Empoisonnement et administration de substances nuisibles

L’empoisonnement et l’administration de substances nuisibles :

Ce sont des infractions qui sont définies respectivement aux articles 221-­5 et 222-­15.

  • article 222-15 du code pénal : L’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui est punie des peines mentionnées aux articles 222-7 à 222-14-1 suivant les distinctions prévues par ces articles. Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à cette infraction dans les mêmes cas que ceux prévus par ces articles.
  • articles 221-­5 du code pénal : Le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement. L’empoisonnement est puni de trente ans de réclusion criminelle. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis dans l’une des circonstances prévues aux articles 221-2, 221-3 et 221-4. Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue par le présent article.

Pour en savoir plus sur l’empoisonnement et l’administration de substances nuisibles en droit pénal français, vous pouvez consulter les articles suivants :

Elles fonctionnent sous le même rapport que le meurtre et les violences. Leur création n’a pas été simultanée : l’administration de substances nuisibles est récente par rapport à l’empoisonnement. L’empoisonnement est une très vieille infraction. Le Code Pénal n’a jamais assimilé l’empoisonnement au meurtre.

L’empoisonnement fait l’objet d’un traitement aggravé par rapport à l’incrimination de meurtre. Les causes de cette aggravation sont criminologiques et remontent à une époque où l’empoisonnement étaient particulièrement redouté en raison de son caractère dissimulé. Pendant très longtemps l’empoisonnement était particulièrement difficile à découvrir compte tenu de la faiblesse des connaissances toxicologiques : jugement de réprobation morale beaucoup plus grand que pour le meurtre.

Il s’en est suivi une incrimination spécifique. Elle n’a jamais été remise en cause depuis. Cette spécificité de l’empoisonnement a, encore aujourd’hui, été avancée dans certaines affaires pour défendre son application là où le meurtre n’aurait pas pu l’être : affaires du sang contaminé.

L’administration de substances nuisibles est une infraction qui date de 1832. Elle a été créée pour combler une carence répressive : hypothèses où le geste de l’auteur n’était punissable ni au titre d’un empoisonnement, ni au titre des atteintes volontaires à l’intégrité physique.

Ex : auteur administre des substances non mortelles (l’empoisonnement exige la capacité mortelle des substances), mais nuisibles. Le texte exigeait à l’époque des coups pour l’atteinte à l’intégrité physique.

&1 : La constitution des infractions d’empoisonnement et d’administration de substances nuisibles

Le législateur s’est interrogé sur la nécessité de maintenir une incrimination spécifique pour le crime d’empoisonnement distinct du meurtre.

  • A) La constitution matérielle :

Nous allons distinguer entre l’acte et le résultat.

a) L’acte infractionnel :

Pour l’empoisonnement et l’administration de substance nuisibles, l’acte est identique. Quant au crime d’empoisonnement, c’est l’emploi ou l’administration de substance de nature à donner la mort.

Ce sont des éléments analysés de la même façon, le même acte matériel.

Le caractère commun tient à la matérialité. Les mots « emploie » et « administrations « sont considérés par le juge pénal comme revoyant nécessairement à un acte positif. C’est là le principal caractère qui défini ces actes, il ne peut y avoir d’empoisonnement par omission.

En revanche, n’importe quel acte positif est susceptible de constituer un empoisonnement, la forme de l’administration importe peu. Il y a l’imprégnation de la peau, boire une substance, respirer un gaz…

La jurisprudence est allée plus loin en estimant qu’il importe peu que l’auteur est administré le poison dès lors que l’initiative lui en revient, si l’administration a été faite par un intermédiaire de bonne foi.

Peu importe que se soit la victime elle­-même qui s’ingère le poison.

Quant à l’objet de l’administration :

Il n’y a d’empoisonnement possible que si les substance sont de nature donner la mort de façon objective, toxicologique et aussi en fonction de la victime. Ce qui compte, c’est que cette substance ait été de nature à causer la mort de la victime. Le critère du crime d’empoisonnement, c’est le caractère mortel, peu importe que l’individu en est réchappé.

En revanche, dès lors que nous sommes en présence de substances incapables de donner la mort on n’est plus dans le domaine de l’empoisonnement, mais des Administrations de Substances Nuisibles.

Il peut s’agir d’un poison liquide, solide, gazeux, des microbes, un virus.

b) Le résultat :

Les infractions sont résolument différentes, il faut distinguer l’empoisonnement et l’administration de substances nuisibles.

Une particularité de l’empoisonnement est l’indifférence au résultat :

1) L’indifférence au résultat dans l’empoisonnement :

C’est une singularité historique du crime d’empoisonnement cause de sa distinction d’avec le meurtre qui tient au fait que le crime d’empoisonnement n’exige pas que la victime soit décédé des suites de l’administration dont elle a fait l’objet.

Selon l’article 221-­5 du Code pénal : »le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi de substance de nature à donner la mort constitue un empoisonnement ». Il n’exige pas la mort, ce qui est puni, c’est le simple acte de donner des substances de nature à donner la mort. L’infraction est consommée pleinement par l’acte d’administration. C’est une différence fondamentale avec le meurtre, car le meurtre requiert la mort de la victime.

L’empoisonnement est le modèle de l’infraction formelle par opposition à l’infraction matérielle qui exige le résultat.

2) L’exigence d’un résultat :

L’infraction n’existe que s’il est constaté une atteinte à l’intégrité physique de la victime. Cette atteinte s’entendant comme une Incapacité Totale de Travail.

  • B) La constitution intellectuelle :

Il est acquis que ces infractions sont « intentionnelles » au sens où il est impératif que l’auteur ait agi volontairement, c’est à dire en connaissance du caractère mortel ou nuisible des substances qu’il administrait. A défaut, c’est un comportement involontaire qui ne peut pas être poursuivie du chef de ces infractions.

faut­-il que l’auteur ait voulu le résultat occasionné par son geste ? faut­-il que l’auteur en plus d’avoir l’intention,la volonté du résultat,

Pour l’empoisonnement, faut­-il qu’il ait voulu tuer, et pour l’Administration de Substance Nuisible, vouloir causer des troubles ?

On est en présence de réponses différentes selon les catégories :

­ Pour l’empoisonnement, la doctrine constatant le caractère formel du crime d’empoisonnement en a conclu que l’élément intentionnel de ce crime se suffisait du caractère volontaire du comportement sans exiger que l’auteur ait en plus voulu la mort de la victime par son geste. Cette analyse procède de la constitution matérielle du crime d’empoisonnement. Il faut savoir s’il voulait administrer les substances mortelles.

Dans les affaires du sang contaminé, on constatait que des personnes avaient décidé d’administrer du sang contaminé en connaissance de cause à des transfusés. La doctrine considère que se fait suffisait à caractériser l’élément moral de l’empoisonnement et qu’il n’était pas nécessaire de se demander si les auteurs avaient eu l’intention de tuer, car le crime d’empoisonnement ne comporte pas l’intention de tuer, mais d’administrer des substances mortelles.

Des poursuites pour empoisonnement ont été ainsi engagées.

Parallèlement, la Chambre criminelle dans une autre affaire plus ponctuelle à eu l’occasion de préciser le contenu de l’élément moral de l’empoisonnement dans un arrêt du 2 juillet 1998. Un individu avait transmis le virus du SIDA à sa compagne alors qu’il était pleinement informé de sa contamination et qu’il l’avait caché à celle­-ci. Il a été mis en examen pour empoisonnement. La Chambre d’accusation avait approuvé cette mise en examen au motif que l’élément moral du crime d’empoisonnement était constitué, se caractérisant : »par le fait de vouloir transmettre des substances mortifères en connaissance de cause.

La Chambre criminelle a cassé l’arrêt de la Chambre d’accusation au motif que « la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser une intention homicide ». Elle adopte une autre conception de l’élément moral de l’empoisonnement, il faut qu’il ait eu conscience de son acte et qu’il ait voulu causer la mort de la victime.

La Chambre criminelle raisonne avec a volonté d’un résultat alors que ce n’est pas un élément constitutif du crime d’empoisonnement. Critique de la doctrine.

C’est sur le fondement de cette décision que l’ensemble des poursuites pour empoisonnement parallèlement engagé dans l’affaire du sang contaminé ont été abandonnées.

La CJR dit qu’il faut intention de tuer et volonté de tuer, relaxe sur le crime d’empoisonnement et poursuite sur le crime d’homicide involontaire.

­ Pour ASN ( Administrations de Substances Nuisibles), n’exige pas la recherche d’un résultat alors même que l’infraction comprend un résultat dans ses éléments constitutifs. Ce n’est jamais que la transposition de la jurisprudence sur les atteintes à l’intégrité physique qui tient au fait qu’il serait impossible dans la très grande majorité des cas de déterminer le résultat exact recherché par l’auteur. Il faut raisonner en termes d’ITT.

&2 : La répression des infractions d’empoisonnement et d’administration de substances nuisibles

Le régime :

La seule particularité est l’impossibilité d’appliquer ces infractions aux personnes morales. Même solution que pour les atteintes à la vie, l’infraction n’est punissable que pour l’empoisonnement et pas pour l’ Administration de Substances Nuisibles..

Les peines :

L’empoisonnement fait l’objet d’une peine de droit commun de 30 ans de réclusion, ce qui concerne un alignement répressif sur le meurtre depuis le Code pénal de 1992. Il connaît les mêmes causes d’aggravations que le meurtre.

Pour les infractions d’ Administration de Substances Nuisibles, ce sont les mêmes peines que pour les violences volontaires.