Les effets du mariage : fidélité, assistance, communauté de vie…

QUELS SONT LES EFFETS PERSONNELS DU MARIAGE ?

Le mariage, tout en créant des liens de réciprocité et d’égalité entre époux, établit également un cadre juridique qui tempère l’exercice absolu des libertés individuelles. L’évolution des lois et des mœurs a permis de concilier les droits fondamentaux de chaque conjoint avec les obligations liées à la vie commune, rendant le mariage compatible avec l’indépendance. On distingue les rapports de réciprocité et d’égalité :

Les rapports de réciprocité créés par le mariage :

  1. Les devoirs réciproques des époux :Fidélité, assistance, et communauté de vie sont les devoirs fondamentaux imposés par le mariage (article 212 du Code civil). Ces obligations créent des limites nécessaires à l’individualisme, en favorisant l’équilibre conjugal et familial. Par exemple : Le devoir de cohabitation limite la liberté de fixer un domicile séparé et le devoir de fidélité moralement condamne des relations extraconjugales.

  2. Limites imposées à l’indépendance : Le mariage implique une prise en compte constante de l’autre. Si les époux conservent leur autonomie, certaines décisions individuelles, comme les dépenses importantes ou le choix de la résidence commune, doivent être prises d’un commun accord. Toutefois, ces limites sont proportionnées et visent à protéger l’intérêt supérieur de l’union et des éventuels enfants.

Les rapports d’égalité créés par le mariage :

  1. Abolition de la hiérarchie conjugale

    • Avant 1965, le mari exerçait une autorité légale sur son épouse, notamment en matière de choix du domicile, de gestion des biens, et de profession.
    • Aujourd’hui, le mariage repose sur une égalité stricte, permettant à chaque époux de conserver l’exercice de ses droits fondamentaux, tels que :
      • L’intégrité physique : Une femme peut décider seule de recourir à une IVG (Code de la santé publique). Chacun des époux peut choisir de subir ou non une opération chirurgicale.
      • La liberté professionnelle : Depuis 1965, chaque époux peut librement choisir de travailler ou non, ainsi que la nature de son emploi.
      • La liberté d’opinion et de vie : Les époux conservent la liberté de pratiquer un culte, d’adhérer à un syndicat, ou d’entretenir des relations personnelles.
  2. La tempérance des libertés par l’existence du mariage : Si le mariage n’abolit pas les libertés individuelles, il les tempère en exigeant qu’elles s’exercent dans le respect des devoirs conjugaux et de la vie familiale. Par exemple : L’exercice d’un loisir ne doit pas compromettre les obligations financières ou morales envers la famille.

Section I : Les rapports de réciprocité

Les rapports entre époux reposent sur des devoirs réciproques définis à l’article 212 du Code civil et enrichis par des évolutions législatives, notamment la loi du 4 avril 2006. Ces devoirs incluent la fidélité, l’assistance, la communauté de vie, et le respect. Ensemble, ils traduisent l’essence morale et juridique du mariage.

I. Le devoir de fidélité

Le devoir de fidélité est une obligation essentielle du mariage, consacrée par l’article 212 du Code civil. Il vise à préserver la confiance et l’exclusivité entre époux, en condamnant l’infidélité sous toutes ses formes.

  1. Infidélité matérielle :

    • Il s’agit d’un adultère au sens classique : la relation sexuelle avec une personne autre que son conjoint.
    • Bien que dépénalisé depuis la loi du 11 juillet 1975, l’adultère demeure une faute civile pouvant justifier un divorce pour faute.
  2. Infidélité morale ou intellectuelle :

    • Cette forme d’infidélité se manifeste par une complicité ou une connivence affective avec une tierce personne, excluant l’autre conjoint de la relation. On parle parfois d’« adultère intellectuel ».
    • Cette forme d’infidélité est plus difficile à prouver, mais elle peut être invoquée dans un cadre judiciaire si elle cause un préjudice manifeste au lien conjugal.

II. Le devoir d’assistance

Ce devoir moral d’assistance entre époux impose une aide mutuelle face aux épreuves de la vie quotidienne, qu’elles soient physiques, émotionnelles, ou matérielles.

  1. Nature de l’obligation :

    • L’assistance peut se traduire par des soins en cas de maladie ou un soutien moral dans les moments difficiles. Comme l’a décrit Carbonnier, c’est « le devoir d’apporter une tisane à son conjoint quand il est malade ».
    • Cette obligation reflète l’interdépendance des époux et le respect de leurs attentes mutuelles.
  2. Limitation des libertés personnelles :

    • Le devoir d’assistance implique que chaque époux exerce ses libertés dans le respect des attentes légitimes de l’autre. Par exemple :
      • Le droit de ne pas travailler est limité par la nécessité de contribuer aux charges du mariage.
      • Le temps consacré aux loisirs ne doit pas compromettre la vie commune.

III. L’obligation de communauté de vie

La communauté de vie est une obligation essentielle qui inclut à la fois une communauté de toit et une vie conjugale partagée.

  1. Fondements légaux :

    • L’article 215 alinéa 2 du Code civil impose une communauté de résidence, mais pas nécessairement de domicile.
    • Depuis la loi du 11 juillet 1975, les époux peuvent avoir des domiciles distincts, sans que cela supprime l’obligation de vie commune.
  2. Composantes de la communauté de vie :

    • Communauté de résidence :
      • La résidence correspond à la demeure habituelle des époux.
      • Le domicile, lieu principal d’établissement légal, peut être différent.
    • Relations conjugales :
      • L’obligation d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint est implicite dans l’obligation de vie commune. Un refus prolongé ou injustifié peut constituer une faute.
  3. Exception d’inexécution :

    • Un époux peut légitimement mettre fin à la vie commune si l’autre conjoint rend la cohabitation intolérable par son comportement fautif (violence, abandon, etc.).
    • Cependant, ce recours est risqué : si le juge estime que la séparation n’était pas justifiée, l’époux à l’origine de la rupture peut être sanctionné.

IV. Le devoir de respect

Le devoir de respect a été explicitement introduit par la loi du 4 avril 2006 sur les violences conjugales. Bien qu’il semble redondant avec d’autres obligations, il souligne l’importance de l’interdiction des comportements abusifs entre époux.

  1. Nature du devoir :

    • Le respect inclut l’absence de violence, qu’elle soit physique, morale, ou psychologique.
    • Ce devoir est une extension implicite des devoirs d’assistance et de fidélité.
  2. Critiques doctrinales :

    • Certains auteurs, comme Malaurie, considèrent cette disposition comme une « loi bavarde », estimant que le respect était déjà implicitement inclus dans les autres devoirs matrimoniaux.

En résumé, les rapports de réciprocité entre époux, basés sur les devoirs de fidélité, d’assistance, de communauté de vie, et de respect, reflètent l’essence même du mariage. Bien qu’ils évoluent en fonction des mœurs et des attentes contemporaines, ces devoirs restent des piliers fondamentaux de l’union conjugale, protégeant à la fois l’équilibre personnel et les droits des époux.

 

Section II : Les rapports d’égalité

Le mariage repose sur une relation d’égalité entre les époux, fondée sur des principes de codirection et de décisions conjointes concernant la vie familiale. Cette égalité se manifeste dans la direction de la famille et le choix de la résidence familiale, encadrés par les articles 213 et 215 du Code civil.

I. La direction de la famille

1. Principes fondamentaux

  • L’article 213 du Code civil dispose que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ».
  • Ce principe repose sur une codirection, garantissant une égalité stricte dans les décisions, qu’elles concernent la gestion matérielle ou morale de la famille.

2. Modalités de l’association des époux

  • La cogestion suppose le double consentement des époux pour les décisions importantes, qu’elles touchent à l’éducation des enfants, au logement, ou à la gestion des finances familiales.
  • Toutefois, la loi établit une présomption d’accord pour les actes usuels, notamment dans l’éducation quotidienne des enfants, afin d’éviter des blocages inutiles.

3. Difficultés en cas de désaccord

Lorsque les époux ne parviennent pas à s’accorder, des conflits peuvent survenir :

  • Blocage de la situation :

    • Chaque époux disposant d’un droit de veto, une décision unilatérale est impossible si l’autre s’y oppose. Cela peut conduire à une paralysie décisionnelle.
  • Solutions possibles :

    • La loi n’apporte pas de solution explicite, mais deux options s’en dégagent :
      • Maintien du blocage : La mesure envisagée est abandonnée.
      • Recours au juge : Le juge peut agir comme arbitre pour trancher le conflit, cette option étant généralement préférable.

II. Le choix de la résidence de la famille

1. Principe d’accord mutuel

  • L’article 215 alinéa 2 du Code civil impose que la résidence familiale soit choisie d’un commun accord entre les époux.
  • La résidence constitue une manifestation centrale de la direction de la famille, symbolisant à la fois la communauté de vie et les obligations matérielles des époux.

2. En cas de désaccord

  • La loi ne prévoit pas explicitement de recours judiciaire en cas de conflit sur le choix de la résidence familiale. Cependant, la pratique judiciaire a établi des solutions :
    • Le juge peut intervenir pour :
      • Fixer la résidence commune, dans l’intérêt de la famille.
      • Déterminer des résidences séparées, mais uniquement pour des motifs sérieux (violence conjugale, incompatibilité grave, etc.).

 

Section III : Les caractères et sanctions des obligations matrimoniales

Les devoirs entre époux, tels que la fidélité, la cohabitation, et l’assistance, sont d’ordre public. Leur violation peut entraîner des sanctions civiles et, dans certains cas, des sanctions pénales. Voici une analyse des caractères et des sanctions applicables en cas de manquement à ces devoirs.

I. Caractères d’ordre public

Les obligations du mariage sont d’ordre public, ce qui signifie qu’aucune convention entre époux ne peut les supprimer ou les modifier, sauf dans des cas strictement encadrés par la loi.

1. Nullité des pactes contraires

  • Les pactes d’infidélité (accords permettant l’adultère) et les pactes de séparation amiable (renonçant à l’obligation de cohabitation hors divorce ou séparation de corps) sont frappés de nullité.
  • En revanche, de tels arrangements peuvent être pris en compte dans le cadre d’une instance de divorce ou de séparation de corps.

2. Modification judiciaire des devoirs conjugaux

  • En dehors de toute procédure de divorce ou séparation de corps, le juge peut ajuster les obligations conjugales pour des raisons graves, telles que :
    • Retrait de l’autorité parentale à un époux.
    • Exemption de l’obligation de cohabitation pour l’époux victime de violences conjugales (article 221-1.3 du Code civil, introduit par la loi du 26 mai 2004).

3. Violences conjugales et mesures de protection

  • La loi du 4 avril 2006 sur les violences conjugales permet de protéger la victime en imposant des restrictions au conjoint violent. Ces mesures peuvent être :
    • Demandées par le ministère public dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites.
    • Proposées dans une composition pénale.
    • Imposées par un juge d’instruction (contrôle judiciaire), une juridiction de jugement, ou un juge de l’application des peines.
  • Ces mesures incluent l’interdiction pour l’époux violent de :
    • Résider au domicile conjugal.
    • S’approcher du conjoint ou de rôder autour de la résidence.

4. Impact des arrangements hors cadre légal

  • Les accords non conformes à la loi, bien qu’invalides, peuvent influer sur l’évaluation des fautes lors d’un divorce ou sur la répartition des responsabilités.

II. Sanctions des manquements des obligations familiales

Les sanctions varient selon la nature du manquement, qu’il s’agisse de violations pénales ou civiles.

1. Sanctions pénales

  • Adultère :
    • L’adultère a été dépénalisé par la loi du 11 juillet 1975, mais il reste une faute civile en matière de divorce.
  • Abandon de famille :
    • Constitue un délit lorsqu’un époux abandonne la résidence familiale sans motif grave, pendant plus de deux mois, en laissant des enfants ou une épouse enceinte sans soutien (Code pénal).
    • Depuis le 1er mars 1994, ce délit est limité aux cas de manquement à une obligation pécuniaire, comme le non-paiement de la pension alimentaire.

2. Sanctions civiles

  • Exécution forcée :

    • L’exécution forcée en nature des devoirs conjugaux est exclue.
    • Toute contrainte, directe (astreinte) ou indirecte, porterait atteinte à la liberté individuelle.
  • Divorce pour faute :

    • Un époux peut demander le divorce pour faute si l’autre manque gravement et de manière répétée à ses obligations (fidélité, cohabitation, assistance).
    • Cependant, un pacte d’infidélité ou un accord de séparation amiable peut retirer à l’adultère ou à l’abandon son caractère fautif.
  • Dommages et intérêts :

    • L’époux fautif peut être condamné à réparer le préjudice moral causé à son conjoint (article 1240 du Code civil).
    • Les fautes pouvant justifier une réparation incluent l’infidélité, le délaissement, ou un comportement égoïste.
    • La Cour de cassation exclut cependant la responsabilité civile des tiers (comme un complice de l’adultère).
  • Déchéance de certains droits :

    • L’époux qui abandonne la résidence conjugale sans motif légitime ne peut pas demander à l’autre de contribuer aux charges du mariage.
    • En cas de comportement fautif (ex. adultère ou abandon), l’époux peut perdre les avantages patrimoniaux reçus de son conjoint (comme une donation), sur le fondement de l’ingratitude.

En résumé, les obligations du mariage sont protégées par des principes d’ordre public, rendant nuls les arrangements contraires. Les sanctions peuvent être civiles ou pénales, et visent à préserver les droits des époux tout en garantissant l’équilibre de l’institution matrimoniale. Le divorce pour faute, les dommages et intérêts, et les mesures de protection contre les violences conjugales traduisent l’évolution de ces dispositions vers un respect accru des droits individuels.

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