L’encadrement des droits et libertés
Article 4 de la DDHC de 1789 qui énonce que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. Aucune liberté ne peut être absolue et que des modalités de restriction et d’encadrement de ses libertés sont envisageables sous certaines conditions. Ces régimes d’encadrement vont varier, on peut ainsi distinguer selon que l’on se situe dans des circonstances ordinaires ou dans des circonstances exceptionnelles.
A. Les différents régimes d’encadrement des libertés : régimes de droit commun
Les droits et libertés fondamentaux sont reconnus dans des termes généraux, que ce soit dans les instruments internationaux de protection des Droits de l’Homme ou dans les constitutions étatiques. Par conséquent l’adoption de textes nouveaux est nécessaire pour en préciser le contenu et la portée.
Le rôle de la loi parmi ses textes, dans la réglementation des libertés : la loi est vu comme l’expression de la volonté général (article 6 DDHC), c’est à elle que la déclaration confie (article 4) la fonction d’encadrement de la liberté. Dans la Constitution de 1958, le constituant innove en encadrant, définissant le domaine de la loi, et d’après l’article 34 il est prévu que la loi fixe les règles … des libertés publiques. Dans l’esprit du constituant l’aménagement des libertés publiques est envisagé comme étant le résultat d’un débat démocratique qui se tient au sein des hémicycles des assemblées.
Il y a aussi les garanties apportées par le Conseil Constitutionnel, qui en tant que juge de la loi, a précisé que la loi ne pourra réglementer l’exercice d’une liberté publique que pour le rendre plus effectif (CC 10 octobre 1984 Entreprise de presse). Aujourd’hui, la formulation de 1984 a quelque peu été modifiée. Maintenant, le Conseil Constitutionnel affirme que le législateur peut modifier un texte législatif antérieur concernant un droit ou une liberté mais « ne doit pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles » (CC 16 août 1993 maitrise de l’immigration).
Il revient au pouvoir réglementaire d’exécuter les lois relatives aux droits fondamentauxen cas de carence du législateur. S’il n’est pas intervenu pour réglementer la liberté en cause, la Juge Administratif considère à défaut, que le règlement pouvait intervenir.
3 régimes généraux de protection, d’encadrement des Droits et Libertés, du plus restrictif ou au plus libéral.
- Fiche Grand Oral de libertés fondamentales
- Le rôle des AAI dans la protection des libertés
- La protection des libertés par la CEDH et l’ONU
- Le rôle du juge dans la protection des droits fondamentaux
- Droits de la défense, Droit au juge et délai raisonnable
- Comment concilier 2 libertés contradictoires ?
- Comment concilier droits individuels et intérêt collectif ?
Dans les deux premiers, le titulaire du droit qui souhaite exercer ce droit doit auparavant accomplir un certain nombre de formalités destinées à permettre aux pouvoirs publics, le cas échéant, d’intervenir afin de prévenir les inconvénients possibles de l’exercice du droit en question. —> Caractère plus ou moins contraignant de ses formalités.
Le régime préventif de l’autorisation : c’est le régime le plus restrictif puisque l’individu n’est pas libre d’exercer immédiatement son droit. Ce régime met en place un mécanisme de contrôle a proprio de l’exercice du droit ou de la liberté. L’exercice du droit ou de la liberté est soumis à une autorisation préalable donnée par l’administration. Ex : la liberté cinématographique : cette liberté est soumise à un régime d’autorisation préalable avec la procédure de visa d’exploitation, accordé par le Ministre de la Culture.
On estime qu’il peut y avoir des difficultés à l’exercice de cette liberté, ça justifie le fait de soumettre cette liberté à un régime d’autorisation préalable. Pour la liberté cinématographique : risque pour la morale publique. Aussi liberté d’aller et venir soumise à l’acceptation d’une autorisation qui correspond à l’examen du permis de conduire.
Le régime de la déclaration préalable : régime intermédiaire en vertu duquel l’administration est informé de l’exercice d’une liberté mais elle n’a pas de pouvoir de décision sur cet exercice. L’individu doit faire une déclaration à l’autorité administrative réisant l’objet des modalités de son projet. L’intérêt de cette information est d’être information des modalités et de pouvoir prendre des mesures (contrôler, informer les tiers) pour réduire les effets négatifs.
Ex :la liberté d’association régie en vertu d’une loi de 1920. La constitution d’une association : il faut faire une déclaration auprès du préfet qui est tenu de délivrer le récépicé une fois les formalités établies. Même si l’association paraît avoir un objet illicite le préfet ne peut pas ne pas délivrer le récépicé. Le ministre de l’intérieur de l’époque avait proposé un projet de loi destiné à soumettre l’ancien régime non lus à la simple déclaration mais au régime d’autorisation. Le Conseil Constitutionnel est intervenu le 7 juillet 1971 et a estimé que la loi était contraire au PFRLR de la liberté d’association.
Autre exemple : « les rêves party » : il faut faire une déclaration auprès du préfet en vertu d’un texte de 2001 qui peut suspendre la délivrance de récépicé le temps de vérifier les bonnes conditions de déroulement de l’évènement.
Le régime répressif : le plus libéral car seul l’exercice abusif du droit ou de la liberté va être sanctionné. Le contrôle peut intervenir a posteriori, si exercice abusif il peut y avoir sanction. Ex : la liberté de réunion, s’il y a un débordement, ça pourra être sanctionné. Liberté d’aller et venir : si le cycliste ne respecte pas un certain nombre de règles posées par la loi (code de la route), il pourra être sanctionné.
Quand la période est troublé (guerre, crise, révoltes), il peut être tentant pour les gouvernants de mettre entre parenthèses les Droits et Libertés pour garantir sécurité de la population. Effectivement dérogations aux règles de droit commun sont admises dans ses circonstances mais ce n’est pas sans danger.
B. Les règles exceptionnelles : affaiblissement des droits et libertés
3 situations à distinguer en droit interne.
1. Article 16 de la Constitution
En 2008, il est réformé ; un alinéa a été ajouté aux termes duquel il est prévu qu’après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par le président du Sénat, de l’Assemblée Nationale, 60 députés ou 60 sénateurs pour qu’il vérifie que les conditions de mise en œuvre de l’article 16 sont toujours réunis. Le Conseil Constitutionnel se prononce dans un avis public. Cet examen du Conseil Constitutionnel est de plein droit au bout de 60 jours.
Cet article 16 confère les pleins pouvoirs au Président de la république : il dispose du pouvoir législatif, du pouvoir réglementaire, pouvoir exécutif voire pouvoir juridictionnel —> source de dangers pour les libertés individuelles. Disposition constitutionnelle utilisé en 1975 par le président De Gaulle en raison du putsch des généraux en Algérie et a permis la mise ne place d’une justice militaire d’exception. On s’est rendu compte que certains pouvoirs avaient été maintenu au-delà des événements, le putsch se termine en juin mais l’article 16 sera utilisé jusqu’en septembre.
2. L’état de siège : article 36 de la Constitution
L’article 36 porte sur l’état de siège, décidé par le Président par un décret pris en Conseil des ministres. Dans cette hypothèse, cet état est décidé en cas de péril imminent qui résulterait d’une guerre étrangère ou d’une insurrection. Au-delà de 12 jours, il faut qu’il soit prorogé par le Parlement. L’Etat de siège a pour effet de transférer les pouvoirs conférés aux autorités civiles aux militaires. L’autorité militaire va disposer de prérogatives exorbitantes, de pouvoirs de police renforcés, possibilité d’interdire les réunions, les publications, de faire des perquisitions. La compétence des tribunaux miliaires est aussi étendue. Cet état de siège existait avant la Constitution de 1958, utilisé en 1914 et 1939.
3. L’état d’urgence
- En droit français
Loi du 16 avril 1955 prévoit cet état d’urgence, déclaré par décret du PR en conseil des ministres sur tout ou partie du territoire nationale. Dans l’hypothèse où il y a un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ou alors en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique (catastrophes naturelles). Au-delà de 12 jours, pour être prorogé il faut l’intervention du Parlement. Lorsqu’il est déclaré, les pouvoirs des préfets, des départements qui seraient concernés seront renforcés. Ils vont pouvoir adopter des couvre-feux etc. Le ministre de l’Intérieur voit aussi son pouvoir renforcé. Pouvoirs de police sont renforcés.
Il a été appliqué en Algérie en 1955 pendant 6 mois, plus récemment en Nouvelle Calédonie au moment des mouvements indépendantistes forts en 1985 et en métropole en 2005 suite à l’embrasement de certaines banlieues. Un décret début 2006 a mis fin à l’état d’urgence.
Arrêt CE 24 mars 2006 Rolin : le décret déclarant l’état d’urgence, n’est pas un acte de gouvernement par conséquent le Recours en excès de pouvoir est possible. Il a été ratifié par une loi puisqu’il a été prorogé. Donc le Juge Administratif considère qu’il a valeur législatif et donc le texte échappe à son contrôle. Décret du 1er ministre qui met en œuvre l’état d’urgence, là le Conseil d’Etat exerce le contrôle et considère que comme ce décret prévoit des mesures limitées dans l’espace et dans le temps, les mesures prévus par le 1er ministre sont justifié au regarde la loi de 1965. Ces mesures ne sont pas contraires à la CEDH qui dans son article 15 permet aux états membres sous certaines conditions de suspendre leurs engagements européens.
- En droit européen
Article 15 de la CSDHLF : «En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international». S’y ajoutent des règles formelles, puisque le secrétaire général du conseil de l’Europe doit être pleinement informé par l’Etat des mesures prises et des motifs qui les ont inspirés.
Cette information est obligatoire mais ce sont bien les autorités nationales qui vont apprécier le danger public, qui menaceraient la nation, sous le contrôle du juge européen (la cour européenne effectue un contrôle sur le respect des conditions de l’article 15 par l’Etat membre) la cour en tant que gardienne de la CEDH apprécier la nécessité de la dérogation et la proportionnalité des mesures.
Arrêt de la CEDH 1er juillet 1961 Lawless/Irlande ; dans cet arrêt la cour opère un contrôle strict de l’application par un Etat de l’article 15 en affirmant que l’Etat ne peut invoquer cet article 15 que si il y a un danger public mais que ce danger public doit être entendu comme une situation de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui affecte l’ensemble de la population et constitue une menace pour la vie de la communauté. Cet arrêt interprète l’article 15 et montre que les conditions posés à l’article 15 sont extrêmement sévères.
Il y a des droits intangibles en droit européen. Ces situations sont possibles y compris en droit européen des Droits de l’Homme mais ses droits ne peuvent fairel’objet d’aucune dérogation même dans ses circonstances aussi exceptionnelles que la guerre. Il s’agit de droits que l’article 15§2 de la Convention EDH énumère : droit à la vie (article 2), interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants (article 3), interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail forcé (article 4), principe de la légalité des délits et des peines avec la règle de la non rétroactivité (principes de la loi pénale). Droits intangibles pour lesquels les Etats ne peuvent pas déroger.
En dehors de ses droits intangibles, on a de nombreux droits et libertés dans la convention européenne qui peuvent faire l’objet sous certaines conditions de limitations même en dehors des cas exceptionnels.