Les éléments extrinsèques constitutifs de l’infraction

Les éléments extrinsèques de l’infraction

On distingue les éléments extrinsèques et intrinsèques de l’infraction. Dans ce chapitre, on étudie uniquement les éléments extrinsèques de l’infraction.

  • Les éléments intrinsèques de l’infraction sont ceux qui définissent la nature de l’infraction elle-même, c’est-à-dire la conduite prohibée par la loi. Ils comprennent généralement l’élément matériel (l’action ou l’omission qui constitue l’infraction), l’élément intentionnel (la volonté de commettre l’infraction) et l’élément légal (la violation d’une loi particulière).
  • Les éléments extrinsèques de l’infraction sont ceux qui se situent en dehors de l’infraction elle-même, mais qui sont nécessaires pour établir qu’une infraction a été commise. Ils comprennent généralement les circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise, les conséquences de l’infraction et la responsabilité personnelle de l’auteur de l’infraction.

 

Les éléments extrinsèques, ce sont des éléments particuliers dans la mesure où on ne les inclut pas dans les éléments constitutifs de l’infraction. Les deux éléments de cette catégorie sont :

o la condition préalable

o les circonstances aggravantes

Pour un grand nombre de crimes ou de délits, une situation matérielle doit leur préexister : par exemple, en matière de vol, il faut que la chose soustraite appartienne à autrui. Cette condition préalable délimite le domaine dans lequel l’infraction peut se commettre : cet évènement n’est pas forcément illicite, dans la mesure où il préexiste à l’acte infractionnel tout en étant indispensable à sa constitution.

Cela signifie que cet élément doit être examiné par le juge, quand bien même il n’est pas le fait de l’auteur poursuivi. Cet élément peut être de nature pénale, mais également appartenir à une autre branche : le cas échéant, en principe, sa preuve doit être établie selon les modes admis par la matière dont elle dépend. C’est notamment le cas de l’abus de confiance, qui suppose l’existence d’un environnement contractuel, ce qui sera prouvé d’après les règles civiles ou commerciales selon la nature du contrat.

 

TCorr. Paris, 14 janvier 2009 (affaire des hormones de croissance) : le Tribunal a considéré qu’on ne pouvait pas poursuivre les médecins pour délit de tromperie puisqu’il n’y avait pas de contrat entre les victimes et les prévenus.

 

Il peut arriver que la preuve puisse se faire indépendamment de la branche du droit dont elle dépend : c’est notamment le cas du délit de banqueroute, dont la condition préalable est l’existence d’une cessation des paiements. Cette dernière est définie par le Code de commerce comme « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ». En vertu du principe de l’autonomie du droit pénal, le juge pénal peut choisir une date de banqueroute différente de celle choisie par le tribunal de commerce (Cass. Crim, novembre 1991).

 

Lorsqu’elle relève du droit pénal, la condition préalable va être analysée en fonction des dispositions pénales. Par exemple, le recel de chose ne peut exister que si un crime/délit a été préalablement commis. Dans toutes les poursuites pour recel, les juges vont donc devoir démontrer qu’il y a eu une infraction à l’origine : si le voleur a été puni, la preuve sera facile à apporter, mais en l’absence de condamnation, il leur faudra prouver l’infraction.

Cass. Crim., 3 avril 1995 : le Canard Enchaîné va publier des feuilles d’imposition de Jacques Calvet, alors président de Peugeot-PSA, sur son augmentation de revenus. Les journalistes du Canard Enchaîné ont été poursuivis pour recel de violation du secret fiscal, mais ces derniers ont refusé de donner leur source. Or la violation du secret fiscal suppose que l’infraction ait été commise par une personne tenue au secret fiscal. Ils ont cependant été condamnés : la Cour de cassation a considéré que ces documents n’avaient pu être obtenus que par une violation du secret fiscal, ce qui a causé une grande polémique.

La CEDH a condamné la France en considérant qu’on ne pouvait pas condamner des journalistes pour recel de documents qui vérifient la véracité de leurs propos. La Cour de cassation a depuis changé sa jurisprudence en allant dans ce sens, permettant ainsi aux journalistes de taire le nom de leurs sources sans être poursuivis pour recel.

 

Cette conditio préalable est importante car elle va permettre de différencier le délit de risque causé à autrui (qui suppose la violation d’une obligation légale ou règlementaire de prudence) du délit d’imprudence (qui suppose la violation d’une obligation générale de prudence).

La Cour de cassation a précisé que la plupart des dispositions du Code de la route étaient des dispositions particulières de prudence, dont la méconnaissance permettre des poursuites sur fondement de l’article 223-1 du Code pénal.

 

  • b) Les circonstances aggravantes

 

Les circonstances aggravantes son des faits exhaustivement énoncés par la loi, et qui entraînent une aggravation de la peine. Elles se distinguent des éléments constitutifs dans la mesure où la non-existence d’une de ces circonstances n’a aucune influence sur la constitution du crime ou du délit. Dans chaque espèce, il va appartenir aux juges du fond de caractériser l’infraction, puis de… Il y a deux catégories de circonstances aggravantes :

o les circonstances aggravantes personnelles, qui tiennent à la personnalité du délinquant et comprennent notamment:

  • la récidive, qui va permettre à une personne ayant déjà été condamnée d’être condamnée à une peine plus lourde
  • la qualité professionnelle de la personne poursuivie : si un fonctionnaire commet un vol dans l’exercice de ses fonctions, la peine encourue est plus lourde
  • la qualité d’ascendant légitime, naturel ou adoptif de l’auteur, ou le fait d’avoir autorité sur la victime. La jurisprudence établit une différence entre l’autorité légale (issue de la loi, accordée aux pères, mères et curateurs) et l’autorité de fait (issue de la situation de la personne poursuivie, qu’il faut démontrer)
  • CA Toulouse, 8 septembre 2008: la circonstance aggravante d’autorité de fait a été étendue lorsque les violences sont commises par un concubin, mais également par un partenaire pacsé. L’article 132-80 du Code pénal, introduit par la loi de 2006, a étendu le domaine de cette circonstance aggravante aux faits commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire de PACS. La même loi précise que les dispositions sont applicables dès lors que l’infraction a été commise en fonction des relations ayant existé entre l’auteur et la victime.

o les circonstances aggravantes réelles, qui vont tenir soit aux faits, soit à la qualité de la victime. Cette dernière peut concerner la vulnérabilité, qui doit être connue par l’auteur des faits ou bien visible, ou bien la qualité professionnelle (magistrat, avocat, personne dépositaire de l’autorité publique). Quant aux faits matériels, ils sont énumérés par les articles 132-70 à 132-75 du Codé pénal, et on va définir :

  • l’usage d’une arme
  • l’effraction
  • l’escalade

 

La distinction entre les deux types de circonstances aggravantes ont des conséquences juridiques : les circonstances aggravantes personnelles ne s’étendent pas aux complices, contrairement aux circonstances aggravantes réelles. On dit que le complice encourt la responsabilité de toutes les circonstances qui caractérisent l’acte poursuivi, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci aient été connues de lui.