Les conséquences de la location gérance du fonds de commerce

Les effets de la location gérance

La location gérance est un contrat par lequel une personne (le locataire gérant) s’engage à exploiter un fonds de commerce en son nom propre, moyennant le paiement d’un loyer et d’une rémunération au bailleur. Le locataire gérant a donc la responsabilité de gérer l’entreprise et de prendre les décisions nécessaires pour son bon fonctionnement, mais il n’en est pas le propriétaire.

La location gérance est souvent utilisée dans le cas où le propriétaire du fonds de commerce souhaite se retirer de l’exploitation de l’entreprise, mais souhaite maintenir son bien et en percevoir les revenus. Cela peut être également intéressant pour une personne souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat sans avoir les moyens de s’acheter un fonds de commerce.

  • Les dettes du loueur antérieures à la conclusion du contrat de location gérance

Le loueur reste unique est seul responsable des dettes existantes au jour de la conclusion du contrat. Cependant, la mise en location gérance peut présenter un danger pour les créanciers dans la mesure où leur débiteur n’exploite plus lui-même le fonds de commerce. C’est pour cette raison que l’article L144-6 du code de commerce assure la protection des créanciers antérieurs. Chaque créancier peut saisir le tribunal du commerce lors de la conclusion du contrat de location gérance pour faire déclarer que les dettes du loueur sont immédiatement exigibles si la mise en location gérance let en péril leur recouvrement. Il s’agit d’une déchéance du terme. Plusieurs remarques :

  • Le tribunal de commerce compétent est celui dans le ressort duquel se situe le fonds de commerce.
  • Le créancier doit agir sous peine de forclusion dans un délai de 3 mois à compter de la publicité de la mise en location gérance dans un journal d’annonce légale.
  • Le créancier doit rapporter la preuve que la mise en location gérance met en péril le recouvrement de sa créance.
  • Le tribunal de commerce dispose d’un pouvoir d’appréciation, il n’est pas obligé de prononcer la déchéance du terme.

 

  • Les situations respectives du loueur et du locataire gérant

L’article L144-2 du code du commerce, reconnait au locataire gérant la qualité de commerçant avec toutes les obligations qui en découlent. Le locataire gérant peut faire l’objet le cas échéant, d’une procédure de sauvegarde ou de redressement en liquidation en raison des difficultés de l’entreprise. D’ailleurs la mise en liquidation judiciaire met fin au contrat. La personnalité du locataire gérant présente une importance considérable dans ce contrat, par conséquent le contrat de location gérance est un contrat conclu intuitu personae. Le locataire gérant ne peut pas céder le contrat. Pour le reste, les rapports entre le loueur et le locataire gérant sont régis par le contrat. Le gérant doit respecter le mode d’exploitation du fonds de commerce et très souvent, le contrat l’oblige à verser un dépôt de garanti pour couvrir d’éventuelles dégradations. Pour les marchandises en stock, l’usage est que le gérant les prenne pour son compte et que le propriétaire les reprenne à la fin du contrat. Le contrat fixe les obligations financières du locataire gérant, il doit verser des redevances au loueur. Une partie de la redevance est fixe et une partie est proportionnelle au CA réalisé par le locataire gérant. Bien évidemment, le loueur a l’obligation de ne pas faire concurrence au locataire gérant et le contrat organise les conséquences de la fin du contrat. Par ex : si le locataire gérant avait créé des éléments nouveaux comme une enseigne, il doit le remettre au loueur à charge pour lui de verser une indemnité. Le gérant en fin de contrat peut en principe se rétablir dans un commerce similaire. Mais les clauses de non rétablissement sont fréquentes. En principe le locataire gérant ne peut pas prétendre à une indemnité en cas de non renouvellement du contrat. Le contenu du contrat de la location gérance est fixée par les parties et disposent d’une grande liberté.

  • L’opposabilité du contrat de location gérance à l’acquéreur du fonds de commerce

Le loueur conserve le droit de vendre le fonds de commerce ou de le donner en nantissement. Le problème, c’est que le contrat de location gérance est-il opposable à l’acheteur du fonds de commerce ? A priori la réponse est négative en raison du principe de l’effet relatif des conventions posé par l’article 1165 du CC, l’acquéreur du fonds de commerce est un tiers par rapport au contrat de location gérance et par conséquent, le contrat ne créé aucune obligation à sa charge. Quelques arrêts anciens tel qu’un arrêt de la CA de Rouen de 1827 avait admis que le contrat était opposable à l’acheteur afin de protéger me locataire gérant. L’article 1743 du CC, n’est d’aucun secours pour le locataire gérant. Ce texte permet au locataire d’un immeuble d’opposer son bail à l’acquéreur dès lors que le bail résulté d’un acte authentique ou certaine. Mais ce texte est réservé aux immeubles, la location gérance a pour objet un meuble, par conséquent, il faut en conclure que le contrat de location gérance n’est pas opposable à l’acquéreur du fonds de commerce. En pratique il n’y a pas de jurisprudence sur la question, car la pratique a imaginé deux possibilités pour éviter les difficultés :

  • Dans la majorité des contrats, il est stipulé que la location gérance prend fin de plein droit en cas d’aliénation du fond.
  • Il est possible de stipuler l’existence de la location gérance dans l’acte de vente de façon à faire agréer le locataire gérant par l’acheteur du fonds de commerce.

 

  • La situation du propriétaire de l’immeuble

Le fonds de commerce est exploité dans un local loué. La mise en location gérance du fonds de commerce ne constitue pas pour la jurisprudence une sous location. Le principe a été retenu par la 3ème chambre civile de la cour de cassation du 19 mars 2008. Cette précision est essentielle parce que l’article L145-1 interdit toute sous location. Elle peut conduire à la résiliation du bail, le bail peut interdire par une clause expresse qui oblige le locataire à exploiter personnellement le fonds. Le renouvellement du bail commercial doit être demandé par le propriétaire du fonds et non par le locataire gérant. Mais il s’agit là de la seule hypothèse où le locataire peut obtenir le renouvellement sans être immatriculé au RCS. Si le bail n’est pas renouvelé, l’indemnité d’éviction (indemnité qui est due au locataire en cas de non renouvellement du bail commercial sans motif), est versée au propriétaire du fonds de commerce et non pas au locataire gérant. Dans cette hypothèse, deux contrats coexistent de manière indépendante.

 

  • L’obligation aux dettes du gérant

L’article L144-2 du code du commerce reconnait la qualité de commerçant au locataire gérant. Le locataire gérant qui exploite le fonds de commerce à des risques et périls. Par conséquent, il est donc responsable de toutes les dettes nées après la conclusion du contrat de location gérance. Cependant, ce principe reçoit plusieurs exceptions :

  • Article L144-7 du code du commerce qui organise la responsabilité solidaire du loueur et du locataire gérant pour les dettes à l’occasion de l’exploitation du fonds jusqu’à la publication du contrat de location gérance et pendant un délai de 6 mois à compter de cette publicité. Cette responsabilité solidaire avait été imposée pour permettre au tiers de prendre connaissance du contrat de location gérance. Cet article est considéré comme étant un peu dépassé et la jurisprudence l’interprète de manière restrictive. La jurisprudence a considéré que la publicité visée par l’article c’est la publicité d’un extrait d’annonce légale. La jurisprudence applique l’article L144-7 au moment de la conclusion du contrat de location gérance, le texte ne s’applique pas en cas de renouvellement du contrat de location gérance : arrêt 16 janvier 1987.

L’article L144-7 utilise le verbe « contracter » par le locataire gérant mais ce terme ne doit pas être pris au pied de la lettre. La jurisprudence applique la solidarité à des dettes issues d’un contrat mais aussi à des dettes qui résultent d’une obligation légale.

La solidarité ne concerne que les dettes nécessaires à l’exploitation du fonds de commerce et la jurisprudence applique cette condition de manière stricte. Par exemple, sont nécessaires les dettes contractées à l’égard du fournisseur, les dettes liées aux salariés qui travaillent dans le fonds de commerce. En revanche les dettes qui sont propres au locataire gérant échappent à la solidarité ex : paiement des cotisations que le locataire gérant doit en vertu d’un régime volontaire de protection sociale.

Si toutes ces conditions sont réunies, le loueur et le locataire gérant sont solidairement responsables donc cela veut dire que le créancier peut exiger le paiement intégral de sa créance à n’importe lequel des deux. Le loueur qui a régulé le créancier dispose d’un recours contre son locataire gérant.

  • Le loueur est solidairement responsable avec le gérant du paiement de certains impôts et ceux sans limitation de durée. Ex : article 1184-3 du CGCT, organise une solidarité pour le paiement de tous les impôts directs qui sont dus à raison de l’exploitation du fonds.
  • Le loueur peut rester responsable sur le fondement du droit commun de la responsabilité s’il a entretenu une confusion entre son exploitation personnelle et l’exploitation du fonds donné en location gérance.
  • Si le contrat de location gérance n’est pas publié, le loueur reste responsable de toutes les obligations de son successeur, c’est une application pure et simple de l’article L123-8.

 

  • Le règlement des dettes à l’expiration du contrat

L’article L144-9 du code du commerce précise que la fin du contrat de location gérance, rend les dettes du locataire gérant immédiatement exigée. Cette déchéance du terme se produit de plein droit du seul fait que le contrat prenne fin. Les créanciers n’ont aucune action à engager devant le tribunal. La fin du contrat implique la restitution du fonds de commerce et du matériel par le locataire gérant mais elle n’entraine pas forcément la reprise du stock par le loueur en l’absence de stipulation expresse. D’un côté le gérant est responsable de toutes les dégradations et perte de valeur qui se serait produit pendant le contrat mais de l’autre toutes les améliorations sont acquises au loueur qui devra une indemnité que si le contrat le prévoit.