DROIT PUBLIC, DROIT PRIVE ET DROITS MIXTES : définition et distinction
La distinction entre le droit privé et le droit public est une classification classique en droit. Toutefois, cette séparation n’est pas absolue, car il existe également des droits mixtes qui combinent des éléments des deux sphères. Cette opposition binaire, bien qu’utile, ne doit pas masquer l’unité fondamentale du droit, qui représente la mise en œuvre d’un projet politique global, selon J.L. Aubert. Cette unité rappelle que le droit, dans toutes ses formes, vise à structurer et organiser la société dans son ensemble.
Malgré cette opposition entre droit public et droit privé, beaucoup d’auteurs, comme J.L. Aubert, soulignent que cette distinction n’est pas une « summa divisio », c’est-à-dire une division absolue. Elle constitue avant tout un outil de classification, utile pour organiser la matière juridique, mais ne reflète pas une véritable séparation. Le droit, dans son ensemble, poursuit un objectif commun : la régulation des relations sociales en fonction d’un projet politique global.
Le droit privé régit les rapports entre particuliers ou entre des collectivités privées telles que les associations et les sociétés. Son objectif principal est la protection des intérêts individuels. Ce domaine du droit est essentiel pour organiser les relations entre personnes physiques et morales dans leurs activités privées, en dehors de l’intervention directe de l’État ou des collectivités publiques.
Le droit privé se subdivise en plusieurs branches, dont les plus importantes sont le droit civil et le droit commercial.
Le droit civil : le tronc commun du droit privé
Le droit civil occupe une position centrale dans le droit privé, car il constitue le droit commun applicable à tous les rapports entre particuliers, sauf lorsqu’une législation spéciale vient régir un domaine particulier. Sa vocation générale s’explique par son ancienneté, en tant que la branche la plus ancienne du droit privé. Le droit civil couvre trois grands domaines :
Le droit civil est codifié principalement dans le Code civil de 1804, qui reste une référence fondamentale en matière de droit privé. Bien que certaines branches se soient détachées pour former des disciplines autonomes (comme le droit commercial), le droit civil demeure le cœur du droit privé.
Le droit commercial : un droit autonome adapté aux affaires
Le droit commercial est une branche spécifique du droit privé, destinée à régir les actes de commerce et les activités des commerçants. Il s’applique aussi bien aux sociétés créées pour des opérations commerciales qu’aux actes réalisés par des commerçants individuels. Bien que le droit commercial ait emprunté des techniques au droit civil, il s’en est progressivement détaché pour former un ensemble de règles adaptées aux besoins du monde des affaires.
L’autonomie du droit commercial remonte à l’époque des Ordonnances de Colbert sur le commerce terrestre (1673) et maritime (1681). Ces textes ont marqué le début de la spécialisation du droit des affaires. Le Code de commerce, promulgué en 1807, est devenu progressivement obsolète, ne comptant plus que quelques articles. La refonte complète du Code de commerce par l’ordonnance du 18 septembre 2000 a permis de moderniser ce domaine. Ce nouveau Code comporte neuf livres couvrant des thèmes tels que :
La refonte de ce Code a permis de réintégrer plusieurs lois importantes dans une logique de codification à droit constant, c’est-à-dire sans modifications de fond, en assurant une cohérence législative.
Branches autonomes issues du droit civil et commercial
Certaines règles se sont détachées du droit civil et du droit commercial pour former des branches autonomes de droit, ayant souvent un caractère mixte (civil et commercial). Parmi elles :
B – LE DROIT PUBLIC
Le droit public régit les relations dans lesquelles l’État ou une autre collectivité publique intervient, que ce soit dans l’organisation de ses propres structures ou dans ses rapports avec les particuliers. Il encadre ainsi les règles d’organisation des collectivités publiques et de l’Administration, tout en définissant comment ces entités interagissent avec les citoyens. Le droit public se divise en plusieurs branches, dont les principales sont :
Différences entre droit public et droit privé
Le droit public diffère du droit privé sur plusieurs aspects fondamentaux :
Finalité différente : Le droit public sert l’intérêt général et la collectivité, tandis que le droit privé vise avant tout à protéger les intérêts individuels. Cependant, cette opposition n’est pas absolue, car l’intervention de l’État dans certains domaines du droit privé peut aussi favoriser la liberté individuelle. Par exemple, la loi du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, protège les droits des personnes face aux abus, qu’ils proviennent de l’État ou d’organismes privés.
Caractère impératif : Le droit public impose des règles aux administrés, souvent de manière unilatérale, contrairement au droit privé, où les personnes disposent de plus de liberté dans leurs engagements (choix du mariage, contenu des contrats, etc.). Cependant, cette distinction est à nuancer, car le droit privé n’est pas toujours synonyme d’autonomie : certaines règles, comme celles sur le mariage ou la constitution des sociétés, imposent des contraintes impératives.
Privilèges de l’Administration : En droit privé, le principe est que « nul ne peut se faire justice soi-même ». Une personne privée doit toujours obtenir une décision de justice pour voir son droit reconnu. En revanche, l’Administration bénéficie du privilège de l’exécution d’office, ce qui signifie qu’elle peut faire appliquer ses décisions même en cas de contestation, avec un contrôle a posteriori devant la juridiction administrative. Par exemple, en matière fiscale, l’administration peut exiger le paiement d’impôts sans qu’une contestation préalable suspende l’exécution.
Absence d’exécution forcée contre l’État : Contrairement au droit privé, où il existe des voies d’exécution (comme la saisie des biens) pour contraindre un particulier à respecter une décision judiciaire, l’État ne peut être forcé d’exécuter une décision de justice. Les biens de l’État sont insaisissables, et il n’existe pas de mécanismes coercitifs directs contre lui. En principe, l’État est considéré comme un « honnête homme » qui se conforme au droit. Toutefois, la loi du 16 juillet 1980 permet au Conseil d’État de condamner l’État à verser des astreintes en cas de refus d’exécuter une décision de justice. Ce dispositif a montré son efficacité. Par ailleurs, la contrainte par corps (emprisonnement pour dettes) a été abolie en matière civile et commerciale par une loi de 1867, mais elle subsiste pour les dettes envers l’État, notamment fiscales.
Jurisdictions distinctes : Le droit public est appliqué par des juridictions spécifiques, appelées juridictions administratives, qui sont distinctes de l’ordre judiciaire. Cette séparation des juridictions a été mise en place après la Révolution française, par une loi des 16-24 août 1790, afin de protéger l’Administration contre l’intervention des tribunaux judiciaires. Cela permet à l’Administration de bénéficier d’un cadre juridique particulier pour l’exercice de ses missions.
En résumé, le droit public se distingue du droit privé par sa finalité, ses caractéristiques impératives, les privilèges de l’Administration, et l’absence de mesures coercitives directes contre l’État, ainsi que par l’existence d’un ordre juridictionnel distinct chargé de trancher les litiges opposant l’État ou ses agents aux particuliers.
La distinction entre droit privé et droit public n’est pas toujours rigide, et bien souvent ces deux branches se mélangent. Certaines règles sont qualifiées de mixtes car elles combinent des éléments de droit public et de droit privé, reflétant ainsi les intersections entre ces deux sphères.
Le droit pénal : un droit mixte
Le droit pénal, ou « droit criminel », est un exemple typique de droit mixte. Il a pour objectif principal de définir les infractions (crimes, délits, contraventions) et d’établir les sanctions correspondantes. Toutefois, son rôle ne se limite pas à la répression. Il vise également à prévenir les comportements délictueux et à réinsérer les anciens délinquants. Le droit pénal est lié au droit public, car il traite de l’intérêt général et l’exécution des sanctions est assurée par l’État. Le procès pénal oppose le délinquant à la société, représentée par le ministère public. Même si la victime n’est pas présente ou ne souhaite pas poursuivre, le procès a lieu car l’enjeu dépasse les intérêts individuels pour toucher à ceux de la collectivité.
Malgré ce lien avec le droit public, le droit pénal est souvent rattaché au droit privé, enseigné dans cette discipline, car il est plus ancien que le droit public. Il protège des intérêts privés, comme la vie, l’honneur ou la propriété des individus, et peut être vu comme la sanction ultime des règles du droit privé. Le Nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, abrogeant l’ancien Code pénal de 1810, rassemble les principales règles de cette branche.
Le droit processuel
Le droit processuel regroupe les règles concernant la procédure civile, la procédure pénale et la procédure administrative, qui régissent l’organisation et le déroulement des procès devant les juridictions civiles, pénales et administratives. Ces règles déterminent comment les affaires doivent être traitées devant les tribunaux et relèvent du fonctionnement du service public de la justice.
Bien que ces procédures relèvent en partie du droit public par leur rôle dans l’organisation judiciaire, elles sont aussi rattachées au droit privé, notamment la procédure civile et la procédure pénale, car elles s’appliquent aux juridictions qui traitent de litiges entre particuliers ou impliquant des actes privés.
Le droit social
Le droit social est un autre exemple de droit mixte. Il regroupe deux sous-branches :
Traditionnellement, le droit social est rattaché au droit privé, car il régit les relations entre particuliers, principalement l’employeur et le salarié. À l’origine, ces relations étaient encadrées par le Code civil. Cependant, le droit social a également une forte composante de droit public. Par exemple, le pouvoir de l’employeur est encadré par des règlements administratifs, l’inspection du travail est une institution administrative, et l’organisation de la sécurité sociale dépend de l’administration publique. Ainsi, le droit social se situe à l’intersection du droit public et du droit privé, faisant de lui un droit mixte.
Conclusion
Les droits mixtes reflètent la complexité des relations juridiques modernes, où le cloisonnement entre droit public et droit privé devient parfois flou. Ces domaines combinent des règles publiques et privées pour répondre aux exigences variées de la société, qu’il s’agisse de la protection des individus, de l’organisation de la justice ou de la régulation des relations de travail.
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