cause, alors que pour un enfant c’est moins la liberté d’aller et venir qui est atteinte, que le droit parental, soit le droit fonction. On enlève l’enfant aux parents, ce sont eux réellement les maître de l’exercice de la liberté d’aller et de venir de leur enfant.
La séquestration et la détention : ces deux actes semblent se confondre et la jurisprudence ne semble pas à la vérité les distinguer. Détenir c’est maitriser les déplacements, alors que séquestrer c’est enfermer une personne, mais l’un emporte l’autre. Si on les traite ensemble, ces actes nécessitent une certaine durée, donc l’infraction est continue, on peut reporter le point de départ de l’infraction. Mais malgré tout la durée ne veut pas dire que l’acte doit être particulièrement long, car la jurisprudence a admis que le fait de maintenir une personne quelques instants dans un véhicule par exemple peut être constitutif d’une séquestration. Conflit de qualifications envisageable, comme infraction de séquestration parce que la séquestration va durer dans cette hypothèse une vingtaine de minutes, mais peut également être envisager comme un acte de violence qui a une conséquence psychologique sur la victime, ce peut être donc une violence légère de nature morale.
- Article 432-4 du Code pénal
Il vise le fait d’accomplir, d’ordonner un acte attentatoire à la liberté individuelle : l’accomplissement est un terme assez vague qui englobe tous les actes visés pour les particulier mais qui permet aussi d’en envisager d’autres. Cet acte doit avoir été accompli arbitrairement. C’est par le résultat (atteinte arbitraire) que l’on va incriminer le comportement. Ce qui caractérise l’acte réellement n’est pas réellement le comportement mais le fait de le faire arbitrairement.
L’ordre : on incrimine celui qui donne l’ordre de porter atteinte de manière arbitraire à la liberté d’autrui. Le législateur incrimine en tant qu’auteur celui qui normalement ne serait qu’un complice. L’intérêt de cette technique législative qui consiste a incriminé de manière spécifique cet auteur est de prendre en compte la complicité sans fait principal punissable. La provocation non suivie des faits est punissable. On peut punir le provocateur alors que la provocation n’a pas eu d’effet.
Les termes sont vagues mais c’est par rapport au résultat que l’infraction prend toute sa signification.
2) Le résultat
On peut essayer de le définir en distinguant deux éléments qui peuvent apparaître dans les deux textes, d’un côté comme implicite (article 242-1) et d’un autre côté comme explicite (article 432-4).
- Implicite parce que vise des comportements : l’attention n’est que sur des comportements et pas tellement sur le résultat.
- Explicite : c’est l’atteinte arbitraire à la liberté individuelle.
Ce résultat d’atteinte peut être analysé en deux sens : c’est une atteinte non consentie et une atteinte non légitime.
a) L’atteinte non consentie
Ces infractions supposent un élément en quelque sorte constitutif qui est l’absence de consentement. Cela résulte pour l’article 242-1 des termes mêmes du texte : séquestrer, arrêter, … Porte atteinte au consentement. Les comportements sont incompatibles avec l’idée d’un consentement de la victime. De même, dans l’article 232-4 c’est une atteinte claire au libre arbitre, donc le consentement est finalement en quelque sorte sous-jacent.
b) L’atteinte non légitime
Dire que l’atteinte est arbitraire (article 232-4) c’est dire qu’elle ne doit pas être justifiée par la loi, par le fait justificatif de l’autorisation de la loi. Cette idée est présente dans l’article 224-1 : « sans ordre des autorités constitués … et hors les cas spécifiés par la loi ». Par conséquent, s’il y a un fait justificatif et spécialement une autorisation de la loi, l’infraction n’est pas constituée, c’est par exemple le cas lorsqu’une règle du Code de Procédure Pénale autorise une arrestation, une détention ou une séquestration (ex : article 73 du Code de procédure pénale : possibilité d’arrêter un individu venant de commettre une infraction flagrante, hypothèse de privation de liberté légale, …). La question rebondie sur les conditions de chaque fait justificatif, il faudra pour chaque autorisation de la loi que les conditions soient entièrement réunies. Conditions proportionnées et justifiées. Si l’article 73 du Code de procédure pénale autorise effectivement l’arrestation d’un individu, c’est à la condition que celle-ci se fasse dans les conditions proportionnées et notamment l’arrestation ne justifie pas des violences qui seraient commises sur l’individu arrêté, sauf les violences nécessaires à son immobilisation. A quoi cela sert-il de préciser qu’une infraction n’est pas punissable si elle n’est pas autorisée par la loi ? Livre 1 : Le Code prévoit déjà que l’ordre de la loi est un fait justificatif qui neutralise la responsabilité. L’intérêt d’avoir précisé dans le texte d’incrimination de l’article 224-1 que l’infraction n’est pas constituée lorsqu’elle est commise par ordre de la loi est intéressant quand on examine l’élément moral de l’infraction, parce que pour que la personne soit punissable, il faut qu’elle ait conscience d’agir en dehors des cas prévus par la loi, soit de manière arbitraire. On impose à la poursuite de démontrer que l’agent a agi en ayant conscience du caractère arbitraire de son acte.
Paragraphe 3 : L’élément moral
- Infractions intentionnelles
On est face à des infractions intentionnelles parce que ce sont des crimes et des délits. L’intention en la matière est la volonté de commettre un acte attentatoire à la liberté individuelle en ayant conscience de son caractère arbitraire. Ça renvoie à deux choses : absence de consentement de la victime et illégalité de l’acte. Je ne suis punissable que si j’ai la volonté de commettre l’acte avec la conscience de l’absence de consentement de la victime et la conscience de l’illégalité de l’acte. Ce qui veut dire que s’il y a erreur de fait, il n’y a pas d’infraction. Mais quel est le rôle de l’erreur de droit, particulièrement de celui qui se trompe sur la légalité de son acte. On raisonne généralement sur l’infraction d’une autorité publique.
Ex : un OPJ a cru commettre un acte de procédure légal mais a commis une infraction. On est donc dans l’erreur de droit, mais l’exonération par erreur de droit est très rare parce que seule l’erreur invincible est source d’irresponsabilité pénale (n’aurait pas pu être surmontée par le bon père de famille doté des mêmes qualités). En raisonnant sur des professionnels (ex : dépositaire de l’autorité publique), il y a de plus une sorte de présomption renforcée de connaissance de la loi. Selon la jurisprudence, depuis les années 50, la policière ne peut justifier une erreur de droit si elle est contraire au Code de Procédure Pénale.
- Indifférence des mobiles
Il ne faut pas confondre les problèmes. L’acte attentatoire à la liberté individuelle est justifié dès lors qu’il s’insère dans un cadre légal, et spécialement dans un cadre procédural. Mais on confond un fait justificatif et l’élément légal de l’infraction. Mais peut-on envisager que d’autres mobiles puissent justifier le comportement de l’agent ? Principe classique : les mobiles ne sont pas pris en considération pour engager la responsabilité pénale des individus. Un mobile syndical n’exonère nullement des salariés de l’infraction de séquestration qui serait commise sur l’employeur. Le mobile qui s’apparente à une revendication ou droit de grève n’emporte pas le droit de séquestrer un employeur. La jurisprudence a précisé que des poursuites répressives étaient possibles : Crim., 23 décembre 1986 : déclare que constitue le délit de séquestration arbitraire le fait, pour des salariés, de retenir contre son gré et de façon arbitraire un chef d’entreprise sur son lieu de travail pendant 5 jours, même sans violence, sans qu’il le veuille, afin qu’il octroie des avantages sociaux. Mais est-ce-que le droit de grève permet de justifier une infraction pénale, une séquestration ? Fait justificatif qui immobiliserait une infraction. Le droit de grève présente un caractère passif mais qui n’implique pas, dans la jurisprudence de la chambre criminelle, le droit de commettre des actes positifs qui présenteraient un caractère illicite. C’est un droit de nuire légal mais avec un caractère passif. Donc pas de prise en compte des mobiles, sauf de la légalité de l’acte.
Section 2 : La répression des infractions de séquestration
Paragraphe 1 : Les règles générales
Infractions de base :
- Article 224-1 : 20 ans de réclusion criminelle : crime.
- Article 432-4 : délit.
Le législateur est plus sévère avec les particuliers qu’avec les dépositaires de l’autorité publique. Ce qui est très original, puisque normalement c’est source d’aggravation. Le législateur a prévu des aggravations.
- 1) Aggravation tenant aux circonstances de la victime
Pour l’infraction des particuliers, on remarque que c’est l’effet sur la victime qui est une source d’aggravation. Donc l’infraction de séquestration devient une infraction de résultat. Aggravation selon le résultat sur la victime : atteinte à son intégrité corporelle. L’article 224-2 augmente les peines lorsque la personne subit une mutilation ou une infirmité permanente : 30 ans de RC. La Cour de cassation a apporté une précision ici, il faut que l’infirmité ou mutilation ait été provoqué volontairement, ou qu’elle résulte d’une privation de soin ou d’aliment. Elle ajoute ici un élément moral. Et réclusion criminelle à perpétuité lorsque la séquestration est accompagnée d’actes de torture ou de barbarie ou lorsqu’elle a conduit à la mort de la victime. Pas de référence à l’idée d’une volonté de commettre ces actes parce que si on exige la volonté de l’auteur alors on n’est plus dans une séquestration mais dans un meurtre aggravé. La Cour de cassation a précisé dans cette hypothèse qu’un même fait ne peut être retenu comme un fait constitutif et comme une circonstance aggravante. On ne peut pas retenir séquestration avec mort et intention de la donner et meurtre : soit séquestration avec mort sans intention de la donner soit meurtre avec aggravation de séquestration éventuelle.
- 2) Aggravation tenant aux circonstances de l’auteur
Article 224-3 : peine de 30 ans de réclusion lorsque l’infraction est commise sur plusieurs victimes ou par plusieurs auteurs. C’est surtout l’idée de la pluralité d’auteurs qui peut attirer notre attention, sauf que l’article 224-3 a été modifié par une loi du 9 mars 2004 qui a abrogé la référence à la notion de bande organisée, ce qui fait que la circonstance aggravante prévue par cet article a été modifiée, la circonstance aggravante prévue par cet article est désormais la pluralité de victimes uniquement. En revanche, l’article 224-4 prévoit une circonstance aggravante tenant au but poursuivi par l’agent : est punie de 30 ans de réclusion criminelle l’auteur qui agit dans le but d’obtenir une rançon : hypothèse de la prise d’otage.
Paragraphe 2 : La règle particulière de l’excuse atténuante
Originalité des infractions de séquestration : l’article 224-1, lorsque l’infraction est commise par un particulier, connait une excuse atténuante. Pour inciter le délinquant a libéré le plus rapidement possible la victime, le législateur prévoit dans le texte d’incrimination une excuse atténuante qui s’analyse comme une diminution de la peine encourue. Les articles 221 et 224-3 et 224-4 prévoient que la libération volontaire de la victime avant le 7ème jour accompli depuis celui de son appréhension conduit à une diminution de la peine encourue. C’est prévu pour les infractions de base mais également pour les infractions aggravées. Trois observations rapides sur cette technique.
1) Les conditions de l’excuse atténuante
- Condition temporelle avec limite de 7 jours.
- Condition tenant à ce que l’acte soit volontaire, c’est un repentir actif.
L’intervention des forces de police par exemple ne donne pas lieu à une excuse atténuante, même si l’intervention a lieu sous les 7 jours. Par contre, s’il y a négociation et libération, l’excuse atténuante joue car la libération est volontaire.
2) Le domaine de l’excuse atténuante
Elle vaut pour l’infraction de base (article 223-1) mais également pour les infractions aggravée (articles 224-3 et 224-4). A chaque fois, il y a une diminution de la peine.
- Infraction de base : on est à 20 ans de réclusion criminelle normalement et on passe à un emprisonnement de 5 ans et à 75 000 euros d’amende
- Infractions aggravées :
- Article 224-3 : normalement 30 ans de RC, et si libération sous 7 jours : on passe à 10 ans d’emprisonnement sauf si une des victimes a été atteinte physiquement (exception de l’exception).
- Article 224-4 : normalement 30 ans de RC, si libération de l’otage avant 7 jours : on passe à 10 ans d’emprisonnement.
L’examen de cette diminution de peine conduit à une déqualification de l’infraction, car la qualification découle de la nature de la peine. La libération volontaire produit cet effet étrange d’un déclassement de l’infraction qui de crime devient un délit. Cela pose une question, parce que du coup, c’est le régime juridique du délit qui s’applique que ce soit en terme de juridiction compétente, de prescription applicable et en terme de droit substantielle comme pour la théorie de la tentative. Mais le législateur ne dit rien sur la tentative, donc on applique le droit commun. La tentative de crime est toujours punissable donc la tentative de séquestration est punissable. Mais vu que l’on est dans un délit, la personne a été arrêtée par une circonstance extérieure, indépendante de sa volonté, on est donc avant 7 jours, donc on se retrouve dans un délit donc la tentative n’est pas toujours punissable. Pour sortir de cette impasse on dit que pour la tentative, il n’y a pas de libération volontaire donc on est dans le cadre d’un crime, et la tentative de séquestration est punissable. La diminution de la peine n’a donc pas d’effet sur la punissabilité de la tentative.
Partie 2 : Les infractions contre l’esprit
Il y a ici deux types d’infractions. Le législateur apporte de l’importance à la protection de la personnalité. Il y a un lien entre le droit pénal et le droit civil des personnes, parce qu’on on va voir que la protection de la personnalité et des droits de la personnalité est le renfort nécessaire de la consécration civile de ces droits. Au-delà de la personnalité, on peut envisager des infractions qui sont classées dans le code dans les atteintes à la dignité. Notion malléable qui permet d’envisager la dignité concrète, donc celle d’une personne déterminée, concrète. Mas également la dignité abstraite avec la dignité de l’Homme.
Titre 1 : Les atteintes à la personnalité
Lien entre le droit civil et le droit pénal. Il faut observer d’abord qu’il n’existe pas de droit général de la personnalité qui serait le pendant de la propriété avec un droit extrapatrimonial. Mais ce droit existe dans certains pays (en Allemagne et en Suisse), les constitutions et les codes civils envisagent les droits de chacun à la protection de sa personnalité. Ce droit n’existe pas en France parce que la protection de l’intégrité morale a trouvé son fondement d’abord dans la théorie de la responsabilité civile, et ce n’est pas cette technique qu’ont été identifiés certains intérêts moraux méritant une protection. 1858 concernant une actrice de théâtre, Rachel, actrice très célèbre, son image avait été divulguée dans un journal alors qu’elle était décédée. Pour la première fois, le tribunal civil estime qu’une personne a droit au respect de son image et que ses héritiers peuvent faire interdire la publication de cette image. On pose le principe qu’une personne a le droit au respect de son image. A partir de 1858, le juge judiciaire fut saisi de différentes atteintes à des intérêts moraux. On a commencé par l’image, puis l’idée de vie privée est apparue, et c’est par la technique de la responsabilité civile que cette protection paraissait la plus appropriée. Puis, progressivement, avec l’influence de la théorie des droits de l’homme, la technique a été modifiée, on a considéré que ces intérêts étaient de véritables droits, il y a eu une prise de conscience qu’il serait plus intéressant de considérer ces intérêts comme de véritables droits. Loi 17 juillet 1870 : loi qui va consacrer un droit : le droit au respect de la vie privée, article 9 du Code civil. En même temps qu’elle consacre ce droit, la loi envisage des infractions pénales qui permettent de garantir ce droit. Ce sont des infractions qui sanctionnent l’espionnage de la vie privée et l’exploitation de cet espionnage. Première catégorie des infractions issues du droit de la personnalité. Ce droit va être une matrice pour reconnaître tout un tas de droit. Article 8 DEDH : on retrouve différents droits qui ont pour objectif commun de protéger la personnalité des individus. Droit de chacun à l’épanouissement de sa personnalité. On trouve également le droit au respect du domicile, des correspondances, du secret professionnel. Soit différents droits ayant pour objectif commun de respecter la personnalité des individus. En droit pénal, on trouve également la protection de ces droits ou des dérives de ces droits en droit pénal : il y a des délits qui sanctionnent la vie privée, et il y a également d’autres infractions qui protègent la personnalité mais qui sont des satellites du droit au respect de la vie privée (violation du secret des correspondances, du secret professionnel, du domicile, … .
Chapitre 1 : Les atteintes à l’intimité de la vie privée
Ces atteintes sont de deux ordres. D’abord, on peut envisager l’intimité en tant qu’information. L’intimité c’est finalement pour les tiers une information. Si je dis que telle personne est atteinte d’une maladie, la santé est privée. Cette information intime, le droit pénal va la protéger en incriminant un certain nombre de comportements : articles 226-1 et 226-2 du Code pénal. Mais ce peut également être le lieu intime. Et le lieu de l’intimité est le domicile au sens pénal du terme. Le pénaliste ne s’intéresse pas au lieu qui permet de rattacher géographiquement une personne et ses droits. Il s’intéresse au domicile en ce qu’il permet une activité intime.
Section 1 : La protection pénale de l’information intime
Nous sommes ici face aux délits qui ont été consacrés par le droit positif par la loi de 1870 qui contenait des dispositions civiles et pénales. On va étudier des délits qui sont liés à un droit subjectif, c’est important dans le régime substantiel parce qu’on va voir que le consentement est un élément procédural, un élément décisif de ces infractions, et d’un point de vue procédural, on est face à une hypothèse où le droit pénal protège des intérêts purement privés, en sorte que la plainte de la victime sera toujours une condition de la poursuite, le MP ne pouvant pas poursuivre si la victime n’a pas, au préalable, déposé une plainte. On dit que ce sont des délits privés, parce qu’ils supposent d’une part le consentement au titre de l’élément constitutif, et une plainte de la victime. La protection pénale des infractions intimes se concrétise à partir de l’incrimination de deux comportements :
- L’espionnage : article 226-1.
- L’exploitation de l’espionnage : article 226-2.
Sous-section 1 : L’espionnage
Article 226-1 du Code pénal. Cette infraction principale contient un élément matériel et un élément moral.
Paragraphe 1 : L’élément matériel
L’article 226-1 est long, compliqué. Il y a débat sur les éléments constitutifs de ce texte. Est incriminé le fait de porter atteinte à la vie privée d’autrui en enregistrant, transmettant, … l’image d’une personne se trouvant dans sa vie privée. L’espionnage d’une personne se trouvant dans sa vie privée. Au titre de l’élément matériel, le législateur distingue deux délits : l’espionnage visuel est donc visé, tout comme l’espionnage auditif. Double incrimination (deux délits distincts dans le délit). Malgré cette double incrimination, on peut envisager l’analyse de l’élément qui est l’acte lui-même et l’analyse du résultat, l’atteinte.
- L’acte d’espionnage
C’est un acte technique, c’est un acte qui vise des paroles ou une image ensuite. C’est enfin un acte de contextuel.
- Un acte technique
Bien que le texte vise le fait de porter atteinte à la vie privée par un procédé quelconque, cela renvoie malgré tout à un procédé quelconque. Ce ne peut pas être un simple voyeurisme, parce qu’on n’utilise pas un procédé d’espionnage. Il faut un procédé quelconque qui permet de capter, enregistrer ou transmettre des paroles ou une image. Il a été jugé qu’observer avec des jumelles n’est pas constitutif du délit d’espionnage : arrêt de la chambre criminelle du 23 août 1994.
- Un acte qui vise des paroles ou une image
- L’espionnage auditif
C’est la première infraction de l’article 226-1. Ce que le texte vise ce sont des paroles prononcées. Il faut un langage. Son intime, amant pendant relation sexuelle entre dans le domaine du délit. Mais les sons ne sont pas des paroles mais infraction pas consommée mais vu que la tentative est incriminée on peut appréhender l’auteur par ce biais-là. Comment coordonner le délit d’enregistrement de parole avec le délit d’interception de correspondance téléphonique. L’article 226-15 alinéa 2 du Code pénal envisage de punir ceux qui interceptent des correspondances téléphoniques. Délit qui a été introduit dans le Code Pénal en 1991 après que la France ait été condamnée par le CEDH, dans le cadre d’affaire d’écoute téléphonique. Le juge d’instruction peut lors d’une enquête écouter. Comment va-t-on coordonner ces 2 délits ? Remarque : avant que l’article 226-15 existe les écoutes téléphoniques étaient parfois sanctionnées sur le fondement de l’article 226-1. De nombreux arrêts condamnent sur le fondement de ce délit. Mais vu qu’il y a un délit spécifique, ces arrêts ne sont plus valables. Le critère que l’on peut proposer est double :
- Le premier critère peut être scindé :
- Au regard de la conversation enregistrée. L’article 226-1 vise des paroles alors que l’article 226-15 vise des correspondances : ça suppose un auteur et un destinataire, ce qui veut donc dire que l’article 226-1 vise toute sorte de conversations, même un monologue, alors que l’autre délit est un échange entre deux personnes.
- Au regard de sa forme. L’article 226-1 sur la forme vise toute forme de conversation alors que pour l’article 226-15 il faut une correspondance téléphonique.
- Autre critère qui distingue les 2 textes : le critère de l’auteur de l’enregistrement. L’article 226-1 permet d’incriminer celui qui enregistre une conversation à laquelle il participe, alors que l’article 226-15 vise une personne qui intercepte une conversation téléphonique qui est réalisée par d’autres personnes. La personne qui écoute n’est pas participant.
- L’espionnage visuel
L’image d’une personne renvoie évidement à la notion de personne. Assurément le texte vise une personne vivante. Question quant à la fixation d’une image d’une personne décédée : question posée à la Cour de cassation pour les affaires concernant Jean Gabin qui avait été photographié alors qu’il était décédé. La Cour de cassation a eu l’occasion de dire que la fixation de l’image d’une personne vivante ou morte sans autorisation des personnes ayant le pouvoir de l’accorder n’est pas autorisée. Cette solution a été réitérée lorsque s’est posé la question pour l’image de François Mitterrand sur son lit de mort, publié par Paris match : Crim., 20 octobre 1998. Même solution. Les droits de la personnalité sont des droits extrapatrimoniaux mais qui sont aussi attachés à la personne de son titulaire : Civ. 1ère : vu que ces droits sont attachés à la personne titulaire, ils disparaissent au décès de la personne. De ce point de vue, radicale, la conception pénale et la conception civile sont distinctes.
- Droit pénal : protection post-mortem de la vie privée et de l’image.
- Droit civil n’admet pas cette protection post-mortem parce que la jurisprudence civile décide que le droit au respect de la vie privée s’éteint avec son titulaire. Arrêt 14 décembre 1999 : droit d’agir pour la vie privée s’éteint avec le décès du titulaire.
Mais les chambres civiles admettent en réalité qu’une protection indirecte post-mortem s’effectue à travers la vie privée des vivants. Un héritier, même au civil, est habilité à agir pour contester la publication de l’image, dès lors que l’on considère que cette image du défunt est un élément de la vie privée de l’héritier vivant.
L’espionnage vise donc aussi la fixation d’une image d’une personne décédée.
Le délit suppose un acte technique, il faut un procédé puis il peut viser des paroles ou des images.
- Un acte contextuel, le contexte formel et spatial de l’espionnage
Quand on lit le texte, il y a deux précisions :
- Les paroles : Il n’y a délit que s’il y a des parole sont prononcées à titre confidentiel ou privé. Formule qui peut paraître évidente parce qu’on est dans la cadre de la protection de la vie privée. Mais on peut se demander à quoi renvoie cette notion de confidentialité.
La loi de 1970 disait que ce qui était incriminé c’était le fait de capter ou enregistrer des paroles prononcées dans un lieu privé. Ce peut donc être une confidentialité qui résulte du lieu. En 1992, le législateur ne prend pas la notion de lieu privée. Quel est le critère de la confidentialité ? C’est en réalité la forme de l’expression, on va tenir compte de la forme dont ces paroles ont été prononcées d’un point de vue formel, ex : on se met à l’écart. On peut tenir compte aussi de la qualité de l’auteur, ex : réunion publique, une personne s’entretient avec son avocat. Mais contrairement à l’idée de certains auteurs, la nature des paroles prononcées ne devraient pas être pris en compte, parce que le texte vise les paroles dites à titre privée, mais ne se limite pas aux paroles intimes. Comment savoir avant l’enregistrement le contenu des paroles ?
- Les images : le législateur a conservé ici la notion de lieu privée. Le contexte est ici spatial, il y a un contexte spatial de l’image intime. Ce qui est punissable c’est le fait d’espionner autrui dans un lieu intime. Il suffit de constater l’existence d’un lieu privée pour que le délit soit constaté. Peu importe que l’image prise soit banale.
Mais qu’est ce qu’un lieu privé ? Il y a ici un raisonnement en deux étapes.
– Le lieu privé est un lieu au sens pénal du terme. C’est le lieu habitable et habité, ce qui permet d’envisager que la notion de domicile soit plus large qu’en civil : la chambre d’hôtel est un domicile au sens pénal du terme.
– Mais un lieu privé peut ne pas être un domicile. Réponse positive parce que le lieu privé est le lieu dont l’accès est limité par la personne qui s’y trouve. De ce point de vue, le seul critère de qualification du lieu privée, c’est l’autorisation de la personne qui s’y trouve : cabine téléphonique, voiture : ce sont des lieux privé. Affaire de la princesse Diana du 12 avril 2005 : condamnation des journalistes parce que l’automobile est un lieu privé. Il faut regarder l’aptitude à formuler une autorisation. Ex : une terrasse de café n’est pas un lieu privé
La question est maintenant de savoir si le délit suppose un résultat.
- Le résultat
Est-ce que l’infraction que nous évoquons suppose un résultat ? On peut poser cette question, d’un point de vue méthodique, au regard des infractions matérielles et des infractions formelles.
- Infraction matérielle parce qu’elle suppose une atteinte à la vie privée.
- Infraction formelle parce qu’il suffit d’un comportement que nous venons de décrire, sans autre élément supplémentaire.
Ici l’infraction paraît d’un côté matériel, avec donc une atteinte, parce que le texte dit qu’on punit le fait de porter atteinte à la vie privée, donc cette infraction suppose un résultat, c’est une infraction matérielle. Mais une fois ce principe posé, on observe que ce résultat, qui semble nécessaire, est en quelque sorte impliqué par la réunion de tous les éléments de l’infraction. Le résultat, l’atteinte à la vie privée est impliqué par la réunion d’une part des éléments qui qualifient les actes d’espionnage et d’autre part par l’absence de consentement de la victime.
- L’atteinte impliquée par la qualification des actes d’espionnage
Il peut y avoir débat entre deux opinions.
- Le délit suppose de vérifier que les trois caractères évoqués qui qualifient l’acte d’espionnage soient réunis, et il faut au surplus qualifier l’atteinte à l’intimité. Cette opinion relève du hasard, si on parle de chose professionnel il n’y a pas délit, alors que si propos intime, cela devient punissable.
- Opinion du professeur St Pau : L’atteinte, le résultat n’est pas une composante autonome du délit, l’atteinte est la résultante des autres composantes du délit. Exemple : individu qui utilise un dictaphone pour enregistrer une conversation avec un collègue de travail. Est-ce-que le salarié peut être poursuivi ? Il faut constater que tous les éléments du délit soient réunis et qu’il y ait une atteinte. Ici l’intimité est-elle atteinte ? Les propos ne sont pas forcément à caractère professionnel. Alors que selon la théorie du pr St Pau, l’acte suffit à impliquer une atteinte même si les propos sont à caractère professionnel.
Puis la notion de vie privée est une notion malléable, CEDH = notion indéfinissable. Mais le droit pénal ne peut pas s’accommoder d’une notion aléatoire, il a besoin d’une notion précise. Le législateur a donc utilisé d’autres critères, l’atteinte ce n’est pas la vie privée elle-même, mais le lieu. C’est par rapport au lieu et la forme confidentielle que l’expression est privée. Position de la jurisprudence : elle n’est pas toujours évidente à cerner. Il faut distinguer entre la fixation d’image dans un lieu privé et l’enregistrement de parole.
- La fixation d’image
Les solutions jurisprudentielles sont parfaitement unitaires. Il est jugé que l’article 226-1 du Code Pénal a pour objet de sanctionner l’atteinte à la vie privée du seul fait de la fixation sans son consentement de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. Donc atteinte dès absence du consentement. Crim., 12 avril 2005 : affaire Diana. L’image prise n’était pas en soi une image intime. Si on exige en surplus une atteinte, on ne devrait réserver la répression que si l’image est intime. Pour la Cour de cassation, l’atteinte est constituée
- L’enregistrement de parole
Apparence de cacophonie, elle vient de ce que les contentieux sont teintés d’un certain particularisme. On s’aperçoit qu’en pratique, l’enregistrement de parole se pose dans le contentieux familial, ex : époux qui veut produire les enregistrements pour le divorce, ou dans le domaine du travail enregistrement des paroles d’un salarié pour un licenciement. Il y a un problème procédural ici, que ce soit dans le contentieux familial ou social : l’enregistrement peut-il être produit dans le cadre de la procédure ? Question d’administration de la preuve dans un procès civil. Pour les chambres civiles et sociales le principe de la loyauté de la preuve découle de l’article 6 CESDH, ce principe exclu la production de cette pièce. Mais chose plus complexe en procès pénal : il faut distinguer entre l’autorité publique, qui ne peut pas produire de preuve déloyale, et la partie civile, qui le peut. Mais cela peut expliquer des questions de fond. Question de savoir si on peut être condamné pour avoir réalisé cet enregistrement clandestin. Le salarié qui a utilisé un dictaphone personnel peut-il être condamné pour le délit d’espionnage auditif ? Soc., 14 février 2006 : donne un élément de réponse à notre question. Dans l’affaire un salarié a téléphoné à un collègue de travail, la conversation dérive sur l’instance prud’homale qui se passe au boulot, le salarié veut produire l’enregistrement devant le conseil. La chambre criminelle considère que le délit n’est pas constitué parce que les propos étaient dans un but prononcé. Il ne suffit pas de constater les actes d’espionnage mais il faut s’intéresser à la nature des paroles prononcées. Pourtant ici tous les actes du texte d’incrimination ont été accomplis. Mais si la chambre avait statué autrement, elle aurait privé le salarié de ses preuves dans la procédure parallèle. On voit ici que la chambre criminelle aurait pu raisonner autrement. On aurait pu dire que le délit est parfaitement constitué parce que les actes en eux-mêmes manifestent l’atteinte, mais qu’elle était justifié par les droits de la défense. Le salarié a procédé à ces enregistrements pour se constituer une preuve dans une instance prud’homale. Mais pour pouvoir donner des bonnes solutions, la Cour de cassation doit être saisie des bons moyens, elle ne pouvait donc justifier sa solution comme il aurait été souhaité.
Affaire médiatisée : où la Cour de cassation valide l’opinion du professeur St Pau avec atteinte dès lors que les actes sont constitués : Crim., 30 septembre 2008, écoute faite à l’Élysée par François Mitterrand. Ce qui intéresse c’est le motif : « les branchements clandestins et illégaux sur les lignes téléphoniques du domicile ou du local professionnel des parties civiles ont, par leur conception, objet et durée, nécessairement conduis leurs auteurs à pénétrer dans l’intimité des personnes mises sous écoutes ». C’est la clandestinité des branchements qui caractérise l’atteinte.
Autre affaire : une des affaires Bétancourt. Le maître d’hôtel enregistre clandestinement des conversations qui seront publiées par les médias. Plusieurs procès parallèles. Un des procès vise le fait de savoir si on peut produire dans une instance pénale cet enregistrement : question procédurale pour prouver une infraction. La chambre criminelle, à l’inverse de la chambre sociale et de la chambre civile, admet que l’on puisse produire ces pièces si elles sont soumises au principe du contradictoire. La preuve est libre. Ici on va chercher le majordome et on va le poursuivre comme auteur. Mais ceux qui étaient poursuivis de base étaient les médias pour le délit d’exploitation du produit d’espionnage. Devant la Cour de cassation, on dit que constitue une atteinte à la vie privée, que ne légitime pas l’information du public, la captation ou l’enregistrement des paroles de leurs auteurs sans leur consentement prononcées à titre privé ou confidentiel : Civ. 1ère. Pour qu’il y ait atteinte au civil, elle s’est servie de l’article 226-1. Ici, peu importe que l’on ait parlé d’affaire économique ou intime, ce qui compte c’est que des actes d’espionnage ont été accomplis dans un certain contexte, et sans le consentement des protagonistes.
- L’atteinte impliquée par l’absence de consentement de la victime
On est face à un délit privé, l’atteinte est impliquée par l’absence de consentement de la victime. Crim., 4 mars 1997 : elle a répété que la clandestinité est un élément essentiel du délit d’atteinte à la vie privée. Ce qui caractérise le délit, c’est que l’on agit à l’insu des personnes. C’est la clandestinité qui qualifie l’illicéité.
Le consentement est un élément constitutif de l’infraction de l’article 226-1 parce que l’article vise l’acte sans le consentement de la personne. Il est directement visé dans le texte. L’absence de consentement est un élément direct. Mais le texte prévoit une présomption. Par faveur pour les médias, l’article 226-1 dernier alinéa prévoit une présomption de consentement à l’acte technique lorsqu’il est accompli aux vus et sus des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, leur consentement est présumé. Cas des photographes qui prennent des photos et interviews. Si les actes sont apparents et qu’il n’y a pas d’opposition, il n’y a pas délit. On ne regarde pas ici la nature des paroles ou de photos, le consentement suffit, une personne a le droit de dévoiler sa vie privée.
Paragraphe 2 : L’élément moral
C’est un délit intentionnel. Curieusement, l’article vise l’élément moral, car il parle d’atteinte volontaire à la vie privée.
- La définition de l’intention
On est face à un dol qu’il faut définir par rapport à la définition de l’élément matériel. Il faut un acte technique, qui porte sur image ou parole, et contextuel, puis clandestin sans consentement. Il faut avoir la volonté de faire un acte technique en ayant conscience d’une part du contexte (lieu privé ou confidentialité de l’expression) et d’autre part de l’absence de consentement de la victime.
- La preuve de l’intention
La preuve de l’intention résulte la plupart du temps d’une présomption de fait parce que c’est en réalité la nature des actes d’espionnage qui permet ipso facto d’établir la conscience de l’auteur.
Exemple : un branchement clandestin, écoute téléphonique réalisée, la nature même du branchement permet de présumer que l’auteur savait qu’il portait atteinte à l’intimité de la vie privée, parce que branchement dans la vie privée et parce que la victime n’avait pas pu consentir à cet acte. On retrouve cette déduction dans les arrêts de la Cour de cassation. Les branchements, par leur nature, ont impliqué une intention de commettre l’infraction. Ce qui compte, c’est finalement la volonté d’espionner.
Paragraphe 3 : Faits justificatifs
Deux types de faits justificatifs neutralisent ce délit :
- L’ordre ou autorisation de la loi : neutralise le délit. Le Code de Procédure Pénale prévoit une procédure particulière en matière de criminalité organisée : possibilité de sonorisation de certains lieux ou véhicules, c’est un acte d’espionnage qui est autorisé par la loi. Le juge d’instruction peut-il décider d’un acte d’espionnage qui ne serait pas prévu par un texte particulier ? Question intéressante, parce que ça nous renvoie à la condamnation de la France en 1990 dans l’arrêt Huvig c/ France qui concernait les écoutes téléphoniques judiciaires lors d’une procédure d’instruction. Ce qui été avancé c’était une violation de l’article 8 de la CESDH. En droit français, les écoutes n’étaient pas réglementées, elles étaient déduit de l’article 81 du Code de procédure pénale « tous les actes utiles à la révélation de la vérité conformément à la loi ». L’article 81 suffisant à justifier une mesure d’instruction qui s’analyserait comme un acte d’espionnage audio-visuel.
- Droit de la défense : Crim., 11 mai 2004 : vol d’un salarié de documents de l’entreprise mais pour se défendre dans une procédure prud’homale, cette idée a été généralisée. Il paraît envisageable que le fait justificatif des droits de la défense puisse s’appliquer en matière d’atteinte à la vie privée. Il a été dit que la production de pièces couvertes par le secret professionnel est une mesure qui peut être nécessaire à la protection des droits de la partie civile : Crim., 24 mars 2007. La Cour de cassation semble poser un critère de ce fait justificatif : c’est le critère de la nécessité ou de la stricte nécessité pour l’exercice des droits de la défense. Donc l’infraction ne doit être que subsidiaire.
La loi de 1970 a été plus loin, elle n’a pas juste envisagé celui qui espionne, mais elle a voulu sanctionner celui qui exploite
Sous-section 2 : Le délit d’exploitation de l’espionnage de la vie privée
Article 226-2 du Code pénal. C’est une infraction de conséquence, donc elle suppose dans ses éléments constitutifs une infraction préalable commise par une autre personne. L’infraction de conséquence la plus connue est le recel. Ici, c’est un recel spécial, hypothèse particulière de recel. On fait référence à l’infraction principale d’espionnage.
Paragraphe 1 : L’élément matériel
L’élément matériel est double :
- Il suppose un enregistrement ou un document obtenu par l’un des actes prévus à l’article 226-1, on vise le produit de l’acte d’espionnage. Ce produit doit nécessairement se manifester sur un support appelé enregistrement ou document. Ce premier élément nous renvoie aux conditions de l’article 226-1, il faut vérifier tous les éléments constitutifs de l’article 226-1 soient réunis.
- Ensuite, il faut observer un comportement. Ce comportement s’analyse comme le fait de conserver, de porter ou de laisser porter la connaissance du public ou d’une tiers, ou d’utiliser de quelque manière que ce soit un enregistrement ou un document illicite
- Conserver : hypothèse classique du recel, est punissable celui qui archive un enregistrement ou document illicite.
- Divulguer : le fait de porter ou laisser porter, action ou abstention. On vise l’auteur médiat ou immédiat. La publication peut être faite au public ou à une personne déterminée. Elle ne vise donc pas que la presse à sensation mais aussi les divulgations entre particuliers.
- L’utilisation : ce peut être distinct de la divulgation, c’est un comportement différent. Mais comment utiliser un document sans l’avoir divulgué ? On utilise des personnes différentes ici, une fois l’enregistrement divulgué d’autres personnes peuvent l’utiliser sans pour autant le divulguer.
Le délit ne vise pas le montage qui serait réalisé sur la base d’un enregistrement, le montage vise le délit d’atteinte à la représentation de la personne : article 226-8 du Code pénal, qui ne suppose pas nécessairement une atteinte à la vie privée mais plutôt le simple fait de réalisé un montage avec image ou parole sans la consentement de celle-ci.
Paragraphe 2 : L’élément moral
Délit intentionnel donc ce délit suppose deux aspects.
- L’individu doit avoir eu la volonté de commettre les actes décrits par le texte d’incrimination.
- L’individu doit l’avoir fait « en ayant conscience » de l’illicéité de ce document ou de cet enregistrement. Il faut prouver que l’auteur savait que l’enregistrement était clandestin et n’avait pas fait l’objet du consentement de la victime.
Cela peut poser des questions dans le monde de la presse, car entre celui qui publie et celui qui est à l’origine de l’acte, il y a des intermédiaires. Mais le document par lui-même peut manifester de l’absence de consentement de la personne.
Ex : photo de la personne à son domicile prise avec un téléobjectif à 200 mètres. Ou si les paroles ne permettent pas de prouver le consentement de la victime. Question donc de la poursuite en tant qu’auteur ou complice par fourniture de moyen.
Section 2 : La violation du domicile
La violation de domicile fait partie de ces infractions qui sont incriminées distinctement en fonction de son auteur. Lorsqu’elle est commise par un particulier, le texte applicable se trouve dans le livre 2 du Code pénal, relatif aux infractions contre les personnes : article 226-4. Lorsque l’infraction est accomplie par un dépositaire de l’autorité publique, le texte est dans le livre 4 du Code pénal : article 432-8. La lecture de ces textes montre que les éléments constitutifs de ces infractions ne sont pas identiques même si la valeur sociale protégée est la même. Ces deux infractions protègent l’inviolabilité du domicile qui est consacrée en droit français dès la Révolution française, le droit pénal est à certains moments du droit constitutionnel : article 76 de la constitution du 22 frimaire an 8 : « la maison de toute personne habitant le territoire français est un asile inviolable. ». On trouve le principe d’inviolabilité du domicile. Les textes internationaux consacrent également l’inviolabilité du domicile : article 8 de la CESDH, article 17 du PIDCP. On voit que le domicile est associé à la vie privée, c’est le cadre de la vie privée, de l’intimité. C’est également valable en droit français : le domicile en tant que vie privée est un élément de l’article 9 du Code civil. L’article 226-4 du Code pénal fait suite aux articles 226-1 et 226-2 qui traitent des atteintes à la vie privée. L’intérêt d’incriminer la violation de domicile est d’incriminer une atteinte à un moyen. L’atteinte au seul domicile suffit pour qualifier l’infraction indépendamment de constater une atteinte réelle à la vie privée.
Paragraphe 1 : La définition de la violation de domicile
Ces infractions incriminées aux articles 226-4 et 432-8 du Code pénal ne sont pas rédigées de la même façon, mais contiennent des éléments que l’on peut rapprocher. Article 226-4 : « l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvre, menace, … hors les cas où la loi le prévoit … » Article 432-8 : « est incriminée le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique … de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi … ».
Dans ces deux infractions, il y a une condition préalable, et ensuite un comportement. La notion de condition préalable est appréhendée par la victime par différentes façons en doctrine (droit pénal général). Certains disent que dans l’infraction pénale il y a des notions qui sont préalables à l’infraction et doivent être définies indépendamment de l’infraction suivant la discipline. Ici, le domicile, qui est préalable au comportement de violation. Cette idée est intéressante mais excessive : lorsque le droit pénal appréhende une notion connue des autres disciplines, il se l’approprie : autonomie du droit pénal. Donc on ne peut pas dire que la notion de domicile est complètement autonome du comportement. Cet élément préalable est le domicile d’autrui.
- Le domicile d’autrui
On peut d’abord s’intéresser au domicile, puis ensuite préciser ce qu’il faut entendre par domicile d’autrui
- Le domicile
On trouve une définition que l’on retrouve fréquemment dans la jurisprudence : pour la chambre criminelle, le domicile est le lieu où, qu’elle y habite ou non, la personne a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. Cette définition est très extensive, elle s’applique en PP et en DP de fond. Le domicile que l’on va étudier est le domicile en tant que lieu privé, qui ne concorde pas nécessairement avec le domicile civil (article 102 du Code civil), car c’est un domicile juridique, celui qui permet de localiser les droits civils d’une personne. Celui que l’on va étudier est un domicile matériel, concret. Lorsque l’on étudie le domicile en droit, il faut observer qu’il y a le domicile juridique et le domicile vie privée, qui marque simplement le lieu où la personne habite. Cette définition est intéressante mais en même temps ambiguë. Deux points :
- D’abord, le domicile en droit pénal est un lieu d’habitation.
- C’est ensuite un lieu d’habitation de fait.
- Un lieu d’habitation
Pour pouvoir qualifier un lieu de domicile, il faut qu’il soit habitable, qu’il contienne les éléments nécessaires à une vie quotidienne : meubles, lit, … Dans cette perspective, un véhicule peut être considéré comme un lieu privé au sens de l’article 226-1 mais ça n’est pas un domicile car un véhicule n’est pas un lieu habitable. En revanche, une caravane ou un camping-car, qui contient les éléments essentiels de vie, devient un domicile, par cette notion d’habitabilité. Donc le domicile c’est véritablement un lieu d’habitation. Lorsque l’on dit que c’est un lieu d’habitation on ne veut pas dire que le lieu doit nécessairement être habité effectivement au moment de l’acte de violation. C’est le sens de la formule jurisprudentielle « qu’elle y habite ou non ». C’est un lieu d’habitation habituel, ordinaire. A partir de là, peu importe la durée de l’habitation. Habiter une chambre d’hôtel pendant deux jours : c’est un domicile. Peu importe la nature du lieu, une caravane est un domicile au même titre qu’une maison. Il se peut que des locaux professionnels soient qualifiés de domicile lorsqu’on raisonne sur le domicile d’une personne morale, le lieu de vie privée d’une personne morale, c’est le lieu d’exercice de son activité.
Si le domicile est un lieu habitable et habité quotidiennement, ne sont pas des domiciles les lieux inhabitables ou les lieux habitables inhabités, un appartement inoccupé n’est pas un domicile. Lorsqu’une personne s’introduit dans un appartement vide, elle ne commet pas de violation de domicile car elle s’introduit dans un local qui n’est pas habité. Au sens du droit pénal, il n’y a pas d’infraction. Au plan civil, il y a atteinte au droit privé du propriétaire, ce n’est qu’une question civile.
- Un lieu d’habitation de fait
La Cour de cassation précise qu’il y a domicile lorsque la personne a droit de se dire chez elle quel que soit le titre juridique de son occupation. C’est un élément qui permet de distinguer le droit civil du droit pénal. La qualification de domicile au sens du droit pénal, un lieu de vie privée, ne suppose pas un droit de propriété sur le bien ni même un droit d’usage sur ce bien. Un détenteur précaire, et plus généralement tout occupant permanent d’un local peut revendiquer le droit au respect de son domicile, le droit à l’inviolabilité de son domicile, à la fois d’un point de vue civil (article 9) et d’un point de vue pénal (article 226-4 et 432-8). Ex : on vit chez son partenaire, le bien lui appartient. On est un occupant permanent de ce local, pourtant on n’a aucun droit au plan civil sur le bien, mais cette occupation suffit à qualifier le lieu de domicile à notre égard. Effet pervers dans l’hypothèse du squat : une personne qui s’introduit dans un lieu inhabité ne commet pas de violation de domicile, il n’y a pas de domicile. Mais en s’installant dans ce lieu et en l’organisant pour y vivre, le squatteur créé un domicile, et, au sens pénal, il peut revendiquer la protection de ce domicile en tant que lieu privé. Il y a une conséquence. On ne peut porter atteinte à ce respect du domicile par des lois de droit, s’analysant comme des autorisations de la loi en droit pénal. Le propriétaire ne peut pas lui-même expulser ces personnes, sinon il se rend coupable d’une infraction pénale.
Le domicile est donc une notion concrète, matérielle. Mais le domicile visé est le domicile d’autrui. Ce que l’on commet lorsqu’on viole le domicile est une violation du domicile d’autrui.
- Le domicile d’autrui
Deux questions se posent. On comprend bien qu’autrui c’est l’autre. Il est donc interdit de s’introduire dans le domicile d’un autre. Mais deux situations sont floues :
- Il se peut qu’un domicile est collectif : quels sont les rapports entre les différents occupants.
- Il se peut que le domicile vise une personne morale.
- Le domicile collectif
La plupart du temps le local est habité par plusieurs personnes, une famille souvent. La question peut se poser en deux sens. Chaque occupant de ce lieu privé peut, à titre individuel, revendiquer la protection pénale de son domicile. Mais la difficulté peut surgir lorsque un membre de la famille entend opposer à un autre membre de la famille le respect du domicile, est-il concevable d’envisager une violation de domicile commise par l’un des membres de la famille / du couple. La question se pose en cas de conflits familiaux, et dans l’hypothèse précisément de décohabitation. Deux concubins habitent ensembles, la relation se dégrade. Un conflit surgit. Peut-on exclure l’un des deux du domicile ? La question se pose en matière de divorce également. Il faut distinguer les hypothèses.
- Une personne a été exclue du domicile et ne détient aucun titre juridique d’habitation
Commet-elle une violation de domicile en venant chercher ses affaires ? Elle n’a aucun titre juridique sur le local d’habitation. Dans ce cas, et même si l’existence d’un titre juridique est indifférente, cette personne-là commet une violation de domicile, en raison de ce critère. On trouve de la jurisprudence dans le cas de l’ex-concubin qui s’introduit contre le gré de son ex dans le domicile pour récupérer ses affaires.
- Le membre du couple qui a été exclu du domicile détient un titre d’habitation ou un titre juridique
Il faut simplement distinguer suivant qu’une décision de justice a ou non attribué le local d’habitation à l’un des époux. C’est souvent le cas dans une procédure de divorce. Une des premières décisions du JAF est d’autoriser les époux à vivre séparément et décider qui aura la jouissance du domicile familiale. Celui qui n’a pas bénéficié de l’attribution du logement ne peut s’introduire sans le consentement de son conjoint dans le domicile. Il commet une violation de domicile, même si c’est le seul propriétaire. C’est la manière la plus facile de régler le problème. Mais encore faut-il qu’il y ait une décision de justice. Sinon, le domicile est un domicile commun donc il n’y a pas violation du domicile.
- Quid d’une personne morale ?
Le droit pénal est un droit pragmatique. Les personnes morales se sont vues accordées sous l’empire de l’ancien Code pénal (ancien article 184) une protection, notamment le bureau de direction d’une société a été considérée en 1957 comme un domicile. L’introduction sans le consentement des personnes habilitées à le donner dans un bureau est constitutive d’une violation de domicile. Ça peut s’appliquer à l’acte d’un salarié qui s’introduirait dans les locaux de l’entreprise sans autorisation. Cette conception, audacieuse pour l’époque, parce que l’idée du droit de personnalité d’une personne morale ne va pas de soi, mais elle s’est développée et renforcée par la jurisprudence de la CEDH. La CEDH, sur le fondement de l’article 8 de la CESDH, notamment dans un arrêt société Colas c/France, 2002, a jugé que les droits garantis sous l’angle de l’article 8 peuvent être interprétés comme incluant, pour une société, le droit au respect de son siège social, de son agence ou de ses locaux professionnels. Cette jurisprudence est opportune. Ce qui est punissable c’est le fait de s’introduire dans des lieux sans autorisation. Mais d’un point de vue de l’analyse de la valeur protégée, on comprend que la notion de domicile et en arrière-plan de vie privée est affectée par cette jurisprudence. La vie privée des personnes physiques et morales ne sont pas des notions qui concordent. Lorsque l’on va raisonner sur le domicile pénal d’une personne morale, en tant que lieu de vie privée, c’est le lieu d’exercice de l’activité de l’entreprise : tout lieu d’exercice qui n’est pas ouvert au public, ou qu’avec une autorisation spécifique. C’est ce qui a permis par exemple d’envisager la condamnation de journalistes automobiles qui s’étaient introduit sans autorisation sur un site d’essais de véhicules privé. Ils ont pu être condamnés sur la base de ce délit de violation de domicile. Donc de la protection de l’intimité on glisse vers la protection de la confidentialité.
C’est la condition préalable : un domicile d’autrui. Mais pour qu’il y ait violation de domicile, il faut un acte de violation, qui suppose un élément matériel et un élément moral.
- La violation du domicile
- L’élément matériel
Cet élément matériel n’est pas définit de la même façon dans les deux textes. Mais il y a toujours deux éléments dans l’idée de violation de domicile :
- Il faut un acte matériel qui manifeste la violation.
- Il faut une absence de consentement de la victime, qui marque l’atteinte à l’inviolabilité.
On peut distinguer l’acte et l’atteinte qui est caractérisée par le défaut de consentement, c’est-à-dire le résultat ;
- L’acte
En réalité, il y a plusieurs actes visés :
- L’acte d’introduction dans le domicile d’autrui, visé dans les deux textes. C’est franchir la ligne de démarcation du domicile : franchir une porte, une fenêtre, mais s’il y a un jardin privatif : c’est déjà franchir le mur, le seuil d’un portail. Et cela quel que soit le moyen employé, que l’on franchisse avec ou sans effraction peu importe. Par contre, le fait d’observer à distance un domicile ne constitue pas la violation de domicile car il suppose un acte physique.
- Est ensuite visé l’acte de maintien dans le domicile. Il faut distinguer entre les deux qualifications.
- Si on observe la qualification visée à l’article 226-4, le texte incrimine spécifiquement l’introduction ou le maintien dans le domicile, ce qui permet d’incriminer celui qui s’introduit régulièrement dans le domicile d’autrui, c’est-à-dire avec l’autorisation de l’occupant, mais qui se maintien ensuite dans ce domicile contre le gré de cet occupant, cette personne commet une violation de domicile. La Cour de cassation l’a jugé s’agissant de l’ex époux qui s’introduit dans le domicile avec le consentement de l’ex épouse et qui se maintient ensuite sans son gré. L’infraction devient continue car elle s’exécute tout le long du maintien dans le domicile. Le point de départ de la prescription est reporté.
- Le maintien n’est pas punissable au regard de l’article 432-8. Le fait de se maintenir dans le domicile n’est pas punissable. Le législateur entend permettre à certains agents de l’autorité publique, plus spécifiquement les OPJ et APJ, de pouvoir enquêter. Lorsque dans le cadre d’une enquête de police un OPJ a obtenu l’autorisation de la personne pour s’introduire dans le domicile, il peut procéder à certaines constatations et donc s’y maintenir, sous réserve de se renvoyer aux règles applications à la perquisition. Ce qui est intéressant est le fait de savoir si on peut punir un OPJ qui se maintien dans le lieu contre le gré de la personne alors qu’il s’y est introduit régulièrement. La réponse est non.
- L’atteinte à l’inviolabilité caractérisée par le défaut de consentement
On se retrouve face à une infraction qui assurément vise l’absence de consentement comme un élément constitutif. Cette idée est conforme au principe que lorsque le droit pénal protège un droit subjectif, il est naturel que le consentement joue un rôle, chacun peut disposer de son droit. Au-delà de ce principe, la question est celle de la preuve de l’absence de consentement. Le législateur estime que le défaut de consentement de la victime ne peut être établi que par la démonstration de certains comportements de l’auteur. C’est donc à travers l’analyse du comportement de l’auteur que l’on en déduit l’absence de consentement de la victime, tout au moins au regard de l’article 226-4, parce que, et c’est étrange et symptomatique, lorsqu’on observe l’article 432-8, il n’y a plus de référence au comportement de l’auteur, il suffit que l’agent public se soit introduit ou tenté de s’introduire contre le gré de la personne. C’est symptomatique car les éléments constitutifs doivent être prouvés par le demandeur, le MP et la victime. Or, c’est plus difficile de démontrer un fait négatif que de démontrer un fait positif. En sorte que, malgré la différence de rédaction, en pratique le demandeur va plutôt s’attacher à démontrer que le comportement de l’auteur a été soit menaçant, soit contraignant, soit violent, soit trompeur. On retrouve des éléments qui caractérisent un comportement intrusif, puisque l’article 226-4 vise les manœuvres, les menaces, la voie de fait ou la contrainte comme étant des éléments légaux permettant de démontrer l’absence de consentement de la victime :
- Manœuvres : tout procédé astucieux, ruse, fraude, qui permettrait de s’introduire dans un domicile. Ex : usurpation d’identité. L’usage d’une vraie clef a aussi été constitutif d’une manœuvre lorsqu’elle est détenue de manière illégitime. Ex : propriétaire qui loue son bien, dispose d’une clef et s’introduit dans le domicile du locataire. Cet acte est constitutif d’une manœuvre et ainsi d’une violation de domicile.
- Menaces : paroles de nature à faire impression sur l’occupant. On ne va pas poursuivre pour menaces, la violation de domicile absorbe la menace : infraction absorbante. On ne poursuit pas pour les deux. Ça peut également être une attitude inquiétante. Ex : attitude d’un syndicaliste accompagné d’une 60aine de personnes, avec des pancartes dissuasives, slogans agressifs, constitue une menace pour les gardiens d’une usine est constitutif d’une menace et donc l’introduction dans le domicile est constitutif d’une violation de domicile.
- Voies de fait : actes de violence dirigés contre les personnes mais également contre les biens. Ex : briser une vitre pour s’introduire dans le domicile.
- Contrainte : elle n’est pas définie par la loi, mais s’agissant du texte, il vise ici plutôt une pression morale sur les personnes. De ce point de vue, la notion de contrainte est utile lorsqu’on envisage le cas d’une personne qui s’introduit et se maintien dans le domicile de manière passive. Elle exerce une sorte de pression morale sur l’occupant.
Il faut passer par la preuve de ces éléments légaux pour que l’infraction soit constituée.
- L’élément moral
L’élément moral de ces infractions est un élément intentionnel. Ces délits ne peuvent pas être commis par imprudence. Ça suppose de constater d’abord que l’individu avait la volonté de commettre les actes de violation (introduction ou maintien dans le domicile) en ayant conscience d’une part de ne pas avoir le droit de s’introduire dans ce domicile, et en ayant conscience de l’absence de consentement de la victime.
La plupart du temps, le débat judiciaire s’orientera sur le mobile, l’auteur avançant un mobile légitime. Ex : concubin qui avance le mobile légitime souhaite récupérer ses affaires / propriétaires annonçant le mobile légitime de faire expulser des squatteurs. Dans ces hypothèses, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser que l’infraction étant constituée, le mobile est indifférent. Seule l’erreur de fait, que l’on apprécie in abstracto (bon père de famille ans les mêmes circonstances) peut permettre de supprimer l’intention. En revanche, l’erreur de droit est très rarement admise. Ex : hypothèse où après un divorce un époux demande à son avocat de lui expliquer le sens de la décision et de lui expliquer notamment s’il est autorisé à se réintroduire dans le domicile, la décision était une décision de rejet de la demande de divorce. L’avocat se trompe sur l’interprétation, parce que bien que le divorce ait été refusé, le domicile avant malgré tout été attribué à l’épouse dans la décision. Malgré la consultation juridique de son avocat, cet époux a été condamné pour violation de domicile, la Cour de cassation ayant refusé l’exonération par erreur de droit au motif que cette personne aurait pu demander à l’autorité compétente de lui expliquer le sens de la décision.
Paragraphe 2 : La répression
On observe trois points.
- Les hypothèses de neutralisation de l’infraction : les faits justificatifs
Ces infractions ne visent la violation de domicile que hors les cas prévus par la loi. Il y a une réserve dans le texte d’incrimination qui renvoie spécialement l’autorisation ou l’ordre de la loi, voie le commandement de l’autorité légitime. Dans la constitution du 22 frimaire an 8, on trouvait déjà des hypothèses d’autorisation de la loi : un citoyen pouvait s’introduire dans le domicile en cas d’incendie, d’inondation, ou d’appel de l’intérieur. Donc l’hypothèse d’autorisation de la loi est évidente, on se demande même pourquoi c’est précisé dans le texte. C’est peut-être pour imposer à la poursuite la preuve de ce que l’agent avait conscience d’agir hors les cas prévus par la loi. Cas prévus par la loi : au moins deux hypothèses s’imposent évidemment :
- Une perquisition domiciliaire, qui constitue un cas prévu par la loi, spécialement dans le cadre d’une enquête de flagrance ou dans le cadre d’une instruction, puisque dans ce cas le consentement de l’occupant n’est pas nécessaire, il s’agit d’un acte de contrainte qui est prévu par la loi et encadré.
- Règle générale qui fait obligation à chacun d’entre nous de porter secours à autrui. L’obligation de porter secours peut s’analyser comme une autorisation de la loi : article 223-6 du Code pénal : en punissant ceux qui ne portent pas secours, leur fait obligation de solidarité, c’est donc une autorisation de la loi au regard des articles 226-4 et 432-8 du Code pénal.
- La combinaison de la violation de domicile avec d’autres infractions
Deux types de situation sont à distinguer :
- Une infraction est absorbée par la violation de domicile. Ex : menaces : lorsqu’on constate un acte de violences qui est constitutif d’une voie de fait, ce constat est celui d’un élément constitutif de la violation de domicile, ce qui empêche alors a priori de s’orienter vers la qualification de violences. Mais à condition que ce soit le même fait. Ex : pousser l’occupant pour pouvoir rentrer dans le domicile. Cet acte est un fait unique qui peut renvoyer à une violence légère et à la voie de fait constitutive ici de la violation de domicile. Mais si au delà de cet acte de violence légère sont commis au sein du domicile des actes de violences, ex : couple de personnes âgées torturées jusqu’à donner leur code de carte bancaire, ces actes de violences sont subséquents : on est dans le cadre de deux qualifications successives, car ils sont distincts.
- La violation de domicile n’est que le moyen de commettre d’autres infractions. On viole le domicile pour commettre un vol ou une extorsion. Dans ce cas, il faudra analyser les qualifications en concours, parce que souvent, il arrive que la qualification qui constitue la finalité de l’opération criminelle contienne, au titre des circonstances aggravantes, soit la violation de domicile soit une des composantes de la violation de domicile. Ex : vol avec effraction : l’effraction est une circonstance aggravante. Or, l’effraction c’est en même temps la violation de domicile. On ne va pas punir pour violation de domicile et vol mais on va punir pour vol aggravé qui est puni plus sévèrement. Donc il faut observer les qualifications pour vérifier que ce qui constituerait un élément constitutif au regard de la violation de domicile n’est pas constitutif d’une infraction ou d’une circonstance aggravante d’une autre infraction.
- S’agissant des responsables, les auteurs de violation de domicile peuvent être soit des particuliers soit des agents de l’autorité publique, suivant que l’on se trouve sur le terrain de l’article 226-4 ou 432-8. s’agissant des agents de l’autorité publique, il faut revoir la séquestration : il faut avoir la qualité de dépositaire de l’autorité publique et il faut que l’acte soit commis dans l’exercice des fonctions ou à l’occasion de l’exercice des fonctions.
Les personnes morales sont visées à l’article 226-7 du Code pénal avec des peines spécifiques. Ex : journalistes. S’ils agissent sur ordre de la société, le journal peut être poursuivi pour violation de domicile.
Quant au complice, toute personne au sens de l’article 121-7 du Code pénal peut être poursuivis comme complice de l’infraction de violation de domicile. Ex : présidence d’un office HLM qui donne son accord à la mise en place d’un commando pour s’introduire chez des locataires endettés peut être poursuivi comme complice d’une violation de domicile.
Chapitre 2 : L’atteinte au secret
Sont visés différents types de secret dans le Code :
- Secret des correspondances.
- Secret professionnel.
Bien que se situant dans le prolongement du droit au respect de la vie privée, ils peuvent apparaître comme distincts.
Section 1 : Le secret des correspondances
Le secret des correspondances est une question ancienne, on trouve au XIXe siècle des réflexions civiles et pénales. Ce qui fait aujourd’hui la modernité de l’infraction c’est qu’au-delà de ce que l’on peut appeler le secret des correspondances matérialisées (lettres) s’est développé le secret des correspondances dématérialisées, qui est apparu lorsque l’on a envisagé le secret des correspondances téléphoniques. On a un texte de base ancien repris par le Code pénal de 1992, et s’est venu s’ajouter la prise en considération de la modernité (électronique, téléphonique). S’agissant de la seconde infraction, c’est à partir de la loi de 1991 que cette incrimination est née.
Sous-section 1 : La violation des correspondances matérialisées
On a une dualité de textes d’incrimination :
- Article 226-15 alinéa 1 du Code pénal : pour les particuliers.
- Article 432-9 alinéa 1 du Code pénal : pour les dépositaires de l’autorité publique.
Le délit est plus sévèrement punis lorsque l’atteinte au secret des correspondances émane d’une personne dépositaire de l’autorité publique : 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende, alors que s’agissant des particuliers, on est à 1 an d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs
1) L’élément matériel
Il faut envisager au préalable la notion de correspondance.
a) La correspondance, élément préalable
La correspondance peut être définie ainsi : « la correspondance est une information exprimée par une personne identifiée, que l’on qualifie auteur, par ses moyens de communication (la voie, l’écrit, un signe) et transmise par un support de communication et éventuellement par un intermédiaire (la poste par exemple) à une autre personne dont la détermination est choisie par l’auteur, qui est le destinataire ». Le droit pénal appréhende la correspondance en tant qu’information transmise sans se préoccupé du contenu de l’information. Une correspondance n’est pas qualifiée par son contenu mais par d’autres éléments et notamment le fait qu’il y ait un rapport entre un auteur et un destinataire. Finalement, on peut envisager la correspondance en tant que support : une lettre, par exemple, c’est le support écrit. Mais on peut également appréhender la correspondance au regard de l’information qui est sur le support. C’est le sens du droit commun : lorsqu’on parle de correspondance, on parle du contenu.
- La correspondance en tant que support de communication
L’article 226-15 alinéa 1 est compris comme visant les supports écrites, les correspondances écrites et postales, lettres et missives qui sont d’abord protégées. Les textes peuvent permettre de viser plus large, toute forme d’expression qui empreinte un support matérialisé peut apparaître visé au titre d’une correspondance. La jurisprudence entend la correspondance d’une manière extensive, une carte postale, un document commercial, le talon d’un chèque postal ont été qualifié de correspondance. Une clé USB, on peut envisager que cela puisse être considéré comme des correspondances. Le support doit être transmis, le texte vise une correspondance qui est arrivée ou non à destination. Cette formule renvoie à une question, faut-il nécessairement que la correspondance ait été remise à un porteur pour qu’elle devienne juridiquement une correspondance. Une intermédiaire privé pourrait être qualifié de porteur. Cet élément n’est pas nécessaire. Une correspondance est souvent postale, l’existence d’un porteur n’est pas un élément de la qualification. Il se peut que l’auteur de la correspondance porte lui-même la correspondance à son destinataire. La lettre que l’on remet dans la boite aux lettres nous-même c’est une correspondance protégée alors qu’il n’y a aucun intermédiaire.
C’est plus le fait que la correspondance vise un destinataire qui est important.
- La correspondance en tant qu’information adressée
On peut faire deux séries d’observations. La correspondance c’est une information, c’est un échange d’information, il s’agit d’une chose incorporelle en ce sens. Cela permet de distinguer la correspondance stricto sensu du colis, tout envoi postal n’est pas nécessairement une correspondance. Ce qui est secret c’est finalement l’information pas un objet. Du point de vue du code pénal, l’infraction ne vise pas l’ouverture du colis au regard du code pénal, le colis n’est pas une correspondance, on n’est plus sur une infraction contre les personnes visant la protection d’un secret.
L’information n’a pas à être qualifié d’intime pour que l’on puisse parler de correspondance, le code n’impose pas de vérifier le contenu des informations échangées. Une correspondance mérite une protection pénale alors même qu’elle ne contiendrait que des éléments de nature professionnelle.
Ce qui est l’élément le plus important, c’est que l’échange est adressé à une personne déterminée, la correspondance doit être adressée à un tiers. Tant qu’un écrit ne contient pas de destinataire, il ne s’agit pas encore d’une correspondance. On a rédigé un brouillon sur un bureau de manière manuscrite, ce brouillon n’est pas encore une correspondance dès lors qu’il n’est pas adressé à un tiers. C’est ce destinataire qui qualifie, on peut parler d’échange que s’il y a un auteur et un destinataire.
b) Les actes de violation
Il faut distinguer les actes communs aux deux infractions et les actes qui sont propres à la qualification applicable aux particuliers.
- Les actes communs au particulier et au dépositaire
Est d’abord incriminée, l’ouverture d’une correspondance, ce qui suppose que l’on soit face à un pli scellé ou clos, il n’y a d’ouverture que s’il faut physiquement déchirer une enveloppe. La simple lecture d’une carte postale n’est pas visée par cette notion d’ouverture.
Le législateur vise la suppression c’est à dire la destruction de la lettre alors même qu’elle n’aurait pas été lue. De ce point de vue, il n’y a pas d’atteinte au secret mais à l’intégrité de la correspondance.
Sont visés le retard ou le détournement, ce sont des agissements malveillants susceptibles de priver les destinataires des correspondances qui leur sont adressées. Ont été condamnés le concierge ou le gardien d’un immeuble qui prétend que le destinataire n’habite pas à l’adresse indiquée ou dans l’immeuble, ou le gardien qui renvoie le courrier avec la mention inconnue. Tous ces agissements peuvent viser des situations diverses et notamment le cas de l’employeur qui conserverait une lettre destinée à un employé, cette conservation est illicite, c’est un détournement de la correspondance adressée au salarié.
L’infraction vise toutes les rétentions temporaires, on peut se demander si le fait de soustraire définitivement une correspondance et la garder ne permettrait pas la qualification de vol. En tant qu’objet, cette chose pourrait apparaître comme l’objet d’un vol. La jurisprudence ne retient pas un concours idéal d’infractions, dans ce cas on trouve des arrêts depuis la fin du 19ème siècle qui privilégie la qualification de vol : Crim., du 18 mars 1892. Les deux qualifications n’ont pas le même résultat juridique, vol infraction contre les biens, et correspondance infraction contre les personnes. Ce sont des pas des qualifications absorbantes. Ce qui devrait permet de distinguer c’est l’intention de l’auteur. Au-delà de ces actes, il y a des actes spécifiquement visés par la qualification applicable aux particuliers.
- Les actes propres au particulier
Le législateur incrimine le fait de prendre connaissance frauduleusement d’une correspondance. Sous l’ancien code pénal, la solution retenue était inverse : Crim., 1937 : la chambre criminelle a jugé qu’il n’y a pas d’infraction à lire un plis ouvert qui circule à découvert, ou un pli trouvé sur un bureau. Le droit moderne renvient sur cette solution, convergence du droit civil et pénal. Au civil, au regard de l’article 9, c’est une atteinte à la vie privée dès lors qu’on prend connaissance d’une correspondance sans le consentement de l’auteur ou du destinataire. Cette solution est aujourd’hui la même en matière pénale, est incriminée le fait de prendre connaissance d’une correspondance. Cette incrimination est difficile à mettre en application, la preuve de cela sans que les autres actes soient qualifiés est une preuve assez difficile. Le législateur a voulu prendre en considération une lecture frauduleuse d’un courriel électronique et l’utilisation du contenu d’un courriel dans une procédure, s’il a été obtenu d’une manière illicite.
- Les actes propres au dépositaire de l’autorité publique
Article 432-9 : L’instigation par provocation, le texte vise le fait d’ordonner ou de faciliter la violation du secret des correspondances, ces actes sont punissables indépendamment des suites données par les auteurs matériels des infractions. La révélation du contenu des correspondances, cette incrimination confirme que la lecture frauduleuse par un agent public n’est pas illicite, on a voulu faciliter l’enquête réalisée par des OPJ ou APJ lors d’une perquisition.
2) L’élément moral
On est face à des délits intentionnels, les articles 226-15 et 432-9 ne visent pas l’imprudence. Il faut que les actes aient été accomplis volontairement en ayant conscience que la correspondance était adressée à une personne déterminée et que l’auteur de la violation ne disposait d’aucun droit de contrôler sur cette correspondance. La mauvaise foi résulte très simplement de ce que le prévenu ne pouvait ignorer que la correspondance ne lui était pas adressée, c’est un dol général qui s’établit à la seule lumière des actes. La question qui se pose est celle du mobile du délinquant, il faut réaffirmer qu’il est indifférent, fut-il légitime, répondre à des actes de concurrence déloyale n’est pas un mobile permettant d’ouvrir des correspondances, se réserver une preuve n’est pas un mobile légitime sauf à ce que ce mobile se transforme en un véritable fait justificatif.
Paragraphe 2 : Les faits justificatifs
La violation peut être justifiée par l’ordre ou l’autorisation de la loi, article 432-9 évoque cela. Il arrive que certains textes de manière spécifique autorisent une violation de secret des correspondances ou organisent cette atteinte. C’est le cas du Code de Procédure Pénale lorsqu’il décrit les perquisitions et autorise un OPJ à prendre connaissance et à saisir des correspondances. On trouve dans la partie réglementaire du Code de Procédure Pénale des dispositions relatives au contrôle et à la lecture des correspondances adressées à un détenu. Au-delà de cette question qui est assez simple de l’autorisation de la loi, ce qui fait débat, c’est la question suivante : peut-on admettre un droit de contrôle de certaines personnes sur les correspondances d’autrui qui justifierait une atteinte au secret des correspondances ? Pour répondre à cette question, il faut raisonner sur d’abord les rapports familiaux et notamment d’abord l’éventualité d’un droit de contrôle des correspondances entre époux et puis l’éventualité d’un droit de contrôle des correspondances des parents sur leurs enfants. Sur le 1er point, entre époux, il n’existe aucune disposition pénale, une règle civile peut-elle venir justifier une atteinte au secret des correspondances. En droit civil, même entre époux le droit au respect de la vie privée et c’est satellite, vaut y compris entre époux. Même marié chaque époux conserve son individualité propre. Le principe posait par l’article 9 n’est pas neutralisé par le mariage. Le principe même de la protection pénale existe entre époux, on ne peut pas dire qu’un époux dispose d’un droit de contrôle sur les correspondances de l’autre sans son consentement. Pour les rapports entre parents et enfants, la réponse est différente. Une règle civile pourrait paraître comme une autorisation, ce sont les règles relatives à l’autorité parentale. Elle peut emporter dans les prérogatives qu’elle confère aux parents ce droit de contrôler pour des raisons éducatives les correspondances de leur enfant. On pourrait considérer que le code civil et les textes sur l’autorité parentale constituent une forme d’autorisation de la loi, les parents ne se rendant pas coupable au regard du droit pénal d’une violation du secret des correspondances. On peut aussi se poser la question de l’existence d’un droit de contrôle dans les rapports de travail, dans les deux sens, l’employeur peut-il contrôler les correspondances adressées au salarié dans l’entreprise et inversement. S’agissant de l’employeur, il y a un préalable, c’est d’admettre que le secret des correspondances existe aussi dans l’entreprise. Il y a eu un débat, qui a donné lieu à l’arrêt Nikon en 2001, la Cour a visé le secret des correspondances comme un principe applicable y compris dans les rapports de travail. L’employeur peut-il malgré tout contrôler les correspondances adressées à un salarié sans se rendre coupable d’une atteinte au secret des correspondances, la chambre criminelle ne s’est jamais prononcée sur une poursuite qui serait dirigée contre un employeur. En revanche, la chambre sociale s’est prononcée sur ce type de question, il y a un 1er critère l’ouverture d’une correspondance est possible lorsque le salarié est présent et donc cette ouverture ne se réalise pas de manière clandestine, la chambre sociale se sert de ce critère pour déterminer la valeur de la preuve. En droit pénal, on s’en servirait pour voir si on pourrait poursuivre. Le 2ème critère, c’est l’idée d’un trouble à l’ordre public, ou d’un trouble caractérisé dans l’entreprise notamment lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner que le salarié se rend coupable de graves infractions. Pour traduire ces critères d’un point de vue pénal, ce n’est pas facile, il faudrait les intégrer à un fait justificatif existant. On ne commet que des faits justificatifs prévus par la loi. C’est l’état de nécessité qui parait correspondre à l’hypothèse du trouble caractérisé dans l’entreprise, on pourrait considérer que l’employeur invoque un état de nécessité. Sur le rapport inverse, le salarié qui prétendrait ouvrir des correspondances qui sont adressées à l’entreprise et donc à son employeur. La question est de savoir si le salarié encourait une condamnation. La solution pourrait être la même, le fait justificatif serait le fait justificatif des droits de la défense, lorsque l’infraction apparaît comme nécessaire au respect des droits de la défense, lorsque c’est nécessaire au respect des droits de la défense, par exemple seul moyen probatoire de se défendre, on peut considérer que d’un point de vue social, la preuve sera valable et au point de vue pénal, l’atteinte sera justifiée par un fait justificatif, ici les droits de la défense. Le législateur ajoute depuis 1991 une autre forme d’atteinte visant les correspondances dématérialisées c’est à dire essentiellement les correspondances téléphoniques.
Sous-Section 2 : Les atteintes au secret des correspondances téléphoniques
La question des écoutes a d’abord été posée d’un point de vue procédural. La question était de savoir si des interceptions de correspondance réalisées par le juge judiciaire et notamment le juge d’instruction constituaient des atteintes légales et proportionnées au regard de l’article 8 de la CESDH. La France a été condamnée dans l’arrêt Huvig de 1990, le fondement légal du juge d’instruction était insuffisant, ce qui a incité le législateur a voté une loi du 10 juillet 1991, réglementant précisément les écoutes téléphoniques réalisées par le juge judiciaire et les écoutes téléphoniques, désormais on parle d’interception de correspondances. Cette loi a ajouté un volet substantiel c’est l’insertion dans le code pénal d’un délit spécifique visant l’interception de correspondance dématérialisée c’est à dire les correspondances émises par la voie des télécommunications. Ce délit est prévu à la fois pour les particuliers à 226-15 alinéa 2, article 432-9 pour les dépositaires à l’alinéa 2.
Paragraphe 1 : Les éléments constitutifs des délits
- A) L’élément matériel
- La correspondance émise par la voie des télécommunications
Le délit vise spécifiquement la correspondance émise par la voie des télécommunications. Cette correspondance est une variante de la notion des correspondances, la variation tient au support, puisqu’il est dématérialisé. La correspondance est transmise par la voie des télécommunications, c’est à dire de manière impalpable D’un point de vue criminologique, il y a une différence entre l’atteinte aux correspondances matérialisées, les actes sont physiques, ce sont des actes de violence d’une certaine manière, alors qu’ici on va raisonner sur des actes astucieux, des actes d’espionnage. On peut le reprocher du délit d’espionnage de la vie privée. Les télécommunications sont définies comme toute transmission, émission, réception de signes signaux, images, sons, renseignements, de toute nature par fil optique… Cela permet d’englober tous les moyens le téléphone, la télématique, le satellite, internet. On peut parler de correspondance écrite mais transmise de manière dématérialisée ou orale mais transmise de manière dématérialisée. On peut être pour les mails tantôt sur la correspondance matérialisée ou dématérialisée. Si on intercepte la transmission d’un mail ou moment où il est envoyé, on est l’article 226-15 alinéa 2, car la transmission se fait sur le support. La transmission est variée, ce qui va qualifier la correspondance dématérialisée c’est la précision du destinataire par l’auteur. Un mail ne devient une correspondance qu’à partir du moment où le destinataire est identifié, peu importe qu’il n’a pas encore été envoyé.
- Les actes incriminés
Les actes supposent d’identifier entre les particuliers et les agents de l’autorité publique. Les actes qui sont visés à l’article 226-15, 4 comportements sont visés, alors que l’article 432-9 incrimine seulement la commission d’actes d’espionnage et le fait de les faciliter ou de les ordonner.
Les actes d’espionnage qui sont visés, est tout d’abord incriminé le fait d’intercepter, c’est ce qui permet de différencier, intercepter c’est prendre au passage et par surprise, cette définition implique plusieurs éléments, l’acte ne se conçoit qu’au cours de la transmission, on ne peut pas parler d’interception avant ou après la circulation d’une information. Celui qui lit un mail avant son envoi ne l’intercepte pas. L’interception implique des opérations techniques, cela suppose de capter la transmission de l’information, de l’enregistrer, de l’écouter, il faut un branchement pour dériver les écoutes. Ces éléments permettent de définir le délit mais aussi par ricochet de définir les pouvoirs des OPJ. Si on est sur le terrain de la qualification d’une écoute téléphonique, il faut suivre le régime des articles du Code de Procédure Pénale. Pour certains cas, il y a des hésitations, des policiers qui sans artifice et avec l’accord du titulaire de la ligne vont écouter une conversation qui est réalisée par le titulaire de la ligne avec un tiers, il ne s’agit pas d’interception de correspondance ni du point de vue du droit substantiel ni du point de vue de la procédure pénale. Au-delà de l’interception, sont visés les détournements consistant à dévier la circulation de l’information et donc empêchant le destinataire de la recevoir, ce qui est incrimine c’est le détournement alors même que celui qui détourne n’a pas pris connaissance de l’information. Acte de divulgation, sans que le destinataire de la divulgation soit précisé, on est punissable que l’on divulgue à une personne déterminée ou à un public. On peut divulguer en direct, ou en enregistré. Le texte vise l’utilisation des correspondances, c’est à dire l’utilisation du support, l’enregistrement. Peu importe le but de cette utilisation sous réserve de ce que l’on va dire pour les faits justificatifs.
A côté, des actes d’espionnage sont évoqués des actes préparatoires. Actes qui peuvent présenter un caractère équivoque. L’article 226-15 incrimine le fait de procéder à l’installation d’appareil.
- B) L’élément moral
C’est une infraction intentionnelle, c’est le fait de commettre volontairement les actes d’espionnage ou de préparation en ayant conscience d’agir en l’insu de la victime c’est à dire clandestinement et sans droit.
Paragraphe 2 : La justification de l’atteinte
On peut envisager de nombreuses hypothèses. Justification de l’infraction commise par un particulier, article 226-15. La question principale est celle de savoir si l’atteinte au secret des correspondances peut être justifiée par l’objectif d’administrer une preuve. Il est vrai que sous l’empire de l’ancien code pénal qui ne connaissait pas l’incrimination spécifique de l’interception de correspondance, on appliquait à ces hypothèses le délit d’espionnage de la vie privée. Est arrivé à la Cour de cassation d’admettre la relaxe, les relaxes étaient souvent fondées sur l’absence d’intention de l’auteur de porter atteinte à l’intimité de la vie privée. Ces décisions d’un point de vue juridique ne sont pas exactes, ce délit suppose la volonté de commettre les actes d’espionnage en ayant conscience de les commettre. Toutefois, les hypothèses dans lesquelles ces arrêts ont été évoqués correspondent à la question de savoir si une infraction peut être justifiée par le droit à la preuve en tant qu’il est un élément des droits de la défense. Les droits de la défense constituent un concept matriciel, parmi lesquels le droit d’être en mesure de prouver sa prétention. Crim., 5 avril 2012 : le droit à la preuve peut justifier une atteinte proportionnée à la vie privée d’autrui, c’est une affaire civile, la Cour de cassation a jugé que la production de lettres confidentielles dans une procédure civile pouvait être admise dès lors que cette atteinte était justifiée par les nécessités de la preuve car la partie n’avait aucun autre moyen pour prouver ce qu’elle alléguait. La vraie question n’est pas de se demande si le mobile ou l’intention fait défaut, mais de se demander s’il n’existe pas un fait justificatif qui serait caractérisé par l’idée d’un droit à la preuve trouvant son origine dans les droits de la défense. La question n’a pas été jugée de manière aussi claire pour l’atteinte aux correspondances.
Pour l’infraction commise par un dépositaire, l’article 432-9 renvoie aux cas prévus par la loi, trois types sont autorisés, les interceptions de sécurité, article 3 et 19 de la loi du 10 juillet 1991, ce sont des écoutes qui sont réalisées indépendamment d’une procédure pénale. LES écoutes téléphoniques réalisées dans le cadre d’une procédure pénale, article 100 et suivants du Code de Procédure Pénale. Les écoutes qui sont réalisées dans les établissements pénitentiaires, article D 417 du Code de Procédure Pénale prévoit l’hypothèse d’un contrôle de la conversation téléphonique.
Section 2 : La violation du secret professionnel
C’est une infraction très difficile. Cette infraction se retrouve dans le Code pénal aux articles 226-13 et 226-14. C’est une institution protéiforme pour deux raisons, sources et fondements. Au regard des sources, l’infraction est visée par plusieurs textes. Dans le CP, il y a un texte d’incrimination : article 226-13 et un texte de justification spécifique : article 226-14. A cela s’ajoute que ce dispositif est complété par une multitude de dispositions qui sont à la fois de fond et de forme ; De fond, le secret professionnel bien qu’il trouve son fondement dans le Code pénal et ensuite repris par des textes qui organisent les professions, c’est le garant d’un ordre public professionnel, on en trouve dans le CSP (secret médical), le texte réglementant la profession d’avocat, décret de 1971. A chaque fois que l’on juge un professionnel, il faut les dispositions du code et les dispositions relatives à la profession. De forme, la question du secret professionnel concerne tous les droits, il y a deux types de questionnement, un questionnement pénal et un questionnement extra pénal. Quand on raisonne Sur le secret professionnel au regard d’une procédure pénale, la question est simple, le professionnel a-t-il commis l’infraction décrite par l’article 226-13, a-t-il méconnu son devoir de silence. A côté, on peut retrouver hors du droit pénal, l’institution du secret professionnel mais à un autre point de vue, il s’agira de savoir si un professionnel peut opposer un secret dans une procédure qui peut être civile ou pénale. Dans une procédure civile, un juge demande à un banquier de produire des relevés bancaires nécessaires à la solution du juge. On est dans des contentieux qui parlent toujours du secret professionnel mais qui n’ont pas le même objectif. Ces contentieux qui paraissent différents peuvent être liés, si on dit que le professionnel peut opposer le secret, je considère qu’il ne commet pas un acte de violation car il peut le taire. Au regard des fondements, il y a une pluralité des fondements. Le secret professionnel est une infraction tiraillée entre deux valeurs sociales, d’un côté en effet, c’est la place du secret qui l’atteste, livre 2 du Code pénal, il est protecteur d’un intérêt privé, c’est e droit de chacun au respect du secret des informations confiées à un professionnel et de ce point de vue, ce droit peut apparaître comme une composante de la grande matrice qui est le droit au respect de la vie privée. La CESDH considère que c’est un élément garanti par l’article 8. Si on raisonne sur le secret médical, il y a une information médicale qui est relative à la vie privée, il y a une subjectivation de l’intérêt. Le secret professionnel apparaît comme un élément qui peut paraître disponible, pour le secret médical, le consentement du patient à la révélation produit un effet exonératoire de la responsabilité du médecin. Le secret professionnel, ce qu’il protéger c’est la profession, c’est un ordre public professionnel : Crim., 1885 : l’obligation au secret est un devoir de leur état, qui est lié à l’état, c’est un devoir imposé par le législateur pour assurer la confiance que le public a en certaines professions, c’est un devoir qui s’impose à certaines professions pour que le public ait confiance. Dans cette perspective, on conçoit que le pouvoir de disposer de ce secret soit plus limité.
Sous-section 1 : Les éléments constitutifs
On peut d’abord envisager ce qu’il faut entendre par secret professionnel à titre de condition préalable, puis on peut ensuite analyser le comportement.
Paragraphe 1 : Le secret professionnel
Il faut à la fois des personnes qui soient tenues au secret, c’est la dimension subjective du secret et une information à caractère secret, dimension objective.
- Les personnes
Ce sont les personnes qui sont dépositaires soit par état ou par profession soit en raison d’une fonction ou mission temporaire. Le texte vise des personnes qui sont tenues en différentes qualités. La qualité abstraite de confident et cette qualité doit se doubler d’une qualité concrète.
- La qualité abstraite de confident
On a le retrouve à travers de type de catégories. Des confidences statutaires, des personnes sont tenues au secret en raison d’un statut professionnel (médecin, avocat, notaire).
A côté, la jurisprudence avait créé une autre catégorie, les confidents nécessaires, personnes qui par une interprétation jurisprudentielle ont été jugés comme des personnes de confiance. On retrouve une formule assez souvent dans la jurisprudence, certaines personnes sont tenues au secret professionnel dès lors que la sécurité des confidences qu’un particulier est dans l’obligation de faire à une personne est inhérente à l’intérêt général et à l’ordre public. Aujourd’hui, la plupart des personnes qui sont tenues au secret, le sont au regard de textes particulier. Petit à petit le législateur a ratifié la jurisprudence. Par exemple, les avocats qui aujourd’hui font l’objet d’une réglementation de leur profession, au XIXème siècle, ils étaient envisagés sous les confidents nécessaires. Il ne serait pas impossible pour la Cour de cassation d’interpréter l’article 226-13 alors qu’il n’y a pas de texte pour réglementer leur profession. C’est une catégorie ouverte.
Le texte vise aussi des personnes tenues au secret en vue d’une mission temporaire, ce ne sont pas des professionnels, cela peut concerner tout le monde, on vise ici la fonction de juré.
- L’exercice des fonctions
Il faut agir dans l’exercice des fonctions. Le professionnel doit se trouver dans un rapport fonctionnel, professionnel, ce qui permet de dire que si on confie une information à un médecin lors d’un dîner amical, il a la qualité de confident mais n’agit pas dans l’exercice de ses fonctions, ce fait ne serait pas couvert par le secret. C’est une appréciation juridique, mais il est vrai que pour un médecin, il aurait tendance à considérer que même dans ce cas, il est tenu au secret médical. Position rappelé dans un arrêt du 2 mars 2010, un avocat a eu connaissance d’information en raison de lien d’amitié, par conséquence il n’était pas dépositaire par son état ou sa profession des informations divulguées.
- L’information à caractère secret
C’est une formule vague mais qui est intéressante. Le secret prote sur une information c’est à dire une chose incorporelle, immatérielle. On peut dire que deux questions méritent d’être exposées.
- Le secret professionnel suppose un échange d’information
Il faut bien que le client donne une information au professionnel pour que celui-ci en devienne dépositaire. Mais cette évidence peut poser difficultés dans trois situations.
- Doit-on considérer qu’une information à caractère secret est l’information expressément confiée par le client mais aussi l’information déduite implicitement par le professionnel ? La jurisprudence a répondu de manière claire à cette question depuis le XXème siècle en disant que est secret non seulement ce qui a été confié mais encore tout ce que le professionnel a pu voir, entendre, comprendre ou même déduire.
- La deuxième tient dans le cadre de l’échange d’information à la question d’information partagée dans le cadre médical plus spécialement. Il est assez classique lorsqu’un patient est pris en charge dans un hôpital plusieurs professionnels interviennent et partagent des informations médicales, d’un point de vue juridique et théorique, le médecin qui révèle à un autre médecin une information médicale commet un acte de divulgation à caractère secret. En sorte que l’infraction apparaît alors comme parfaitement constituée. La question a été réglée par une autre technique, celle de la justification, le CSP dans son article L 1110-4 alinéa 3 envisage le partage d’information médicale comme une autorisation de la loi. Le médecin est autorisé à divulguer des informations à d’autres praticiens.
- C’est dans le cadre d’information dite publique, voilà une information connue de d’autres personnes, est-elle encore secrète au regard de l’article 226-13 ? La Cour a toujours précisé que la connaissance des faits par d’autres personnes n’est pas de nature à leur enlever leur caractère confidentiel. Par exemple, un médecin est tenu au secret professionnel alors même qu’une pathologie de son client est connue de d’autres personnes et notamment des membres de la famille.
Dans cette 1ère approche le secret est un échange d’information mais avec les limites que l’on vient de voir.
- L’objet de l’information
La question est complexe, deux types de contentieux sont en jeu devant les chambres de la Cour de cassation.
Quand on se situe devant un contentieux d’ordre civil (civil pur, commercial, social), la question qui est souvent posée aux juridictions dites civiles est de savoir si le professionnel peut opposer son secret à une demande d’information notamment une demande d’information qui serait une injonction d’un juge civil ou parfois d’un juge administratif. Par exemple, un médecin lors d’un contrôle fiscal qui refuse au motif du secret de mettre à disposition du vérificateur fiscal le registre nominatif de ses patients ou un simple carnet de rendez-vous. Dans ce cas, ce sont les juridictions administratives qui ont eu à juger. La tendance générale était de considérer que ces registres pouvaient être communiqués au vérificateur dès lors qu’ils ne comportaient pas d’information médicale. Finalement, l’objet du secret professionnel, de l’information, se résumerait à ce que l’on pourrait appeler les informations de nature professionnelle, pour le médecin, seules les informations médicales. Cette conclusion est faite au regard des procédures civiles.
En revanche, lorsque l’on se situe devant un contentieux purement criminel, c’est à dire qui consiste à envisager une poursuite pénale d’un professionnel qui aurait révélé une information. La position du juge judiciaire, pénal est de considérer que toute information même la simple identité d’un malade est couverte par le secret professionnel. Et cela par exemple, la Cour de cassation l’a indiqué dans un arrêt du 18 mars 1997.
Paragraphe 2 : Le comportement de violation du secret professionnel
- 1) Une révélation
Il faut une révélation de cette information à caractère secret.
Les formes de la révélation sont indifférentes, la révélation peut être orale, écrite mais cette révélation doit cependant être suffisamment précise et surtout permettre l’identification du client. Une révélation d’une pathologie d’un patient anonyme, n’est pas une révélation du secret. En matière bancaire, il est d’usage que le banquier puisse admettre des renseignements commerciaux sont des clients ou des entreprises, c’est un renseignement qui est utile mais qui reste imprécise pour ne pas constituer une violation. Par exemple, on dit telle entreprise a une situation bancaire saine sans donner d’autres informations. Le délit est instantané, c’est au moment de la révélation, que le point de départ de la prescription court.
S’agissant des destinataires, la violation du secret peut être une violation qui consiste à une divulgation à une personne déterminée ou plus généralement au public. Il n’y a pas de distinguer selon le texte. Une révélation à une personne unique est une violation sous réserve du secret partagé. La question qui se pose est de savoir s’il y a violation lorsque le professionnel révèle à son client lui-même une information, la question est de savoir si le client peut imposer au professionnel de lui révéler certaines informations le concernant et si le professionnel pourrait refuser de révéler ses informations au motif qu’il serait tenu au secret. La question s’est posée en jurisprudence à propos des certificats médicaux, le patient peut-il imposer au médecin d’obtenir un certificat médical ? La question est réglée par le CSP, article 1111-2 dispose que toute personne a le droit d’être informé sur son état de santé, il y a un droit à l’information, on peut le transposer aux autres professions, il y a donc un droit à l’information du client. Il importe deux conséquences, le client peut exiger la production de certificat ou de pièces, mais le client ne peut pas exiger le contenu du certificat. Une fois le certificat obtenu, le client peut l’utiliser comme bon lui semble et divulguer les informations car il n’est pas lui-même tenu au secret. Une autre question est de savoir si on peut contraindre un professionnel à témoigner en justice. On le verra en sous-section 2.
- 2) La révélation intentionnelle
Le secret professionnel est une infraction qui ne peut être commise par imprudence. Ce qui suppose que le professionnel agisse volontairement en ayant conscience du caractère secret de l’information. Un médecin laisse négligemment un compte rendu médical sur son bureau, la femme de ménage en prend connaissance, il n’y a pas de violation du secret professionnel. Les mobiles sont indifférentes, le médecin est punissable alors même qu’il avait voulu pour protéger l’honneur d’un défunt, avait cru bon de révéler les causes exacts du décès, ce médecin a été condamné pour violation du secret professionnel. La plupart du temps, le contentieux se déporte sur la question de la justification de l’infraction.
Sous-section 2 : La justification de l’infraction
Paragraphe 1 : L’ordre ou l’autorisation de la loi
Il existe de nombreuses obligations de déclaration spécialement depuis que notre droit positif s’est doté d’un arsenal de luttes contre la criminalité organisée et le blanchiment. Un certain nombre de professionnels se sont vus contraints de déclarer certaines informations et notamment des mouvements financiers anormaux à un organisme. L’article L 561-15 du code monétaire et financier prévoit cette obligation à l’égard de certains professionnels, les professionnels ne seront pas soumis dans le cadre de cette déclaration a l’obligation au secret, c’est ce que dit le texte. En revanche, dans d’autres hypothèses, un conflit va naître entre une obligation au secret d’un côté et des obligations de parler d’un autre côté, sans que le législateur n’ait donné une hiérarchie, sans qu’il ait tranché le conflit, le juge se retrouve face à des obligations contradictoires qu’il faut concilier. Trois hypothèses.
- 1) La dénonciation, l’obligation de dénoncer confrontée à l’obligation au secret
La dénonciation c’est une question qui est difficile en France depuis la seconde guerre, cette idée est souvent associée à la collaboration, question sensible d’un point de vue politique. D’un point de vue technique, la question peut se poser au moins dans deux endroits. L’article 226-14 du Code pénal dispose que le secret professionnel n’est pas applicable dans trois cas. Le premier cas c’est la privation, les sévices, les atteintes ou des mutilations sexuelles de personne vulnérable, la révélation de ces faits n’est pas punissable. Il y a un deuxième cas, les violences physiques, sexuelles ou psychiques sur un majeur ou mineur. Et ensuite, les personnes dangereuses détenant une arme. Ce qui pose question c’est la formule employée par le législateur, il indique « le secret n’est pas applicable », cela veut dire que la poursuite est neutralisée mais cela n’indique pas concrètement quelle doit être l’attitude du professionnel, doit il révéler ou peut-il révéler. Si on lit le texte, il donne une liberté de dénoncer ou de ne pas dénoncer. C’est en ce sens que l’on interprété le texte de cet article, il donne une liberté de conscience au professionnel, s’il révèle, il n’est pas punissable, s’il ne révèle pas, l’article 226-14 n’étant pas un texte d’incrimination, il n’y a pas à priori à discuter ce choix de conscience du professionnel (cela sera nuancer plus bas). Cette idée que l’article 226-14 ne serait qu’un texte de permission de la loi est confirmée lorsque l’on examine d’autres obligations de dénoncer prévues par la loi pénale.
En effet, dans le livre 4 et aux articles 434-1 et 434-3 existent des obligations de dénonciation mais elles pénalement sanctionnées. Par exemple, l’article 434-1 dispose que le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, le fait de ne pas en informer les autorités judiciaires et administratives est punie. Sont exemptés des dispositions, les personnes qui sont tenues au secret professionnel. Une obligation de dénoncer un crime pèse sur les particuliers sauf les personnes tenues au secret. Il y a une obligation de dénoncer du professionnel que l’on pourrait fonder sur un texte général, lorsqu’un médecin constate des mutilations, des sévices, des atteintes corporelles, et qu’il s’abstient d’en informer les autorités, cette personne s’abstient de porter secours, la règle générale c’est la non-assistance à personne en danger, article 223-6. Ce texte lui ne prévoit pas l’exception des personnes tenues au secret professionnel. Si on admet que la poursuite est possible pour un médecin qui n’a pas révéler ce secret, cela permet de dire qu’il y a une obligation.
- 2) Le témoignage d’une personne tenue au secret professionnel
C’est à la fois une question de procédure et une question de droit pénal spécial. En procédure, le témoin est une personne qui est citée pour être entendue dans une procédure, ce témoin selon l’article 109 du Code de procédure pénale est tenu à une triple obligation, il doit comparaître, prêter serment, et déposer. La question est de savoir si cette triple obligation s’applique à une personne tenue au secret. Lorsque l’on examine la jurisprudence, il apparaît qu’une distinction s’impose entre des personnes tenues au secret dit absolu et d’autres qui seraient tenues à un secret relatif. Pour le secret absolu, on trouverait le médecin, l’avocat, le notaire, voire le fonctionnaire de police. Ces personnes ne pourraient être contraintes de témoigner, ces personnes doivent comparaître, le secret n’exempte pas de l’obligation de comparaître, elles doivent prêter serment, en revanche, elles n’auraient pas l’obligation de déposer dès lors que les questions portent sur le secret. Cela ne serait pas le cas des personnes tenues à un secret relatif, les banquiers, les experts comptables, les agents de change, les éducateurs. On peut retrouver l’idée dans la loi, pour les banquiers, le code financier prévoit que les banquiers ne peuvent opposer le secret professionnel dans le cadre d’une procédure pénale, ils doivent fournir toute pièce et document qui seraient demandés par le juge pénal. Une catégorie est à part, c’est celle des journalistes, les journalistes ne sont pas tenus à un secret professionnel, ils ne sont pas concernés par l’article 226-13, mais le droit positif a consacré en plusieurs étapes le secret des sources, la 1ère étape fut d’introduire cela dans l’article 109 du Code de procédure pénale, tout journaliste entendu comme témoin est libre de ne pas révéler l’origine des informations. C’est une autorisation de la loi par rapport aux obligations du témoin, le journaliste n’est pas soumis à l’obligation de déposer quand la question porte sur l’identité des informateurs, loi de 2010, le secret des sources est à nouveau consacré.
- 3) L’injonction judiciaire de produire une pièce qui est couverte par le secret professionnel
C’est important en pratique. On peut distinguer une injonction qui est pénale et une injonction civile.
- L’injonction pénale
Un juge pénal (instruction ou jugement), la question peut être résolue par le législateur, le secret bancaire ne peut être opposé à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale, code monétaire. Dans les cas où le législateur n’a pas prévu, question des perquisitions, saisies qui seraient réalisées dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction, saisies qui visent des documents soumis au secret professionnel : Crim., 8 juin 1966, la chambre criminelle affirme que le secret professionnel ne fait pas obstacle à ce qu’un juge d’instruction fasse procéder à la saisie de toutes les pièces dans lesquelles il est susceptible de trouver tous les éléments indispensables à la conduite de son information. Les prérogatives que ce magistrat tient de l’article 81 du Code de procédure pénale ne souffrant d’aucune restriction. Un juge d’instruction peut saisir les pièces échangées entre un avocat et son client lorsqu’elles sont de nature à établir la participation de l’avocat à une infraction.
Cette règle doit être conciliée avec le respect des droits de la défense, la saisie d’une pièce couverte par le secret souffre de tempéraments. Les articles 56 et 96 du Code de procédure pénale disposent que l’OPJ ou le juge d’instruction ont l’obligation de provoquer préalablement à la perquisition toute mesure utile pour que soit assurer le respect du secret professionnel et le respect des droits de la défense. Lorsqu’une perquisition est effectuée dans un cabinet médical, le médecin ne peut pas s’opposer à la perquisition, mais le tempérament, c’est que l’OPJ ou le juge d’instruction doit motiver l’utilité de la pièce au regard de l’enquête et il doit prendre des mesures permettant d’assurer la confidentialité de l’information notamment par la technique du scellé et en limitant l’accès des personnes à ces informations. Pour les avocats, il existe une disposition spécifique s’agissant des avocats, la perquisition ne peut être effectuée qu’en présence du bâtonnier qui va alors garantir que les éléments saisis sont nécessaires à l’enquête diligentée par le juge d’instruction.
- L’injonction civile
Lorsque l’on raisonne sur l’injonction civile, c’est plus difficile, cette question est celle du juge civil qui va enjoindre soit la partie adverse, soit un tiers de produire une pièce couverte par le secret professionnel. Ce pouvoir d’injonction est un pouvoir que le juge tire du code de procédure civile et notamment de l’article 11 du Code de procédure civil. Cet article prévoit que le pouvoir d’injonction trouve sa limite dans l’existence d’un empêchement légitime. Parallèlement à cette règle, on a une règle supérieure, article 10 du code civil qui dit que chacun doit apporter son concours à la manifestation de la vérité sauf motif légitime. C’est la même logique. Le secret professionnel n’est-il pas cet empêchement légitime ou ce motif légitime, peut-il être opposé en tant que motif légitime à une injonction judiciaire ? Il faut distinguer suivant que l’on envisage la production forcée d’une pièce détenue par un tiers ou une partie.
- Demande de production forcée d’une pièce secrète détenue par un tiers à la procédure : le pouvoir d’injonction judiciaire est neutralisé par cet empêchement légitime que constitue le secret professionnel. Cette position a été affirmée par la Cour de cassation à propos de trois types de secrets, le 1er secret c’est le secret de la confession : Civ., 2ème 19 mars 1989 : il est affirmé nul ne pouvant être contraint de produire en justice des documents relatifs à des faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et touchant à l’intimité des personnes, il ne sera être enjoint à une autorité religieuse de dévoiler des faits parvenus à sa connaissance en raison de la confiance qui lui avait été accordée. La même idée se retrouve lorsqu’on évoque le secret bancaire, article L. 511-33 du code monétaire et financier. Enfin, à propos du secret médical, le juge civil ne peut contraindre un établissement médical (arrêt du 7 décembre 2004) qui est tenu au secret professionnel à transmettre des informations tenues au secret sans l’accord de la personne ou de ses ayants droits. Lorsque la demande vise un tiers, les choses sont assez claires.
- La demande de production forcée d’une pièce détenue par une partie : La question est moins clairement réglée. Lorsque la demande vise une partie, le secret bancaire ne peut être opposé à une demande de communication de document car cette demande est dirigée contre la banque non en sa qualité de confident mais en sa qualité de partie à un procès et que la demande émane des bénéficiaires du secret. Cette référence ne semble pas signifier qu’une partie ne puisse jamais invoquer un empêchement légitime. La véritable explication de cette décision c’est que le professionnel ne peut jamais opposer au bénéficiaire du secret un refus de divulgation, cette règle vaut que l’on soit dans un contexte procédural ou pas. En revanche, la jurisprudence ne dit pas que le banquier serait tenu de divulguer des informations couvertes par le secret et concernant d’autres clients.
Paragraphe 2 : Les causes de justification
Elles existent dans de nombreuses infractions. Au regard du secret professionnel, on peut distinguer selon que la révélation est effectuée par un professionnel pour se défendre ou selon que la révélation es effectuée par un non-professionnel pour se défendre.
- La révélation d’une information couverte par le secret par un professionnel pour sa défense
- Le principe
Ce principe de défense se retrouve dès le XIXe siècle dans la jurisprudence de la Cour de Cassation, mais on le retrouve avec parcimonie car la Cour de Cassation dans une affaire qui concernait un médecin qui était accusé par des rumeurs d’avoir mal soigné un patient, ce médecin avait voulu se disculper en donnant des informations sur la manière dont il avait donné ce patient. Arrêt 15 décembre 1885 : le seul intérêt du dépositaire du secret ne pouvait justifier une révélation. La chambre criminelle est d’abord réticente. Mais une distinction s’opère lorsque le dépositaire du secret est mis en cause dans une procédure civile ou pénale. Dans ce cas, on constate tout au long du XXe siècle un certain nombre de décisions qui admettent que le délit de violation du secret professionnel peut être justifié par un fait justificatif : les droits de la défense. Le fondement de cette défense est le droit au procès équitable. Le professionnel doit être mis en cause dans une procédure. Les droits de la défense peuvent justifier une révélation que l’on se situe en tant que demandeur ou défendeur à une action. Le terme de droits de la défense est alors ici ambigu. Un avocat est autorisé à dévoiler une partie de sa correspondance avec son client pour se disculper, que ce soit dans le cadre d’une action en responsabilité civile ou de l’action publique. On trouve aussi la possibilité pour un avocat de produire des pièces échangées avec un client pour justifier une demande d’honoraires.
- Les conditions techniques de la défense justificative
On retrouve cette formule que la défense justificative est admise dès lors que la révélation est limitée à la stricte nécessité de la défense ; la révélation doit être limitée aux strictes exigences. On retrouve un principe de nécessité et de proportionnalité. L’office du juge sera de vérifier que la production de la pièce couverte par le secret est une mesure nécessaire et proportionnée à la protection des droits du demandeur ou défendeur, formule que l’on retrouve dans un arrêt du 24 avril 2007. Cet office du juge appartient aux juges du fond qui décident souverainement, mais la Cour de Cassation contrôle la motivation de ces juges du fond, donc la cassation est toujours possible. Il a été jugé que la violation du secret professionnel n’est pas rendue nécessaire par les droits de la défense dans le cas où un avocat qui réclame des honoraires à un client, cet avocat produit diverses lettres et attestations pour prouver ces honoraires qui n’étaient pas nécessaires. Avocat qui pour se défendre, entendait produire des pièces remises par son client et couvertes par le secret médical. Il y avait un double secret. 1ère Civ., 28 juin 2012 : l’avocat ne peut pas produire de documents couverts par le secret médical sans l’accord de la personne concernée. On ne peut pas produire de pièces couvertes par le secret qui concerne un autre professionnel.
- La révélation par un non-professionnel
Pour être tenu au secret pro, il faut être un professionnel. Si l’on est face à un non-pro il manque un élément personnel à l’infraction, l’existence d’une personne dépositaire d’un secret. Quand un non pro produit une pièce couverte par un secret pro, il manque un élément constitutif. Imaginons dans le cadre d’un contentieux familial, certains membres de la famille disposent de documents médicaux qui permettraient d’attester l’altération des facultés mentales du défunt lors de la rédaction du testament. La production par ces membres de la famille n’est pas constitutive d’une violation du secret pro, car ces membres ne sont pas dépositaires d’un secret. On peut se demander si cette production de pièce est licite. D’un point de vue pénal, oui, mais existe-t-il d’autres règles pouvant faire obstacle à cette production ? La vie privée : on se retrouve à une confrontation entre les droits des membres de la famille de produire des pièces utiles à la démonstration de leur allégation, utiles à la preuve dont on pourrait trouver le fondement de l’article 6 de la CESDH et le droit au respect de la vie privée car il s’agit d’une information intime. Les chambres civiles et commerciales ont admis qu’une atteinte à la vie privée peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts et notamment les droits de la défense si elle reste proportionnée au regard des intérêts antinomiques. Chambre commerciale, 15 mai 2007, Civ. 1ère, 3 avril 2012. C’est le même critère employé : la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte.