L’atteinte à la Vie par Empoisonnement
Infraction ancienne, prévue à l’article 221-5 du Code pénal.
Cette infraction a toujours été traitée à part, même dans l’ancien Code pénal, en raison du procédé particulier utilisé par l’auteur, manifestant un certain particularisme au plan criminel. Il utilise un procédé astucieux, lâche. On a toujours considéré que celui qui empoisonne est plus blâmable. Donc l’infraction de meurtre et l’infraction d’empoisonnement sont distinctes. Peine de base dans l’ancien Code pénal pour l’empoisonnement : peine de mort. Alors que pour le meurtre c’était la réclusion criminelle à perpétuité.
En 1981, lorsque la peine de mort a été supprimée, l’empoisonnement est descendu d’un cran dans la hiérarchie des peines, elle est devenue une infraction en termes de peine équivalente au meurtre. De ce point de vue de la peine, l’empoisonnement a perdu sa spécificité, et même s’agissant de ses éléments constitutifs.
La Cour de cassation, par une jurisprudence contestable, va considérer que l’empoisonnement est une variété de meurtre, ce qui nous amène à nous demander à quoi sert cette qualification, alors qu’elle aurait pu trouver un nouvel intérêt. Il y avait de grande potentialité pour la qualification à travers d’évènements sociaux malheureux : la contamination par le VIH, la contamination lors de chaine alimentaire lors de circonstances qui pouvaient s’apparenter à des empoisonnements. La Cour de cassation n’a pas saisi l’opportunité de cette qualification, elle utilise une qualification plus basse. D’un point de vue pratique, cette infraction ne représente plus rien.
Paragraphe 1 : L’élément matériel
Le texte dispose « le fait d’intenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort constitue un empoisonnement ». Il est puni de 30 ans de réclusion criminelle, à perpétuité lorsqu’il est commis dans une circonstance aggravante du meurtre, applicables à l’empoisonnement.
Le législateur incrimine un procédé particulier : « l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort ». On observe ensuite que le texte ne fait pas tellement référence à un résultat, et encore moins à un lien de causalité. C’est logique car nous sommes dans le cas d’une infraction formelle, ce qui la caractérise est que le résultat n’est pas un élément de la consommation de l’infraction.
1) L’acte
L’acte c’est l’emploi ou l’administration de substances de nature à entrainer la mort. Dans cet acte, il y a deux éléments : l’acte lui-même, mais cet acte doit porter sur un objet particulier : la substance mortifère ou léthifère.
2) La substance mortifère ou léthifère
On peut utiliser deux méthodes pour appréhender cette notion : définir objectivement une substance de nature à entrainer la mort, tenté de tenir compte de la victime : définir subjectivement cette substance.
- Définition objective
A priori, la substance visée par le texte est une substance qui objectivement doit être dotée du pouvoir de donner la mort. C’est donc ce que l’on peut appeler le pouvoir causal de la substance qui est déterminant. Ou bien la substance à objectivement le pouvoir de donner la mort ou elle ne l’a pas. C’est ce qui permet d’osciller entre les deux qualifications. Dans cette perspective, il va de soit que cette appréciation in abstracto conduit à ne pas tenir compte de la victime puisque c’est la substance que l’on apprécie en elle-même.
Dans cette perspective, si une substance objectivement mortifère est administrée à une victime, mais que cette substance se révèle sans effet sur la victime, parce qu’elle est immunisée, il n’y a pas a priori d’empoisonnement consommé, mais on peut au moins envisager une tentative d’empoisonnement.
A l’inverse, lorsqu’une substance n’est pas objectivement mortelle mais provoque malgré tout le décès de la victime en raison d’une particularité de cette dernière a priori et parce qu’on est dans la définition objective, on devrait conclure que l’empoisonnement n’est pas applicable parce que la substance in abstracto n’est pas de nature à donner la mort. A partir de là, où bien l’auteur n’a pas eu l’intention de tuer, on va s’orienter vers l’infraction d’administration de substances nuisibles. Où bien l’auteur avait l’intention de tuer, il a administré une substance non mortelle dans le but de tuer autrui. Si je savais qu’autrui était sensible, et qu’on estime, car on apprécie objectivement, que l’empoisonnement n’est pas applicable, on se dirige vers le meurtre.
On se réfère à une liste des substances mortifères, des poisons. On trouve des listes de substances qualifiées de poisons dans le Code de la santé publique. Cette façon de faire a été complétée par la jurisprudence dans une approche objective. Une substance peut être mortifère car elle est contenue dans une liste de poison mais il est possible aussi que la substance soit objectivement mortelle en raison des circonstances de son utilisation. Notamment, il a pu être jugé que des allumettes phosphoriques ne sont pas sur une liste des poisons mais elles peuvent devenir des substances de nature à provoquer la mort dès lors qu’on procède à une infusion de celles-ci. Donc même dans le cadre d’une approche objective de la substance on peut qualifier soit par référence à une liste soit par une utilisation objective de la substance pour qualifier de substance mortifère et donc d’empoisonnement.
- Définition subjective de la substance
Les exemples que l’on trouve en jurisprudence concernent une prise en considération moindre de la victime mais de la croyance de l’auteur. Une personne croit au pouvoir mortel d’une substance, qu’il administre dans le but de tuer, à autrui. Il n’y a certainement pas empoisonnement consommé, puisque la substance n’est pas de nature à donner la mort, a produit aucun effet. Peut-on au moins envisager qu’il y ait ici tentative d’empoisonnement ? On distingue ici deux situations : l’impossibilité était relative ou l’impossibilité était absolue.
- Si l’impossibilité était relative, l’agent a mal utilisé par exemple la substance, elle aurait pu être mortelle mais elle ne l’a pas été car l’auteur a mal dosé, a mal préparé. De ce point de vue, certes l’empoisonnement consommé ne peut pas être retenu mais le fait d’avoir administré une substance qui peut donner la mort dans le but d’empoisonner une victime peut être qualifié de commencement d’exécution au sens de l’article 121-5 du Code pénal, donc on peut envisager de poursuivre ici l’individu pour tentative d’empoisonnement.
- Lorsque l’impossibilité est absolue, on administre une substance dans le but de tuer mais cette substance, par hypothèse, ne peut jamais être mortelle. Dans ce cas-là, il n’y a pas empoisonnement consommé, on se situe dans une hypothèse où la qualification elle-même est impossible. Il n’y a aucune matérialité, pas de commencement d’exécution, il y a qu’une intention. La tentative est inconcevable ici.
L’état de la jurisprudence et de la doctrine est plutôt d’envisager la définition de l’empoisonnement d’un point de vue objectif, en tenant compte éventuellement des circonstances mais indépendamment des particularités de la victime. Beau droit, sauf que la Cour de cassation adapte à la réalité quotidienne. Elle va malgré tout appliquer à la contamination intentionnelle par voie sexuelle du VIH une qualification qui n’est pas l’empoisonnement mais l’administration de substances nuisibles aggravées, depuis 2006. Or, le VIH n’est pas une substance seulement nuisible, c’est une substance qui est bien de nature à donner la mort. On choisit une qualification qui n’est pas la bonne intellectuellement mais qui, d’un point de vue social, est apparu plus souhaitable.
3) L’emploi ou l’administration de la substance
Deux méthodes d’analyse, que l’on peut qualifier d’objective et de subjective.
- Approche objective
On qualifie le mot d’administration en lui-même : administrer une substance revient à faire pénétrer la substance dans l’organisme de la victime. Dès lors qu’il n’y a pas de pénétration de la substance dans la victime il n’y a pas administration. Mais le mode d’administration est très variable : piqure, nourriture, gaz, … et même relation sexuelle.
- Approche subjective
On se demande si le texte d’incrimination, à travers les termes employés, indique qualifier l’auteur. L’infraction d’empoisonnement a permis de distinguer plusieurs situations, plusieurs auteurs, ce qui a permis la distinction doctrinale entre auteur matériel et auteur moral. On peut dire que l’auteur d’une administration est celui qui physiquement fait pénétrer le produit dans le corps de la victime.
Ex : faire boire une boisson à une personne : on est auteur physique de l’acte d’administration. Mais on peut dire que c’est la victime qui ingère le produit, et donc on n’est pas l’auteur de l’acte d’administration car c’est la victime qui s’administre la substance elle-même. Mais le texte vise aussi le mot emploi. En tendant la boisson à la victime, on lui tend le poison, on l’emploi. En partant de la constatation qu’on est rarement l’auteur direct, s’est posée la question connexe de savoir si l’administration par l’intermédiaire d’un tiers autre que la victime permet-elle de qualifier l’auteur. De ce point de vue on ne raisonne plus sur l’auteur physique mais sur l’auteur intellectuel ou moral.
Ex : une personne remet un poison à un tiers pour qu’il l’administre à la victime. Peut-on dire que celui qui remet un poison à un tiers est auteur d’un acte d’administration ? La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur cette question. Permis d’identifier une hypothèse d’instigation, distingue selon que le tiers est de bonne ou mauvaise foi.
- Tiers de bonne foi, il ne connait pas la nature de la substance qu’il remet à la victime. Dans ce cas-là ce tiers de bonne foi ne peut pas être qualifié d’auteur d’un acte punissable car l’infraction fait défaut, il n’a pas connaissance du caractère mortel de la substance. On peut dans ce cas atteindre l’instigateur en tant qu’auteur. C’est l’intérêt de la théorie de l’auteur moral, pouvoir atteindre une personne en tant qu’auteur. On se le permet car le texte d’incrimination le permet, il est suffisamment compréhensif, il vise l’emploi et l’administration pour admettre que celui qui remet un poison à un tiers de bonne foi est auteur d’un emploi ou d’une administration.
- Tiers de mauvaise foi, il sait que le poison est dans le verre et le remet consciemment à la victime. Il devient auteur matériel d’un acte d’administration d’une substance de nature à donner la mort. Pour atteindre celui qui a remis le poison, on peut envisager deux situations :
- il est coauteur d’un empoisonnement mais pas tout à fait du même acte que le tiers. Le tiers serait auteur d’un acte d’administration et l’instigateur serait auteur d’un acte d’emploi. Ce n’est pas la solution de la jurisprudence.
- Elle va poursuivre l’instigateur en tant que complice. C’est ce que propose certains auteurs classiques en prenant appui sur de la jurisprudence ancienne, que l’on peut interpréter parfois différemment. C’est un complice par fourniture de moyens.
Donc l’empoisonnement est un emploi ou une administration, portant sur une substance objectivement mortifère, de nature à donner la mort. On est donc a priori dans le cadre d’une infraction formelle.
4) Le résultat
C’est une infraction formelle. Par raccourci, certains auteurs disent que nous sommes face à une infraction sans résultat. Ca ne traduit pas assez subtilement la réalité. Il y a, même dans les infractions formelles, un résultat. Ce résultat, c’est ce que l’on appelle le résultat matériel, qu’il convient de distinguer du résultat juridique.
Le résultat matériel est la conséquence matérielle immédiate de l’acte d’exécution. Raisonnement sur l’empoisonnement : l’acte est l’administration, ça suppose que la victime ingère. Le résultat matériel, la conséquence immédiate de l’administration est que le poison commence à produire ses effets dans le corps de la victime. Ce résultat est évidemment une composante de l’infraction consommée. Il n’y a d’empoisonnement consommé (dans tous ses éléments constitutifs) que si la victime a bien été empoisonnée.
En revanche, le résultat juridique est l’atteinte effective à la valeur protégée. L’empoisonnement est une infraction se situant dans le livre II du titre II chapitre 1 : des atteintes à la vie. Le résultat juridique de cette infraction, la valeur protégée, est la vie humaine. La mort d’autrui dans cette infraction n’est pas une composante de l’infraction. C’est pour ça que l’on dit que l’infraction est formelle. Lorsqu’on analyse l’enchainement des évènements, il faut distinguer l’acte d’administration, qui suppose l’ingestion du produit par la victime, c’est l’ingestion qui consomme l’acte d’administration. La conséquence immédiate de cet acte d’administration est l’empoisonnement (résultat matériel). L’empoisonnement peut entrainer la mort d’autrui (résultat juridique).
Les éléments constitutifs sont donc l’acte d’administration et le résultat matériel. Mais la mort est en dehors de ces éléments constitutifs. C’est important de distinguer parce que, s’agissant d’un crime, la tentative d’empoisonnement est toujours punissable. Or, dans la tentative, il faut distinguer entre ce qui constitue un acte préparatoire et ce qui constitue un commencement d’exécution. Le commencement d’exécution c’est l’acte qui tend directement et immédiatement (jurisprudence) à la production du résultat que l’incrimination veut prévenir.
De là une observation : on peut dire qu’il y a commencement d’exécution lorsque l’acte d’administration est accomplie mais que la victime, pour une raison, n’est pas empoisonnée, car l’acte d’empoisonnement tend directement et immédiatement à l’empoisonnement. On commet donc une tentative d’empoisonnement dans ce cas.
Mais peut-on considérer qu’une personne qui emploi un produit, une substance, qui ne conduit pas à un empoisonnement, en est déjà au stade du commencement d’exécution ? C’est le cas posé en jurisprudence d’une personne qui va polluer une rivière volontairement ou qui va jeter dans un puits une substance mortelle, sauf que personne ne va boire d’eau du puits avant de s’apercevoir qu’il est empoisonné. Il n’y a pas acte d’administration mais acte qui se situe en amont. La jurisprudence considère que ce n’est pas qu’un acte préparatoire mais déjà un commencement d’exécution. Elle a raison car un commencement d’exécution est un commencement de l’acte d’administration. Si la victime ne boit pas l’eau du puits, c’est un événement qui est indépendant de la volonté de l’auteur. On peut envisager plusieurs hypothèses :
- Utilisation d’un poison mal dosé, impossibilité d’empoisonner qui tient à un événement relatif.
- Lorsqu’un produit est administré à une victime, mais que celle-ci ne va pas l’ingérer, alors que ce produit lui avait été proposé par un tiers de bonne foi.
Peut-on rechercher la responsabilité de celui à l’origine de a situation, qui a remis le poison au tiers de bonne foi ? Dans ce cas-là, l’instigateur peut être condamné pour tentative d’empoisonnement, puisque, il y a commencement d’exécution selon Crim., 2 juillet 1886 : la remise d’un poison contenant un breuvage empoisonné à un tiers constitue un commencement d’empoisonnement. La mort n’est donc pas une composante de l’infraction (résultat juridique) mais que malgré tout il y a bien un résultat dans l’empoisonnement, le résultat matériel. De plus la tentative de l’empoisonnement est punissable.
Paragraphe 2 : L’élément moral
Source de difficultés, et d’une jurisprudence contestable. Apparemment, c’est simple. C’est un crime, article 121-3 du Code pénal : les crimes sont intentionnels donc il faut analyser l’intention au regard des éléments décrits par les textes d’incrimination : a priori pour qu’il y ait intention dans l’empoisonnement il faut avoir la volonté de l’acte et la volonté du résultat. Principe de concordance entre l’élément moral et l’élément matériel.
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La volonté d’administrer la substance mortifère
Donc on peut définir le dol dans cette infraction en disant que pour être punissable l’auteur doit avoir eu la volonté d’administrer une substance de nature à donner la mort dans le but d’empoisonner autrui. De manière plus simplifiée, l’intention dans l’empoisonnement est la volonté d’administrer une substance mortifère en connaissance de cause.
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La volonté de résultat
Ça n’a pas posé de difficultés pendant longtemps, jusqu’à l’affaire du sang contaminé. Dans cette affaire nationale importante, qui a donné lieu à plusieurs procédures, mettant en cause des médecins, les directeurs du centre national de transfusion sanguine et des ministres. La question était la suivante : années 80, période où on identifie une nouvelle maladie : le VIH, dont on sait que cette maladie peut avoir un effet mortel, mais on est juste au début des conclusions scientifiques. Le centre national de transfusion sanguine est confronté à la question suivante : il y a des stocks de sang, et il semble que certains stocks soient contaminés. Le problème est qu’il est difficile d’identifier les stocks contaminés d’une part et d’autre part si on arrive à les identifier et qu’on les met de côté, on prend un risque sanitaire et médical important car on aura plus assez de sang pour faire face à toute la demande en France. On met en danger la vie humaine. La décision va être prise de prendre le risque de malgré tout utiliser ce sang. A la suite de transfusions sanguines, des personnes seront contaminés.
A partir de là, les procédures sont orientées d’abord vers le délit de tromperie (existe depuis 1905), que l’on trouve dans le Code de la consommation, qui consistait à retenir une qualification de tromperie, c’est-à-dire le fait de fournir à ne personne un produit en le trompant sur les qualités substantielles du produit. On se demande si finalement on ne peut pas envisager l’empoisonnement. La cour de cassation va avoir l’occasion de se prononcer une première fois sans comprendre très bien sa réponse : Crim 22 juin 1994 et Crim., 2 juillet 1998, elle va censurer une chambre d’accusation qui avait renvoyé le prévenu devant une Cour d’assises, au motif que « la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance incriminée ne suffit pas à caractériser l’intention d’homicide ». Cette formule est ambiguë. D’abord elle semble dire que l’intention de tuer est une composante de l’empoisonnement. Ensuite, elle dit qu’on peut administrer une substance dont on connait le caractère mortel sans l’intention de tuer. C’est paradoxal. La discussion était ouverte en doctrine et jurisprudence. Crim., 18 juin 2003 : règle la question. Retient que les médecins qui ont prescrit l’administration de produits sanguins ne sont pas responsables d’empoisonnement, qu’en effet « le crime d’empoisonnement ne peut être caractérisé que si l’auteur a agi avec l’intention de donner la mort, élément moral commun à l’empoisonnement et aux autres crimes d’atteinte volontaire à la vie de la personne ». Cette formule est claire. D’abord, on constate que la Cour de cassation considère que l’empoisonnement est un meurtre particulier. Or, c’est inexact car la différence entre le meurtre et l’empoisonnement est que le second ne prend pas en compte comme élément constitutif la mort d’autrui. Comme l’empoisonnement est un meurtre, il suppose l’intention de tuer. Or, les médecins qui ont pris un risque en utilisant des stocks de sang contaminé n’avaient pas l’intention de tuer leurs patients mais ils voulaient utiliser le sang pour les sauver. L’intention de tuer n’est donc pas caractérisée donc exit les poursuites d’empoisonnement.
Mais dans ce cas on peut dire la même chose s’agissant de toutes les situations dans lesquelles il y a simplement une prise de risque. Ça correspond à l’hypothèse de contamination volontaire par voie sexuelle du VIH, il n’a pas l’intention de tuer. De même ceux qui vont dans des chaines alimentaires prendre le risque d’utiliser des produits dont le risque sanitaire 0 n’est pas établis, ils prennent le risque mais n’ont pas l’intention de tuer. De cette solution, on fait de l’empoisonnement une infraction qui n’a plus d’intérêt. Il s’agit en réalité d’une erreur d’interprétation de ce qu’est un attentat. En vérité le problème aurait dû être pris dans sa globalité, c’est-à-dire d’abord en se demandant ce qu’est l’élément matériel de l’infraction puis l’élément moral. Or, on s’intéressait qu’à l’intention.
Qu’est-ce que l’élément matériel de l’empoisonnement ? Il faut se demander si une prise de risque est un comportement qui est envisagé par l’élément matériel de l’empoisonnement. Ici, à la vérité, il y a plusieurs situations à distinguer, qui correspondent à des mises en danger de la vie d’autrui. Celui qui met sur le marché un produit mortel a un comportement qui peut s’apparenter à ce qui est prévu par le texte d’incrimination qui dit qu’il faut employer ou administrer une substance de nature à donner la mort.
Lorsqu’on met sur le marché un produit dont on connait le caractère mortifère, on emploi pas une substance de nature à donner la mort ? Il semble que si. La personne qui met sur le marché un produit contenant une substance à caractère mortifère est caractéristique de l’infraction d’empoisonnement. Si la mort d’autrui est hors de l’infraction d’empoisonnement, on ne peut pas dire que l’absence de mort n’entraine pas l’empoisonnement. Celui qui met sur le marché un produit dont il connait le caractère mortel a bien l’intention requise par le texte d’incrimination. Cette question ne s’était jamais posée avant, on avait jamais pu observer d’hypothèse sociale où il fallait distinguer volonté d’administrer une substance à caractère mortelle et l’intention de tuer. L’intérêt de ces phénomènes sociaux est de montrer qu’on peut avoir la volonté du premier élément mais pas du second. Il faut s’intéresser au droit positif : prise de risque, l’empoisonnement est hors-jeu. Il faut se tourner vers une autre infraction.