Droit public des biens

Cours de droit public des biens

L’appellation « droit des biens public » ne convient pas très bien : d’une part, elle serait trop ambiguë parce qu’il peut renvoyer aux biens communs, etc., et d’autre part parce que le droit public des biens ne renvoie pas qu’aux biens des personnes publiques. L’expropriation en est un bon exemple.

Les sources du droit des biens sont multiples, et ne renvoie pas uniquement au droit administratif, c’est pour cela qu’on parle plus de « droit administratif des biens ».

Les biens du domaine privé

La division domaine public/domaine privé est propre à la propriété des personnes publiques : on n’a absolument pas d’équivalent dans le code civil dans lequel il n’y a que des biens appartenant à des personnes privées.

Il n’y a absolument pas de définition en plein du domaine privé. On s’est évertué, d’abord par la jurisprudence aujourd’hui par le CG3P, à définir des critères. Le domaine privé est défini par défaut : relève du domaine privé tout ce qui ne relève pas du domaine public. Lorsqu’on cherche à définir l’appartenance au domaine privé d’un bien on doit faire application du code qui précise cela. La qualification de bien du domaine privé, est d’abord la recherche de savoir s’il le bien appartient au domaine public.

Ce qui est intéressant est que l’on a ensuite une disposition qui règle expressément les modes d’utilisation du domaine privé. Pas de définition expresse du domaine privé mais définition expresse des modes d’utilisation (article L. 2221-1 CG3P). Affirmation de la liberté de gestion et renvoi implicite au droit privé et donc au contentieux judiciaire en cas de litige sur l’application de droits privés. Il faut bien comparer cette définition par défaut du domaine privé de L2211-1et la définition en plein de L2221-1 de ses modes d’utilisation.

Lire TC, Brasserie du Théâtre

Séance 1 – Les sources du droit public des biens – L’idée de propriété publique

  • Articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 :
  • Article 2 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression »
  • Art. 17 DDHC : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
  • Article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
  • Article 545 du code civil : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »

Quand on s’est posée la question de la propriété publique ceux qui l’ont déniée se sont fondés sur le fait que les attributs classiques de la propriété ne sont pas à l’évidence entre les mains de la personne publique propriétaire.

Il y a eu une confusion entre la propriété publique et le domaine public, confusion légitime. Le domaine public est inaliénable et cela allait à l’encontre de la théorie classique de la propriété puisque la propriété publique ne permettait pas d’abusus.

Dans la thèse Yolka on voit bien que ce qui a commencé à émerger comme possession particulière renvoyait plus à la théorie de la garde qu’à la possession strictement entendue. Cf. Yolka sur les origines canoniques du droit de la propriété publique : idée qu’il y a quelque chose qui échappe à son détenteur. Lorsqu’on parle ensuite des biens de la couronne et la distinction entre la propriété privée et les biens de la couronne dont il aurait la garde, on retrouve la filiation des biens publics de l’Empire romain et des biens ecclésiastiques. On voit bien à chaque fois la même notion d’indisponibilité de ces biens là. Le courant domaniste de l’ancien régime trouve ses sources dans le droit canonique et exprime le refus théorique d’admettre l’existence d’une théorie de la propriété administrative. En plus, on trouvait durant l’Ancien régime un certain nombre de sources qui consacraient cette indisponibilité des biens de la couronne. Deux lois fondamentales que le roi ne pouvait écarter : la loi fixant la succession et celles concernant les biens de la couronne.

La question ne se pose pas pour les biens du domaine privé.

Un certain nombre d’auteurs du 19e siècle (Proudhon, Ducros, Berthelemy), s’agissant du domaine de la nation, rejettent toute idée de propriété sur le domaine public puisqu’en réalité l’usus en revient au public, le fructus n’existe pas, et l’abusus est prohibé. On voit bien que la question de la propriété publique est absorbée par le domaine public.

Hauriou va être le premier auteur français à combattre cette théorie. De sa théorie de l’institution découlent un certain nombre d’autres théories, et notamment celle de personnalité morale et celle de propriété publique. L’idée de propriété découle de la théorie de l’institution et est indissociable de la personnalité morale.

Hauriou va poser l’idée d’une propriété administrative et tout va alors converger pour que l’idée de propriété publique finisse par s’imposer avec la force de l’évidence. La subjectivisation croissante de la chose publique va s’achever avec Yolka qui expliquera qu’il y a deux couches, celle de la propriété et celle de la domanialité, et que la seconde ne fait que se superposer à la première.

La propriété a une forme polysémique : objective (les biens) et subjective (le rapport entre le propriétaire et son bien). Le bien public est à raison de son auteur. On ne peut pas donner meilleure définition de bien public que celle de bien appartenant à une personne publique. et cela renvoie aussi bien aux biens du domaine privé qu’à ceux du domaine public.

Le critère de l’affectation déclenche l’incorporation dans le domaine public. Le caractère inaliénable du domaine public est lié à l’affectation et non à la propriété.

La domanialité publique est comme un voile qui se superpose à la propriété publique. La vente d’un bien public par le biais du déclassement l’illustre bien.

Il existe un concept unitaire de propriété, ni privé ni public. C’est plutôt le mode d’exercice de ce droit de propriété qui va varier. Cette idée là, c’est qu’ « il existe un concept unitaire qui n’est ni privé ni public » (Yolka). A raison de la qualité spéciale du propriétaire, on va voir attachés à la propriété publique un certain nombre de critères.

Décisions du Conseil constitutionnel : 25 et 26 juin 1986 86-217 et 2011-118 QPC

La conclusion de la thèse de Yolka est de dire que des spécificités existent déjà sur la première couche de la propriété publique, qui sont autant de caractéristiques liées à l’organe. « L’évolution du droit du domaine témoigne de la revanche de l’organe sur la fonction ».

Hauriou pose les jalons d’une propriété administrative mais la théorie de la propriété publique moderne en est le contradicteur : il faisait coïncider propriété publique et affection.

La distinction de Vedel entre fonctionnel et conceptuel est reprise par Yolka : les notions conceptuelles peuvent recevoir une définition complète selon les critères habituels, leur contenu est défini une fois pour toutes. Elles sont indépendamment de ce à quoi elles servent. Les notions fonctionnelles sont différemment construites, elles dépendent d’une fonction qui leur confère seule une véritable unité. Distinguer la domanialité publique et la propriété publique revient à distinguer une notion fonctionnelle et notion conceptuelle. Voir p.611 à 613 de la thèse de Yolka.

Nota. La propriété publique est conceptuelle. Les anti-propriétaristes du XIXe l’excluaient en fondant la propriété publique sur l’article 544 du Code civil (usus, abusus, fructus), de plus, on peut opposer que la propriété civile est un régime fonctionnelle : s’intéresser aux pouvoirs qu’on a sur le bien mais pas sur la manière dont il entre dans le patrimoine. Cependant les critères dégagés par Yolka pour fonder la propriété publique se pose sur l’existence d’une personne publique, non pas sur le régime.

Nota. Le critère organique pourrait distinguer tout autant la propriété privée.

Le cheminement permettant de consacrer une propriété publique est spécifique mais le constat conduit à la comparaison de régimes entre propriété privée et publique qui ne dévoile pas tant de particularité. La distinction n’est pas immuable. L’Histoire montre que sous l’Ancien Régime tous les biens se trouvaient théoriquement hors du commerce. La Révolution les rapproche et le XIXe les éloigne encore. Pour ce qui nous concerne, l’idée d’une propriété publique spécifique reste distincte de la propriété privée. Ce qui fait le domaine est l’affectation, ce qui fait la propriété est l’organe propriétaire.

Yolka imagine tout de même une propriété unitaire ni privée ni publique. Les modalités d’exercice varient selon la qualité du propriétaire selon un critère organique. L’usus, l’abusus, fructus au propriétaire privée.

Le Conseil constitutionnel en 1986 avec la DDHC précise déjà que la Déclaration protège à titre égal la propriété publique et la propriété privée.

A résumer : une conception commune à la propriété privée et la propriété publique et une caractéristique de la seconde par la possession d’une personne publique : chercher une personne publique, puis établir une possession.Une seule façon d’être propriétaire mais plusieurs modes d’exercice de la propriété. On identifie une propriété publique par le critère organique. Nota. Pour l’ouvrage public le critère organique a été supprimé. Voir l’avis de 2010 du Conseil d’Etat.

Les sources du droit public des biens

Les sources mutent et s’enrichissent. Dans l’ordre, la Constitution, les sources européennes (enrichissement le plus récent et le plus novateur, tant de l’Union européenne que de la Convention EDH), le cadre prétorien (la mutation se justifie ici, au départ le droit a été forgé par le juge administratif, des conflits, voire judiciaire). Egalement le droit positif soit découlant des normes européennes, soit par la codification visant à embrasser de manière globale et cohérente le régime juridique des biens publics. 2006 par la publication du CG3P est une charnière.

Sources constitutionnelles

De la décision Cons. Const. 25 juin 1986, on tire un principe d’incessibilité à vil prix. Ce n’est pas tant une nouveauté mais un renvoi à l’interdiction des libéralités. Les personnes publiques n’ont pas la complète autonomie de leur volonté, elles sont cantonnées à des finalités particulières. La complète autonomie est une hérésie si l’on imagine encore la personne publique comme dépositaire d’une charge, des deniers publics. La décision de 1986 n’est pas la première à clamer l’incessibilité à vil prix. Y. Gaudemet n’y voit que « l’expression dans le droit des biens la règle selon laquelle les personnes publiques ne peuvent consentir de libéralités ». L’interdiction des libéralités est issue de l’arrêt de 1893, Chemins de fer de l’Est (avant Mergui).

Y. Gaudemet continue : la prohibition des libéralités a été relayée par la jurisprudence constitutionnelle, mais préexistait dans d’autres sources. La protection des sources constitutionnelles ne joue que dans une certaine mesure : s’il n’y a en face de personnes publiques, s’il n’y a pas de considération d’intérêt général (v. Commune de Mer et Commune de Fougerolles).Cf. Article Cahiers du Conseil constitutionnel 2012, Y. Gaudemet.

Dans la décision Const. Const. 8 avril 2011, n°2011-118 QPC, sur les biens des sections communes, la protection dont jouit la propriété publique n’est pas équivalente à celle de la propriété privée dont la protection est affirmée dans toute hypothèse. S’agissant de la cession de propriété entre personnes publiques, les exigences sont moins strictes. « que le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s’oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un objectif d’intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques ».

Voir également la décision Cons. Const. 3 décembre 2009.

Sources européennes

Tout d’abord, la Convention européenne des droits de l’Homme et particulièrement l’article 6 et l’article 1P1. L’article 6 conduit à imposer des exigences procédurales renforcées.

La protection conventionnelle de la propriété protège de manière très extensive la notion de biens, comme une créance ou même une espérance légitime. Le Conseil constitutionnel refuse de s’aligner sur ce degré supplémentaire de protection visant les créances/droits patrimoniaux et non la seule propriété.

La Cour EDH et la Convention vise dans les « particuliers » (personnes physiques ou morales) les titulaires des créances, les Etats les débiteurs de leur respect. La notion de particuliers suppose donc l’exclusion des personnes publiques. Dans la décision CEDH 1994, les saints monastères c/ Grèce, un certain nombre d’hypothèses conduit la Cour à admettre qu’une personne publique puisse être protégée et invoquer la protection de la Convention, d’une part en l’absence de prérogatives de puissance publique, d’autre part en raison de son autonomie.

Dans un arrêt CE 23 mai 2007, Département des Landes, le Conseil d’Etat estime que l’article 1P1 ne créée pas de droits dont les collectivités locales peuvent se prévaloir à l’encontre de l’Etat.

Il n’existe donc pas de protection conventionnelle de la propriété des personnes publiques à raison du champ d’application de la Convention.

Ce n’est qu’une espèce de droit administratif des biens relative à une jurisprudence constante d’invocation de la Convention EDH par les collectivités territoriales. Notamment, CE 23 septembre 2003, Commune d’Etampes. Nota : « ne saurait utilement invoquer » renvoie à l’inopérance du moyen, à une norme qui n’est pas applicable.

Les jurisprudences de la Cour EDH et du Conseil d’Etat sont fermes sur l’impossibilité pour les personnes publiques d’invoquer la Convention EDH, hormis la très réservée espèce de 1994.

Le Conseil constitutionnel dans la décision de 2011 sur les sections de commune refuse de voir le droit de jouissance des habitants communaux comme protégé au titre de la propriété. La Cour EDH au contraire estime que l’article 1P1 est invocable aux habitants ayant la jouissance de biens communaux. Not. dans un arrêt de 2004. Le Conseil d’Etat s’est aligné dans un arrêt CE 26 mai 2008 : la jouissance des biens communaux est protégé par la Convention mais non pas la Constitution.

La protection conventionnelle est de plus grande portée (jusqu’à l’espérance légitime) et de moindre étendue (les personnes publiques ne peuvent invoquer la Convention).

L’arrêt CEDH 29 mars 2010, Brosset et Triboulet c/ France concerne une maison construite sur le domaine public maritime et vouée à la destruction. La Cour s’interroge sur la possibilité d’identifier des biens sur le domaine public et si oui quel est l’étendue de la protection de ces biens. La notion de bien ne se limite pas aux biens actuels mais peut recouvrir des créances en vertu duquel le particulier a une espérance légitime (cf. Önerizdiyz c. Turquie). La Cour EDH ne modifie pas le cadre juridique de principe : elle relève notamment l’acquisition de bonne foi de la maison, mais de manière réaliste la Cour doute que les personnes aient pu continuer à jouir de leur maison car les autorisations d’occupation domaniale mentionnaient la révocabilité. Cependant, le temps écoulé a fait naitre un intérêt patrimonial constitutif d’un bien, une espérance légitime. Et l’arrêt Önerizdiyz s’applique. Dans l’arrêt de 2010 : alors même que la Cour relève que les occupants ne pouvaient se croire propriétaires, mais elle reconnait que la jouissance durable a fait naitre un intérêt patrimonial. Distinction propriété et bien dans la réflexion de la Cour.

Au cas d’espèce, l’application reste raisonnable et la Cour ne condamne pas la France. Elle rappelle la non contestation au domaine public maritime, et relève que l’injonction et le non renouvellement de l’occupation ne sont pas une privation de propriété mais une règlementation de l’usage des biens. En conséquence, l’ingérence est moindre et tout autant sa justification doit l’être. Elle vérifie alors les finalités : protection du littoral, ouvert à tous, politique d’aménagement … pour conclure à une adéquation entre l’atteinte, ses raisons, et les intérêts protégés.

Dispositif qui ne présente pas du tout les mêmes caractéristiques que la protection constitutionnelle qui est beaucoup plus large. La portée est aussi différente : conception du droit de propriété beaucoup plus stricte par le Conseil constitutionnel par rapport à la CEDH qui considère qu’une jouissance ou qu’un intérêt patrimonial peut constituer un bien.

CE, 22 juillet 2011, Commune de Saint Martin d’Arrossa, n°330481 : transfert à la commune d’un bien appartenant à une section de commune (hameau). S’est posée la question de savoir si le droit de propriété protégé par la Convention EDH (1P1) pouvait être invoqué par les membres de la section et non pas par la section elle-même. Le Conseil d’État dit que la jouissance des biens communaux est protégée par 1P1 et se met en harmonie avec la jurisprudence de la Cour. Le 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel avait dit que les membres de la section de commune ne sont pas titulaires d’un droit de propriété sur ces biens dès lors qu’ils ne disposent que de la jouissance de ceux de la section. La seule jouissance d’un bien n’entraine pas la protection constitutionnelle du droit de propriété. Dans Commune de Saint Martin d’Arrossa, le Conseil d’État dit : considérant que les membres de la section ne sont pas titulaires d’un droit de propriété sur les biens ou droits de la section qui est une personne publique titulaire elle même de ce droit (la le Conseil d’État s’aligne sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel). Toutefois le droit de jouissance peut être regardé comme un droit patrimonial protégé par le premier protocole additionnel de la Convention européenne (conformité avec la jurisprudence de la Cour EDH). Double mise en conformité.

Autre problème : l’insaisissabilité des biens des personnes publiques qui est susceptible de heurter le droit européen : potentiellement une aide d’état.

Autre problème : les autorisations domaniales. Et la jurisprudence Jean Bouin qui fait que publicité et concurrence ne s’appliquent pas à aux conventions d’occupation domaniale.

Séance 2 – Le régime de la propriété publique – Le CG3P – Les mutations domaniales

Le CG3P est une grande œuvre de codification. La codification « à la française » a connu plusieurs étapes. La période napoléonienne est d’ailleurs la période la plus faste à cet égard. On a ensuite eu plusieurs périodes de codification, la codification réglementaire post 2e guerre mondiale. On a plutôt affaire à de la compilation de textes.

En 1989 on relance le processus de codification, « codification contemporaine », on crée une commission de codification. Braibant, alors président va porter ce projet de relance de la codification. L’idée est de reprendre ce processus très cartésien mais de le faire de manière différente de napoléon, en faisant une codification à droit constant. Codifier le droit tel qu’il est et non tel qu’il devrait être : c’est une refonte mais pas une réforme. La question selon Braibant était une question de légitimité : si on réforme en même temps qu’on reforme cela révèle une autre entreprise.

Il y a plusieurs étapes. D’abord, il faut créer un périmètre. Puis recueillir l’ensemble des règles entrant dans ce périmètre. Il faut ensuite trouver un plan qui distribue de manière cohérente et rationnelle l’ensemble de ces règles, plan qui regroupe une partie législative et une partie réglementaire. Cette façon de voir a été consacrée par le Conseil constitutionnel en 1999 qui consacre un objectif constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité du droit et qui dit que la codification répond à cet objectif. Travail de mise en ordre du droit. Mais à droit constant.

L. 1111-1 : premier article de la première partie (acquisition), du premier livre (modes d’acquisition), du premier titre (acquisition à titre onéreux), du premier chapitre (acquisition à l’amiable).

Chaque numéro est précédé d’une lettre, pour identifier le niveau de la norme codifiée : L. R. D. R*. A. La différence entre R. et D. c’est la différence entre le décret en Conseil d’État et le décret simple. Lorsqu’on a un R* c’est un décret en Conseil d’État et en conseil des ministres. Enfin le A. renvoie à la codification d’un arrêté même si c’est assez rare.

Par le texte de codification on fait deux choses : on crée un code et on abroger les dispositions sources afin d’éviter les doublons.

On codifie aujourd’hui par une ordonnance de l’article 38 de la Constitution. Loi d’habilitation, ordonnance, ratification de l’ordonnance.

On codifie l’état existant du droit. Cependant, à la fois le décret qui régit l’entreprise de codification et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, on a admis que pouvait se nicher dans cette opération, une opération de mise au net : quand on codifie, si on ne change pas la substance de la règle on peut faire deux choses : garantir le respect de la hiérarchie des notes et supprimer les normes caduques ou obsolètes.

On crée une mission de codification au sein du ministère pilote. Elle fait un projet de code soumis à la commission de codification. On nomme un rapporteur particulier. La CSC vérifie que l’on est bien dans les canons de la codification. Elle adopte un projet et rend un avis. Le Conseil d’État rend un avis sur la partie R.

Pour le CG3P on a fait exception à cette façon de procéder. La matière était très éparse et avait besoin d’être modernisée. On a donc lancé des groupes de réflexion. Ce groupe de réflexion a été lancé en 1991 et a travaillé pendant 8 ans. On a ensuite au vu des travaux décidé de faire un code, code qui allait rompre un peu avec tous les principes normalement respectés du droit constant. La matière exigeait sans doute qu’à l’occasion de la reformation du code, il y ait une réformation du droit. Ça n’a pas été forcément évident mais ça s’est imposé car il fallait actualiser le contenu. Il fallait aussi trancher un certain nombre de questions et notamment celle concernant la propriété des personnes publiques. L’appeler code de la propriété des personnes publiques a forcé les codificateurs à consacrer la conception propriétariste. L’autre grand principe qui a gouverné la construction du code a été l’équilibre protection/valorisation de la propriété des personnes publiques. Enfin, la 3e question était de savoir jusqu’où on codifiait la jurisprudence. De ce point de vue là, il y a eu un aller-retour intéressant entre ce que la jurisprudence administrative (et un peu la jurisprudence constitutionnelle) avait pris comme partis (définition du domaine public, domanialité globale, domanialité virtuelle, mutations domaniales). Le choix du codificateur a été de codifier l’état de la jurisprudence, de reprendre la plupart des décisions.

Le Conseil constitutionnel a été appelé à se prononcer sur l’habilitation (Décision du 26 juin 2003 DC). Il faut se replacer du point de vue de l’habilitation donnée par le législateur par ordonnance.

28. Considérant que l’article 38 de la Constitution ne s’oppose pas à ce que le législateur habilite le Gouvernement à modifier ou compléter un code existant dès lors que cette habilitation précise la finalité des mesures à prendre ;

29. Considérant, en l’espèce, qu’il ressort des travaux parlementaires que l’habilitation accordée au Gouvernement par l’article 34 de la loi déférée en vue de modifier, de compléter et de codifier diverses législations tend, sans en bouleverser l’économie générale, à adapter ces législations à l’évolution des circonstances de droit et de fait, à abroger des dispositions désuètes et, le cas échéant, à modifier celles dont la pratique aurait révélé le caractère inadéquat ; que cette habilitation ne remet pas en cause la libre administration des collectivités territoriales ; qu’elle n’autorise pas le Gouvernement à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui s’attachent à la protection du domaine public ; que ces exigences résident en particulier dans l’existence et la continuité des services publics dont ce domaine est le siège, dans les droits et libertés des personnes à l’usage desquelles il est affecté, ainsi que dans la protection du droit de propriété que l’article 17 de la Déclaration de 1789 accorde aux propriétés publiques comme aux propriétés privées ; que, dans ces conditions, l’article 34 de la loi déférée n’est pas contraire à l’article 38 de la Constitution ;

Les deux grandes exigences constitutionnelles sont de ne pas déroger aux règles constitutionnelles encadrant :

  • la protection du domaine public : renvoie à la protection des services publics, à la protection de la fonctionnalité du domaine public (son affectation)
  • la protection du droit de propriété accordé aux personnes publiques.

On a d’abord retenu une conception transversale de son périmètre. Puis une conception civiliste de son organisation. Enfin, on a essayé –comme le Conseil constitutionnel l’avait exigé– de moderniser, actualiser sans bouleverser le régime général existant.

On a voulu saisir de manière transversale les problématiques. Cf. titre préliminaire. Ce titre préliminaire a plusieurs fonctions, et notamment de définir le périmètre du code. Parfois il définit les grands principes qui irriguent la matière. Dans le CG3P c’est le périmètre.

Champ d’application : 4 dimensions du champ d’application : matériel (fonctionnel), organique, temporel, territorial.

Article L. 1 du CG3P :

« Le présent code s’applique aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics ».

Champ d’application organique :

« appartenant à » : il n’y a plus de débat juridique sur la propriété des personnes publiques

« Etat, CT et groupements et les EP » : pas de distinction sur les EP.

Champ d’application matériel : appréhension transversale mais limitée aux personnes publiques classiques.

« droits et biens à caractère mobilier et immobilier » : à priori, ça ne couvre pas tout ce qui est susceptible d’appropriation. Un certain nombre de questions restent en suspend.

Sur ce champ d’application le professeur Delvové a qualifié cette définition de conception notariale du droit des biens ; c’est vrai qu’on a un certain nombre de questions qui ne sont pas totalement résolues. Notamment la propriété immatérielle. Tout ce qui est propriété publique incorporelle ne semble pas régie par le code.

Article L. 2 du CG3P :

Le présent code s’applique également aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant aux autres personnes publiques dans les conditions fixées par les textes qui les régissent.

« Autres personnes publiques » :

  • Il faut le comprendre par rapport à L. 1.
  • Cette catégorie est assez disparate : on a des personnes publiques sui generis, des personnes publiques innomées, GIP, banque de France, les autorités publiques indépendantes (ont la personnalité morale contrairement aux AAI).

Plusieurs lectures :

  • Ce code est applicable à ces personnes publiques sauf si les textes particuliers qui les régissent y dérogent.
  • Si on combine ce L. 2 à certaines dispositions du code qui font référence à certaines personnes publiques. Certains articles limitent aux personnes de l’article L. 1 leur applicabilité. Du coup, cela veut il dire que pour le reste, tout s’applique à tout le monde ? C’est un peu compliqué mais à priori non. Pour autant que la jurisprudence s’est engagée, la bonne façon d’interpréter est de dire que le code est applicable aux autres personnes lorsqu’il le prévoit expressément ou lorsque leurs textes les régissant le prévoient.

Concernant le plan : le choix retenu reflète la volonté de dérouler le truc tranquille à la mode civiliste. Approche très civiliste du rapport à la propriété dans ce plan. Coup de force du code qui intègre dans ce déroulé des questions civiliste des règles qui n’ont rien à voir avec la propriété (l’affectation).

Dans le CG3P, il y a l’idée de consacrer un certain nombre de notions jurisprudentielles. Ce faisant, le code a procédé à de nombreuses innovations. Le code a codifié la théorie des mutations domaniales notamment. On a un effort de réappropriation et de consécration expresse qui ne se retrouve pas dans tous les codes et qui illustre l’ambition de ce code. Clarification aussi du régime des droits réels d’occupation sur le domaine public. Le code reprend à son compte de ce point de vue là les avancées et création de la jurisprudence mais va aussi innover en ajoutant au droit : notamment en élargissant les possibilités offertes aux collectivités locales de valoriser leur domaine public.

Le code a été ratifié mais par la loi du 12 mai 2009 qui a procédé à la ratification et à des modifications du code. Cela montre que la loi de ratification est aussi l’occasion de modifier le contenu. Deux ans et demi après l’ordonnance on a poursuivi l’achèvement de l’entreprise.

Régime juridique

Incessibilité :

Commune de Fougerolles

Commune de Mer :

Décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 : réaffirme la jurisprudence de 86 et incorpore Commune de Fougerolles. Considérant 25 :

25. Considérant que le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l’État et des autres personnes publiques, résultent respectivement, d’une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d’autre part, de ses articles 2 et 17 ; que ces principes font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d’intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine ;

· Insaisissabilité :

Le CG3P consacre le principe jurisprudentiel de l’insaisissabilité à l’article L. 2311-1. On a là quelque chose qui est extrêmement clair. Principe qui avait été posé par l’arrêt BRGM de la Cour de cassation en 1987. Les conséquences :

  • Fermeture des voies civiles d’exécution
  • Pas d’application des procédures collectives
  • Interdiction des suretés réelles

TC, 19 mars 2007, Mme Madi, le tribunal annule un arrêté de conflit qui invoquait le principe d’insaisissabilité pour contester la compétence du Juge judiciaire à prononcer une astreinte pour l’exécution d’une condamnation pécuniaire de l’Etat.

« L’immunité d’exécution dont bénéficie l’Etat dont les biens et créances … ne s’oppose pas au prononcé d’une astreinte »

CE, 18 novembre 2005, Société fermière de Campo Loro, n°271898: on part d’une loi relative aux astreintes.

« Considérant que, par ces dispositions, le législateur a entendu donner au représentant de l’Etat, en cas de carence d’une collectivité territoriale à assurer l’exécution d’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, et après mise en demeure à cet effet, le pouvoir de se substituer aux organes de cette collectivité afin de dégager ou de créer les ressources permettant la pleine exécution de cette décision de justice ; qu’à cette fin, il lui appartient, sous le contrôle du juge, de prendre, compte tenu de la situation de la collectivité et des impératifs d’intérêt général, les mesures nécessaires ; qu’au nombre de ces mesures, figure la possibilité de procéder à la vente de biens appartenant à la collectivité dès lors que ceux-ci ne sont pas indispensables au bon fonctionnement des services publics dont elle a la charge ; que si le préfet s’abstient ou néglige de faire usage des prérogatives qui lui sont ainsi conférées par la loi, le créancier de la collectivité territoriale est en droit de se retourner contre l’Etat en cas de faute lourde commise dans l’exercice du pouvoir de tutelle ; qu’en outre, dans l’hypothèse où, eu égard à la situation de la collectivité, notamment à l’insuffisance de ses actifs, ou en raison d’impératifs d’intérêt général, le préfet a pu légalement refuser de prendre certaines mesures en vue d’assurer la pleine exécution de la décision de justice, le préjudice qui en résulte pour le créancier de la collectivité territoriale est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique s’il revêt un caractère anormal et spécial ; »

* On est dans une exception, mais une exception qui correspond au sous-ensemble : décision de justice

* On a un pouvoir de substitution du préfet y compris pour ordonner la vente des biens. Et y’a des limites. Un motif d’intérêt général peut conduire le préfet à refuser de mettre en œuvre ce dispositif.

* Il y a des possibilités d’engager la responsabilité de l’Etat pour le créancier à raison de l’exercice du pouvoir de tutelle, sur deux terrains ; la faute (carence) ou la responsabilité sans faute (il a refusé de faire).

L’inaliénabilité ne protège pas l’appartenance au domaine public mais son affectation : on ne peut vendre le DP car il est mobilisé fonctionnellement au service d’une utilité publique.

CE, 23 juin 2004, Commune de Proville : moment où planait l’idée que cette théorique des mutations domaniales était caduque. Pouvoir reconnu au moins depuis 1909 (16 juillet 1909 Ville de Paris) de manière prétorienne d’autoriser l’Etat à procéder au changement forcé d’affectation d’un bien appartenant à son domaine public. Emprise de l’Etat qui lui confère le pouvoir de décider de la meilleure affectation possible. Ce principe se heurtait à la libre administration des collectivités territoriales et la protection du droit de propriété. Gaudemet s’était prononcé contre cette théorie. Le problème se pose en 2004 sous un angle renouvelé. On avait une intervention du législateur qui avait créé dans le cadre des procédures de l’expropriation un nouvel article (L. 11-8) qui avait rendu possible le prononcé à la faveur d’un arrêté de cessibilité du transfert de gestion autoritaire. Cette question se doublait de celle touchant à l’abrogation du décret loi de 1940 qui avait prévu des dispositifs mettant en œuvre la théorie des mutations domaniales. Genevois, président de la section du contentieux en 2004, avait conclu magistralement sous CE, 20 février 1981, Association pour la protection du site du Vieux Pornichet, sur le transfert de gestion amiable mais traitant aussi de la théorie des mutations domaniales. Pour lui la réaffirmation de cette théorie par l’arrêtCommune deProville allait de soi.

La théorie des mutations domaniales est énoncée au 4e considérant de l’arrêt Commune de Proville :

Considérant, en troisième lieu, que les dépendances du domaine public peuvent recevoir toute affectation compatible avec leur caractère domanial et, à cette fin, être remises sans formalité à la collectivité publique chargée de la conservation du domaine correspondant à leur nouvelle affectation

Le fondement est la recherche de l’affectation optimale.

On a ensuite la question du L11-8 :

Considérant, il est vrai[1], qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 11-8 du code de l’expropriation dans sa rédaction issue de l’article 145 de la loi du 27 février 2002 : L’arrêté de cessibilité emporte transfert de gestion des dépendances du domaine de la personne publique propriétaire autre que l’Etat au profit du bénéficiaire de l’acte déclaratif d’utilité publique, pris conformément à l’article L. 11-2. ; que ces dispositions permettent au préfet, dans l’hypothèse d’une déclaration d’utilité publique, de prononcer, avec l’arrêté de cessibilité, le transfert de gestion des dépendances du domaine public de la personne publique concernée ; qu’en revanche elles n’ont ni pour objet ni pour effet de priver le Premier ministre ou les ministres intéressés du pouvoir qu’ils tiennent, ainsi qu’il a été dit plus haut, des principes généraux qui régissent le domaine public de décider pour un motif d’intérêt général de procéder à un changement d’affectation d’une dépendance du domaine public d’une collectivité territoriale ;

On rattache le pouvoir du transfert de l’art. L. 11-8 aux principes généraux des mutations domaniales. Le moyen tiré du non respect des garanties constitutionnelles n’avait pas été invoqué or il ne s’agit pas d’un moyen d’ordre public.

….

La question a reçu une réponse plus globale et plus définitive avec la consécration par le CG3P des transferts de gestion liés à un changement d’affectation. Le législateur endosse la théorie et la consacre. Il y a eu un débat sur la question de savoir si le changement d’affectation devait toujours être accompagné d’un transfert de gestion et l’inverse : au changement de personne correspond un changement matériel. Le CG3P ne le dit pas mais dans le titre (transfert lié) dans lequel figure la théorie on semble lier les deux.

Le CG3P distingue au contraire le transfert de gestion forcé et du transfert de gestion amiable.

Transfert de gestion amiable, article L. 2123-3 :

I.- Les personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 peuvent opérer, entre elles, un transfert de gestion des immeubles dépendant de leur domaine public pour permettre à la personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation.

– Référence aux personnes publiques de l’article L. 1.

– Un bien d’une personne publique va être mis à la disposition d’une autre personne publique sans qu’il n’y ait nécessairement un changement d’affectation.

– Ca ne porte que sur des biens du domaine public car dans le domaine privé il n’y a pas d’affectation donc la raison d’être du transfert de gestion n’existe pas pour le domaine privé.

L’article L. 2123-6 est un facteur commun pour les transferts amiables et forcés, il traite de l’indemnisation.

Transfert de gestion forcée : article L. 2123-4 et 5 :

Lorsqu’un motif d’intérêt général justifie de modifier l’affectation de dépendances du domaine public appartenant à une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public, l’Etat peut, pour la durée correspondant à la nouvelle affectation, procéder à cette modification en l’absence d’accord de cette personne publique.

Il y a là aussi indemnisation.

Le L. 2123-5 est l’application de la théorie des mutations domaniales à l’expropriation et l’article L. 11-8.

On a donc la pure théorie des mutations domaniales d’une part et la faculté de procéder à ces transferts de gestion forcés dans le cadre d’une procédure d’expropriation d’autre part. Codification de Commune de Proville.

Cette théorie repose sur l’idée que l’Etat est le garant de l’intérêt général « au carré », supérieur encore à l’intérêt général dont pourrait arguer les collectivités.

Pourquoi ne pas avoir rendu expropriable le DP ? Le but est de changer l’affectation. En réalité ce qui est recherché n’est que ça. Si on suit la proposition de Gaudemet qui est de dire que rien ne m’empêche d’exproprier en maintenant l’affectation. On dépossède le propriétaire mais je pour pouvoir en modifier l’affectation. Or précisément c’est la protection de l’affectation qui justifie le caractère inaliénable. Il est paradoxal de faire sauter l’inaliénabilité pour pouvoir faire sauter ce qu’il protège.

Pour protéger l’affectation face au propriétaire on a créé les mutations domaniales. On change l’affectation sans changer le propriétaire.

Séance 3 – Les travaux publics

Travail à caractère immobilier. Travail public est l’opération de réalisation et le fruit de celle-ci.

Il faut que le travail public poursuive un but d’utilité générale. Plus large que le service public.

Il faut un rattachement à une personne publique. Critère alternatif : pour le compte d’une personne publique ou pour la réalisation d’une mission de service public mais par une personne publique. Par ces critères le juge limite le périmètre de la notion. La personne publique reste dans le champ, soit comme destinataire, soit comme intermédiaire.

On a donc trois critères :

  • Un critère matériel : travail à caractère immobilier
  • Un critère finaliste ou fonctionnel : travail poursuivant un but d’utilité générale
  • Un critère organique : travail réalisé pour le compte d’une personne publique ou pour la réalisation d’une mission de service public par une personne publique

Le régime de responsabilité est commun à l’ouvrage public et au travail public. C’est important pour comprendre le périmètre des deux notions. Il faut garder à l’esprit le caractère fonctionnel des notions. La notion conceptuelle peut être définie à priori sur la base de critères abstraits, alors que le périmètre de la notion fonctionnelle dépend de la fonction qu’elle sert.

Le but pour le juge a été de réussir à indemniser le plus facilement, voire le plus largement possible les victimes des dommages.

Article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII:

« Les conseils de préfecture sont compétents pour se prononcer sur les réclamations des particuliers qui se plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs de travaux publics et non du fait de l’administration »

Compétence du juge administratif : on a une exclusion du fait générateur de l’administration. Par cette base législative, on attrait devant le juge administratif des litiges entre deux personnes privées, ce qui est rare.

Seule la force majeure et le fait de la victime sont susceptibles d’exonérer l’administration : le fait du tiers ne peut être une cause exonératoire.

Le terme « particuliers » peut être entendu de manière polysémique et on peut y ranger plusieurs sous ensembles : l’agent, l’usager, et le tiers.

Il n’est pas besoin de décision préalable et il n’existe donc pas de délai de recours.

Les conseils de préfecture ont disparu mais l’article a été actualisé et les tribunaux administratifs les ont remplacés (décret du 30 septembre 1953). Les conseils de préfecture étaient compétent s pour connaître en appel des décisions des tribunaux administratifs en la matière. Aujourd’hui les CAA connaissent de l’appel de ces décisions sauf si l’enjeu du litige est inférieur à 10.000€.

Le juge administratif a fait une application très extensive : pris à la lettre on pouvait penser que le juge administratif n’était compétent que pour connaître des actions intentées contre les entrepreneurs de TP ; mais pas quand c’était le fait de l’administration. En réalité on a appliqué cette disposition comme disant que le juge administratif était compétent pour se prononcer sur les réclamations des particuliers qui se plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs de travaux publics et non seulement du fait de l’administration.

Dès le départ on a englobé dans ce régime de responsabilité les actions qui sont intentées à raison de dommage résultant de l’activité du travail public mais aussi du fonctionnement de celui ci: le travail public et le fruit de l’opération. Mais il y a des ouvrages publics qui ne sont pas le fruit de travaux publics et des travaux publics qui ne débouchent pas sur des ouvrages publics. Les dommages de travaux publics couvrent les dommages de l’activité même (le travail public) et celui résultant du fonctionnement de l’ouvrage public.

Est-ce que les trois catégories sont susceptibles d’exister selon qu’on est en travail public ou en ouvrage public ?

  • · Le tiers : le plus simple est de parler du tiers : le tiers peut être tiers à tout
  • · L’agent : on peut être agent/exécutant d’un travail public mais on ne peut être exécutant de l’ouvrage public, éventuellement du service public auquel il est affecté. L’hypothèse d’un agent victime d’un ouvrage public est intéressante mais l’agent n’est pas en tant que tel victime de l’ouvrage public. La question est intéressante. Lorsqu’un agent est victime d’un accident du travail, le titre de compétence pour connaître du litige dépend du statut de l’agent (statut de droit public ou de droit privé). C’est la relation de travail qui l’unit à son employeur qui détermine la compétence. Il existe une petite subtilité quand il s’agit d’un ouvrage public sur laquelle on reviendra plus tard.
  • · L’usager : on peut être usager d’un ouvrage public mais moins facilement d’un travail public.

Les trois catégories ne sont donc pas mobilisables de la même manière selon qu’on est dans le cas d’un travail public ou dans celui d’un ouvrage public.

Il faut bien distinguer le titre de compétence du régime. Pour l’agent c’est la nature du lien de droit qui l’unit à son employeur. Pour l’usager cela dépend de la nature du service public : ce qui veut dire qu’il existe nécessairement un service public derrière. Si SPA juge administratif, si SPIC, juge judiciaire (TC, 24 juin 1954, Galland Guyomar et Salel). Pour le tiers enfin, c’est toujours le juge administratif sur le fondement de l’article 4 de la loi du 28 pluviôse An VIII. Cette hypothèse fut maintenue malgré l’abrogation malencontreuse de la loi lors de la codification du CG3P par voie prétorienne.

Régimes de compétence. – ils s’appliquent quand le juge administratif est compétent c’est-à-dire quand le lien de droit de l’employeur et de l’agent est de droit public, quand l’usager est celui d’un SPA, et quand il s’agit d’un tiers. La distinction importante en doctrine entre dommage permanent et dommage accidentel n’est pas très importante pour le juge (le dommage permanent correspond finalement au trouble de voisinage ; le dommage accidentel survient à cause d’une circonstance particulière, et correspond lui au dysfonctionnement). Il est amusant de voir dans quelle mesure parfois les interrogations de la doctrine influencent le juge et parfois elles ne l’influencent pas du tout.

Le choix du défendeur de savoir à quel guichet il va toquer, n’est pas tellement dépendant du juge compétent et du régime à mettre en œuvre que du nombre de personnes en cause dans l’opération de l’ouvrage dont on allègue qu’il est à l’origine du dommage. On a généralement un maitre d’ouvrage, un maitre d’œuvre et un architecte. La victime a le choix des armes à supposer qu’elle identifie l’auteur du fait dommageable (qui peut être fautif ou non : il existe toujours un lien de causalité même si il n’existe pas de faute : il faut pouvoir imputer le dommage à une cause, qui n’est pas nécessairement fautive). Dans notre affaire tout dépend du nombre de protagoniste et du mode de fonctionnement des travaux. En fonction de qui est mis en cause ou non on a toute une possibilité d’actions en garantie ou d’actions récursoires qui permettent la répartition finale de la dette entre ces protagonistes. On peut également attaquer tout le monde et obtenir une condamnation solidaire.

Lorsque l’agent victime va saisir le juge administratif à raison du lien qui l’unit à son employeur, c’est un régime de responsabilité pour faute. Revenons maintenant à la distinction entre usager et tiers. Ce sont des notions très importantes, nécessaires à la répartition des compétences, mais aussi utiles pour la détermination du régime de responsabilité. On va avoir quelque chose qui s’apparente plus ou moins à la responsabilité sans faute.

Commençons par le moins et par le régime qui s’apparenterait le moins à la responsabilité sans faute, celui de la responsabilité pour faute présumée. Il s’agit alors de l’usager. [NB: On s’intéresse alors à la situation de nature à engager la responsabilité : est-ce l’anormalité d’un comportement (responsabilité pour faute) ou l’anormalité d’un dommage (responsabilité sans faute). Connerie absolue de parler de « dommage anormal et spécial » : la réalité est que le dommage anormal est le dommage grave et spécial. On estime que le dommage anormal excède un seuil de ce que la personne a accepté comme risque.]Le fondement de la responsabilité pour faute présumée est le défaut d’entretien normal. On retrouve le mot « normal » : il s’agit donc d’un entretien anormal. Ca ne peut donc être une responsabilité sans faute car on sanctionne une anormalité d’un comportement. Renversement de la charge de la preuve : la victime vient alléguer d’un dommage et d’un lien de causalité entre ce préjudice et le fait dommageable. Présomption de défaut d’entretien normal et c’est à la collectivité de prouver un entretien normal.

Poursuivons avec le plus et le régime qui s’apparenterait le plus à la responsabilité sans faute. Il s’agit du tiers. On est dans un des régimes les plus purs de responsabilités sans faute. Peut on être à la fois tiers et usager à raison d’un même dommage. Renvoie à la faculté pour le juge de dire qu’il y aurait plusieurs causes pour un même dommage et donc concours de faits dommageables. Et pas d’obstacle théorique à cela. La prépondérance de la responsabilité sans faute s’explique par le fait qu’elle est engagée par des victimes ayant la qualité de tiers. Une fois encore on indemnise un dommage qu’à raison de son anormalité : on regarde quel est le seuil d’anormalité. La réparation du dommage anormal nombre n’est pas intégral et ne couvre que l’anormalité et le dommage réputé normalement accepté donc acceptable et donc non indemnisé. Il n’est pas besoin de prouver de comportement fautif, c’est donc plus facile, mais on gagne moins.

Béligaud. – demande d’avis qui vient de ce qu’EDF ayant été transformé en société anonyme, les biens qu’elle possède sont possiblement sortis de la catégorie des ouvrages publics. La question pouvait légitimement se poser à la suite de l’avis Adélée à propos de France Télécom dans lequel il avait été dit que suite à la transformation de France Télécom, on ne pouvait plus regarder ses biens comme des ouvrages publics, au regard de l’intention du législateur et de l’économie générale de la loi. Le tribunal des conflits avait confirmé cette solution dans une décision du 5 mars 2012, Société Generali assurance.

Il y avait avant l’avis, deux possibilités de qualification d’ouvrage public s’agissant des biens appartenant à une personne privée :

  • L’incorporation à un ouvrage public
  • La détermination par la loi : l’exemple d’ADP le montre.

La qualification d’ouvrage public entraine un régime de protection des victimes qui s’accompagne d’un régime de protection de l’ouvrage. Intangibilité de l’ouvrage public sous réserve de quelques exceptions (Commune de Valmeinier notamment). Derrière les centrales thermiques d’EDF il y avait les centrales nucléaires : l’enjeu était donc énorme. On est donc face à une question très politique (au sens de la politique jurisprudentielle). On a régime juridique particulier : la transformation d’EDF en société anonyme et le silence de la loi sur le régime des biens d’EDF. Et on a un régime jurisprudentiel qui est nourri mais qui ne comporte pas d’arrêt de principe sur l’ouvrage public et on a cet avis Adélée qui perturbe un peu tout ça. EDF et l’Etat défendent la qualification d’ouvrage public tandis que la CRE qui défend la qualification d’ouvrage privé. Il y a donc une position politique à adopter pour le Conseil d’État.

Cette position est facilement adoptée par Guyomar chargé de conclure : une centrale ne se déplace pas facilement sur injonction du juge. Conclusion une première fois devant l’assemblée du contentieux avec l’idée d’avoir une définition générale de l’ouvrage public et de l’appliquer au cas d’EDF. Mais dans cette première séance les conclusions s’intéressaient plus à la définition même de l’ouvrage public qu’aux caractéristiques propres des centrales de production d’électricité. Cette affaire est rayée et on demande de l’inscrire à une nouvelle séance et donc à Guyomar de conclure une nouvelle fois avec une nouvelle feuille deroute : on ne veut pas de grand avis général sur l’ouvrage public mais plutôt régler la question de savoir comment ça marche en terme de production d’électricité. Et il apparaît qu’il est impossible d’avoir un considérant (paragraphe) qui de manière encyclopédique identifierait toutes les catégories d’ouvrages publics. Il fautdonc redimensionner l’affaire et en faire une affaire d’ouvrages publics d’EDF. Plutôt que de partir d’une définition générale pour aboutir à EDF il faut faire l’inverse. Ce qui a conduit à faire une enquête à la barre : les parties viennent et il y a un débat oral d’instruction qui peut être très utile dans le cas de litiges très techniques comme celui là. Quand ils étaient était partis sur la définition globale on n’en avait pas besoin. La nouvelle feuille de route imposait d’aller beaucoup plus dans le détail du système de production d’électricité. On fait donc venir EDF, l’Etat la CRE pour éclairer tout ça.

Et puis, c’est le hasard contentieux, arrive une affaire au Tribunal des conflits qui pose la même question : pile dans l’entre deux entre les deux passages. Le vice-président du Tribunal des conflits dit alors à Guyomar que c’est à lui de conclure sur cette autre affaire. Cette affaire pose la même question que l’affaire Béligaud mais moins difficilement : dans Béligaud c’est la production d’électricité qui est en cause (il s’agit d’une centrale) alors que dans ERDF c. Michel c’est un la distribution (distributeur). La différence est que la loi a dit qu’il y avait un service public de distribution d’électricité mais n’a rien dit sur la production. La question était donc beaucoup plus pure : il n’était pas besoin de se poser la question de l’existence d’un service public qui était déjà définie par la loi. Le vice-président du Tribunal des conflits dit à Guyomar de faire passer cette affaire avant celle devant l’assemblée du Conseil d’État, car au Tribunal des conflits siègent des membres de la Cour de cassation et des membres du Conseil d’État. Guyomar va voir le vice-président du Conseil d’État pour lui demander si ça ne l’embête pas : non et c’est même mieux. Guyomar va alors devant le Tribunal des conflits, rend ses conclusions,et fait une proposition très simple.

Cette proposition part de l’idée suivante : la définition d’un ouvrage public répond à certains critères devant être remplis dans tous les cas,et d’autres qui sont cumulatifs ou alternatifs. S’agissant des critères devant être remplis, il faut que ce soit un ouvrage immobilier qui soitle fruit du travail de l’homme. Si la loi n’a rien dit, il faut combiner ensemble un critère organique et un critère matériel qui sont soit cumulatifs soit alternatifs. (1) Si l’examen du critère organique conduit à relever que le propriétaire est une personne publique, le critère organique est rempli : à ce moment là on recherche si l’ouvrage propriété d’une personne publique est affecté à l’utilité publique (je vais alors chercher la fonctionnalité de l’ouvrage). On peut alors avoir une utilité publique entendue au sens large c’est-à-dire une activité d’intérêt général au sens de Commune de Montségur c’est-à-dire une activité poursuivie par des travaux réalisés par une personne publique ou pour son compte. (2) Si le propriétaire est une personne privée, le critère organique n’est pas rempli. L’embranchement devient alors : soit c’est une condition indispensable et les critères sont cumulatifs ; soit on se rabat sur une hypothèse de critères alternatifs et un critère matériel renforcé : pas seulement l’utilité publique d’un ensemble plus large mais l’identification à l’intérieur de cette utilité publique d’une mission de service public. Le Tribunal des conflits dit alors que si la personne privée propriétaire de l’ouvrage est chargée de cette mission de service public – ce qui permet de ne pas faire rentrer dans le giron des ouvrages publics tous les bâtiments des établissements privés sous contrats et les bâtiments des cliniques – alors on a un ouvrage public. On a donc eu cette idée de se dispenser du critère organique si on constate l’existence d’une fonctionnalité définie de manière exigeante : il faut que la personne privée soit directement chargée du service public et non simplement associée à celui-ci.

Dans l’avis Béligaud, le Conseil d’État commence par rappeler que c’est le législateur qui a la main. Il précise ensuite que dans le silence de la loi on appliques les critères : bien immeuble, directement affecté à un service public (critère matériel renforcé)

« La qualification d’ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d’ouvrage public, notamment les biens immeubles résultant d’un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s’ils appartiennent à une personne privée chargée de l’exécution de ce service public »

Le « notamment » sert à dire que ça n’est que dans le cas ou le propriétaire est une personne privée qu’on exige que soit rempli le critère de l’affectation à une mission de service public.

Ce calage fin opéré par le Tribunal des Conflits n’était pas facilement transposable à EDF pour la raison mentionnée plus haut. Comme le Tribunal des conflits n’avait pas à se poser la question de l’identification d’un Service Public il a pu concentrer ses efforts sur la définition des éléments permettant de compenser l’absence de propriété publique. Comme le Tribunal des conflits avait fournir ces efforts et fait évolué la jurisprudence dans ce sens là, le Conseil d’État n’avait plus à régler la question de savoir si et dans quelle mesure une personne privée pouvait être propriétaire d’un ouvrage public. Il ne lui restait que la question de savoir si on pouvait identifier un service public auquel seraient directement affectées les centrales de production d’électricité. Jeu de rôle entre juridictions et entre offices.

Le Conseil d’État a effectivement trouvé une solution :

« Il résulte de ces dispositions que la sécurité de l’approvisionnement sur l’ensemble du territoire national constitue le principal objet du service public de l’électricité. Cette sécurité d’approvisionnement exige, eu égard aux caractéristiques physiques de l’énergie électrique, qui ne peut être stockée, que soit assuré à tout moment l’équilibre entre la production et la consommation dont résultent la sécurité et la fiabilité du réseau de transport.

(…)

La sécurité de l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national implique nécessairement que soient imposées à certains ouvrages de production d’électricité des contraintes particulières quant à leurs conditions de fonctionnement, afin d’assurer l’équilibre, la sécurité et la fiabilité de l’ensemble du système. Les ouvrages auxquels sont imposées ces contraintes en raison de la contribution déterminante qu’ils apportent à l’équilibre du système d’approvisionnement en électricité doivent être regardés comme directement affectés au service public »

Pas de service de la production d’électricité mais service public de l’approvisionnement. Il n’était pas possible compte tenu de l’esprit de la loi de consacrer de façon prétorienne un service public de production d’électricité.

Le choix politique effectué s’est accompagné d’un certain nombre de modifications du cadre juridique mais il a été assumé avec l’idée que dans ces matières là le juge n’a pas le dernier mot et que le législateur pouvait intervenir a posteriori.

TC, 14 mai 2012, Madeleine Girardot/Orange France : le juge judiciaire reste compétent pour connaître des litiges relatifs aux antennes relais qui ne sont pas des ouvrages publics. Le juge judiciaire est compétent et à deux titres :

  • Le trouble anormal de voisinage (ce qu’EDF voulait absolument éviter à propos de ses centrales). Quand l’ouvrage est qualifié d’ouvrage public, l’intangibilité joue vis-à-vis du juge administratif mais en cas de voie de fait ou d’emprise irrégulière elle joue aussi pour le juge judiciaire. Derrière la répartition des compétences au premier rang, au second rang même dans les compétences juridictionnelles restant dans le chef du juge judiciaire par exception, la qualification d’ouvrage est une protection pour l’ouvrage.
  • Le dommage causé par l’implantation ou le fonctionnement (dommage permanent et dommage accidentel).

On a des régimes de la mise en cause différents selon que l’ouvrage public est ou non caractérisé. Le fait que ce ne soit pas un ouvrage public pour les antennes relais cela fait que le dommage accidentel relève du juge judiciaire car c’est une personne privée et le fait que ce ne soit pas une personne publique cela fait pour le trouble de voisinage qu’on pourra ordonner le déplacement des antennes sans difficulté.

=> Exorbitance du régime. On voit bien que la question du régime des biens publics renvoie à la question de l’exorbitance, fil directeur. Exercice encadré de façon à ce qu’il y ait un régime exorbitant. Ca rajoute un degré d’exorbitance en imposant des sujétions au propriétaire. On voit que ce qui est intéressant est le régime exorbitant qui protège l’ouvrage ou indemnise les victimes. Dans quelle mesure cette ingérence est du pouvoir exorbitant ? Il faut un motif d’IG, utilité publique. Il faut vérifier la présence d’un élément d’exorbitance. Dans les contrats administratifs il y a toujours un caractère exorbitant par rapport au régime de droit commun. On ne peut pas comprendre le droit administratif sans avoir à l’esprit que dans ce domaine l’exorbitance du droit administratif se manifeste de façon la plus manifeste et nécessaire. Il y a un degré d’exorbitance. Il faut identifier ce degré.

Exorbitance du régime de l’ouvrage public : voir la protection particulière.

On a d’abord une protection renforcée de l’ouvrage qui s’accompagne d’une protection renforcée des victimes qui résulteraient du fonctionnement de cet ouvrage (cf Braibant). Compétence qui traduit la nécessité d’appliquer le régime exorbitant, celui qui entoure l’ouvrage public pèse sur le juge judiciaire et juge administratif. Ouvrage mal planté ne se détruit pas : CE, 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudière.

Léon Haucoc : il est un précurseur dans l’approche systématique du contentieux. Il explique que le CE dès 1842 a admis « toutes les fois qu’une occupation de terrain avait été irrégulièrement consommée ….une autorité judiciaire pouvait donner une discontinuation des travaux mais ne peut ordonner la destruction des travaux ordonnée par l’administration ».

=>emprise irrégulière : lorsque des travaux sont sur propriété privée, la protection de cette propriété est confiée au Juge judiciaire pour les indemnités, dualisme juridictionnel pas optimal. Soit illégalité de l’acte constatée par le Juge administratif puis on va voir le juge judiciaire pour réparation soit devant le juge judiciaire mais à ce moment là c’est sous réserve d’une question préjudicielle. Il y a dans ce partage de compétence, la mobilisation des deux organes juridictionnels. (cf Sabine Boussard)

L’arrêt Robin de la Grimaudière va permettre d’interpréter comme consacrant intangibilité de l’ouvrage public, Juge administratif décline sa compétence, c’est la théorie de l’emprise en réalité mais ne parle pas de la destruction de l’ouvrage. CE décline sa compétence dans cet arrêt.

« La compétence suit le fond ». Cet adage est polysémique : le régime applicable entraine la compétence du juge. Le problème est que le juge administratif est amené à appliquer toutes les branches du droit, il n’applique pas seulement un régime juridique particulier. Application de la jurisprudence sur les clauses abusives. A partir du moment où décloisonnement des branches du droit et le Juge administratif peut être amené à appliquer tous les droits, on a du mal à conférer ce sens là à cet adage. Interprétation marche si régime juridique exorbitant mais quand le droit commun s’applique alors comment interpréter cet adage ? Sur la clause abusive, CE, 2001, Société des eaux du nord : le Juge administratif doit appliquer les disposition sur les clauses abusives s’agissant des dispositions règlementaires d’un contrat. Juge administratif a une autonomie pour adapter le droit à l’objet du litige.

Le fond du droit c’est le fond du litige. La compétence suit le fond s’interprète comme le fond du droit ou le fond du litige. Les deux coïncident en réalité.

Elément déterminant pour la compétence aujourd’hui : DUE est indifférent quant à savoir à qui il s’applique. Pans entiers de droit sont indifférents à la question de savoir si c’est une PP en présence ou si Juge administratif va connaitre du litige. De moins en moins c’est un régime exorbitant, dans certains cas objet du litige appeler un litige exorbitant mais il y a de moins en moins de spécificités de fond du droit car sources de légalité : est-ce que le Juge administratif est le juge administratif de la légalité ou le juge de la légalité administrative ? Aujourd’hui il semble que ce soit le Juge administratif de la légalité.

DDHC, liberté contractuelle … on a les mêmes principes qui s’imposent.

Principe d’intangibilité de l’Ordre Public : Sert à protéger son affection, utilité publique ou Service Public. Sert à protéger sa fonctionnalité comme s’agissant de la domanialité publique. Protéger ce à quoi le domaine est affecté. Etude de régime qui porte sur des moyens mobilisés à des fins => protection de cette utilité publique, les régimes exorbitants de protection de ces moyens visent à préserver.

Comment fait-on face à un ouvrage qui cesserait d’être affecté à une utilité publique à laquelle il était affecté au départ.

CE 2011 Laiton : une personne privée propriétaire d’un Ordre Public affecté à l’utilité publique + personne elle-même chargée d’une mission de Service Public et pas simple participation.

Une personne privée avec un Ordre Public affecté à un Service Public. Comment tirer les conséquences du fait qu’à l‘époque où Juge administratif devait se prononcer, l’ouvrage n’était pas utilisé ?

Madame Laiton avait demandé à EDF puis ERDF l’enlèvement d’un socle de transformateur implanté sur des parcelles de sa propriété. Il résultait de l’instruction qu’il était irrégulièrement implanté mais actuellement inutilisé. En matière de domanialité publique on résout le problème de l’affectation pratique et de l’affectation théorique en disant que la désaffectation doit résulter d’un acte. Désutilisation ne se traduit pas par désaffectation. La question se posait, pas besoin d’acte de déclassement si pas affecté.

Commune de Valmeinier : pas un ouvrage public qui a cessé d’être utilisé mais qui a vocation à être affecté mais travaux pas achevés donc pas encore affecté, est-ce que ouvrage par affectation ? Domaine public virtuel c’est anéanti. Le CE a consacré l’ouvrage public par destination.

Dans Laiton, inutilisation actuelle valait désaffectation. Il est constant que ces ouvrages ne sont plus affectés au service public de l’électricité. Toutefois, si l’utilisation se confond avec l’affectation la plupart du temps, une dissociation est possible, un ouvrage inutilisé peut à nouveau être affecté. Cf arrêt CE 1930 Commune Espaly-Saint-Marcel plus utilisé mais possiblement Ordre Public dans l’avenir. C’est très empirique, il y a une distinction théorique qu’il faut opérer entre affectation et utilisation, faute d’acte explicite, on en est réduit à une approche empirique, casuistique. Ici (Laiton) on voyait que le Service Public continuait d’être assuré sans la moitié des poteaux au litige, si inutilisé ça vaut désaffectation.

Pour Ordre Public par destination, il a dit que principe d’intangibilité regardé comme étant absolu, protection absolue. Hauriou : manière d’être de l’OP. On a pas maintenu cette protection absolue, TC a consacré dans arrêt du 6 mai 2002 Binet la première atténuation du juge judiciaire, sanctuarisation du JA. Ainsi, juge judiciaire ne saurait sans empiéter sur la compétence du Juge administratif en statuant sur Ordre Public : préserve l’intégrité de l’ouvrage, son fonctionnement et sa manière d’être. Il n’en va autrement que dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte est insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose le Juge administratif : voie de fait.

La Cour de Cassation a-t-elle consacré cette solution ? Niche de compétence du Juge judiciaire si Ordre Public résulte d’une voie de fait et si entraine intervention du Juge judiciaire et le fait qu’il puisse affecter une intangibilité de l’ouvrage.

CE est discipliné, applique toujours les décisions du TC, Cour de Cassation non. Cour de Cassation a reconnu cette jurisprudence cf arrêts 2003 ou 2005 en ce sens. Mais il est paradoxal que le Juge administratif reste le seul alors qu’il est normalement compétent à se voir opposer une interdiction absolue de porter atteinte à l’intangibilité. C’est pourquoi le CE dans Commune de Clans en 2003 a transcrit ce point d’équilibre dégagé par le TC. Le Juge administratif s’est calé, avec Commune de Clans on a dit que le Juge administratif quand il est saisi d’une demande quand ouvrage implanté de façon irrégulière, il lui appartient de déterminer si sauvegarde de l’ouvrage est possible, si régularisation possible mais si impossible il prend en considération les inconvénients de l’ouvrage en présence (théorie du bilan) et les conséquences de la démolition => savoir si démolition n’entraine pas une atteinte excessive à l’IG. On trouve des cas où on continuera de refuser la destruction car utilité publique de l’ouvrage l’emporte. Utilité publique est la justification. Le juge qui doit statuer sur légalité de l’atteinte, opère le même bilan, on incorpore la théorie du bilan dans le travail que le juge fait.

CE 2011 Commune de Valmeinier transpose cette solution à l’ouvrage par destination. Il n’est pas encore affecté, juge (juge de l’exécution peut intervenir dans le cours de la même instance si au fond + injonction ou deuxième instance sur injonction).

Il lui incombe pour déterminer en fonction de la décision si exécution de cette décision implique démolition totale ou partielle et voir si régularisation, peut-on réparer l’irrégularité sans destruction ? Il faut préserver sa fonctionnalité. Si pas possible on prend en considération l’inconvénient et les conséquences. Et ici notamment compte tenu du projet en cours. Ici pas encore fonctionnel donc pas fin de la fonctionnalité mais inconvénients : coût des investissements réalisés ou la possibilité de réutiliser ces ouvrages dans le cadre du projet modifié.

=>il faut voir les connexions

Une nouvelle définition de la voie de fait et de l’emprise irrégulière de la clause exorbitante : TC, 17 juin 2013, Bergoend

Voie de fait : deux types, par manque de procédure ou par manque de droit. Atteinte à liberté fondamentale ou droit de propriété, puis : manque de procédure ou manque de droit. Cf manque de procédure TC Saint Just 1902 urgence si la loi le prévoit et pas si d’autres voies de droit possibles ou si pas d’autres solutions et que l’urgence le requiert. Manque de droit : décision qui sort du cercle légal des attribution de l’administration encore faut-il qu’elle ait porté atteinte au droit de propriété ou liberté fondamentale. Les deux branches sont maintenues dans Bergoen.

Mais sur le fond il limite la voie de fait liberté fondamentale devient liberté individuelle et atteinte au droit de propriété en cas d’éxtinction définitive de ce droit. Cf TC 1935 Action française sur la voie de fait. TC Boussadar en 2000 : il est procédé à une réaffirmation d’action française. Entre 2000 et 2013 il s’est passé des choses et mise en oeuvre du référé liberté. CE 23 janvier 2013 Commune de Chirongui a considéré que le juge du référé liberté est compétent quand atteinte à une liberté fondamentale résultant d’un voie de fait. On admet cela contre la lecture à la lettre L521-2 CJA. TC a pris acte que Juge administratif se reconnaissait comme compétent, il s’est dit qu’il aurait pu supprimer la voie de fait.

Maintenant ce n’est plus atteinte à liberté fondamentale mais liberté individuelle. La liberté individuelle au sens de la Constitution : c’est la sureté et la liberté, cas restrictifs, ce n’est plus le droit de propriété mais extinction (dépossession).

Sur emprise irrégulière : TC, 9 décembre 2013, Epoux Panizzon.

Cf TC 17 mars 1949 Hôtel du Vieux Beffroi pour emprise irrégulière. Réduction du champ de l’emprise, intention du juge d’avoir une vision plus restrictive. Bonne administration de la justice guide le TC.

SCEA du Chéneau question d’un renvoi de l’autorité judiciaire pour renvoi de la légalité administrative. Hormis le cas où le DUE est en jeu, on reconnait pareil compétence pour le juge de l’action de faire application d’une jurisprudence établie pour constater illégalité de l’acte en litige.

Aujourd’hui les circuits courts sont privilégiés. La compétence du juge de l’action pour connaitre du dommage pour connaitre d’une emprise irrégulière devra être accompagné de la nouvelle compétence SCEA du Chéneau.

A cet impératif de bonne administration de la justice, le juge administratif sera compétent pour statuer sur les emprises irrégulières. Hypothèse de l’extinction du droit de propriété alors Juge judiciaire est compétent.

On ne fait plus de distinction entre emprise à un bien immobilier ou bien mobilier. Peut être que bien mobilier pourra être rangé dans cet îlot de compétence attribué au JJ. Il faudra nécessairement que ce soit irrégulier.

Le CC dans une décision du 13 décembre 1985 : une seule hypothèse c’est la dépossession. Dépossession au sens du CC c’est équivalent à extinction au sens de la voie de fait ou emprise irrégulière. Impératif constitutionnel qui fait qu’on ne peut araser la théorie de l’emprise.

Cf application restrictive au cas d’espèce (Pannizon) Juge administratif était bien compétent. Idée que c’est uniquement la dépossession qui sera le critère d’intervention du JJ.

Sur la clause exorbitante : SA France IARD 2014.

Ce qui est intéressant c’est que dans Rivière du Sant on déduit le régime administratif de l’économie générale d’un texte. On va regarder de manière plus objective non pas le régime applicable mais l’objet des poursuites. Y-a-t-il dans une clause quelque chose qui traduit un régime exorbitant ? C’est la clause qui révèle l’intention d’appliquer un régime exorbitant, et non régime dans son ensemble comme Rivière du Sant. Inusuelle, impossible ou illicite c’était très flou. Caractère fluctuant très contingent difficile à manier. Ici approche plus objective. On était face à une association et bail donné par la commune à cette association. La seule des parties au contrat qui avait un accès permanent c’était la commune et non le preneur. Il est apparu que cet accès était la contrepartie intégrale des travaux d’entretien par la commune donc pas asymétrie dans les relations contractuelles qui aurait révélé une intention de poursuivre un IG susceptible de poursuivre un régime exorbitant. IG ne suffit pas à qualifier d’administratif un contrat. Recherche Service Public. A partir du moment où pas de Service Public le seul fait que ce soit une activité d’IG au sens large ne va pas administrativer le contrat.

….

Les modes d’acquisition des propriétés publiques

L’expropriation n’est qu’un mode parmi d’autres d’acquisition. L’acquisition peut se faire de plusieurs façons : de manière amiable ou de manière forcée. On peut choisir une typologie différente et distinguer la cession unilatérale de la cession contractuelle, ou encore distinguer la cession à titre gratuit de la cession à titre onéreux. Ces typologies se recoupent. Au sein des acquisitions onéreuses on trouve des acquisitions amiables et des acquisitions forcées. De la même manière, au sein des acquisitions amiables on trouve la subdivision gratuite/onéreuse.

Les acquisitions à titre gratuit. – On trouve d’abord les dons et legs : les personnes publiques peuvent en bénéficier. Il y a de ce point de vue là une faculté : la personne qui consent cette libéralité peut grever celle-ci de charges et conditions : la personne publique peut donc refuser les dons et legs. Cass. Civ. 1e, 6 avril 1994, Commune d’Arcon. La personne publique peut aussi devenir propriétaire par le seul jeu de la prescription acquisitive. L’autre grande catégorie sont les biens sans maitre et les successions en déshérence : régime assez exorbitant du droit commun. Ça permet aux CP et çà l’État d’acquérir sans contrainte la propriété de certains immeubles dont on va considérer que parce qu’ils sont sans propriétaire, le propriétaire naturel c’est la personne publique. Cass. Civ. 1e, 6 avril 1994, DG des Impôts. CE 21 mars 2011, Bianco, 345979 : sur la notion de propriété naturelle des personnes publiques. C’est un mode d’acquisition qui non seulement est gratuit mais qui en plus ne dépossède personne. La cession gratuite de terrain arrive aussi : voir la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010 QPC qui censure un mécanisme de cession forcée de terrain à titre gratuit. La cession gratuite de terrain peut être possible mais elle ne peut être acceptée sous la contrainte, car il y a une dépossession qui appelle une indemnisation, sauf à porter atteinte au droit constitutionnel de propriété. Considérant 4 :

« le e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme permet aux communes d’imposer aux constructeurs, par une prescription incluse dans l’autorisation d’occupation du sol, la cession gratuite d’une partie de leur terrain ; qu’il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d’appréciation sur l’application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ; qu’aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner les griefs invoqués par la requérante, le e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme doit être déclaré contraire à la Constitution »

Les acquisitions à titre onéreux. – On retrouve alors la distinction entre modes d’acquisition amiables et modes d’acquisition forcés. Au sein des modes amiables, on trouve d’abord le contrat d’achat. On trouve dans le CG3P à l’article L. 1111-1, « les contrats d’achats des biens immeubles existants sont passés suivant les règles du code civil ». Cet article est la consécration de la jurisprudence TC, 30 juin 1930, Boyer dans laquelle le tribunal des conflits avait qualifié ces contrats d’acquisition de biens immobiliers de contrats de droit privé. Ca ne vaut que pour les acquisitions de biens existants : si je veux acquérir un bien qui n’est pas réalisé je dois passer par un autre mode d’acquisition : la VEFA ou le marché public de travaux permettent de devenir propriétaire d’un bâtiment qui n’est pas construit.

Dans l’acquisition forcée, sont très souvent rangés les droits de préemption mais qui sont particuliers car le propriétaire consent à vendre. On peut parler de privilège. Il y a le droit de préemption urbain prévu par le code de l’urbanisme au profit des communes pour la réalisation d’infrastructures d’aménagement. + Au profit du conservatoire du littoral et dans les ZAD au profit de l’État.

On a tout à fait raison d’évoquer au moment des acquisitions forcées les préemptions mais la différence est qu’on ne peut exercer la préemption qu’après la mise en vente du bien par le propriétaire. Après un degré de contrainte se met en place car la pp peut passer devant les éventuels acheteurs intéressés, et ensuite parce que l’évaluation du prix par la pp peut ne pas correspondre au prix retenu par le vendeur.

On peut également évoquer les nationalisations. Et la décision du 16 janvier 1982 du Conseil constitutionnel. Il s’agit de l’opération la plus massive en terme d’acquisition forcée. L

La réquisition porte sur des biens matériels et sur des services. Il y a deux modes de réquisition : un mode de réquisition civil et un mode de réquisition militaire. Beaucoup moins protecteur des propriétaires dépossédés que l’expropriation. Le régime est venu de la réquisition militaire. Sur la réquisition civile, c’est la loi de 1938 qui reste son fondement légal, et qui organise le régime de réquisition de droit commun. On trouve ainsi la mobilisation générale pour justifier la réquisition. L’état d’urgence également. En 1959 on a ajouté la mise en garde ou la menace portant sur une fraction du territoire ou de la population. Ce sont des cas assez exceptionnels et qui trouvent peu d’applications. La guerre du Golfe de 1991 a entrainé la réquisition des compagnies aériennes. Les autorités compétentes sont les ministres. L’ordre de réquisition doit être écrit, respecter un certain nombre de principes, et on a nécessairement une indemnisation. Il n’y a pas de dépossession d’un bien sans juste indemnité. La différence avec l’expropriation est que l’indemnisation est réglée postérieurement (pas « préalable » comme pour l’expropriation). Une proposition est faite par l’autorité administrative, elle est ou non acceptée par le propriétaire et si elle ne l’est pas on va devant le juge judiciaire.

L’expropriation.

Cass. Ass. Plén. 6 janvier 1994, Baudon de Mony c/ EDF : on met fin à l’expropriation de fait. La Cour de cassation dit : « qu’en statuant ainsi, alors que le transfert de propriété non demandé par le propriétaire ne peut intervenir qu’à la suite d’une procédure régulière d’expropriation, la Cour d’appel a violé les textes ». (…)

è Tout ce qu’on a vu sur l’atténuation des effets du principe d’intangibilité, la décision du 23 janvier 2003, Commune de Clans est importante. TC 2002, M. Binet aussi est importante.

è TC, 17 décembre 2007, M et Mme Delhaye c. Ville d’Etaples : le tribunal des conflits a repris l’évolution de jurisprudence.

Avant on disait : vous avez un terrain, vous en avez été dépossédé d’e fait. Dessus on a construit des ouvrages. Ces bâtiments ont créé une plus value pour le terrain. Puisque vous en avez été dépossédé, la valeur du terrain est celle du terrain y compris la plus value des bâtiments qui sont dessus. La Cour EDH dit non. L’ampleur de la dépossession, le montant du préjudice doit être regardé comme cristallisé au moment de l’expropriation de fait : l’indemnisation se fait maintenant du point de vue de la Cour EDH juste au vu de la valeur des terrains au jour où l’exproprié a perdu la propriété. Le surcroit d’indemnisation, qui était le seul élément dissuasif pour la pp a disparu. Mais ce n’est pas grave car à partir moment où Baudon de Mony, Commune de Clans et M. Binet suppriment l’expropriation de fait et l’intangibilité absolue de l’ouvrage public, la personne publique quand même un risque énorme : se voir contester le titre de propriété et de devoir déplacer l’ouvrage public.

Expropriation indirecte : du fait de l’intangibilité lié à un ouvrage public construit sur le terrain d’une personne privée, on transférait le terrain d’assiette de fait dans le chef de la personne publique.

CE Levallois Perret 2012 : les 3 phases de la procédure judiciaire :

– Identifier la poursuite d’un but d’utilité publique

– vérifier qu’il n’y a pas d’autre moyen d’y parvenir que l’expropriation (nécessité) :

– bilan

CE, Sect. 29 juin 1979, Ministre de l’intérieur contre Malardel, 5536 : les conclusions de Philippe Dondoux sur cet arrêt.Utilité positive – inutilité – absence de désutilité

CE, 21 juillet 1989, Association de défense c. Astérix Land : L’intérêt privé a une place dans la DUP

CE, 1971, Ville nouvelle est : le contrôle du bilan n’est pas un contrôle maximum. Il y a le contrôle normal (entier), le contrôle infra-minimum. L’EMA n’est pas un contrôle de qualification juridique des faits. On a créé l’EMA pour que dans le contrôle restreint ou on refuse de contrôler la qualification juridique des faits : on va contrôler l’appréciation manifestement erronée. On ne refait pas l’opération à la place de l’administration mais on vérifie en restant extérieur à l’opération si en faisant cette opération l’autorité administrative n’a pas manifestement erré. Quand on parle de contrôle restreint de qualification juridique des faits, c’est discutable.

Il n’existe pas de contrôle maximum. Dans le bilan on manie quelque chose qui se rapproche de la proportionnalité. Le principe de proportionnalité guide le contrôle mais ne détermine pas son étendue : on peut faire du contrôle entier de proportionnalité et du contrôle restreint de proportionnalité. Le contrôle de proportionnalité c’est la norme à partir de la quelle on contrôle.

Les sources du régime de l’expropriation. – Elles sont de plusieurs types :

 

Les sources constitutionnelles: articles protégeant le droit de propriété (articles 2 et 17 DDHC); et on a derrière tout cela, l’idée d’une exigence d’indemnisation juste et préalable. On voit que celle-ci ne suffit pas à justifier l’expropriation. Si on regarde les bases constitutionnelles : il y a l’amont = une nécessité publique (puis à une utilité publique) : c’est la justification permettant de s’ingérer dans la propriété privée. Puis, l’aval dans la séquence qui va déboucher sur le transfert de propriété, c’est qu’une fois qu’on a justifié l’expropriation (longue phase administrative) on arrive à l’indemnisation du propriétaire. Cette indemnisation doit être juste (= vérifié soit par un accord amiable, si contestation : recours au juge de l’expropriation qui est un juge spécial chargé spécifiquement de contrôler les atteintes et ingérences au droit de propriété = rôle clé dévolu au juge judiciaire par la nature des questions dont il s’agit : avoir en tête les décisions du conseil constitutionnel de 1987 qui consacre les matières réservées par nature au juge judiciaire = généralement aujourd’hui il y a deux branches, sphères protégées par l’intervention exigée du juge judiciaire : liberté individuelle et le droit de propriété mais surtout l’extinction du droit de propriété) et préalable.

Restriction des domaines normalement réservées au Juge judiciaire : article 66 de la Ct° (la sureté, ce qui correspond à l’Habeas corpus) et le droit de propriété (l’extinction).

DC, 25 juillet 1989: rappel la nécessité publique, une indemnisation juste càd qui couvre l’ensemble du préjudice direct, matériel (pas de préjudice moral et le conseil se situe en dissonance avec ce que la cour européenne exige) et certain. La figure des protections équivalentes : en réalité, le conseil constitutionnel protège moins mais lorsqu’il protège il le fait plus efficacement. En réalité, cela s’explique certainement par le fait que l’arsenal conventionnel privilégie une approche subjective.

On peut prendre l’exemple du service public pénitentiaire, système de réduction de peine : personne devait justifier d’un bon comportement pour pouvoir la réduire et bénéficier d’une réduction de peine. Désormais, système inverse : lorsqu’on se voit notifier sa peine, la réduction de peine est appliquée de plein droit au moment de l’exécution de la peine. Mais, ce crédit de réduction peut être retiré. Le conseil d’état a renvoyé une QPC sur la question de savoir si le principe de légalité des délits et des peines (article 8 DDHC), le conseil constitutionnel a dit que ce qui l’intéresse est de savoir si ce mécanisme de réduction du crédit affecte la durée de la peine telle qu’elle a été prononcée par les juridictions répressives. Et il dit non, il est condamné à telle durée, et cela affecte seulement les modalités d’exécution de la peine = le temps d’enfermement. Ca n’affecte pas le prononcé de la peine, et bien alors ce n’est pas couvert par le principe de légalité des délits et des peines. Ce n’est pas une mesure pénale au sens répressif du terme.

Ce mécanisme est il respectueux des garanties procédurales posées par l’article 6 CEDH, et le Conseil d’État a dit oui car il y avait la jurisprudence de la CEDH par rapport d’un dispositif analogue au RU. Il dit qu’on est dans la matière pénale au sens de l’article 6 (alors que pas dans la répression pénale au sens constitutionnel de l’article 8), il dit que ce qui compte pour savoir si matière pénale, c’est de savoir si du point de vue du condamné on a affecté l’espérance légitime de se voir réduire sa peine, du fait qu’on lui avait notifié sa peine et la possibilité de la réduire. Cela affecte la durée prévisible de sa peine.

On voit bien que l’approche de la CEDH est différente, elle voit que cela a un effet pénal, car ça affecte l’attente légitime qu’avait créé dans le chef du condamné la notification de ce droit.

Pour revenir à la DC du 15 juillet 1989, il dit que l’intervention des tribunaux judiciaires pour la fixation définitive de l’indemnité constitue un PFRLR tout en soulignant l’importance des attributions confiées à l’autorité judiciaire = protection de la propriété immobilière.

Les sources conventionnelles : 1P1 et article 6 CEDH dans son volet civil dont les exigences procédurales font qu’il y a eu des contestations des modalités retenues pour la fixation de l’indemnité.

Il y a un triptyque d’arrêts à connaître. Arrêts dans lesquels, il s’agissait toujours des conditions et modalités d’indemnisation :

  • CEDH, 1997, Guillemin c. France : délai trop long, pas raisonnable pour exproprier. France a été donc sanctionnée.
  • CEDH, 11 avril 2002, Lallement c. France : au regard de 1P1. Il y a en France, deux couches de protection = contrôle de la phase administrative où l’on contrôle l’utilité publique de l’expropriation (contrôle du bilan); ensuite deuxième phase judiciaire avec la seconde couche de protection avec l’exigence d’une indemnité juste et préalable. Pour la CEDH, elle fait tout en un, la proportionnalité de l’atteinte fait masse des deux : l’équilibre entre l’IG et la propriété est en lien avec le niveau d’atteinte. On a dans la prise en compte des éléments qui sont intégrés dans la réparation du préjudice il y a cette prise en compte de l’outils de travail. Jurisprudence assez isolée, mais importante car illustre bien la différence avec la protection qu’offre la Constitution (car indemnise la perte du bien et non pas de l’outils de travail).
  • CEDH, 24 avril 2003, Yvon c. France : au regard de l’article 6 CEDH, la CEDH a apprécié le respect par la procédure de l’expropriation de la fixation du montant de l’indemnité. Sanctionné pour avantage structurellement favorable pour l’administration du fait de la présence d’un représentant de l’administration fiscale – le commissaire du gouvernement – qui occupait une place dans la fixation de l’indemnité (différent du commissaire du gouvernement du Conseil d’État, nécessité de changer du fait de ces confusions). CEDH censure l’intervention du commissaire du gouvernement, car c’est un litige entre le particulier et l’administration et l’intervention auprès du juge chargé de trancher le litige d’un représentant de l’Administration la favorisait.

Article 17 de la charte des droits fondamentaux. Copié-collé des exigences constitutionnelles et conventionnelles : nécessité publique, prévue par la loi, indemnité juste, et temps utile.

Les sources législatives : le code de l’expropriation vient de sortir dans sa partie législative. Il y avait eu une habilitation à le modifier. A partir du 1er janvier prochain, il entrera en vigueur. Publié par une ordonnance du 6 novembre 2014. C’est un code à droit constant et il n’est donc pas révolutionnaire (recueil organisé des textes existants). Sous réserve de quelques modifications autorisées : à droit existant serait donc plus approprié.

Article 3 du code : il faut assurer le respect de la hiérarchie des normes. On ne peut codifier des règles qui seraient contraires à des normes supérieures. Il faut aussi opérer des déclassements et des reclassements : la codification est de bien redistribuer les dispositions pour assurer le respect de la HDN et notamment la séparation entre article 34 et article 37. Ensuite, on peut opérer une harmonisation de l’état du droit pour résorber des incompatibilités qui existerait au sein du code mais aussi des incompatibilités d’un code à l’autre (on peut alors modifier l’autre code). Enfin, mise à jour formelle, harmonisation du style du code.

Ce travail est enserré dans les limites de la codification à droit constante mais il autorise quand même le codificateur à reformer le droit. La codification réorganise également : cette opération de mise en ordre sr traduit par un plan qui va structurer le recueil et les règles. Il y a un principe de parallélisme du plan entre la partie législative et la partie réglementaire.

Le nouveau code de l’expropriation va comporter 6 livres, consacrés à l’utilité publique (Livre I), à la juridiction de l’expropriation, au transfert judiciaire de propriété et à la prise de possession (Livre II), à l’indemnisation (Livre III), aux suites de l’expropriation (Livre IV),aux procédures spéciales (Livre V), et à l’Outre-mer(Livre VI).

L’article L. 1 ouvre le code en définissant de manière générale ce qu’es l’expropriation. Dans le premier livre, il y a un article qui est plus pédagogique que normatif, qui énonce les différents régimes d’enquêtes publiques qui existent. Il existe 3 régimes d’enquêtes publiques différents : les enquêtes environnementales (issues du décret Bouchardeau, dont le régime est prévue par le code de l’environnement), les enquêtes d’utilité publique (classiques), les enquêtes innomées. Ces trois régimes répondes à des exigences qui ne sont pas nécessairement les mêmes.

L’enquête publique préalable à la DUP est définie et ses modalités sont précisées dans le code de l’expropriation. Mais lorsque l’opération d’utilité publique a un impact sur l’environnement, alors c’est l’enquête environnementale qui s’applique, et le code de l’expropriation renvoie au code de l’environnement. Et puis on a un ensemble de textes éparts où l’on parle de la nécessité de faire une enquête publique mais ou on n’a pas de DUP à l’horizon : pas des enquêtes organisées en amont de DUP. Et pourtant, ces textes éparts renvoient au code de l’expropriation. On a donc un état du droit un peu bizarre.

Les biens susceptibles d’être expropriés. – en principe d’expropriation ne peut porter que sur des biens immeubles. Par exception au principe, des lois spéciales peuvent autoriser l’expropriation de biens meubles. En outre, pas d’expropriation possible des biens du domaine public. Les biens des personnes publiques de leur domaine privé sont expropriables. On peut exproprier une partie du bien et non son entièreté, à supposer que le tout soit divisible et que la partie non expropriée puisse fonctionner sans la part expropriée.

Les acteurs. – Il y a les expropriants et les expropriés. Parmi les expropriants on distingue le bénéficiaire de l’expropriation et le titulaire du pouvoir d’exproprier (qui peut être le même). On a une compétence exclusive de l’État pour autoriser l’expropriation : il est le titulaire du pouvoir d’expropriation.

Les personnes habilitées à demander l’expropriation. – L’ensemble des personnes publiques peut demander l’expropriation : l’État, les collectivités territoriales, l’établissements publics. Ensuite s’agissant des personnes privées, même dans le silence des textes, on regarde la qualité de délégataire de service public comme autorisant la personne privée à demander l’expropriation (CE, 17 janvier 1973, Ancelle). On a aussi assez fréquemment des textes qui dotent expressément des personnes privées de cette qualité : concessions d’autoroutes, entreprises d’énergie hydraulique. Les personnes privées sont donc éligibles au bénéfice de l’expropriation, soit si un texte les en a dotées soit à raison d’une DSP dont elles sont titulaires

La question du monopole du pouvoir d’exproprier de l’État. – à cette diversité d’expropriants potentiels répond une autorité unique susceptible d’autoriser et de conduire la procédure d’expropriation. C’est aussi une garantie d’impartialité dans la majorité des cas. Il ouvre l’enquête préalable, conduit la procédure, prononce la DUP, ouvre l’enquête parcellaire et va prendre l’arrêté de cessibilité. Ce monopole n’est pas prévu par les textes, c’est une espèce de fonction inhérente à l’État (« fonction propre » de l’État). On a pu se poser la question de savoir si les lois de décentralisation n’allaient pas redistribuer les cartes et permettre aux CL de conduire l’expropriation. La jurisprudence du CE et du Conseil constitutionnel est très claire : elle a réaffirmé le monopole (DC 13 décembre 1985 par exemple). C’est un pouvoir que l’État va exercer mais qu’il n’est jamais tenu d’exercer : il a ce pouvoir de décider des suites à donner à une demande d’expropriation. Le préfet peut refuser d’ouvrir une enquête préalable. Sachant que le refus peut être attaqué devant le juge administratif mais qui ne contrôle que l’erreur manifeste, ce qui laisse une marge de manœuvre importante à l’État (CE, 7 mars 1979, Commune de Vestric et Candiac). On a des cas d’annulation sur erreur de droit, évidemment. A la fin de l’enquête préalable, il y a des conclusions. Si jamais les conclusions sont favorables, le préfet n’est toujours pas tenu de déclarer l’utilité publique (CE Sect., 1970, Commune de Thérouanne : le préfet conserve pas moins le droit et même le devoir de refuser de prononcer la déclaration s’il lui apparaît qu’un motif de droit ou d’opportunité s’y oppose).

Les bénéficiaires de l’expropriation sont ils toujours ceux qui ont demandé l’expropriation ? Oui. La plupart du temps, dans le cadre de DUP effectuée au bénéfice d’une personne privée concessionnaires c’est la PP concédante qui va demander l’expropriation.

La procédure. – Deux phases : phase administrative et phase judiciaire.

Sur la phase administrative. – Dossier. Enquête. Conclusions du commissaire enquêteur. DUP. Enquête parcellaire. Arrêté de cessibilité.

Il y a une tendance lourde dans les contentieux DUP du Conseil d’État qui est en train d’être un peu modifiée : la plupart du temps lorsqu’il y avait des contestations, elles s’étaient développées sur des moyens de régularité alors même qu’on a un contrôle en 3 temps. Assez peu d’annulation sur le fond. Dans un 1er temps, à partir 1971, on a axé le contrôle sur le fond. Du coup les requérants ont beaucoup sollicité d’annulations pour défaut d’utilité publique mais se sont vus opposés des rejets. Ils se sont donc repliés sur la régularité de la procédure. On a eu énormément de moyens de procédure : constitution du dossier, interprétation des conclusions du commissaire enquêteur, contenu de l’étude d’impact, l’information du public, etc.). On annulait parfois. Mais quand on annule pour vice de procédure et qu’on reprend, la réalisation du projet est encore différée et ça coute un fric fou. Le Conseil d’État a eu tendance à rapporter la nature du vice à l’ampleur du projet : c’est la théorie des vices non substantiels : oui c’était irrégulier mais ça n’a pas substantiellement affecté la procédure donc recours rejeté. Mais il a fallu mettre un peu d’ordre dans cette théorie.

CE, 14 octobre 2011, Société Ocréal : à propos des études d’impact (ensuite transposée à l’enquête publiques) « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative». On rapporte le vice de procédure à l’objet de la procédure. L’objet de la procédure est d’informer la population : c’est seulement si l’erreur a une influence sur l’un ou l’autre objet alors ce vice sera en mesure de remettre en cause la procédure. Lien avec CE, 23 déc 2011, Danthony : Ocréal a été le ballon d’essai de Danthony. On a cherché à systématiser un peu ce qui était substantiel ou non. On a abandonné la théorie des vices substantiels qui n’étaient pas très souhaitables car c’était le juge qui le disait ex post : il était plus souhaitable de donner des critères à priori. Cela a conduit depuis 2011 à beaucoup moins accueillir les vices de procédure.

Ce qui est intéressant c’est que d’autres portes se sont ouvertes.

1/ Il s’agit d’une part du contrôle en amont de la légalité de la procédure au regard d’illégalités qui seraient extérieures à l’utilité publique elle même ou au bilan de celle ci ; en tout cas pas forcément extérieures mais dont l’examen devra a voir lieu en dehors du bilan : le respect du principe de précaution en est un bon exemple. Le contrôle amont se développe.

2/ Il s’agit d’autre part d’un contrôle que Seiller appelle le contrôle extrinsèque : selon la jurisprudence Adam, on contrôle si l’opération présente un intérêt d’utilité publique mais c’est tout : onrefusele contrôle extrinsèque. On ne contrôle pas les variantes mais on contrôle intrinsèquement la variante retenue. Le choix du tracé d’une opération (ou le choix de l’emprise) ne peut pas être comparé à des choix alternatifs, même si ils ont été étudiés dans l’étude d’impact. Le choix des variantes est une opération d’opportunité administrative et le juge se refuse à la contrôler. Mais cette porte devrait s’ouvrir, ce contrôle devrait se développer. Ce second contrôle revient donc à comparer l’expropriation litigieuse avec d’autres modes d’expropriation (d’autres tracés par ex). C’est l’étape future. Guyomar souhaite voir cette porte s’ouvrir. Cela conduirait à faire des bilans comparatifs : faire des contrôles de plusieurs bilans et l’emporterait le meilleur bilan. C’est pour cela que ça inquiète un peu le juge.

L’adoption de la DUP appelle quelques développements. Toutes ces opérations là, toutes ces atteintes à la propriété sont adossées à la nécessité publique, seule justification. Ce qui est intéressant le glissement du terme de nécessité publique à celui d’utilité publique. Aujourd’hui le fait qu’on ait glissé de nécessité à utilité publique ne signifie pas qu’on aurait élargi les cas de justif de l’expropriation au delà de ce qu’exige l’article 17 de la DDHC. En même temps la notion d’utilité publique n’a cessé de s’élargir. Idée que si c’est utile c’est nécessaire. Finalement, la nécessité publique suppose pour être remplie à la fois une utilité publique et que l’on indemnise justement les atteintes que la poursuite de ce but engendre. Ce qui est nécessaire c’est ce qui est utile et ce qui n’excède pas cela. Dans le coté nécessaire il y a la côté non excessif. Le glissement terminologique n’est en réalité pas un problème de méconnaissance de l’amplitude de l’exigence constitutionnelle, car en réalité l’utilité publique n’est qu’un des sous ensembles de la nécessité publique.

Concrètement, on a beaucoup de cas dans lesquels la loi est intervenue pour fixer des finalités d’utilité publique. Mais c’est évidemment par voie prétorienne que la notion a été la plus fréquemment définie. En absence de tout texte légitimant le but poursuivi, le juge va opérer lui même le contrôle d’un intérêt général suffisant qui révèle cette utilité publique. D’une certaine manière, l’utilité publique, on la retrouve en facteur commun de plein de régimes (pour l’ouvrage public, pour le domaine c’est l’affectation à une utilité publique). C’est une forme d’intérêt général particulière, qui se traduit d’une manière ou d’une autre en fonction du régime.

Le contrôle : on a eu tendance à partir de Ville Nouvelle Est à se focaliser sur le bilan. Comme souvent, les innovations jurisprudentielles ont eu une sorte d’effet d’aimantation. Il a fallu attendre 1979, et les conclusions de Philippe Dondoux sous Malardel pour remettre les choses dans l’ordre. Il théorie les 3 étapes du contrôle juridictionnel de l’utilité publique :

o Utilité positive : « Pour qu’une opération d’expropriation puisse être déclarée légale, il faut qu’elle présente positivement, c’est-à-dire dans son but même et compte tenu des besoins précis qu’elle entend satisfaire, une utilité publique indiscutable » (cf. arrêt CE, 2012, Levallois-Perret, rappelle les 3 étapes).

o Utilité négative (inutilité): Il faut ensuite vérifier que « l’opération envisagée []ait été réellement nécessaire c’est-à-dire que l’expropriation n’ait pas été inutile compte tenu des autres possibilités qui s’offraient à la collectivité expropriante ».

o Désutilité : Enfin, cette nécessité admise, on vérifie que l’opération envisagée n’est pas « source d’inconvénients excessifs pour le contexte dans lequel elle s’insère ». C’est-à-dire que « l’utilité publique subsiste lorsque –négativement – l’ont met en balance les inconvénients de tous ordres que l’opération entraine inévitablement par rapport à ses avantages ».

L’arrêt CE, 28 mars 2011, Collectif contre les nuisances du TGV Chasseneuil-du-Poitouréaffirme l’arrêt CE, 28 décembre 2009, Fédération Alto. Le Conseil d’État y a accepté dans l’étape n°2 – correspondant à la vérification que le projet n’est pas inutile – de contrôler le moyen tiré de ce que l’aménagement de l’existant en lieu et place de la réalisation du projet permettrait des résultats comparables permettant de poursuivre le même objectif sans nécessité d’expropriation aussi importante. On a franchi une petite étape consistant à dire je ne regarde pas seulement si les terrains en votre possession permettraient de réaliser dans des conditions équivalentes le projet et obtenir le même résultat mais vérifie également si ces parcelles ne vous permettraient pas de moins exproprier. Petit à petit, on se rapproche du contrôle extrinsèque.

S’agissant du bilan, dans la balance, parmi les inconvénients, on place des intérêts publics. Le bilan ne se fait pas uniquement au regard de l’atteinte à la propriété (CE, 20 octobre 1972, Sainte Marie de l’Assomption). Et de cette prise en compte des intérêts publics résulte une protection indirecte du droit de propriété.

Les contrôles « autonomes » : on a toujours connu des contrôles autonomes. Très fréquemment les DUP donnent lieu à l’invocation d’un détournement de pouvoir. Il n’y a pas de problème théorique à ajouter aux 3 contrôles Malardel des chefs de contrôle autonomes. On a des contrôles autonomes qui se développent. Depuis 1982 et la loi LOTI on peut avoir une méconnaissance des dispositions de la loi LOTI, il y a la place pour le respect d’exigences légales ne découlant pas du contrôle en 3 étapes. Mais ça n’est quasiment jamais admis. S’agissant du principe de précaution on s’est demandé s’il fallait l’intégrer au bilan ou l’externaliser.

CE, 12 avril 2013, Association de coordination interrégionale Stop THT: dans cette affaire le Conseil d’État a créé une grille de contrôle très sophistiquée pour assurer le plein respect du principe de précaution. Cette exigence est si importante qu’elle irrigue le contrôle du juge à deux moments. D’abord lors du contrôle autonome on admet qu’ « il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l’acte déclaratif d’utilité publique et au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution ». Ce contrôle est autonome de celui de l’utilité publique de l’opération projetée et doit être effectué préalablement à celui-ci. On a un contrôle au regard du principe de précaution qui comprend lui-même deux temps :

o le 1er temps est un contrôle normal, d’abord sur l’existence ou non d’un risque, et ensuite sur les procédures d’évaluation de ce risque.

o Le 2nd temps est un contrôle restreint des mesures prises au titre de la précaution de ce risque, pour atténuer ce risque. Si l’un ou l’autre de ces éléments contrôlés conduisaient le juge à voir qu’il existe une violation et une erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution on annulerait l’opération pour violation du principe de précaution. Le risque résiduel doit être raisonnable : au regard de ce qu’il emporte pour l’environnement. On considère que ne peut être déclaré d’utilité publique un projet qui méconnaitrait les exigences attachées au respect du principe de précaution.

Si on franchit l’étape, on retrouve le principe de précaution à l’étape du bilan. Le risque résiduel est réutilisé dans le plateau « inconvénients » du bilan. «Dans l’hypothèse où un projet comporterait un risque potentiel justifiant qu’il soit fait application du principe de précaution, cette appréciation est portée en tenant compte, au titre des inconvénients d’ordre social du projet, de ce risque de dommage tel qu’il est prévenu par les mesures de précaution arrêtées et des inconvénients supplémentaires pouvant résulter de ces mesures et, au titre de son coût financier, du coût de ces dernières». Ces mesures doivent donc être assez protectrices mais pas trop onéreuses.

Enquête parcellaire et arrêté de cessibilité. – L’enquête parcellaire donne lieu à peu de contestation. L’arrêté de cessibilité est plus souvent attaqué : c’est un arrêté du préfet qui déclare cessible telle partie au regard de l’enquête parcellaire. Le préfet peut refuser de prendre l’arrêté de cessibilité alors même que tout s’est déroulé correctement. Il n’est jamais tenu de déclarer cessible l’ensemble des éléments présents dans l’enquête parcellaire. C’est un arrêté qui est en réalité une collection de décisions individuelles (pour telle et telle parcelle mais pas pour telle autre). L’enquête parcellaire est une décision d’espèce (ni réglementaire, ni individuelle), l’arrêté de cessibilité est une décision individuelle.

Phase judiciaire.

cette phase judiciaire va d’abord essayer de privilégier le transfert de propriété à l’amiable. Même si le juge de l’expropriation est l’acteur central de cette phase. Ce juge de l’expropriation – juridiction spécialisée dont les décisions ne sont susceptibles que d’un recours en cassation – est compétent au niveau départemental.

1/ Accord amiable. – Il peut prendre plusieurs formes : soit celle d’un acte notarié soit celle d’un acte administratif. La cession amiable a le caractère d’une vente ordinaire et le juge de l’expropriation va simplement intervenir pour prendre une « ordonnance de donner acte » qui est une attestation de l’extinction de l’ensemble des droits du propriétaire sur son bien. Une ordonnance de donner acte a la même valeur qu’une ordonnance d’expropriation, elle peut d’ailleurs être attaquée par la voie du recours en cassation, mais avec assez peu de vices allégables (incompétence du juge, vice de forme, excès de pouvoir).

2/ Transfert forcé. – Il arrive souvent que les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le prix. Et on fait alors appel au juge qui va prendre une ordonnance d’expropriation qui va opérer de manière forcée le transfert de propriété et qui va aussi entrainer la procédure d’indemnisation. Cette procédure d’indemnisation doit intervenir avant le transfert de propriété : le juge de l’expropriation est donc au carrefour de la constatation du transfert de propriété et de la mise en œuvre de l’exigence d’indemnisation préalable. La fixation des indemnités : l’une des partie saisit le juge de l’expropriation lorsqu’il n’y a pas d’accord. Le commissaire du gouvernement va permettre d’évaluer le bien en litige (le moins cher possible souvent). Le juge de l’expropriation va dans toute la mesure du possible d’obtenir un accord entre les parties. Mais si ça ne va pas il tranche et rend son ordonnance avec un pouvoir souverain pour fixer le montant des indemnités qui lui semblent correspondre à cette juste indemnité. L’indemnité doit être payée préalablement à la prise de possession. Qu’est-ce que le juge prend en compte pour fixer cette indemnisation, quels sont les chefs de préjudice qu’il accepte de réparer ? Il y a d’abord l’idée que c’est une réparation intégrale : l’ensemble des préjudices liés à l’expropriation, dès lors qu’ils sont directs certains et matériels, doivent être couverts par l’indemnisation. Mais il y a la question très particulière à la France est que les situations illicites ne donnent jamais lieu à indemnisation (grosse différence avec la position conventionnelle du droit au respect des biens).

Comment fait on lorsqu’il y a annulation de la DUP par rapport aux conséquences qu’elle a eu ou aurait pu avoir sur le transfert de propriété ? tout dépend du moment de l’intervention : si tout cela se passe avant qu’il y ait transfert de propriété, avant même la saisine du juge de l’expropriation, tout tombe, manque de base légale. C’est pourquoi de plus en plus les requérants mettent en œuvre des référés suspension. Mais la DUP n’emporte pas d’effets en elle même donc il n’y a pas d’urgence. L’accélération des délais de jugement fait qu’on arrive à avoir une décision avant la saisine du juge de l’expropriation. Autre hypothèse : l’annulation intervient lorsque le juge de l’expropriation est saisi mais encore en mesure de statuer ou que le recours en cassation est soit encore possible soit pendant. Tout va bien : soit le juge annule soit la Cour le fait. Troisième hypothèse : ça arrive trop tard : le transfert de propriété a été constaté. On avait alors une absence d’effet totale de l’annulation de l’acte. Heureusement le législateur est intervenu par le biais de l’article L. 12-5 du code de l’expropriation prévoit qu’on peut retourner devant le juge même après le transfert de propriété qu’il y a eu disparition de la base légale. Soit on peut restituer le bien, soit indemniser. Le législateur a résolu le déni de justice consistant à ce que le juge, gardien de la propriété, n’était pas en mesure dans certains cas de tirer les conséquences de la disparition de la base légale du transfert de propriété.

Comparaison expropriation et éloignement forcé des personnes en situation irrégulière qui sont deux manifestations de la brutalité de la puissance publique. Il y a une ressemblance et une différence :

o le point commun est que dans les deux cas, le juge administratif ne suffit pas : on fait appel au juge judiciaire

o la différence est que le juge judiciaire n’est pas toujours requis pour l’éloignement forcé des personnes en situation irrégulière, alors qu’il l’est systématiquement dans le cas de la privation de propriété.



[1] Considérant il est vrai : le juge répond à une objection d’une des parties ; Considérant à la vérité : le juge répond à une objection qu’il a soulevé lui même.