Effets et dissolution du mariage en droit musulman

Les effets du mariage en droit musulman

On a souvent considéré que l’islam avait par rapport à la situation antérieur amélioré la situation de la femme. Il y a certes dans le droit musulman une prééminence de l’homme mais désormais la femme peut avoir un patrimoine. Elle peut disposer d’une personnalité juridique, elle peut ester en justice.

a) Les obligations du mari dans le mariage

1. Le mari se voit imposer un devoir de cohabitation.

C’est au nom de ce devoir de cohabitation que le Code de la famille algérien dans son art. 53 permet à l’épouse de demander le divorce sur la base d’un certain nombre de motifs. Parmi ces motifs, il y a 4°, « pour condamnation du mari à une peine infamante privative de liberté, pour une période dépassant une année, de nature à déshonorer la famille et rendre impossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale », 5° « pour absence de plus d’un an sans excuse valable ou sans pension d’entretien ». Ce devoir de cohabitation est mentionné dans le Code marocain de la famille à l’art. 51, 1°. Il est précisé que ce devoir implique les bons rapports conjugaux, la justice, l’égalité de traitement entre épouses, la pureté et la fidélité mutuelle, la vertu et la préservation de l’honneur de la lignée.

2. Le devoir conjugal prend plusieurs aspects.

L’engagement du mari envers une seule femme, ce qui a été le cas de Mohamet envers sa première femme ou l’engagement d’Ali envers Fanny fille du prophète, étaient assez rares. Le droit pénal contemporain dans les pays du Maghreb sanctionne l’adultère pour les deux sexes. Cependant, en droit musulman, la polygamie est admise (pas la polyandrie). Il y a eu cependant une évolution nette quant à la polygamie dans deux cas. La Turquie, la République d’Attaturk (1923), a interdit la polygamie depuis 1926. La situation paraît cependant incertaine à la marge puisque la polygamie aurait subsisté dans certaines zones géographiques ou dans certaines couches sociales élevées. Il y a eu cette première interdiction et il y a eu une interdiction en Tunisie en 1957. Le début de l’art. 18 du Code du statut personnel tunisien dispose : « la polygamie est interdite », la suite de l’article prévoyant la possibilité d’un an de prison et d’une amende en cas de non respect de cette interdiction. Interdiction liée au président Bourguiba.

En revanche la polygamie reste permise en droit algérien, art. 8 du Code de la famille : « il est permis de contracter mariage avec plus d’une épouse dans les limites de la charia si le motif est justifié … ». Une ordonnance du 27 février 2005 a ajouté que l’époux doit s’il veut devenir polygame demander une autorisation de mariage au tribunal du lieu du domicile conjugal. Polygamie permise car beaucoup de veuves après l’indépendance de l’Algérie (éviter qu’elles tombent dans la prostitution). Polygamie tolérée au Maroc, art. 40, interdite dans certains cas. Art. 41 : « le tribunal n’autorise pas la polygamie dans les cas suivants ». Selon les art. Suivant, le tribunal peut autoriser la polygamie mais la première épouse est appelée à comparaître, la deuxième est informée du fait que son mari est déjà mariée, la première peut demander le divorce et reçoit une indemnisation que l’époux doit verser s’il veut se remarier. Le mari ne doit pas être adultère mais peut être polygame.

L’accomplissement du devoir conjugal. L’art. 23 du Code du statut personnel tunisien dispose que les deux époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume. L’art. 53 du Code de la famille algérien est plus précis : « l’épouse peut demander le divorce / 2° pour infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage / 3° pour refus de l’époux de partager la couche de l’épouse pendant plus de 4 mois ».

Le Code marocain comporte des dispositions assez proches, art 107 : « sont considérés comme vices rédhibitoires portant atteinte à la stabilité de la vie conjugale et permettant d’y mettre fin : 1° les vices empêchant les rapports conjugaux, 2° les maladies constituant un danger pour la vie de l’autre époux ou pour sa santé et dont on ne peut espérer la guérison dans le délai d’une année ». Art. 111 : « lorsque l’époux fait serment de continence à l’égard de son épouse ou s’il la délaisse, celle-ci peut en saisir le tribunal qui impartit à l’époux un délai de 4 mois. Passé le délai, et si l’époux ne revient pas résipiscence, le divorce est prononcé par le tribunal. »

3. Le mari doit partager également ses nuits s’il a plusieurs épouses. Il ne s’agit pas d’une sorte d’équivalence des rapports sexuels avec ses épouses. Il s’agit simplement de passer autant de temps avec chacune d’entre elles. Le temps est normalement décompté sur 24h mais le roulement peut se faire sur plusieurs jours. Ce principe de partage égal des nuits peut rencontrer des exceptions. La première exception est motivée par l’idée de sanction. La femme a désobéi donc le mari ne viendra pas passer la nuit chez elle. Deuxième exception : le mari vient de contracter un nouveau mariage. Les autres exceptions sont la maladie du mari et l’éloignement du mari.

4. Le quatrième devoir du mari est d’entretenir sa femme en lui fournissant de la nourriture, un logement et des vêtements. Ces différents éléments étant liés au train de vie de la maisonnée.

5. L’obligation de fournir à la femme des accessoires qui permettent à la femme de parfaire sa beauté : pommades, parfums, cosmétiques, khôl (qui permet de souligner les yeux).

6. Le mari doit s’abstenir de pratiquer des sévices sur sa femme mais les violences légères qui ne laissent pas de traces sont admises.

7. Le mari doit respecter un droit de visite pour ce qui concerne sa femme, elle a le droit de rendre visite à ses parents et a le droit de les recevoir.

b) Les obligations de la femme en droit musulman

1. La première obligation de la femme qui était prévue au départ était l’obéissance. La femme devait obéissance à son mari. Les codes de la famille contemporain ont commencé par reprendre cette obligation. Cette obligation a été abandonnée sauf pour ce qui concerne le Code de la famille algérien qui dans son art. 39 dispose : « l’épouse est tenue de : 1° obéir à son mari et de lui accorder des égards en sa qualité de chef de famille, 2° allaiter sa progéniture si elle est en mesure de le faire et de l’élever, 3° respecter les parents de son mari et ses proches ».

2. La femme doit habiter au domicile conjugal.

3. La femme doit être fidèle à son mari. La fidélité au mari n’impliquant pas le port du voile par exemple.

4. Solliciter l’autorisation du mari pour certains contrats.

5. S’occuper des soins du ménage si le mari ne peut fournir de domestique.

c) La dissolution du mariage en droit musuman

La dissolution du mariage correspond à différentes hypothèses. Il y a des hypothèses qui paraissent assez évidents : décès d’un conjoint, absence du mari, abjuration. Hypothèses plus complexes qui ont trait à la répudiation ou au divorce par consentements mutuels.

a) Le décès d’un des conjoints

En cas de décès de la femme, la doctrine présente des avis très divergents sur le point de savoir qui doit solder les frais funéraires liés aux obsèques de la femme. S’il y a décès du mari, la veuve est soumise à une retraite de continence dont la durée est fixée par le Coran à 4 mois et 10 jours. Au cas où la veuve serait enceinte, la retraite va jusqu’à l’accouchement. Elle peut ensuite se remarier. On a pu discuter le droit qu’aurait la veuve à la nourriture et au logement de la part de la famille du mari. Ces dispositions ont été reprises dans les codes contemporains et en particulier en droit algérien.

b) L’absence du mari

Les auteurs musulmans étaient partagés sur le délai à partir duquel l’absence pouvait justifier une demande de divorce de la part de la femme. Les codes contemporains se montrent assez précis.

c) L’un des époux devient l’esclave de l’autre

Le mariage est alors dissout. Il y a en effet l’idée selon laquelle les droits du propriétaire et les droits de l’époux sont incompatibles. On peut seulement épouser et rester l’époux de l’esclave qu’on ne possède pas. Il reste des esclaves en Mauritanie.

d) L’apostasie en droit musulman

Fait d’abjurer la foi islamique. L’apostasie est en principe sanctionnée de mort civile et elle était sanctionnée dans le Code pénal mauritanien de 1983 de mort. Selon ce Code pénal de 1983, l’apostat est autorisé à se repentir dans le délai de 3 jours. S’il ne le fait pas il est condamné à mort et ses biens sont confiés au Trésor. S’il se repent avant que la sentence soit exécutée, il peut être rétabli dans ses droits sous réserve d’une condamnation à une peine de prison ou à une amende.

e) La répudiation ou le divorce par consentement mutuel en droit musuman

Selon les spécialistes, un seul terme arabe, talak, désignerait à la fois la répudiation, le divorce par consentement mutuel et le divorce judiciaire.

La répudiation est en principe le fait du mari mais on a pu observer que chez les touaregs la possibilité de répudier le conjoint appartenait d’abord aux femmes. Mahomet avait organisé la répudiation de façon à renforcer les droits de la femme. Cette répudiation devait être une répudiation unique donc une répudiation qui pouvait être ensuite rétractée. Cette répudiation devait avoir lieu en dehors des périodes d’indisposition de la femme et avant la reprise des relations conjugales.

Cette répudiation entraînait pour la femme une retraite de continence et si l’un des conjoints mourrait pendant cette période de continence, l’autre participait à sa succession. Le lien n’était pas totalement rompu. Le mari pouvait à tout moment interrompre cette répudiation mais à l’expiration de la période de continence, le mari pouvait prononcer une deuxième répudiation. Si à la fin de la retraite de continence le mari n’a pas changé d’avis, le mariage est considéré comme dissout. Il en est de même si le mari prononce 3 répudiations successives.

Il y a en dehors de la répudiation la possibilité du divorce par consentement mutuel. Ce divorce par consentement mutuel implique théoriquement le versement d’une compensation par l’épouse.

Enfin, il y a le divorce judiciaire. Dans le droit musulman classique, le serment d’anathème permettait au mari un désaveu de paternité. Le mariage était dissout même si la femme démentait sous serment l’accusation d’adultère formulée par son mari. Dans ce droit musulman classique, le divorce était possible en cas de vice rédhibitoire, de castration du mari, pour inaccomplissement des obligations du mariage. On retrouve ces dispositions dans les codes contemporains et en particulier dans l’art. 53 du Code de la famille algérien.