Les Droits de l’Homme sont-ils universels ?

Internationalisation (et universalité) des droits de l’homme

Les Droits de l’Homme sont considérés comme universels et sont reconnus dans le monde entier. Ils sont énoncés par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. La Déclaration définit les droits fondamentaux des êtres humains, qui sont reconnus dans le monde entier.

La notion de Droits de l’Homme est une notion ancienne. Les philosophes grecs et les intellectuels européens des XVIIe et XVIIIe siècles se sont penchés sur le concept, en le considérant comme un idéal à atteindre et à protéger. En 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a été établie, énonçant les principes fondamentaux de liberté, d’égalité et de justice. Ces principes ont été intégrés dans les constitutions des pays du monde entier et les lois nationales.

La Déclaration universelle des Droits de l’Homme a été adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies. La Déclaration énonce 30 droits fondamentaux des êtres humains, qui sont reconnus comme universels et non négociables. Ces droits comprennent le droit à la vie, le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à l’égalité devant la loi, le droit à un traitement équitable devant la justice, le droit à une alimentation adéquate et le droit à l’éducation. La Déclaration a été ratifiée par la majorité des pays du monde, et la Cour internationale de Justice des Nations Unies a statué qu’elle constitue un droit.

Toutefois, la conception des droits de l’Homme varie selon les contextes culturels et sociaux. En effet, chaque pays applique sa propre interprétation des droits de l’Homme, ce qui signifie qu’ils ne sont pas nécessairement identiques ou acceptés de la même manière partout. De plus, de nombreux pays sont réticents à l’idée d’accepter des règles étrangères imposées en matière de droits de l’Homme et peuvent avoir des conceptions différentes des droits fondamentaux. Certaines cultures peuvent ne pas reconnaître certains droits de l’Homme comme étant universels, car ils peuvent entrer en conflit avec leurs propres croyances. Par exemple, des pays musulmans peuvent refuser le droit à la liberté de culte sur la base de leur foi. De plus, même si des droits sont universellement reconnus, la pratique effective de ces droits ne sera pas nécessairement la même d’un pays à l’autre.

On constate au 20ème siècle et plus particulièrement depuis la seconde moitié du 20ème un mouvement d’internationalisation des droits de l’homme et ce mouvement est à mettre en rapport avec l’universalité des droits de l’homme. L’internationalisation pose certaines questions du point de vue de l’universalité des droits de l’homme.

2 niveaux distincts du droit international des droits de l’homme : niveau universel (véritablement international, c’est les traités qui engagent les états), niveau régional (seul les états déterminés pourront s’engager dans ce domaine)

1. La protection universelle des droits de l’homme

L’aspiration universaliste des révolutionnaires français qui reconnaissent des droits à tout homme a trouvé dans l’internationalisation des droits un vecteur de diffusion. La limite réside cependant dans la souveraineté des états. Le système international de protection des droits de l’homme, s’il peut imposer des obligations aux états, éventuellement sanctionner, ne peut le faire qu’à l’égard des états qui y ont préalablement consentis en s’engageant. C’est ce qui s’est produit à partir des années 50, avec un ensemble de textes de portée variable (déclarations, conventions) et plus récemment avec le développement du droit pénal international.

  • Le droit international des droits de l’homme

Il énonce des obligations que les états qui l’acceptent sont tenus de respecter. On distingue des textes différents en fonction de leur objet. On verra des textes de protection des droits de l’homme généraux et spécifiques. Au titre des textes généraux de protection des droits de l’homme, on doit citer la déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) adoptée par l’assemblée des Nations Unis le 10 décembre 1948. Ce texte est d’abord un texte de compromis. Le compromis au niveau international est de mise. Dans ses trente articles, elle mêle en effet abstraction (tradition française) et pragmatisme (tradition anglo-saxonne). Elle a des formules à caractère assez général tel que l’article 1er qui énonce tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits (aspect abstraction). Mais l’article 25-1 toute personne a droit à un niveau de vie suffisant (aspect concret) et suivent, le logement les droits médicaux. Un droit à un niveau de vie suffisant pas du tout abstrait.

Sur le plan juridique, ce texte est une résolution et on pas un traité en conséquence, sa portée n’est que déclaratoire sans caractère obligatoire. Elle a une force symbolique car premier texte adopté au niveau international mais elle a aussi reçu une certaine effectivité du fait que son contenu a été presque intégralement repris dans 2 pactes c’est-à-dire 2 traités de 1966 et qui sont donc le pacte international des droits civils et politiques (PIDCP) et le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels d’autre part (PIDESC).

Le changement entre 1948 et 1966 est conséquent : le principe d’un texte unique, prenant acte de ce qu’on appelle l’indivisibilité des droits c’est-à-dire le principe selon lequel les droits de l’homme forme un tout car ils sont tous nécessaires à l’homme et qu’ils sont tous interdépendants les uns des autres, a été oublié puisque qu’on a fait le choix en 66 de 2 textes distincts et cette rupture a été concrétisé par la suite puisque ‘un certain nombre d’états ont choisi de ne ratifier que l’un de ses deux pactes. Cette différence en 48 et 66 ne veut pas dire qu’il y a une régression de la part de la communauté international dans son souhait de protéger les droits de l’homme car en effet, si la DUDH a pu être adopté en consacrant aussi bien des droits traditionnels que des droits sociaux c’est que les états savaient qu’elle n’avait pas de caractère obligatoire. Dès lors les états étaient plus enclins à accepter ce texte. En revanche, quand on passe à des traités, là les états souhaitent distinguer dans les relations internationales, les droits consacrés pour moduler leur engagement en termes de droits de l’homme.

Cette dualité (2 instruments juridiques) est une réalité dans la mesure où d’une part les droits sont dissociés en fonction de leur prétendu nature mais outre cette différence, les obligations des états varient, elles sont formulées de manière différente et surtout les systèmes de garantie initialement mis en place sont éloignés. Sur les garanties, pour le pacte international des droits civils et politiques, au niveau des garanties, l’organe qu’il faut citer est le comité des droits de l’homme qui est chargé de veiller au respect par les états parties de ce pacte. Et ce comité des Droits de l’Homme est composé de 18 experts, ce comité va être chargé de contrôler 2 choses : d’abord il va contrôler les rapports que les états parties lui remettent à intervalle régulier. Dans ces rapports les états font part de leurs avancées dans la protection des droits de l’homme. Le comité va ensuite donner des recommandations aux états. D’autre part, l’autre mission de ce comité est qu’il peut examiner ce qu’on appelle des communications individuelles en cas de violation par un état d’un droit consacré par le pacte. Sou certaines conditions, on peut aussi lui faire trancher un litige, le comité peut connaître d’un cas de violation par un état de ses obligations.

Pour le PIDESC, le comité est CODESC et il n’a qu’une mission : examiner les rapports étatiques qui lui sont périodiquement présentés.

Tout ce corpus de textes internationaux (DUDH et les 2 pactes) est appelé la charte internationale des droits de l’homme.

Il y a aussi des textes internationaux qui ont un objet spécifique. On rompt avec la logique abstraite et universelle parce que la réalité montre que certaines catégories de personnes ont besoin d’une protection spécifique parce qu’elles sont plus vulnérables. En outre, certains droits doivent bénéficier de garanties plus précises et particulières, leur proclamation générique ne suffisant pas à leur garantir une protection effective. Ainsi au fil du temps, les traités internationaux se sont concentrés sur des problèmes particuliers ou des groupes sociaux ayant besoin d’une protection particulière.

Ainsi donc, certains instruments internationaux de protection des droits de l’homme porte spécifiquement sur un objet ; ex : la convention internationale contre la torture adoptée en 1984. Aussi traités qui portent sur des populations particulières, public spécifique : la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1975 à la suite de quoi on a l’adoption de la convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes en 1979 et convention sur les droits de l’enfant en 1989.

  • Le droit pénal international

Il y avait eu au sortir de la Seconde Guerre Mondiale en réaction aux atrocités perpétrés, le procès de Nuremberg, les prémisses d’un droit pénal international qui consistait en la mise en place d’un tribunal militaire international chargé de juger les criminels de guerre des pays de l’axe. C’est en quelque sorte l‘ancêtre lointain des juridictions pénales internationales qui ont vu le jour à partir des années 90 afin de juger les auteurs de crimes gravissimes réprouvés par l’ensemble de la communauté internationale.

Il faut distinguer 2 catégories de juridiction : les juridictions régionales du fait de leur champ de compétence ; elles ne sont compétentes que pour juger un certain nombre de crimes qui concernent un conflit particulier. Juridictions temporaires car une fois que l’ensemble des criminels de guerre de ce conflit sont jugés, elles disparaissent. Ex : le tribunal pénal international de l’ex Yougoslavie qui a jugé les infractions les plus graves à conventions de Genève de 1949 et les crimes contre l’humanité qui ont eu lieu pendant la guerre de l’ex Yougoslavie. Aussi, le tribunal pénal international pour le Rwanda.

A côté de ces juridictions, il y a une juridiction pénale universelle et permanente : la cour pénale internationale à La Haye mis en place en 1998 par le traité de Rome et entrée en fonction en 2002. Elle est chargée de juger les auteurs de génocides de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre accomplis après son entrée en fonction. La compétence de La cour n’est que subsidiaire par rapport à celle des états. Dans le domaine pénal, les états vont être particulièrement attachés à leur souveraineté.

2. La protection régionale des Droits de l’Homme

  • Présentation des divers systèmes régionaux de protection des Droits de l’Homme

On a coutume d’identifier 3 systèmes régionaux de protection des Droits de l’Homme : le système américain, le système européen et le système africain. Ordre de leur apparition. Le système européen va prendre plus de place.

Le système régional européen de protection des droits de l’homme :

Il faut distinguer 2 Europe :

  • l’Europe : l’Union européen
  • l’Europe : le Conseil de l’Europe

Ce sont deux organisations internationales ; elles visaient un but proche qui était de garantir la paix et les progrès de la démocratie sur le continent européen, continent marqué par de nombreux conflits sur le plan humain et économique. Les moyens d’y parvenir différent : d’un côté le choix de l’interdépendance des économies nationales est fait tandis que de l’autre c’est celui de la promotion des valeurs communes au premier rang desquelles les droits de l’homme.

C’est à l’Europe des droits de l’homme (Conseil de l’Europe), que l’on va s’intéresser dans ce cours.

Il faut distinguer clairement 2 textes : le texte principal est la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CESDHLF) ; texte signé à Rome le 4 novembre 1950. Cette convention s’applique aux 47 états membres du Conseil de l’Europe. Ce texte consacre deux nombreux droits civils et politiques c’est à dire des libertés traditionnelles : liberté de pensée, d’expression, le droit à la vie etc. Ces droits sont garantis à toute personne résidant sur le territoire d’un état, partie à la convention, autrement dit quel que soit la nationalité de ce résident. Ex : un marocain qui se trouve en France réside sur un état partie à la convention donc bénéficie de la protection de la convention.

Donc le champ d’application personnel de ce texte est très vaste en revanche le champ matériel est plus restreint (il ne concerne que des droits civils et politiques) Ce qui caractérise ce système européen est la mise en place d’un mécanisme de protection très efficace grâce à la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui peut être saisi par toute personne, après épuisement des voies de recours en interne, si un état partie a violé ses droits reconnus par la convention.

A côté de ce texte, on a un autre texte ; la Charte Sociale Européenne. Il s’agit d’un traité mais un traité qui va reconnaître des droits exclusivement sociaux : droit à la santé, au logement, à l’emploi, droits reconnus aux travailleurs comme droit syndical etc. Adopté en 1961 et fut révisé en 1996 au terme d’un processus mis en place au sein du Conseil de l’européen pour relancer la protection des Droits de l’Homme et particulièrement celle des droits sociaux. Cette charte sociale européenne révisée remplace progressivement le texte initialement mais il faut que les états ratifient le nouveau texte pour abroger l’ancien texte. Un certain nombre d’états sont encore soumis à l’ancien texte comme l’Espagne ou la Grèce. Dans ces textes (61 ou 96), les états doivent choisir un certain nombre d’article sur lesquels ils s’engagent. Pour les droits sociaux, c’est un engagement à la carte, certains droits et pas d’autres. La protection est variable selon les états, ce n’est pas homogène. Il n’y a pas de véritable juge chargé de sanctionner le non-respect des engagements sociaux. Il existe un comité mais ce n’est pas un véritable juge comme le CEDH pour la protection des droits civils et politiques qui sont donc mieux garantis que les droits sociaux.

Le système régional américain de protection des Droits de l’Homme : le texte qui met en place ce système est la déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme signée à Bogota le 30 avril 1948. Quelques années plus tard on a un traité : convention interaméricaine des Droits de l’Homme qui de 1969 qui a une force juridique contraignante et ni le Canada ni les EU ne sont parties à cette convention. La conséquence est que c’est essentiellement un instrument latino-américain de protection des Droits de l’Homme. Cette convention, protège un certain nombre de droits de nature civil et politique et le respect de ces droits est assuré par une commission interaméricaine et une cour interaméricaine des Droits de l’Homme, ces commission et cour peuvent être saisis par les individus ;un individu qui s’estime victime par un état d’une violation des droits consacrés par la convention va pouvoir faire une requête devant la commission qui va tenter de régler le conflit avec l’état pour qu’il y ait fin de cette violation, si cette face de négociationn’aboutit la commission transmet à la cour interaméricaine qui va rendre véritablement un arrêt qui constate la violation des droits consacrés par l’état.

Les droits économiques, sociaux et culturels ont été introduits ultérieurement à ce système interaméricain de protection des Droits de l’Homme avec le protocole de San Salvador de 1999. Qui dit protocole, il s’ajoute à la convention mais il faut qu’il soit signé et ratifié de nouveau or ce texte est ratifié par un nombre moindre d’état que ne l’est la convention interaméricaine ;

S’agissant de la protection régionale africaine des Droits de l’Homme : elle date des années 80, en 1981 l’Afrique se dote d’une charte des Droits de l’Homme et des peuples qui consacre une diversité de droits : droits reconnus à l’individu, droits collectifs avec droits reconnus aux peuples notamment le droit du peuple ou des peuples à s’autodéterminer mais aussi le droit des peuples au développement. Depuis 2004, il y a eu l’entrée en vigueur d’un protocole, traité qui s’ajoute à la charte et qui met en place une cour africaine des droits de l’homme qui a des pouvoirs larges, instrument efficace pour la protection des Droits de l’Homme. Il existait une commission au départ qui avait des pouvoirs réduits. La compétence de la cour est facultative, un Etat n’est pas obligé de ratifier le protocole.

  • La régionalisation : vecteur ou frein à l’universalité des droits de l’Homme

Par rapport à l’universalité, le phénomène de régionalisation est assez ambivalent. Car la régionalisation est tout à la fois une étape vers l’universalisation, en ce qu’elle s’impose aux Etats ; elle permet de sortir de la sphère purement nationale de protection des Droits de l’Homme. Mais c’est aussi un rempart contre ce mouvement d’universalisation en ce que cette protection des Droits de l’Homme régionale permet de tenir compte d’éventuelles spécificités locales par rapport à des modèles des Droits de l’Homme que l’on prétend universels.

De ce fait, la régionalisation a été un relais juridique des critiques adressées à la visée, l’ambition universaliste des droits de l’Homme. Cette critique de l’universalité supposée des Droits de l’Homme a trouvé un terrain d’expression privilégié lors de la conférence de Vienne qui s’est tenu en 1993, c’est la conférence mondiale sur les Droits de l’Homme et à cette occasion, une thèse émerge qui consiste à affirmer que l’inclusion des Droits de l’Homme dans la culture européenne les rendrait non universalisable. Aussi, la conséquence de cette analyse est de dire que les autres cultures doivent produire leur propre version des Droits de l’Homme.

Ex : lors de cette conférence, est présentée la thèse des valeurs asiatiques, qui met l’accent sur le caractère holiste des sociétés asiatiques et qui les distinguerait précisément de la conception très individualiste qui prévaut en Europe en matière de Droits de l’Homme.

Des différences existent mais il faut rester vigilent sur la mise en exergue de telles spécificités culturelles dès lors que souvent on constate que lorsque se spécificités culturelles sont mis en avant, c’est pour restreindre la protection offerte aux droits fondamentaux. Dans la thèse asiatique, a été défendu, le fonctionnement consensuel des sociétés asiatiques et finalement ceci est un moyen de restreindre la protection offerte à des droits individuels qui sont des droits politiques notamment la liberté d’expression.

Cette conférence de Vienne au cours de laquelle émerge une forte critique, il est répondu clairement que les Droits de l’Homme sont indivisibles et interdépendants. «Tous les droits de l’Homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés». Référence à l’indivisibilité des Droits de l’Homme

Avec cette diversité des instruments de protection des Droits de l’Homme, on constate aussi une grande variété des droits reconnus.