Droits subjectifs : définition, sources, preuves

LES DROITS SUBJECTIFS

Les droits subjectifs sont les prérogatives que les individus peuvent exercer sous la protection de l’État, découlant du droit objectif. Ils se divisent principalement en deux catégories : les droits patrimoniaux, qui sont évaluables en argent (comme le droit de propriété ou les créances), et les droits extra-patrimoniaux, qui sont non-évaluables en argent (comme le droit à la vie privée ou les droits de la personnalité).

Les droits subjectifs naissent de situations concrètes : ils sont le résultat de certains actes ou événements et confèrent à l’individu un pouvoir d’action. Le Code civil établit que les droits subjectifs reposent sur deux principales sources : les actes juridiques et les faits juridiques

  I – Les sources des droits subjectifs

Les droits subjectifs trouvent leur origine dans deux sources essentielles :

  • L’acte juridique : un acte volontaire ayant pour objet de produire des effets juridiques.
  • Le fait juridique : un événement, volontaire ou involontaire, qui entraîne des conséquences juridiques sans que celles-ci aient été recherchées.

Ces deux types de sources doivent être distingués des actes ou faits purement matériels, qui n’ont pas de conséquences juridiques.

A) Les faits juridiques

Les faits juridiques sont des événements ou des comportements qui engendrent des conséquences juridiques indépendamment de la volonté des personnes impliquées. Ces faits peuvent être :

  • Involontaires, comme un accident ou une catastrophe naturelle, où les effets juridiques (ex : réparation du dommage) ne sont pas recherchés.
  • Volontaires, mais sans l’intention d’entraîner des conséquences juridiques précises (ex : en cas de responsabilité civile, une action imprudente qui cause des dommages oblige l’auteur à réparation, même s’il n’a pas voulu causer le préjudice).

Les faits juridiques produisent des droits subjectifs ou des obligations, sans que les effets juridiques aient été voulus par l’auteur.

B) Les actes juridiques

Les actes juridiques sont des comportements volontaires dont les conséquences juridiques sont voulues et recherchées par leurs auteurs. Contrairement aux faits juridiques, les effets juridiques des actes juridiques sont délibérément souhaités. On distingue plusieurs types d’actes juridiques :

  1. Actes unilatéraux : Ces actes sont réalisés par une seule personne et produisent des effets juridiques indépendamment de l’accord d’autres parties. Par exemple, un testament est un acte juridique unilatéral.

  2. Actes bilatéraux et multilatéraux : Ces actes résultent d’un accord entre deux ou plusieurs parties. Les actes bilatéraux englobent les contrats de vente, de travail, etc., tandis que les actes multilatéraux impliquent plusieurs volontés, comme dans la création d’une société.

Effets des actes et faits juridiques

Les actes et faits juridiques peuvent produire différents effets juridiques, parmi lesquels :

  • Création de droits et obligations : Par exemple, la signature d’un contrat de vente confère au vendeur et à l’acheteur des droits et obligations réciproques.
  • Modification de droits et obligations : Un contrat de travail peut être modifié par avenant.
  • Transmission de droits et obligations : En cas de décès, les droits et obligations d’une personne peuvent être transférés à ses héritiers.
  • Extinction de droits et obligations : Le paiement d’une dette éteint l’obligation de l’emprunteur envers le créancier.

Les droits subjectifs permettent aux individus de faire valoir leurs droits dans la société, encadrés par le droit objectif qui en assure la validité et la protection.

 

  II – La preuve des droits subjectifs 

La preuve des droits subjectifs concerne la démonstration de l’existence de droits individuels et subjectifs devant un tribunal. En matière de preuve, le système accusatoire et le système inquisitoire se distinguent selon la nature du litige et la procédure judiciaire.

A) Les systèmes de preuve : accusatoire et inquisitoire

  • En matière répressive (droit pénal) : La procédure est inquisitoire, ce qui signifie que le juge a un rôle actif dans la recherche de la vérité. Il réunit des éléments à charge et à décharge, assurant l’équité de l’enquête en rassemblant des preuves pour et contre l’accusé.

  • En matière non-répressive (droit civil) : La procédure est accusatoire, dans laquelle les parties sont responsables de la présentation de leurs preuves. Le juge joue un rôle de modérateur, examinant les preuves sans intervenir activement dans leur collecte.

B) L’objet de la preuve

L’objet de la preuve consiste en les éléments nécessaires pour établir l’existence d’un droit subjectif :

  1. Conditions légales : En droit civil, le droit objectif (ensemble des règles applicables) fixe les conditions nécessaires à l’acquisition d’un droit subjectif (ex : preuve d’un contrat de vente pour revendiquer la propriété d’un bien).

  2. Conditions contractuelles : Dans le cas d’un engagement contractuel, chaque partie doit démontrer les événements ayant créé leurs obligations respectives. Cela implique souvent de prouver l’existence d’un accord, d’une prestation, ou de la réalisation de conditions particulières prévues dans le contrat.

C) La charge de la preuve

Principe général de la charge de la preuve

Selon l’article 1353 du Code civil (anciennement 1315), « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » En d’autres termes, la partie qui invoque un droit doit fournir la preuve de son existence. Réciproquement, celui qui se déclare libéré de son obligation doit prouver qu’il s’est acquitté de sa dette ou que celle-ci a été éteinte par un autre moyen (paiement, remise de dette, etc.).

Ainsi, la charge de la preuve incombe généralement à la partie qui revendique un droit en premier.

Exceptions au principe de la charge de la preuve

Pour alléger la charge de la preuve, le Code civil prévoit certaines présomptions légales, par lesquelles le législateur établit des faits à partir de situations connues.

D) Les présomptions légales

Les présomptions légales permettent de faciliter la preuve en assumant la véracité de certains faits sans nécessité de démonstration directe. Il existe plusieurs types de présomptions :

  1. Présomptions simples

    • La présomption simple laisse la possibilité d’apporter une preuve contraire. Un fait connu permet de présumer l’existence d’un fait inconnu, sans pour autant interdire la contestation.
    • Exemple : Selon l’article 312 du Code civil, un enfant conçu pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère. Cependant, ce dernier peut contester cette paternité en justice s’il peut démontrer par des faits qu’il ne peut pas être le père de l’enfant.
  2. Présomptions irréfragables

    • Les présomptions irréfragables ne permettent aucune preuve contraire. Le fait présumé est considéré comme définitivement établi, et il est interdit de tenter d’en apporter la preuve contraire.
    • Exemple : En droit du travail, selon l’article L.1221-1 du Code du travail, si un contrat de travail à durée déterminée (CDD) n’est pas établi par écrit, il est automatiquement requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI). L’employeur ne peut contester cette requalification par une preuve contraire.

 III – Les modes/procédés de preuves 

Les modes de preuve désignent les moyens utilisés pour convaincre un juge de la véracité de faits allégués ou de l’existence d’une obligation juridique. Il existe cinq modes de preuve principaux : l’écrit, le témoignage, les présomptions, l’aveu et le serment.

Les modes de preuve se divisent en 2 grandes catégories :

  • Les preuves a priori (ou pré-constituées) : Ces preuves sont établies au moment de la formation de l’acte juridique. Elles comprennent surtout les écrits (actes authentiques et actes sous seing privé) et sont préparées pour servir en cas de litige futur. La pré-constitution de la preuve est notamment obligatoire pour les actes importants ou de grande valeur.
  • Les preuves a posteriori : Ces preuves sont apportées après la survenance d’un fait litigieux. Elles comprennent les témoignages, les présomptions de fait, l’aveu et le serment. Ces moyens de preuve sont souvent utilisés pour démontrer l’existence de faits juridiques (événements, comportements, situations) dans des cas où il n’était pas possible ou nécessaire de pré-constituer une preuve.

 A- La preuve constituée

La preuve constituée repose principalement sur l’écrit, qui est considéré comme une preuve préétablie, indispensable pour prouver un acte juridique. Le Code civil impose cette forme de preuve pour garantir la sécurité et la véracité des transactions, en particulier lorsque les engagements sont d’une valeur élevée.

Les catégories d’écrits en droit français

  1. L’acte authentique

    • Selon l’article 1369 du Code civil, l’acte authentique est un écrit rédigé avec le concours d’un officier public (notaire ou huissier). Ce dernier constate l’acte juridique entre les parties, assure la conservation de l’original et délivre des copies aux parties concernées.
    • Caractéristiques : La conservation de l’original et l’impossibilité de falsifier les copies font de l’acte authentique une preuve fiable. Toute tentative de falsification donne lieu à une procédure de faux (articles 1371 et suivants), visant à annuler ou à rectifier les documents en cas de litige.
  2. L’acte sous seing privé

    • Cet acte est rédigé par les parties elles-mêmes, sans recours à un officier public. La signature de chacune des parties atteste de leur consentement et de leur engagement. La date figurant sur l’acte sous seing privé a valeur de preuve uniquement entre les parties (article 1372).
    • Preuve de la date : Pour que la date d’un acte sous seing privé soit reconnue à l’égard des tiers, certaines conditions doivent être remplies :
      • Décès de l’un des signataires : la date est alors présumée valable.
      • Enregistrement de l’acte par l’administration fiscale, ce qui permet de lui donner date certaine.
      • Transformation de l’acte sous seing privé en acte authentique, par exemple en le faisant valider par un notaire.

Le principe de l’écrit obligatoire

L’article 1359 du Code civil impose qu’un acte juridique impliquant un engagement financier supérieur à un certain montant (fixé par décret) doit être prouvé par un écrit. En cas de litige, cet écrit constitue la preuve irréfutable de l’engagement des parties, sous réserve des conditions énumérées dans les articles suivants du Code civil.

Quand l’écrit est obligatoire

Certaines situations imposent la rédaction d’un écrit :

  • Contrats synallagmatiques (article 1375) : Lorsque deux parties prennent des engagements réciproques, il est nécessaire de rédiger un double original, signé par les deux parties, et de mentionner le nombre d’originaux.
  • Engagement unilatéral de payer une somme d’argent (article 1376) : Pour cet engagement, la loi impose une mention manuscrite de la somme due en chiffres et en lettres, rédigée de la main de l’engagé, afin de confirmer son consentement et d’éviter toute contestation future.

Les exceptions à l’obligation d’écrit

  1. Actes commerciaux (article L.110-3 du Code de commerce) : En matière commerciale, la preuve par écrit n’est pas toujours requise. Les actes de commerce peuvent être prouvés par tout moyen, sauf disposition contraire. Par exemple, un commerçant peut prouver un acte commercial par des témoins ou des présomptions de fait.

  2. Commencement de preuve par écrit (article 1362 du Code civil) : Lorsqu’il existe un début de preuve écrite, le juge peut autoriser l’utilisation d’autres moyens de preuve. Le commencement de preuve par écrit est un document qui émane de la partie contre laquelle il est invoqué et qui rend le fait allégué vraisemblable.

  3. Destruction de l’original (article 1360) : En cas de perte ou de destruction accidentelle de l’original, une copie fidèle et durable peut être admise comme preuve. Les copies numériques, sous certaines conditions de durabilité et de fidélité, sont également acceptées.

Ces dispositions montrent que la preuve par écrit est essentielle en droit français, notamment pour les actes juridiques de grande valeur. Cependant, le Code civil prévoit plusieurs exceptions et aménagements, en particulier en matière commerciale et lorsque l’original est détruit. La hiérarchie des écrits, entre acte authentique et sous seing privé, ainsi que les possibilités d’aménagement, garantissent la sécurité des transactions

 B- La preuve à posteriori 

La preuve à posteriori concerne la démonstration de faits juridiques, c’est-à-dire des événements ou des actes auxquels la loi attache des effets de droit (comme un accident ou une déclaration). Cette preuve s’appuie sur plusieurs moyens, chacun ayant ses caractéristiques et sa force probante.

1. Le témoignage

Le témoignage est la déclaration d’une personne qui relate des faits qu’elle a personnellement constatés (témoignage direct) ou qu’elle a appris par d’autres (témoignage indirect). Il peut être présenté sous forme écrite ou orale. Le témoignage est souvent utilisé dans les affaires civiles et pénales, mais il est soumis à l’appréciation du juge, qui évalue sa crédibilité et son impartialité.

2. Les présomptions de fait

Les présomptions de fait reposent sur une déduction faite par le juge. Celui-ci infère l’existence d’un fait inconnu à partir de faits connus et constatés. Par exemple, en matière de responsabilité civile, si des traces de freinage sont observées sur les lieux d’un accident, le juge peut en déduire qu’un des conducteurs a tenté d’éviter une collision.

Les présomptions de fait ne sont pas fixées par la loi, mais sont laissées à l’appréciation du juge. Elles jouent un rôle important lorsque la preuve directe des faits est difficile, voire impossible.

3. L’aveu

L’aveu est la reconnaissance d’un fait par la personne qui l’oppose. Il peut être fait de deux façons :

  • Aveu judiciaire : Formulé directement devant le juge, cet aveu est irrévocable et indivisible. Une fois effectué, il ne peut pas être rétracté. Par exemple, une personne qui avoue une dette en audience ne peut plus revenir sur cet aveu.

  • Aveu extrajudiciaire : Réalisé hors de l’audience, par écrit ou par oral, cet aveu est plus souple : il est rétractable et divisible, ce qui signifie que la personne peut revenir sur une partie de son aveu ou en modifier les termes. Le juge décide de la valeur probante de cet aveu extrajudiciaire.

4. Le serment

Le serment est l’affirmation solennelle d’une partie sur un fait qui lui est favorable. Il existe deux types de serment en droit français :

  • Serment décisoire : Ce serment est prêté devant le juge à la demande d’un plaideur. Il a un caractère contraignant, car il lie le juge et les parties. Si le serment est prêté, il met fin au litige ; si la partie refuse de le prêter, elle peut être désavantagée dans la décision du juge.

  • Serment supplétoire : Sollicité par le juge lorsqu’il existe un début de preuve, le serment supplétoire sert à appuyer la conviction du juge. Il est moins décisif que le serment décisoire et permet d’apporter une preuve supplémentaire, sans pour autant clore le débat.

Ces moyens de preuve à posteriori sont utilisés pour établir la véracité des faits en justice, chacun ayant une force probante spécifique. La preuve testimoniale, les présomptions, l’aveu et le serment sont évalués par le juge, qui apprécie leur valeur pour rendre une décision juste et équilibrée.

Ce cours d’Introduction au sciences juridiques est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, sources du droit, biens, contrat, organisation judiciaire française

 

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