Ententes et abus de position dominante en droit sénégalais

Ententes et abus de position dominante en droit sénégalais (OHADA)

En principe, le commerçant a le libre choix de sa méthode de distribution. L’innovation, ici, a été fructueuse. A côté des méthodes traditionnelles, on peut citer la vente en libre-service inspirée des méthodes américaines, la vente à distance (vente par correspondance, sur catalogue, par téléphone, par téléachat) qui pose le problème du moment de la formation du contrat et la vente au domicile d’hôtesses pratiquée pour les articles ménagers ou les produits de beauté.

Cependant, les pouvoirs publics ont dû intervenir d’abord pour empêcher les méthodes de distribution qui risqueraient de fausser, voire de supprimer le libre jeu de la concurrence, ensuite pour réglementer des méthodes considérées comme déloyales à l’égard des concurrents et enfin pour contrôler les méthodes dangereuses pour les consommateurs (qui ne fera pas partie de notre étude).

 

La loi sénégalaise n° 94-63 et le règlement de l’UEMOA sur les pratiques anticoncurrentielles ont regroupé un certain nombre de règles qui sanctionnent des méthodes de vente portant atteinte à la concurrence (on les qualifie de pratiques restrictives). La plupart de ces pratiques auraient pu être sanctionnées comme des ententes, des abus de position dominante ou encore comme des exploitations abusives d’un état de dépendance économique. Mais, prenant en compte le fait que les pratiques concernées peuvent être individuelles, et non seulement collectives, relevant alors du conseil de la concurrence, le législateur a préféré prendre des dispositions particulières, à cheval sur le droit de la distribution et le droit de la concurrence. Ce cours se limitera cependant à l’étude du respect de la concurrence dans les méthodes de distribution.

On distingue deux types de pratiques anticoncurrentielles :

— les pratiques anticoncurrentielle individuelles () étudié sur ce lien: https://cours-de-droit.net/pratiques-anticoncurrentielles-droit-senegalais/

— Les pratiques anticoncurrentielles collectives (étudié ici) comme, par exemple :

  • Les ententes anticoncurrentielles : il s’agit d’accords entre entreprises pour fixer les prix, partager les marchés ou limiter la production.
  • Les abus de position dominante : il s’agit de comportements de la part d’une entreprise ayant une position dominante sur un marché qui peuvent détourner la concurrence loyale.

Seront étudiés ici : les actions illicites sur les prix, les ententes et les abus de position dominante et de dépendance économique.

  • I- Les actions illicites sur les prix

Le législateur met ici en place une véritable législation antitrust. Les actions illicites sur les prix sont les faits faux ou calomnieux semés sciemment dans le public, les offres jetées sur le marché à dessein de troubler les cours, les sur-offres faites aux prix demander par le vendeur, les voies et moyens frauduleux quelconques qui, directement ou par personne interposée, opèrent ou tentent d’opérer la hausse ou la baisse artificielle du prix des denrées, ou marchandises, ou des effets publics ou privés.

  • II- Les ententes et les abus de position dominante et de dépendance économique

Nous allons voir d’abord les ententes avant d’appréhender les abus de position dominante et de dépendance économique.

  • a) Les ententes prohibées

Toutes les ententes ne sont pas prohibées. Cette affirmation se justifie notamment dans le cadre de la distribution commerciale intégrée qui compte de véritables ententes non prohibées (exemple : franchise et concession respectant les dispositions relatives à la réglementation de la concurrence).

L’entente est une action concertée qui suppose une pluralité de partenaires. L’absorption d’une société par une autre est une opération de concentration, réglementée elle aussi mais, ce n’est pas une entente en ce sens qu’elle est assimilée à une position dominante.

Peu importe la forme juridique de l’entente, il peut s’agir d’un véritable contrat (société en participation, syndicat professionnel, groupement d’intérêt économique) d’un accord écrit ou d’une convention tacite, mais, ce qu’appréhende le législateur, c’est une situation de fait.

L’entente n’a pas de domaine précis. Elle peut être en matière de production ou de distribution de biens, produits, services, crédit relevant aussi bien du secteur civil que du secteur commercial, aussi du secteur public que du secteur privé.

L’entente suppose une répétition et non un acte isolé.

La mauvaise entente, l’entente prohibée est celle qui a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché en tendant à :

  • limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;
  • faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
  • limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
  • répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement

L’article 24 de la loi 94-63 interdit toute action, convention, coalition, entente expresse ou tacite ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le libre jeu de la concurrence. Or, dès l’instant que la concession est organisée en réseau, surtout lorsque que le concédant dispose de plusieurs concessionnaires, n’y a-t-il pas lieu de considérer ce réseau comme une entente tombant sous le coup de la prohibition dès lors qu’elle peut conduire à des effets néfastes sur les prix ? Il convient dont d’apprécier le bilan économique de l’entente pour voir si elle peut bénéficier d’une exemption.

La concession et la franchise constituent des ententes ; l’on s’en aperçoit en analysant l’organisation de ces réseaux de distribution. Mais, elles ne constituent pas pour autant prohibées. Elles le sont dès qu’elles portent atteinte au libre jeu de la concurrence par exemple en cas d’entente sur les prix. Il s’agit là d’ententes verticales

L’entente peut également être prohibée hors réseau de distribution. L’entente est donc horizontale[58]

  • b) Les abus de position dominante et de dépendance économique

Comme les ententes, la position dominante et la dépendance économique ne sont pas sanctionnées car elles résultent d’une situation économique. Ce qui est sanctionné, c’est l’abus qui est faite de l’état de position dominante ou dans l’exploitation de l’état de dépendance économique.

En effet, la position dominante est le fait d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises. Ce n’est pas la domination en elle-même qui est réprimée, mais son abus, lorsque le fonctionnement normal du marché ou d’une partie substantielle de ce marché est faussé[59]. Le critère d’abus est donc qualitatif et non quantitatif. Le domaine d’élection des abus de position dominante est celui des réseaux de distribution et des pratiques discriminatoires de ventes.

Par ailleurs, est considérée comme abusive l’exploitation de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve, à l’égard de l’entreprise dominante, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente.

 

[58] Exemple : Cour d’appel de Paris, 21 septembre 2004 sanctionnant les sociétés Noblet commercialisant les produits de marque Casio et Texas Instruments détenant ensemble plus de 89% du marché des calculatrices à usage scolaire pour une entente horizontale réalisée par des échanges d’informations sur leurs prix et leur stratégie commerciale.

[59] Exemple : Décision du conseil français de la concurrence en date du 21 juillet 2004 ayant sanctionné le groupe Decaux qui détenait une position dominante sur le marché de la fourniture de mobilier urbain publicitaire aux collectivités territoriales au plan national, sa part de marché étant de l’ordre de 80% pour abus de position dominante constitué par la mise en œuvre de pratiques d’obstruction au remplacement d’une partie des mobiliers urbains dans l’agglomération de Rennes au-delà de l’échéance de son contrat et après avoir perdu le marché correspondant au profit de la société More group France (petite entreprise qui vient d’entrer sur le marché), la réalisation de campagnes publicitaires gratuites et la prise en charge des frais de fabrication d’offres et les offres discriminatoires faites aux annonceurs concernant la ville de Rennes.